- Indochine française
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Pour les articles homonymes, voir Indochine (homonymie).
Union indochinoise[1]
Liên bang Đông DươngDrapeau
Carte de localisation de l'Indochine française
Informations générales Statut Fédération française de quatre protectorats et d'une colonie; à partir de 1946 : fédération d'États associés de l'Union française Capitale Hanoi (1902-1953)
Saigon (1887-1901)Langue français, vietnamien, khmer, laotien Monnaie piastre indochinoise Superficie Superficie 1945 ~ 737 000 km² Histoire et évènements Octobre 1887 Création 1899 Ajout du Protectorat du Laos 9 mars 1945 Coup de force des Japonais 6 juillet 1946 Début de la Conférence de Fontainebleau Novembre-décembre 1946 Début de la Guerre d'Indochine 9 novembre 1953 Indépendance du Cambodge 21 juillet 1954 Accords de Genève, fin de la fédération, division du Viêt Nam Entités précédentes :
- Annam (1887)
- Cambodge (1887)
- Cochinchine (1887)
- Tonkin (1887)
- Laos (1893)
- Kouang-Tchéou-Wan (1898)
Entités suivantes :
- Royaume du Cambodge (1953)
- Royaume du Laos (1954)
- République démocratique du Viêt Nam (1954)
- État du Viêt Nam (1949)
L'Indochine française (Đông Dương thuộc Pháp en vietnamien) est une ancienne colonie française, création de l'administration coloniale, regroupant :
- le Tonkin, l'Annam et la Cochinchine, regroupés à partir de 1949 au sein de l'État du Viêt Nam (territoire identique a celui de l'actuelle République socialiste du Viêt Nam)
- le Protectorat du Laos ;
- le Protectorat du Cambodge;
- et Kouang-Tchéou-Wan.
Souvent, on l'appelle simplement « Indochine », ce qui crée une confusion avec la notion géographique d'Indochine – ou péninsule indochinoise – qui désigne les pays situés entre l'Inde et la Chine, soit les pays sus-cités ainsi que la Birmanie, la Thaïlande et une partie de la Malaisie.
Le Siam, devenu Thaïlande en 1939, affichant par ce changement ses revendications sur le peuplement thaï du Protectorat français du Laos (« le pays thaï ») et du nord-ouest du Cambodge, était un État tampon entre l'Indochine française, qui allait du Siam à la mer de Chine méridionale, et l'Indochine britannique, c'est-à-dire la Birmanie.
En 1941, la Thaïlande était l'allié de l'Empire du Japon dont le chemin de fer de Birmanie (du Siam aux Indes britanniques) était prévu pour la logistique des troupes japonaises dans leur marche vers l'Inde pendant la Seconde Guerre mondiale. « Le pont de la rivière Kwai » se trouve toujours en Thaïlande.
Statuts
La création de l'Indochine française, plus précisément Union indochinoise, résulte du décret du 17 octobre 1887, créant le « gouverneur général civil de l'Indo-Chine » et confiant à celui-ci « l'administration supérieure de la colonie de la Cochinchine et des protectorats du Tonkin, de l'Annam et du Cambodge ».
À l'intérieur de cette entité, le Laos (régime mixte) et le Cambodge (protectorat, monarchie sous tutelle française) gardent leur nom, mais le Viêt Nam n'existait pas en tant que tel. Trois États occupaient son territoire :
- le Tonkin (du vietnamien Đông Kinh, « capitale de l'Est »), régime mixte ;
- l'Annam (« Sud tranquille », l'un des noms du Viêt Nam sous occupation chinoise), protectorat (monarchie sous tutelle française) ;
- la Cochinchine (contrée nommée ainsi parce que située sur la route maritime entre Cochin sur la côte orientale de l'Inde, et la Chine), colonie.
Population
Dans cette entité, les peuples Viêt, Khmer et Lao sont majoritaires. Les minorités (Muong, Tay, Cham, Rhade, Jarai, etc.) sont principalement présentes dans les zones montagneuses. Les Chinois, bien présents dans les villes, sont des commerçants très actifs. L'ensemble compte environ 12 millions d'habitants à la fin du XIXe siècle, puis 16,4 millions en 1913. Plus de 95% de la population est rurale, ce qui rend les décomptes et recensements difficiles.
La religion dominante est le bouddhisme, fortement influencé par le confucianisme chinois. Pendant la période coloniale, les missions catholiques, très actives, ont obtenu de nombreuses conversions surtout au Tonkin. Dans la première moitié du XXe siècle sont apparues de nouvelles religions comme le Caodaïsme, syncrétismes de croyances occidentales et asiatiques.
La population coloniale française, en 1940 (présence maximale), n'est que de 34 000 individus. Contrairement à l'Algérie française (1 million d'Européens contre 9 millions d'Algériens en 1954), l'Indochine française ne fut une colonie de peuplement qu'au début de la colonisation française, mais elle se transformera vite en une colonie d'exploitation économique en raison de la présence de plusieurs ressources naturelles qui allaient enrichir la France durant les années de sa domination sur le Laos, le Cambodge, le Tonkin, l'Annam et la Cochinchine.
