Lugiens (qui comptent également les (H)Arii, les (H)Elveconi, les Naharvali, les Manimes et les (H)Elisiens), associé à la culture de Przeworsk à l’époque de
Ptolémée qui les mentionne dans sa
Géographie, la région est aussi peuplée par les Vandales (dont les Sillings sont probablement parents avec les Élisiens) et les Goths avant la chute de Rome. Alors qu’elle est surtout peuplée de Slaves, la région est rattachée en
1340 à la
Pologne par le roi
Casimir III le Grand (
Kazimierz Wielki), que le duc
Georges II de Galicie-Volhynie, (
Georg II Trojden), avait instauré comme son successeur en échange d’une aide contre ses ennemis.
Le royaume de Galicie in 1897
En 1772, lors du premier partage de la Pologne, la Galicie devient autrichienne et le restera jusqu’en 1914.
En 1914, elle est conquise par l’armée impériale russe lors des premières opérations militaires de la Première Guerre mondiale, (batailles de Krasnik et de Lemberg).
En 1915, elle est reprise par l’armée austro-allemande.
En 1918, elle est conquise par les Polonais qui se heurtent à des formations nationalistes ukrainiennes.
En 1921, par le traité de Rīga, elle est déclarée terre polonaise et le restera jusqu’en 1939.
En 1939, après l’écrasement de la Pologne, elle est annexée par l’Union soviétique en vertu du pacte germano-soviétique.
En 1941, elle est envahie et occupée par les troupes allemandes. Des unités nazis spécialisés (les SS-Einsatzgruppen) procèdent à une liquidation systématique, sans précédent dans l’histoire, de la nombreuse population juive en la déportant dans des camps de concentration et des camps d'extermination.
En 1943, le Reichsführer SS Heinrich Himmler ordonne de créer une Division de la Waffen SS constituée de volontaires Ukrainiens de Galicie (division SS Galizien).
En 1944, la Galicie est conquise par l’Armée rouge, qui reprend Lwów le 28 juillet.
En 1945, elle est découpée par la ligne Curzon (proposée par Lord Curzon durant la conférence de paix de Paris le 8 décembre 1919) et adoptée lors des accords de Yalta, qui part de la Lituanie et passe à l’est de Przemysl en Pologne et à l’ouest de Lviv (Lwów) en Galicie. La partie à l'est de la ligne Curzon est rattachée à l’Ukraine, alors l’une des républiques composant l’Union soviétique.
Une histoire faite de traumatismes
De province reculée et sans histoire de la Couronne autrichienne, la Galicie fut le théâtre d’affrontements déchirants durant et après la Première Guerre mondiale, opposant les communautés polonaise, ukrainienne et juive.
À la chute de l’Empire austro-hongrois se forme, en octobre 1918, une brève République Nationale de l’Ukraine de l’Ouest. La toute nouvelle armée ukrainienne affronte les troupes polonaises qui s’emparent de la capitale, puis de l’ensemble de la région en juillet 1919. Durant la bataille de Lvov, les soldats polonais se livrent durant trois jours à un pogrom. La Galicie fut ensuite intégrée dans les territoires orientaux de la Pologne fraîchement reconstituée à la faveur de la Révolution russe, formant l’une des contrées des kresy, zone frontière ou tampon de la Seconde République, peuplée de minorités. La province perd son nom autrichien et disparaît, avec la Galicie occidentale, sous le nom de Małopolska ("Petite Pologne").
À partir du milieu des années trente, l’idéal d’une grande Pologne multiethnique de Piłsudski est dépassé par une politique de polonisation agressive, ouvertement antisémite, imposant par la violence la « pacification » des villages ukrainiens. En 1939, en vertu de l’accord secret Molotov-Ribbentrop, tandis que l’Allemagne envahit la moitié occidentale de la Pologne, l’Union soviétique met la main sur sa partie orientale. Ce territoire est incorporé, à la suite d’un référendum truqué, à la République Soviétique d’Ukraine. L’Union soviétique y mène une politique d’ukraïnisation, mais aussi de collectivisation forcée et de mise au pas idéologique, assortie d’une violente répression (déportations, emprisonnements, exécutions) qui touche dans l’ordre chronologique les anciennes élites politiques, économiques et intellectuelles polonaises, puis les nationalistes ukrainiens. Fin juin 1941, la région est conquise par la Wehrmacht.
Les nationalistes ukrainiens accueillent les troupes allemandes comme des libérateurs. Pourtant, loin de conférer l’indépendance à l’Ukraine, les nazis y développent très rapidement une politique d’élimination radicale des communistes, mais aussi de nettoyage ethnique et racial, transformant ce territoire en zone d’essai très spécifique de mise à mort sur le terrain et de radicalisation (« brutalisation ») de la violence de guerre, avec une participation importante et volontaire de la population locale. Dès l’arrivée des Allemands, la population locale ukrainienne se « venge » des persécutions du NKVD par une série de pogroms sauvages, perpétrés contre la population civile juive (24 000 morts). Les nazis intègrent la Galicie au « Gouvernement Général » de la Pologne et mettent progressivement en place la « solution finale » : les 500 000 Juifs (12 % de la population d’environ 4 millions), d’abord rassemblés dans des ghettos et camps de travail, sont pour la plupart fusillés au bord de fosses communes ou annihilés à Bełżec. Par ailleurs, 350 000 Polonais et Ukrainiens sont déportés en Allemagne comme travailleurs forcés ou déplacés pour créer un espace vital et économique germanisable, dans le cadre d’une stratégie militaire et économique qui envisageait délibérément la mort par la faim de dizaines de millions d’êtres humains en Union soviétique.
