- Gleichschaltung
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Gleichschaltung désigne le processus mis en œuvre par Adolf Hitler et le parti nazi pour accéder au pouvoir total en Allemagne et pour mettre la société au pas, afin de concrétiser le « mythe de la communauté populaire » (Volksgemeinschaft).
Ce processus vise toutes les sphères de la société, politique, économique, religieuse et culturelle, et concerne l'ensemble de la population. Il a notamment pour objectif d'éliminer toute opposition réelle ou potentielle et comporte un important volet antisémite. La Gleichschaltung est mise en œuvre dès l'arrivée des nazis au pouvoir via le développement d'un appareil répressif, des outils législatifs et réglementaires et la création d'organisations de masse destinées à encadrer tous les secteurs de la société.
Sommaire
Un terme issu du vocabulaire nazi
Victor Klemperer souligne que le verbe Gleichshalten est, au sens propre, surtout employé en électricité, dans le sens de synchroniser ; pour cet auteur, l'utilisation du terme Gleichschaltung est la création la plus caractéristique et probablement la plus précoce de la langue du IIIe Reich (LTI), dont l'apanage est la mécanisation flagrante de la personne elle-même, « un mot monstrueusement représentatif des convictions fondamentales du nazisme »[1]. « Dans la LTI, aucun autre terme technique, en empiétant sur un domaine qui n'est pas le sien, ne saurait révéler aussi crûment la tendance à la mécanisation et à l'automatisation »[1].
Pour Pierre Ayçoberry, l'expression la plus fréquente en français, « mise au pas », « rend bien compte de la discipline imposée par les nouveaux maîtres et acceptée plus ou moins volontairement par les divers corps préexistants, mais elles sacrifie les connotations technologiques du mot allemand » ; « Synchronisation ou normalisation seraient [...] des traductions plus appropriées [plus fidèles à l'aspect technolâtre du régime] [...], mais mise au pas est devenu d'usage courant, et il vaut mieux s'en tenir là »[2].
L'appareil répressif
L'outil législatif et réglementaire
La mise en place des instruments juridiques et réglementaires de la Gleichschaltung se base sur deux textes fondamentaux : le Reichstagsbrandverordnung (décret de l'incendie du Reichstag) et la loi des pleins pouvoirs.
Après l'incendie du Reichstag dans la nuit du 27 au 28 février, Hitler convainc le président Hindenburg de signer un décret d'urgence[3]. Basé sur l'article 48, 2e alinéa de la Constitution, le Reichstagsbrandverordnung (décret de l'incendie du Reichstag) permet de restreindre en dépassant les normes légales normalement applicables, la liberté individuelle, la liberté d'expression, notamment la liberté de la presse, du droit de réunion et d'association[3]. Le 23 mars 1933, la loi des pleins pouvoirs porte le coup de grâce à la Constitution de Weimar : « elle décide tout simplement l'abrogation de la séparation des pouvoirs et l'auto-affirmation du gouvernement en matière législative, ce qui infirme de facto les compétences inchangées du président et du Parlement [...] jusqu'au déni de tout appareil constitutionnel au bénéfice du seul Führer[4] ». Avec son entrée en vigueur, le Reichstag devient inutile et Hitler gouverne par décrets, avec ou sans la caution du président Hindenburg[5], sans devoir formellement modifier la Constitution[6] : la domination de Hitler est institutionnellement sécurisée[7]. En 1933 et 1934, les lois et décrets destinés à mettre la société allemande au pas se succèdent à un rythme effrené.
Le premier texte législatif qui se réfère à la notion de Gleichschaltung est la loi provisoire sur l'alignement des Länder avec le Reich du 31 mars 1933. « Celle-ci porte un coup décisif au fédéralisme, en dissolvant les parlement régionaux, qui seront recomposés (sauf en Prusse) proportionnellement aux résultats des dernières élections au Reichstag ». Elle est suivie, le 7 avril, par une seconde loi d'alignement qui transpose au niveau des Länder les dispositions de la loi des pleins pouvoirs et nomme à la tête de chaque Land un Reichsstatthalter (gouverneur du Reich), fonction généralement confiée à un Gauleiter[8].
