Albert Speer (père)

Albert Speer (père)
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Albert Speer
Albert Speer Neurenberg.JPG
Albert Speer durant le procès de Nuremberg, 1946 (détail)

Mandats
Ministre des Armements de la Production de guerre
Élection 1942 - 1945
Gouvernement Cabinet Hitler
Cabinet Goebbels
Cabinet Schwerin von Krosigk
Prédécesseur Fritz Todt
Successeur Poste supprimé
Biographie
Nom de naissance Berthold Konrad Hermann Albert Speer
Date de naissance 19 mars 1905
Lieu de naissance Mannheim
Date de décès 1er septembre 1981 (à 76 ans)
Lieu de décès Londres
Nationalité Drapeau : Allemagne Reich allemand
Parti politique NSDAP
Diplômé de Technische Hochschule
Profession Architecte

Reichsadler der Deutsches Reich (1933–1945).svg

Berthold Konrad Hermann Albert Speer (19 mars 1905 à Mannheim, Allemagne - 1er septembre 1981 à Londres, Royaume-Uni) est un architecte et un ministre de l'Allemagne nazie. Plaidant coupable au procès de Nuremberg, il fut condamné à vingt ans de prison qu'il effectua. Après sa libération, il publia en 1969 Au cœur du Troisième Reich, une autobiographie qui fit couler beaucoup d'encre en raison de l'éminente position de son auteur dans le régime nazi. Malgré cette position, il se rachète en prétendant ne pas avoir été au courant de la Shoah et en ayant tenté de préserver l'Allemagne de la politique de la terre brûlée voulue par Hitler, en qui il ne croyait plus.

Sommaire

Jeunesse

Adolf Hitler et Albert Speer en 1933.

Issu d'un milieu bourgeois très aisé, Albert Speer veut d'abord devenir mathématicien, mais il suit finalement les traces de son père et de son grand-père et, à partir de 1923, étudie l'architecture à Karlsruhe d'abord, puis à Munich. Tout à ses études, Albert Speer est alors peu politisé. Alors qu'Hitler vient de sortir de prison après le putsch de la Brasserie et fait à nouveau abondamment parler de lui à Munich, le jeune homme n'en fait pas la moindre mention dans son journal intime[1].

Speer s'inscrit ensuite à la Technische Hochschule de Berlin, où il suit les cours d'Heinrich Tessenow. Après avoir obtenu son diplôme d'architecte à l'été 1927, Speer devient l'assistant de Tessenow. Le 28 août 1928, il épouse Margarete Weber (1905–1987) à Berlin.

À la fin 1930, il est convaincu par des élèves d'assister à un meeting du parti nazi destiné aux étudiants. Il est surpris, puis subjugué par le discours d'Adolf Hitler[2]. Quelques semaines plus tard, en janvier 1931, il assiste à une conférence de Goebbels, de laquelle il ressort terriblement déçu, mais après le meeting, alors que les participants s'éparpillent dans le désordre, la police, d'abord pacifique, met fin au chahut avec violence. Speer prend alors sa carte du parti (membre no 474 481)[3].

La première commande comme membre du parti vient dès 1933 : Joseph Goebbels lui demande de rénover le ministère de la Propagande. Satisfait de son travail, Goebbels le recommande à Hitler, qui lui demande d'aider Paul Troost à rénover la chancellerie à Berlin. Il est crédité de l'ajout d'un balcon célèbre.

Premier architecte du Reich

Troost meurt en 1934, et Speer est choisi pour le remplacer comme architecte en chef du parti. L'une des premières commandes est peut-être la plus connue de ses réalisations : le gigantesque complexe du Reichsparteitagsgelände de Nuremberg, cadre des congrès du Parti national-socialiste et des parades militaires que l'on voit dans le film de Leni Riefenstahl, Le Triomphe de la volonté. Ce lieu est basé sur l'architecture dorique des autels Pergamum en Turquie, mais augmenté dans des proportions gigantesques qui le rendent capable de contenir 240 000 personnes. Lors du rassemblement du parti en 1934, Speer place 150 projecteurs antiaériens autour du site. Cela crée l'effet d'une « cathédrale de lumière », selon l'ambassadeur britannique Neville Henderson (en).

