Zyklon B

Zyklon B
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Récipients de Zyklon B exposés à Auschwitz
Boite utilisée de Zyklon-B (Musée national Auschwitz-Birkenau).

Le Zyklon B est un produit de la firme allemande Degesch, un insecticide à base d'acide cyanhydrique, issu des recherches du chimiste Fritz Haber. Durant la Seconde Guerre mondiale, les nazis l'ont utilisé dans les chambres à gaz des camps d'extermination : les premiers essais ont été effectués sur des prisonniers de guerre soviétiques, mais la plupart des victimes du Zyklon B ont été les Juifs d'Europe assassinés durant la Seconde Guerre mondiale.

Ce qui était initialement un pesticide ne fut jamais utilisé comme gaz de combat, en raison de sa trop faible densité, qui entraîne sa dispersion aléatoire au moindre souffle de vent. Son utilisation comme pesticide agricole n'est pas attestée en 1935[1].

Sommaire

Propriétés

Connu depuis l'Antiquité, au moins pour ses propriétés métallurgiques, l'acide cyanhydrique cyanure d'hydrogène (acide prussique, Blausäure en allemand), est un gaz toxique, rapidement mortel à de faibles concentrations. Le cyanure d'hydrogène est un gaz qui tue par anoxie. Dans une chambre à gaz, la mort survenait entre 3 et 10 minutes après l'introduction du produit[2]. L'agonie était douloureuse surtout en raison du produit irritant ajouté par le fabricant, la Degesch, au moment de la confection des cristaux de Zyklon B : le Zyklon B étant officiellement un désinfectant très dangereux à manipuler (en raison de sa haute toxicité), il fallait lui ajouter un produit qui signale aux personnes chargées de la désinfection des locaux que du Zyklon B s'évaporait (soit dans la pièce à désinfecter soit d'un emballage défectueux). Ayant compris à quoi servaient en réalité les quantités astronomiques commandées, et dans un effort de limiter les souffrances chez les victimes d'un système criminel qu'il ne pouvait dompter, l'un des officiers nazis en charge des achats centralisés à Berlin, Kurt Gerstein, a demandé à la Degesch de ne plus mettre d'irritant dans les boîtes qui lui étaient livrées ; cette requête inhabituelle a mis la puce à l'oreille du directeur de la fabrique sur la véritable utilisation de son produit, sans pour autant le faire réagir plus avant. On ne sait rien de la prise de conscience de la part des ouvriers[3].

Histoire

Le Zyklon B fut utilisé par les nazis dans les chambres à gaz des camps d'extermination d'Auschwitz et de Majdanek, pour y tuer plus d'un million de personnes. Il est constitué d'un substrat la Terre d'infusoires (kieselgur), terre naturelle riche en silice à fine granulométrie utilisée pour son haut pouvoir d'absorption, d'acide cyanhydrique, d'un stabilisant et d'un parfum (pour signaler les fuites). Il était stocké dans des containers métalliques étanches. Exposé à l'air ambiant[4], le substrat dégage du cyanure d'hydrogène gazeux. La lettre B correspond à un taux de concentration du produit actif qui s'échelonnait de A à F[5]

Il fut produit durant la Première Guerre mondiale par TASCH (Technischer Ausschuss für Schädlingsbekämpfung, ou Comité technique pour le contrôle des nuisibles) comme agent contre les poux, et autres ravageurs de récoltes. À partir de TASCH fut créée Degesch, qui joua un rôle important dans la fabrication du Zyklon B durant la Seconde Guerre mondiale.

De nombreuses firmes allemandes avaient des intérêts dans Degesch mais, finalement, ils les vendirent au géant Degussa au début des années 1920. Degussa développa le procédé de fabrication du Zyklon B en cristaux, celui qui fut utilisé durant la Seconde Guerre mondiale. Pour trouver des capitaux, Degussa vendit une partie de son contrôle sur Degesch à IG Farben en 1930, chacune des sociétés possédant 42,5 % du capital, le reste étant détenu par la Th. Goldschmidt AG de Essen. À ce moment, le rôle de Degesch se limitait à l'acquisition de brevets et des propriétés intellectuelles, mais elle ne fabriquait pas le Zyklon B.