Économie
Introduction
L'Indochine était une colonie d'exploitation. Le général Pasquier a affirmé ainsi : « Il faut que les profits de l'Indochine reviennent aux Français ». On y prélève des impôts (impôt foncier, capitation, taxes locales), mais surtout, l'administration française a le monopole des commerces de l'opium, du sel et de l'alcool de riz. Ce monopole compte pour 44% dans les rentrées du budget en 1920, et 20% en 1930. Du côté financier, la banque de l'Indochine, fondée en 1875, banque privée française, domine l'ensemble de l'économie vietnamienne. Elle dispose du monopole de la frappe de la piastre indochinoise. L'Indochine est, après l'Algérie, la colonie qui reçoit le plus d'investissements français (6,7 milliards de francs-or en 1940). Au cours des années 1930, les Français exploitaient différentes ressources naturelles dans les pays formant l'Indochine française. Par exemple, on trouvait au Cambodge du riz et du poivre. Le Viêt-Nam (qui était formé de la Cochinchine, de l'Annam et du Tonkin), quant à lui, permettait aux Français de mettre la main sur du thé, du riz, du charbon, du café, du poivre, de l'hévéa, du zinc et de l'étain. Le Laos était le seul pays de l'Indochine à n'avoir aucun potentiel économique aux yeux de la France.
Marché du caoutchouc
Au début du XXe siècle, les besoins de l'industrie automobile favorisent l'essor du caoutchouc indochinois. Une activité qui bénéficie de l'afflux de capitaux attirés par l'annonce de fabuleux bénéfices. Dans l'histoire de la présence française en Indochine, l'exploitation de l'hévéa, le « bois qui pleure », occupe une place particulière. En effet, le caoutchouc fait figure de symbole de la réussite coloniale, puisqu'il garantira une source de revenu pour la France. L'importance des superficies plantées, l'envol des exportations, les progrès de la recherche agronomique, les dividendes rapportés témoignent des succès obtenus par la culture de l'hévéa dans la péninsule indochinoise. Cette entreprise est vécue, au moins dans les premiers temps, comme une véritable aventure par les planteurs, fiers de voir reculer une nature jugée hostile au profit d'une culture bien ordonnée et servant le progrès industriel. Toutefois, il est aussi important de savoir que le caoutchouc est aussi le symbole du rejet de la domination française, exprimé par les ouvriers des plantations dans les années 1930.
Les premières grandes plantations apparaissent au début du XXe siècle. Les troncs droits à l'écorce grise s'élancent le long de lignes monotones dans les terres méridionales de la péninsule, d'abord dans les « terres grises » situées à proximité des grands centres habités, puis dans les « terres rouges », plus riches mais aussi plus lointaines, moins peuplées, exigeant plus de travail, plus de capitaux et posant le problème du recrutement de la main-d'œuvre. L'armée des saigneurs s'avance à l'aube, incise l'écorce et recueille la sève de plusieurs centaines d'arbres. Le latex ainsi ramassé est apporté à l'usine, installé au cœur de la plantation, où il est mêlé à de l'acide. La coagulation effectuée, la précieuse substance est passée dans les laminoirs puis séchée et emballée. Ce sont les besoins croissants en caoutchouc des fabricants de bicyclettes puis de l'industrie automobile, mais surtout, l'annonce des 100 000 francs de bénéfices que réalisa en 1906 Belland, le commissaire central de la Sûreté de Saïgon, lequel avait fait planter des hévéas dès 1898, qui fit naître des vocations. D'importantes sociétés voient alors le jour, telle la Société des plantations des terres rouges ou la Société des plantations d'hévéas. Toutefois, une société de l'envergure de Michelin n'investit qu'en 1925 en Indochine.
Ceci étant dit, ce n'est que des années 1920, ou en d'autres mots les Années Folles, que date le véritable essor du caoutchouc indochinois : il faut en effet compter six à sept années entre le moment où la terre est défrichée et celui où les arbres produisent. Les exportations de caoutchouc de la péninsule deviennent alors substantielles, d'autant plus que les planteurs profitent de cours mondiaux en hausse en 1925 et 1926. Dans le même temps, on assiste à l'arrivée massive de capitaux métropolitains en Indochine, attirés par des taux de profit élevés. Bénéficiant de prix rémunérateurs et de capitaux croissants, les planteurs multiplient les surfaces consacrées à la culture de l'hévéa. Cependant, le marché mondial connaît des fluctuations brutales avec les débuts de la crise et l'effondrement de la demande des plus gros consommateurs mondiaux, les États-Unis en particulier. À partir de 1930, le cours du caoutchouc descend en dessous de celui de 1922, et le gouvernement général de l'Indochine est appelé à l'aide. Les autorités accordent des primes, des prêts, veillent à ce que la réglementation internationale mise en œuvre à partir de 1934 ne lèse pas les intérêts des sociétés françaises. La Banque d'Indochine intervient, elle, en accordant des avances et en se rendant parfois maîtresse des plantations.
