- Adolf Hitler
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Adolf Hitler Adolf Hitler, en 1937.Mandats Führer 2 août 1934 – 30 avril 1945 Élection Par intérim suite à la mort de Paul von Hindenburg Chancelier lui-même Gouvernement Cabinet Hitler Prédécesseur Paul von Hindenburg
comme présidentSuccesseur Karl Dönitz
comme président14e chancelier du Reich
(24e chancelier d'Allemagne)30 janvier 1933 – 30 avril 1945 Président Paul von Hindenburg puis lui-même Gouvernement Cabinet Hitler Prédécesseur Kurt von Schleicher Successeur Joseph Goebbels Biographie Date de naissance 20 avril 1889 Lieu de naissance Braunau am Inn (Autriche-Hongrie) Date de décès 30 avril 1945 (à 56 ans) Lieu de décès Berlin (Allemagne) Nationalité autrichienne jusqu’au 7 avril 1925[1]
allemande à partir du 25 février 1932Parti politique NSDAP Conjoint Eva Braun
Présidents de la République de Weimar
Chancelier d'Allemagnemodifier Adolf Hitler, né le 20 avril 1889 à Braunau am Inn en Autriche (alors en Autriche-Hongrie) et mort par suicide le 30 avril 1945 à Berlin, est un homme politique allemand, fondateur et figure centrale du nazisme, instaurateur de la dictature totalitaire désignée sous le nom de Troisième Reich (1933-1945).
Porté à la tête de l’Allemagne par le Parti national-socialiste des travailleurs allemands (NSDAP) qu’il reprend en 1921, il devient chancelier du Reich le 30 janvier 1933, puis se fait plébisciter en 1934 comme président, titre qu’il délaisse pour celui de Führer (« guide »). Sa politique expansionniste est à l'origine du volet européen de la Seconde Guerre mondiale, pendant lequel il fait perpétrer de très nombreux crimes contre l’humanité, dont la Shoah reste le plus marquant.
L’ampleur sans précédent des destructions, des pillages et des crimes de masse dont il est le responsable, tout comme le racisme radical singularisant sa doctrine et l'inhumanité exceptionnelle des traitements infligés à ses victimes lui ont valu d'être considéré de manière particulièrement négative par l'historiographie, par la mémoire collective et par la culture populaire en général. Son nom et sa personne font généralement figure de symboles répulsifs[N 1].
Jeunes années
Origines et enfance
Article détaillé : Généalogie d'Adolf Hitler.Adolf Hitler naît le 20 avril 1889 à Braunau am Inn, une petite ville de Haute-Autriche près de la frontière austro-allemande dans l’auberge Gasthof zum Pommer, Vorstadt Nr. 219.
Il est le quatrième des six enfants d’Alois Hitler et de Klara Pölzl. La plupart des enfants meurent en bas âge ; seule sa sœur cadette Paula († 1960) lui a survécu.
Alois Hitler, le père d’Adolf, est douanier. Né hors mariage le 7 juin 1837, Alois porte d’abord le nom de famille de sa mère, Maria Anna Schicklgruber, mais le 6 juin 1876, il est légitimé par le mari de sa mère, et obtient un an plus tard le droit de porter le nom « Hitler ». Adolf n’utilisa jamais d’autre patronyme, et « Schicklgruber » ne resurgit que plus tard chez ses opposants politiques.
L’arbre généalogique d’Adolf Hitler laisse cependant planer de fortes suspicions de consanguinité. L’incertitude relative à ses origines n’est pas sans conséquence. Ainsi après l’Anschluss en 1938, il fait détruire Döllersheim, le village natal de son père, en le transformant en champ de tir.
L’enfance d’Adolf se passe sous la stricte discipline d’un père âgé, fonctionnaire retraité dès 1895. Le 3 janvier 1903, son père meurt, suivi le 21 décembre 1907 par sa mère, qui succombe à un cancer du sein.
Élève médiocre à partir de son entrée à la Realschule (lycée) de Linz, où il croise la route du futur philosophe d'origine juive Ludwig Wittgenstein[2], Hitler refuse déjà de suivre la voie paternelle.
Bohème à Vienne : les années de formation décisives (1908–1913)
Devenu orphelin, vivant d’une petite bourse d'étude, il échoue par deux fois à l’examen d’entrée de l’Académie des Beaux-Arts de Vienne en 1907 et le 8 octobre 1908. Une rumeur récurrente prétend que Hitler était seulement peintre en bâtiment ; une caricature féroce de Sennep a peut-être contribué à ancrer la légende. Il a en fait laissé des aquarelles, estimées au nombre de 2 000, certes sans génie particulier, mais qui témoignent, au moins, du fait qu’il était capable d’en peindre et qu’il possédait en tout cas de très bonnes bases dans cette technique. En revanche, pendant ses années de « galère » après avoir échoué à l’examen d’entrée aux Beaux-Arts, Hitler occupa un emploi de manœuvre, comme il l’a mentionné dans Mein Kampf.
Autodidacte, grand lecteur[3], et admirateur inconditionnel de la musique de Richard Wagner, tout comme son ami August Kubizek, il développe un intérêt profond pour l’architecture. Il vit de ses peintures, surtout des aquarelles, enchaîne les petits boulots, vivant dans une vie de bohème et de misère constante durant cinq ans, poussant même jusqu'à la mendicité, selon le témoignage notamment de Reinhold Hanisch[4],[5]. Plus tard, dans Mein Kampf, il écrit :
« Cinq années pendant lesquelles je dus, comme manœuvre d’abord, ensuite comme petit peintre, gagner ma subsistance, maigre subsistance, qui ne pouvait même pas apaiser ma faim chronique. Car la faim était alors le gardien fidèle qui ne m’abandonna jamais, la compagne qui partagea tout avec moi. Chaque livre que j’achetai eut sa participation ; une représentation à l’opéra me valait sa compagnie le jour suivant ; c’était une bataille continuelle avec mon amie impitoyable. J’ai appris cependant alors comme jamais avant. Hors mon architecture, hors les rares visites à l’Opéra, fruit de mes jeûnes, je n’avais d’autre joie que des livres toujours plus nombreux. »
Adolf Hitler assiste aux séances du Parlement autrichien, il écrit plus tard son mépris pour la démocratie et le parlementarisme. Il étudie les thèses pangermanistes et observe l’influence de la politique sur les masses. Dans ce bastion de la social-démocratie autrichienne, il forge également son dégoût pour les doctrines marxistes.
C'est aussi pendant les années de Vienne que se forge son antisémitisme[réf. souhaitée], même si selon les conclusions de Ian Kershaw, il reste impossible de déterminer le moment exact et les raisons précises pour lesquelles Hitler est devenu antisémite. Il est acquis en effet que de son propre aveu, il n'était pas antisémite en arrivant à Vienne. Mais dans ce foyer de l'antisémitisme politique moderne, dirigé depuis 1897 par le maire populiste Karl Lueger, élu sur son programme foncièrement antisémite, Hitler a sûrement été largement influencé par l'abondante propagande antijuive qui circulait alors, à travers une foule de libelles, de caricatures, de journaux et de discours publics.
Au printemps 1913, pour éviter son enrôlement dans l’armée de l’Empire austro-hongrois, État multi-ethnique qu’il exècre, il s’enfuit à Munich et vit en vendant ses peintures de paysages. Sa tentative d’échapper à la conscription est remarquée, mais, après avoir été refusé lors d’un examen médical à son retour en Autriche (pour constitution « trop faible »), il retourne à Munich.
Engagé volontaire dans la Première Guerre mondiale
En 1914, exalté par l’entrée en guerre de l’Allemagne[6], Hitler s’engage comme volontaire. Il se bat sur le front ouest dans le 16e régiment d’infanterie bavarois. Soldat enthousiaste, il est apprécié de ses pairs et supérieurs, qui lui refusent toutefois un avancement, jugeant qu’il ne possède pas les qualités d’un chef. Il remplit pendant presque toute la durée de la guerre la mission d’estafette entre les officiers. Fin septembre 1916, sa division part pour la bataille de la Somme. Hitler est blessé une première fois à la cuisse, le 7 octobre. Il rentre se faire soigner en Allemagne, à l’hôpital de Beelitz, près de Berlin. Après une affectation à Munich, il revient sur le front des Flandres. Dans la nuit du 13 au 14 octobre 1918, sur une colline au sud de Wervicq, près d’Ypres (Belgique), son unité subit un bombardement britannique au gaz moutarde. Touché aux yeux, il est évacué vers l’hôpital de Pasewalk, en Poméranie. Hitler est décoré de la Croix de fer 1re classe (distinction rarement accordée à un soldat engagé mais facilement octroyée à une estafette, du fait de ses contacts avec les officiers) pour avoir accompli le dangereux transport d’une dépêche. Ironie de l'Histoire, cette décoration lui est remise sur recommandation d’un officier juif[7].
Alors que l’Allemagne est sur le point de capituler, la révolution gagne Berlin et la Kaiserliche Marine se mutine. Le Kaiser Guillaume II abdique et part pour les Pays-Bas avec sa famille. Le socialiste Philipp Scheidemann proclame la République. Deux jours plus tard, le nouveau pouvoir signe l’armistice de 1918.
De son lit d’hôpital, Hitler est anéanti par cette annonce. Il affirme dans Mein Kampf y avoir eu une vision patriotique, et d'avoir sur le coup « décidé de faire de la politique ».
Toute sa vie, Hitler adhéra au mythe du « coup de poignard dans le dos », diffusé par la caste militaire, selon lequel l'Allemagne n'aurait pas été vaincue militairement, mais trahie de l'intérieur par les Juifs, les forces de gauche, les républicains. Jusqu'à ses derniers jours, le futur maître du Troisième Reich resta obsédé par la destruction totale de l'ennemi intérieur. Il voulait à la fois châtier les « criminels de novembre », effacer novembre 1918, et ne jamais voir se reproduire cet évènement traumatique, à l'origine de son engagement en politique.
Le combat politique
Article détaillé : Chronologie de la République de Weimar.À sa sortie d’hôpital en novembre 1918, Hitler retourne dans son régiment de Munich. Plus tard, il écrira que la guerre avait été « le temps le plus inoubliable et le plus sublime »[8].
Hitler en 1919
Bien qu'Hitler ait écrit dans Mein Kampf avoir décidé de s'engager en politique dès l'annonce de l'armistice de 1918, il s'agit là surtout d'une reconstruction rétrospective. Comme le note Ian Kershaw, Hitler s'abstient encore de s'engager dans les premiers mois de 1919, ne songeant nullement par exemple à rejoindre les nombreux Corps francs — des unités paramilitaires formées par les anciens combattants d'extrême droite pour écraser les insurrections communistes en Allemagne puis la jeune République de Weimar elle-même. Sous l'éphémère République des conseils de Munich, il est resté discret et passif, et a probablement fait extérieurement allégeance au régime[9].
Depuis le 9 novembre 1918, la Bavière est en effet entre les mains d’un gouvernement révolutionnaire, la Räterepublik ou « République des conseils », proclamée par le socialiste Kurt Eisner et virant de plus en plus à gauche après l'assassinat de ce dernier début 1919. La propre caserne de Hitler est dirigée par un conseil. Dégoûté, Hitler quitte Munich pour Traunstein. Cependant, en 1919, alors que le pouvoir est hésitant entre communistes du KPD et sociaux-démocrates du SPD, il se fait élire délégué de sa caserne, une première fois lorsque le pouvoir en Bavière est aux mains du SPD, puis une seconde fois en tant que délégué adjoint sous l’éphémère régime communiste (avril-mai 1919), juste avant la prise de Munich par les troupes fédérales et les Corps francs. Il n'a pas cherché à combattre ces régimes, sans pour autant avoir adhéré à aucun de ces partis, et il est probable que les soldats connaissaient ses opinions politiques nationalistes[10],[11].
Hitler reste théoriquement dans l’armée jusqu’au 31 mars 1921. En juin 1919, alors que la répression de la révolution fait rage en Bavière, son supérieur, le capitaine Karl Mayr[12], le charge de faire de la propagande anticommuniste auprès de ses camarades. C'est au cours de ses conférences parmi les soldats qu'Hitler découvre ses talents d'orateur et de propagandiste, et que pour la première fois, un public se montre spontanément séduit par son charisme.
C'est aussi de cette époque que date le premier écrit antisémite d'Hitler, une lettre qu'il a adressée, le 16 septembre 1919, à un certain Adolf Gemlich, sur l'initiative de son supérieur, le capitaine Karl Mayr[13]. Après une virulente attaque antisémite, dans laquelle il qualifie l'action des Juifs de « tuberculose raciale des peuples », il y oppose « antisémitisme instinctif » et « antisémitisme raisonné » : « L'antisémitisme instinctif s'exprimera en dernier ressort par des pogroms. L'antisémitisme raisonné, par contre, doit conduire à une lutte méthodique sur le plan légal et à l'élimination des privilèges du Juif. Son objectif final doit être cependant, en tout état de cause, leur bannissement »[14].
L'orateur charismatique du parti nazi (1919–1922)
Début septembre 1919, Hitler est chargé de surveiller un groupuscule politique ultra-nationaliste, le Parti ouvrier allemand, fondé moins d'un an plus tôt par Anton Drexler. À la fin d'une réunion dans une brasserie de Munich, il prend la parole à l'improviste pour fustiger la proposition d'un intervenant. Remarqué par Drexler, il se laisse facilement convaincre d'adhérer et transforme le parti en Parti national-socialiste des travailleurs allemands (NSDAP).
Son charisme et ses capacités d'orateur en font un personnage prisé des réunions publiques des extrémistes de brasserie. Ses thèmes favoris — antisémitisme, antibolchevisme, nationalisme — trouvent un auditoire réceptif. Mobilisant de plus en plus de partisans, il se rend indispensable au mouvement pour en exiger la présidence, que le groupe dirigeant initial lui abandonne dès avril 1921 après un ultimatum de sa part. Du fait de ses talents d’agitateur politique, le parti gagne rapidement en popularité, tout en restant très minoritaire.
Hitler dote son mouvement d'un journal, le Völkischer Beobachter, lui choisit le drapeau à croix gammée pour emblème, fait adopter un programme en 25 points (en 1920) et le dote d'une milice agressive, les Sturmabteilung (SA). Il change également de style vestimentaire, s'habilla constamment de noir ou en tenue militaire, c'est à cette époque également qu'il se coupe la moustache, qui devient un de ses traits physiques célèbres.
Au départ, Hitler se présente comme un simple « tambour » chargé d'ouvrir la voie à un futur sauveur de l'Allemagne encore inconnu. Mais le culte spontanément apparu autour de sa personnalité charismatique dans les rangs des SA et des militants le fait vite se convaincre qu'il est lui-même ce sauveur providentiel. À partir de 1921-1922, la conviction intime qu'il est désigné par le destin pour régénérer et purifier l'Allemagne vaincue ne le quitte plus[15],[16].
Son narcissisme et sa mégalomanie ne font en conséquence que s'accentuer, comme sa prédominance absolue au sein du mouvement nazi. C’est ce qui le différencie d'un Mussolini, au départ simple primus inter pares d'une direction collective fasciste, ou d'un Staline, qui ne croit pas lui-même à son propre culte, fabriqué tardivement pour mieux asseoir sa victoire sur Trotski et sur la vieille garde bolchevique.
Inspiré par la lecture du psychologue Gustave Le Bon, Hitler met au point une propagande violente mais efficace.
« L'idée centrale de Hitler est simple : lorsqu'on s'adresse aux masses, point n'est besoin d'argumenter, il suffit de séduire et de frapper. Les discours passionnés, le refus de toute discussion, la répétition de quelques thèmes assénés à satiété constituent l'essentiel de son arsenal propagandiste, comme le recours aux effets théâtraux, aux affiches criantes, à un expressionnisme outrancier, aux gestes symboliques dont le premier est l'emploi de la force. Ainsi, quand les SA brutalisent leurs adversaires politiques, ce n'est pas sous l'effet de passions déchaînées, mais en application des directives permanentes qui leur sont données. »
— Henri Burgelin, « Les succès de la propagande nazie », in L'Allemagne de Hitler, p. 124.
De sa vie, Hitler n'accepta jamais un débat rationnel ni contradictoire et ne parla que devant des auditoires acquis[17].
En janvier 1922, Hitler est condamné à trois mois de prison (dont deux avec sursis) pour « troubles à l’ordre public ». Il purge cette peine à la prison de Stadelheim de Munich entre juin et juillet 1922. Il est même menacé d’être expulsé de Bavière.
Le putsch manqué de Munich (9 novembre 1923)
Article détaillé : Putsch de la Brasserie.Admirateur fervent de Mussolini (dont un buste ornera durablement son bureau), Hitler rêve d'avoir à son tour sa « marche sur Rome » qui le fasse accéder au pouvoir par la force[18].
En novembre 1923, alors que l'économie s'est effondrée avec l'occupation de la Ruhr, que le Papiermark rongé par l'hyperinflation ne vaut plus rien et que des entreprises séparatistes ou communistes secouent certaines parties de l'Allemagne, Hitler croit le moment venu pour prendre le contrôle de la Bavière avant de marcher sur Berlin et d'en chasser le gouvernement élu. Les 8 et 9 novembre 1923, il conduit avec le maréchal Erich Ludendorff le coup d'État avorté de Munich connu comme le Putsch de la Brasserie. Le complot bâclé est facilement mis en déroute, et lors d'un heurt de ses troupes avec la police devant la Feldherrnhalle, Hitler est lui-même blessé tandis que sont tués 16 de ses partisans, promus ultérieurement « martyrs » du nazisme.
Le NSDAP est aussitôt interdit. En fuite, Hitler est arrêté le 11 novembre, inculpé de conspiration contre l’État, et incarcéré à la prison de Landsberg am Lech. À partir de cet instant, il se résoudra à se tourner tactiquement vers la seule voie légale pour arriver à ses fins.
Mais dans l'immédiat, il sait exploiter son procès en se servant de la barre comme d'une tribune : la médiatisation de son procès lui permet de se mettre en vedette et de se faire connaître à travers le reste de l'Allemagne. Les magistrats, reflétant l'attitude des élites traditionnelles peu attachées à la République de Weimar, se montrent assez indulgents à son égard. Le 1er avril 1924, il est condamné à cinq ans de détention à la forteresse de Landsberg am Lech pour « haute trahison ». C'était la peine minimum, dont il purgera moins de neuf mois[19].
Constitution définitive d'une idéologie (1923–1924)
Sa détention à Landsberg est considérée par Hitler comme « son université aux frais de l'État », qui lui permet de lire des ouvrages de Nietzsche, H. S. Chamberlain, Ranke, Treitschke, Karl Marx, et les mémoires de Bismarck et de généraux et hommes d'État alliés ou allemands[20]. Elle lui donne l'occasion de dicter à son secrétaire Rudolf Hess son ouvrage Mein Kampf, récit autobiographique, et surtout manifeste politique, appelé à devenir le manifeste du mouvement nazi[21]. Hitler y dévoile sans fard l’idéologie redoutable qu’il a achevé de se constituer depuis 1919 (Weltanschauung), dont il ne variera plus et qu’il cherchera à mettre en pratique[22].
Outre sa haine de la démocratie, de la France « ennemie mortelle du peuple allemand », du socialisme et du « judéo-bolchevisme », sa doctrine repose sur sa conviction intime à base pseudo-scientifique d’une lutte darwinienne entre différentes « races » foncièrement inégales. Au sommet d’une stricte pyramide, se trouverait la race allemande ou « race des Seigneurs », qualifiée tantôt de « race nordique » et tantôt de « race aryenne » et dont les plus éminents représentants seraient les grands blonds aux yeux bleus. Cette race supérieure doit être « purifiée » de tous les éléments étrangers, « non-allemands », juifs, homosexuels, ou malades, et doit dominer le monde par la force brute. Au traditionnel pangermanisme visant à regrouper tous les Allemands ethniques dans un même État, Hitler ajoute la conquête d’un Lebensraum indéfini, à arracher notamment à l’Est aux « sous-hommes » polonais et slaves. Enfin, Hitler parle constamment d’« éradiquer » ou d’« anéantir » les Juifs, comparés à des vermines ou des poux, qui ne sont pas seulement pour lui une race radicalement inférieure, mais aussi radicalement dangereuse.
Hitler a principalement emprunté sa vision ultra-raciste à Gobineau et à H. S. Chamberlain, son culte du surhomme à Nietzsche, son obsession de la décadence à Oswald Spengler et, enfin, les concepts de race nordique et d'espace vital à Alfred Rosenberg, idéologue du parti. Il puise aussi dans la « révolution conservatrice » animée par Arthur Moeller van den Bruck, dont il a lu l'ouvrage Le Troisième Reich.
Selon la fiche signalétique établie par les renseignements français en 1924, le second prénom d'Adolphe (sic) Hitler est Jacob[23] ; Hitler est inscrit comme journaliste et est qualifié de « Mussolini allemand » avec ces notes : « Ne serait que l'instrument de puissances supérieures : n'est pas un imbécile mais très adroit démagogue. Aurait Ludendorf derrière lui. Organise des Sturmtruppen genre fasciste. Condamné à 5 ans de forteresse avec possibilité de sursis après 6 mois de détention[24]. »
Après seulement moins de neuf mois de détention et malgré l’opposition déterminée du procureur Ludwig Stenglein à Munich, il bénéfice d’une libération anticipée le 20 décembre 1924[25].
Réorganisation du parti (1925–1928)
Craignant d’être expulsé vers l’Autriche, Hitler renonce à la nationalité autrichienne le 30 avril 1925. Devenu apatride et bien qu’il soit interdit de parole en public jusqu’au 5 mars 1927, il reconstruit son parti et retrouve une certaine popularité.
Si ses succès électoraux restent modestes avant 1928, le NSDAP rend ses structures plus performantes et s’étend géographiquement. Il diversifie ses organisations de masse en créant des associations qui ciblent chacune une catégorie sociale : étudiants, paysans, ouvriers, femmes, intellectuels, jeunes (Hitlerjugend fondée en 1926), etc. Le Parti nazi constitue ses forces en contre-société et en contre-gouvernement susceptibles, le jour venu, de se substituer de plain-pied au pouvoir en place[26].
Allié à Julius Streicher, un propagandiste antisémite pornographe et très violent, dont la clientèle est centrée sur la ville de Nuremberg, Hitler fait de celle-ci la ville des congrès du parti. Le parti est implanté en Allemagne du Nord par les frères Otto et Gregor Strasser, qui mettent plus qu’Hitler l’accent sur le côté socialiste du nazisme et souhaitent l’alliance avec l’URSS contre les « ploutocraties » occidentales. Face à ces derniers, ses seuls concurrents sérieux pour la direction du parti, Hitler renforce son autorité personnelle.
C’est à partir de cette date qu’il impose comme obligatoire dans le parti le salut nazi prononcé bras tendu — Heil Hitler ! ou, si l’on est face à lui, Heil mein Führer ! —, un rappel permanent de sa suprématie. C’est de cette époque aussi que date l’entrée en scène de Joseph Goebbels, Gauleiter de Berlin, l’un de ses plus fidèles soutiens — lequel, proche des frères Strasser au départ, avait d’abord traité Hitler de « petit-bourgeois » et demandé son exclusion du parti, avant de succomber à son charisme en 1926 et de devenir un des hommes clef du système nazi.
Les SA, la brutale milice du parti qui s’illustre dans les agressions et les combats de rues, posent plus de problèmes à Hitler par leur recrutement plébéien assez large et par leur discipline souvent incertaine. La base des SA est partisane d'une « seconde révolution » et exaspérée par les compromis que doit faire le Parti nazi dans sa conquête du pouvoir. Leurs sections berlinoises, commandées par Walter Stennes, iront même jusqu'à saccager à plusieurs reprises les locaux du parti nazi entre 1930 et 1931[27]. Dès 1930, confronté à cette grave mutinerie de leur part, Hitler rappelle de Bolivie son ancien complice du putsch de 1923, Ernst Röhm, qu’il avait mis lui-même sur la touche en 1925 : ce dernier reprend leur tête et rétablit en partie l’ordre dans leurs rangs.
Mais pour permettre à Hitler d’équilibrer la puissance des SA, c’est dès 1925 qu’Heinrich Himmler crée pour lui la SS : chargée de sa garde personnelle, cet « ordre noir », futur instrument de la terreur policière et génocidaire, est une élite beaucoup plus dévouée à la personne même du Führer que les SA. Hitler a toute confiance dans « le fidèle Heinrich », comme il qualifie cet exécutant à l’obéissance aveugle, qui lui voue une admiration notoirement fanatique.
Hitler, dont le train de vie personnel ne cesse de s'embourgeoiser, s'attache aussi à se rendre respectable et rassurant aux yeux des élites traditionnelles. Pour rallier celles-ci, mieux se distinguer des frères Strasser et faire oublier son image d'agitateur plébéien et révolutionnaire, il se prononce par exemple pour l'indemnisation des princes allemands expropriés en 1918 au référendum de 1927. Le magnat de la Ruhr, Fritz Thyssen, lui apporte ainsi son soutien public.
En 1928, le NSDAP marque le pas et peine à remonter la pente : seuls 2,6 % des votants lui accordent leur confiance aux élections législatives du 28 mai, et il compte moins de 180 000 membres. Mais il n’a plus de concurrent sérieux à l’extrême droite, car de multiples groupuscules et petits partis de la mouvance völkisch (« nationale-raciste ») ont périclité après 1924-1925, tandis que le vieux maréchal Ludendorff, ancien participant du putsch de la Brasserie qu’Hitler avait habilement poussé à se présenter à la présidentielle de 1925, s’est disqualifié par son score médiocre.
En 1929, pour mieux mener campagne contre le plan Young sur les réparations de guerre dues à la France, le magnat de la presse et chef nationaliste Alfred Hugenberg s'est allié à Hitler, dont il a besoin des talents oratoires, et a financé la campagne de propagande qui a permis au Führer des nazis de se faire connaître dans toute l'Allemagne.
Les fruits de la réorganisation portent à partir de cette date, quand le contexte général devient favorable avec le début d'une grave crise politique et économique.
La « résistible ascension » d'Adolf Hitler (1929–1932)
Comme le suggérera à raison Bertolt Brecht par le titre célèbre de sa pièce La Résistible Ascension d'Arturo Ui, âpre satire antinazie, la marche au pouvoir d'Adolf Hitler ne fut ni linéaire ni irrésistible. Toutefois, elle fut favorisée après 1929 par un contexte de crise exceptionnel, et par les faiblesses, les erreurs ou le discrédit de ses adversaires et concurrents politiques.
L'Allemagne n'avait derrière elle en 1918 qu'une faible tradition démocratique. Née d'une défaite et d'une révolution, la République de Weimar s'était mal enracinée, d'autant que serviteurs et nostalgiques du Kaiser restaient très nombreux dans l'armée, l'administration, l'économie et la population. Le Zentrum catholique, parti membre de la coalition fondatrice de la République, s'engage dans une dérive autoritaire à partir de la fin des années 1920, tandis que communistes, nationalistes du DNVP et nazis continuent de refuser le régime et de le combattre. Enfin, le culte traditionnel des grands chefs et l'attente diffuse d'un sauveur providentiel prédisposaient une bonne part de sa population à s'en remettre à Hitler.
État-nation très récent et fragile, traversé de multiples clivages géographiques, religieux, politiques et sociaux, l'Allemagne entre en plus dans une nouvelle phase d'instabilité politique à partir de 1929. Après le décès de Gustav Stresemann, artisan avec Aristide Briand du rapprochement franco-allemand, la chute du chancelier Hermann Müller en 1930 est celle du dernier gouvernement parlementaire. Il est remplacé par le gouvernement conservateur et autoritaire de Heinrich Brüning, du Zentrum.
Monarchiste convaincu, le très populaire maréchal Paul von Hindenburg, porté à la présidence de la République en 1925, cesse de jouer le jeu de la démocratie à partir de 1930. Il se met à gouverner par décrets, nommant des cabinets à ses ordres de plus en plus dépourvus de la moindre majorité au Parlement, usant et abusant de son droit de dissolution du Reichstag — utilisé pas moins de quatre fois de 1930 à 1933. Les institutions de Weimar sont donc vidées de leur substance bien avant que Hitler ne leur porte le coup de grâce[28].
Les conséquences catastrophiques de la crise de 1929 sur l’économie allemande, très dépendante des capitaux rapatriés aux États-Unis immédiatement après le krach de Wall Street, apportent bientôt au NSDAP un succès foudroyant et imprévu. Aux élections du 14 septembre 1930, avec 6,5 millions d'électeurs, 18,3 % des voix et 107 sièges, le parti nazi devient le deuxième parti au Reichstag.
La déflation sévère et anachronique menée par Brüning ne fait qu'aggraver la crise économique et précipite de nombreux Allemands inquiets dans les bras de Hitler. En constituant avec ce dernier le « Front de Harzburg » en octobre 1931, dirigé contre le gouvernement et la République, Hugenberg et les autres forces des droites nationalistes font involontairement le jeu de Hitler, dont la puissance électorale et parlementaire fait désormais un personnage de premier plan sur la scène politique[29].