La fabrication était à charge de la Dessauer Werke für Zucker und Chemische Industrie à Dessau qui achetait le stabilisant à IG Farben, le parfum de sécurité à Schering AG et l'acide prussique à Dessauer Schlempe et assemblaient le tout pour réaliser le produit final. L'acide prussique était extrait du sous-produit de purification du sucre de betterave. De 1943 à 1945, les Kaliwerken de la ville de Kolín (Bohême-Moravie) ont fourni l'acide prussique à Dessauer Werke. Quand le Zyklon B commença à être utilisé dans les chambres à gaz, les nazis donnèrent l'ordre de retirer le parfum, en violation de la loi allemande. Pour diminuer les frais, Degussa vendit les droits de marché à deux intermédiaires : la Heerdt et Linger GmbH (Heli cofondée par le chimiste Walter Heerdt et le commercial Johann Lingler) et Tesch et Stabenow (Tesch und Stabenow, Internationale Gesellschaft für Schädlingsbekämpfung m.b.H. cofondée par le chimiste Bruno Tesch et l'homme d'affaires Paul Stabenow) ou Testa d'Hambourg. Ces deux firmes étendirent leurs ventes le long de l'Elbe avec Heli ayant ses clients vers l'ouest et Testa vers l'est[6].

Selon l'historienne Annie Lacroix-Riz, une usine établie en France, (la filiale franco-allemande du groupe Ugine, à Villers-Saint-Sépulcre dans l'Oise) aurait fortement augmenté les quantités de Zyklon B fabriquées entre 1940 et 1944 passant d'une tonne annuelle en 1940, à un pic de 37 tonnes pour le seul mois de juin 1944[7], ce qui pour l'historienne laisserait penser que la production n'était alors plus uniquement destinée à la désinfection des locaux, mais également aux chambres à gaz nazies[8]. L'utilisation pour la Shoah de Zyklon B produit en France est cependant contestée par d'autres historiens[9].

En France toujours, le Zyklon B a été homologué en 1958 sous le numéro 5800139 pour la protection des semences de céréales et la protection des céréales stockées. Ce produit commercial de la compagnie « L'Eden Vert » a été interdit en 1988[10]. Le Zyklon B est encore produit en République tchèque à Kolín sous le nom de « Uragan D2 », et vendu pour la lutte contre les insectes et les rongeurs[11]. Une variante commerciale, du nom de Zyklon, était encore homologuée en France jusqu'en 1997 pour la désinsectisation de locaux de stockage[12].

Étiquette de boîte allemande de Zyklon B, en 1946. On peut lire : « Poison gazeux, ne doit être ouvert que par des personnes expérimentées. »

Utilisation par les nazis

Dans leur recherche d'une méthode d'extermination de masse, les nazis testèrent le Zyklon B le 3 septembre 1941 dans les locaux disciplinaires de la cave du bloc 11 sur des prisonniers soviétiques dans le camp souche appelé Auschwitz 1 à Auschwitz[13]. Rudolf Höß, le commandant d'Auschwitz, jugea le procédé plus efficace que le monoxyde de carbone produit par les gaz d'échappement d'un moteur de char russe[14] en usage dans les camps d'extermination de l'opération Reinhard et l'adopta pour le génocide des Juifs et des Tziganes à Auschwitz.

Les nazis construisirent des chambres à gaz dans des camps d'extermination, qui permettaient de gazer en même temps plusieurs centaines, voire plusieurs milliers[15], de personnes à l'aide du Zyklon B. Ils utilisèrent les chambres à gaz à Auschwitz jusqu'en novembre 1944[16] et jusqu'au 28 avril 1945 à Mauthausen[17].

Les victimes, après avoir été enfermées dans des salles hermétiquement closes, étaient mises en contact avec le Zyklon B par insertion de ce dernier soit par des cheminées à couvercle (pour les chambres à gaz souterraines), soit par des fenêtres aux volets hermétiques fermant de l'extérieur. Après vingt minutes maximum, plus personne ne bougeait[18]. Selon que la pièce était équipée d'une ventilation ou pas, celle-ci était activée afin de faire disparaitre les résidus d'acide cyanhydrique, puis les Sonderkommandos, eux-mêmes des esclaves concentrationnaires, entraient. Dans le cas de chambres à gaz non équipées de systèmes de ventilation, ils étaient munis de masques à gaz. Ils avaient pour mission de sortir les cadavres, d'en arracher les dents en or, de les incinérer (dans des fours ou dans des fosses d'incinération). Ils nettoyaient également les chambres à gaz, le plus souvent au moyen de jets d'eaux.