Finalement, passé le cap des turbulences de la crise du krach boursier de 1929 qui avait commencé aux États-Unis, la culture de l'hévéa en Indochine prend un nouvel essor, au prix d'une concentration accrue des sociétés. Les planteurs ne misent plus tant sur des cours exceptionnels que sur une production massive, permise par la mise en saignée des surfaces plantées avant la crise mais aussi par l'amélioration des rendements. En 1939, l'Indochine exporte huit fois plus de caoutchouc qu'une quinzaine d'années auparavant ; cela représente plus du quart de la valeur des exportations totales de la péninsule, contre moins de 5 % en 1924. À partir de 1941, les troubles entraînés par l'invasion japonaise (1940) puis la guerre d'Indochine perturbent production et exportation. Toutefois, il n'est pas mis un terme à l'activité des plantations. Celle-ci se maintient jusque dans les années 1970. Entre-temps, l'avenir du caoutchouc naturel semble compromis par un recours croissant au caoutchouc « régénéré » fabriqué soit à partir d'articles de récupération, soit de façon synthétique. Ces procédés sont employés par les États-Unis lors du conflit mondial puis des guerres d'indépendance en Asie. Cependant, les Américains veillent, période de la Guerre froide oblige, à ne pas bouleverser les économies du Sud-Est asiatique et continuent donc à s'approvisionner en caoutchouc de plantation. Dès 1962, le caoutchouc synthétique rejoint le caoutchouc naturel dans la consommation mondiale. Aujourd'hui les deux types apparaissent comme des produits plus complémentaires que concurrentiels.
Condition de vie des travailleurs de la culture d'hévéa
Durant la colonisation de l'Indochine, les Français s'y rendaient surtout pour l'exploitation de l'hévéa qui permettait de produire des caoutchoucs. De toute évidence, les colonisateurs français faisaient toujours appel à des travailleurs vietnamiens, puisque l'hévéa se trouvait au Viêt-Nam, ou plutôt en Cochinchine si les divisions coloniales sont prises en considération. En 1932, Andrée Viollis (1879-1950), une journaliste féministe française travaillant au quotidien Petit Parisien accompagna Paul Reynaud, ministre des Colonies, en Indochine. À son retour, elle publia Quelques notes sur l'Indochine dans la revue Esprit, puis, chez la maison d'édition Gallimard, en 1935, son livre Indochine SOS. Elle y dénonce les méthodes de la colonisation française :
« Vous pouvez me croire, dit-il. J'ai vécu, moi comme employé des plantations. À Kratié, là-bas, au Cambodge, à Thudaumot, à Phu-Quoc… J'ai vu ces malheureux paysans du Tonkin, si sobres, si vaillants, arriver joyeux sous la conduite de leurs bandits de cais, avec l'espoir de manger à leur faim, de rapporter quelques sous dans leurs villages. Au bout de trois ou quatre ans, ce ne sont plus que des loques : la malaria, le béribéri ! Ils essaient de marcher sur leurs jambes enflées d'œdèmes, rongées, traversées par une espèce de sale insecte, le san-quang; le rendement diminue-t-il avec leurs forces ou protestent-ils contre trop de misère ? Les cais les attachent à des troncs d'arbres, des piloris, où ils restent tout le jour à jeun, après avoir fait connaissance des rotins des cadouilles, qui font saigner la peau flasque de leurs pauvres carcasses.
Le matin, à l'aube, quand la fatigue les tient collés à leur bat-flanc, où ils ont essayé de dormir malgré les moustiques qui tuent, on vient les chasser des tanières où ils sont entassés, comme on ne chasse pas des troupeaux de l'étable.
À midi comme au soir, quand on leur distribue leur ration de riz souvent allégée d'une centaine de grammes, ils doivent d'abord préparer le repas des cais et, la dernière bouchée avalée, se remettre à la corvée, même couverts de plaies à mouches, même grelottants de fièvre. Tout cela pour 1 fr. 20 à 2 francs par jour qu'ils ne touchent jamais entièrement à cause des retenues, des amendes, des achats. […] Leur correspondance est lue, traduite et souvent supprimée. Peu de nouvelles de leurs familles. La plupart ne la revoient jamais ou, s'ils regagnent leur village, ce sont de véritables épaves, sans argent et sans forces, qui reviennent pour mourir ; mais auparavant, ils sèment autour d'eux des germes de maladie, de révolte, de haine… C'est comme ça qu'on prépare les révolutions. »— Andrée Viollis, Indochine SOS, nlle édition, Les éditeurs français réunis, 1949, p. 115-116
Histoire
Les premiers missionnaires catholiques de nationalités portugaise, espagnole, italienne et française mirent le pied en Indochine au XVIIe siècle. Ce sont en grande partie des Jésuites, comme Alexandre de Rhodes, qui érigea la base des transcriptions en alphabet latin de l'écriture vietnamienne (voir Quốc ngữ). Contrairement à ce que l'on pense souvent, ce ne sont pas les colonisateurs français qui ont forcé les Vietnamiens à adopter l'alphabet latin au détriment de l'ancien système d'écriture qui était fondé sur les idéogrammes chinois, comme en Corée et au Japon. Les lettrés de la cour de Hué (ou celles antérieures) qui se présentaient au concours triennal pour être mandarins, étaient des érudits et écrivaient en caractères chinois. De fait, l'Empire du Milieu a occupé son vassal du sud-est pendant plus de 1000 ans, et imposé culture et coutumes chinois. C'est pourquoi lorsque dans les années 1620, le père Alexandre de Rhodes mit au point une écriture vietnamienne fondée sur l'alphabet latin, les Vietnamiens y virent non seulement une considérable simplification de l'écriture, mais surtout un moyen de s'émanciper de la tutelle culturelle chinoise. Toutefois, l'enseignement du han-ngu, le système d'idéogrammes chinois, continue dans les écoles. L'intellectuel vietnamien est profondément imprégné de la culture confucéenne, du taoïsme, etc. Témoins ces bannières rouges portant des maximes en caractères chinois en jaune fleurissent partout, sur tous les frontons des pagodes, sur l'autel des ancêtres, dans toutes les cérémonies officielles ou non. Par ailleurs, le père Alexandre de Rhodes avait fait la même tentative de transcription du chinois, mais peu de Chinois l'ont adoptée. Malgré les réticences d'intellectuels qui percevaient l'alphabet latin comme le signe d'une nouvelle tutelle, il s'imposa peu à peu, grâce à quoi le taux d'alphabétisme s'éleva lentement mais sûrement. Au XIXe siècle, à la veille de la conquête française, le Viêt-Nam est un empire, dirigé par la dynastie des Nguyễn et s'étendait du nord au sud de la péninsule indochinoise, sur sa côte orientale, du delta du Fleuve Rouge jusqu'à celui du Mékong. Il est bordé, à l'ouest, par le Protectorat du Laos, morcelé en principautés, et, au sud-ouest, par le royaume khmer, hindouisé, qui était entré dans une période de décadence.
