Salvador Dali

Salvador Dali

Salvador Dalí

Salvador Dalí
Salvador Dalí photographié par Carl van Vechten, le 29 novembre 1939.
Salvador Dalí photographié par Carl van Vechten, le 29 novembre 1939.

Nom de naissance Salvador Domingo Felipe Jacinto Dalí i Domènech
Activité(s) Peinture, dessin, sculpture, photographie, écriture
Naissance 11 mai 1904
Flag of Spain (1785-1873 and 1875-1931).svg Figueras, Catalogne
Décès 23 janvier 1989
Flag of Spain.svg Figueras
Mouvement(s) Cubisme, Dada, Surréalisme
Formation Académie royale des beaux-arts de San Fernando
Œuvres principales

Salvador Domingo Felipe Jacinto Dalí i Domènech, 1er Marquis de Púbol, connu sous le nom de Salvador Dalí, (11 mai 1904 - 23 janvier 1989) était un artiste-peintre surréaliste, sculpteur et un scénariste (cinéma) espagnol. Il est né et mort à Figuières, en Catalogne, où il créa d'ailleurs son propre musée en 1974, le Teatre-Museu Gala Salvador Dalí.

Sommaire

Biographie

La Catalogne aura toujours une place privilégiée dans son œuvre comme dans sa vie. Dalí est né le 11 mai 1904 (en Catalogne). Son père Salvador Dalí i Cusí[1],[2] était un homme autoritaire et aurait été responsable de la mort du frère ainé de Dalí[réf. nécessaire] appelé Salvador, né le 2 mai 1901 et décédé deux années plus tard.

À sept ans, il peint son premier tableau et veut être Napoléon Bonaparte. En 1922, après un bac obtenu facilement, Dalí entre à l'École des Beaux-Arts de San Fernando, à Madrid. Il se lie d'amitié avec Federico García Lorca et Luis Buñuel mais l'enseignement le déçoit et il se fait expulser pour avoir incité les étudiants à manifester contre l'incompétence d'un nouveau professeur.

Salvador Dalí et Man Ray à Paris en 1934, photo par Carl Van Vechten, photographe américain

En 1924, encore inconnu, il illustre son premier livre : le poème en catalan « Les bruixes de Llers » (« Les sorcières de Llers »), du poète Carles Fages de Climent, ancien camarade de Dalí au lycée de Figueres.

En 1926, il fait un premier voyage à Paris et y rencontre Pablo Picasso. Trois ans plus tard, il retourne dans la capitale française, en compagnie de Buñuel, pour le tournage d’Un chien andalou, au scénario duquel il participe. C'est la rencontre décisive avec les surréalistes : Tristan Tzara, Louis Aragon, André Breton, Paul Éluard… et sa femme, Gala. L'apparition de celle-ci est une révélation : il l'a rêvée et peinte avant de la connaître; ils ne se quitteront plus.

L'année 1929 est décisive dans la vie de Dalí puisque c'est celle qui le verra intégrer officiellement le mouvement surréaliste.

En 1930, il veut se suicider a cause d'un chagrin d'amour mais il en est empêché à temps par des amis qui avaient eu vent de son projet. Depuis ce jour, il fut considéré comme un fou déséquilibré.

En 1932, Dalí participe à la première exposition surréaliste aux États-Unis et obtient un succès triomphal. Il accumule les idées et Gala essaie de vendre ses inventions souvent jugées trop folles. C'est le début de la méthode paranoïaque-critique qui veut crétiniser le monde, comme Alfred Jarry voulait le décerveler. Aux récits de rêves et à l'écriture automatique des surréalistes, Dalí ajoute l'objet irrationnel au fonctionnement symbolique. Cependant, à l'issue d'une réunion mémorable, il se fait exclure du mouvement par André Breton qui lui reproche ses actes contre-révolutionnaires (manifestation pro-fasciste et admiration pour Hitler). De 1939 à 1948, il s'exile à New York et ses toiles témoignent de ses découvertes du nouveau continent (Poésie d'Amérique, par exemple).

« 

Pour pénétrer dans la réalité, j'ai l'intuition géniale que je dispose d'une arme extraordinaire : le mysticisme, c'est-à-dire l'intuition profonde de ce qui est, la communication immédiate avec le tout, la vision absolue par la grâce de la vérité, par la grâce divine.

 »

Cette profession de mysticisme, Dalí va l'appliquer jusqu’à la fin de sa vie aux œuvres qu'il lui reste à créer. Le gigantisme atteint ses dernières toiles, grouillantes de personnages dionysiaques, où il réunit toutes les tendances en -isme : pointillisme, surréalisme, tachisme

Dalí s'intéressa aussi à bien d'autres arts, et fut en particulier fasciné par le cinéma, la photographie, la mode ou la publicité. En outre, il était passionné par les sciences, notamment par la théorie de la relativité d'Albert Einstein qu'il a représenté à sa façon dans les célèbres « montres molles » de son tableau Persistance de la mémoire.

Selon le couple Lacroix, en 1980, Salvador Dalí aurait semble-t-il été victime d'une dépression nerveuse et ses proches vont commencer à régenter les visites que le maître reçoit.

En 1982 Dalí est fait marquis de Pubol où il vit dans le château qu'il a offert à sa femme. En mai 1983, il peint son dernier tableau, La queue d'aronde. En 1984, il est très gravement brûlé lors de l'incendie de sa chambre, au château de Pubol. Il meurt le 23 janvier 1989 d'une défaillance cardiaque. Conformément à sa volonté, il se fera embaumer puis exposer dans son « Teatre-Museu », où il repose désormais. Une simple pierre indique le lieu de sa sépulture. Par testament, il lègue une grande partie de ses biens et de son œuvre au gouvernement espagnol.

Son œuvre

Dalí et le monde du cinéma

Gala à la fenêtre, sculpture à Marbella

L'enfance de Dalí s'est déroulée lors de l'âge d'or du cinéma muet. Il rencontre Luis Buñuel à la résidence des étudiants à Madrid — il en fait le sujet d'un de ses premiers tableaux. Cette amitié débouche sur une collaboration qui ouvre la voie au surréalisme. En complicité avec lui, il participe à l'écriture de deux films emblématiques du cinéma surréaliste : Un chien andalou en 1929, un court-métrage de seize minutes dans lequel se succèdent, après une brutale image d'introduction (destinée sans doute à mieux marquer la scission entre monde réel et monde surréaliste), diverses scènes oniriques dotées seulement de la logique du rêve, et L'Âge d'or en 1930, un film d'une heure, jugé à l'époque insolent, le film fut interdit jusqu'en 1981.

Le Septième Art et Hollywood l'ont aussi inspiré :

  • Dans le tableau Shirley Temple, le monstre le plus jeune, le plus sacré du cinéma de son temps (1939), en sirène dévorant ses victimes.
  • Les éléments du visage de Mae West, utilisés pour la décoration d'un appartement cosy où l'on remarque le Mae West Lips Sofa, sofa rouge inspiré des lèvres de l'artiste.
  • Il peint aussi Jack Warner.

