- Blitzkrieg
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La Blitzkrieg (signifiant en allemand « guerre éclair ») est une doctrine offensive visant à emporter une victoire décisive par l'engagement localisé et limité dans le temps de l'ensemble des forces mécanisées, terrestres et aériennes dans l'optique de frapper en profondeur la capacité militaire, économique ou politique de l'ennemi.
Sommaire
Définitions historiques
Ce terme apparaît pour la première fois en 1935 dans un article de "Deutsche Wehr". D'après cette revue militaire, les états pauvres en ressources alimentaires et en matières premières doivent " en finir au plus vite avec une guerre en tentant dès le départ d'emporter la décision par un engagement implacable de toute leur puissance offensive". En outre, le terme est repris dans un article du Time Magazine le 25 septembre 1939 qui relate l'invasion de la Pologne par l'Allemagne: "This is no war of occupation, but a war of quick penetration and obliteration - Blitzkrieg, lightning war" (ce n'est pas une guerre d'occupation, mais une guerre de pénétration rapide et d'oblitération).
Description de la doctrine - perspective allemande
Pendant la Deuxième Guerre mondiale, l'utilisation de l'arme blindée est sensiblement différente dans les doctrines de l'armée allemande (Wehrmacht) et de l'armée soviétique.
Pour les Allemands, la phase initiale du Blitzkrieg est la rupture rapide du système défensif ennemi en un point précis. Cette rupture est obtenue par une concentration de forces (Schwerpunkt), terrestres (blindés, artillerie, troupes d'élite, parachutistes et autres forces spéciales, ...) et aériennes.
Avant même que la rupture soit complètement obtenue, la phase d'exploitation est engagée. Elle consiste à s'enfoncer le plus rapidement et le plus loin possible dans le dispositif ennemi. L'action est menée par des unités blindées et motorisées et peut être complétée par des commandos ou des forces aéroportées sur des points précis (points fortifiés, passage clefs), et, à la demande des troupes au sol, par un appui aérien tactique de soutien-feu (typiquement par bombardement en piqué : dans cette phase l'artillerie est trop en arrière pour pouvoir fournir un appui efficace).
Les forces terrestres à pied suivent et occupent le terrain conquis. Elles assurent le contrôle des voies d'approvisionnement, la défense contre une éventuelle contre-attaque ennemie, et le nettoyage des poches de résistance (ou de fuyards) dépassées par la force blindée. La force blindée elle-même avance le plus loin possible, contournant les obstacles sans chercher à les annihiler systématiquement. L'avance doit se faire par dizaine de km par jour, de façon à rendre impossible le rétablissement d'une nouvelle ligne de résistance par l'ennemi.
Les objectifs principaux sont la rupture du dispositif de communication et de ravitaillement ennemi via la capture ou la destruction de points clefs (fortifications, carrefours routiers ou ferroviaires, ponts, dépôts de ravitaillement) et de centres de commandement. La technique est particulièrement efficace contre un ennemi privilégiant la tenue d'une ligne continue d'infanterie, dans laquelle les unités tiennent leur front et négligent leurs flancs et leurs arrières. Le défenseur n'a pas le temps de se ré-organiser et une retraite entraîne la perte des moyens lourds comme l'artillerie anti-chars.
Une fois la phase de rupture passée, l'opération peut devenir un encerclement à l'échelle opérationnelle (de l'ordre de plus de 100 km, et pouvant contenir une armée ennemie en entier). Les vastes poches ainsi formées sont réduites ultérieurement par des moyens plus traditionnels (infanterie, artillerie).
Description de la doctrine - perspective soviétique
Les soviétiques utilisent l'arme blindée pour des « opérations en profondeur ».
Dans la doctrine soviétique, le front ennemi est percé par l'infanterie soutenue par un puissant feu d'artillerie, et non par l'arme blindée proprement dite. Une fois la percée obtenue, les armées blindées sont introduites dans la faille pour avancer dans la profondeur du dispositif ennemi.
Dans la phase d'exploitation, les Allemands visent un encerclement par des percées relativement étroites mais convergentes, tandis que les Russes avancent tout droit sur une grande largeur jusqu'à la limite de leur soutien logistique. Les Allemands ont pour but premier la destruction des unités ennemies (que l'on empêche de briser l'encerclement et que l'on prend le temps d'éliminer), tandis que les Russes visent à repousser graduellement l'adversaire jusqu'à que ce dernier n'ait plus de profondeur stratégique. Pour les soviétiques, la survie et la retraite de groupes ennemis isolés et désorganisés n'est pas un problème.
Développement du concept de Blitzkrieg
L'entre-deux-guerres
Pendant les années 20 et les 30, les idées opérationnelles liées à l'emploi de l'arme blindée se développent parallèlement chez plusieurs penseurs et des militaires européens.