Chronologie de la conquête
- Début XVIIe siècle : Arrivée des missionnaires catholiques.
- 1858 : Première intervention des Français et conquête de la Cochinchine.
- 5 juin 1862 : Traité avec le Viêt-Nam. La France se fait remettre plusieurs provinces qui constitueront la Cochinchine.
- 1863 : Le Cambodge est placé sous protectorat français.
- 1881-1885 : Guerre franco-chinoise.
- 1884 : L'Annam est placé sous protectorat français
- 1887 : La région est baptisée « Union indochinoise ».
- 1887-1893 : Lutte entre Français et Siamois ; les pays Lao sont placés sous protectorat français.
- 1896 : Fin de la conquête, d'un point de vue militaire.
- 1907 : Le Cambodge récupère sur le Siam les provinces de Battambang et Siem Reap : frontières de l'Indochine française jusqu'à la guerre franco-thaÎe de 1941.
La conquête
Les premières interventions françaises remontent à 1858, à l'époque du Second Empire (1852-1871) avec comme prétexte la protection des missionnaires (des communautés chrétiennes y avaient été fondées dès le XVIIe siècle), mais dans la troupe d'invasion se trouvait un très grand nombre de soldats espagnols. La première intervention fut la prise de Tourane (Danang) et celle de Saigon. Toutefois, les intérêts économiques français (thé, café, charbon, caoutchouc) se trouvaient au centre de la conquête de l'Indochine, car les membres de la Chambre de commerce de Marseille avaient affirmé leur intention de « faire de Saïgon un Singapour », qui était une colonie britannique à cette époque. Dans les milieux d'affaires liés aux républicains opportunistes, de Léon Gambetta à Jules Ferry, pour qui la colonisation devait permettre de résoudre la crise des débouchés industriels, le Tonkin semblait être un tremplin vers l'immense marché chinois. En effet, des négociants comme Jean Dupuis, des soyeux de Lyon comme Ulysse Pila, de grands groupes industriels et financiers (Fives-Lille, Société de Construction des Batignolles, Comptoir national d'escompte, Société générale, Crédit lyonnais, Paribas) souhaitaient se tailler une sphère d'influence en Chine. L'armée française prit progressivement possession des pays de la péninsule indochinoise qu'ils baptisèrent en 1887 « Union indochinoise ». Cette union comprenait cinq pays, en partie des créations coloniales : le Cambodge, le Laos (à partir de 1893), la Cochinchine, l'Annam et le Tonkin. Alors qu'elle était une colonie de peuplement dès le début, la colonisation de l'Indochine par la France devint très rapidement une colonie d'exploitation de nature économique. De septembre 1881 à juin 1885 eu lieu la guerre franco-chinoise.
En raison de certaines difficultés, les troupes françaises procédèrent à une évacuation en mars 1885 à Lang Son. Dans un article du périodique L'Histoire paru en octobre 1996, Jean-Michel Gaillard écrit que, pendant ce temps à Paris, en pleine nuit, le 28 mars 1885, Jules Ferry, président du Conseil depuis le 21 février 1883 et ministre des Affaires étrangères depuis le 20 novembre 1883, reçut un appel de Gabriel Hanotaux, homme de confiance de Ferry et membre de son cabinet chargé des dossiers extérieurs, qui lui donnait la teneur d'une dépêche venant de Hanoï. Gaillard ajoute aussi dans sa chronique qu'il était possible de lire dans cette dépêche, qui fut signée par le général commandant les forces françaises en Indochine Brière de l'Isle, ce message : « Je vous annonce avec douleur que le général de Négrier, grièvement blessé, a été contraint d'évacuer Lang Son. Les Chinois, débouchant par grandes masses sur trois colonnes, ont attaqué avec impétuosité nos positions en avant de Ki Lua. Le colonel Herbinger, devant cette grande supériorité numérique et ayant épuisé ses munitions, m'informe qu'il est obligé de rétrograder sur Dong Song et Than Moï. […] L'ennemi grossit toujours sur le Song Koï [fleuve Rouge]. Quoi qu'il arrive, j'espère pouvoir défendre tout le delta. Je demande au gouvernement de m'envoyer le plus tôt possible de nouveaux renforts »[2].