Le septennat du président Hindenburg se terminant le 5 mai 1932, la droite et le Zentrum, afin d’éviter de nouvelles élections, proposent de renouveler tacitement le mandat présidentiel. L’accord des nazis étant nécessaire, Hitler exige la démission du chancelier Brüning et de nouvelles élections parlementaires. Hindenburg refuse, et le 22 février 1932, Joseph Goebbels[30] annonce la candidature d’Adolf Hitler à la présidence de la République. Le 26 février, Hitler est opportunément nommé Regierungsrat, fonctionnaire d’État, ce qui lui confère automatiquement la nationalité allemande.
Sa campagne électorale est sans précédent sur le plan de la propagande. En particulier, l’usage alors inédit et spectaculaire de l’avion dans ses déplacements électoraux permet à Goebbels de placarder des affiches : « Le Führer vole au-dessus de l’Allemagne ».
Hitler obtient 30,1 % des voix au premier tour le 13 mars 1932 et 36,8 % au second tour en avril, soit 13,4 millions de suffrages qui se portent sur sa personne, doublant le score des élections législatives de 1930. Soutenu en désespoir de cause par les socialistes, Hindenburg est réélu à 82 ans. Mais lors des scrutins régionaux qui suivent l’élection présidentielle le NSDAP renforce ses positions et arrive partout en tête, sauf dans sa Bavière d'origine. Aux élections législatives du 31 juillet 1932, il confirme sa position de premier parti d'Allemagne, avec 37,3 % des voix et devient le premier groupe parlementaire. Hermann Göring, bras droit de Hitler depuis 1923, devient président du Reichstag. Né d'un groupuscule, le culte de Hitler est devenu en moins de deux ans un phénomène de masse capable de toucher plus du tiers des Allemands.
Hitler réussit à faire l'unité d'un électorat très diversifié. Contrairement à une idée reçue, ce ne sont pas les chômeurs qui ont mis leur espoir en lui (c'est parmi eux que Hitler fait ses moins bons scores), mais les classes moyennes, qui redoutent d'être les prochaines victimes de la crise[31].
Si l'électorat féminin votait fort peu à l'extrême-droite dans les années 1920, la popularité bien connue du Führer auprès des femmes s'est jointe au rapprochement structurel entre vote féminin et vote masculin pour lui assurer des renforts de voix supplémentaires après 1930. Les protestants ont davantage voté pour lui que les catholiques, mais une bonne part du vote de ces derniers était fixé par le Zentrum. Les campagnes, éprouvées par la crise et soumises en Prusse à la rude exploitation quasi-féodale des Junkers, se sont servies du vote envers Hitler à des fins protestataires. Les ouvriers ont moins voté nazi que la moyenne, même si une part non négligeable a été tentée. Quant aux fonctionnaires, aux étudiants ou aux médecins, leur haut niveau d'instruction ne les a pas empêchés d'être sur-représentés dans le soutien au doctrinaire de Mein Kampf[31].
Allié à la droite nationaliste, bénéficiant du discrédit du Zentrum et de l'obligation pour le SPD de soutenir l'impopulaire Von Papen « pour éviter le pire », Hitler multiplie aussi les déclarations hypocrites où il se pose en démocrate et en modéré, tout en flattant les élites traditionnelles et jusqu'aux Églises par un discours plus traditionaliste qu'avant. Les communistes du KPD, qui réduisent Hitler à un simple pantin du grand capital, lui rendent service en combattant avant tous les socialistes, au nom de la ligne « classe contre classe » dictée par le Komintern stalinien, et en refusant toute action commune avec eux contre le NSDAP. Le KPD va jusqu'à coopérer avec les nazis lors de la grève des transports à Berlin en 1932[32].
Fin 1932, la situation se dégrade encore sur les plans économique et social (plus de 6 millions de chômeurs à la fin de l’année). L’agitation et l’insécurité politique sont à leur comble, les rixes avec implication de SA hitlériens sont permanentes. Le gouvernement très réactionnaire de Franz von Papen est incapable de réunir plus de 10 % des députés et des électeurs.
Engagé dans un bras de fer personnel avec Hitler, le président Hindenburg refuse toujours de le nommer chancelier : le vieux maréchal prussien, ancien chef de l’armée allemande pendant la Grande Guerre, affiche son mépris personnel pour celui qu’il qualifie de « petit caporal bohémien » et dont il affirme qu’il a « tout juste l’envergure pour faire un ministre des Postes ». Toutes les tentatives de conciliation échouent.
Fin 1932, le mouvement nazi traverse une phase difficile. Sa crise financière devient aiguë. Les militants et les électeurs se lassent de l’absence de perspectives, des discours à géométrie variable de Hitler et des contradictions internes du programme nazi[33]. Bien des SA parlent de déclencher tout de suite un soulèvement suicidaire dont Hitler ne veut à aucun prix, et Gregor Strasser menace de faire scission avec l’appui du chancelier Kurt von Schleicher. Enfin, les élections législatives de novembre 1932 ont consacré une baisse de popularité du NSDAP qui perd 2 millions de voix et 40 sièges.
C’est le moment où Léon Blum, de France, écrit dans Le Populaire que la route du pouvoir est définitivement fermée pour Hitler et que toute espérance d’y accéder est pour lui révolue. Pourtant, ces revers n’entament en rien sa détermination.
L’accession au pouvoir absolu
Articles détaillés : Chronologie du Troisième Reich et Cabinet Hitler.Le 30 janvier 1933 vers midi, Adolf Hitler atteint son but, il est nommé Chancelier de la République de Weimar, suite à un mois d’intrigues au sommet organisées par l’ancien chancelier Franz von Papen, et grâce au soutien de la droite et à l’implication du Parti national du peuple allemand (DNVP). Le soir même, des milliers de SA effectuent un défilé nocturne triomphal sur l'Unter den Linden, sous le regard du nouveau chancelier, marquant ainsi la prise de contrôle de Berlin et le lancement de la chasse aux opposants.
La destruction de la démocratie (1933-1934)
Contrairement à une idée reçue fréquente, Hitler n'a jamais été « élu » chancelier par les Allemands, du moins pas directement. Il a néanmoins été nommé chancelier par le président, conformément aux règles de la démocratie, en qualité de leader du parti remportant les élections législatives de mars 1933. Les tractations avec le président qui se sont en fait révélées indispensables à sa nomination amènent certains à considérer qu'il a été « hissé au pouvoir » par une poignée d'industriels et d'hommes de droite[34],[35]. Et en dépit de son énorme poids électoral, jamais une majorité absolue des électeurs ne s'est portée sur lui, puisque même en mars 1933, après deux mois de terreur et de propagande, son parti n'obtient « que » 43,9 % des suffrages. Toutefois, il a atteint son objectif poursuivi depuis 1923 : arriver au pouvoir légalement. Et il est hors de doute que le ralliement de la masse des Allemands au nouveau chancelier s'est faite très vite, et moins par la force que par adhésion à sa personne.
Lors de la formation du premier gouvernement d'Hitler, le DNVP de Hugenberg espère être, avec le Zentrum de von Papen, en mesure de contrôler le nouveau chancelier — bien que le DNVP ne représente que 8 % des voix alors que les nazis en ont 33,1 %. De fait, le premier gouvernement d'Hitler ne compte, outre le chancelier lui-même, que deux nazis : Göring, en charge en particulier de la Prusse, et Wilhelm Frick au ministère de l’Intérieur.
Mais Hitler déborde rapidement ses partenaires et met immédiatement en route la mise au pas de l’Allemagne. Dès le 1er février, il obtient d’Hindenburg la dissolution du Reichstag. Le 3 février, il s’assure le soutien de l’armée. Pendant la campagne électorale, Von Papen, Thyssen et Schacht obtiennent des milieux industriels et financiers, jusque-là plutôt réservés envers Hitler, qu’ils renflouent les caisses du NSDAP et financent sa campagne[36]. La SA et la SS, milices du parti nazi, se voient conférer des pouvoirs d’auxiliaire de police. De nombreux morts marquent les rencontres des partis d’opposition, notamment du Parti socialiste (SPD) et du Parti communiste (KPD). Des opposants sont déjà brutalisés, arrêtés, torturés voire assassinés.
L’énigmatique incendie du Reichstag, le 27 février, sert de prétexte à Hitler pour suspendre toutes les libertés civiles garanties par la Constitution de Weimar et de radicaliser l’élimination de ses opposants politiques, notamment des députés communistes du KPD, illégalement arrêtés.
Le NSDAP remporte les élections du 5 mars 1933 avec 17 millions de voix, soit 43,9 % des suffrages. Dans les jours qui suivent, dans tous les Länder d’Allemagne, les nazis s’emparent par la force des leviers locaux du pouvoir. Le 20 mars, au cours d’une grandiose cérémonie de propagande sur le tombeau de Frédéric II de Prusse à Potsdam, où il s’affiche en grand costume aux côtés de Hindenburg, Hitler proclame l’avènement du Troisième Reich, auquel il promettra ultérieurement un règne de « mille ans ». Le 23 mars, grâce aux voix du Zentrum auquel le chancelier a promis en échange la signature d'un concordat avec le Vatican, et malgré l'opposition du seul SPD (les députés du KPD étant arrêtés), le Reichstag vote la Loi des pleins pouvoirs qui accorde à Hitler les pouvoirs spéciaux pour quatre ans. Il peut désormais rédiger seul les lois, et celles-ci peuvent s'écarter de la constitution de Weimar que Hitler ne se donna même pas la peine de jamais abolir formellement.
C’est une étape décisive du durcissement du régime. Sans même attendre le vote de la loi, les nazis ont ouvert le premier camp de concentration permanent le 20 mars à Dachau, sous la houlette de Himmler. Ce dernier jette en Allemagne du Sud, tout comme Göring en Prusse, les bases de la redoutable police politique nazie, la Gestapo. Le 2 mai, vingt-quatre heures après avoir accepté de défiler devant le chancelier, les syndicats sont dissous et leurs biens saisis. Le 10 mai, le ministre de la Propagande Joseph Goebbels préside à Berlin une nuit d’autodafé où des étudiants nazis brûlent pèle-mêle en public des milliers de « mauvais livres » d’auteurs juifs, pacifistes, marxistes ou psychanalystes comme Marx, Freud ou Kant. Des milliers d’opposants, de savants et d’intellectuels fuient l’Allemagne comme Albert Einstein. Le 14 juillet, le NSDAP devient le parti unique. Hitler met fin aussi rapidement aux libertés locales. L’autonomie des Länder est définitivement supprimée le 30 janvier 1934 : un an après son accession à la chancellerie, Hitler devient le chef du premier État centralisé qu’ait connu l’Allemagne.
En tout, entre 1933 et 1939, de 150 000 à 200 000 personnes sont internées, et entre 7 000 et 9 000 sont tuées par la violence d’État. Des centaines de milliers d’autres doivent fuir l’Allemagne[37].
Les nazis condamnent l’« art dégénéré » et les « sciences juives », et détruisent ou dispersent de nombreuses œuvres des avant-gardes artistiques. Le programme pour « purifier » la race allemande est également très tôt mis en œuvre. Une loi du 7 avril 1933 permet à Hitler de destituer aussitôt des centaines de fonctionnaires et d'universitaires juifs, tandis que les SA déclenchent au même moment une campagne brutale de boycott des magasins juifs. Hitler impose aussi personnellement à l'été 1933 une loi prévoyant la stérilisation forcée des malades et des handicapés : elle est appliquée à plus de 350 000 personnes[38]. Détestant particulièrement le mélange des populations (qualifié de « honte raciale »), le chef allemand ordonne de stériliser en particulier, en 1937, les 400 enfants nés dans les années 1920 d’Allemandes et de soldats noirs des troupes françaises d’occupation. Les persécutions envers les homosexuels commencent aussi, les bars et les lieux de rassemblement des homosexuels sont fermés. Les homosexuels subissent brutalités, tortures et envois à Dachau. Certains font déjà l'objet[évasif] de castrations forcées.
En novembre 1933, le nouveau dictateur fait plébisciter sa politique quand 95 % des votants approuvent le retrait de la Société des Nations et que la liste unique du NSDAP au Reichstag fait 92 % des voix.
Les SA de Röhm exigent que la « révolution » nationale-socialiste prenne un tour plus anticapitaliste, et rêvent notamment de prendre le contrôle de l’armée, ce qui compromettrait dangereusement l’alliance nouée entre le chancelier et les élites conservatrices traditionnelles (présidence, militaires, milieux d'affaires). Des faux documents forgés par Heydrich achèvent aussi de persuader Hitler que Röhm complote contre lui. Le 30 juin 1934, durant la Nuit des Longs Couteaux, fort du soutien bienveillant de l’armée et du président Hindenburg, Hitler fait assassiner plusieurs centaines de ses partisans et de ses anciens ennemis politiques. Parmi eux, Gregor Strasser et Ernst Röhm, chef de la SA, mais aussi le docteur Erich Klausener, chef de l’Action catholique, ou encore son prédécesseur à la chancellerie, Von Schleicher, ainsi que Von Kahr, qui lui avait barré la route lors du putsch de 1923. Ne pouvant croire à son élimination, Röhm refuse de se suicider et crie Heil Hitler ! avant d'être abattu dans sa cellule par Theodor Eicke et Michel Lippert[39].
Le 2 juillet, le vieil Hindenburg félicite Hitler, qu'il apprécie de plus en plus, pour sa fermeté en cette affaire[réf. nécessaire]. Sa mort le 2 août tranche le dernier lien vivant avec la République de Weimar. En vertu de la constitution, le chancelier exerce temporairement les pouvoirs du président défunt. Le même jour, le Reichstag vote une loi de fusion des deux fonctions en une seule : Hitler devient Führer und Reichskanzler. Un plébiscite du 19 août (90 % de oui) achève de donner au Führer le pouvoir absolu.
Le culte du Führer, pierre angulaire du système totalitaire
Entouré d’un culte de la personnalité intense, qui le célèbre comme le sauveur messianique de l’Allemagne, Hitler exige un serment de fidélité à sa propre personne - il est prêté notamment par les militaires, ce qui rendra très difficile les futures conspirations contre lui au sein de l’armée, beaucoup d’officiers rechignant profondément en conscience à le violer.
L’ambition totalitaire du régime et la primauté du Führer sont symbolisées par la nouvelle devise du régime : Ein Volk, ein Reich, ein Führer - « un peuple, un empire, un chef », dans laquelle le titre de Hitler prend de façon idolâtre la place de Dieu dans l’ancienne devise du Deuxième Reich : Ein Volk, ein Reich, ein Gott (« Un peuple, un empire, un dieu »).
Le Führerprinzip devient le nouveau principe de l’autorité non seulement au sommet de l’État, mais aussi, par délégation, à chaque échelon. La loi proclame par exemple officiellement le patron comme Führer de son entreprise, comme le mari est Führer de sa famille, ou le gauleiter Führer du parti dans sa région.
Hitler entretient son propre culte par ses interventions à la radio : à chaque fois, le pays tout entier doit suspendre son activité et les habitants écouter religieusement dans les rues ou au travail son discours retransmis par les ondes et par les haut-parleurs. À chaque congrès tenu à Nuremberg lors des « grand’messes » du NSDAP, il bénéficie d’une savante mise en scène orchestrée par son confident, l’architecte et technocrate Albert Speer : son talent oratoire électrise l’assistance, avant que les masses rassemblées n’éclatent en applaudissements et en cris frénétiques pour acclamer le génie de leur chef.
Inversement, la moindre critique, le moindre doute sur le Führer mettent leur auteur en péril. Sur les milliers de condamnations à mort prononcées par le Tribunal du Peuple du juge Roland Freisler, un bon nombre des personnes envoyées à la guillotine après des parodies de justice l’ont été pour des paroles méprisantes ou sceptiques à l’encontre du dictateur.
Le salut nazi devient obligatoire pour tous les Allemands. Quiconque essaie, par résistance passive, de ne pas faire le Heil Hitler ! de rigueur est immédiatement singularisé et repéré.
Au printemps 1938, le Führer accentue encore sa prédominance et celle de ses proches dans le régime. Il élimine les généraux Von Fritsch et Von Blomberg, et soumet la Wehrmacht en plaçant à sa tête les serviles Alfred Jodl et Wilhelm Keitel, connus pour lui être aveuglément dévoués. Aux Affaires étrangères, il remplace le conservateur Konstantin von Neurath par le nazi Joachim von Ribbentrop, tandis que Göring, qui s’affirme plus que jamais comme le no 2 officieux du régime, prend en charge l’économie autarcique en évinçant le Dr Hjalmar Schacht.
La population allemande est encadrée de la naissance à la mort, soumise à l’intense propagande orchestrée par son fidèle Joseph Goebbels, pour lequel il crée le premier ministère de la Propagande de l'histoire. Les loisirs des travailleurs sont organisés - et surveillés - par la Kraft durch Freude du Dr Robert Ley, également chef du syndicat unique, le DAF. La jeunesse subit obligatoirement un endoctrinement intense au sein de la Hitlerjugend qui porte le nom du Führer, et qui devient le 1er décembre 1936 la seule organisation de jeunesse autorisée.
Le Führer dans le système nazi : interprétations et débats
L’école historique allemande dite des « intentionnalistes » insiste sur la primauté de Hitler dans le fonctionnement du régime. La forme extrême de pouvoir personnel et de culte de la personnalité autour du Führer ne serait pas compréhensible sans son « pouvoir charismatique ». Cette notion importante est empruntée au sociologue Max Weber : Hitler se considère depuis 1920 comme investi d’une mission providentielle, et surtout, il est considéré sincèrement comme l’homme providentiel par ses partisans, puis par la masse des Allemands sous le Troisième Reich.
Alors que le culte de Staline a été imposé tardivement et artificiellement au parti bolchevik par un apparatchik victorieux, mais dépourvu de talent de tribun comme de rôle de premier plan dans la révolution d'Octobre, le culte de Hitler a existé dès les origines du nazisme, et y occupe une importance primordiale. L’appartenance au Parti nazi signifie avant tout une allégeance absolue à son Führer, et nul n’occupe de place dans le Parti et l’État que dans la mesure où il est plus proche de la personne même de Hitler. Hitler veille d’ailleurs personnellement à renforcer son image de chef inaccessible, solitaire et supérieur, en s’abstenant de toute amitié personnelle, et en interdisant à quiconque de le tutoyer ou de l’appeler par son prénom – même sa maîtresse Eva Braun doit s’adresser à lui en lui disant Mein Führer.
D’autre part, pour les intentionnalistes, sans le caractère redoutablement cohérent de l’idéologie (la Weltanschauung) qui anime Hitler, le régime nazi ne se serait pas engagé dans la voie de la guerre et des exterminations de masse, ni dans le reniement de toutes les règles juridiques et administratives élémentaires qui régissent les États modernes et civilisés.
Par exemple, sans son pouvoir charismatique d’un genre inédit, Hitler n’aurait pas pu autoriser l’euthanasie massive de plus de 150 000 handicapés mentaux allemands par quelques simples mots griffonnés sur papier à en-tête de la chancellerie (opération T4, 3 septembre 1939). De même, Hitler aurait pu encore moins déclencher la Shoah sans jamais rédiger un seul ordre écrit. Aucun exécutant du génocide des Juifs ne demanda jamais, justement, à voir un ordre écrit : un simple ordre du Führer (Führersbefehl) était suffisant pour faire taire toute question, et entraînait l’obéissance quasi-religieuse et aveugle des bourreaux.
L’école rivale des « fonctionnalistes » (conduite par Martin Broszat) a cependant nuancé l’idée de la toute-puissance du Führer. Comme elle l’a démontré, le Troisième Reich n’a jamais tranché entre le primat du parti unique et celui de l’État, d’où des rivalités de pouvoir et de compétence interminables entre les hiérarchies doubles du NSDAP et du gouvernement du Reich. Surtout, l’État nazi apparaît comme un singulier enchevêtrement de pouvoirs concurrents aux légitimités comparables. C’est le principe de la « polycratie ».
Or, entre ces groupes rivaux, Hitler tranche rarement, et décide peu. Fort peu bureaucratique, ayant hérité de sa jeunesse bohème à Vienne un manque total de goût pour le labeur suivi, travaillant de façon très irrégulière (sauf dans la conduite des opérations militaires), le Führer apparaît comme un « dictateur faible » ou encore un « dictateur paresseux » selon Martin Broszat. Il laisse en fait chacun des rivaux libre de se réclamer de lui, et il attend seulement que tous marchent dans le sens de sa volonté.
Dès lors, a démontré le biographe Ian Kershaw, dont les travaux font la synthèse des acquis des écoles intentionnalistes et fonctionnnalistes, chaque individu, chaque clan, chaque bureaucratie, chaque groupe fait de la surenchère, et essaye d’être le premier à réaliser les projets nazis fixés dans leurs grandes lignes par Adolf Hitler. C’est ainsi que la persécution antisémite va s’emballer et passer graduellement de la simple persécution au massacre puis au génocide industriel. Ce qui explique que le Troisième Reich obéit structurellement à la loi de la « radicalisation cumulative », et que le système hitlérien ne peut en aucun cas se stabiliser.
Ce « pouvoir charismatique » de Hitler explique aussi que beaucoup d’Allemands soient spontanément allés au-devant du Führer. Ainsi, en 1933, les organisations d’étudiants organisent d’elles-mêmes les autodafés de livres, tandis que des partis et des syndicats se rallient au chancelier et se sabordent d’eux-mêmes après avoir exclu les Juifs et les opposants au nazisme. L’Allemagne se donne largement au Führer dans lequel elle reconnaît ses rêves et ses ambitions, plus que ce dernier ne s’empare d’elle.
Selon Kershaw, le Führer est donc l’homme qui rend possibles les plans caressés de longue date à la « base » : sans qu’il ait nullement besoin de donner d’ordres précis, sa simple présence au pouvoir autorise par exemple les nombreux antisémites d’Allemagne à déclencher boycotts et pogroms, ou les médecins d’extrême-droite, tel Josef Mengele, à pratiquer les atroces expériences pseudo-médicales et les opérations d’euthanasie massive dont l’idée préexistait avant 1933.
Ce qui explique aussi, toujours selon Ian Kershaw et la plupart des fonctionnalistes, la tendance du régime hitlérien à l’« autodestruction ». Le Troisième Reich, retour à l’« anarchie féodale », se décompose en effet en une multitude chaotique de fiefs rivaux. Hitler ne peut ni ne veut y mettre aucun ordre, car stabiliser le régime selon des règles formelles et fixes rendrait la référence perpétuelle au Führer moins importante. C’est ainsi qu’en 1943, alors que l’existence du Reich est en danger après la bataille de Stalingrad, tous les appareils dirigeants du Troisième Reich se disputent pendant des mois pour savoir s’il faut interdire les courses de chevaux - sans trancher.
Le régime substitue donc aux institutions rationnelles modernes le lien féodal d’allégeance personnelle, d’homme à homme, avec le Führer. Or, aucun dirigeant nazi ne dispose du charisme d’Hitler. Le culte de ce dernier existe dès les origines du nazisme et est consubstantiel au mouvement puis au régime. Chacun ne tire sa légitimité que de son degré de proximité avec le Führer. De ce fait, en l’absence de tout successeur (« En toute modestie, je suis irremplaçable », propos d’Hitler à ses généraux rapporté par Hannah Arendt), la dictature de Hitler n’a aucun avenir et ne peut lui survivre (selon Kershaw). La mort du Troisième Reich et celle de son dictateur se sont d’ailleurs pratiquement confondues.
Les Allemands et Hitler
L’adhésion des Allemands à sa politique (et plus encore à sa personne) fut importante, surtout au début.
L'« autre Allemagne », « une Allemagne contre Hitler »[40], a certes existé, mais ces expressions mêmes soulignent après coup son caractère désespérément minoritaire et isolé. Toute opposition a été vite réduite par l'exil, la prison ou l'internement en camp. Démocrates, socialistes et communistes ont payé par milliers le plus lourd tribut, ainsi que les Témoins de Jéhovah qui refusaient la guerre, le salut nazi et tout signe d'allégeance à l'idolâtrie entourant le Führer. La délation de masse a sévi et plongé le pays dans une atmosphère de crainte, où nul ne peut plus s'ouvrir sans risques à son voisin, des enfants endoctrinés allant jusqu'à dénoncer leurs parents.
Rares sont ceux qui au nom de leurs principes humanistes, marxistes, libéraux, chrétiens ou patriotiques, ou tout simplement par humanité et au nom de leur conscience, oseront douter du Führer, le braver en s'abstenant du salut nazi, en transgressant les multiples interdits de la société nazie, ou en venant en aide à des persécutés - a fortiori en entrant en résistance active. Par mépris, le très nationaliste écrivain Ernst Jünger appelait Hitler Kniebolo dans son journal de guerre. Le communiste Bertold Brecht le mettra en scène sous les traits du gangster Arturo Ui. Le démocrate Thomas Mann le dénoncera à la radio américaine, tout en reconnaissant que « cet homme est une calamité, d'accord, mais ce n'est pas une raison pour ne pas trouver son cas intéressant. » Pour les étudiants chrétiens de la Rose Blanche, revenus de leurs illusions initiales, il représentait l'Antéchrist[41]. Mgr Lichtenberg, mort déporté pour avoir prié à Berlin pour les Juifs, dira à la Gestapo : « Je n'ai qu'un seul Führer : Jésus-Christ ».
Malgré son interdiction et la violente répression qui s'abat sur ses membres, le KPD parvient à conserver une organisation clandestine organisée autour de l' « Orchestre rouge », qui diffuse tracts et brochures et infiltre les sommets de l'appareil d'État allemand[42],[43]. Les autres courants marxistes sont également actifs dans la résistance anti-nazie clandestine (c'est le cas du futur chancelier Willy Brandt), en lien avec leurs directions en exil pour les partis les plus importants (SPD, SAP, KPD-O).
La terreur et la répression menée par la gestapo limitèrent l'impact de la résistance allemande au nazisme.
L'antisémitisme et le racisme du nazisme faisaient écho à des préjugés très répandus, mais sauf pour une faible minorité, ils ne motivèrent pas le vote Hitler ni le soutien à sa dictature - ils n'eurent guère non plus d'effet dissuasif.
La large popularité du Führer avant-guerre provient surtout du rétablissement brutal de l'ordre public, de son anticommunisme, de son opposition au « Diktat » de Versailles, des succès diplomatiques et économiques obtenus (notamment l'importante réduction du chômage) et de sa politique de réarmement.
Encore qu’il ne faille pas oublier ni les conditions sociales et politiques dans lesquelles les améliorations économiques ont été obtenues, ni les pénibles situations de pénurie alimentaire, l'imposition d'ersatz de pauvre qualité en remplacement des importations condamnées par l'autarcie, et le manque de devises dès 1935. En particulier, le pouvoir d’achat des ouvriers a baissé entre 1933 et 1939. Les femmes ont été renvoyées de force au foyer (et 200 000 de celles ne présentant pas les garanties de pureté raciale exigées par la loi stérilisées)[réf. nécessaire]. L’exode rural s’est accéléré. Et les lois nazies encourageant la concentration des entreprises et du commerce ont conduit à 400 000 fermetures de petites entreprises dès avant-guerre[44]. Les catégories sociales qui avaient mis leurs espoirs en Hitler sont donc loin d’avoir toujours été satisfaites.
Par ailleurs, beaucoup d’Allemands reprennent au profit de Hitler la distinction ancestrale entre le bon monarque et ses mauvais serviteurs. Alors que les « bonzes », les privilégiés du Parti-État, sont généralement méprisés et haïs pour leurs abus et leur corruption fréquente, on considère spontanément Hitler comme exempt de ces tares, et comme un recours contre eux. Beaucoup d’Allemands ont spontanément cru que le Führer était laissé dans l’ignorance des « excès » de ses hommes ou de son régime[45].
En quelques années, Hitler s'est de fait identifié à la nation, canalisant au profit de sa personne le sentiment patriotique même de citoyens réservés envers le nazisme. L'aspect de « religion civile » revêtu par le nazisme a séduit aussi nombre d'Allemands, et le culte messianique organisé autour de Hitler a soudé la population autour de lui. Bien des esprits se sont laissés aussi fasciner par l'irrationalisme nazi, avec son culte néo-romantique de la nuit, du sang, de la nature, son goût des uniformes et des parades, ses rituels et ses cérémonies spectaculaires ressuscitant un univers médiéval ou païen. De même que par l'appel efficace aux héros mythiques du passé national (Arminius, Barberousse, Frédéric II du Saint-Empire, Frédéric II de Prusse, Andreas Hofer, Otto von Bismarck…) mobilisés rétrospectivement comme précurseurs du Führer providentiel[46].
Les Églises en tant qu'institutions ont peu cherché à s'opposer à un chancelier pourtant néo-païen et antichrétien. Malgré maintes tracasseries infligées, Hitler s'est toujours bien gardé de mettre en application les projets d'éradication du christianisme nourris par son bras droit Martin Bormann ou l'idéologue du parti Alfred Rosenberg. Il a joué sur l'anticommunisme, l'antiféminisme et les aspects réactionnaires de son programme pour séduire les électorats religieux. La signature du concordat avec le Vatican, en juin 1933, a été un triomphe personnel, qui a lié les mains à l'épiscopat et renforcé sa stature internationale. Se défendant de « faire de la politique », évêques, curés et pasteurs ne s'opposaient que sur des points matériels ou confessionnels et terminaient leurs sermons en priant « pour la patrie et pour le Führer ». L'encyclique antinazie du pape Pie XI, Mit Brennender Sorge (1937), interdite de diffusion par la Gestapo, ne mentionne pas le nom de Hitler, et ne condamne que partiellement son régime, ni lui ni aucun de ses partisans n'étant jamais menacés d'excommunication.
