Dolchstoßlegende

Dolchstoßlegende
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[travail inédit ?]

Dessin antisémite en faveur de la Dolchstoßlegende : l'armée allemande frappée par la « démocratie juive » (1919)

La Dolchstoßlegende (« la légende du coup de poignard [dans le dos] ») fut une tentative de disculper l'armée allemande de la défaite de 1918, en en attribuant la responsabilité, à la population civile à l'arrière du front, aux milieux de gauche et aux révolutionnaires de novembre 1918. Ce mythe fut repris et largement répandu par les anciens combattants et par les mouvements de droite et nationalistes, comme le Stahlhelm. Il gangréna la république de Weimar et contribua à l'essor du parti nazi.

Sommaire

Origine

Le terme Dolchstoß est utilisé pour la première fois le 17 décembre 1918 par le quotidien suisse alémanique Neue Zürcher Zeitung[1], qui attribue cette citation au général britannique Frederick Barton Maurice[réf. nécessaire] : « En ce qui concerne l'armée allemande, pour exprimer un point de vue commun, elle a été poignardée dans le dos par la population civile. »

Par la suite, le général Maurice conteste la paternité de cette citation. Mais la Neue Zürcher Zeitung ne cite pas le général anglais par hasard : il a été en effet le premier théoricien du coup de couteau dans le dos du pouvoir civil contre l'armée.

Une théorie à l'origine britannique

La polémique remonte au Royaume-Uni et à l'année 1917. Cette année fut particulièrement meurtrière, le ras-le-bol menaçait, les grèves à l'arrière et sur le front se multipliaient et surtout la situation n'avait pas changé malgré trois années de guerre intense. Sous la pression de l'opinion publique, les hommes politiques décidèrent d'agir. Pour ne pas perdre la face, Lloyd George commence par demander au général en chef britannique Douglas Haig la démission de son aide de camp Lancelot Kiggel et de son chef des renseignements Charteris. Cette exigence est très mal vécue par les militaires, qui ne supportent pas l'intervention d'un civil dans leurs affaires, fût-il Premier ministre. Haig n'obéit pas, soutenu par ses collègues, qui refusent de le remplacer s'il est démis de ses fonctions. Lloyd George est coincé.

En 1918, la situation empire et Haig a besoin de plus de troupes. Lloyd George explique que la mobilisation générale atteint ses plus-hauts historiques, et qu'il n'y a donc plus de réserves à envoyer au front. Haig pense que c'est une vengeance de l'événement précédent, comme toute l'armée, et prend ça pour un « coup de couteau dans le dos ». Ainsi naît la légende. Frederick Barton Maurice est chargé de la contre-attaque. Haut-gradé militaire en poste à Londres, il dément ouvertement le Premier ministre britannique dans une lettre ouverte publiée par le Times le 7 mai 1918. Il prétend que les chiffres de L. George sont manipulés. L'opposition en profite pour porter le débat à la Chambre des communes le 9 mai. Lloyd George prouve que ses chiffres sont les bons et que c'est Maurice qui ment. Ce dernier est suspendu de ses fonctions avant une mise en retraite anticipée. La polémique prend fin.

En Allemagne, le problème vient de l'impossibilité pour les politiques d'envoyer plus d'hommes au front et de l'impossibilité pour l'armée d'assumer la défaite. La polémique ne naît qu'après la fin de la guerre. Jusqu'alors unis, les pouvoirs civil et militaire sont séparés : la république de Weimar commande le civil, tandis que l'état-major commande l'armée. L'armée regrette le temps où elle était toute puissante. Elle est désormais subordonnée au pouvoir civil et à des personnalités élues au suffrage universel, nouveauté incompatible avec l'armée impériale telle que Guillaume II et ses prédécesseurs l'avaient formée.