En se rendant sur-le-champ au Quai d'Orsay, le lieu de résidence de Jules Ferry, il pénétra dans les appartements de celui-ci et lui délivra le contenu de la dépêche. Pour Jules Ferry, cet événement annonçait la chute du cabinet, car il indiqua à Gabriel Hanotaux qu'ils n'avaient plus qu'à porter la démission au président de la République française. Le 29 mars au matin, tout Paris bruit du « désastre de Lang Son ». On parla de 1 800 soldats français tués, blessés ou prisonniers. On dit l'armée française en déroute. On évoqua des hordes chinoises déferlant sur le Tonkin. Pour beaucoup, c'était Sedan outre-mer. L'humiliation qu'aurait constituée une telle défaite était à la mesure de l'enjeu que représentait le Tonkin et de la façon dont le cabinet Ferry en avait géré la conquête. Depuis une décennie, forte de ses positions en Cochinchine et au Cambodge, la France tenait à mettre la main sur le Tonkin, car cette zone du delta du fleuve Rouge commandait l'accès au Yunnan et à la Chine du Sud. De plus, les richesses agricoles et minières du Tonkin tentaient les milieux d'affaires. L'accès au marché chinois, que les Britanniques voulaient atteindre en reliant la Birmanie au Yunnan, devint une priorité. Évidemment, pour les missionnaires catholiques, la conquête du Tonkin représentait pour eux un moyen pour protéger les minorités chrétiennes du Viêt Nam qui étaient persécutées. Tout poussa donc à envahir le Tonkin, comme Léon Gambetta (1838-1882) y invitait déjà en 1880 dans son journal, La République française: « Il faudra […] que la France s'établisse au Tonkin afin de mettre la main sur l'Annam, sur le royaume de Siam et sur la Birmanie, et d'avoir ainsi barre sur les Indes et d'aider la civilisation européenne contre la race jaune. »
Dès lors, les crédits de la Chambre ne manquèrent pas pour mener à bien l'opération. La France, sortie du recueillement qui avait suivi la défaite de 1870, était déjà lancée, comme les autres nations européennes, dans une grande aventure outre-mer, en Afrique et en Asie. Lorsque Jules Ferry revint au pouvoir en février 1883, la décision d'asseoir le contrôle de la France sur le Tonkin fut prise, au risque d'un affrontement avec la Chine. De fait, de novembre 1883 à mai 1884, Français et Chinois se battirent. Le 11 mai 1884, le traité de Tianjin entérina la victoire française : la Chine retira ses troupes, reconnût le protectorat français et ouvrit ses frontières au commerce. Ferry avait fait du Tonkin son affaire. Il avait mené la conquête à coups de diplomatie secrète, de raids militaires, de débats parlementaires pour arracher les crédits nécessaires. Pour lui, c'était un triomphe qui serait de courte durée. La Chine rechigna à suivre le traité de Tianjin et à retirer ses troupes. Par conséquent, cela obligea Jules Ferry à poursuivre la guerre, la négociation secrète, envoyant toujours plus de soldats, consommant toujours plus d'argent. Au début de l'année 1885, la presse s'inquiéta et la majorité s'interrogea, l'une et l'autre ne sachant pas ce qui se passait vraiment sur le terrain.
Ferry décida de conduire sa politique en solitaire. Il choisit de conquérir Lang Son (poste-clé situé près de la frontière chinoise, qui commandait l'accès au delta du fleuve Rouge et donc la sécurité du Tonkin contre les incursions chinoises qui étaient toujours venues de là), et de s'approcher des frontières chinoises pour forcer la Chine à céder enfin. Ce fut chose faite fin février 1885. Fort de ses succès militaires, Ferry négocia en secret avec les Chinois, à Berlin, puis à Londres et à Paris. Les concessions de la Chine allaient au-delà du traité de Tianjin. La France mit la main sur l'Annam ; routes, canaux, voies ferrés du Tonkin furent prolongés en Chine : le rêve du Tonkinois fut réalisé. L'accord secret d'armistice fut conclu le 25 mars. Le gouvernement chinois signa officiellement le 30. Tout ceci fut ignoré par la Chambre, la presse, l'opinion publique qui n'avaient pas idée de ce qui s'était passé en coulisses, comme le disait Jean-Michel Gaillard dans une chronique publiée dans le magazine L'Histoire intitulée Le désastre de Lang Son.