Contrairement à une légende, Hitler n'était avant 1933 ni le candidat ni l'instrument des milieux d'affaires. Mais le grand patronat s'est vite rallié à lui, et a amplement bénéficié de la restauration de l'économie puis du pillage de l'Europe, allant jusqu'à se compromettre souvent dans l'exploitation de la main-d'œuvre concentrationnaire (IG Farben à Auschwitz, Siemens à Ravensbrück)[47]. Alors que tous les éléments conservateurs (militaires, aristocrates, hommes d'Église), ont fourni leur tribut à la (faible) résistance allemande, le patronat y est resté remarquablement peu présent. Une des rares exceptions est paradoxalement celle de son très ancien partisan Fritz Thyssen, qui rompt avec Hitler et fuit le Reich en 1939, avant de lui être livré l'an suivant par l'État français et interné.
L'historien Götz Aly, dans Comment Hitler a acheté les Allemands, insiste quant à lui sur le fait que les bénéfices matériels de l'aryanisation et du pillage de l'Europe, plus que l'idéologie, ont rendu maints Allemands redevables et complices de leur Führer. Les centaines de trains de biens volés aux Juifs assassinés n'ont pas été perdus pour tout le monde, ni les milliers de logements vacants qu'ils étaient contraints d'abandonner[48].
Politique économique et sociale
Articles détaillés : Réarmement sous le Troisième Reich et Complexe militaro-industriel allemand.Hitler rejette dans un même mépris capitalisme et marxisme. Son nationalisme raciste transcende les clivages traditionnels. Un objectif fondamental pour lui est la reconstitution d’une « communauté nationale » (Volksgemeinschaft), unie par une race et une culture communes, débarrassée des divisions démocratiques et de la lutte des classes, tout comme des Juifs et des éléments racialement impurs, et où l'individu enfin n'a aucune valeur et n'existe qu'en fonction de son appartenance à la communauté. Après les divisions civiles des années 1920, beaucoup d'Allemands ne demandent qu'à partager ce rêve.
Ayant déjà pris ses distances avec la partie socialiste du programme nazi à la fin des années 1920, Hitler achève de refuser l'idée d'une révolution sociale après la purge de Röhm et la liquidation des SA. Peu doué lui-même en économie, le Führer fait contre la crise le choix très vite d'un pragmatisme brutal, écartant du gouvernement le vieux théoricien économique nazi Gottfried Feder au profit du sympathisant et brillant spécialiste plus classique Hjalmar Schacht, ancien directeur de la Reichsbank. En quelques années, l’économie est remise sur pied entre autres grâce à des emplois publics créés par l’État (autoroutes déjà planifiées sous la République de Weimar, ligne Siegfried, grands travaux spectaculaires de l'ingénieur nazi Fritz Todt, logements également dans la continuité de l'œuvre de Weimar, etc.). Le réarmement n’intervient que plus tard (Plan de quatre ans, 1936), après relance de l’économie, aidée par une conjoncture de reprise mondiale.
Dès mai 1933, les syndicats dissous laissent la place au Front allemand du travail (DAF), organisation corporatiste nazie, dirigée par Robert Ley. Le DAF interdit la grève et permet aux patrons d’exiger davantage des salariés, tout en garantissant à ceux-ci une sécurité de l’emploi et une sécurité sociale. Officiellement volontaire, l’adhésion au DAF est de fait obligatoire pour tout Allemand désirant travailler dans l’industrie et le commerce. Plusieurs sous-organisations dépendaient du DAF, dont la Kraft durch Freude chargée d'encadrer les loisirs des travailleurs ou d'embellir leurs cantines et leurs lieux de travail.
Entre 1934 et 1937, Schacht a pour mission de soutenir l’intense effort de réarmement du Troisième Reich. Pour atteindre cet objectif, il met en place des montages financiers tantôt ingénieux (comme les bons MEFO), tantôt hasardeux, creusant le déficit de l'État. Par ailleurs, la politique de grands travaux développe une politique keynésienne d’investissements de l’État. D’après William L. Shirer, Hitler diminue également tous les salaires de 5 %, permettant de dégager des ressources pour relancer l’économie, ce qui semble confirmer selon lui la nature interventionniste de ses directives.
Le chômage baisse nettement, passant de six millions de chômeurs en 1932 à 200 000 en 1938. En 1939, la production industrielle dépasse de peu son niveau de 1929. Cependant, Schacht considère que les investissements dans l’industrie militaire menacent à terme l’économie allemande et souhaite infléchir cette politique. Devant le refus de Hitler, qui considère le réarmement comme une priorité absolue, Schacht quitte son poste début 1939 au profit de Göring. Seuls la fuite en avant dans l'expansion, la guerre et le pillage ont sans doute permis à Hitler d'éviter une grave crise financière et économique finale[49].
Les rêves d’architecte : Hitler et l’art officiel nazi
L’architecture était probablement la plus grande passion de Hitler. S’il se voulait un artiste, il n'avait pas de sensibilité aux courants artistiques qui lui étaient contemporains. À Vienne comme à Munich, foyers actifs de l’art moderne, il ne s'intéressait pas aux avant-gardes, réservant son admiration aux monuments néo-classiques du XIXe siècle. Dès son arrivée au pouvoir, il disperse les avant-gardes artistiques et culturelles, fait brûler de nombreuses œuvres des avant-gardes et contraint des milliers d’artistes à s’enfuir d’Allemagne. Ceux qui demeurent se voient souvent interdire de peindre ou d’écrire, et sont placés sous surveillance policière. En 1937, Hitler fait circuler à travers toute l’Allemagne une exposition d’« art dégénéré » visant à tourner en dérision ce qu’il qualifie de « gribouillages juifs et cosmopolites ».
Arrivé au pouvoir, il fait surtout valoriser dans les cérémonies nazies la musique de Richard Wagner et celle de Anton Bruckner, ses favorites. Il encourage un « art nazi » conforme aux canons esthétiques et idéologiques du pouvoir au travers des œuvres de son sculpteur préféré Arno Breker, de Leni Riefenstahl au cinéma, ou de Albert Speer, son seul confident personnel, en architecture. Relevant souvent de la propagande monumentale, comme le stade destiné aux Jeux olympiques de Berlin (1936), ces œuvres au style très néo-classique développent aussi souvent l’exaltation de corps « sains », virils et « aryens ».
L’une des obsessions d’Hitler était la transformation complète de Berlin. Dès son accession au pouvoir, il travaille sur des plans d’urbanisme avec son architecte Albert Speer. Il était ainsi prévu une série de grands travaux monumentaux à l’ambition démesurée, d’inspiration néo-classique, en vue de réaliser le « nouveau Berlin » ou Welthauptstadt Germania. La guerre contrariera ces projets, et seule la nouvelle chancellerie, inaugurée en 1939, fut achevée. La coupole du nouveau Palais du Reichstag aurait été 13 fois plus grande que celle de la basilique Saint-Pierre de Rome, l’avenue triomphale deux fois plus large que les Champs-Élysées et l’arche triomphale aurait pu contenir dans son ouverture l’arc de triomphe parisien (40 m de haut). Le biographe de Speer, Joachim Fest, discerne à travers ces projets mégalomanes une « architecture de mort » (Albert Speer, Perrin, 2001).
En pleine guerre, Hitler se réjouit que les ravages des bombardements alliés facilitent pour l’après-guerre ses projets grandioses de reconstruction radicale de Berlin, Hambourg, Munich ou Linz. Dans son bunker, il se fait livrer le 9 février 1945 par l'architecte Hermann Giesler une maquette de Linz, montrant les projets de reconstruction de la ville. Cette maquette fait alors l'objet d'un passage obligé de tous les visiteurs du Bunker, jusqu'à sa destruction, en avril[50].
La diplomatie hitlérienne
La diplomatie du Troisième Reich est essentiellement conçue et dirigée par Hitler en personne. Ses ministres des Affaires étrangères successifs (Konstantin von Neurath puis Joachim von Ribbentrop) relayent ses directives sans faire preuve d’initiatives personnelles. La diplomatie hitlérienne, par son jeu d’alliances, d’audaces, de menaces et de duperies, est un rouage essentiel des buts stratégiques que poursuit le Führer. Ses discours tonitruants au Reichstag ou aux congrès nazis de Nuremberg scandent les crises diplomatiques qu’il provoque successivement ; ils alternent avec ses interviews hypocritement rassurantes aux journaux étrangers, ou avec ses entretiens accordés aux représentants étrangers.
Assimilant complètement son destin personnel au destin de l’Allemagne, et identifiant le cours biologique de sa vie avec la destinée du Reich, Hitler est obsédé par la possibilité de son vieillissement prématuré, et il veut donc pouvoir déclencher sa guerre avant de fêter ses 50 ans. Le regard porté par le dictateur sur lui-même a donc un rôle direct dans l’accélération des événements par lesquels il conduit l’Europe à la Seconde Guerre mondiale.
L’opposition au traité de Versailles
Le 14 octobre 1933, Hitler retire l’Allemagne de la Société des Nations et de la Conférence de Genève sur le désarmement, tout en prononçant des discours pacifistes. Le 13 janvier 1935, la Sarre plébiscite massivement (90,8 % de Oui) son rattachement à l’Allemagne.
Le 16 mars 1935, Hitler annonce le rétablissement du service militaire obligatoire et décide de porter les effectifs de la Wehrmacht de 100 000 à 500 000 hommes, par la création de 36 divisions supplémentaires. Il s’agit de la première violation flagrante du traité de Versailles.
En juin de la même année, Londres et Berlin signent un accord naval, qui autorise le Reich à devenir une puissance maritime. Hitler lance alors un programme de réarmement massif, créant notamment des forces navales (Kriegsmarine) et aériennes (Luftwaffe).
« Voyons ! Réfléchissez ! Rendez-vous compte de ce qui est logique ! »
Les Jeux olympiques d'hiver de 1936 à Garmisch-Partenkirchen ont constitué une formidable vitrine pour la propagande, surtout pour faire oublier sa politique du fait accompli et mettre au pied du mur le Royaume-Uni et la France dans ce qu’Hitler projette de faire. En janvier 1936, Bertrand de Jouvenel, jeune journaliste se trouvant aux Jeux d’hiver, prend l’initiative de contacter Otto Abetz, représentant itinérant du Reich, pour lui demander une interview d’Hitler. Abetz y voit une bonne opportunité de communication pour contrecarrer la ratification du pacte franco-soviétique par un vote de la Chambre des députés devant avoir lieu le 27 février. La veille de la publication, le propriétaire de Paris-Soir, Jean Prouvost, interdit la diffusion de l’article, qui est demandée par le président du conseil Albert Sarraut. Finalement, l’article est publié, le lendemain du vote dans le journal Paris-Midi du vendredi 28 février[51].
Quel était le but des Allemands ? Faire retarder la publication pour ensuite dire que les bonnes intentions d’Hitler avaient été cachées aux Français et ainsi adopter des contre-mesures.
Ce que dit Hitler dans son interview dans Paris-Midi est calibré pour le public français et représentatif de ses talents de manipulateur. Il dit ainsi sa « sympathie » pour la France et expose ses volontés pacifiques : « La chance vous est donnée à vous. Si vous ne la saisissez point, songez à votre responsabilité vis-à-vis de vos enfants ! Vous avez devant vous une Allemagne dont les neuf dixièmes font pleine confiance à leur chef, et ce chef vous dit : “Soyons amis !” »[52].
Les réactions à cette interview sont toutes convergentes à travers l’Europe, de Londres à Rome en passant par Berlin. Tous les commentateurs saluent les paroles de paix d’Hitler et chacun y voit le début d’un rapprochement à quatre[53].
Dès le 7 mars 1936, Hitler revient sur ses paroles de paix en remilitarisant la Rhénanie, violant une nouvelle fois le traité de Versailles ainsi que les accords de Locarno. C’est un coup de bluff typique de sa méthode personnelle. Hitler a donné comme consigne à ses troupes de se retirer en cas de riposte de l’armée française. Cependant, bien que l’armée allemande, à ce moment-là soit bien plus faible que ses adversaires, ni les Français, ni les Britanniques ne jugent utile de s’opposer à la remilitarisation. Le succès est éclatant pour Hitler.
Complaisances à l’étranger
La fascination exercée par Hitler dépasse largement à l’époque les frontières de l’Allemagne. Pour de nombreux sympathisants du fascisme, il incarne l’« ordre nouveau » qui remplacera les sociétés bourgeoises et démocratiques « décadentes ». Certains intellectuels font ainsi le pèlerinage du congrès de Nuremberg, comme le futur collaborationniste Robert Brasillach. Le journaliste Fernand de Brinon, premier Français à interviewer le nouveau chancelier en 1933, sera un militant proche du nazisme, et le représentant du régime de Vichy en zone nord dans Paris occupé. Le 13 juin 1933, le premier ministre fascisant de Hongrie, Gyula Gömbös, est le premier chef de gouvernement étranger à rendre une visite officielle au nouveau chancelier allemand.
Chez les conservateurs de toute l’Europe, beaucoup s’obstinent des années à ne voir en Hitler que le rempart contre le bolchevisme ou le restaurateur de l’ordre et de l’économie en Allemagne. La spécificité et la nouveauté radicales de sa pensée et de son régime ne sont pas perçues ; on ne voit en lui qu’un nationaliste allemand classique, guère plus qu’un nouveau Bismarck. On veut souvent croire aussi que l’auteur de Mein Kampf s’est assagi avec l’exercice des responsabilités. Au printemps 1936, Hitler reçoit spectaculairement à sa résidence secondaire de Berchtesgaden le vieil homme d’État britannique David Lloyd George, un des vainqueurs de 1918, qui ne tarit pas d’éloges sur le Führer et les succès de son régime. En 1937, il reçoit de même la visite du duc de Windsor (l’ex-roi d’Angleterre Édouard VIII).
À l’été 1936, Hitler inaugure les Jeux olympiques de Berlin. C’est l’occasion d’un étalage à peine voilé de propagande nazie, ainsi que de réceptions grandioses destinées à séduire les représentants des establishments étrangers présents sur place, notamment britannique. Le Grec Spyrídon Loúis, vainqueur du marathon aux premiers jeux de 1896, lui remet un rameau d’olivier venu du bois d’Olympie. La France a renoncé à boycotter les jeux, et ses sportifs font polémique[réf. nécessaire] en défilant devant Hitler le bras tendu (le salut olympique ressemblant au salut nazi). Par contre, la délégation américaine s’est refusée à tout geste ambigu lors de son passage devant le dictateur. Plus tard, pendant les épreuves, Hitler quitte la tribune officielle, mais ce geste n'aurait pas eu pour but, contrairement à une idée répandue, d'éviter d’avoir à serrer la main du champion noir américain Jesse Owens[54],[55],[56], mais d'éviter de devoir féliciter tous les vainqueurs, décision qui englobe Owens sans le viser spécifiquement.
Le 2 janvier 1939, Hitler est élu Homme de l’année 1938 par le Time Magazine.
Les alliances
En juillet 1936, Hitler apporte son soutien aux insurgés nationalistes du général Franco lors de la guerre d’Espagne. Il fait parvenir des avions de transports pour permettre aux troupes coloniales du Maroc espagnol de franchir le détroit de Gibraltar lors des premiers jours cruciaux de l’insurrection. Tout comme Mussolini, il envoie ensuite du matériel militaire ainsi qu’un corps expéditionnaire, la Légion Condor, qui permettra de tester les nouvelles techniques guerrières, notamment les bombardements aériens terroristes sur les populations civiles, lors de la destruction de Guernica en 1937.
L’Allemagne nazie et l’Italie fasciste, qui ont combattu dans deux camps différents sous la Grande Guerre, étaient initialement hostiles par désaccord sur l’Anschluss. En juin 1934 à Venise, lors de leur première rencontre, Mussolini a toisé de haut Hitler, vêtu en civil et mal à l'aise face à celui qui lui a longtemps servi d'inspirateur. Le dictateur italien empêche en juillet l'annexion de l'Autriche en envoyant des troupes au col du Brenner après l'assassinat du chancelier autoritaire Engelbert Dollfuss par les nazis autrichiens. Mais après le départ de l’Italie de la Société des Nations, suite à son agression contre l’Éthiopie, et avec leur intervention commune en Espagne, les deux fascismes se rapprochent et concluent une alliance, une relation décrite par Benito Mussolini comme l’Axe Rome-Berlin, fondé en octobre 1936.
En novembre 1936, l’Allemagne et le Japon signent le pacte anti-Komintern, traité d’assistance mutuelle contre l’URSS, auquel se joint l’Italie en 1937. Cette même année Hitler rencontre à Nuremberg le prince Yasuhito Chichibu, frère cadet de l’empereur Hirohito, afin de raffermir les liens entre les deux États. En septembre 1940, la signature du Pacte tripartite entre le Troisième Reich, l’Italie et l’Empire du Japon, formalise la coopération entre les puissances de l’Axe pour établir un « nouvel ordre ». Ce pacte obligera Hitler à déclarer la guerre aux États-Unis après l’attaque japonaise sur Pearl Harbor, sans bénéfice aucun pour l’Allemagne, puisque sous-estimant un pays qu’il ne connaît pas, il fait entrer en lice contre le Reich l’immense potentiel économique de l’Amérique, hors d’atteinte.
En mai 1939, l’Allemagne et l’Italie signent un traité d’alliance militaire inconditionnel, le Pacte d'Acier : l’Italie s’engage à aider l’Allemagne même si celle-ci n’est pas l’agressée.
L’Anschluss
Article détaillé : Anschluss.Afin de réaliser l’Anschluss, rattachement de l’Autriche au Troisième Reich interdit par le traité de Versailles, Hitler s’appuie sur l’organisation nazie locale. Celle-ci tente de déstabiliser le pouvoir autrichien, notamment par des actes terroristes. Un coup d’État échoue en juin 1934, malgré l’assassinat du chancelier Engelbert Dollfuss. L’Italie a avancé ses troupes dans les Alpes pour contrer les velléités expansionnistes allemandes, et les nazis autrichiens sont sévèrement réprimés par un régime autrichien de type fasciste.
Début 1938, l’Allemagne est davantage en position de force et est alliée avec l’Italie. Hitler exerce alors des pressions sur le chancelier autrichien Kurt von Schuschnigg, le sommant, lors d’une entrevue à Berchtesgaden en février, de faire entrer des nazis dans son gouvernement, dont Arthur Seyss-Inquart au ministère de l’Intérieur. Devant la menace croissante des nazis, Schuschnigg annonce en mars l’organisation d’un référendum pour confirmer l’indépendance de l’Autriche.
Hitler lance alors un ultimatum exigeant la remise complète du pouvoir aux nazis autrichiens. Le 12 mars, Seyss-Inquart est nommé chancelier, et la Wehrmacht entre en Autriche. Hitler franchit lui-même la frontière par sa ville natale de Braunau am Inn, puis arrive à Vienne où il est triomphalement acclamé par une foule en délire. Le lendemain, il proclame le rattachement officiel de l’Autriche au Reich, ce qui est approuvé par référendum (99 % de oui) en avril 1938. Le Grossdeutschland (« Grande Allemagne ») était ainsi créé, avec la réunion des deux États à population germanophone. Rares sont alors les Autrichiens à s’opposer à la fin de l’indépendance, à l’image de l’archiduc Otto de Habsbourg, exilé.
En Autriche annexée, la terreur s’abat aussitôt sur les Juifs et sur les ennemis du régime. Un camp de concentration est ouvert à Mauthausen près de Linz, qui acquiert vite la réputation méritée d’être l’un des plus terribles du système nazi. Le pays natal de Hitler, qui se targua après la guerre d’avoir été la « première victime du nazisme » et refusa longtemps toute indemnisation des victimes du régime, s’est en fait surtout distingué par sa forte contribution aux crimes du Troisième Reich. L’historien britannique Paul Johnson[57] souligne que les Autrichiens sont surreprésentés dans les instances supérieures du régime (outre Hitler lui-même, on peut citer Adolf Eichmann, Ernst Kaltenbrunner, Arthur Seyss-Inquart ou Hans Rautter, chef de la Gestapo aux Pays-Bas occupés) et qu’ils ont en proportion beaucoup plus participé à la Shoah que les Allemands. Un tiers des tueurs des Einsatzgruppen étaient ainsi autrichiens, tout comme quatre des six commandants des principaux camps d'extermination et près de 40 % des gardes des camps. Sur 5 090 criminels de guerre recensés par la Yougoslavie en 1945, on compte 2 499 Autrichiens.
Crise des Sudètes et accords de Munich
Article détaillé : Crise des Sudètes.Poursuivant ses objectifs pangermanistes, Hitler menace ensuite la Tchécoslovaquie. Les régions de la Bohême et de la Moravie situées le long des frontières du Grossdeutschland, appelé Sudètes, sont majoritairement peuplées par la minorité allemande. Comme pour l’Autriche, Hitler affirme ses revendications en s’appuyant sur les agitations de l’organisation nazie locale, menée par Konrad Henlein. Le Führer évoque le « droit des peuples » pour exiger de Prague l’annexion au Reich des Sudètes.
Bien qu’alliée à la France (et à l’Union soviétique), la Tchécoslovaquie ne peut compter sur son soutien. Paris veut absolument éviter le conflit militaire, incitée en cela par le refus britannique de participer à une éventuelle intervention. Le souvenir de la Grande Guerre influence également cette attitude : si les Allemands ont développé le désir de revanche, les Français entretiennent quant à eux une ambiance générale résolument pacifiste.
Le 29 septembre 1938, conformément à une proposition de Mussolini faite la veille, Adolf Hitler, le président du Conseil français Édouard Daladier, le Premier ministre britannique Neville Chamberlain et le Duce italien Benito Mussolini, réunis dans la capitale bavaroise, signent les accords de Munich. La France et le Royaume-Uni acceptent que l’Allemagne annexe les Sudètes, pour éviter la guerre. En échange, Hitler, manipulateur, assure que les revendications territoriales du Troisième Reich s'arrêteront là. Le lendemain, la Tchécoslovaquie, qui avait commencé à mobiliser, est obligée de s’incliner. Parallèlement, le Troisième Reich autorise la Pologne et la Hongrie à s’emparer respectivement de la ville de Teschen et du sud de la Tchécoslovaquie.
Maître-d’œuvre de la politique d’« apaisement » avec le Reich, le Premier ministre britannique Neville Chamberlain a alors ce mot fameux : « Hitler est un gentleman ». Mais alors que les opinions publiques française et britannique sont enthousiastes, Winston Churchill commente : « Entre le déshonneur et la guerre, vous avez choisi le déshonneur. Et vous allez avoir la guerre. » De fait, Hitler rompt sa promesse à peine quelques mois plus tard.
En mars 1939, la République slovaque, encouragée par Berlin, proclame son indépendance ; son leader, Jozef Tiso place son pays sous l’orbite allemande. Hitler, lors d’une entrevue dramatique à Berlin avec le président tchécoslovaque Emil Hácha (remplaçant le président démissionnaire Edvard Beneš), menace de bombarder Prague si la Bohême et la Moravie ne sont pas incorporées au Reich. Le 15 mars, Hácha cède, et l’armée allemande entre à Prague sans combat le lendemain. La Bohême et la Moravie deviennent le Protectorat de Bohême-Moravie, dirigé par Konstantin von Neurath à partir de novembre 1939, puis de 1941 à son exécution par la résistance tchèque en mai 1942, par le haut chef SS Reinhard Heydrich, surnommé « le boucher de Prague ».
En mettant la main sur la Bohême-Moravie, le Reich s’empare par la même occasion d’une importante industrie sidérurgique et notamment des usines Škoda, qui permettent de construire des chars d’assaut. En annexant des populations slaves et non plus allemandes, Hitler a jeté le masque : ce qu'il poursuit n'est plus le pangermanisme classique mais, ainsi qu'il l'avoue sans fard à ses généraux le 23 mai 1939, la conquête d'un espace vital illimité.
Le Pacte germano-soviétique et l’agression de la Pologne
Après l’Autriche et la Tchécoslovaquie, vient le tour de la Pologne. Coincée entre deux nations hostiles, la Pologne de Józef Piłsudski a signé avec le Reich un traité de non-agression en janvier 1934, pensant ainsi se prémunir contre l’Union soviétique. L’influence de la France, alliée traditionnelle de la Pologne, en Europe centrale a ainsi considérablement diminué, tendance qui s’est confirmée ensuite avec le démembrement de la Tchécoslovaquie et la désagrégation de la Petite Entente (Prague, Bucarest, Belgrade), alliance placée sous le patronage de Paris.
Au printemps 1939, Hitler revendique l’annexion de la Ville libre de Dantzig. En mars, l’Allemagne a déjà annexé la ville de Memel, possession de la Lituanie. Ensuite, Hitler revendique directement le corridor de Dantzig, territoire polonais perdu par l’Allemagne avec le traité de Versailles en 1919. Cette région donne à la Pologne un accès à la mer Baltique et sépare la Prusse-Orientale du reste du Reich.
Le 23 août 1939, Ribbentrop et Viatcheslav Molotov, ministres des Affaires étrangères de l’Allemagne et l’Union soviétique signent un pacte de non-agression. Ce pacte est un nouveau revers pour la diplomatie française. En mai 1935, le gouvernement de Pierre Laval avait signé avec l’URSS un traité d’assistance mutuelle, ce qui eut pour conséquence de refroidir les relations de la France avec la Pologne, mais aussi avec les Tories au pouvoir à Londres. Avec le pacte de non-agression germano-soviétique, la France ne peut plus compter sur l’URSS pour menacer une Allemagne expansionniste. En outre, la Pologne est prise en tenaille. L’Allemagne et l’URSS ont convenu d’un partage des pays situés entre elles : Pologne occidentale pour la première, Pologne orientale (Polésie, Volhynie, Galicie orientale) et Pays baltes pour la seconde.
Le 30 août 1939, Hitler lance un ultimatum pour la restitution du corridor de Dantzig. La Pologne refuse. Cette fois-ci, la France et le Royaume-Uni sont décidés à soutenir le pays agressé. C’est le début de la Seconde Guerre mondiale.
La diplomatie hitlérienne pendant la guerre
Une fois la France vaincue en 1940, Hitler satellise les pays d’Europe centrale : Slovaquie, Hongrie, Roumanie, Bulgarie. Hitler obtient l’adhésion de la Hongrie et de la Bulgarie, anciens vaincus de la Première Guerre mondiale, en leur offrant respectivement la moitié de la Transylvanie et la Dobroudja, cédées par la Roumanie, où le général pro-hitlérien Ion Antonescu prend le pouvoir en septembre 1940. À partir de juin 1941, Hitler entraîne la Slovaquie, la Hongrie, et la Roumanie dans la guerre contre l’URSS, ainsi que la Finlande, qui y voit une occasion de réparer les torts de la guerre russo-finlandaise.
Cependant, Hitler échoue à faire entrer en guerre l’Espagne franquiste. Comptant sur la reconnaissance du Caudillo qui a gagné la guerre civile espagnole, il le rencontre à Hendaye le 23 octobre 1940. Hitler espère l’autorisation de Franco pour conquérir Gibraltar et couper les voies de communications anglaises en Méditerranée. Prudent, le dictateur espagnol sait que l'Angleterre ne peut plus déjà être envahie ni vaincue avant 1941, et que le jeu reste ouvert. Les contreparties exigées par Franco (notamment des compensations territoriales en Afrique du Nord française), dont le pays est par ailleurs ruiné et dépendant des livraisons américaines, sont irréalisables pour Hitler, qui souhaite ménager quelque peu le régime de Vichy pour l’amener sur la voie de la collaboration. Sorti furieux de l'entrevue au point de qualifier Franco de « porc jésuite »[34], Hitler a cependant bénéficié plus tard de l'envoi en URSS des "volontaires" espagnols de la division Azul, qui participe jusqu'en 1943 à tous les combats (et à toutes les exactions) de la Wehrmacht, et le Caudillo l'a toujours ravitaillé en minerais stratégiques de première importance.
Au lendemain de l'entrevue de Hendaye, le 24 octobre, Hitler s'arrête à Montoire où la collaboration d'État française est officialisée au cours d'une entrevue avec Pétain. La poignée de main symbolique entre le vieux maréchal et le chancelier du Reich frappe de stupeur l'opinion française.
En novembre 1941, le Grand Mufti de Jérusalem, Amin al-Husseini, rencontre Adolf Hitler et Heinrich Himmler, souhaitant les amener à soutenir la cause nationaliste arabe. Il obtient d’Hitler la promesse « qu’une fois que la guerre contre la Russie et l’Angleterre sera gagnée, l’Allemagne pourra se concentrer sur l’objectif de détruire l’élément juif demeurant dans la sphère arabe sous la protection britannique»[58]. Amin al-Husseini relaie la propagande nazie en Palestine et dans le monde arabe et participe au recrutement de combattants musulmans, concrétisé par la création des divisions de Waffen-SS Handschar, Kama et Skanderberg, majoritairement formées de musulmans des Balkans.