Reprise par le Commandement suprême de l'armée allemande

Le mythe du coup de poignard dans le dos est repris par les hauts dignitaires militaires du Reich comme Erich Ludendorff et Paul von Hindenburg devant la commission d'enquête de l'Assemblée nationale du Reich. Hindenburg déclare ainsi devant le comité le 18 novembre 1919 : « Un général britannique me disait avec raison : l'armée allemande a reçu un coup de poignard dans le dos. Il est clair de qui a la charge de la faute. » Aucun des deux hommes n'évoquera qu'eux-mêmes avaient en catastrophe demandé le cessez-le-feu, le 19 septembre 1918 après l'échec de l'offensive d'été.

C'est même à la suite d'une véritable crise de nerfs au vu de la désolation et du désespoir sur le front ouest, que Ludendorff avait dès ce soir-là (soit cinq semaines avant que n'éclate la révolution) déclaré : « J'ai demandé à l'Empereur de m'amener ces cercles du gouvernement à qui l'on doit en grande partie d'être dans la situation dans laquelle nous sommes. Ils doivent désormais signer la paix, qui doit maintenant être signée ».[réf. nécessaire]

Selon l'historien allemand Horst Möller, « Hindenburg n'a nullement succombé à une illusion dont il aurait été lui-même la victime. Dans une conversation du 28 septembre 1918 entre Hindenburg et Ludendorff, tous deux étaient tombés d'accord pour penser que la situation ne pouvait plus que se détériorer, « même si nous nous maintenions sur le front de l'Ouest »[2]. »

Arguments en faveur de la thèse

Cette idée a été attisée par le fait que les troupes allemandes se sont retirées de façon volontaire et ordonnée. Cela donna l'impression que les soldats rentraient à la maison non pas sous la contrainte, mais à la suite d'une décision politique. Il n'apparaissait donc pas que cette décision de retrait ne faisait que tirer la leçon d'une situation militaire désespérée et sans aucune perspective. En effet la situation interne de l'Allemagne n'était plus tenable : le pays, encerclé ne pouvait plus compter sur les importations de denrées et matières premières par voie maritime.

La population eut donc l'impression que la situation militaire n'était pas si mauvaise, et ne comprit pas pourquoi les soldats rentraient. De plus, le gouvernement allemand lui-même a présenté cette reddition comme une décision politique, car accabler les généraux et clamer la réalité de la défaite aurait fait basculer le rapport de forces encore plus en sa défaveur lors des négociations.

Exploitation contre la république de Weimar

Les nationalistes allemands et notamment le NSDAP, s'emparent de la légende à des fins de propagande, qui sera systématiquement utilisée, conjointement avec la rhétorique des « criminels de novembre » contre la jeune république de Weimar.

Notes et références

  1. Horst Möller, La République de Weimar, p. 83, Tallandier, 2005, (ISBN 978-2-84734191-1)
  2. Hörst Möller, La République de Weimar, p. 85 et 86

Annexe

Bibliographie

  • Pierre Jardin, Aux racines du mal : 1918, le déni de la défaite. Tallandier, Paris, 2005.
  • (en) Kevin Baker, « Stabbed in the Back! The past and future of a right-wing myth » sur Harper's Magazine, Harper's Magazine, juin 2006. Consulté le 24 nov 2007
  • (de) Rainer Sammet, Dolchstoß : Deutschland und die Auseinandersetzung mit der Niederlage im Ersten Weltkrieg (1918–1933), Berlin, Trafo Verlag, 2003 
  • (de) Volker Ullrich, Die nervöse Großmacht : Aufstieg und Untergang des deutschen Kaiserreichs 1871–1918, Frankfurt am Main, S. Fischer, 1997 (ISBN 3-10-086001-2)  - Schilderung der Vorgänge am Kriegsende (vgl. S. 559f., Zitat S. 559)
  • (de) Joachim Petzold, Die Dolchstoßlegende 2. Auflage, Berlin, 1963
  • (de) Boris Barth, Dolchstoßlegenden und politische Desintegration : Das Trauma der deutschen Niederlage im Ersten Weltkrieg 1914 - 1933, Düsseldorf, Droste Verlag, 2003 (ISBN 3-7700-1615-7) 
  • (de) Klaus Theweleit, Männerphantasien 2 volumes (ISBN 3-492-23041-5).

Articles connexes

Liens externes


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