Dalí a ainsi participé à la réalisation de plusieurs films :

  • En 1941, il écrit une première scène de rêve pour le film « Moontide » de Fritz Lang. La scène ne sera pas tournée à cause des évènements suite à l'attaque japonaise contre Pearl Harbor, Archie Mayo réalisa le film mais sans la scène imaginée par Dalí.
  • En 1941 encore, il commença à réaliser pour Walt Disney, en collaboration avec John Hench, un dessin animé de six minutes, appelé Destino. Cinq ans après, 15 secondes seulement avaient été réalisées. En fait, le travail fut à l'époque arrêté au bout de quelques mois par les studios sous prétexte que l'imagination de Dalí était trop audacieuse. Cependant Dalí et Disney s'appréciaient beaucoup et Dalí avait surnommé Disney, le « grand Américain surréaliste ». Le projet fut finalement repris et terminé qu'en 2002 et ce dessin animé de sept minutes est un monument de pure fantaisie. En fait tous les ingrédients de ce film sont présents dans son tableau Melancholy, Atomic Uranic Idyll daté de 1945.
  • Il a aussi écrit un scénario pour les Marx Brothers, intitulé « Giraffes on Horseback Salad ». Le film ne sera jamais réalisé, mais il en reste les esquisses.
  • en 1945, pour le film d'Alfred Hitchcock, La Maison du docteur Edwardes, il réalisa le décor de la scène du rêve (spellbound). Dans cette scène, Gregory Peck, psychanalysé par Ingrid Bergman voit un rideau d'yeux grands ouverts — idée reprise du film Un chien andalou — et des ciseaux énormes qui découpent paupière et rétine. On y voit aussi une cagoule de pénitent, une pente neigeuse, une roue molle, des cartes à jouer blanches et des ailes géantes poursuivant de petits personnages. Deux autres séquences ne furent pas retenues : la première, quinze énormes pianos à queue accrochés au plafond de la salle de bal se balançant au-dessus de silhouettes en carton placées en ordre décroissant, la deuxième, l'actrice Ingrid Bergman se transformant en statue. Dalí déclara : « Hitchcock est l'un des rares personnages que j'ai rencontrés récemment à posséder un certain mystère. »

Dalí a produit lui-même quelques films :

  • des courts films expérimentaux surréalistes où il se met en scène :
  • au cours des années 1950, réalisé par Robert Descharnes « L'aventure prodigieuse de la dentellière et du rhinocéros », association d'images et objets par la courbe logarithmique et le nombre d'or.
  • en 1975, réalisé par José Montes Baquer « Impression de la Haute Mongolie (Hommage à Raymond Roussel ».[3] Dans ce film, Salvador Dalí raconte l'histoire d'un peuple disparu dont il a retrouvé la trace au cours d'un voyage en "Haute Mongolie". En fait, l'histoire est complètement inventée. Il a suffi à Dalí de déposer un peu de son urine sur la bague d'un stylo, d'attendre que la corrosion agisse, d'en filmer les effets à distance macro et microscopique, le tout agrémenté d'un commentaire d'« historien ».

Les rapports de Dalí avec le cinéma ont fait l'objet en 2004 d'un film documentaire intitulé Cinéma Dalí. Depuis juin 2007 et jusqu'en septembre 2007, la Tate Modern à Londres propose une rétrospective de son travail en rapport avec le monde du cinéma. Mais plus récemment le cinéaste Marie-Dominique Montel a collaboré avec Christopher Jones, l'expert du cinéma dalinien et cineaste lui aussi pour réaliser un film Le cinema selon Dali. Prévu pour 2010, ce film qui raconte les idées du peintre dans le domaine du cinéma compte avec la participation de Catherine Millet et José Montes Baquer.

Dalí et le monde du théâtre

Dalí a également participé à plusieurs projets liés au théâtre :

Dalí et le monde de la mode

  • Dans le cadre de la pièce Bacchanale, il collabora avec Coco Chanel pour dessiner les costumes et les décors ;
  • Dans les années 1930, il participa à la création de quelques modèles de chapeau dont un célèbre en forme de chaussure, et avec la couturière Elsa Schiaparelli, il créa la robe « homard » ;
  • en 1950, avec Christian Dior, il imagina le fameux Costume de l'année 1945 à tiroirs.
  • En 1972, alors qu'Elvis Presley lui rend visite, Dalí est tellement fasciné par sa chemise « country » à motifs brodés et boutons de nacre que le chanteur la lui offre. Il la porte alors pour peindre « Dalí avec la chemise d'Elvis ». Le maître racontera au couple Lacroix : « Quand Elvis Presley est venu me rencontrer dans mon atelier il a tout de suite remarqué que j'étais fasciné par sa chemise country. Au moment de partir il m'a dit : « Vous aimez ma chemise ? » Oui. Beaucoup. Sans un mot il a défait les boutons et est reparti torse nu. Depuis je ne la quitte jamais pour peindre. »
Rhinocéros de Dalí à Puerto Banús (la sculpture pèse 3,6 tonnes)

Dalí, tout au long de sa vie et de son œuvre, a maintenu une longue et intense relation avec le monde polymorphique de la mode. Dans son désir permanent de matérialiser la capacité créative sans limite qui le singularisait, il explora les registres créatifs les plus hétérogènes du secteur de la mode, en laissant dans chacun d’eux sa marque de fabrique particulière.

Parmi les inventions dalíniennes dans le domaine de ce que nous pourrions appeler « la mode virtuelle » — puisque ses modèles sous forme d’écritures et de dessins, n’ont pas été réalisés — nous pouvons citer :

  • Les robes, avec de fausses intercalaires et bourrées d’anatomies factices, destinées à exciter l’imagination érotique, comme Dalí lui-même le commentait dans Vogue : « Toutes les femmes avec de faux seins dans le dos — insérés exactement à la place des omoplates — jouiront d’un aspect ailé. »
  • Le maquillage au niveau des joues creuses pour éliminer les ombres sous les yeux.
  • Les lunettes kaléidoscopiques particulièrement recommandées en voiture pendant les voyages ennuyeux.
  • Les faux ongles composés de mini miroirs dans lesquels on peut se contempler, spécialement adaptés pour accompagner les costumes du soir.
  • Les chaussures musicales de printemps pour égayer les promenades.