Ce soutien des nazis au Grand Mufti de Jérusalem est contradictoire avec la politique antisémite dans les années 1930, qui a pour conséquence l’émigration d’une grande partie des juifs allemands vers la Palestine. Quant au Grand Mufti, sa stratégie est guidée par le principe selon lequel l’ennemi de ses ennemis (en l’occurrence les Anglais et les Juifs) doit être son allié[59]. Du point de vue hitlérien, il s’agit essentiellement d’ébranler les positions de l’empire britannique au Moyen-Orient devant l’avancée de l’Afrikakorps et de permettre le recrutement d’auxiliaires, notamment pour lutter contre les partisans, alors que l’hémorragie de l’armée allemande devient problématique.
Adolf Hitler en visite à Paris
Le 18 juin 1940, Hitler visite Paris pour la première fois, rapidement[réf. nécessaire]. Il passe en revue les troupes des détachements de la Wehrmacht qui défilent devant le maréchal Walther von Brauchitsch et le général Fedor von Bock, commandant en chef du groupe d’armées B. Le soir, il rentre à Munich pour rencontrer Benito Mussolini et examiner la demande de cessation d’hostilités adressée par Philippe Pétain.
Le dimanche 23 juin, il visite une deuxième fois la capitale française, toujours de façon brève et discrète (trois véhicules) en compagnie d’Arno Breker et Albert Speer, essentiellement pour s’inspirer de son urbanisme (il avait donné l’ordre d’épargner la ville lors des opérations militaires). Dès six heures du matin, en provenance de l’aérodrome du Bourget, il descend la rue La Fayette, entre à l’Opéra, qu’il visite minutieusement. Il prend le boulevard de la Madeleine et la rue Royale, arrive à la Concorde, puis à l’arc de triomphe. Le cortège descend l’avenue Foch, puis rejoint le Trocadéro. Hitler pose pour les photographes sur l’esplanade du Trocadéro, dos tourné à la tour Eiffel. Ils se dirigent ensuite vers l’École militaire, puis vers les Invalides et il médite longuement devant le tombeau de Napoléon Ier (c'est également aux Invalides qu'il fera transférer les cendres du fils de Napoléon Ier, l’Aiglon). Ensuite, il remonte vers le jardin du Luxembourg qu’il visite, mais ne souhaite pas visiter le Panthéon. Pour finir, il descend le boulevard Saint-Michel à pied, ses deux gardes du corps à distance. Place Saint-Michel, il remonte en voiture. Ils arrivent alors sur l’île de la Cité, où il admire la Sainte-Chapelle et Notre-Dame, puis la rive droite (le Châtelet, l’hôtel de ville, la place des Vosges, les Halles, le Louvre, la place Vendôme). Ils remontent ensuite vers l’Opéra, Pigalle, le Sacré-Cœur, avant de repartir à 8h15. Un survol de la ville complète sa visite. Il ne reviendra plus jamais à Paris[60],[61].
Triomphe à Berlin
Le 6 juillet 1940, Hitler revient à Berlin pour célébrer la victoire écrasante de l'Allemagne sur la France : il est reçu en triomphe entre la gare centrale et la chancellerie où il passe en revue quelques divisions revenues du front. C'est sa dernière parade militaire et la dernière fois qu'il est ovationné[62].
La Seconde Guerre mondiale
Article détaillé : Seconde Guerre mondiale.Hitler a eu de « brillantes » intuitions, lors de la première phase de la Seconde Guerre mondiale. La Wehrmacht applique la Blitzkrieg (guerre éclair, impliquant un emploi massif et concentré des bombardiers et des blindés), qui lui permet d’occuper successivement la Pologne (septembre 1939), le Danemark (avril 1940), la Norvège (avril-mai 1940), les Pays-Bas, le Luxembourg et la Belgique (mai 1940), la France (mai-juin 1940), la Yougoslavie (avril 1941) et la Grèce (avril-mai 1941).
En particulier, la défaite rapide de la France en juin 1940 est un véritable triomphe pour Hitler, qui est acclamé par une foule massive à son retour à Berlin en juillet. Cependant, cet éternel joueur de dés remet tout en jeu en agressant l'URSS le 22 juin 1941, décision à terme fatale.
La guerre radicalise son régime et lui fait prendre ses traits les plus meurtriers. De même que l'attaque de la Pologne donne le signal du massacre des handicapés mentaux ou de la répression de masse contre les peuples slaves, c'est dans la guerre d'extermination (Vernichtungskrieg) planifiée contre les populations soviétiques que s'élabore notamment la Solution Finale. Toute l'Europe occupée est livrée à la terreur et au pillage, avec des degrés divers selon le sort qu'Hitler réserve à chaque "race" et à chaque pays.
Les succès et la conquête de l’Europe (1939-1940)
Son mépris total du droit international a facilité la tâche à Hitler, tout comme son absence complète de scrupules, ainsi que la passivité frileuse ou la naïveté de nombre de ses victimes. Ainsi, six de ces pays (Danemark, Norvège, Pays-Bas, Luxembourg, Belgique, Yougoslavie) sont des États neutres, attaqués par surprise, sans même la formalité d’une déclaration de guerre. Hitler a souvent exprimé à ses proches son sentiment selon lequel les traités diplomatiques ou de non-agression qu’il signait au nom de l’Allemagne n’étaient, pour lui, que des papiers sans réelle valeur, uniquement destinés à endormir la méfiance adverse. Au procès de Nuremberg, le Troisième Reich se verra reprocher la violation de 34 traités internationaux.
De même, Hitler n’hésite pas à recourir à des méthodes de terreur pour faire plier l’ennemi. Il ordonne ainsi la destruction par les airs du centre de Rotterdam le 14 mai 1940, ou le terrible bombardement de Belgrade (6-9 avril 1941), en représailles à un putsch antihitlérien d’officiers serbes hostiles à l’adhésion à l’Axe. La Wehrmacht s’illustre aussi dans son avancée par un certain nombre de crimes de guerre, ainsi le massacre de 1500 à 3000 soldats noirs des troupes coloniales en France[63], premières victimes dans ce pays du racisme hitlérien.
Autodidacte en matière militaire, Hitler juge que les généraux de la vieille école dominant la Wehrmacht, souvent issus de l’aristocratie prussienne (généralement méprisée par les nazis qui se considèrent révolutionnaires), sont trop prudents et dépassés par les conceptions de la guerre moderne (la Blitzkrieg et la guerre psychologique). Les succès sont avant tout ceux de jeunes généraux talentueux tels que Heinz Guderian ou Erwin Rommel, qui savent faire preuve d’audace, d’initiatives, et ont une conception de la guerre plus novatrice que leurs adversaires.
Toutefois, Hitler lui-même démontre une certaine habileté et audace stratégique. Il est ainsi persuadé que la France ne bougera pas pendant que la Pologne sera envahie, évitant à l’Allemagne de combattre sur deux fronts, ce qui est effectivement le scénario de la drôle de guerre. Il est également en grande partie à l’origine du plan dit « von Manstein », qui permet, en envahissant la Belgique et la Hollande, de piéger les forces franco-britanniques projetées trop en avant et de les prendre à revers par une percée dans les Ardennes dégarnies, pour isoler le meilleur des troupes adverses acculées à Dunkerque en mai-juin 1940. Cependant, le 24 mai, Hitler, redoutant qu'une avance trop rapide ne fournisse à l'ennemi l'occasion d'une improbable deuxième victoire de la Marne, commet l'erreur d'ordonner à ses troupes de marquer un arrêt devant le port, d’où rembarquent alors 300 000 soldats britanniques, ordre qualifié plus tard de « miracle de Dunkerque ». Le 17 juin 1940, après la demande de l'armistice Wilhelm Keitel appelle Hitler « le plus grand général de tous les temps » (allemand: „Größter Feldherr aller Zeiten“). Plus tard, à l'issue de Stalingrad, ses collègues utilisent l'acronym Gröfaz en tournant Hitler en ridicule[64]. Le 22 juin, dans la clairière de Rethondes, lors de l'Armistice franco-allemand qu'il a symboliquement exigé de voir signer dans la même clairière et le même wagon qu'en 1918, Hitler exulte devant les caméras des actualités allemandes.
Avant l’invasion de la Russie un an plus tard, l’Allemagne hitlérienne domine donc l’Europe, ajoutant au printemps 1941 la Yougoslavie et la Grèce à son empire, envahis pour venir en aide à Mussolini, jaloux des succès de Hitler mais lui-même vite empêtré dans les Balkans. Avec ses succès militaires et la disparition de l’influence française en Europe centrale, la Slovaquie, la Hongrie, la Roumanie (dont les champs de pétrole sont une obsession continuelle pour Hitler durant la guerre) et la Bulgarie, en adhérant au Pacte tripartite, tombent dans l’orbite de l’Allemagne, mettant à sa disposition des bases pour de futures actions.
Entre juin 1940 et juin 1941, le seul adversaire de l’Allemagne nazie reste le Royaume-Uni, appuyé par le Commonwealth. Hitler est plutôt enclin à des relations cordiales avec les Anglais, considérés racialement comme proches des Germaniques. Il espère que le gouvernement britannique finira par négocier la paix et qu’il acceptera de se contenter de son empire colonial et maritime sans plus intervenir sur le continent. Hitler compte sur l’action de la Luftwaffe, puis les attaques des sous-marins contre les convois de marchandises (bataille de l’Atlantique), pour faire plier le Royaume-Uni.
Mais sur ce point, la détermination de Winston Churchill, arrivé au pouvoir le 10 mai 1940, contraste avec les atermoiements de ses prédécesseurs. Refusant toute paix de compromis, galvanisant la population britannique, il contrarie les plans du Führer. Dès le 15 septembre 1940, la bataille d'Angleterre (10 juillet au 31 octobre 1940) est virtuellement perdue pour l'Allemagne, l’héroïsme des pilotes de la Royal Air Force ayant fait échec aux rodomontades de Göring, maître de la Luftwaffe, dont la semi-disgrâce auprès du Führer commence. La bataille aérienne a pris fin comme patt militaire, mais elle était une défaite politique et stratégique pour Hitler, qui n'avait pas réussi, pour la première fois, à imposer sa volonté à un pays[65].
Furieux, Hitler ajourne dès le 12 septembre l’opération Seelöwe - son plan de débarquement en Angleterre, au demeurant improvisé trop tardivement à l’été 1940, et irréalisable tant que le Royaume-Uni a encore sa flotte navale et aérienne. Il déchaîne alors les bombardements terroristes sur les populations civiles britanniques : le Blitz s’abat chaque jour sur les cités anglaises, en particulier sur Coventry, rasée par l’aviation allemande le 26 novembre 1940, ou sur la vieille City de Londres, incendiée notamment dans les nuits de décembre 1940 et du 10-11 mai 1941. Mais la détermination populaire britannique reste intacte.
En 1942, en représailles aux premiers grands raids britanniques sur les cités allemandes, Hitler ordonnera encore de détruire une à une les villes d’art britanniques par les airs (les « raids Baedeker », du nom d’un guide touristique célèbre), de même qu’il déchaînera en 1944 les V1 et les V2 sur l’Angleterre. Sans plus de succès.
Par ailleurs, la guerre sous-marine à outrance rapproche le Royaume-Uni des États-Unis, soucieux de la liberté de commerce et de navigation. Hitler commence à considérer que la guerre avec l’Amérique, « foyer du capitalisme juif » à ses yeux, devient inéluctable. En juillet 1940, Hitler déclare à Wilhelm Keitel et Alfred Jodl qu'il est nécessaire d'éliminer l'URSS, puisqu’il présume, à tort, qu'aux yeux des Anglais, l’Union soviétique est le dernier soutien militaire de l’Angleterre sur le continent européen[66]. Il décide d’attaquer l'Union soviétique le plus rapidement possible pour gagner la guerre contre la Grande-Bretagne[67]. Pour Hitler, il est important que la guerre en Europe se termine avant que les États-Unis ne puissent intervenir sur le théâtre d'opérations européen[68].
Erreurs et premiers échecs (1941)
Hitler s’avère aussi et surtout être un commandant en chef brouillon et imprévisible, dédaigneux de l’opinion de son état-major. Il peut compter sur la très grande servilité de celui-ci, et en premier lieu du chef de l’Oberkommando der Wehrmacht (OKW, haut commandement des forces armées), Wilhelm Keitel. Chez Hitler, un manque fréquent de réalisme se double souvent d’impairs stratégiques. En outre, le Führer est inconscient de bien des problèmes du front. Comme Adolf Hitler accueille très mal les mauvaises nouvelles et tout ce qui ne correspond pas à ses plans, ses subordonnés hésitent à lui transmettre certaines informations.
Sa première grave erreur a été d’ouvrir un deuxième front, en envahissant l’immense Union soviétique sans avoir terminé la guerre contre le Royaume-Uni. Toujours persuadé d’avoir une tâche monumentale qu’il aura du mal à réaliser en une seule vie, il souhaite attaquer l’URSS, principal réservoir d'« espace vital » et ennemi principal doctrinal, dans des délais rapides. À partir de décembre 1940, il planifie une guerre d'extermination terroriste à l'Est : il ne s'agit pas seulement de détruire le bolchevisme, mais au-delà, comme déjà en Pologne asservie, de détruire l'État, de réduire les populations civiles à l'état d'esclaves et de sous-hommes, de vider par les massacres et les déportations les territoires conquis de leurs Juifs et de leurs Tziganes, afin de laisser la place à des colons allemands.
Au lancement de l’opération Barbarossa contre l’Union soviétique en juin 1941, Hitler, considérant que l’Armée rouge s’écroulera rapidement, envisage d’atteindre avant la fin de l’année une ligne Arkhangelsk-Astrakhan. Il interdit à ses troupes d'emporter du matériel d'hiver.
Il divise son armée en trois groupes : le Groupe d’armée Nord (GAN) ayant pour objectif Leningrad, le Groupe d’armée Centre (GAC) ayant pour objectif Moscou, et le Groupe d’armée Sud (GAS) ayant pour objectif l’Ukraine. À ce dispositif s’ajoutent les alliés finlandais au Nord, hongrois, roumains et italiens au Sud, ces derniers étant considérés comme peu fiables par Hitler et son état-major.
En août 1941, Hitler donne la priorité à la conquête de l’Ukraine, objectif économique primordial avec ses terres céréalières et ses mines, par le GAS, mais aussi objectif stratégique, car une très grosse part de l'Armée Rouge est concentrée autour de Kiev : marcher directement sur Moscou avant d'avoir détruit ces réserves, comme le voudraient de nombreux généraux allemands, exposerait dangereusement le flanc de la Wehrmacht aux yeux de Hitler. Ce faisant, le Führer oblige le GAC à stopper, alors qu’il était parvenu à 300 kilomètres de Moscou. L’offensive sur ce secteur reprend en octobre, mais ce contretemps fait intervenir un adversaire redoutable : l’hiver russe.
Hitler a négligé ce facteur autant qu’il a sous-estimé, par haine des Slaves et du communisme, la qualité et la combativité des « sous-hommes » soviétiques. Son racisme lui fait aussi interdire formellement à l'armée d'invasion de se chercher des alliés parmi les nationalistes locaux et les ennemis du régime stalinien.
Au contraire, les déchaînements de cruautés contre les civils et la mise en œuvre des crimes de masse prémédités aliènent très vite à Hitler les populations soviétiques, rejetées dans les bras d'un Staline qui sait proclamer l'union sacrée. L’arrivée de troupes fraîches de Sibérie permet de dégager Moscou et de faire reculer des Allemands mal préparés aux dures conditions climatiques. La Wehrmacht a alors perdu 700 000 hommes (tués, blessés, prisonniers), soit un quart de son effectif sur ce front.
Le 19 décembre 1941, alors que la retraite menace de se transformer en débacle incontrôlable comme celle qui avait fait disparaître la Grande Armée napoléonienne en 1812, Hitler prend directement le commandement de la Wehrmacht sur le front russe, évinçant le général von Brauchitsch ainsi que Guderian, von Bock et von Rundstedt. Il interdit catégoriquement toute retraite, tout repli même stratégique, allant jusqu'à faire condamner à mort des officiers et des généraux qui en effectuent en lui désobéissant. Les ordres draconiens du Führer parviennent de fait à stabiliser le front à quelque 150 km de Moscou, au prix de terribles souffrances des soldats.
Désormais, la guerre-éclair a fait son temps et Hitler a perdu tout espoir d'une guerre courte. De surcroît, c'est au même moment qu'il déclare la guerre aux États-Unis, le 11 décembre 1941, peu après l'attaque de Pearl Harbour le 7, dont ses alliés japonais ne l'avaient même pas prévenu, et sans bénéfice aucun pour le Reich, puisque l'empire japonais ne déclare nullement la guerre à l'URSS. Le Führer a fait donc inconsidérément entrer en lice le plus grand potentiel économique du monde, hors d'atteinte de ses Panzer et de ses bombardiers.
Hitler est désormais le maître absolu de l'armée et des opérations (même Staline laisse après 1942 la bride sur le cou à ses généraux, tandis que Churchill, Roosevelt et de Gaulle ne prennent guère que des décisions politiques). Si l'échec frustrant devant Moscou radicalise encore ses projets meurtriers (sa décision d'exterminer tous les Juifs d'Europe est prise au moment du ralentissement de l'avancée en Russie[réf. nécessaire]), Hitler dispose encore de forces armées redoutables et reste pour l'heure le maître tout-puissant de l'Europe conquise, des portes de Moscou à l'Atlantique.
Le maître de l'Europe occupée : exploitation et terreur
Article détaillé : Europe sous domination nazie.L'« Ordre Nouveau » promis par la propagande nazie n'a jamais signifié pour Hitler que la domination absolue et l'exploitation systématique de son « espace vital » par la « race des Seigneurs ».
Partout les économies locales sont donc placées sous tutelle, au profit exclusif du Troisième Reich et de son effort de guerre. Des tributs financiers exorbitants sont exigés des vaincus, les matières premières drainées en Allemagne ainsi que les produits agricoles et industriels (sans oublier les œuvres d'arts, dont des trains entiers sont raflées par Göring et Rosenberg). Le pillage de l'Europe occupée est d'autant plus radical que Hitler tient absolument à maintenir un haut niveau de vie à la population allemande même en pleine guerre, pour éviter que ne se reproduise la révolte de novembre 1918.
Le 21 mars 1942, pour pallier la pénurie de main-d'œuvre causée par la mobilisation massive des Allemands sur le front de l'Est, Hitler nomme le gauleiter Fritz Sauckel plénipotentiaire au recrutement des travailleurs. Placé sous l'autorité directe du seul Führer, Sauckel parvient, à force de chasses à l'homme et de rafles massives à l'Est, et en usant à l'Ouest davantage d'intimidations et de mesures coercitives (conscription du travail et STO), à amener en deux ans plus de 8 millions de travailleurs forcés sur le territoire du Grand Reich. Parmi eux, les travailleurs polonais et soviétiques (Ostarbeiter) ont été soumis à un traitement brutal et extrêmement discriminatoire, leur laissant à peine le minimum vital pour subsister[69].
Parallèlement, le 8 février 1942, Hitler a chargé son confident et architecte préféré, le jeune technocrate Albert Speer, de réorganiser l'économie de guerre du Reich. Très efficace, Speer obtient des résultats significatifs[évasif] qui prolongent la guerre. Mais il ne met longtemps à vaincre les réticences de Hitler à proclamer la guerre totale voulue par Goebbels, le Führer ne voulant pas imposer aux Allemands des sacrifices susceptibles de nuire à son image et de les pousser à la révolte.
Himmler de son côté exploite jusqu'à la mort la main-d'œuvre forcée des camps de concentration, dont le taux de mortalité explose littéralement à partir de début 1942. Le 9 décembre 1941, Hitler a pris personnellement le décret Nacht und Nebel, cosigné par Keitel, qui prévoit de faire littéralement disparaître les résistants déportés « dans la nuit et le brouillard » (expression empruntée par le Führer à un opéra de Wagner). Au sein du système concentrationnaire nazi, ce sont donc les détenus de toute l'Europe classés « NN » qui connaîtront les pires traitements et le taux de mortalité le plus important[réf. nécessaire].
La domination nazie réintroduit largement en Europe des pratiques disparues depuis le XVIIIe siècle : torture, prise d'otages, réduction des populations en esclavage, destruction de villages entiers deviennent des pratiques banales qui signent la brève hégémonie de Hitler.
On peut y ajouter l'enrôlement forcé dans les troupes allemandes des Malgré-Nous alsacien-mosellans ou polonais, dont les territoires annexés sont soumis à une intense germanisation forcée, ou l'enlèvement aux mêmes fins de germanisation de centaines de milliers d'enfants européens aux traits « aryens », confiés aux Lebensborn que supervise Martin Bormann, secrétaire du Führer.
Hitler a ainsi personnellement fixé le taux de 100 otages à fusiller par soldat allemand tué[70]. Strictement appliqué à l'Est, faisant des victimes par dizaines de milliers, ces représailles massives sur les civils sont plus « modérées » à l'Ouest, où le racisme hitlérien ne méprise pas autant les populations, et où il faut tenir compte du plus haut niveau de développement et d'organisation des sociétés. Elles n'en sont pas moins appliquées.
Aussi, après une série d'attentats inauguré par le coup de feu du colonel Fabien contre un officier allemand en plein Paris, Hitler ordonne personnellement l'exécution d'un certain nombre d'otages, qui seront fusillés notamment au camp de Châteaubriant. En mars 1944, lorsque la Résistance italienne tue 35 soldats allemands dans Rome occupée, Hitler exige que cent otages soient fusillés pour chaque tué : le maréchal Kesselring « réduit » le taux au demeurant irréaliste à dix pour un, et ce sont tout de même 355 Italiens qui périssent aux Fosses Ardéatines.
Le 10 juin 1942, suite à l'exécution de son fidèle Heydrich par la résistance tchèque, Hitler ordonne la destruction totale du village de Lidice.
Des revers à la débacle (1942-1944)
Pendant l’offensive d’été en Russie du Sud en 1942, Hitler répète l’erreur de l’année précédente en divisant un groupe d’armée en deux, le rendant ainsi plus vulnérable. Le groupe A se dirige vers le Caucase et ses champs de pétrole, le groupe B se dirige vers Stalingrad.
Cette ville industrielle qui porte le nom de son adversaire devient pendant des mois un enjeu symbolique, théâtre d'un duel direct entre Adolf Hitler et Joseph Staline. Après une bataille acharnée rue par rue, maison par maison voire pièce par pièce, la VIe Armée de Friedrich Paulus se retrouve encerclée dans la ville. Hitler interdit toute tentative de sortie qui abandonnerait la ville, et toute capitulation. En janvier 1943, il nomme Paulus maréchal : aucun maréchal allemand n'ayant jamais capitulé, il escompte que Paulus se suicidera plutôt que de se rendre. Peine perdue, la capitulation du nouveau promu à Stalingrad, le 30 janvier 1943, a un retentissement mondial immense et marque le tournant de la guerre à l'Est.
Si Hitler a froidement sacrifié une armée de 300 000 hommes à Stalingrad, son obsession à maintenir les troupes épuisées dans la ville en ruines n'est cependant pas due qu'à un orgueil insensé de sa part ou qu'à son fanatisme, ainsi qu'il est généralement avancé. Les 100 000 Allemands survivants encerclés fixaient aussi plus de 500 000 Soviétiques, soulageant d'autant le gros de la Wehrmacht, qui pendant ce temps se replie en bon ordre en Ukraine, d'où elle peut vite relancer des contre-offensives. Au demeurant, vu les conditions de vie et la mortalité dans une URSS tout entière affamée par l'invasion hitlérienne, les rescapés de Stalingrad n'auraient pas davantage survécu à leur captivité si elle avait commencé plus tôt[71].
Au même moment, Rommel est chassé d'Afrique du Nord par les Alliés, et le refus obstiné de Hitler d'évacuer la Tunisie coûtera encore 250 000 prisonniers à l'Axe en mai 1943.
Très réservé sur l'offensive de Koursk - sa dernière sur le front de l'Est, et la plus grosse bataille de blindés de l'Histoire - Hitler ne fait aucune difficulté pour l'arrêter, le 13 juillet 1943, quant à son échec flagrant vient s'ajouter le débarquement allié en Italie, qui l'oblige à dégarnir le front russe et qui précipite le renversement de son collègue Mussolini. Ce dernier, l'un des rares hommes pour qui Hitler conserve un sentiment de camaraderie, est libéré par un commando SS sur ses ordres, mais il n'est plus désormais qu'un collaborateur des nazis, à la tête d'une République de Salo fantoche.
Jusqu’à la défaite de 1945, Hitler continue d'ordonner perpétuellement à ses troupes, sur quelque front que ce soit, de ne pas reculer, en dépit des rapports de force largement en faveur de ses adversaires, ou des conditions du terrain, qu’il ne constate jamais sur place.
Dans la nuit du 6 juin 1944, Jodl refuse de réveiller le Führer alors que les parachutistes sautent sur la Normandie et que 4 126 navires alliés prennent d'assaut la « forteresse Europe » et percent le Mur de l'Atlantique construit sur ses ordres. Cependant, la légende répandue qui veut que l'Allemagne ait perdu la guerre à cause des sommifères pris la veille par Hitler est infondée : qu'il ait dormi ou non, il n'aurait pas été question de réagir sans au moins quelques heures de recul pour apprécier la situation[72].
Intoxiqué par les services alliés (opération Fortitude), Hitler retarde l’envoi de Panzerdivisionen pour rejeter les forces débarquées, pensant que l’opération Overlord est une diversion et que le vrai débarquement doit avoir lieu dans le Pas-de-Calais. Il ne changera pas d'avis avant la fin de la bataille de Normandie. En août 1944, il ordonne au général von Kluge d’effectuer une contre-attaque à Mortain pour sectionner la percée des troupes américaines à Avranches. Cependant, les troupes allemandes engagées dans cette opération ne peuvent avancer jusqu’à leurs objectifs en raison des bombardements massifs, et elles sont prises dans une nasse refermée par George Patton et Montgomery, dans la poche de Falaise où 50 000 Allemands sont fait prisonniers.
Le 25 août 1944, Paris est libérée, intacte, bien que le Führer ait ordonné sa destruction. Le général Dietrich von Choltitz, commandant les troupes allemandes dans la capitale française, a refusé d’obéir à cet ordre au demeurant peu réalisable. La capitale de la Pologne n’a pas la même chance, car après l’insurrection de Varsovie, en août-septembre 1944, la ville, déjà détruite à 50 % par les combats, est rasée ensuite à 90 % sur ordre personnel d’Hitler ; les civils sont déportés et on relève près de 200 000 morts.
Fin 1944, malgré la perte de la France et de la Belgique à l'Ouest, de la Grèce et du sud de la Yougoslavie à l'Est, Hitler a réussi à stabiliser les fronts sur le Rhin, la Vistule et le Danube, et se montre encore capable de lancer une offensive dans les Ardennes. En s'emparant de la Hongrie, il a empêché le régent Miklós Horthy de virer de bord comme l'ont fait la Roumanie et la Bulgarie, sans négliger au passage de faire déporter en 56 jours plus de 500 000 Juifs hongrois à Auschwitz par Eichmann. Grâce aux millions de travailleurs forcés, l'économie de guerre allemande confiée à Speer continue à produire à plein régime, malgré les bombardements alliés sur les villes du Reich. Hitler parvient donc à retarder sensiblement l'échéance finale et à remporter des succès jusqu'à la fin.
S'il est devenu évident pour tous, jusqu'au sein même de ses serviteurs, que la défaite est inéluctable et qu'Hitler mène l'Allemagne à la catastrophe, aucune cessation des combats n'est possible tant qu'il reste en vie. Or en Allemagne même, Hitler exerce une lourde répression après avoir survécu à l'attentat du 20 juillet 1944.
Attentats contre sa personne et complot du 20 juillet 1944
Le pouvoir absolu de Hitler ne cesse de se renforcer au cours de la guerre. Ainsi en avril 1942, lors d’une cérémonie au Reichstag, il se fait donner officiellement droit de vie et de mort sur chaque citoyen allemand.
Tandis que l'étoile de Göring pâlit et que son successeur désigné, Rudolf Hess, s'est mystérieusement enfui en Écosse en mai 1941, son secrétaire particulier Martin Bormann s'affirme de plus en plus comme une éminence grise, filtrant les accès à Hitler, gérant ses biens et jouant un rôle actif dans la mise en œuvre des projets nazis en Europe.
Ses victoires de 1939-1941 ont renforcé la croyance de la population dans son infaillibilité, et rendu impossible la tâche de ceux qui auraient voulu le renverser. Même certains futurs résistants comme le pasteur Martin Niemöller, les étudiants martyrs de la Rose blanche à Munich ou le comte de Stauffenberg, héros de l’attentat du 20 juillet 1944, ont été initialement séduits par la personne charismatique du Führer et par ses succès[73].
Cependant, si le soutien au moins passif des masses reste pratiquement acquis jusqu’à la fin, depuis la crise des Sudètes en 1938, des individus ou des groupes isolés ont compris que seule la mort de Hitler peut encore permettre d’éviter un désastre total à l’Allemagne.