Quand la nouvelle du « désastre de Lang Son » fit le tour de Paris, Ferry joua sa survie politique. Hanotaux le pressa de dire la vérité. Mais le président du Conseil craignit, s'il annonçait la signature du traité avant sa ratification prévue le 30 mars, de voir « la Chine reprendre ses manœuvres dilatoires ». Le 29 mars au soir, le cabinet tient conseil : on allait demander de nouveaux crédits militaires à la Chambre. La journée du 30 mars serait donc décisive. Jules Ferry dut intervenir devant les députés à 15 heures. Il savait déjà que la dépêche du 28 mars était exagérée. Des nouvelles rassurantes arrivèrent de Hanoï : la situation militaire au Tonkin était loin d'être aussi mauvaise qu'on l'avait cru. Toutefois, la ville de Paris fut très agitée. Les gens s'arrachèrent les journaux, la foule gronda, des tramways furent arrêtés, des affiches placardées sur les murs : « Mort à Ferry ! À bas Ferry, le lâche ! » Trois mille personnes se rassemblèrent en début d'après-midi aux abords du Palais-Bourbon et au Quai d'Orsay. À la Bourse, les valeurs chutèrent. À 15 heures. Ferry gravit les marches qui le menaient à la tribune de l'hémicycle. Dès qu'il se mit à parler, les clameurs cessèrent. Il rassura sur la situation militaire, demanda un nouveau crédit de deux cents millions pour « la guerre de Chine » et annonça : « Pour ne mêler à un débat, qui doit demeurer exclusivement patriotique et national […] aucune considération d'ordre secondaire pour réunir dans un effort commun tous ceux qui, sur quelque banc qu'ils siègent et à quelque opinion qu'ils appartiennent, font passer avant toute chose la grandeur du pays et l'honneur du drapeau, nous vous déclarons que nous considérons nullement le vote des crédits comme un vote de confiance […] et que, si la politique énergique à laquelle nous vous convions est agréée par vous, en principe, vous pourrez déterminer librement par un vote ultérieur à quelles mains vous entendez en confier l'exécution. »
Lorsque le discours de Jules Ferry toucha à sa fin, les huées redoublèrent. Georges Clemenceau (1841-1929), irréductible ennemi politique de Ferry, bondit de son banc de député et commença un réquisitoire contre Ferry : « Je ne viens pas répondre à M. le président du Conseil. J'estime qu'à l'heure présente aucun débat ne peut s'engager entre le ministère à la tête duquel il est placé et un membre républicain de cette Chambre. Oui, tout débat est fini entre nous. Nous ne pouvons plus discuter avec vous des grands intérêts de la patrie. Nous ne vous connaissons plus. Nous ne voulons plus vous connaître. […] Ce n'est pas un ministre que j'ai devant moi, ce sont des accusés. Ce sont des accusés de haute trahison sur lesquels, s'il subsiste en France un principe de responsabilité et de justice, la main de la loi ne tardera pas à s'abattre. »
La Chambre n'accorda donc les crédits militaires qu'après le départ du ministère Ferry. Par 306 voix contre 149, il fut mis en minorité. La majorité qui avait soutenu Jules Ferry depuis plus de deux ans l'avait abandonné. Ferry prit brièvement la parole, annonça qu'il allait remettre sa démission. Pris à partie par les députés, tandis qu'au-dehors la foule grondait, il traversa le jardin du Palais-Bourbon pour échapper à la vindicte, pénétra dans la cour du Quai d'Orsay, monta dans sa voiture et gagna l'Élysée par le pont Alexandre-III. Le président de la République française, Jules Grévy (1807-1891), accepta la démission de Jules Ferry.
À la nouvelle de la démission de Jules Ferry, les Parisiens s'enflammèrent de joie. Par exemple, la foule hurla : « À bas Ferry! Vive la France! À mort Ferry! » Lorsque Georges Clemenceau sortit du Palais-Bourbon, il fut longuement acclamé. Au lendemain de cette journée, le quotidien Le Figaro écrivit: « C'est sous les huées, à coups de pied au derrière, avec le mépris de sa propre majorité que M. Jules Ferry s'est effondré piteusement, misérablement, sans lutte, sans débat, comme une vessie qui se dégonfle. » Pourtant, au moment où paraissaient ces lignes, la vérité éclata : un télégramme diplomatique venu de Pékin confirma l'accord de la Chine sur le traité d'armistice conclu le 25 mars 1885 ; un autre de Hanoï réduisit la « défaite de Lang Son » à de plus justes proportions: « Évacuation Lang Son et surtout précipitation retraite dues à faiblesse de commandement, tout cela après réussite contre-attaque sans pertes sensibles; en somme situation non compromise » . Curieuse ironie de l'histoire. Ferry avait été victime de sa diplomatie secrète (réussie, mais un jour trop tard), et de l'incurie des chefs militaires qui avaient mal manœuvré sur le terrain, et gonflé le récit de l'attaque chinoise pour expliquer leur retrait.
Instauration des divisions administratives françaises sur l'Indochine
Le 6 avril 1885 s'installe un nouveau ministère républicain dirigé par Henri Brisson (avril-décembre 1885), député radical depuis 1876. En peu de jours, le calme est revenu à Paris. Le protectorat français sur toute l'Indochine est acquis, les préliminaires de la paix avec l'Empire Chinois des Qing ayant été conclus le 4 avril de cette année. Le 9 juin, le nouveau traité de Tianjin est signé, la France finit par mettre la main sur le Tonkin. Malgré le mauvais souvenir de ces ides de mars qui ont causé sa mort politique, Jules Ferry, qui a voulu cette conquête, en a toujours revendiqué la paternité. Cinq ans plus tard, les passions apaisées, il est redevenu « le Tonkinois », mais dans un tout autre sens que celui qui prévalait en 1885. Il vient d'être choisi par les Français du Tonkin comme leur délégué au Conseil supérieur des colonies (Assemblée consultative des intérêts coloniaux qui groupe des représentants désignés par les Français d'outre-mer). Au même moment, il préface le livre de Léon Sentupery, Le Tonkin et la mère patrie, et termine son texte en affirmant porter « fièrement le titre de Tonkinois dont les méchants et les sots croient faire outrage ».