- La Confédération générale des syndicats allemands (Allgemeiner Deutscher Gewerkschaftsbund, ADGB) fut dissoute le 2 mai 1933, le lendemain de la fête du Travail, quand les unités SA et du NSBO (Nationalsozialistische Betriebszellenorganisation) occupèrent les unions syndicalistes ; les chefs du ADGB furent emprisonnés. De nombreuses associations furent forcées de fusionner avec le Deutsche Arbeitsfront (DAF), substitut nazi de l'AGBD, les mois suivants.
- La loi contre la formation de partis politiques (Gesetz gegen die Neubildung von Parteien) du 14 juillet 1933 empêcha toute création d'un nouveau parti politique.
- La loi de reconstruction du Reich (Gesetz über den Neuaufbau des Reiches) du 30 juin 1934 abandonnait le fédéralisme. Au lieu de cela, les établissements politiques des Länder ont été pratiquement entièrement supprimés, transférant tous les pouvoirs au gouvernement central. En conséquence, une autre loi datant du 14 février 1934 dissout le Reichsrat, la représentation des Länder au niveau fédéral.
- Le 2 août 1934 à 9 h, le président du Reich (Reichspräsident) Paul von Hindenburg meurt à l'âge de 87 ans. Trois heures avant, le gouvernement avait voté une loi qui prendrait effet lors de sa mort : celle-ci prescrivait que les fonctions de président du Reich devaient être unies avec celles du chancelier du Reich et que les compétences du précédent gouvernement devaient être transférées au « Führer et chancelier du Reich » (Führer und Reichskanzler), Adolf Hitler, qui demanda l'application de cet article.
La purge de 1934
La mise au pas de la société
Les partis politiques
Les milieux culturels et intellectuels
Les femmes
La jeunesse
Les Églises
Le monde du travail
Le contrôle de l'armée
Notes et références
Notes
Références
- V. Klemperer, LTI, p. 206-207
- P. Ayçoberry, La Société allemande, p. 122-123
- Richard J. Evans, L'avènement, p. 405
- Th. Feral, Justice et nazisme, p. 26
- Richard J. Evans, L'avènement, p. 428-429
- G. Goriely, Hitler prend le pouvoir, p. 135
- Ian Kershaw, Le mythe Hitler, p. 75
- Pierre Ayçoberry, Barbara Lambauer, note 1 sur l'entrée du 1er avril 1933, in J.Goebbels, Journal, p. 725
Annexes
Bibliographie
- Pierre Ayçoberry, La Question nazie. Les interprétations du national-socialisme. 1922-1975, Paris, Seuil, coll. « Points Histoire », 1979, 314 p. (ISBN 2-02-005145-1)
- Pierre Ayçoberry, La Société allemande sous le IIIe Reich. 1933-1945, Paris, Seuil, coll. « Points Histoire », 1998, 434 p. (ISBN 2-02-031525-4)
- Richard J. Evans, Le Troisième Reich. L'avènement, Paris, Flammarion, coll. « Au fil de l'histoire », 2009, 720 p. (ISBN 978-2-0821-0111-0)
- Thierry Feral, Justice et nazisme, Paris, L'Harmattan, coll. « Allemagne d'hier et d'aujourd'hui », 1997, 108 p. (ISBN 2-7384-5980-3)
- Joseph Goebbels, Journal. 1933-1939, Paris, Tallandier, 2007 (ISBN 978-2-84734-461-5)
- Georges Goriely, 1933. Hitler prend le pouvoir, Bruxelles, Complexe, coll. « La mémoire du siècle », 1991, 203 p. (ISBN 2-97027-399-1)
- Alfred Grosser, 10 leçons sur le nazisme, Buxelles, Complexe, coll. « Historiques », 1984, 260 p. (ISBN 2-87027-121-2)
- Ian Kershaw, Hitler. 1889-1936, Paris, Flammarion, 2001, 1159 p. (ISBN 2-08-212528-9)
- Victor Klemperer, LTI, la langue du IIIe Reich, Paris, Albin Michel, coll. « Agora », 1996, 376 p. (ISBN 2-266-13546-5)
Articles connexes
Liens externes
Catégories :- Nazisme
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- Répression politique et extermination sous le Troisième Reich
- République de Weimar
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