Mais Dalí ne se limita pas à imaginer des croquis de mode « virtuels », il collabora aussi à la réalisation de dessins « réels » comme :

  • Les robes qu’Edward James lui demanda de créer pour son amie l’actrice Ruth Ford et qui furent réalisées par Elsa Schiaparelli, la couturière italienne de Haute Couture installée à Paris, avec qui il collabora tout au long des années 1980 pour les motifs des tissus et pour les dessins de décoration de ses robes et chapeaux, parmi eux, le célèbre « chapeau-chaussure » qui fait déjà partie de l’imaginaire du surréaliste.
  • Les modèles pour les représentations sur scène : de ses premiers croquis avec la réalisation des costumes du modèle Mariana Pineda jusqu’à ses dessins pour de nombreux ballets et œuvres de théâtre, dans lequel participaient parmi les plus connus, les modèles que son amie Coco Chanel avait créés pour « Bacchanale », le premier ballet « paranoïaque-kinétique ».
  • Les maillots de bain féminins qui compriment totalement les seins, pour camoufler le buste et donner ainsi un aspect angélique.
  • Le smoking aphrodisiaque recouvert de verres de liqueur remplis de peppermint frappé.
  • Les cravates que Georges McCurrach lui demanda de dessiner avec les motifs iconographiques emblématiques Dalíniens : les lèvres collées à un téléphone-langouste, des fourmis pullulant sur les montres molles…
  • Le design capillaire de ses moustaches-antennes métamorphiques.
  • Les flacons de parfums Dalíniens, de « Rock and Roll » dessinés par Mrs Mafalda Davis — une « eau de toilette » pour homme qui se vendait plus cher que Dior — jusqu’à son dernier parfum dont le flacon s’inspirait de « L’apparition du visage de l’Aphrodite de Cnide dans un paysage. », en passant par « Shocking », le parfum rose de Schiaparelli dont il réalisa la publicité.

Les fantastiques bijoux que Gala, grande admiratrice du bijoutier mythique Fabergé, l’invita à dessiner à partir de ses propres iconographies.

  • La publicité pour les entreprises de mode américaine--comme la célèbre campagne de publicité pour les bas Bryans que Vogue publia.
  • Les déguisements pour les danses de carême, en commençant par la polémique sur la tenue de Gala dans « la danse onirique » réalisée en son honneur par Caresse Crosby dans le Coq Rouge de New York, jusqu’aux robes vénitiennes démesurément longues pour le « Bal du siècle » au palais de Charles de Beistegui, que Christian Dior réalisa à partir d’un dessin de Dalí.

Mais le dandy qu’était Dalí — il réussit à se faire élire Homme le plus élégant en France[réf. nécessaire] — ne s’est pas limité à concevoir des modèles pour ses femmes aux hanches proéminentes — les femmes coccyx — et imberbes au niveau des aisselles — comme les nordiques du type de Greta Garbo — au contraire, dans le cadre de son roman « Hidden Faces », il conçut une maison de couture pour les voitures aux lignes aérodynamiques : robes du soir très formelles avec d’énormes cols rabattus, toilettes du soir très élégantes aux décolletés profonds faisant ressortir les radiateurs entre des froufrous d’organdi et de larges bandes de satin pour les soirées de Gala! Hermine pour tapisser les capotes convertibles des décapotables, avec les poignées des portières en peau de phoque et manchon de bison pour couvrir le moteur ! La matérialisation de ce design Dalínien doublait automatiquement les podiums de mode et le passage des automobiles accessoirisées augmentait la part du fantastique…

La Toile Daligram

Salvador Dalí crée La Toile Daligram à la fin des années 1960, à partir d'un étui de Louis Vuitton. Il réinterprète les monogrammes de La Maison Vuitton et décline sa propre ligne d'objets monogrammés, les « Daligrammes », pour lui et Gala, mais aussi pour les offrir à ses amis et aux collectionneurs de ses œuvres.

Dalí, tout au long de son existence, a ressenti une passion intarissable pour le graphisme. On retrouve une profusion délirante de ses dessins graphiques dès ses premières esquisses, dans ses cahiers et manuels scolaires, jusqu’au Traité d’Écriture Catastrophéiforme, un manuscrit de vingt-neuf pages calligraphiées, qu’il écrivit de manière impulsive après la mort de Gala. Déjà cloîtré dans son Château de Púbol, il passa par les lettres qu’il inventa pour créer un alphabet Dalínien alors qu’ il se trouvait plongé au milieu du chemin de sa dantesque vie. La trame de ces tracées discontinus est le résultat d’une écriture énigmatique et idéographique, configurée par d’étonnantes stèles de sa propre personne, des anagrammes du corps érogène, des marques sismographiques d’une vie secrète, qui nous introduisent dans un monde d’une somptueuse cosmographie où les lignes de peinture, de dessin et d’écriture sont mutuellement attirées et s’entrelacent en un point invisible, dont de la noirceur de l’encre de chine jaillit une constellation extraordinaire de lettres qui volent à travers l’espace des pages blanches, hors de toute espérance. Dès le premier regard, la sensuelle volupté des lettres, leur délicate violence, nous attire et nous invite à jouir, les yeux fermés, des formes euphorisantes et lubrifiées par la main virtuelle qui se glisse fébrilement comme machinalement poussé par d’évanescentes et fugaces pulsions et qui esquive furtivement la triviale répétition du stéréotype alphabétique. Ces Daligrammes orthographiques de Artsmode Network S.A, dessinés spécifiquement par Dalí pour les articles de maroquinerie, établissent un lien frappant avec les monogrammes et les calligraphies du légendaire malletier Louis Vuitton, dont le design des valises, des secrétaires, des sacs de voyage et de tous types d’accessoires conjuguent l’art du voyage avec l’art de vivre, des arts qui au sein de l’esthétique Dalínienne se transforment en une machine de guerre au service du désir, dans sa lutte contre la suprématie du Principe de Réalité.

Dalí et la science

Dalí était un avide lecteur de littérature scientifique qui recherchait la compagnie des hommes de science, parmi lesquels des prix Nobel, avec lesquels il pouvait discuter aussi bien de mécanique quantique que de mathématiques ou de génétique. Sa fascination pour la science se retrouve dans son art. Cet aspect méconnu de sa personnalité a fait l'objet en 2004 d'un film documentaire intitulé The Dali Dimension: A Genius’ Lifelong Obsession with Science et il a été abordé lors du colloque international « Salvador Dalí à la croisée des savoirs » qui a eu lieu en Suisse en 2005.

À rendu de l'amitié avec l'historien et scientifique Alexandre Deulofeu, aussi ampourdanais comme lui-même.

Désintégration de la persistance de la mémoire

Dalí, dans le préambule de son Manifeste de l’Antimatière (1958) explique que : « Durant la période surréaliste, j’ai voulu créer l’iconographie du monde intérieur, le monde merveilleux de mon père Freud et j’y suis arrivé. À partir des années 1950, le monde extérieur — celui de la physique — a transcendé celui de la psychologie. Mon père, aujourd’hui, est le Docteur Heisenberg », se référant au chercheur allemand, spécialisé dans le domaine de la mécanique quantique, qui reçu le Prix Nobel en 1932. « Désintégration de la persistance de la mémoire », née entre 1952 et 1954 et qui reprend « La persistance de la Mémoire » (1931), constitue une œuvre emblématique de cette soi-disante reconversion des coordonnées de la cosmogonie psychanalytique en coordonnées de la quatrième dimension, modulées par la relativité de l’interaction spatio-temporelle au sein de l’équation espace-temps : une nouvelle cosmogonie engendrée par la Révolution scientifique du milieu du siècle dernier.