Article détaillé : Attentats contre Adolf Hitler.La « chance du diable »[74] assez peu ordinaire dont bénéficie Adolf Hitler lui a permis d'échapper de peu à plusieurs tentatives d’assassinat. Mais il faut aussi compter avec la difficulté d'accéder à lui puisqu'il se terre dans son QG prussien après 1941, son incapacité à se tenir à des horaires réguliers et prévisibles, la foule ou la garde SS qui l'entourent, et ses précautions prises - ses déplacements de guerre sont secrets, le fond de sa casquette est blindé, il porte un gilet pare-balles et ses aliments sont goûtés préalablement par son médecin[75]. En novembre 1938 à Munich, le catholique suisse Maurice Bavaud a tenté de tirer sur lui, il sera guillotiné. Le 8 novembre 1939, lors de la commémoration annuelle de son putsch manqué à la brasserie Bürgerbräukeller, Hitler échappe à un attentat orchestré par Johann Georg Elser. La bombe explose 20 minutes après le départ d’Hitler qui avait dû écourter son discours à cause des mauvaises conditions climatiques l’obligeant à prendre le train plutôt que l’avion.
Au fur et à mesure que l’issue de la guerre se précisait dans le sens d’une défaite, plusieurs gradés ont comploté avec des civils pour éliminer Hitler. Bien que les Alliés aient exprimé le choix d’une reddition sans conditions lors de la conférence d'Anfa, en janvier 1943, les conjurés espèrent renverser le régime afin de négocier un règlement politique du conflit. Parmi eux, l’amiral Wilhelm Canaris, chef de l’Abwehr (services secrets), Carl Friedrich Goerdeler, l’ancien maire de Leipzig, ou encore le général Ludwig Beck. Ce dernier, après la défaite de Stalingrad, met en marche le complot sous le nom d’opération Flash, mais la bombe placée le 13 mars 1943 dans l’avion de Hitler, en visite sur le front de l’Est, n’explose pas.
Article détaillé : Complot du 20 juillet 1944 contre Adolf Hitler.Le 20 juillet 1944 à 12h42, à la Wolfsschanze, Hitler est blessé dans un attentat lors d’une tentative de coup d'État d’officiers organisée par Claus von Stauffenberg, qui est durement réprimée. Compromis, les maréchaux Erwin Rommel et Günther von Kluge sont contraints au suicide, tandis que l’amiral Canaris est envoyé dans un camp de concentration où il sera assassiné par pendaison à l’approche des Alliés, aux côtés du pasteur Dietrich Bonhoeffer.
En tout, plus de 5000 personnes sont arrêtées et assassinées au cours de la répression. En vertu du principe totalitaire de la responsabilité collective, et se référant aux antiques coutumes de vengeance des peuplades germaniques (Sippenhaft), Hitler fait envoyer les familles des conjurés dans des camps de concentration. Les conjurés, maltraités et ridiculisés, sont traînés devant le Tribunal du Peuple de Roland Freisler, qui les abreuve d’injures et d’humiliations au cours de parodies de justice n’essayant même pas de respecter les apparences élémentaires du droit, avant de les envoyer à la mort. Beaucoup périssent pendus à des crocs de boucher à la prison berlinoise de Plotzensee. Hitler fit filmer les exécutions pour pouvoir les visionner avec ses fidèles dans sa salle privée, bien qu’il semble que les films ne furent finalement jamais projetés.
La défaite finale et la mort
Aux abois
Les ordres de Hitler à ses troupes deviennent de moins en moins possibles à exécuter, compte tenu de l’écrasante supériorité de l’Armée rouge et des Alliés. Les réunions entre Hitler et son chef d’état-major (depuis juillet 1944) Heinz Guderian sont de plus en plus houleuses et ce dernier finit par être renvoyé le 28 mars 1945.
Devant ses proches, Hitler déclare que les « armes miracles » vont renverser la situation (dont les V1 et V2, les premiers missiles, assemblés notamment dans le tunnel mortifère du camp de concentration de Dora-Mittelbau, ou encore les premiers chasseurs à réaction Messerschmitt Me 262), ou encore que de même que son héros Frédéric II de Prusse avait jadis été sauvé par un retournement d’alliance in extremis, de même les Alliés arrêteront de combattre le Troisième Reich pour s’attaquer à l’Union soviétique.
En fait, depuis la conférence de Casablanca en janvier 1943, les Alliés sont sans ambiguïté sur l’exigence d’une capitulation sans condition et sur la dénazification de l’Allemagne et le châtiment des criminels de guerre. Quant aux « armes nouvelles », elles auraient été tout à fait insuffisantes, et Hitler a lui-même gâché ses dernières chances en affichant longtemps son mépris pour les « sciences juives » dont la physique nucléaire (une des causes du retard pris aux recherches sur la bombe atomique), ou encore en exigeant, contre l’avis de tous les experts, de construire les avions à réaction non pas comme chasseurs, ce qui aurait pu faire basculer la guerre aérienne, mais comme bombardiers - pour pouvoir reprendre la destruction des villes anglaises.
Dans les derniers mois du conflit, Hitler, dont la santé décline rapidement, n’apparaît plus en public, ne parle plus guère à la radio, et reste la plupart du temps à Berlin. C’est Joseph Goebbels, le chef de la propagande, par ailleurs commissaire à la défense de Berlin et responsable de la Volkssturm, qui se charge d’exhorter les troupes et les foules. Le lien entre les Allemands et le Führer se distend. Hitler n’a jamais visité une ville bombardée ni un hôpital civil, il n’a jamais vu aucun des réfugiés qui fuient l’avancée de l’Armée rouge par millions à partir de janvier 1945, il ne se rend plus de longue date au chevet de soldats blessés, et a cessé depuis fin 1941 de prendre ses repas avec ses officiers ou ses soldats. Sa glissée hors du réel s’accentue.
Convaincu que le peuple allemand ne mérite pas de lui survivre puisqu’il ne s’est pas montré le plus fort, Hitler ordonne le 19 mars 1945 une politique de terre brûlée d’une ampleur inégalée, incluant la destruction des industries, des installations militaires, des magasins et des moyens de transport et de communication, mais aussi des stations thermiques et électriques, des stations d’épuration, et de tout ce qui est indispensable à la survie élémentaire de ses concitoyens. Cet ordre ne sera pas respecté. Albert Speer, ministre de l’armement et architecte du Reich, a prétendu devant le tribunal de Nuremberg qu’il avait pris les mesures nécessaires pour que les directives de Hitler ne soient pas accomplies par les gauleiters.
En avril 1945, le Reich est aux abois : le Rhin franchi par les Occidentaux le 23 mars, les villes matraquées par des bombardements quotidiens, les réfugiés fuyant en masse de l’Est, les Soviétiques approchant de Vienne et de Berlin. Dans les rues assaillies de ces deux villes, les SS pendront encore en public ceux qui parlent de cesser un combat sans espoir. Sur des cadavres de civils pendus à des lampadaires, des pancartes précisent par exemple : « Je pends ici parce que j’ai douté de mon Führer », ou « Je pends ici parce que je suis un traître ». Les dernières images d’Hitler filmées, en pleine bataille de Berlin, le montrent décorant ses derniers défenseurs : des enfants et des pré-adolescents.
Les dix derniers jours
Article détaillé : Mort d'Adolf Hitler.Le 20 avril, les hauts dirigeants nazis viennent une dernière fois saluer hâtivement leur maître pour son anniversaire, avant de tous s'enfuir précipitamment loin de Berlin, attaquée par l'Armée Rouge.
Terré au fond de son Führerbunker, Hitler refuse de partir pour la Bavière et choisit de rester à Berlin pour mieux mettre en scène sa mort. Au cours de séances quotidiennes de plus en plus orageuses, tandis qu'au-dehors la plus grande bataille de la guerre fait rage, il continue à ordonner d'impossibles manœuvres pour délivrer la capitale vite encerclée. Le 22 avril, comprenant la vanité de ces tentatives, il entre dans l'une de ses plus terribles colères, avant de s'effondrer en reconnaissant enfin pour la première fois que « la guerre est perdue » (« Der Krieg ist verloren »). La décision du suicide est prise dans les jours suivants.
Le 23, Albert Speer revient en avion dans Berlin assaillie pour refaire ses adieux à Hitler. Il lui avoue avoir saboté la politique de la terre brûlée, sans que le dictateur ne réagisse, et s’en va en n’ayant obtenu qu'une molle poignée de main de son idole.
Les dernières crises internes du régime ont lieu quand au soir du 25, Hermann Göring, toujours nominalement héritier de Hitler, lui envoie de Bavière un télégramme lui demandant s'il peut prendre la direction du Reich conformément aux dispositions de 1941. Persuadé par Bormann d'y voir à tort un ultimatum et un coup de force du Reichsmarschall, Hitler, furieux, destitue Göring et le fait assigner à résidence par les SS.
Sa fureur redouble le 27 quand la radio alliée lui apprend que son fidèle Himmler a tenté à son insu de négocier avec les Occidentaux. Cependant, certaines recherches récentes forment l’hypothèse que Himmler aurait négocié avec les Alliés sur ordre de Hitler lui-même[76]. Il fait fusiller dans les jardins de la chancellerie le beau-frère d’Eva Braun, le dirigeant SS Hermann Fegelein, agent de liaison de Himmler.
Dans la nuit du 29 avril, après avoir épousé Eva Braun, Hitler dicte à sa secrétaire Traudl Junge un testament privé puis un testament politique, exercice d'autojustification où il nie sa responsabilité dans le déclenchement de la guerre. Curieusement, le texte ne dit mot du bolchévisme, au moment même où les Soviétiques s'emparent de Berlin. Par contre, l'obsession antisémite de Hitler y apparaît toujours intacte. Il exclut Himmler et Göring du NSDAP, écarte Speer, Ribbentrop et Keitel, promeut Goebbels à la Chancellerie et confie la tête de ce qui reste du Reich au grand amiral Karl Dönitz.
Le 30 avril, vers quinze heures trente, alors que l’Armée rouge n’est plus qu’à quelques centaines de mètres du bunker, Adolf Hitler se suicide en compagnie d’Eva Braun. On suppose généralement que le poison utilisé par Eva Braun était du cyanure de potassium, mais Ian Kershaw soutient que le poison fourni à tous les occupants du bunker était de l’acide prussique. Hitler se donne la mort d’une balle dans la bouche. On retrouvera son pistolet à ses pieds.
Une affirmation fréquente précise qu’il aurait mordu la capsule juste avant ou presque en même temps qu’il se serait tité une balle dans la tempe[77], mais Kershaw affirme qu’il est impossible de tirer juste après avoir mordu un tel poison, et que le corps de Hitler n’ayant pas dégagé l’odeur d’amande amère caractéristique de l’acide prussique et constatée sur celui d’Eva Braun, il faut conclure à la mort par balle seule ; de nombreuses autres thèses circulent, impliquant parfois qu’un autre ait tiré la balle, mais elles sont considérées comme fantaisistes.
Pour ne pas voir son cadavre emporté en trophée par l’ennemi (Mussolini a été fusillé le 28 par les partisans italiens et son corps pendu par les pieds devant la foule à Milan), Hitler a donné l’ordre de l’incinérer. C’est aussitôt chose faite par son chauffeur Erich Kempka et son aide de camp Otto Günsche, dans un cratère de bombe près du bunker. La pluie d’obus soviétiques labourant Berlin a presque certainement détruit l’essentiel des deux corps.
Refusant de survivre à son maître malgré ses ordres, et considérant qu’il n’y a plus de vie imaginable dans un monde sans national-socialisme, Goebbels se suicide le lendemain avec sa femme Magda, après avoir empoisonné leurs six enfants.
Ce même 1er mai, la radio apprend aux Allemands la mort de leur dictateur, en laissant croire qu’il a été tué le jour même et les armes à la main. Le 2 mai, après avoir signé la capitulation de Berlin, le général Weidling rétablit la vérité au micro et accuse Adolf Hitler d’avoir abandonné « en plan » (im Stich) soldats et civils. Dans les villes ruinées ou sur les routes, la masse des Allemands d’abord soucieuse de survie restera plutôt indifférente à la fin de Hitler[78].
Le 4 mai, la 2e DB du général Leclerc s’empare symboliquement du Berghof, la résidence du Führer à Berchtesgaden. Le 8 mai 1945, le Troisième Reich capitule sans condition. Au même moment, l’ouverture des camps de concentration révèle définitivement l’ampleur de l’œuvre de mort hitlérienne. « La guerre de Hitler était finie. Le traumatisme moral, qui était l’œuvre de Hitler, ne faisait que commencer » (Ian Kershaw).
Découverte du corps et rumeurs de fuite
Nombre de rumeurs ont circulé sur la possibilité que Hitler ait survécu à la fin de la guerre. Le FBI a mené des enquêtes en ce sens jusqu’en 1956 sur des pistes plus ou moins sérieuses. Mais dès la chute de Berlin, l’unité des services secrets soviétiques chargée de trouver Hitler, le SMERSH, estimait avoir récupéré une grande partie du corps.
Le 2 mai 1945, averti du suicide de Hitler, le SMERSH boucle le jardin de la chancellerie et le Führerbunker. Le personnel encore présent est arrêté puis interrogé, Staline étant tenu au courant par un général du NKVD au moyen d’une ligne codée directe[79].
Le 5 mai, Ivan Churakov du 79e corps d’infanterie, auquel le SMERSH est rattaché, découvre le corps de Hitler près de celui d’Eva Braun, dans un cratère d’obus situé dans le jardin de la chancellerie. Conformément aux volontés du Führer, leurs dépouilles ont été brûlées et sont méconnaissables[79].
Le 11 mai, les témoignages concordants de l’assistante du dentiste d’Hitler, Hugo Blaschke, et de son technicien, confirment l’identité du corps. La dentition supérieure de Hitler comporte en effet un bridge récent. Dans un premier temps, Staline impose le silence sur la découverte, allant même jusqu’à réprimander Joukov pour avoir échoué à retrouver Hitler, tandis que la Pravda qualifie les rumeurs de découverte de « provocation fasciste ». Les Soviétiques lancent d’autres rumeurs, affirmant notamment que Hitler se cacherait en Bavière, zone sous contrôle de l’armée américaine, accusant implicitement cette dernière de complicité avec les Nazis[79].
En juin 1946, les derniers témoins du Führerbunker, détenus par le NKVD, sont amenés sur les lieux du suicide. Dans le jardin de la chancellerie, ils indiquent l’endroit où ils ont brûlé puis enterré les corps des époux Hitler. L’emplacement correspond à l’exhumation réalisée par le SMERSH un an plus tôt. De nouvelles fouilles sont entreprises et quatre fragments de crâne sont mis au jour. Le plus grand est transpercé d’une balle. L’autopsie réalisée fin 1945 sur le corps masculin découvert au même endroit se trouve en partie confirmée : les médecins y notaient en effet l’absence d’une pièce du crâne, celle qui devait permettre de conclure que Hitler s’est suicidé par arme à feu.
Les restes d’Adolf Hitler sont alors enterrés dans le plus grand secret, avec ceux d’Eva Braun, de Joseph et Magda Goebbels et de leurs six enfants, du général Hans Krebs et des deux chiens d’Hitler, dans une tombe près de Rathenow à Brandenburg[80].
En 1970, le KGB doit restituer au gouvernement d’Allemagne de l’Est les lieux qu’il occupe à Brandenburg. Craignant que l’existence de la tombe de Hitler ne soit révélée et que le site ne devienne alors un lieu de pèlerinage néo-nazi, Youri Andropov, chef du KGB, donne son autorisation pour que soient détruits les restes du dictateur et les neuf autres dépouilles[81],[82].
Le 4 avril 1970, une équipe du KGB se charge de la crémation des dix corps, et disperse secrètement les cendres dans l’Elbe, à proximité immédiate de Rathenow[83]. Mais le crâne et les dents de Hitler, conservés dans les archives moscovites, échappent à la crémation. On n’en apprend l’existence qu’après la dissolution de l’URSS (1991). Le 26 avril 2000, la partie supérieure du crâne attribué au dictateur devient l’une des curiosités de l’exposition organisée par le Service fédéral des archives russes, marquant le cinquante-cinquième anniversaire de la fin de la guerre.
Mais, en 2009, à la demande de la chaîne de télévision History qui réalise un documentaire intitulé Hitler’s Escape, qui traite de l’hypothèse de la fuite du dictateur, l’Américain Nick Bellantoni découvre que le crâne que l’on attribuait à Hitler est en réalité celui d’une jeune femme. Des tests ADN réalisés aux États-Unis sur les échantillons ramenés par l’archéologue confirment ses dires[84]. Selon Nick Bellantoni, le crâne ne serait pas non plus celui d’Eva Braun. Les témoignages affirment qu’elle se serait suicidée au cyanure, et non par arme à feu. Ce coup de théâtre relance les théories affirmant que Hitler a pu survivre à la chute du Reich.
L’historien Antony Beevor regrette ces polémiques, qu’il juge sensationnalistes, rappelant que la dentition, avec son bridge caractéristique, a été formellement reconnue en mai 1945 par Käthe Heusermann, assistante du dentiste de Hitler[79], et son technicien Fritz Echtmann, arrêtés par les Russes. Mais les archives dentaires de Hitler ayant été détruites sur ordre de Martin Bormann en 1944, donc antérieurement aux investigations russes, le témoignage d’Heusermann n’est basé que sur sa mémoire, comme le souligne le journaliste britannique Gerrard Williams, qui rappelle qu’il n’existe à ce jour aucune expertise médico-légale attestant qu’il s’agisse bien des dents de Hitler[85].
Ces théories de la fuite du Führer restent peu crédibles, se heurtant aux témoignages (parfois contradictoires) des dernières heures, qui concluent à la mort du dictateur nazi. En 2009, le dernier survivant du bunker, Rochus Misch, réaffirme ainsi avoir vu les corps sans vie de Hitler et d’Eva Braun[86].
Legs historique
Personnage impitoyable et déshumanisé, dictateur totalitaire, raciste et eugéniste, Adolf Hitler a été surtout le principal responsable du conflit de loin le plus vaste, le plus destructeur et le plus traumatisant que l'humanité ait jamais connu, à l'origine de près de 40 millions de morts en Europe, dont 26 millions de Soviétiques. Environ 11 millions de personnes ont directement été assassinées sur ses ordres, en raison des pratiques criminelles systématiques de son régime et de ses forces armées, ou en application de ses projets exterminateurs prémédités. Parmi elles, les trois quarts des Juifs de l'Europe occupée. « Jamais dans l'Histoire, pareille ruine matérielle et morale n'avait été associée au nom d'un seul homme » (Ian Kershaw)[87].
L'image de Hitler a été définitivement fixée, en particulier, lors de la découverte des camps de la mort en avril-mai 1945, avec leurs monceaux de cadavres décharnés, leurs survivants squelettiques et hagards, leurs expériences pseudo-médicales et leurs chambres à gaz doublées des tristement célèbres fours crématoires. Cette révélation macabre a achevé de trancher les débats antérieurs entre adversaires et partisans du personnage et de son régime[88]. La redécouverte de la Shoah, depuis les années 1970, a recentré l'attention sur la spécificité du judéocide qu'il a inspiré, tout en confirmant la nature intrinsèquement criminelle de son action et de son système.
Bilan
Le bilan humain est sans précédent. En trois années d'occupation, la terreur nazie a fait périr près du quart des habitants de la Biélorussie. La Pologne sous Hitler a perdu près de 20 % de sa population totale (dont 97 % de sa communauté juive, jusqu'alors la première du monde). L'URSS, la Grèce et la Yougoslavie ont perdu entre 10 et 15 % de leurs citoyens[89].
À l'Ouest, la terreur et l'exploitation hitlériennes ont été moindres, mais restent éprouvantes. Entre 1940 et 1944, la France gouvernée par le Régime de Vichy a été le pays proportionnellement le plus pillé d'Europe, 30 000 habitants ont été fusillés sur place, des dizaines de milliers déportés en camps de concentration, un quart de la population juive exterminée, sans oublier les 400 000 soldats tombés au combat, ni les deux millions de soldats maintenus indéfiniment en captivité dans le Reich ou plus de 600 000 Français du STO obligés d'aller travailler dans les usines allemandes.
Les Allemands ne sont pas les derniers à avoir payé chèrement les ambitions démesurées de leur Führer, auquel ils ont toutefois globalement continué d'obéir jusqu'à la fin. Trois millions de soldats sont morts au front, laissant encore davantage de veuves et d'orphelins, et condamnant une génération à subir le déséquilibre durable du sex ratio et de la vie de familles monoparentales. Ainsi, deux tiers des mâles allemands nés en 1918 n'ont-ils pas vu l'issue de la guerre[90]. Toutes les grandes et moyennes villes allemandes ou presque sont en ruines, et 500 000 civils ont été tués par les bombes. Des centaines de milliers de femmes allemandes de tous âges ont été exposées aux viols de l'Armée Rouge en 1945.
L'Allemagne même, dont Hitler avait prétendu faire la raison de son combat politique et de son existence, disparaît en tant qu'État au terme de l'aventure nazie. Elle ne retrouve son indépendance qu'en 1949 (sans la pleine souveraineté au début) et son unité qu'en 1990. Berlin, l'une des villes qui avait le moins voté pour Hitler et que le Führer n'avait jamais aimée, n'en subira pas moins une division de 40 ans, matérialisée après 1961 par le célèbre Mur de Berlin. En représailles aux exactions massives du Troisième Reich, plus de 8 millions d'Allemands présents depuis des siècles ont été chassés en 1945 des Sudètes, des Balkans et de toute l'Europe centrale et orientale. Sans oublier la déportation en Sibérie, en 1941, des Allemands de la Volga vus par Staline comme une cinquième colonne potentielle de Hitler. Le territoire actuel de l'Allemagne est inférieur d'un quart à celui du Reich de 1914.
Le traumatisme hitlérien a aussi valu à l'Allemagne son élimination définitive comme puissance militaire, ses effectifs armés restant strictement limités, et interdits d'opérations hors de ses frontières au moins jusque dans les années 1990. Sur le plan diplomatique, la division d'après-guerre a fermé jusqu'en 1973 les portes de l'ONU à la RDA et à la RFA (« géant économique et nain politique »). En revanche, sur le plan économique, son fidèle Albert Speer a su renouveler les machines et enterrer les usines : le potentiel industriel de l'Allemagne est largement intact après-guerre, ce qui a permis de se demander si Hitler n'était pas le père inavouable du miracle économique allemand d'après-guerre[91].
Les pillages, les bombardements, les représailles et la terre brûlée ordonnées par Hitler ont dans l'immédiat largement aggravé le bilan matériel inégalé de la guerre. Des milliers de villes, de bourgs et de villages ont été détruits par la Wehrmacht et les Waffen-SS dans toute l'Europe. Minsk a été ainsi détruite par Hitler à 80 %, Varsovie à 90 %. L'URSS compte au moins 25 millions de sans-abris et l'Allemagne 20 millions[92]. 30 millions de réfugiés et « personnes déplacées » errent sur les routes d'Europe en mai 1945, en majorité en Allemagne.
Le combat contre le « bolchevisme », dont Hitler avait fait un fondement de sa mission et un de ses thèmes de propagande les plus porteurs, s'achève sur un fiasco total. C'est en repoussant l'agression hitlérienne que l'Armée Rouge pousse jusqu'à Berlin et que l'URSS peut imposer sa domination à la moitié de l'Europe pour plus de 40 ans. Devenu le principal vainqueur de son ancien allié Hitler, Staline retire aussi de sa victoire sur ce dernier un immense prestige dans sa population et dans le monde entier.
Dans les pays occupés, en engageant la collaboration avec Hitler, généralement sans obtenir aucune contrepartie du Führer[93], bien des responsables européens ont causé à leur pays de graves divisions civiles et des compromissions qui reviendront hanter durablement les mémoires nationales. De durs combats traumatisants ont opposé ennemis et alliés de Hitler en France occupée, dans l'Italie en guerre ou, à une échelle bien pire, dans l'État indépendant de Croatie, dirigé par les Oustachis. En Pologne, en Grèce et en Yougoslavie, les résistants au maître du Troisième Reich n'ont même pas pu s'entendre entre eux et se sont violemment combattus : la guerre civile grecque de 1944-1949, par exemple, est aussi un héritage de Hitler.
Spoliés et exterminés, les Juifs d'Europe ont vu disparaître à jamais les foyers les plus brillants et prospères de leur culture, avec l'éradication sans retour des fortes communautés de Berlin, Vienne, Amsterdam, Vilnius ou Varsovie. Les trois quarts des locuteurs du yiddish ont péri. En Europe de l’Est, les rares survivants des camps sont souvent insultés voire assassinés à leur retour, en particulier par ceux qui ont pris leurs biens en leur absence. Il n'est pas rare alors d'entendre des Polonais ou des Tchécoslovaques se plaindre à haute voix que « Hitler n'a[it] pas fini le travail »[94].
Mémoire et traumatisme moral
Principal absent du procès de Nuremberg, et malgré le mot d'ordre de Göring « Pas un mot contre Hitler », le Führer a vu la plupart de ses subordonnés rejeter sur lui, à titre posthume, la responsabilité de leurs actes criminels. La plupart prétendirent n'avoir fait qu'obéir à ses ordres, et avoir ignoré l'essentiel de la réalité de son régime de terreur et de génocides[95].
La dénazification d'après-guerre n'empêcha pas maints complices de Hitler de ne jamais être inquiétés, ou de faire des carrières politiques, économiques ou administratives prospères, en RFA comme en RDA. D'autres se sont réfugiés, via des filières d'exfiltration, en Amérique latine ou dans le monde arabe, continuant d'y entretenir le culte nostalgique du Führer, et continuant souvent d'y diffuser l'antisémitisme et le négationnisme, tout en réutilisant les méthodes policières du Troisième Reich au profit de dictatures locales. D'autres furent employés par les services secrets américains, comme Klaus Barbie. Pratiquement aucun ancien responsable nazi n'a jamais fait acte de repentance, ni manifesté le moindre regret d'avoir suivi et servi Hitler.
La seule exception partielle notable est celle de Albert Speer, ancien confident et ministre du dictateur, mais son complexe de culpabilité, exposé dans ses mémoires sur le Troisième Reich, se mêle à une fascination persistante pour Hitler, qui témoigne que le charisme du personnage faisait encore effet bien au-delà de sa mort et de la découverte de ses forfaits[96].
Hitler a brisé la continuité de l'histoire allemande. Il a mis en question jusqu'à la permanence et au sens même de la civilisation. Un des peuples les plus cultivés et les plus développés du monde s'est révélé en effet capable d'engendrer un Hitler, et de le suivre jusqu'au bout sans grande résistance, y compris dans des entreprises d'une barbarie à cette heure unique dans l'Histoire[97]. Dès lors, la conscience allemande et européenne n'a cessé d'interroger les responsabilités du passé allemand dans l'avènement de Hitler, celle de la culpabilité des Allemands ayant vécu sous le Führer (Schuldfrage), mais aussi la responsabilité morale qui échoit en héritage aux générations ne l'ayant pas connu. Selon le mot de Tony Judt, « demander à chaque nouvelle génération d'Allemands de vivre à jamais dans l'ombre de Hitler, exiger qu'ils endossent la responsabilité de la mémoire de la culpabilité unique de l'Allemagne et en faire l'aune même de leur identité nationale était le moins qu'on pût exiger… mais c'était attendre beaucoup trop[98]. »
En 1952, 25 % des Allemands sondés avouaient avoir une bonne opinion de Hitler et 37 % trouvaient bon de n'avoir plus aucun juif sur leur territoire. En 1955, 48 % considéraient encore que Hitler, sans la guerre, resterait l'un des plus grands hommes d'État que leur pays ait jamais connu. Ils étaient encore 32 % à soutenir cette opinion en 1967, surtout parmi les plus âgés[99].
Encore à partir des années 1980, la résurgence de phénomènes néonazis ultraminoritaires mais très violents a pu aussi inquiéter. Ces groupes sont reconnaissables entre autres à leur pratique du salut nazi ou lorsqu'ils célèbrent bruyamment l'anniversaire de la naissance et de la mort du Führer.
Le renouvellement des générations, l'affaiblissement à partir des années 1960 des tabous publics et privés empêchant de parler d'une Hitlerzeit (ou Hitlerdiktatur) traumatisante et compromettante, la redécouverte de la singularité du génocide des Juifs à partir des années 1970, la lutte contre le négationnisme, ont permis par la suite d'éradiquer en bonne partie les sympathies ou nostalgies latentes pour Hitler et son régime en Allemagne et en Autriche.
Hitler est aussi revenu hanter périodiquement les mémoires collectives des autres pays. Surtout à partir des années 1960-1970, on redécouvre un peu partout qu'un des plus grands criminels de l'histoire a bénéficié jusque chez soi de soutiens indispensables, de relais, de délateurs — ou tout simplement d'indifférences, de passivités et de complaisances plus ou moins lourdes de conséquences humaines et morales. La France ne reconnaîtra qu'en 1995 la responsabilité de l'État pétainiste dans les déportations de Juifs. Même des États neutres tels que la Suisse ou le Vatican ont vu mettre âprement en question les ambiguïtés de leur attitude face à l'Allemagne nazie.
Même à l'Ouest, la guerre contre Hitler n'avait jamais été conçue comme une guerre pour sauver les Juifs. La spécificité raciste et exterminatrice de son action avait rarement été perçue des contemporains. Les pouvoirs publics et l'opinion s'étaient plus attachés, dans l'après-guerre, à célébrer les résistants et les soldats qui avaient combattu le dictateur (perçu d'abord comme l'agresseur étranger et l'oppresseur de la nation) que ses victimes, souvent réduites au silence. Ce n'est qu'après le procès Eichmann en 1961 et avec la redécouverte de l'unicité de la Shoah, dans les années 1970, que le monde occidental comprend le génocide des Juifs comme le principal crime du Führer[100].