La doctrine stratégique traditionnelle - en vigueur pour Britanniques et Français - est défensive [1] : il ne s'agit ni de détruire l'armée ennemie ni d'envahir son territoire, mais de tenir le front et d'attendre l'épuisement économique de l'adversaire, isolé par un blocus. Le succès de la Première Guerre mondiale consolide cette conception, où le char reste une arme de soutien qui accompagne l'infanterie au combat, au même titre que l'artillerie. Le char tient plus de l'artillerie mobile de champ de bataille (avec plus de souplesse et de mobilité et moins de puissance de feu que l'artillerie classique) que du véhicule armé et il avance au rythme du fantassin. Chaque division d'infanterie peut donc avoir son peloton de char comme elle a sa compagnie d'artillerie. L'emploi en masse des blindés n'est pas mis en avant. En conséquence, les blindés alliés se caractérisent par blindage et puissance de feu au détriment de vitesse, manœuvrabilité et autonomie.
D'autres idées d'utilisation de l'arme blindée sont toutefois proposées. Citons en France les publications de de Gaulle (Le Fil de l'épée (1932), Vers l'armée de métier (1934) ), qui évoque l'utilisation d'une arme blindée autonome, ou les idées du général Estienne. (L'historien militaire britannique Liddell Hart, longtemps crédité pour sa contribution à la théorie du Blitzkrieg, semble n'avoir travaillé sur sujet qu'après la guerre). Ces idées n'ont pas d'application pratique au-delà de manœuvres embryonnaires.
Les concepts trouvent leurs applications pratiques en Allemagne, en particulier via les ouvrages de Guderian, et en URSS via le maréchal Mikhaïl Toukhatchevski.
Les Allemands, réduits à une armée de 100 000 hommes par le traité de Versailles, et voyant à la fois leurs ressources limitées par rapport aux puissances coloniales et le risque d'être pris entre deux fronts, révisent leurs conceptions militaires. Avec l'aide et le concours secret des Soviétiques, ils développent des concepts opérationnels renouant avec une guerre de mouvement que la force d'arrêt des armements de la Première Guerre mondiale avaient rendue impossible.
Les Russes codifient leur doctrine comme « opération en profondeur » (voir plus haut).
Mise en application
L'objectif du Blitzkrieg est de déstabiliser l'ennemi pour l'empêcher de rétablir un front solide une fois sa ligne initiale percée. Les trois éléments essentiels sont l'effet de surprise, la rapidité de la manœuvre et la brutalité de l'assaut.
L'exemple le plus connu est la première phase de la Campagne de France de 1940. Les Allemands disposent de considérablement moins de blindés que les Alliés et ils sont plus légers et moins puissants. Toutefois, la concentration massive de blindés en quelques points permet à l'armée allemande la Percée de Sedan. L'exploitation rapide désorganise la défense alliée. La dispersion des chars alliés, dont le rôle était d'abord un soutien d'infanterie, ne permet pas de contre-attaque. Les chars allemands parviennent à encercler les Alliés dans la poche de Dunkerque.
Les mêmes principes opérationnels avaient été mis en application dès la Campagne de Pologne de 1939, en particulier par le contournement des défenses frontalières polonaises. De même, la première phase de l'Opération Barbarossa en 1941, contre l'URSS, voit une série de percées menées par les divisions blindées allemandes, suivies d'encerclements en profondeur. La même doctrine opérationnelle est appliquée lors de la campagne de 1942. Un échec notable a lieu lors de la bataille de Koursk (1943) pendant laquelle l'arme blindée allemande ne parvient pas à percer la ligne ennemie pour permettre une exploitation.
L'opération Cobra menée par les Américains en France en 1944 peut s'apparenter à un blitzkrieg.
Les Russes ont rodé puis appliqué la doctrine des « opérations en profondeur » lors de contre-attaques contre les Allemands. Les premières applications réussies de la doctrine sont celles suivant la bataille de Koursk. Les Russes enchaînent une vingtaine d'offensives contre les Allemands de 1943 à 1945, les plus notables étant l'Opération Bagration en 1944 et l'opération Vistule-Oder (précédant la Bataille de Berlin) en 1945.
Un exemple contemporain d'opération en profondeur est l'opération Tempête du désert pendant la guerre du Golfe de 1991.
Perspective contemporaine sur le Blitzkrieg
Le consensus contemporain des historiens suggère que le Blitzkrieg telle que mise en œuvre par la Wehrmacht fut moins le résultat d'une préparation que le fruit des événements sur le terrain et du zèle de quelques généraux (tels Heinz Guderian ou Erwin Rommel). Le "mythe" d'une doctrine stricte et bien formalisée aurait été construit après-guerre, notamment par l'intermédiaire de Liddell Hart. Cette thèse est notamment défendue par l'historien allemand Karl-Heinz Frieser (Le Mythe du Blitzkrieg (éditions Belin) ) ou par Shimon Naveh, (" In Pursuit of Military Excellence; The Evolution of Operational Theory", 1997)
Notes et références
- il s'agit là du front européen ; les deux puissances ont aussi un vaste empire colonial où la question militaire se pose en des termes totalement différents.
Voir aussi
Articles connexes
Bibliographie
- Karl-Heinz Frieser, Le Mythe de la guerre-éclair : La Campagne de l’Ouest de 1940, Ed. Belin, 2003, (ISBN 978-2701126890)
- Shimon Naveh, In Pursuit of Military Excellence; The Evolution of Operational Theory, 1997
- Basil Sir H. Liddell Hart, Histoire de la Seconde Guerre mondiale, Ed. Fayard, 1973
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