Deux ans plus tard, l'Indochine est devenue un sujet de consensus. Le 20 janvier 1892, il écrit aux colons dont il est le représentant, après le vote des crédits par la Chambre : « Il n'est pas besoin d'insister, j'imagine, sur la portée politique et financière de ces fermes résolutions. Mais il faut noter, comme la révélation d'un état d'esprit assurément nouveau, la facilité inattendue avec laquelle ces mesures nécessaires se sont réalisées. […] Il s'est formé dans la Chambre des députés une majorité de « coloniaux » incontestable et incontestée ; les nouveaux venus, les jeunes députés, lui sont presque tous acquis. C'est un des nouveaux élus, un jeune, M. Delcassé - gardez ce nom - qui a défendu votre cause devant la Chambre. Il l'a fait sans faiblesse et sans réticence, non seulement avec talent, mais avec autorité: l'autorité d'un homme nouveau, qui juge avec franchise, courage et bon sens, les querelles et les erreurs de ses aînés. Il n'y a pas de risque, je vous l'atteste que ces nouvelles générations républicaines méconnaissent, comme l'ont fait trop souvent leurs devancières, les grandeurs et les espérances de la politique coloniale. » L'Indochine finira par devenir un des fleurons de l'Empire français et une large et constante majorité politique soutiendra les ambitions coloniales de la République française. Sur le plan militaire, la conquête de l'Indochine, qui progressa du Sud vers l'ouest et le nord de la péninsule, fut officiellement achevée en 1896, mais la pacification de la région ne fut réelle qu'à la fin de la Première Guerre mondiale. Pour autant, les acteurs de la conquête, tels que les généraux Joseph Gallieni (en Indochine de 1893 à 1895) et Théophile Pennequin (en Indochine de 1888 à 1898 puis de 1904 à 1913[3]), ne se faisaient aucune illusion sur l'avenir des possessions coloniales qui, pour eux, étaient appelées à reprendre leur indépendance un jour. Le 15 juillet 1910, le naufrage de la chaloupe-canonnière La Grandière sur les rapides du Mékong provoque la mort du gouverneur militaire de Saïgon, le général Léon de Beylié, du médecin-major Vincent Rouffiandis et de deux matelots.
Après des années d'hésitation entre l'administration directe (le statut de colonie) ou indirecte (le régime du protectorat), les Français choisirent le « protectorat » pour le Cambodge et l'Annam. Ce mode de contrôle indirect d'une société colonisée reconnaissait la validité des institutions existantes et la nécessité de les utiliser. En même temps, il permettait d'alléger les dépenses de la France, mais le protectorat se mua rapidement en administration directe. Seule la Cochinchine fut à proprement à parler une colonie. Le Tonkin et le Laos eurent un régime mixte. Mais les monarchies indochinoises furent réduites à des formes vidées de leur substance: une administration coloniale dirigeait en fait le pays, sous la responsabilité du gouverneur général et du ministère des Colonies. Dans leurs Mémoires, l'empereur d'Annam, Bao Daï (intronisé par les Français en 1932) et le roi du Cambodge Norodom Sihanouk (intronisé en 1941) ont évoqué avec humour leur rôle purement symbolique, qui leur permit à tous deux de mener des « vies de play-boy » pendant quelques années.
Les dernières conquêtes territoriales pacifiques de la France en Indochine furent les provinces de Mélou Prei et Tonlé Repou en 1904, de Battambang et Siem Reap en 1907, toutes rattachées au Cambodge.
Un traité conclu en 1896 par la France et le Royaume-Uni, prévoyait l'extension territoriale de leurs colonies et protectorats respectifs. Ce traité prévoyait la réunion au profit de la Birmanie du nord-ouest du Siam, et au profit de la Malaisie britannique, des provinces du sud récemment annexées par le Siam. La France de son côté, devait étendre son influence à tout le nord-est du Siam (Isaan). Le Siam aurait donc constitué selon les modalitées de ce traité, un état-tampon entre les possession britanniques et française en Indochine. Finalement, seuls quelques territoires furent rattachés à la Birmanie, et les provinces de Mélou Prei et Tonlé Repou furent rattachées au Cambodge en 1904, et les provinces de Battambang et Siem Reap en 1907.
En 1897, le gouverneur général Paul Doumer créa les structures administratives de l'Indochine, véritable État colonial, avec des services généraux et leurs annexes dans les cinq « pays », doté d'un budget général afin que la colonie ne pèse plus sur les finances de la France. À cette fin, Doumer organisa un système de prélèvement fiscal lourd et impopulaire. Devant l'insuffisance des rentrées de l'impôt foncier et de la capitation, et malgré une foule de taxes locales, l'administration s'arrogea le monopole du commerce de l'opium, du sel et de l'alcool de riz - les deux derniers étant essentiels pour la population indigène. Celui-ci fournit 20% des rentrées du budget jusqu'en 1930, avec des sommets de 36,5% en 1913 et 44% en 1920.
L'Indochine était une colonie d'exploitation et non de peuplement : la mise en valeur des ressources du pays débuta dès la fin de la conquête. Des négociants comme Jean Dupuis, de grands groupes industriels et financiers (Fives-Lille, société des Batignolles, Comptoir national d'escompte, Société générale, Crédit lyonnais) s'implantèrent en Indochine pour avoir un accès au marché interne de la Chine et l'achèvement du chemin de fer du Yunnan reliant Haiphong à Yunnanfou concrétisa leur stratégie. Albert Sarraut, gouverneur général de 1911 à 1914, puis de 1916 à 1919, ministre des Colonies à partir de 1919, s'en fit le héros. Il créa l'Agence économique de l'Indochine pour la propagande en direction des milieux d'affaires. Il élabora le plan d'équipement de la péninsule, dit plan Sarraut, en 1921. La Première Guerre mondiale, par l'importance de la contribution de l'Empire colonial à l'effort de guerre de la métropole française, confirma son intérêt économique.