De l’exploration freudienne de la persistance de la mémoire inconsciente du sujet humain, nous passons à la vertigineuse démolition des structures de la matière réalisée à l’aide de la physique nucléaire, où dans cet espace corpusculaire, les montres molles de l’imagination onirique pénètrent à l’intérieur des particules microscopiques. La méthode paranoïaque-critique, télédirigée par le nucléaire mystique, nous donne accès à la nouvelle cosmogonie Dalínienne, où nous pouvons admirer la persistance de la mémoire en voie de désintégration et la matière en processus permanent de dématérialisation.

Dalí et le monde de la photographie

Le Dali Atomicus, photo de Philippe Halsman (1948), montré avant que les fils de suspension soient enlevés.

Dalí montra aussi un réel intérêt pour la photographie à laquelle il donna une place importante dans son œuvre. Il harmonise les décors et les photographes comme un peintre travaille sa toile avec ses pinceaux. Dalí photographe est la révélation d'une partie majeure et méconnue de la création dalinienne. Il travailla avec des photographes comme Man Ray, Brassaï, Cecil Beaton, Philippe Halsman. Avec ce dernier il créa la fameuse série Dalí Atomicus. C'est sans aucun doute Robert Descharnes, son ami collaborateur-photographe pendant 40 années, qui a fait le plus de clichés de Dalí, l'homme et son œuvre.

Dalí à Paris en 1934, par Carl Van Vechten

Avec le photographe de mode Marc Lacroix, Dalí posa, en 1970, pour une série de portraits où il s'est mis en scène, dans des photos délirantes : « Dalí à la couronne d'araignée de mer », « Dalí à la chemise d'Elvis Presley », « Dalí à l'oreille fleurie », « Avida Dollars », avec le portrait de Dalí, au-dessus d'une enseigne de la Banque de France, entouré de billets à son effigie, « Dalí en extase au-dessus d'un nid d'oursins dans la piscine phallique », etc. Toujours avec Marc Lacroix, il va tenter une expérience à laquelle il songe depuis toujours : la peinture en trois dimensions, qui se concrétisera dans le tableau « Huit Pupilles », fait à l'aide d'un appareil-prototype à prise de vue stéréoscopique : des images doubles presque similaires qui observées simultanément deviennent, par la magie des lois de l'optique, une seule et même image avec une profondeur.

L'une des images les plus marquantes est celle du peintre coiffé d'un chapeau haut de forme sur les côtés duquel il a disposé des masques de Joconde. Selon Thérèse Lacroix il l'a créé pour sa participation à un bal donné par la baronne Rothschild. Seule une moitié du visage de Dalí apparaît au milieu des sourires énigmatiques figés

Dalí Sculpteur

Le souhait de Dalí était de traduire en volume et matière solide les fétiches et obsessions issus de son inconscient. C’est ainsi qu’il restitua sous forme de sculptures les grands thèmes de son œuvre picturale.

Dans la « Vie secrète », l’un de ses récits autobiographiques, Salvador Dalí raconte qu’enfant, il fit un modelage de la Venus de Milo car elle figurait sur sa boîte de crayon : ce fut son premier essai de sculpture.

Dès les années 1930, Dalí s’essaye à la troisième dimension. En tant qu’artiste surréaliste tentant de traduire l’inconscient, les rêves, les sentiments et dans la lignée de Marcel Duchamp avec ses ready-made (Fontaine 1917), il s’intéresse à l’art de « l’objet » utilisant des matériaux et des matières inattendues.

Il crée des objets à fonctionnement symbolique comme Le Buste de Femme Rétrospectif en assemblant une marotte de modiste en porcelaine peinte avec différents autres objets de récupération (1933). L’objet surréaliste n’est pas pratique, il ne sert à rien à part attendrir les hommes, les épuiser, les abêtir. L’objet surréaliste est fait uniquement pour l’honneur, il n’a pas d’autre but que l’honneur de la pensée.

Progressivement, Dalí revient à une technique traditionnelle. Il commence par une pâte molle de cire à laquelle il impose la forme qu’il veut en concrétisant l’irrationalité de son imagination. Puis, il donne la dureté nécessaire à sa création en la coulant en bronze pour qu’elle puisse prendre place dans le monde extérieur. Ces sculptures sont réalisées selon la technique dite à la cire perdue*. Elles représentent un aspect significatif de la création artistique de Dalí et fournissent une synthèse de son intérêt pour la forme. Ces sculptures en bronze sont effectivement du surréalisme dans la troisième dimension.

Conçues par Dalí et réalisées à partir de ses plus célèbres tableaux, les sculptures en bronze, telles que la Persistance de la Mémoire, le Profil du Temps, la Noblesse du Temps, Vénus à la girafe, Le Toréador hallucinogène, La Vénus spatiale, Alice au pays des Merveilles, l’Eléphant spatial témoignent avec une vigueur extrême de la force d’expression de ses images iconographiques surréelles.

  • Technique de la fonte à la cire perdue :

Cette technique permet de fabriquer des objets en métal à partir d’un modèle en cire. La cire est recouverte d’une mixture réfractaire pour former un moule. Le moule est soumis à une source de chaleur pour faire fondre la cire. Cette opération s’appelle le décirage. Lorsque le moule est vide, il est rempli de métal liquide. Plus tard, le moule bivalve est ouvert pour mettre à jour l’objet brut de fonderie. Des opérations de finition sont alors exécutées pour apporter le bel aspect à l’objet : ébarbage, réparure, ciselure et patine.

  • l'Espace Dalí présente la collection comprenant plus d’une quinzaine de sculptures originales conférant à cette exposition son statut de plus importante collection en France.

Dalí et l'architecture

Perseo, sculpture à Marbella

En 1939, pour l'exposition universelle, il créa le pavillon Dream of Venus. Il s'agissait d'une attraction foraine surréaliste, avec entre autres, une Vénus terrassée par la fièvre de l'amour sur un lit de satin rouge, des sirènes et des girafes. De cette maison, il n'en reste plus que le souvenir, une quarantaine de photos d'Éric Schaal, un film de huit minutes, et le somptueux quadriptyque aux montres molles, conservé au Japon.

Le peintre a fait du surréalisme un art de vivre. À Port Lligat, il a décoré sa maison à sa manière, « en prince du kitsch, de l'ironie et de la dérision ». Sa bibliothèque est volontairement inaccessible, avec des rangées de livres installées au plus haut du mur, afin que nul ne puisse les atteindre. Dans l'axe de la piscine phallique, un temple avec une grande table d'autel, où il s'abrite du soleil et reçoit ses amis. Le fond de sa piscine, à la forme phallique, est tapissé d'oursins; il s'agit d'une commande du maître au sculpteur César qui a réalisé une coulée de polyester pour « marcher sur les oursins comme le Christ a marché sur les eaux ». Le patio a la forme d'une silhouette de femme tirée de L'Angélique de Millet. Le canapé est fait selon un moulage des lèvres de Mae West. Le mur du fond, appelé « mur Pirelli » est décoré avec de grandes publicités de pneus.