L’OUN et l’UPA (l’Armée d’insurrection ukrainienne), qui passe entre-temps de la collaboration à la résistance contre les Allemands tout en poursuivant sa lutte contre les Soviétiques et les Russes, profitent du chaos dans lequel se trouve plongée la région pour se débarrasser de la population polonaise (50 000 morts d’abord en Volhynie, puis en Galicie orientale), où la terreur imposée par la guérilla des « bandéristes » ukrainiens (partisans de Stepan Bandera, chef de l’OUN) indépendantistes ne sera contrôlée par l’Union soviétique qu’au début des années 1950. De son côté, Staline met en place dès la fin de la guerre une politique de déportation des populations : entre 1945 et 1956, 800 000 Polonais sont « rapatriés », dont 560 000 de Galicie, tandis qu’environ 600 000 Ukrainiens de l’autre côté de la frontière (Lemkos) sont déportés vers l’Ukraine (la plupart vers la Galicie) ou dispersés au cours de l’opération Vistule (Akcja Wisła) dans les territoires que la Pologne a récupérés sur l’Allemagne.
La Galicie, terre d’émigration et berceau de célébrités
La Galicie a été depuis le milieu du XIXe siècle une terre d’émigration. Une proportion considérable des « Galiciens » se trouvent aujourd’hui hors de Galicie. Près d’un million de Galiciens ukrainiens, dits « Ruthènes », ont émigré au début du siècle aux États-Unis, au Canada et en Europe occidentale, tout comme de nombreux galiciens polonais. Chicago, Milwaukee, Philadelphie, New York sont devenus de grands centres d’émigration galicienne. Des 800 000 Juifs galiciens d’avant la Première Guerre mondiale, 200 000 à 300 000 ont fui pogroms et guerres vers les capitales occidentales et les États-Unis entre 1880 et 1914.
En raison des possibilités d’éducation et de promotion sociale offertes par la monarchie autrichienne à l’ensemble de ses minorités, la renommée de la Galicie s’est aussi fondée sur le fait qu’elle fut le terreau fertile de la constitution d’une intelligentsia nationale (autrichienne, polonaise, russo-ukrainienne ou juive) de premier plan. La Galicie fut le laboratoire de mouvements nationaux modernes, polonais, ukrainiens et juifs. Au regard des persécutions ultérieures, la période de l’Empire austro-hongrois fait figure rétrospectivement d’ère de liberté.
La Galicie a également bénéficié de la notoriété de ses figures de proue, qui l’ont d’ailleurs souvent quittée dans leur ascension sociale et culturelle, ou sont devenus des symboles phares dans leurs cultures nationales respectives : les germanophones Joseph Roth, Martin Buber et Emil-Edwin Reinert, les polonophones Gerda Taro, Joseph Wittlin et Bruno Schulz, les ukrainophones Ivan Franko, Vassyl Stefanik et Martovitch, auxquels il faut ajouter les écrivains de langue hébraïque Shmuel Yosef Agnon ou Aharon Appelfeld, et les écrivains yiddish Moyshe Leyb Halpern, Melekh Ravitsh et Uri Tsi Grinberg, sans parler de la pléiade de l’école yiddish galicienne du début du siècle.
On dénombre également des figures plus exotiques comme des hommes politiques (Karl Radek, Isaac Deutscher, ou Maximilien Rubel), ou bien des auteurs qui ont fait l’objet d’une « re-découverte » plus récente, comme les chantres germanophones de la Galicie multiethnique (certes germanocentrée) Karl Emil Franzos et Leopold von Sacher-Masoch, et pour l’après-guerre, les mémorialistes Soma Morgenstern et Manès Sperber, tout comme les romanciers polonais Andrzej Kusniewicz et Julian Stryjkowski.
Ces Galiciens ont porté à travers le monde le nom de leur « petite patrie », tout en en chantant le multiculturalisme avant la lettre, le pluralisme religieux, culturel et ethnique, vus à travers le prisme de la communauté disparue. Ainsi, le shtetl juif, la grande propriété foncière aristocratique polonaise, la colonie ou bien l’îlot linguistique germanophone ou polonophone dans la « mer » ukrainienne, ou encore la splendeur passée des métropoles régionales qu’étaient Cracovie ou Lvov incarnent une Arcadie perdue de l’enfance ou une Atlantide submergée par le déferlement du mal (guerre, communisme, occupation hitlérienne).
Bien que n’ayant pas subi, comme les Juifs, une tentative d’annihilation totale, les organisations d’émigrants ukrainiens aux États-unis et au Canada perpétuent une mémoire centrée autour de la persécution des Ukrainiens par les Polonais puis par le régime Soviétique. En Union soviétique, la Galicie orientale, divisée en trois oblast (Lvov, Ternopol et Ivano-Frankovsk), forma avec la Transcarpathie l’« Ukraine occidentale ». Reléguée dans un coin excentré du territoire national de l’URSS elle subit une forte soviètisation.
Voir aussi
Sources
- Delphine Bechtel, « Le mythe de la Galicie, de la disparition à la résurrection virtuelle », dans Cultures d’Europe centrale, no 4, Paris, CIRCE (université Paris-IV Sorbonne), 2003.
- La Galicie au temps des Habsbourg (1772-1918). Histoire, société, cultures en contact, éd. par Jacques Le Rider et Heinz Raschel, Tours, Presses Universitaires François Rabelais, 2010.
Liens externes