Les personnes gazées, à la recherche de l'air restant, étaient souvent retrouvées en piles s'élevant jusqu'au plafond : les plus faibles (enfant, vieillard) généralement en bas[19].

L'acide cyanhydrique dégagé par le Zyklon B étant un gaz très volatile, son évacuation (par système de ventilation dans les chambres à gaz souterraines ou ventilation naturelle par courants d'air) était suffisamment rapide pour permettre plusieurs opérations de gazage (sonderbehandlung)[20]en une journée.

Notes et références

Sur les autres projets Wikimedia :

  1. Larousse de l'industrie, et des arts et des métiers
  2. Léon Poliakov, Bréviaire de la haine, Calmann-Lévy (Poche), 1974, p. 309.
  3. Pierre Joffroy, L'espion de Dieu. La passion de Kurt Gerstein, Robert Laffont, 2002, pp. 303-306.
  4. au camp du Struthof-Natzweiler Joseph Kramer utilisa des sels hydrocyaniques comme le cyanure de calcium qui mélangé à de l'eau dégage de l'acide cyanhydrique
  5. Raul Hilberg, la destruction des Juifs d'europe, Folio Gallimard, 1991, p.771
  6. (en) en:Zyklon B] cite Emil Proester, Vraždeni čs. cikanu v Buchenwaldu (The Murder of Czech Gypsies in Buchenwald). Document No. UV CSPB K-135 on deposit in the Archives of the Museum of the Fighters Against Nazism, Prague. 1940. (Quoted in: Miriam Novitch, Le Génocide des Tziganes sous le régime nazi (Genocide of Gypsies by the Nazi Regime), Paris, AMIF, 1968)
  7. [1]
  8. Interview de Annie Lacroix-Riz dans L'Humanité du 11 mars 1997.
  9. Reproduction de l'article de Libération du 23 décembre 1999 sur le site amnistia.net.
  10. E-phy, Ministère français de l'agriculture et de la pêche. Consulté le 15 mai 2008.
  11. (en) Fiche de l'Uragan D2 sur le site de l'usine tchèque Draslovka Kolín.
  12. e-phy Le catalogue des produits phytopharmaceutiques et de leurs usages des matières fertilisantes et des supports de culture homologués en France ZYKLON, http://e-phy.agriculture.gouv.fr/spe/7700175-5124.htm
  13. les chambres à gaz, secret d'état, Eugen Kogon, Hermann Langbein, Seuil 1987, p.176
  14. témoignage du professeur Wilhelm Pfannenstiel, sturmbannführer SS, qui en août 42 a visité le camp de Belzec avec Kurt Gerstein in les chambres à gaz, secret d'état, Eugen Kogon, Hermann Langbein, Seuil 1987, pp.157 à 159
  15. Jusqu'à 3 000 personnes dans les crématoires II et III d'Auschwitz ensemble : Témoignage de Filip Müller, in Shoah de Claude Lanzmann et environ 1 600 personnes dans les crématoires IV et V ensemble in les chambres à gaz, secret d'état, Eugen Kogon, Seuil 1987, p.197
  16. Himmler donna le 26 novembre 1944 l'ordre de détruire les crématoriums d'Auschwitz in les chambres à gaz, secret d'état, Eugen Kogon, Hermann Langbein, Seuil 1987, p.215
  17. les chambres à gaz, secret d'état, Eugen Kogon, Hermann Langbein, Seuil 1987, pp.227 et 229
  18. Rudolf Höss, Kommandant in Auschwitz, Deutsche Verlagstansalt, Stuttgart, 1958. Manuscrit original au musée d'Etat à Auschwitz.(trad.française, le commandant d'Auschwitz parle, Juillard 1959
  19. Témoignage de Filip Müller, in Shoah de Claude Lanzmann
  20. Expression signifiant traitement spécial utilisé par les nazis pour désigner d'une manière codée la mise à mort par gazage, en abrégé S.B. in les chambres à gaz, secret d'état, Eugen Kogon, Hermann Langbein, Seuil ,1987, pp. 202 et 203

Bibliographie


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