Dalí et la littérature

Dalí a écrit, pendant la guerre, un unique roman Visages Cachés. Il y met en scène l'aristocratie française durant cette même guerre, et notamment la passion amoureuse de deux personnages, le duc de Grandsailles et Solange de Cléda. Cette dernière est l'illustration de ce qu'il a lui-même nommé le « clédalisme » ayant pour but de clore « la trilogie passionelle inaugurée par le Marquis de Sade » dont les deux premiers éléments sont sadisme et masochisme. Dalí est également l'auteur de textes qui exposent ses idées, sa conception de la peinture et donnent des éléments biographiques très intéressants pour comprendre la genèse de certains de ses tableaux. Ces textes qui ont été longtemps difficiles à trouver sont actuellement réédités sous les titres suivants :

  • La vie secrète de Salvador Dalí qui donne les éléments biographiques les plus intéressants notamment sur son enfance, ses relations problématiques avec son père et la conviction acquise dès l'enfance qu'il était un génie.
  • Journal d'un génie qui couvre les années 1952 à 1963.
  • Oui qui expose ses conceptions théoriques dans deux grands textes : La révolution paranoïaque-critique qui est sans doute l'un de ses textes le plus important et L'archangélisme scientifique

Salvador Dalí a aussi illustré Fantastic memories (1945), La Maison sans fenêtre, Le labyrinthe (1949) et La Limite (1951) de Maurice Sandoz, dont il fit connaissance à New York au début des années 1940.

Dalí et la sexualité

Dans son livre. Dalí et moi, Catherine Millet révèle que le fil conducteur de l'œuvre de Dalí est le sexe : onanisme, scatologie, impuissance, abstinence, voyeurisme, seraient les secrets intimes du peintre.

Dalí se vantait d'être impuissant, d'où sa propension à peindre des objets mous[réf. nécessaire]. Il n'aurait connu qu'une seule femme, Gala, l'unique qui le guérit de sa phobie des femmes qu'il a longtemps comparées à des mantes religieuses. Dalí n'a révélé que quelques années avant sa mort avoir eu des relations avec des hommes, le premier ayant été Federico Garcia Lorca.

Il invitait souvent à ses soirées Amanda Lear dont il se plaisait, par espièglerie ou malice, à faire croire à ses interlocuteurs qu'elle était un homme. Alors inconnue, Amanda Lear comprit tout le parti qu'elle pourrait tirer, dans les médias, de cette sulfureuse réputation et s'autoproclama « égérie de Salvador Dalí ».

Il adorait particulièrement les femmes peintes par Johannes Vermeer. Dans le musée qu'il a conçu à Figueres, Dalí rend hommage à l'actrice Mae West, sex-symbole de l'entre-deux-guerres.

Au final, Catherine Millet, s'interroge sur la puissance créatrice et l'image de soi, et révèle que les fantasmes de Dalí sont essentiellement existentiels ; c'est pour cela qu'il aurait fait de sa propre vie une œuvre d'art, afin de se libérer de tout narcissisme dans le but d'exister dans le regard des autres.

Œuvres

Salvador Dalí a peint 1 648 tableaux, huiles sur toile sauf indication contraire.

Salvador Dalí

Liste non exhaustive de ses œuvres :

  • 1918 :
  • Cadaqués
  • Portrait de Lucia
  • 1919 :
  • Autoportrait dans l'atelier
  • Bateau (voilier de commerce au mouillage dans la baie de Cadaqués)
  • El Poal - Pianque
  • Port de Cadaqués
  • La Tartane El Son
  • Vue de Port Doqué, Cadaqués
  • 1920 :
  • Portrait d'Hortensia paysanne de Cadaqués
  • Lac de Vilabertatran
  • Tieta, portrait de ma tante
  • Cadaqués de dos
  • 1921 :
  • Autoportrait
  • Couple devant la forteresse
  • Fête de l'hermitage de San Sebastian
  • Fête de la Santa Creus à Figueras le cirque
  • Goûter à la campagne
  • Portrait au cou de Raphaël
  • Portrait de la grand mère Ana cousant
  • Portrait de mon père
  • Saltimbanques
  • 1922 : Scène de cabaret
  • 1923 : Autoportrait de Dalí à Cadaqués
  • 1926 : Figures couchées sur le sable, huile sur bois, 20,7 × 27,3 cm, Fondation Gala-Salvador Dalí, Figueras[4]
  • 1927 : L'Accommodement du désir
  • 1928 : Le Nu mou, huile et sable sur panneau, 41 × 33 cm[5]
  • 1929
  • L'Énigme du désir : ma mère, ma mère, ma mère
  • Le Jeu lugubre
  • Portrait de Paul Éluard
  • 1930
  • Fonctionnement symbolique d'un objet scatologique
  • Guillaume Tell », huile et collage sur toile, 113 x 87 cm, Musée national d'art moderne, Paris[6]
  • Lion, cheval, dormeuses invisibles, publié dans le premier numéro du "Surréalisme Au Service De La Révolution", juillet, Musée national d'art moderne, Centre Pompidou, Paris[7]
  • 1931
  • The Dream (Le Rêve), huile sur toile, 96 x 96 cm.
  • Feu d'artifice », huile sur étain bosselé, 40 x 65,5 cm, collection particulière[8]
  • Hallucination partielle six images de Lénine sur un piano
  • La Persistance de la mémoire.
  • 1932 :
  • Méditation sur la harpe
  • Naissances des plaisirs liquides
  • 1933 : Le Phénomène de l'extase, photo-collage, première parution dans la revue "Minotaure" n°3-4, Gala-Salvador Dalí foundation[9]
  • 1934 :
  • Le Sevrage du meuble-aliment
  • Vestiges ataviques après la pluie
  • 1935 : Réminiscence archéologique de l'Angelus de Millet
  • 1936 :
  • Cannibalisme en automne
  • Construction molle avec des haricots bouillis : Prémonition de la guerre civile
  • Les Girafes allégées
  • Le Téléphone homard, objet
  • 1937 :
  • Cygnes réfléchissant des éléphants
  • La Métamorphose de Narcisse
  • 1938 :
  • Apparition d'un visage
  • L'Énigme sans fin, 114,3 x 146,5 cm, Museo nacional centro de arte Reina Sofia, Madrid[10]
  • 1939 :
  • Le Rêve de Vénus
  • Shirley Temple, le monstre le plus jeune, le plus sacré de son temps, technique mixte sur panneau, 75 x 100 cm[11]
  • 1940 :
  • La Famille des centaures marsupiaux[12]
  • Marché d'esclaves avec le buste de Voltaire disparaissant
  • Vieillesse, adolescence, enfance
  • 1941 : Le Miel est plus doux que le sang
  • 1943 : Enfant géopolitique observant la naissance de l'homme nouveau
  • 1944 : Rêve causé par le vol d'une abeille autour d'une pomme-grenade une seconde avant l'éveil
  • 1945 : Portrait d'Isabel Styler-Tas (Mélancolie) », huile sur toile, 65,5 x 86 cm, Fondation Gala-Salvador Dalí[13]
  • 1946 : La Tentation de Saint Antoine
  • 1948 :
  • Les Éléphants
  • Léda Atomica
  • 1949 :
  • La Madone de Port Lligat
  • La Maison surréaliste
  • 1951 : Le Christ de Saint Jean de la Croix
  • 1952 : Galatée aux sphères
  • 1954 :
  • Le Colosse de Rhodes
  • Crucifixion
  • Dalí nu en contemplation devant cinq corps réguliers métamorphosés en corpuscules, dans lesquels apparaît soudainement la Léda chromosomatisée par le visage de Gala
  • Jeune vierge autosodomisée par sa propre chasteté
  • Autoportrait en Mona Lisa
  • 1956 : Nature morte vivante
  • 1957 : Rhapsodie moderne (Les Septs arts) », 84 x 114 cm[14]
  • 1958 : La Rose méditative
  • 1959 :
  • Apparition du visage d'Aphrodite
  • Paysage aux papillons
  • 1965 : La Gare de Perpignan
  • 1967 : La Pêche aux thons, 304 × 404 cm, Fondation Paul Ricard[15]
  • 1969 : Le Toréador halluciné
  • 1972 :
  • Anamorphose - Nu féminin, lithographie, 75 x 56 cm[16]
  • La Toile Dalígram
  • 1973 : Vénus à la girafe, bronze à la cire perdu, ht. 56 cm[17]
  • 1976 :
  • Lincoln in Dalívision
  • Christ dentrite, long de 12 mètres composé avec des débris laissés sur la plage après une terrible tempête.
  • 1983 : Enlèvement d'Europe représentation topologique : Dalí évoque les « apparitions » du mathématicien René Thom, connu pour sa théorie des catastrophes. Il se dit convaincu qu'une catastrophe majeure est sur le point de se produire, avec pour épicentre la région de Perpignan (Pyrénées-Orientales). Sur un fond minéral traversé par une fissure ressemblant au tracé de l'autoroute qui relie Salses (Porte des Pays Catalans) et Narbonne, il est noté une formule mathématique empruntée à René Thom ainsi qu'une croix qui correspond à la ville d'Opoul-Périllos dont le code postal commence par 666[18].