Paradoxalement, l'auteur de Mein Kampf a sans doute été le fossoyeur involontaire du vieil antisémitisme européen : largement répandu avant-guerre comme une opinion parmi d'autres, l'antisémitisme est, après lui, devenu définitivement un tabou dépourvu de tout droit de cité en Occident, ainsi qu'un délit passible des lois.
À travers tout l'Occident, un vaste effort de pédagogie à travers l'école, les médias, les productions littéraires et culturelles, les témoignages de survivants, a permis de familiariser le grand public avec l'ampleur des méfaits du Troisième Reich. Aussi le nom de Hitler évoque-t-il spontanément et durablement, dans les masses, l'idée même du criminel absolu.
En 1989, pour marquer le centenaire de sa naissance, un Monument contre la guerre et le fascisme a été érigé devant sa maison natale.
Doctrines raciales et crimes contre l’humanité
Parmi les auteurs qui ont le plus influencé Hitler en particulier et le régime nazi en général en matière de doctrines raciales, on trouve l'Américain Madison Grant, dont les idées eurent une « influence énorme » sur sa politique raciale ensuite l'Allemand Hans Gunther. Leurs ouvrages furent inclus par Hitler dans la liste des ouvrages recommandés aux nazis[101].
Hitler avait présenté ses thèses raciales et antisémites dans son livre Mein Kampf (Mon combat), rédigé en 1924, lors de son incarcération dans la forteresse de Landsberg, après son putsch raté de Munich. Si son succès fut modeste dans un premier temps, il fut tiré à plus de dix millions d’exemplaires et traduit en seize langues jusqu’en 1945 ; il constitue la référence de l’orthodoxie nazie du Troisième Reich.
Rien dans sa biographie connue ne permet d'affirmer que l'individu Hitler ait jamais tué ou torturé quelqu'un de ses mains. Il n'a jamais visité un seul de ses camps de concentration, ni assisté à aucun des bombardements ou des fusillades de masse dont lui ou ses subordonnés donnaient l'ordre. Mais chaque exécutant, au premier chef desquels son fidèle Himmler, savait qu'en mettant en pratique les conséquences logiques de la doctrine nazie, il accomplissait loyalement les directives du Führer.
Théories racistes
Dans ce livre, Hitler expose ses théories racistes, impliquant une inégalité et une hiérarchie des races[102], et son aversion particulière pour les Slaves, les Tsiganes, et surtout les Juifs. Présentés comme de races inférieures, ils sont qualifiés d’Untermenschen (« sous-hommes »).
Selon Hitler, les Juifs sont une race de « parasites » ou de « vermine » dont il faut débarrasser l’Allemagne. Il les rend responsables des évènements du 9 novembre 1918[103] et donc de la défaite et de la révolution allemandes, ainsi que de ce qu’il considère comme la décadence culturelle, physique et sociale de la prétendue civilisation aryenne.
Mein Kampf recycle la théorie du complot juif déjà développée dans les Protocoles des Sages de Sion. Hitler nourrit son antisémitisme et ses théories raciales en se référant à des idéologies en vogue en son temps. À Vienne, durant sa jeunesse, les Juifs, bien intégrés dans l’élite, sont souvent accusés de la décomposition de l’empire d’Autriche-Hongrie. La haine des juifs est exacerbée par la défaite de la Première Guerre mondiale. Quant à ses idées sur les races humaines, Hitler les tient essentiellement de Die Grundlagen des neunzehnten Jahrhunderts (« Genèse du dix-neuvième siècle », 1899) du Britannique d’expression allemande Houston Stewart Chamberlain, dont les thèses reprenaient elles-mêmes celles de l’Essai sur l'inégalité des races humaines (1853) du racialiste français Gobineau. Hitler s’inspire également du darwinisme social de Herbert Spencer tel que le prônait la « Ligue moniste allemande (de) » fondée par Ernst Haeckel.
Hitler reprend aussi dans Mein Kampf les vieilles doctrines pangermanistes visant à regrouper dans un seul État les populations allemandes dispersées, mais il y ajoute, notamment sous l'influence du théoricien nazi Alfred Rosenberg, la revendication d’un « espace vital » (Lebensraum) en Europe de l’Est. Selon ces doctrines, les territoires allemands doivent être indéfiniment élargis, surtout en Europe centrale et en Ukraine, territoires déjà convoités par les couches dirigeantes allemandes au temps du Kaiser Guillaume II. Les territoires allemands de l'époque sont, toujours selon cette doctrine jugés trop étroits au regard des besoins matériels de leurs populations et dans une position stratégique inconfortable entre des puissances hostiles à l’ouest et à l’est.
Hitler cible enfin deux adversaires fondamentaux : les communistes et la France, considérée comme dégénérescente car dirigée par les Juifs et créant un Empire colonial multiethnique, et contre qui l’Allemagne doit se venger de l’humiliant traité de Versailles.
Adolf Hitler est obsédé par l’idée de pureté d’une prétendue race aryenne, la « race supérieure » dont les Allemands sont censés être les dignes représentants, au même titre que les autres peuples nordiques (Norvégiens, Danois, Suédois). Dans le but d’asseoir scientifiquement cette notion de race aryenne, des recherches pseudo-anthropologiques sont entreprises et des cours d’université dispensés. Himmler crée à cette fin un institut scientifique, l’Ahnenerbe. En réalité, les Aryens formaient un groupe de peuplades nomades vivant en Asie centrale au IIIe millénaire av. J.‑C. et sans liens aucuns avec les Allemands. Toujours est-il que la notion d’« aryen » devient avec Hitler un ensemble de valeurs fantasmagoriques que les scientifiques nazis ont tenté de justifier par de prétendues données objectives.
La « race aryenne » est assimilée aux canons esthétiques de l’homme germanique : grand, blond et athlétique, tel que le représente Arno Breker, le sculpteur favori d’Hitler.
Les victimes de l’euthanasie
Les doctrines raciales nazies impliquaient également d’« améliorer le sang allemand ». Des stérilisations massives, appliquées avec le concours des médecins, furent ainsi entreprises dès 1934, portant sur près de 400 000 « asociaux » et malades héréditaires. Par ailleurs, 5 000 enfants trisomiques, hydrocéphales ou handicapés moteurs disparaissent.
Avec la guerre, un vaste programme d’euthanasie des malades mentaux est lancé sous le nom de code « Action T4 », sous la responsabilité directe de la chancellerie du Reich et de Karl Brandt, médecin personnel d’Hitler. Par quelques lignes manuscrites, Hitler assure en septembre 1939 l’impunité totale aux médecins sélectionnant les personnes envoyées à la mort, libérant ainsi des places dans les hôpitaux pour les blessés de guerre. Comme pour les juifs, les victimes sont gazées dans de fausses salles de douche. Malgré le secret entourant ces opérations, l’euthanasie est condamnée publiquement par l’évêque de Münster en août 1941. Elle cesse officiellement, mais continue en fait dans les camps de concentration. Environ 200 000 schizophrènes, épileptiques, séniles, paralytiques ont ainsi été exécutés. Par ailleurs, les forces nazies ont systématiquement fusillé les handicapés mentaux trouvés dans les hôpitaux de Pologne et d'Union Soviétique envahies.
De nombreux spécialistes de l’euthanasie sont ensuite réaffectés au gazage massif des Juifs : l’aktion T4 aura donc à la fois préparé et précédé chronologiquement la Shoah.
De la persécution antisémite à la « Solution Finale »
Dans l’Allemagne nazie, les juifs étaient exclus de la communauté du peuple allemand (Volksgemeinschaft). Le 1er avril 1933, les docteurs, avocats et commerçants juifs sont l’objet d’une vaste campagne de boycott, mise en œuvre notamment par les SA. Ces milices créées par Hitler avaient déjà perpétré, dès le début des années 1920, des actes de violences contre les juifs. Le 7 avril, deux mois après l’arrivée d’Hitler au pouvoir, la loi « pour le rétablissement d’une fonction publique professionnelle » exclut les juifs de tout emploi dans les gouvernements (sauf les anciens combattants et ceux qui étaient en service depuis plus de dix ans).
Le 15 septembre 1935, Hitler, officialisant et radicalisant l'antisémitisme d’État, proclame les lois de Nuremberg, comprenant les lois « pour la protection du sang et de l’honneur allemand » et « sur la citoyenneté du Reich ». Celles-ci interdisent aux Juifs l’accès aux emplois de la fonction publique et aux postes dans les universités, l’enrôlement dans l’armée ou la pratique de professions libérales. Ils ne peuvent plus avoir de permis de conduire. Les Juifs sont déchus de leur nationalité allemande. Les mariages mixtes ou les relations sexuelles entre juifs et Allemands sont également proscrits. L’objectif est la ségrégation complète entre le peuple allemand et les juifs, ce qui est valable également pour les écoles, le logement ou les transports en commun. En 1937, une « loi d’aryanisation » vise à déposséder les Juifs des entreprises qu’ils possèdent.
Lourdement frappés par ces mesures discriminatoires, les Juifs allemands émigrent massivement : environ 400 000 départs en 1933-1939 en comptant les Autrichiens (sur environ 660 000), vers les Amériques, la Palestine ou l’Europe de l’Ouest. En général, ces émigrants sont mal accueillis, et parfois internés en tant que ressortissants d'un pays ennemi, ou refoulés par divers pays d'Europe et d'Amérique.
Dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938, Joseph Goebbels organise avec l'approbation du chancelier un vaste pogrom : la nuit de Cristal. Prenant comme prétexte l’assassinat d’un diplomate du Reich à Paris par un Juif allemand. Goebbels semble utiliser cet évènement pour regagner la faveur d'Adolf Hitler, qu'il a partiellement perdue lorsque sa liaison avec une actrice a failli conduire son couple au divorce public.
Au cours de cette nuit, des centaines de magasins juifs sont saccagés et la plupart des synagogues d'Allemagne incendiées. Le bilan est de 91 morts et près de 30 000 juifs sont internés dans des camps de concentration (Dachau, Buchenwald, Sachsenhausen). À la suite de ces évènements, la communauté juive, tenue pour responsable des violences, est sommée de payer une amende de 1 milliard de marks : les biens des juifs sont massivement spoliés.
La population allemande, embrigadée par la propagande de Hitler, Goebbels ou Streicher, était convaincue de l’existence d’une « question juive ». Ce conditionnement favorise la participation de nombre d’entre-eux à l’extermination des juifs.
Accomplir la « prophétie » : la mise à mort industrielle des Juifs d’Europe
Article détaillé : Shoah.L’allusion à l’extermination physique des Juifs dans Mein Kampf fait encore l’objet d’un débat d’historiens. Pour une partie d’entre-eux, ce projet n’a pas été explicitement décrit dans ce livre, tandis que l’autre partie estime que l’antisémitisme qui s’y exprime est non seulement alarmant, mais s’appuie sur une terminologie (Ausrottung)[104] significative. Le projet d’extermination totale des Juifs a pu germer dans l’esprit d’Hitler et de ses séides assez tôt, mais il ne semble pas qu’il ait établi de plan précis ou de méthodologie pour passer à l’acte avant la guerre. Rien ne semble indiquer, qu’initialement, les dirigeants nazis aient prévu que les premières mesures antisémites devaient conduire à une conclusion homicide et a fortiori génocidaire.
Cependant, d’après les mots du procureur général américain Robert Jackson lors du procès de Nuremberg, « la détermination à détruire les juifs a été une force qui, à chaque moment, a cimenté les éléments de la conspiration (nazie) ». De fait, les déclarations d’Adolf Hitler sur les Juifs montrent que, dès le début, il nourrissait le projet de destruction physique des Juifs et que la guerre fut pour lui l’occasion d’annoncer cette destruction, puis d’en commenter la mise en œuvre[105].
Le 12 novembre 1938, d'après la nuit de Cristal, Göring convoqua une grande conférence au ministère de l’Air avec le but d’uniformiser les mesures antijuives. Un représentant du ministère des Affaires étrangères nota le résumé de Göring: « Si, dans un proche avenir, le Reich allemand se trouve engagé dans un conflit avec des puissances étrangères, il va sans dire que nous, en Allemagne, nous penserons en tout premier lieu à régler nos comptes avec les Juifs. »[106]
Maintenant, Hitler radicalisa pareillement sa rhétorique antisémite. Le 30 janvier 1939, dans un discours retentissant au Reichstag, Hitler a « prophétisé » qu’en cas de guerre, le résultat serait « l’anéantissement de la race juive en Europe ». À cette « prophétie » décisive, lui-même ou Goebbels feront de nombreuses allusions en privé au cours de la guerre : son accomplissement une fois la guerre commencée sera l’une des préoccupations prioritaires.
Hitler n’a toutefois nul besoin de s’investir personnellement beaucoup dans la destruction des Juifs, déléguée à Himmler, qui se contente de lui faire des rapports réguliers. Si divers documents secrets nazis planifiant l’extermination font souvent allusion à « l’ordre du Führer », aucune note manuscrite de lui sur la Shoah n’a jamais été retrouvée ni n’a sans doute jamais existé. C'est signe que son pouvoir absolu lui a permis de déclencher l’un des plus grands crimes de l’Histoire sans même besoin d’un ordre écrit.
Les dirigeants nazis ont longtemps envisagé, parmi d’autres « solutions » comme la création de zones de relégation, d’expulser l’ensemble de la communauté juive allemande sans l’exterminer, mais aucune phase de réalisation concrète n’a été enclenchée. Des projets d’installation des juifs en Afrique (Plan Madagascar) ont notamment été envisagés. Le déclenchement de la guerre radicalise les persécutions antisémites au sein du Troisième Reich. La prolongation de la guerre contre le Royaume-Uni ne permet plus d’envisager ces déportations, de même qu'est abandonnée l’idée d’un déplacement des juifs d’Europe en Sibérie — qui aurait déjà suffi en lui-même à provoquer une hécatombe en leur sein.
L’occupation de la Pologne en septembre 1939 a placé sous contrôle allemand plus de 3 000 000 de juifs. Ceux-ci sont rapidement parqués dans des ghettos, dans les principales villes polonaises, où ils sont spoliés et affamés, et réduits à une misère inimaginable. L’attaque contre l’Union soviétique, à partir du 22 juin 1941, place sur un même plan la conquête du Lebensraum et l’éradication du « judéo-bolchévisme ». Des unités de la SS, les Einsatzgruppen, souvent secondées par des unités de la Wehrmacht et de la police, aidées parfois d'habitants et de collaborateurs locaux, fusilleront sommairement de un et demi à près de deux millions de juifs, femmes, bébés, enfants et vieillards compris, sur le front de l’Est.
Le 18 septembre 1941, une circulaire secrète de Himmler annonce que le Führer a décidé de déporter tous les Juifs d'Europe occupée à l'Est, et que l'émigration forcée n'est plus à l'ordre du jour. C'est le premier pas vers un génocide à l'échelle cette fois du continent entier. Fin 1941, les premiers « camions à gaz » sont utilisés à l'est, tandis que les camps d'extermination de Chelmno et de Belzec sont déjà construits et commencent leur œuvre d'assassinat de masse.
La date précise de la décision prise par Hitler n’a jamais été cernée de façon précise puisqu’il n’a jamais formellement écrit un ordre, mais il l'a élaborée au cours de l'automne 1941. En septembre 1941 des conversations personnelles cruciales se tenaient entre Hitler et Himmler, Himmler et Ribbentrop, Ribbentrop et Hitler. Ils discutaient de l'avenir des juifs en Europe tout en considérant l'entrée en guerre des États-Unis[107]. La radicalisation immédiate et préméditée de la violence nazie avec l'invasion de l'Union soviétique, le ralentissement puis l'échec des opérations en URSS, la perspective bientôt concrétisée de l'entrée en guerre contre les États-Unis, ont sans doute précipité la décision de Hitler de réaliser sa « prophétie » de 1939[108].
Le 20 janvier 1942, lors de la conférence de Wannsee, 15 responsables du Troisième Reich, sous la présidence du chef du RSHA Reinhard Heydrich, entérinent la « solution finale au problème juif » (Endlösung der Judenfrage). L’extermination totale des Juifs en Europe va revêtir un caractère bureaucratique, industriel et systématique qui la rendra sans équivalent à cette heure dans l'histoire humaine. Hitler n'est pas là en personne, mais les mesures prises respectent ses objectifs généraux. En été 1942, Himmler a déclaré : „Les secteurs occupés deviennent «judenfrei». Le chef a mis cet ordre très lourd sur mes épaules.“[109]
Au sommet de l'État, immédiatement après Hitler, ce sont Himmler, Heydrich et Göring qui ont pris la part la plus importante dans la mise en place administrative de la Shoah au sommet de l’État. Sur le terrain, l’extermination des juifs a été souvent le fait d’initiatives locales, allant parfois au devant des attentes et des décisions du Führer. Elles ont été notamment l'œuvre d’officiers de la SS et de gauleiters fanatiques pressés de plaire à tout prix au Führer en liquidant au plus tôt les éléments indésirables dans leurs fiefs. Les gauleiters Albert Forster à Dantzig, Arthur Greiser dans le Warthegau ou Erich Koch en Ukraine ont ainsi particulièrement rivalisé de cruautés et de brutalités, les deux premiers concourant entre eux pour être chacun le premier à tenir leur promesse verbale faite à Hitler de germaniser intégralement leur territoire sous dix ans[110]. Deux proches collaborateurs d’Hitler, Hans Frank, gouverneur général de la Pologne, et Alfred Rosenberg, ministre des Territoires de l’Est, ont également pris une part active au grand massacre.
Beaucoup d'« Allemands ordinaires » ont été à peine moins compromis que les SS dans les massacres sur le front de l'Est. Plus d'un policier de réserve, plus d'un jeune soldat ou d'un officier avaient intégré le discours nazi, sans parler des généraux de Hitler. Des milliers donnèrent libre cours à leur violence et à leur sadisme dès qu'ils furent autorisés et encouragés à humilier et à tuer au nom du Führer[111]. À travers toute l'Europe, d'innombrables « criminels de bureaux », à l'image du bureaucrate Adolf Eichmann, exécutèrent sans état d'âme particulier les desseins de leur Führer ou de gouvernements collaborateurs. Dans les camps d'extermination, ainsi que le rappellent les mémoires du commandant d'Auschwitz Rudolf Höss, responsable de la mort de près d'un million de Juifs, il était impensable à quiconque, du simple garde SS au chef du camp, de désobéir à l'ordre du Führer (Führersbefehl), ou de s'interroger un seul instant sur la justesse de ses ordres. A fortiori, il était hors de question d'éprouver le moindre scrupule moral[112]. Aucun des « bourreaux volontaires de Hitler » (Daniel Goldhagen) n'a jamais été contraint de participer à la Solution Finale : un soldat ou un SS dont les nerfs craquaient se laissait persuader de continuer, ou il obtenait facilement sa mutation.
Personne au sein de son système ne découragea donc Adolf Hitler de procéder à la Shoah. En 1943, l'épouse de son ancien ministre Konstantin von Neurath, choquée de ce qu'elle avait vu du camp juif de Westerbork en Hollande occupée, osa exceptionnellement s'en ouvrir au Führer : ce dernier la rabroua que l'Allemagne avait assez perdu de soldats pour qu'il soit obligé de se soucier de la vie des Juifs, et la bannit à l'avenir du cercle de ses invités.
Dans l'ensemble, les chefs et opinions alliés, le pape Pie XII ou une partie de la Résistance européenne ne prirent pas conscience de la gravité spécifique du sort des Juifs, et gardèrent plutôt le silence sur leur sort, ce qui aida sans doute indirectement Hitler. De même que la non-résistance d'une partie importante des Juifs affamés, désorientés et ignorants du destin qu'il leur réservait. En avril-mai 1943, en revanche, la révolte du ghetto de Varsovie plongea Hitler dans une colère prolongée, mais ses ordres furieux et répétés n'empêchèrent pas une poignée de combattants juifs de faire échec plusieurs semaines à la reconquête SS.
Après l’été 1941, Himmler retint le procédé d’exécution massive par les chambres à gaz testé à Auschwitz. Au total, près de 1 700 000 juifs, surtout d’Europe centrale et orientale, ont été gazés à Sobibor, Treblinka, Belzec, Chelmno et Maïdanek. Dans le seul camp de concentration et d’extermination d’Auschwitz-Birkenau, 1 000 000 de juifs ont péri.
Les trois quarts des Juifs de l'Europe occupée — 5 à 6 millions d'êtres humains dont 1,5 million d'enfants, tous n'ayant commis que le crime d'être né juif et ne représentant aucune menace sinon imaginaire — ont donc péri dans une entreprise de nature sans précédent. Sur les 189 000 Juifs qui vivaient à Vienne avant Hitler, un millier survivent en 1945, tout comme seulement une poignée des Juifs restés en Allemagne en 1940. Les Pays-Bas ont perdu 80 % de leurs Juifs, la Pologne et les pays Baltes plus de 95 %. En deux ou trois ans à peine, l'extermination a fait disparaître des familles entières. Dans une large part de l'Europe, c'est en fait toute une culture, tout un univers qu'Adolf Hitler a fait assassiner sans retour.
L’extermination des Tsiganes
Article détaillé : Porajmos.Hitler n'a pas dit un mot des Tziganes dans Mein Kampf et en tout état de cause, il ne nourrit pas pour eux l'obsession qu'il éprouve pour les Juifs[113].
Son régime persécute et interne les 34 000 Tziganes du Reich dès avant-guerre, et les prive de leur citoyenneté allemande, mais moins au nom de raisons raciales (les Tziganes sont originaires des mêmes régions que le berceau supposé de la race « aryenne ») qu'en tant qu'« asociaux ». Ce qui n'empêcha d'ailleurs pas de s'en prendre aussi à ceux d'entre eux qui sont parfaitement bien intégrés dans la société allemande, dans laquelle beaucoup disposaient de logements, de métiers ou de décorations acquises au front. L’« Office central pour la lutte contre le péril tsigane » fut l'instrument de cette répression. Paradoxalement, la tribu des Sinti, censée ne pas s'être abâtardie, fut épargnée, au contraire des sang-mêlés en partie nés de non-Tziganes « aryens ».
L'extermination d'environ un tiers des Tsiganes européens ou Porajmos pendant la guerre n'a pas revêtu le caractère systématique et général du génocide des Juifs.
Ainsi, aucun n'a été déporté de France, où ils étaient pourtant des milliers disponibles dans les camps d'internement du régime de Vichy. En Belgique et aux Pays-Bas, les nazis attendirent 1944 pour déporter plusieurs centaines de Gitans à Auschwitz - ce qui fut suffisant toutefois pour décimer sans retour leur communauté. La terreur et les déportations furent plus fortes à l'Est, où beaucoup furent fusillés sur place par les Einsatzgruppen, la Wehrmacht ou par leurs collaborateurs locaux (les Oustachis croates se chargèrent de liquider 99 % des 28 700 Tziganes du pays[114]). Mais s'il a donné le 16 décembre 1942 l'ordre général de déportation des Tziganes européens à Auschwitz, Himmler s'en est désintéressé presque aussitôt, et Hitler ne semble pas avoir accordé une attention particulière à la question.
Dans la section spéciale qui leur était réservée à Auschwitz-Birkenau, les familles tziganes n'étaient pas séparées, ni exposées aux sélections régulières pour la chambre à gaz ni soumises au travail forcé, quelques-unes purent même être libérées en échange de leur stérilisation forcée. Mais le médecin SS de leur camp, Josef Mengele, surnommé l'« Archange de la Mort », pratiqua des expériences pseudo-médicales sur un certain nombre d'enfants tziganes, notamment des jumeaux.
Après avoir longtemps hésité, puis fait mettre à part plusieurs milliers d'hommes valides pour le travail forcé concentrationnaire, Himmler donna finalement l'ordre au commandant du camp, Rudolf Höss, d'exterminer ce qui restait du « camp des familles ». Du 1er au 3 août 1944, des milliers de Tziganes, hommes, femmes, enfants et vieillards, furent ainsi conduits à la chambre à gaz dans des scènes dramatiques[115].
L'estimation du nombre de Tsiganes victimes des nazis reste l'objet de controverses. Pour les Tsiganes allemands et autrichiens, le chiffre des personnes envoyées dans les camps de concentration, déportées à l'est et gazées, oscille entre 15 000 et 20 000 sur une population de 29 000 Tsiganes en 1942 ; quant au nombre des Tsiganes européens assassinés par les nazis, il a été successivement estimé à 219 000 victimes par rapport à une population totale de 1 000 000 (Kenrick et Puxon, 1972), à 196 000 morts sur 831 000 personnes (Kenrick, 1989), voire à un demi million de victimes (Rose et Weiss, 1991), cette dernière estimation n'étant pas étayée par une source ou une ventilation par pays[116]. La reconnaissance de leur tragédie fut tardive, et dans l'immédiat, elle ne modifia guère les préjugés et les pratiques publiques courantes à leur encontre.
Les « sous-hommes » slaves : massacres, famine, stérilisation
L’extension du Lebensraum allemand devait fatalement se réaliser aux dépens des populations slaves repoussées vers l’Est. Pour Hitler, la Pologne, les Pays baltes, la Biélorussie et l’Ukraine devaient être traités comme des colonies. À ce sujet, Hitler aurait dit, selon Hermann Rauschning, en 1934 : « Ainsi s’impose à nous le devoir de dépeupler, comme nous avons celui de cultiver méthodiquement l’accroissement de la population allemande. Vous allez me demander ce que signifie « dépeuplement », et si j’ai l’intention de supprimer des nations entières ? Eh bien, oui, c’est à peu près cela. La nature est cruelle, nous avons donc le droit de l’être aussi ».
Les populations non germaniques sont expulsées des territoires annexés par le Troisième Reich après 1939, et dirigées vers le Gouvernement général de la Pologne, entité totalement vassalisée et placée par Hitler sous le joug de Hans Frank, le juriste du parti nazi. Dès octobre 1939, le RSHA programme la « liquidation physique de tous les éléments polonais qui ont occupé une quelconque responsabilité en Pologne (ou) qui pourront prendre la tête d’une résistance polonaise ». Sont visés les prêtres, les enseignants, les médecins, les officiers, les fonctionnaires et les commerçants importants, les grands propriétaires fonciers, les écrivains, les journalistes, et de manière générale, toute personne ayant effectué des études supérieures. Des commandos SS sont chargés de cette besogne. Ce traitement extrêmement dur aura causé la mort de près de 2 200 000 Polonais, dont 50 000 membres des élites. C'est ainsi que 30 % des professeurs de l'enseignement supérieur polonais ont péri, ou des milliers d'hommes d'Église, d'aristocrates et d'officiers. En comptant les 3 000 000 de juifs polonais, exterminés à plus de 90 %, c’est 15 à 20 % de la population civile polonaise qui a disparu.
Les nazis firent aussi fermer les théâtres, les journaux, les séminaires, l’enseignement secondaire, technique et supérieur. Du 1er août au 2 octobre 1944, avec l’accord de Hitler, Himmler orchestra la répression de l’insurrection de Varsovie, avec pour but la destruction totale de la capitale, foyer le plus actif de la résistance polonaise. Avec la complicité passive de l’Armée rouge qui, stoppée par les Allemands aux portes de la ville, ne parachuta aucune aide aux insurgés, les nazis détruisirent la ville à 90 %, et la vidèrent de ses derniers civils après avoir causé la mort d’environ 200 000 personnes.
Avec l’agression de l’URSS, Hitler a prémédité une guerre d’anéantissement contre les populations soviétiques, des experts réunis par Göring ayant notamment prévu que « nos projets devraient entraîner la mort d’environ 10 millions de personnes ». Le but est de piller toutes les ressources du pays, de démanteler toute l’économie, de raser les villes, et de réduire les populations à l’état d’esclavage et de famine. La répression contre les Slaves prend donc une tournure encore plus massive, bien que certaines populations, notamment les nationalistes baltes et ukrainiens aient été initialement disposées à collaborer contre le régime stalinien.
Le traitement des prisonniers soviétiques capturés par les Allemands a été particulièrement inhumain : 3 700 000 d’entre eux sur 5 500 000 meurent de faim, d’épuisement ou de maladie, parfois après avoir été torturés ou suppliciés ; des milliers d’autres sont conduits dans les camps de concentration du Reich pour y être abattus au cours de fusillades massives. Les commissaires politiques sont systématiquement abattus au nom du « décret des commissaires » (Kommissarbefehl) signé par Keitel dès avant l’invasion. Des millions de femmes et d’hommes, parfois des enfants et des adolescents, sont raflés au cours de chasses à l’homme dramatiques pour être transférés dans le Reich comme main-d’œuvre servile.
Les actions des partisans sont l’occasion de représailles impitoyables sur les populations civiles, aussi bien en URSS qu’en Pologne, en Grèce et en Yougoslavie. Environ 11 500 000 civils soviétiques meurent ainsi pendant la Seconde Guerre mondiale.
L’obsession personnelle de Hitler à réduire ces peuples à l’état de sous-hommes a privé la Wehrmacht de nombreuses aides potentielles parmi les populations soumises au joug soviétique. Elle a également eu un rôle mortifère direct, comme lorsque Hitler interdit d’enlever d’assaut la ville de Leningrad, qu’il soumet délibérément à un blocus meurtrier responsable, en mille jours de siège, de plus de 700 000 morts de civils. À ses yeux, la ville qui avait vu naître la révolution de 1917 devait être affamée puis rasée au sol.