De nombreux immeubles officiels nazis sont planifiés à Nuremberg, mais la plupart ne seront jamais construits ; ainsi, le stade allemand aurait dû contenir 400 000 personnes pour les « Jeux aryens », prévus en remplacement des Jeux olympiques. Pendant qu'il planifie ces constructions, Speer invente la théorie de la « valeur des ruines ». Selon ce raisonnement, soutenu avec enthousiasme par Hitler, tous les nouveaux bâtiments doivent pouvoir faire de belles ruines mille ans après leur construction. Ils seraient ainsi des hommages à la grandeur du Troisième Reich, comme celles de la Grèce antique sont le symbole de sa civilisation.

En 1937, Speer dessine le pavillon allemand pour l'Exposition spécialisée de 1937 se tenant à Paris, qui se trouve directement en face de celui de l'Union soviétique. Il le conçoit pour représenter une défense massive contre les assauts du communisme. Les deux pavillons obtiennent une médaille d'or pour leur conception. Les statues en ont été réalisées par Josef Thorak, avec lequel il était très lié.

Speer dirige aussi les plans de reconstruction de Berlin, devant devenir Germania, la capitale de la grande Allemagne. La première étape dans ces plans est le stade olympique pour les Jeux olympiques d'été de 1936. Speer fait les plans d'une nouvelle chancellerie, la Neue Reichskanzlei (la « nouvelle Chancellerie du Reich ») incluant dans ses jardins le fameux Führerbunker (le « Bunker du Führer »), ainsi qu'un vaste hall deux fois plus long que la Galerie des Glaces du Château de Versailles. Hitler en souhaite une troisième encore plus grande que la seconde, mais rien n'est construit. La seconde chancellerie est détruite par l'Armée rouge en 1945.

Presque aucun des autres immeubles planifiés pour Berlin qui devaient être alignés le long d'une avenue centrale de cinq kilomètres n'est construit. À l'extrémité nord de cette avenue, il est prévu un énorme dôme dans le même style que celui de la basilique Saint-Pierre à Rome ; à l'extrémité sud doit être construit un arc de triomphe d'une taille gigantesque, du type de celui de l'arc de triomphe de l'Étoile à Paris. Le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale entraîne l'abandon de ces projets faute de main-d'œuvre et de crédits.

Ministre du Reich pour l'Armement et les Munitions

Albert Speer et Adolf Hitler en 1942.

Hitler a longtemps soutenu Speer dont les plans étaient considérés comme l'expression des principes du nazisme. Il succède au ministère du Reich pour l'Armement et les Munitions (devenu le ministère du Reich pour l'Armement et la Production de guerre en 1943), Fritz Todt, mort dans un accident d'avion en 1942.

En septembre 1943, il rencontre son homologue français Jean Bichelonne, avec qui il signe les accords Speer-Bichelonne.

Speer travaille avec diligence pour augmenter la production de guerre, souvent avec le recours à l'utilisation abusive et à l'exploitation de travailleurs forcés, causant une forte mortalité parmi ceux-ci, bien que la défaite soit devenue progressivement inéluctable. Dans son autobiographie il prétend qu'il n'eut aucune implication dans la Shoah, mais présente néanmoins des regrets à son procès. Il affirme ne pas avoir été informé de la solution finale mais évoque une rencontre au cours de l'été 1944 avec Karl Hanke au cours de laquelle celui-ci aurait évoqué des choses indicibles : assis dans un fauteuil, parlant d'une voix hésitante et profondément troublé, Hanke demanda ainsi à Albert Speer de ne jamais accepter une invitation à visiter un camp de concentration dans le Gau de Haute-Silésie, sous aucun prétexte ; il affirma avoir vu là-bas un spectacle qu'il n'avait pas le droit de décrire et qu'il n'était pas non plus capable de décrire[4]. Albert Speer, qui décrivit Hanke comme un homme sensible, car Hanke lui avait décrit le spectacle des morts et des blessés au cours des campagnes de France et de Pologne, pensa par la suite qu'il devait s'agir d'Auschwitz.