La symbolique de Dalí

Clés

La clé est un objet d’utilité symbolique qui apparaît souvent dans les différentes mythologies. Dans la mythologie Dalínienne, il y a un grand jeu autour des clés qui nous invite à accéder aux chambres secrètes de son univers singulier et à explorer les trésors qui s’y cachent. Les siestes de Dalí avec la clé sont légendaires et rappellent celles que faisaient les moines de Toledo. Il mettait une assiette sur le sol, s’asseyait sur une chaise, de la manière la plus inquisitoriale qui soit, avec une clé à la main. Pendant qu’il dormait, la clé tombait dans l’assiette et, automatiquement, il se réveillait alors qu’il avait toujours dans les yeux les visions énigmatiques des songes de son sommeil réparateur. Comme cette clé des siestes tolédiennes, les clés de l’iconographie Dalínienne nous permettent d’ouvrir les portes du labyrinthe au centre duquel on trouve les clés secrètes qui donnent accès à son Royaume Imaginaire où, d’ici à l’éternité, il nous invite à déchiffrer une énigme délirante et sans fin.

Fourmis

Dalí était un grand passionné des mouches qu’il considérait comme l’insecte paranoïaque-critique par excellence, cependant il exprimait une aversion viscérale pour les fourmis. Lorsqu’il était petit, il vit une fourmi dévorer un lézard en état de décomposition. Plus tard, déjà adolescent, dans ses rites de sublimation de l’angoisse et de l’exorcisme de la mort, il avait l’habitude de se risquer à regarder une caisse pleine de fourmis illuminées par des gouttes phosphorescentes afin de conjurer le funeste Destin. Ainsi, ses insectes, emblème de Cérès, restèrent associés à l’image de la mort et c’est pour cela que l’apparition des fourmis tout au long de son œuvre transmit une connotation lugubre. Dalí, toujours ambivalent, a incorporé à son univers boulimique le beau qui l’exaltait mais aussi le sinistre qui l’horrifiait et il Dalínisa aussi bien ses craintes que ses phobies, sentiments qui étaient, pour lui, inextricablement liés. Pour lui, la répugnance est une sentinelle qui reste très proche de nos plus profonds désirs. Pour preuve, une procession de minuscules et frénétiques fourmis parcourt toute son œuvre, pullulant à travers ce saisissant, extravagant et singulier camembert paranoïaque-critique qu’est l’espace temps Dalínien.

Oursin de mer

Pour Dalí, l’oursin de mer (avec son hémisphère, protégé par un squelette de calcaire, formé par des plaques polygonales et couvert d’épines articulées, avec la bouche au milieu de la face inférieure et l’arrière train dans la partie supérieure) c’est un microcosme parfait modelé à l’image du décaèdre. Pour lui, quant à travers l’eau agitée de la mer, il admirait le rythme anesthésiant et silencieux des oursins ; dans le paroxysme de sa vision, il les imaginait comme la représentation même de l’Univers. Dans sa vie quotidienne, Dalí vivait entouré de squelettes d’oursin, tous avec leur jolie et délicate armure à fleur de « chair de poule », situés sur les étagères des murs blancs de son labyrinthe résidentiel de Port Lligat où il se réfugiait avec Gala loin des mondanités. Lors de ses banquets, les oursins ne manquaient pas non plus. Dans un premier temps, il les considérait comme l’adrénaline la plus appropriée pour déclencher systématiquement un délire ; par ailleurs, dans différentes cultures, ils symbolisent la force vitale et le principe fondamental.

Piano

Quand Dalí était petit, sa famille et celle des Pichot, amis de la famille faisait des concerts nocturnes en pleine mer et débarquaient sur des îlots avec le piano pour se faire de petites fêtes. Le piano à queue étant un instrument de musique réservé aux bourgeois, aussi dans son désir d’imiter les cercles d’aristocrates distingués, il le disposa dans ses manoirs à la vue de tous comme un symbole emblématique de son appartenance à une conception bourgeoise et spécifique d'une certaine « haute culture ».[réf. nécessaire]

Éléphant

L’éléphant est l’animal terrestre le plus grand qui existe de nos jours. Dans la tradition hindoue, les éléphants, étant donné leurs éléphantesques extrémités inférieures, sont les cariatides de l’univers. Cet animal mythique, symbole de la force démesurée et de la monture des rois, possède paradoxalement, dans l’univers de Dalí, des pattes extrêmement longues et voyage au trot, avec une ondulation constante et convulsive, transportant un obélisque sur le dos avec les emblèmes papaux, comme les éléphants de Bernini ; tandis qu’ils se caressent à l’aide de leur trompes tels les éléphants de Montaigne. Dans le domaine de la zoologie fantastique Dalínienne, ces éléphants, graves et minces à la fois, aux pattes filiformes, sont le résultat d’une zoosynthèse surréaliste dont l’anatomie chimérique se combine en différentes espèces d’animaux : des pachydermes jusqu’aux arachnides, en passant par les oiseaux mouches. En somme, un animal fabuleux particulièrement approprié pour que l’on puisse monter sur son dos et s’aventurer à parcourir à grandes échasses, les paysages surréalistes de la géographie Dalínienne.