De même, Hitler a cautionné les expériences pseudo-médicales visant à mettre au point un programme de stérilisation massive des femmes slaves, perpétré sur des milliers de cobayes humains de Ravensbrück et d’Auschwitz. Et les premières victimes de gazages au Zyklon B à Auschwitz furent des prisonniers soviétiques[117].
Persécution des homosexuels
La déportation méconnue des homosexuels s’estimerait à 75 000 victimes[118]. Mais avec la destruction des dossiers, ce chiffre n’est qu’une estimation et peut être plus important. N'ont été déportés que les homosexuels des territoires allemands ou annexés.
Conceptions religieuses
Hitler avait été élevé par une mère catholique très croyante et il fut fasciné par son enfance par les cérémonies religieuses et le faste de l'Église catholique.[réf. nécessaire] Après la Première Guerre mondiale, il s'éloigne rapidement du christianisme et y devint très hostile.[réf. nécessaire] Il le percevait comme une religion hébraïque et dont les préceptes de charité et d'amour du prochain lui semblaient contraires à à la volonté de puissance et aux vertus guerrières qu'il souhaitait insuffler au peuple allemand.[réf. nécessaire]
C'est la raison pour laquelle il laissa Himmler et les SS remplacer les références chrétiennes de la société allemande par des références au culte païen ancestral. Par exemple, Himmler débaptisa Noël en fête du solstice d’hiver ou de Iule, et fit du solstice d’été une fête de l’accouplement. Dans la SS, le baptême des enfants est déjà remplacé par une simple bénédiction du nom[119].
Cependant, aussi hostile au christianisme qu'Himmler, Hitler était par contre peu favorable à la recréation d'un culte païen et se félicitait de vivre à une époque libérée de toute mystique[120]. Hitler regrettait la conversion des Germains au christianisme et il préférait l'Islam, religion qu'il percevait comme fanatique et guerrière[121]. Hitler affirma[122] : « Si à Poitiers Charles Martel avait été battu, la face du monde eût changé. Puisque le monde était déjà voué à l’influence judaïque (et son produit, le christianisme, est une chose si fade !) il eût beaucoup mieux valu que le mahométisme triomphât. Cette religion récompense l’héroïsme, elle promet aux guerriers les joies du septième ciel… Animés par un tel esprit, les Germains eussent conquis le monde. C’est le christianisme qui les en a empéchés. »
Cependant, pour ménager l'opinion allemande, il continuait à payer ses impôts à l'Église et il affirma vouloir attendre la fin de la guerre pour régler leurs comptes aux églises chrétiennes[123], ce qui le conduisit à réfréner certaines ardeurs antichrétiennes et mystiques du chef des SS. Dans ses discours, Hitler se contentait de référence à un dieu abstrait sans attache avec le christianisme, prônant de fait une position déiste.
Ses attaques contre le christianisme, notamment celles que rapporte Martin Bormann dans ses propos de table, étaient plus inspirées par un matérialisme à prétention scientifique que par des références à une mystique païenne[124] : « Le christianisme est une rébellion contre la loi naturelle, une protestation contre la nature. »
Hitler affirma également dans les Propos de table : « Mais il n'est pas question que le national-socialisme se mette un jour à singer la religion en établissant une forme de culte. Sa seule ambition doit être de construire scientifiquement une doctrine qui ne soit rien de plus qu'un hommage à la raison. »
Vie privée et personnalité
Comme son homologue totalitaire Joseph Staline, Hitler vivait, surtout pendant la guerre, en reclus et en décalage temporel, menant dans ses divers QG une vie morne, monotone et essentiellement nocturne, dont il imposait l'ennui à tout son entourage.
Avant de s'y terrer après 1941, notamment à la « Tanière du Loup » ou Wolfsschanze vers Rastenburg, il est toujours officiellement domicilié à Munich (il boudera Berlin toute sa vie) et plus encore, il aime à satisfaire son goût romantique pour les montagnes à sa résidence secondaire alpine de Berchtesgaden, le Berghof, doublée du panoramique Nid d'aigle. Sur l'Obersalzberg viennent aussi habiter quelques-uns de ses principaux courtisans et intimes.
Selon certaines sources, Hitler ne buvait ni ne fumait (le tabac était rigoureusement proscrit en sa présence), mangeait végétarien au moins depuis 1932[125],[126] et sa vie sentimentale et sexuelle était réduite au strict minimum. Se présentant à son peuple comme mystiquement marié à l'Allemagne, pour justifier et instrumentaliser son célibat, il a caché aux Allemands l'existence d'Eva Braun pendant toute la durée du Troisième Reich, négligeant souvent celle-ci et lui interdisant de paraître en public voire de venir à Berlin, et la confinant le plus possible en Bavière. Sa jeune nièce Geli Raubal, avec laquelle il avait eu une liaison, s'était suicidée en 1931 dans sa chambre de Munich. Pour Ian Kershaw, en choisissant des femmes nettement moins âgées que lui (16 ans de moins dans le cas d'Eva Braun), et en conservant la distance (sa future épouse d'un jour ne devait l'appeler que mein Führer), Hitler s'assurait de pouvoir garder intacte sa domination narcissique et égoïste sur elles. De nombreuses rumeurs ont couru sur sa sexualité, du fait notamment de son absence de vie sentimentale officielle, faisant courir le bruit d'une asexualité ou d'une homosexualité. On lui a prêté des pratiques sexuelles déviantes, allant du masochisme à la coprophilie[127]. Otto Strasser, entre autres, explique, qu'il pratiquait l'ondinisme avec sa nièce Geli Raubal[128],[129]. D'autres rumeurs le déclaraient impuissant[130]. Après la guerre, la révélation d'un rapport d'autopsie soviétique réalisé en 1945, dont le caractère scientifique a été contesté, a répandu l'histoire qu'il n'avait qu'un testicule[131]. Mais il s'agirait plutôt d'une légende urbaine, car le médecin de famille d'Hitler, le docteur Eduard Bloch, a affirmé sans équivoque qu'il avait examiné Hitler pendant son enfance et l'avait trouvé « génitalement normal »[127].Cette légende n'a cependant aucun rapport avec la chanson anti-allemande « Hitler has only got one ball » (« Hitler n’a qu’une couille », sur l’air de la Marche du Colonel Bogey), populaire pendant la guerre[132].
Solitaire et sans amis, Hitler a toujours été incapable dès sa jeunesse de laisser transparaître le moindre sentiment de compassion ou d'affection réelle pour personne, réservant ses quelques accès de tendresse à sa chienne Blondi, un berger allemand. Son égoïsme sans complexe, sa conviction d'être infaillible et sa soif de domination se traduisaient au quotidien par le refus de toute critique et par ses interminables monologues, ressassant éternellement les mêmes thèmes des heures durant, et épuisant son entourage jusque très tard dans la nuit[réf. nécessaire].Cela ne l'empêchait pas de régner sur son entourage et sur les masses par son charisme et son indéniable talent de séduction, et d'inspirer des dévouements aveugles allant jusqu'au fanatisme. Les célèbres colères effroyables qu'il pouvait piquer, contre ses généraux notamment, n'étaient en réalité pas très fréquentes, et survenaient surtout quand la situation échappait à son contrôle[133].
Les images célèbres de l'orateur Hitler en train de vociférer ou d'éructer avec force gestes frénétiques ne doivent pas non plus donner une idée réductrice de ses talents propagandistes. En réalité, avant d'en arriver à ces points d'orgue fameux qui électrisaient l'assistance, Hitler savait varier les tons, construire sa progression et doser son débit, lequel ne s'accélérait que graduellement.
Autodidacte, son instruction hâtive a toujours laissé à désirer. Ses bibliothèques à Munich, Berlin et Berchtesgaden contenaient plus de 16 000 volumes dont peu d'ouvrages authentiquement scientifiques ou philosophiques[134]. Il a persécuté Freud (décimant aussi sa famille), et a déformé grossièrement la pensée de Nietzsche afin de mieux faire cadrer ses lectures avec son idéologie personnelle. Il ne connaissait aucune langue étrangère, son interprète attitré Paul Schmidt se chargeant de lui traduire la presse extérieure ou l'accompagnant dans toutes les rencontres internationales. En outre, des employés devaient présenter des lunettes partout dans la chancellerie du Reich, afin qu'Hitler ait rapidement une à la main[135].
Prompt à exalter et à embrigader le sport, il ne faisait jamais le moindre exercice de culture physique.
Incapable de se contraindre au travail régulier et suivi depuis sa jeunesse bohême de Vienne, le « dictateur paresseux » (Martin Broszat) n'avait pas d'horaires de travail fixes, négligeait souvent de réunir ou de présider le conseil des ministres, était parfois longuement introuvable même pour ses secrétaires, et ne faisait le plus souvent que survoler les dossiers et les rapports. Au contraire du très bureaucratique Staline, Hitler détestait la paperasserie, et n'a de sa vie rédigé qu'un seul memorandum, celui sur le Plan de Quatre Ans (1936), qu'il n'a d'ailleurs fait lire qu'à deux ou trois personnes dont Göring et le chef de l'armée Von Blomberg. Ses directives étaient souvent purement verbales ou rédigées en des termes assez généraux pour laisser à ses subordonnés une assez grande marge de manœuvre[136].
Détaché du catholicisme dès son enfance, et devenu un doctrinaire antichrétien, Hitler n'a jamais assisté à une cérémonie religieuse de toute sa vie politique, même s'il faisait souvent référence en public à une vague « Providence » dont il se sentait l'instrument. Malgré des tracasseries et des surveillances, il a toujours eu l'habileté de ménager globalement les Églises allemandes, évitant un conflit ouvert dangereux pour l'adhésion des populations à sa personne. Ni lui ni ses partisans n'ont jamais été excommuniés, et l'encyclique antinazie du pape Pie XI, Mit Brennender Sorge (1937), évite prudemment de mentionner le nom de Hitler. Cyniquement, Hitler n'a jamais rédigé de déclaration de sortie de l'Église catholique et se prêtait à la simagrée de continuer à payer ses impôts d'Église[137].
Sa santé n'a cessé de se dégrader dans les dernières années de la guerre. Déprimé et insomniaque, vieillissant, voûté et tremblant (peut-être atteint sur la fin de la maladie de Parkinson), bourré de médicaments par son médecin le Dr. Theodor Morell, Hitler était surtout absorbé par les opérations militaires et hanté en son sommeil, de son propre aveu, par la position de chacune des unités détruites sur le front de l'Est. C'est bien avant de passer à l'acte qu'il évoquait devant ses proches le suicide comme la solution de facilité qui permettrait d'en finir en un instant avec ses ennuis.
Postérité d'Hitler sur les consciences
Une victime onomastique directe de Hitler fut son propre prénom : rien qu'en France, son usage décline dès 1933 pour s'effondrer avec la guerre. Depuis 1945, sous toutes ses variantes, « Adolphe » a pratiquement disparu comme nom de baptême[138].
Outre qu'il a rendu plus difficile et angoissant à la philosophie contemporaine de penser un monde qui a connu Hitler, le personnage, invoqué de façon rhétorique comme le paradigme de la monstruosité et du mal radical, a donné involontairement son nom à un procédé de logique : la reductio ad hitlerum. On parle également de « point Godwin » de la conversation, à partir duquel tout sujet potentiel finit théoriquement par conduire à parler d'Adolf Hitler ou du nazisme.
Les carnets d'Hitler
Cinquante faux Carnets d'Hitler sont publiés en Allemagne par le magazine Stern en 1983, alors qu’ils avaient été réalisés par un faussaire, Konrad Kujau. Paris Match acheta à prix d’or l’exclusivité pour la France.
Hitler, le marxisme et le socialisme
Mein Kampf est un ouvrage violemment antimarxiste. Hitler y qualifie le marxisme de « doctrine juive » et de « peste mondiale ». Sous la dictature nationale-socialiste, les socialistes furent persécutés, assassinés, enfermés en camps de concentration dès 1933. Les livres de Karl Marx furent interdits et brûlés.
La question de savoir si le national-socialisme était ou non socialiste est un objet de débat entre libéraux et socialistes, le socialisme n'étant pas nécessairement assimilable au marxisme.
L’économiste libéral autrichien Ludwig von Mises estimait en 1944 que le national-socialisme avait appliqué la plupart des mesures transitoires préconisées par le Manifeste du Parti communiste de Karl Marx et Friedrich Engels : huit des dix mesures citées en 1848 par Marx et Engels auraient été exécutées par les nationaux-socialistes. Seuls deux points n’auraient pas été complètement adoptés par les nazis, à savoir l’expropriation de la propriété foncière et l’affectation de la rente foncière aux dépenses de l’État (point no 1 du Manifeste) et l’abolition de l’héritage (point no 3). Leurs méthodes de taxation, leur planisme agricole et leur politique concernant la limitation des fermages iraient selon Mises dans le sens du marxisme[139]. Cette thèse a été reprise, notamment par l'historien François-Georges Dreyfus, l'économiste François Guillaumat ou le Club de l'Horloge dans un ouvrage intitulé Socialisme et fascisme : une même famille ?. De fait, les auteurs libéraux voient parfois dans l'emploi du terme nazi, une volonté de masquer la nature socialiste du parti hitlérien. De fait, Hitler avait songé appelé son parti "parti social-révolutionnaire" et les SA d'Ernst Röhm avaient la volonté de passer à la phase socialiste de la révolution nationale-socialiste. Le parti national-socialiste se réclamait du darwinisme, du matérialisme biologique et du scientisme, il se voulait révolutionnaire et socialiste et choisit un drapeau à fond rouge en conséquence.
Cependant, Ernst Röhm fut éliminé et le régime n'appliqua pas la totalité des mesures socialistes prévues dans le programme du parti. Quatre points du manifeste ont été appliqués[140], deux par Hitler lui-même, les autres résultants de la conservation de choix réalisés sous la République de Weimar. Enfin, certaines de ces mesures ont été largement appliquées par tous types de régimes au XXe siècle : « Éducation publique et gratuite de tous les enfants » par exemple. La France appliquait à cette même époque cinq des mesures proposées par Karl Marx. Ce qui ne saurait faire oublier non plus le rejet radical de la notion de lutte des classes par les nationaux-socialistes, leur absence totale de nationalisation et de réforme agraire, leur entente complexe, mais durable avec les milieux industriels et financiers[141],[142],[143], le néopaganisme des SS fort éloigné du matérialisme historique, enfin leur haine absolue du marxisme — et le fait que comme le remarque son biographe Ian Kershaw, sur les millions de mots de Hitler conservés pour la postérité, aucun ne permet de conclure qu’il ait jamais lu un seul texte de Marx.
Les différents courants socialistes et marxistes ont été très actifs dans la résistance allemande au nazisme[144].
Regards de contemporains
- Brouillé avec Hitler, le maréchal Ludendorff adresse une lettre prophétique à son ancien collègue Hindenburg, peu après le 30 janvier 1933 :
« En nommant Hitler chancelier du Reich, vous avez remis notre sainte patrie allemande entre les mains d’un des plus grands démagogues que nous ayons jamais connus. Je vous prédis solennellement que ce funeste personnage conduira notre Reich dans l’abîme et plongera notre nation dans une misère inconcevable. Les générations à venir vous maudiront dans la tombe pour ce que vous avez fait[145]. »
- Benito Mussolini déclara à Ostie, en août 1934 au cours d’un entretien avec la presse et des amis autrichiens :
« Hitler est un affreux dégénéré sexuel et un fou dangereux. Le national-socialisme en Allemagne représente la barbarie sauvage et ce serait la fin de notre civilisation européenne si ce pays d’assassins et de pédérastes devait submerger le continent. Toutefois, je ne puis être toujours le seul à marcher sur le Brenner[146]. »
- Erwin Rommel en octobre 1938 après avoir accompagné et assuré la sécurité du Führer durant l’annexion des Sudètes :
« Hitler possède un pouvoir magnétique sur les foules, qui découle de la foi en une mission qui lui aurait été confiée par Dieu. Il se met à parler sur le ton de la prophétie. Il agit sur l’impulsion et rarement sous l’empire de la raison. Il a l’étonnante faculté de rassembler les points essentiels d’une discussion et de lui donner une solution. Une forte intuition lui permet de deviner la pensée des autres. Il sait manier avec habileté la flatterie. Sa mémoire infaillible m’a beaucoup frappé. Il connaît par cœur des livres qu’il a lus. Des pages entières et des chapitres sont photographiés dans son esprit. Son goût des statistiques est étonnamment développé : il peut aligner des chiffres très précis sur les troupes de l’ennemi, les diverses réserves de munitions, avec une réelle maestria qui impressionne l’état-major de l’Armée. »
- Léon Degrelle interviewé en 1981[147], décrit Hitler qu’il rencontra à l’été 1933 :
« Hitler n’était pas un homme comme les autres, il ne ressemblait en rien aux politiciens que j’avais eu l’occasion de rencontrer jusque-là. C’était un homme extrêmement simple, vêtu simplement, parlant simplement, très calme, contrairement à tout ce qu’on a pu raconter. Il était plein d’humour et très drôle dans sa conversation. Sur toutes les questions, politiques, économiques, sociales ou culturelles, il était porteur de vues absolument neuves, qu’il exprimait avec une clarté et une conviction qui entraînaient l’adhésion de ses auditeurs. Il savait conquérir les individus et les foules par le rayonnement étrange de sa personnalité. »
- Baldur von Schirach, ancien chef de la Hitlerjugend et gauleiter de Vienne, écrira en 1967, peu après sa sortie de prison :
« La catastrophe allemande ne provient pas seulement de ce que Hitler a fait de nous, mais de ce que nous avons fait de Hitler. Hitler n'est pas venu de l'extérieur, il n'était pas, comme beaucoup l'imaginent, une bête démoniaque qui a saisi le pouvoir tout seul. C'était l'homme que le peuple allemand demandait et l'homme que nous avons rendu maître de notre destin en le glorifiant sans limites. Car un Hitler n'apparaît que dans un peuple qui a le désir et la volonté d'avoir un Hitler[148] ».
Descriptions et représentations culturelles
Interprétation psychanalytique
Fondateur d’un État totalitaire, doctrinaire raciste et antisémite, responsable de la partie européenne de la Seconde Guerre mondiale ayant fait entre quarante et soixante millions de morts[149], et inspirateur du génocide des Juifs et de crimes contre l’humanité sans précédent ni équivalent à cette heure dans l’histoire humaine, le personnage d’Hitler a cristallisé une telle animosité qu’il est devenu aux yeux des Occidentaux la figure archétypale du criminel, sinon la figure même du « mal absolu ». Aussi les interprétations de son comportement revêtent-elles nécessairement un enjeu considérable, et aussi est-il nécessaire de les considérer avec beaucoup de recul.
Dans son livre de 1983 Am Anfang war Erziehung (traduit en français sous le titre C'est pour ton bien), Alice Miller analyse les liens entre son éducation « répressive » et la suite de sa biographie et avance l’explication que les comportements violents de Hitler trouveraient leur origine dans ses traumatismes infantiles.
Sa mère avait épousé un homme plus âgé qu’elle de 23 ans, et qu’elle appelait « oncle Aloïs » ; ses trois enfants moururent en quelques années autour de la naissance d’Adolf, amenant ce dernier à être surprotégé. Il aurait été régulièrement battu et ridiculisé par son père ; après une tentative de fugue, il aurait été presque battu à mort. Adolf haït son père durant toute sa vie et on a rapporté qu’il faisait des cauchemars à son sujet à la fin de son existence. Lorsque l’Allemagne nazie annexa l’Autriche, Hitler fit détruire le village où son père avait grandi.[réf. nécessaire]
Au cinéma
- Triumph des Willens (Le Triomphe de la volonté), film datant de l’époque nazie (1935), tourné par Leni Riefenstahl. Film à caractère propagandiste, sans narration, filmé pour donner la meilleure image possible d’Hitler au congrès de Nuremberg, du 30 août au 3 septembre 1933. On y voit des scènes où Hitler est filmé de très bas baignant dans la lumière, lui donnant un air majestueux. Pour l’époque, des innovations y ont été introduites comme les travellings circulaires lors des discours, et de très grands plans lors de parades. Il remporte un prix d’honneur en France comme meilleur documentaire de l’année. Ce film a précédé les lois de Nuremberg et le début de la politique raciale du Troisième Reich, ce qui explique en partie son succès à l’étranger.
- Charlie Chaplin ridiculisa Hitler dans son film de 1940 Le Dictateur (The Great Dictator) : le dictateur en question a en effet pour sosie un petit coiffeur juif qui prend sa place et termine le film sur un discours humaniste émouvant. Le fait qu'Hitler lui-même ait vu le le film ou non est débattu[150],[151],[152].
- La Fin d'Hitler, un film de Georg Wilhelm Pabst sorti en 1955, (titre original : "Der Letzte Akt"), une reconstitution des derniers moments vécus par Hitler et ses proches dans l'abri souterrain en avril 1945.
- Les Dix Derniers Jours d'Hitler, un film de 1973, où le dictateur est incarné par Alec Guinness.
- Le Führer en folie, film humoristique de 1974 de Philippe Clair avec Henri Tisot dans le rôle d'un Adolf Hitler footballeur
- En 1999, le réalisateur russe Alexandre Sokourov place Hitler au début de sa trilogie sur le pouvoir dans le film Moloch, le récit impressionniste d’un week-end au Berghof du couple Hitler-Eva Braun.
- Mrs Meitlemeihr, court métrage de 2002 avec Udo Kier dans lequel Hitler a survécu à la guerre et se cache à Londres déguisé en femme.
- En 2003, Hitler - la naissance du mal (Canada / États-Unis), donne un éclairage sur la jeunesse d’Hitler et sa montée au pouvoir (jusqu’en 1934). Ce film, envers lequel les historiens sont critiques[réf. nécessaire], a le mérite de montrer la genèse du dictateur, et l’Allemagne telle qu’il l’a connue au moment où il met en place son « combat », alors qu’il n’est encore qu’un « aspirant » en politique. À noter que le film a été censuré par TF1 (environ quarante minutes de scènes coupées) qui a acquis les droits pour la France.
- En 2003 Max, réalisé par Menno Meyjes, narre l’histoire entre Adolf Hitler (joué par Noah Taylor), à l’époque jeune artiste, et Max, artiste juif amputé du bras droit. Max encourage Hitler à exorciser sur la toile ses colères, ses haines et ses peurs. Petit à petit, Hitler devient haineux envers les juifs ce qui conduira à l’horreur que l’on sait.
- En 2005 sort La Chute (Der Untergang), réalisé par Oliver Hirschbiegel, avec dans le rôle d’Hitler, l’acteur suisse Bruno Ganz. Ce film narre les derniers jours du Führer dans son bunker.
Lors de sa sortie, ce film a attisé la polémique. On lui a notamment reproché de montrer un visage trop humain du dictateur de l’Allemagne. - Mon Führer - La vraie véritable histoire d'Adolf Hitler sorti en 2007 présente Hitler comme un sujet comique.
- Walkyrie sorti en 2009 retrace le complot du 20 juillet contre Hitler.
Créations diverses et chroniques
- Hitler a souvent été utilisé comme personnage dans des œuvres de fiction. Un exemple précoce en est la description cryptée dans la pièce écrite en 1941 par Bertolt Brecht, La Résistible Ascension d'Arturo Ui, dans laquelle Hitler est transposé en la personne d’un racketteur mafioso sur le marché des choux-fleurs à Chicago.
- Roald Dahl a également écrit une petite nouvelle sur Adolf Hitler dans Kiss Kiss, recueil de nouvelles à l’humour noir, elle s’intitule Une histoire vraie.
- Une des plus étranges œuvres tardives de Salvador Dali fut Hitler se masturbant, le représentant au centre d’un paysage désolé.
- Dans son roman Pompes funèbres, Jean Genet propose une vision homoérotisée du Führer, ainsi qu’un regard poétique sur les rapports qu’entretiennent la violence nazie et l’attirance sexuelle.
- Rêve de fer (The Iron Dream, 1972) une uchronie de Norman Spinrad : un certain Adolf Hitler, n’arrivant pas à fonder un mouvement politique, émigre aux États-Unis, écrit des romans d’heroic fantasy, dont un, le Seigneur du Swastika, récit enchâssé dans le livre de Spinrad avec ses préface et postface expliquant un monde n’ayant pas connu le régime nazi.
- Ces garçons qui venaient du Brésil, Franklin J. Schaffner (1976), raconte une tentative de clonage du dictateur défunt par le sinistre Docteur Mengele.
- Hitlar (aussi connu simplement sous le titre Hitler), est un film pakistanais de 1980 mettant en scène un hypothétique fils caché d'Adolf Hitler vivant en tant que gérant de discothèque à Karachi.
- Fatherland, de Robert Harris est une uchronie qui met en scène un thriller dans une Europe où le Troisième Reich a triomphé des Alliés en 1944.
- La Part de l'autre, d’Éric-Emmanuel Schmitt, est un roman uchronique qui nous montre ce qu’aurait pu devenir le monde si, à cet instant précis du 8 octobre 1908, le jury de l’École des Beaux-Arts de Vienne avait prononcé « Adolf Hitler : admis ». Il écrit en parallèle la vie d’Hitler avec celle qu’il aurait eue s’il avait été admis.
- Un Château en Forêt : Le Fantôme de Hitler, de Norman Mailer est une biographie de Hitler, où un SS posséderait des informations secrètes sur l'enfance et la vie du Führer, les livrant ainsi au lecteur.
- Lors de l'inauguration du musée de cire Madame Tussauds de Berlin le 5 juillet 2008, un visiteur berlinois a décapité la tête de la statue de cire d'Hitler. Celle-ci sera retirée afin d'être réparée[153].
- Hipster Hitler est une bande dessinée comique qui raconte la vie d'un Adolf Hitler hipster.
Décorations
Décorations militaires
- Croix de fer (1re et 2e classe)
- Insigne des blessés (Allemagne) (noir)
Notes et références
Notes
- Ian Kershaw, dans la préface à son Hitler (t. I, Flammarion, 2000), analyse ainsi la singularité historique d’Hitler, dont le nom est devenu de fait dans la conscience universelle un synonyme du « Mal » : outre qu’il a sévi bien au-delà des frontières de son pays, il s’agit d’un conquérant qui « n’a laissé que des ruines derrière lui », ainsi qu’un immense traumatisme moral. L’historien note aussi que même les derniers défenseurs d’Hitler n’osent pas assumer frontalement ses actes (négationnisme). L’historiographie contemporaine a enfin amplement démontré et souligné la singularité de la Shoah, génocide mené contre la totalité d’un peuple désarmé et dispersé, selon des méthodes industrielles et bureaucratiques sans équivalent à cette heure dans l’Histoire humaine. De même, il a été régulièrement souligné la spécificité de ses projets d’exterminations racistes ou de la destruction méthodique et radicale de la personne humaine dans les camps de concentration. Cf. p. ex. Henry Rousso, « La violence congénitale du nazisme », in Nazisme et stalinisme. Histoire et Mémoire comparées, Complexes, Bruxelles, 2000. Son biographe
Références
- (de) Hitler renonce à sa nationalité autrichienne (7 avril 1925)
- antisémitisme et donc de la Shoah. Elle n'est généralement pas retenue des historiens, pour qui il n'existe d'ailleurs pas de signe d'un antisémitisme familial ni personnel chez Hitler avant qu'il n'arrive à Vienne. Kimberly Cornish, Wittgenstein contre Hitler. Le Juif de Linz, PUF, 1997. Une photo de classe montre les deux garçons à peu de distance. La thèse très controversée du livre suppose qu'ils se connaissaient et qu'Hitler aurait nourri pour Wittgenstein une aversion à l'origine de son
- August Kubizek (The Young Hitler I Knew, Boston, Houghton Mifflin, 1955), Hitler a lu certains ouvrages de Nietzsche avant 1914, cette affirmation est contestée par Asccheim (The Nietzsche Legacy in Germany 1890-1990, Berkeley, University of California Press, 1994, p. 319), selon lequel les spécialistes s'accordent sur le fait que Hitler n'a pas lu Nietzsche, ou très peu Si selon les mémoires d'
- Brigitte Hamann, Hans Mommsen, Hitler's Vienna: A Portrait of the Tyrant as a Young Man, Tauris Parke Paperbacks, 2010, 496 p., p. 155.
- Sherree Owens Zalampas, Adolf Hitler: a psychological interpretation of his views on architecture, art, and music, Popular Press, 1990, 171 p., p. 25.
- (en) Pictures of Hitler - Hitler Celebrating the Declaration of WWI Un cliché pris sur Odeonplatz à Munich le 2 août 1914 le montre dans la foule assemblée voir
- Lionel Richard (dir.), D’où vient Adolf Hitler ?
- Mein Kampf, chapitre V "La guerre mondiale".
- Ian Kershaw, Hitler, tome I, Flammarion, 2000, suppose que Hitler a même très probablement arboré alors le brassard socialiste comme tous les soldats.