Considéré par Claus von Stauffenberg comme le seul homme sain d'esprit parmi les dirigeants nazis, entre Hitler, Hermann Göring et Heinrich Himmler, il est prévu qu'il soit intégré au gouvernement « anti-Hitler » envisagé après le complot du 20 juillet 1944. Cependant, la liste contient l'annotation « si possible » associée à son nom, ce qui lui sauve la vie.

Hitler continue de faire confiance à Speer qui, au risque de sa vie, empêche autant que possible la volonté du Führer de détruire systématiquement les installations en prétendant que l'Armée allemande allait faire une contre-offensive. Peu avant le suicide du dictateur, Speer a même admis à Hitler qu'il lui avait désobéi. En effet, il a activement gêné le décret de la « terre brûlée » d'Hitler (le dictateur avait pris la décision de détruire le peuple allemand plutôt que de le voir vaincu).

Selon son autobiographie, il aurait visité le Führerbunker dans les derniers jours de la guerre et dit à Hitler que la guerre était perdue. Il aurait exprimé son opposition à la destruction systématique de l'Allemagne, tout en réaffirmant son affection et sa foi en Hitler. Cette conversation aurait porté Hitler aux larmes. Dans le testament politique final de Hitler, Speer a été exclu du nouveau cabinet et devait être remplacé par son subalterne, Karl-Otto Saur. Comme ministre de l'Économie, il fit néanmoins partie de l'éphémère gouvernement de Flensbourg dirigé par le Grand Amiral Karl Dönitz jusqu'au 23 mai 1945.

En association avec le général Gotthard Heinrici, il organise la reddition des troupes allemandes aux alliés occidentaux plutôt qu'une tentative suicidaire de déloger les Soviétiques de Berlin.

La relation privilégiée avec Hitler

Beaucoup de chefs nazis ont cru être l'ami du Führer, mais Adolf Hitler aurait dit à la fin de la guerre : « Si j'avais eu un ami, il aurait été Speer ». Hitler, dans sa prime jeunesse avait voulu être un peintre et il avait une admiration pour le talent de dessinateur de Speer. Hitler voulut en faire l'architecte officiel du régime. Mais Speer était bien plus qu'un architecte : c'était sûrement l'un des premiers technocrates, un ingénieur au service de l'État tel qu'on en rencontrera beaucoup après guerre. Tout le monde reconnaît à Speer sa compétence dans l'organisation de la fin de la guerre. On peut même dire qu'à cause de lui la guerre a duré plus longtemps. Il fut, entre autres choses, extrêmement efficace dans l'établissement d'usines d'essence synthétique.

Après la guerre

Procès et prison

Au procès de Nuremberg, il est l'un des rares à exprimer des remords, ce qui lui sauve probablement la vie.

Il lui est reproché d'avoir utilisé ses différentes positions et son influence personnelle pour participer à la planification et à la préparation militaire et économique des conspirateurs nazis en vue de mener une guerre d'agression et des guerres en violation des traités internationaux, au sens des chefs d'accusation no 1 et 2, mais il est acquitté sur ces deux points.

Il est également accusé d'avoir autorisé, dirigé et pris part à des actes constitutifs de crimes de guerre d'après le chef d'inculpation no 3, et à des crimes contre l'humanité au sens du chef d'inculpation no 4, en particulier d'avoir eu recours massivement à l'exploitation, jusqu'à la mort, de travailleurs forcés dans le but de fournir de la main-d'œuvre aux diverses usines d'armements afin de conduire une guerre d'agression.