Carolineta

Carolineta était le tendre diminutif familier d’une tante-cousine éloignée de Dalí qui mourut d’une méningite à l’âge de 24 ans. Dalí, de 10 ans son cadet, continua de se souvenir de cette douce femme vêtue de blanc qui sautait toujours à la corde, qu’il vit apparaître, lorsqu’il était petit, un jour ensoleillé sur la plage enchantée de Roses. Et ce souvenir infantile gravé dans sa mémoire, il le recréa, de manière obsessionnelle, à travers une série d’images de prédictions spirituelles dans lesquelles le pressentiment de cette apparition fantasmatique se propage comme un écho morphologique pour qui la gracieuse silhouette de Carolineta, se dédouble constamment, se métamorphose et se fond en une cloche, dont le tintement inaudible annonce le réveil de Carolineta de son funeste sommeil et le moment précis de son retour éternel.

Divers

Avida Dollars

Les artistes et les intellectuels avant-gardistes du vingtième siècle, y compris les plus marxistes, ont souvent dissimulé leurs liens étroits avec le marché capitaliste de l’art et de la littérature. En revanche, Dalí, qui adorait aller à contre-courant, a toujours fait étalage de sa passion pour l’argent. Et ainsi, lorsque André Breton, le père du surréalisme, voulut le dénigrer en le caractérisant de « avida dollars », sobriquet résultant de la transposition anagrammatique des lettres « Salvador Dalí », celui-ci prit à son compte ce surnom, dans le but de provoquer, et le convertit en l’un de ses symboles les plus significatifs, de telle façon qu’il fait désormais partie de sa « légende dorée ».

En réplique à André Breton, Dalí déclara que sa prudence lui conseillait dans son adolescence de devenir autant que possible « légèrement multimillionnaire ». Plus tard, revenant sur cette affaire, il dit « Ce fut André Breton, pour piquer à vif mon attirance pour l'or, qui inventa cette anagramme… Il croyait ainsi mettre au pilori mon admirable nom, mais il n'a rien fait d'autre que composer un talisman… L'Amérique m'a accueilli comme l'enfant prodige et m'a couvert de dollars… L'or m'illumine et les banquiers sont les suprêmes prêtres de la religion Dalínienne. »

Dalí voulait gagner de l’argent pour pouvoir travailler son art. Pour cela, il décida de s’entourer d’une cohorte de princes et de multimillionnaires qui, en se disputant ses œuvres, firent monter sa cote de façon inimaginable, et depuis lors, il n’a pas cessé de pleuvoir sur Dalí une sorte de pluie divine de Danaé sous forme de diarrhée de dollars inépuisable qui lui permit de faire ce dont il avait envie. De cette façon, avec cette apothéose dalínienne du dollar, il voulut imiter le vieux désir alchimiste de transformer une vile matière en or. Cependant, même si André Breton avait raison, Dalí avait senti avant tous l'avènement de la culture de masse, et avait su, en virtuose, être un des premiers à en profiter.

Anecdotes

Salvador Dalí avec son ocelot.

Il fut demandé à Dalí de réaliser une œuvre sur une vitrine d'un magasin new-yorkais afin de lancer une nouvelle marque de parfum appelée « Fracas ». Le jour du lancement, Dalí n'avait toujours pas réalisé l’œuvre demandée. À son arrivée, il lança un pavé dans la vitrine du magasin.

Un jour, à Paris, alors qu’il habitait l’Hôtel Meurice, rue de Rivoli, il convoqua la presse. Dans sa suite se trouvaient préparés des sacs en papier contenant des peintures liquides. Dalí, solennellement, ouvrit la porte-fenêtre, s’avança sur le balcon et jeta les sacs de peinture sur les voitures en stationnement : la peinture « Explosion » venait de naître.

En 1955, Dalí accepte de donner une conférence à la Sorbonne. Il crée l'événement en arrivant en Rolls-Royce jaune et noire, remplie de choux-fleurs qu'il distribue en guise d'autographes !

Sur la fin de sa vie, il distribuait à ses visiteurs des feuilles blanches signées de son nom, en leur disant : « Tenez, faites donc du Dalí et enrichissez-vous ! »

(Anecdotes tirées en partie du livre « Mon ami Dalí » de Pierre Cardin)

Dixit

En préface au Journal d'un génie, Michel Déon résume l'originalité du peintre :

« (…) ce qui est le plus aimable, en Dalí, ce sont ses racines et ses antennes. Racines plongées profondément sous terre où elles vont à la recherche de tout ce que l'homme a pu produire de succulent (selon un de ses trois mots favoris) en quarante siècles de peinture, d'architecture et de sculpture. Antennes dirigées vers l'avenir qu'elles hument, prévoient et comprennent avec une foudroyante rapidité. Il ne sera jamais assez dit que Dalí est un esprit d'une curiosité insatiable. »

Jean Dutourd, de l'Académie française a écrit :

« Salvador Dalí, qui était très intelligent, avait compris plusieurs choses qui, généralement échappent aux artistes, la première étant que le talent (ou le génie) est une baraque foraine. Pour attirer les clients, il faut bonimenter, avoir la langue bien pendue, faire des pitreries et des cabrioles sur une estrade. C'est en quoi Dalí, dès ses débuts, excella. Il considérait qu'il était le plus grand peintre du XXe siècle, c’est-à-dire un artiste classique ayant eu la malchance de tomber dans une basse époque de son art. Les Trissotin de l'intelligentsia occidentale et les bourgeois à leur suite faisaient la loi, c'est-à-dire l'opinion.
Il y a deux façons de se concilier ces gens-là, dont dépendent les réputations ; la première est d'être aussi grave qu'eux, aussi imbu de sa dignité. Ils reconnaissent aussitôt un membre de la tribu et savent le lui montrer. L'inconvénient est que pour réussir une telle attitude il faut être soi-même un peu un imbécile, (…) Il ne lui restait que l'autre issue qui est la provocation, c'est-à-dire les extravagances et l'imprévu en pensée autant qu'en paroles, la sincérité brutale, le goût de la facétie, l'iconoclastie à l'égard de tout ce qui est à la mode et de ce fait est intouchable. »

L'historien de l'art Michael Peppiatt écrit à son propos :

« Dalí est passé de la brillance subversive de sa jeunesse à une vacuité grandissante et à un exhibitionnisme rémunérateur. »

Andrew Strauss, expert spécialiste du surréalisme chez Sotheby's, fait remarquer :

« Dalí a travaillé à la construction de sa popularité à l'échelle mondiale. Il a précédé Andy Warhol dans cette stratégie du culte de l'artiste star. »

Thérèse Lacroix, l'épouse et collaboratrice de Marc Lacroix qui durant dix ans rendra visite à de nombreuses reprises à Dalí et à Gala, observa :