- Ian Kershaw, et 'Hitler de Heiden Cf. Hitler, tome 1 de
- Mein Kampf, Hitler donne de cet épisode un récit plutôt elliptique, mais assez clair quant à sa vision du monde :
« En mars 1919, nous étions de retour à Munich. La situation était intenable et poussait à la continuation de la révolution. La mort d’Eisner ne fit qu’accélérer l’évolution et conduisit finalement à la dictature des soviets, pour mieux dire, à une souveraineté passagère des Juifs, ce qui avait été originairement le but des promoteurs de la révolution et l’idéal dont ils se berçaient.
[…]
Au cours de cette nouvelle révolution de soviets, je me démasquai pour la première fois de telle façon que je m’attirai le mauvais œil du soviet central.
Le 27 avril 1919, je devais être arrêté, mais les trois gaillards n’eurent point le courage nécessaire en présence du fusil braqué sur eux et s’en retournèrent comme ils étaient venus.
Quelques jours après la délivrance de Munich, je fus désigné pour faire partie de la Commission chargée de l’enquête sur les événements révolutionnaires dans le 2e régiment d’infanterie.
Ce fut ma première fonction active à caractère politique. »
Dans - Buchenwald en février 1945, deux mois avant le suicide du Führer. L'homme « qui inventa Hitler » mourra résistant socialiste à
- Gutachten über den Antisemitismus 1919 erstellt im Auftrag seiner militärischen Vorgesetzten » sur NS-Archiv - Dokumente zum Nationalsozialismus ou en anglais : Adolf Hitler, « Adolf Hitler's First Antisemitic Writing » sur Jewish Virtual Library, 16 septembre 1919 Voir cette lettre en allemand : Adolf Hitler, «
- Joachim Fest, Hitler. Jeunesse et conquête du pouvoir, p. 130
- Ian Kershaw, Hitler. Essai sur le charisme en politique
- Ian Kershaw, Hitler, tome I.
- Munich, l'ancien ministre britannique Winston Churchill accepta par curiosité un rendez-vous avec le leader nazi, mais ce dernier annula l'entrevue avec son futur vainqueur quand ce dernier demanda à son intermédiaire pourquoi Hitler en voulait tant à des gens qui n'avaient fait que naître juifs. En 1932, de passage à
- Pierre Milza, « Hitler et Mussolini », in L'Allemagne de Hitler, op. cit., p. 112
- Cf. Ian Kershaw, Hitler. 1889-1936., DVA, Stuttgart, 1998, p. 272.
- Kershaw, op. cit., t. 1, p. 354
- Frontispice de première edition, 1925. Voir
- François Bédarida, Le Nazisme et le génocide, Pocket, souligne la spécificité de l’idéologie d’Hitler : parfaitement cohérente, sincèrement ressentie, cette Weltanschauung est unique au monde car aucune autre n’a entraîné par son application de crimes aussi vastes et singuliers.
- Sciences et Avenir, avril 2009, {{{1}}}.7. « L'étrange fiche de police d'Adolf Hitler »,
- RG sur Hitler” », Sciences et Avenir, mars 2009, p. 17. « Dans le secret des archives de France : “La fiche des
- Cf. Ian Kershaw, Hitler. 1889-1936., DVA, Stuttgart, 1998, p. 297.
- Serge Berstein, « La prise du pouvoir par Adolf Hitler », in L'Histoire. L'Allemagne de Hitler, Points-Seuil, 1991, p. 26.
- Robert O. Paxton, Le Fascisme en action, Seuil, p. 173-174.
- Detlev J. Peukert, La République de Weimar, 1997.
- Serge Berstein, loc. cit., p. 29.
- André Versaille éditeur, 2008. Lionel Richard, Goebbels, Portrait d'un manipulateur, Bruxelles,
- Philippe Burrin, « Qui était nazi? », in L'Allemagne de Hitler, op. cit.
- Robert O. Paxton, Le Fascisme en action, p.162.
- mépris : mépris de ses camarades politiques dont il abandonnait le programme à sa guise et dont il trahit les préoccupations ouvriéristes ; mépris de ses concitoyens auxquels il promet toute chose et son contraire, changeant de style selon les lieux, les moments et les publics. Les seuls constantes des discours hitlériens sont l'antisémitisme et la xénophobie. », Henri Burgelin, Les Succès de la propagande nazi, op. cit., p. 127. « La conquête du pouvoir par Hitler résulte largement de l'usage cynique qu'il sut faire d'une propagande fondée sur le
- Ian Kershaw, Hitler, t. I, op. cit.
- Alan Bullock conclut que Hitler est arrivé au pouvoir par une « conspiration d'escalier de service. » dans Hitler :A Study in Tyranny, Londres, Odhams, 1952, p. 203. De même
- Philippe Burrin, « Le Grand capital a-t-il soutenu Hitler ? », in L’Histoire, L’Allemagne de Hitler, Points-Seuil, 1994
- J.M. Argelès, « La terreur en Allemagne avant 1939 », in Une si longue nuit, dir. St. Courtois, 2003.
- Jean-Pierre Azéma, « Les victimes du nazisme », in L'Allemagne de Hitler, op. cit., p. 312
- Heinz Höhne, L'ordre noir. Histoire de la SS, Casterman, Tournai, 1972, p. 84
- Günter Weisenborn, Une Allemagne contre Hitler, 1947.
- Inge Scholl, La Rose blanche. Six Allemands contre le nazisme, éd. de Minuit, 1953, rééd. 1998.
- Gilles Perrault, L'Orchestre rouge, Fayard, 1989
- Léopold Trepper, Le Grand Jeu, Albin Michel, 1993.
- Atlas du IIIe Reich, coll. Autrement, 1998
- Ian Kershaw, Hitler, Flammarion, 2000, passim
- Peter Reichel, La Fascination du nazisme, Hambourg, 1997
- Philippe Burrin, « Le grand capital a-t-il soutenu Hitler ? », in L'Allemagne de Hitler, op. cit., p. 149-167
- Götz Ally, Comment Hitler a acheté les Allemands, Flammarion, 2007
- Ian Kershaw, Qu'est-ce que le nazisme ?, 1988, Seuil, coll. Points. (pour les rapports du nazisme à l'économie)
- L'œil du IIIe Reich. Walter Frentz, le photographe de Hitler, Préface de Fabrice d'Almeida, Paris, Perrin, 2009, p. 86-87.
- Barbara Lambauer, Otto Abetz et les Français, Fayard 2001, page 96
« …Vous vous dites : “Hitler nous fait des déclarations pacifiques, mais est-il de bonne foi ? Est-il sincère ?” N’est-ce pas un point de vue puéril que le vôtre ? Est-ce qu’au lieu de vous livrer à des devinettes psychologiques, vous ne feriez pas mieux de raisonner en usant de cette fameuse logique à laquelle les Français se déclarent si attachés ? N’est-il pas évidemment à l’avantage de nos deux pays d’entretenir de bons rapports ? Ne serait-il pas ruineux pour eux de s’entre-choquer sur de nouveaux champs de bataille ? N’est-il pas logique que je veuille ce qui est le plus avantageux à mon pays, et, ce qui est le plus avantageux, n’est-ce pas évidemment la paix ?
… C’est bien étrange que vous jugiez encore possible une agression allemande ! Est-ce que vous ne lisez pas notre presse ? Est-ce que vous ne voyez pas qu’elle s’abstient systématiquement de toute attaque contre la France, qu’elle ne parle de la France qu’avec sympathie ?
…Jamais un dirigeant allemand ne vous a fait de telles ouvertures si répétées. Et ces offres émanent de qui donc ? D’un charlatan pacifiste qui s’est fait une spécialité des relations internationales ? Non pas, mais du plus grand nationaliste que l’Allemagne ait jamais eu à sa tête ! Moi, je vous apporte ce que nul autre n’aurait jamais pu vous apporter : une entente qui sera approuvée par 90 % de la nation allemande, les 90 % qui me suivent ! Je vous prie de prendre garde à ceci :
Il y a dans la vie des peuples des occasions décisives. Aujourd’hui la France peut, si elle le veut, mettre fin à tout jamais à ce “péril allemand” que vos enfants de génération en génération, apprennent à redouter. Vous pouvez lever l’hypothèque redoutable qui pèse sur l’histoire de France. La chance vous est donnée à vous. Si vous ne la saisissez point, songez à votre responsabilité vis-à-vis de vos enfants ! Vous avez devant vous une Allemagne dont les neuf dixièmes font pleine confiance à leur chef, et ce chef vous dit : “Soyons amis !” »
Extrait plus large de l'interview :
- 29 février 1936, p. 3. Toutefois, du fait que cette interview intervienne après la ratification du pacte franco-soviétique, certains commentateurs allemands auront des paroles dures à l’égard d’Édouard Herriot, d’Albert Sarraut et de Flandrin, leur reprochant d’avoir signé avec les Soviétiques Ibid., samedi
- Les Olympiades: Les Hommes les plus rapides du monde, Greenspan Bub, Cic Vidéo 1987, d'après les archives des JO.
- The 1936 Berlin Olympics: Hitler and Jesse Owens et Rick Shenkman, Adolf Hitler, Jesse Owens and the Olympics Myth of 1936 Hyde Flippo,
- Adolf Hitler 'did shake hands with Jesse Owens', Daily Telegraph
- Une histoire des Juifs, Robert Laffont, 1986
- Cité par K. Timmerman, op. cit., p. 109
- Walter Laqueur, The Israel-Arab Reader, Penguin Books, 1970, pp. 106-107. Compte rendu de l’entretien entre le Führer et le grand Mufti de Jérusalem le 30 novembre 1941, Documents on German Foreign Policy, 1918-1945, cité dans
- Historia hors série N°13, juin 1969 ; Paris ville ouverte par Pierre Bourget / Charles Lacretelle
- Le choc de 1940 / Jean Cau
- (de) Dietmar Arnold, Neue Reichskanzlei und "Führerbunker" : Legenden und Wirklichkeit, Berlin, Christoph Links, 2005, 190 p. [lire en ligne (page consultée le 21 juillet 2010)], p. 115
- Une saison noire. Le massacre des tirailleurs sénégalais mai-juin 1940 par Raffael Scheck
- Cf. Gordon A. Craig, Germany 1866–1945, Oxford University Press, 1978. (Edition allemande:) Gordon A. Craig, Deutsche Geschichte 1866–1945, C. H. Beck, München, 1981, p. 628. Guido Knopp, Die Wehrmacht. Eine Bilanz, München, 2007, p. 76
- Cf. Alexander Lüdeke, Der Zweite Weltkrieg. Ursachen, Ausbruch, Verlauf, Folgen, Berlin, 2007, p. 69
- Der deutsche Entschluss zum Angriff auf die Sowjetunion. In: Vierteljahreshefte für Zeitgeschichte, 1, 1953, p. 301–318, ici p. 310–311 Cf. Gerhard L. Weinberg,
- Ian Kershaw, Wendepunkte. Schlüsselentscheidungen im Zweiten Weltkrieg 1940/41, DVA, München, 2008, p. 96: ”indem man London via Moskau schlug”. En français : « en battant Londres par le détour de Moscou ». (Édition originale : Fateful Choices. Ten Decisions That Changed the World, 1940-1941, London, 2007)
- Cf. Ian Kershaw, Wendepunkte. Schlüsselentscheidungen im Zweiten Weltkrieg 1940/41, DVA, München, 2008, p. 95–96 et 105–106
- Ulrich Herbert, Hitler's foreign workers, Cambridge, 1997
- Eberhard Jäckel, Frankreich in Hitlers Europa – Die deutsche Frankreichpolitik im Zweiten Weltkrieg, Deutsche Verlag-Anstalt GmbH, Stuttgart, 1966 ; version en français : La France dans l'Europe de Hitler (préface de Alfred Grosser, traduction de Denise Meunier), éd. Fayard, coll. « Les grandes études contemporaines », 1968, 554 p., p. 273.
- Larousse de la Seconde Guerre mondiale, dir. Claude Quétel, Mémorial de Caen, 2004, p. 321-322
- Olivier Wieviorka, Histoire du Débarquement en Normandie, Perrin, 2007
- Hans Scholl, ont commencé par éprouver pour lui de l'attirance avant de s'en détourner avec horreur ? » in L'Allemagne de Hitler, collection L'Histoire, Points-Seuil, 1991, introduction, p. 15 « Est-ce un hasard si plusieurs de ceux qui allaient en devenir les plus farouches adversaires, un Niemöller, un Stauffenberg, un
- Expression de Kershaw
- Raymond Cartier, La Seconde Guerre mondiale, Hachette, 1964, t. II, p. 67
- Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, tome III, p. 205, et les travaux de François Delpla.
- Les derniers jours de Hitler, par Édouard Husson ; c’est également ce que laisse entendre le film La Chute, même si le double suicide lui-même, faute de témoin, n'est pas mis en scène.
- Raymond Cartier, La Seconde Guerre mondiale, Larousse, 1964, t. II, p. 346
- Antony Beevor, Hitler’s jaws of death, article paru dans IHT et NYT le 11 octobre 2009, pages op-ed
- (en) [V.K. Vinogradov and others, Hitler's Death: Russia's Last Great Secret from the Files of the KGB, Chaucer Press 2005, 111. Ces travaux s’appuient sur une carte soviétique, indiquant que les corps se trouvaient dans un champ près du village de Neu Friedrichsdorf, à environ un kilomètre à l'est de Rathenow].
- ISBN 978-0-393-03914-6. Ada Petrova, The Death of Hitler: The Full Story With New Evidence from Secret Russian Archives, W W Norton & Co Inc, 1995,
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- Hans Meissner, Magda Goebbels, First Lady of the Third Reich, 260–277.
- (en) Tests on skull fragment cast doubt on Adolf Hitler suicide story (27 septembre 2009)
- (en) 'Hitler’s Skull' Is A Woman’s, Say DNA Tests (28 septembre 2009).
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- in conclusion finale de Hitler, Flammarion, 2000
- François Furet, Le Passé d'une illusion, 1993
- Tony Judt, Après-Guerre. Une histoire de l'Europe depuis 1945, Armand Colin, 2007, chapitre premier « L'héritage de la guerre ».
- Tony Judt, op. cit, p. 34
- cf. Tony Judt, op. cit., p. 425
- Tony Judt, op. cit., p. 30
- maréchal Pétain, ainsi, a nourri l'illusion coûteuse que le Führer était prêt à faire de la France un pays partenaire dans sa « nouvelle Europe », d'où une collaboration à sens unique qui a permis à Hitler d'atteindre à moindres frais ses objectifs de pillage, répression ou déportation. Cf. Robert Paxton, La France de Vichy, Seuil, 1973. La France du
- Maus, d'Art Spiegelman. Cf. par exemple la fin de
- Éditions Chroniques, conclusion de la Chronique de la Seconde Guerre mondiale, 1987.
- Joachim Fest, Albert Speer. Le confident de Hitler, tr. fr. Perrin, 2001. Albert Speer, Au cœur du IIIe Reich, Fayard, 1971, ou encore
- Baldur von Schirach, condamné à 20 ans de prison à Nuremberg, écrit en 1967 : « La catastrophe allemande ne provient pas seulement de ce que Hitler a fait de nous, mais de ce que nous avons fait de Hitler. Hitler n'est pas venu de l'extérieur, il n'était pas, comme beaucoup l'imaginent, une bête démoniaque qui a saisi le pouvoir tout seul. C'était l'homme que le peuple allemand demandait et l'homme que nous avons rendu maître de notre destin en le glorifiant sans limites. Car un Hitler n'apparaît que dans un peuple qui a le désir et la volonté d'avoir un Hitler. » Cité in L'Histoire, L'Allemagne de Hitler, Points-Seuil, 1991, p. 13 L'ancien chef de la Hitlerjugend et gauleiter de Vienne
- Tony Judt, Après-Guerre, Armand Colin, p. 942
- Tony Judt, Après-Guerre. Une Histoire de l'Europe depuis 1945, Armand Colin, 2007, p. 80 et p. 940
- Cf. Tony Judt, op. cit., « Épilogue : de la maison des morts ».
- Thimothy Ryback, Dans la bibliothèque privée d'Hitler : Les livres qui ont modelé sa vie, LGF, 2010, P.175
- Adolf Hitler, Mein Kampf, Eher Verlag p.420
- 1940. Akten zur deutschen auswärtigen Politik, vol. 158, p. 170., cité par Gerald Fleming, Hitler and the Final Solution, University of California Press, 1994, p. 14. Mémorandum de Walter Hevel, fonctionnaire du ministère des affaires étrangères du Reich, 21 janvier
- Ausrottung
- « L’antisémitisme mortifère d’Hitler. Paroles et documents » Voir la longue liste des propos d’Hitler rapportés par PHDN :
- Das Auswärtige Amt und der Holocaust. Die drängende Sorge, überflüssig zu werden. FAZ.NET, 14 novembre 2010. Traduction. Cf.
- Cf. Spiegel-Gespräch mit {{subst:Lien/Conversion automatique|fr=Eckart Conze|trad=Eckart Conze|lang=de}} „Verbrecherische Organisation“. In: Der Spiegel, Nr. 43 (2010), p. 45
- « Hitler et la Solution Finale : le jour et l'heure », in L'Allemagne de Hitler, op. cit., p. 269
- Himmler à Gottlob Berger, 28. 07. 1942. Cf. Ian Kershaw: Wendepunkte. Schlüsselentscheidungen im Zweiten Weltkrieg. 2. Auflage. DVA, München 2008, S. 586: „Die besetzten Gebiete werden judenfrei. Die Durchführung dieses sehr schweren Befehls hat der Führer auf meine Schultern gelegt.“
- Ian Kershaw, Hitler, t. II, op. cit., passim
- Omar Bartov, L'Armée de Hitler, Pluriel, 1999.
- Rudolf Höss, Le Commandant d'Auschwitz parle
- Annette Wieviorka, "Les Tziganes aussi…", in Auschwitz, la mémoire d'un lieu, Pluriel, 2005 Pour tout le passage,
- Jean-Pierre Azéma, "Les victimes du nazisme", in L'Allemagne de Hitler, op. cit., p. 321
- Hermann Langbein, Hommes et femmes à Auschwitz, Fayard, 1971, p. 27 sq et p. 49 sq
- Guenter Lewy, La persécution des tsiganes par les nazis, Paris, Les Belles Lettres, 2003, p. 364-365
- Rudolf Höss, commandant du camp. Voir Pierre Vidal-Naquet, Les assassins de la mémoire, 2005, p. 143. Le 3 septembre 1941, d’après
- Mémorial de la déportation homosexuelle
- Peter Longerich, Himmler. L’éclosion quotidienne d’un monstre ordinaire, éditions Héloïse d’Ormesson, 2010, p. 284.
- Albert Speer (trad. Michel Brottier), Au cœur du Troisième Reich, Librairie Arthème Fayard, Paris, novembre 2010, p. 136.
- Albert Speer (trad. Michel Brottier), Au cœur du Troisième Reich, Librairie Arthème Fayard, Paris, novembre 2010, p. 138.
- Adolf Hitler, Libres propos sur la guerre et la paix recueillis sur l’ordre de Martin Bormann, éd. Flammarion, 1954, t. 2, 28 août 1942, p. 297.
- Albert Speer (trad. Michel Brottier), Au cœur du Troisième Reich, Librairie Arthème Fayard, Paris, novembre 2010, p. 176.
- Adolf Hitler, Libres propos sur la guerre et la paix recueillis sur l’ordre de Martin Bormann, éd. Flammarion, 1952, t. 1, 10-14 octobre 1941, p. 51-60.
- Ian Kershaw, Hitler. 1889-1936, Paris, Flammarion, 1990, p. 497
- Joachim Fest, Hitler. Le Führer, Paris, Gallimard, 1973, p. 193 ou la fin des années 1930, selon
- Ron Rosenbaum, « Pour en finir avec la théorie d'un Adolf Hitler à une seule couille », in Rue89.com, 30 novembre 2008
- ISBN 978-2-7475-0610-6). Bruno Gaudiot, Thierry Féral, Adolf Hitler: l'archaïsme déchaîné, Paris, L'Harmattan, 2001, 187 pages, p. 173 (
- ISBN 978-2-7475-6272-0), parle d'une rumeur née après le suicide de Geli Raubal, qui le lierait aux « extravagances sexuelles de Hitler », en l'occurrence « l'ondinisme », mais juge qu'elle manque de fondement. Sur l'ondinisme supposé de Hitler, Paul Simelon, Hitler, comprendre une exception historique?, Paris, L'Harmattan, 2004, 156 pages, p. 35-36 (
- Les affirmations sur l'impuissance de Hitler ont été démenties par Heinz Linge, valet de chambre de Hitler. Voir Michel Beauquey, J. V. Ziegelmeyer, Le disparu du 30 avril, Productions de Paris, 1964, 294 pages, p. 131.
- ISBN 978-2-7475-6272-0), qui s'appuie sur Norman Finkelstein. Paul Simelon, Hitler, comprendre une exception historique?, Paris, L'Harmattan, 2004, 156 pages, p. 35 (
- ISBN 978-0-7185-0227-0), parle, p. 119, d'une « well-known wartime anti-German ditty: "Hitler has only got one ball, Goering has two but very small, Himmler has something similar, but poor old Goebbels has no balls at all." » Kevin Moore, Museums and Popular Culture, Continuum International Publishing Group, 1997, 182 pages (
- "Hitler au quotidien", in Larousse de la Seconde Guerre mondiale, dir. Claude Quélen, Mémorial de Caen, 2004, p. 194
- Henri Michel, Les Fascismes, Que Sais-je?, PUF, 1977
- Cf. Rochus Misch: Der letzte Zeuge. »Ich war Hitlers Telefonist, Kurier und Leibwächter«, München 2008, S. 91. Edition française: Rochus Misch: J'étais Garde du Corps d'Hitler. 1940-1945, Témoignage. Recueilli par Nicolas Baurcier, Cherche-Midi 2006.
- Ian Kershaw, Hitler, op. cit., passim "Hitler au quotidien", loc. cit. et
- Jacques Nobécourt, "Mit Brennender Sorge", in Dix leçons sur le nazisme, dir. Alfred Grosser, 1987
- Attribution du prénom Adolphe année par année
- Ludwig von Mises, Omnipotent Government, The Rise of the Total State and Total War.
- Texte intégral sur Wikisource K. Marx, Manifeste du parti communiste, p. 100-101
- Pierre Milza, Les Fascismes, Imprimerie Nationale, 1985, p. 231). « C’est le soutien direct apporté au Führer par les industriels et les milieux d’affaires qui a fait pencher la balance de son côté » (
- Claude Polin dans Le totalitarisme, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1982, 127 pages, p. ? (ISBN 978-2-13-037615-6). Entente qualifiée de « mythe favori » des marxistes par
- ISBN 978-2-87027-551-1). « Les milieux d'affaires, jusqu'alors réticents en raison de l'anticapitalisme initial du NSDAP, commencent à voir en lui le rempart le plus sûr contre la poussée révolutionnaire » à la suite des élections présidentielles de 1932. « Les principaux représentants de la grande industrie rhénane (Krupp, Thyssen, Kirdorf) décident de soutenir Hitler pour mettre fin au désordre croissant. Le chef du parti nazi les rassure en leur expliquant que ses diatribes anticapitalistes ne visent que les banquiers juifs en leur promettant une politique d'armement favorable à la grande industrie lourde. Une rencontre avec l'ancien chancelier von Papen et un groupe de banquiers à Cologne, le 4 janvier 1933, achève de sceller l'accord entre les milieux d'affaires et Hitler ». Voir Jean Guiffan, Jean Ruhlmann, Histoire de l'Europe au XXe siècle, Paris, Éditions Complexe, 1995, 252 pages, p. 138-139 (
- Parti social-démocrate d'Allemagne, Parti socialiste ouvrier d'Allemagne, Parti communiste d'Allemagne, Parti communiste d'Allemagne - opposition, Neu Beginnen, Liste de résistants allemands au nazisme. En allemand : {{subst:Lien/Conversion automatique|fr=Rote Kämpfer|trad=Rote Kämpfer|lang=de}}, {{subst:Lien/Conversion automatique|fr=Kommunistische Räte-Union|trad=Kommunistische Räte-Union|lang=de}}. Voir :
- Ian Kershaw met aussi la citation en exergue du chapitre "Hissé au pouvoir" de son Hitler, t. I, op. cit. In Philippe Bouchet, La république de Weimar, Ellipses, 1999, p. 83.
- ISBN 978-2-905969-92-7) Chroniques de l’histoire, (
- Interview recueillie par Jean Kapel, Histoire magazine, n° 19, septembre 1981.
- Baldur von Schirach, J'ai cru à Hitler, Hambourg, 1967, cité in L'Allemagne de Hitler, collection « L'Histoire », Points-Seuil, 1991, p. 13.
- Marc Nouschi, Bilan de la Seconde Guerre mondiale, Le Seuil, 1996
- Irving Wallace, David Wallace, Amy Wallace, Sylvia Wallace (February 1980) "The Book of Lists 2", p. 200.
- Trivia for The Great Dictator on IMDb
- German source
- « Décapité au musée de Berlin, le Hitler de cire sera remis sur pied », Le Point, 7 juillet 2008.
Voir aussi
Articles connexes
- Shoah
- Conférence de Wannsee
- NSDAP
- La nuit de cristal
- La nuit des longs couteaux
- Peintures d'Hitler
- Étendard personnel d'Adolf Hitler
- Résistance allemande au nazisme
Bibliographie
: Ouvrage utilisé comme source pour la rédaction de cet article
Biographies générales
- François Delpla, Hitler, Grasset, 1999, (ISBN 978-2-246-57041-7)
- Joachim Fest, Hitler jeunesse et conquête du pouvoir, Paris, Gallimard, 1974, 526 p.
- Joachim Fest, Hitler. Le Führer, Paris, Gallimard, 1973, 541 p.
- Ian Kershaw, Hitler. 1889-1936, Paris, Flammarion, 1999 (ISBN 978-2082125284)
- Ian Kershaw, Hitler. 1936-1945, Paris, Flammarion, 2001, 1625 p. (ISBN 2-08-212529-7)
- Ron Rosenbaum, Pourquoi Hitler, Lattès, 1998, (ISBN 978-2-7096-1913-4)
Aspects particuliers
- Götz Aly, Comment Hitler a acheté les Allemands, Flammarion, 2005, (ISBN 978-2-08-210517-0)
- Sir Alan Bullock, Hitler et Staline, Albin Michel, 1994, (ISBN 978-2-226-06491-2 et 2226064923)
- Gerhardt Boldt La Fin de Hitler, Corréa, 1949
- Henrik Eberle et Matthias Uhl, Le dossier Hitler, Presses de la Cité, 2006
- Bernd Freytag von Loringhoven et François d'Alançon, Dans le bunker de Hitler : 23 juillet 1944 - 29 avril 1945, Perrin 2005, (ISBN 978-2-262-02478-9)
- Joachim Fest, Les Derniers Jours de Hitler, Perrin, 2005, (ISBN 978-2-262-02329-4)
- David Garner, Le dernier des Hitler, Patrick Robin Éditions, 2006, (ISBN 2352280044)
- Brigitte Hamann, La Vienne de Hitler. Les années d'apprentissage d'un dictateur, Paris, Édition des Syrtes, 2001.
- Ian Kershaw, Le Mythe Hitler, Flammarion, Paris, 1987.
- Ian Kershaw, Hitler : Essai sur le charisme en politique, Folio Histoire, 2001, (ISBN 978-2-07-041908-1)
- Gérard Letailleur, Les secrets du chancelier (préface de Christian de La Mazière), Éditions Dualpha, coll. « Vérités pour l’histoire », 2005, (ISBN 978-2-915461-39-8)
- Philippe Masson, Hitler chef de guerre, Perrin, 2005, (ISBN 978-2-262-01561-9)
- Lionel Richard, D’où vient Adolf Hitler ?, Autrement, 2000, (ISBN 978-2-86260-999-7)
- Jean Stenger, « Hitler et la pensée raciale », Revue belge de philologie et d'histoire, tome 75, fasc. 2, 1997. Histoire médiévale, moderne et contemporaine - Middeleeuwse, moderne en hedendaagse geschiedenis. pp. 413-441.
Fictions
- La Part de l'autre, Eric-Emmanuel Schmitt, Albin-Michel, 2005
- Un Château en Forêt : Le Fantôme de Hitler, Norman Mailer, 2007.
Sur le IIIe Reich
- Richard J. Evans, Le troisième Reich : L'avènement, Flammarion Lettres, coll. « Au fil de l'histoire », 2009, 800 p. (ISBN 978-2082101110)
- Richard J. Evans, Le troisième Reich : 1933-1939, Flammarion Lettres, coll. « Au fil de l'histoire », 2009, 1048 p. (ISBN 978-2-0821-0112-7)
- Richard J. Evans, Le Troisième Reich. 1939-1945, Paris, Flammarion, coll. « Au fil de l'histoire », 2009, 1102 p. (ISBN 978-2-0812-0955-8)
- William L. Shirer, Le IIIe Reich, Paris, Stock, 2006, 1257 p. (ISBN 2-234-02298-3)
Liens externes
- (en) Hitler à Odeonplatz Munich, août 1914
- (fr) Archives de l’INA : Entrevue entre Hitler et Franco à Hendaye en octobre 1940
- (fr) Article et dossier à télécharger sur les archives US concernant Hitler, les enquêtes du FBI et les données relatives à un complot américain destiné à le supprimer en 1933
- (fr) Le double langage dans l’hitlérisme par Guy Durandin, professeur honoraire de psychologie sociale à l’université René-Descartes-Paris V.
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