Le 1er octobre 1946, il est condamné à 20 ans de prison pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité, peine qu'il purge dans la prison de Spandau.

Libération

Il est libéré le 30 septembre 1966 et quitte Spandau le 1er octobre 1966[5]. Il écrit alors plusieurs livres autobiographiques.

Il s'inscrit au Parti social-démocrate d'Allemagne (SPD), qui voit en lui une génération d'Allemands finalement moins coupables que les autres.

Il perd connaissance subitement dans sa chambre d'hôtel de Londres, sa maîtresse appelle un médecin ; on le transporte à l'hôpital, où Speer succombe à une crise cardiaque quelques heures plus tard, le 1er septembre 1981.

Ses enfants

Speer a eu six enfants, quatre garçons et deux filles, Albert, Hilde, Margret, Arnold, Fritz, Ernst, entre 1934 et 1942.

Son fils, né en 1934 et également prénommé Albert, est un architecte à succès, notamment responsable de la conception d'Expo 2000 (l'exposition mondiale de Hanovre en 2000), de la cité internationale de Shanghaï et du complexe olympique de Pékin. Sa fille Hilde Schramm (née en 1936) est élue comme parlementaire de gauche. Sa seconde fille, Margret Nissen (née en 1938), est photographe.

Bibliographie

Ouvrages de Speer

  • Albert Speer (trad. Michel Brottier), Au cœur du Troisième Reich [« Erinnerungen »], vol. 3471, Paris, le Livre de poche, coll. « Le Livre de poche », 1972, 794 p. (ISBN 2-253-01508-3) 
  • Albert Speer (trad. Dominique Auclères et Michel Brottier), Journal de Spandau [« Spandauer Tagebücher »], Paris, Robert Laffont, coll. « Vécu », 1975, 553 p. 
  • Albert Speer (trad. Guy Fritsch-Estrangin et Jeanne-Marie Gaillard-Paquet), L'Empire S.S [« Der Sklavenstaat »], Paris, Robert Laffont, 1985, 396 p. (ISBN 2-221-00900-2) 
  • Albert Speer (trad. Jean-Marie Vigilens), L'Immoralité du pouvoir [« Technik und Macht »], Paris, La Table ronde, 1979, 285 p. 

Autres

  • Jacques Brosse, Hitler avant Hitler, postface d'Albert Speer, Fayard.
  • L. O., Larsson, Albert Speer : le plan de Berlin (1937-1943), Archives d'Architecture Moderne, Bruxelles, 1983.
  • Gitta Sereny, Albert Speer : son combat avec la vérité, Seuil, 1997.
  • Joachim Fest, Albert Speer, Le Confident de Hitler, Perrin, 2001.
  • Matthias Schmidt, Albert Speer : La Fin d'un Mythe, P. Belfond.
  • Heinrich Breloer, Speer et Hitler. L'Architecte du diable, éd. Canal+ éditions.
  • (de) « Albert Speer und sein Führer. Der Manager des Bösen », Der Spiegel, 2 mai 2005, no 18/2005 ; un article extrêmement critique sur le véritable rôle d'Albert Speer dans le Troisième Reich, y compris dans la gestion technique de la Shoah.
  • William Hamsher, Albert Speer coupable ou victime [« Albert Speer-Victim of Nuremberg? »], Editions France-Empire, 1972 (OCLC 77440996).
    Ouvrage en anglais paru en 1970 aux éditions Leslie Frewin,
     .

Cinéma

Notes et références

  1. Albert Speer, Erinnerungen, p. 26.
  2. Albert Speer, Erinnerungen, p. 32
  3. Albert Speer, Erinnerungen, p. 34
  4. Albert Speer (trad. Michel Brottier), Au cœur du Troisième Reich, Librairie Arthème Fayard, Paris, novembre 2010, p. 529.
  5. Au cœur du Troisième Reich, Postface).

Annexes

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