« Il était impressionnant par son regard et son port de tête. Il était altier mais amusant, ne se prenait pas au sérieux. »

Peu avant sa mort, il déclara « penser à la mort, surtout quand je mange des sardines en boîtes. »

La gare de Perpignan, « centre cosmique du monde » selon Dalí en parlant de sa façade

Œuvres littéraires

  • Mon amie et la plage, 1927[19]
  • L'Âne pourri, publié le premier numéro du "Surréalisme Au Service De La Révolution", juillet 1930[20]
  • Oui. La révolution paranoïaque critique, l'archangélisme scientifique, éditions Denoël, 2004, (ISBN 2-207-25621-9)
  • Visages cachés, éditions Stock, 29 octobre 1973, N° d'édition|2720, N° d'impression|3575-54-35-1615-01
  • La Vie secrète de Salvador Dalí. Suis-je un génie ?, édition critique établie par Frédérique Joseph Lowery à partir des manuscrits de Gala et de Salvador Dalí, éd. L'Âge d'homme, octobre 2006. Préface de Jack Spector. (ISBN 2-8251-3643-3)[21]
  • La Vie secrète de Salvador Dalí, écrit à l'âge de vingt-neuf ans, Gallimard, 2002 (ISBN 2-07-076374-9)
  • Les Cocus de viel art moderne, Grasset, collection « Les Cahiers Rouges »
  • Pensées et anecdotes, Le Cherche-Midi Éditeur, 2004, (ISBN 2-86274-372-0)
  • La Moustache radar, Pocket
  • Muchacha en la ventana

Marché de l'Art

Les peintures de Salvador Dalí sont des œuvres très recherchées par les collectionneurs d'art.

  • L'huile sur bois Ma femme nue regardant son propre corps devenir marches, trois vertèbres d'une colonne de 1945 a été vendue chez Sotheby's à Londres le 4 décembre 2000 pour 2 600 000 £ soient 4 274 140 euros. [22]
  • L'huile sur toile Echo nostalgique de dimensions 96,5 cm x 96,5 cm a été vendue chez Sotheby's à Londres le 2 novembre 2005 pour 2 368 000 $ soient 2 028 665 euros. [23]

Bibliographie

  • Amanda Lear, Mon Dalí, éd. Michel Lafon, 2004
  • Jean-Christophe Argillet, Le Siècle de Dalí, éd. Timée, 2004
  • Robert Descharnes et Nicolas Descharnes, Salvador Dalí,
  • Michel Nuridsany, Dalí, éd. Flammarion, 2004
  • Robert Descharnes et Gilles Néret, Salvador Dalí 1904-1989, Taschen,
    • 1998, (ISBN 3-8228-7335-7)
    • 2004, (ISBN 3-8228-3180-8)
    • 2006, (ISBN 3-8228-5007-1)
  • Robert Descharnes et Gilles Néret, Dalí : l'œuvre peint Coffret 2 volumes. Tome 1 : 1904-1946. Tome 2 : 1946-1989., Taschen,
    • 2001, (ISBN 3-8228-1208-0)
    • 2004, (ISBN 3-8228-3554-4)
  • Robert Descharnes et Nicolas Descharnes, Dalí. Le dur et le mou, Sortilège et magie des formes Sculptures et Objets, Eccart, 2003, (ISBN 2-9521023-0-9)
  • Robert Descharnes, Éditions Ramsay, Dalí. L'héritage infernal, 2002, (ISBN 2-84114-627-8)
  • Gilles Néret, Dalí, Taschen, 2000, (ISBN 3-8228-5947-8)
  • Jean-Gabriel Jonin, Jours intimes chez Dalí, Rafael de Surtis-Editinter, 2006.
  • Lire Dalí, La revue des Sciences humaines, collection d'essais réunis par Frédérique Joseph-Lowery, no 262,
  • Catherine Millet, Dalí et moi. livre sur la vie sexuelle de Dalí.
  • Astrid Ruffa, Philippe Kaenel, Danielle Chaperon (éd.), Salvador Dalí à la croisée des savoirs, Paris, Éd. Desjonquères, 2007.
  • Jean-Pierre Thiollet, Carré d'Art (Salvador Dalí), Paris, Anagramme Éd., 2008
  • Dalí, l'univers fantasmagorique - Musée Dalí, Espace Montmartre

Divers

Films

  • Jean-Christophe Averty & Robert Descharnes « L'Autoportrait mou de Salvador Dalí », 1967[24]
  • Réclame publicitaire pour le chocolat Lanvin, 1968 : un seul plan dans lequel Dalí, debout et face à la caméra dit « Yé souis FOU! ... dou chocolat Lanvin! »
  • 2009 : Little Ashes, de Paul Morrison, avec Robert Pattinson dans le rôle de Salvador Dalí.

Articles connexes

Voir aussi

Sources

  1. « Salvador, Felip, Jacint, fils légitime de Don Salvador Dalí i Cusí, natif de Cadaqués, province de Gérone, âgé de 41 ans et de Dona Felipa Domenech, native de Barcelone… » extrait de l'acte de naissance de Salvador Dalí cité par Robert Descharnes et Gilles Néret dans Dalí, l'œuvre peint, éditions Taschen, Cologne, 2001, p. 14.
  2. Photo
  3. "Art Press 2" n°13, mai 2009, p. 54
  4. Reproduction dans « Connaissance des arts » no 666, décembre 2008, p. 54
  5. Reproduction dans « Beaux-Arts magazine » no 69, juin 1989, p. 43
  6. Reproduction dans André Breton « Le Surréalisme et la peinture », Gallimard, 1965, p. 75
  7. Cité dans "Art Press 2" n°13, mai 2009, p. 54
  8. Reproduction dans "Beaux-Arts magazine" n° 90, mai 1991, p. 60
  9. Reproduction dans "Connaissance des arts" n°670, avril 2009, p. 34
  10. Reproduction dans "Art Press 2" n°13, mai 2009, p. 12
  11. Reproduction dans "Art actuel" n°51, juillet-août 2007, p. 81
  12. Reproduction dans Gabriele Crepaldi « L'Art moderne 1900-1945 », Gründ, 2006, p. 214
  13. Reproduction dans "Connaissance des arts" n°670, avril 2009, p. 111
  14. Reproduction dans "Art actuel" n°51, juillet-août 2007, p. 80
  15. Reproduction dans « Beaux-Arts magazine » no 66, mars 1986, p. 24
  16. Reproduction dans "Beaux-Arts magazine" n°299, mai 2009, p. 88
  17. Reproduction dans "Beaux-Arts magazine" n°76, février 1990, p. 9
  18. Reproduction dans « Les Inrockuptibles » no 590, 20 mars 2007, p. 128
  19. Cité dans "Art Press 2" n°13, mai 2009, p. 54
  20. Cité dans "Art Press 2" n°13, mai 2009, p. 54
  21. suginternational.org
  22. Résultats de ventes aux enchères
  23. Résultats de ventes aux enchères
  24. Cité dans "Art Press 2" n°13, mai 2009, p. 54

Liens externes

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Expositions

Notes

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