Vie économique et développement des infrastructures
L'État français et les sociétés capitalistes jouèrent des rôles complémentaires dans cette œuvre de colonisation qui avait pour but de mettre en marche une exploitation économique. La Banque de l'Indochine (BIC) fondée en 1875 devint l'interlocutrice obligée du gouvernement général; elle contrôla de fait l'économie indochinoise. Bénéficiant d'un statut unique parmi les banques privées françaises, car dotée du privilège d'émission de la piastre indochinoise, la Banque de l'Indochine était à la fois une banque d'affaires et une société financière. Son domaine d'action s'étendait à l'Asie entière et au-delà. En 1937, elle était partie prenante dans presque toutes les entreprises économiques. De grandes firmes financières et industrielles métropolitaines, du groupe Rivaud, spécialisé dans les affaires caoutchières, à la société Michelin, investirent aussi en Indochine. De toutes les colonies, mise à part l'Algérie, ce fut elle qui reçut le plus d'investissements, évalués à 6,7 milliards de francs-or en 1940.
Le flux des investissements métropolitains convergea principalement vers les mines, les plantations d'hévéas, de thé et de café, ainsi que vers certaines industries de transformation: les textiles, les brasseries, les cigarettes, les distilleries et le ciment. Les transports et les voies de communication, essentiels à l'expansion de l'économie coloniale, bénéficièrent d'une attention particulière de la part de la France. Saïgon devint bientôt un grand port d'Extrême-Orient qui prit place au sixième rang des ports français en 1937 ; le chemin de fer relia Hanoï à Saïgon à partir de 1936 (Trans-Indochinois). En 1939, Saïgon n'était plus qu'à trente jours de bateau de Marseille, et à cinq jours d'avion de Paris. Le télégraphe sans fil, plus rapide que la télécommunication par câbles sous-marins, fonctionna à partir de 1921. Un effort fut également porté sur l'infrastructure routière et les réseaux de canaux.
Vie éducative et sociale
L'enseignement était l'autre instrument essentiel de la « conquête des cœurs et des esprits ». Dans ce domaine, les premières années furent dominées par la tentation de l'assimilation (faire des enfants d'Indochine de petits Français). Toutefois, dans les années 1920 et surtout 1930, du fait de la résistance rencontrée auprès de peuples de cultures anciennes, et aussi de la poussée en Europe de certaines idées subversives, des modifications furent apportées aux programmes d'enseignement. En 1930, le gouverneur général Pasquier exprimait ses doutes: « Depuis des milliers d'années, l'Asie possède son éthique personnelle, son art, sa métaphysique, ses rêves. Assimilera-t-elle jamais notre pensée grecque et romaine ? Est-ce possible ? Est-ce désirable ? […] Nous, Gaulois, nous étions des barbares. Et, à défaut de lumières propres, nous nous sommes éclairés, après quelques résistances, à celles qui venaient de Rome. Le liant du christianisme acheva la fusion. Mais en Asie, sans parler des éloignements de race, nous trouvons des âmes et des esprits pétris par la plus vieille civilisation du globe. »
Le prédécesseur de Pasquier, Alexandre Varenne, faisait même ces recommandations aux enseignants : « Ne leur enseignez pas que la France est leur patrie. […] Veillez qu'ils aient un enseignement asiatique qui leur soit utile dans leur pays. » Il en résulta un compromis : l'« enseignement franco-indigène », doté de trois degrés, primaire, secondaire et supérieur dont les effectifs ne cessèrent de progresser, sans compter que les écoles publiques étaient doublées d'établissements privés confessionnels ou laïques. Le nombre d'élèves de l'enseignement public au Viêt-Nam dans le primaire s'éleva de cent vingt-six mille en 1920 à plus de sept cents mille en 1943-1944. Dans le secondaire, de cent vingt-et-un en 1919, leur nombre atteignit six mille cinq cent-cinquante en 1943-1944. Au Cambodge, quinze mille sept cents enfants étaient scolarisés dans le primaire public en 1930; ils étaient trente-deux mille en 1945. En outre, c'est également au Cambodge que l'instituteur français Louis Manipoud réforma avec succès les écoles de pagodes (bouddhiques) en introduisant des matières dans le cursus traditionnel. Ces écoles rénovées accueillaient trente-huit mille élèves en 1939 et cinquante-trois mille en 1945. Toutefois, sauf en Cochinchine, les campagnes ne furent pas dotées d'un réseau scolaire serré et, en 1942, sept cent-trente-et-un mille enfants étaient scolarisés sur une population totale de 24,6 millions.
Au Viêt-Nam, l'enseignement du Quoc ngu[4], la langue vietnamienne transcrite en caractères latins, et du français fut généralisé. La suppression en 1919 des concours traditionnels de recrutement des mandarins contribua de façon déterminante à séparer les nouveaux lettrés de l'univers intellectuel et moral sino-vietnamien empreint de valeurs confucéennes[5]. Les Vietnamiens surent intégrer dans leur pensée les apports de la France - une pluralité de références intellectuelles et politiques -, et contrairement à ce que nous pouvons penser, ils furent les propres créateurs de leur culture moderne. Ainsi, une élite locale, en majorité des Vietnamiens et des citadins, émergea. En 1940, le groupe des diplômés de l'enseignement supérieur ou spécialisé était évalué à 5 000 personnes. L'université indochinoise connut elle aussi un accroissement d'effectifs (de 457 en 1938-1939, le nombre d'étudiants atteignit 1 575 en 1943-1944). On peut y ajouter les fonctionnaires (16 941 en 1941-1942), les enseignants (16 000 en 1941-1942), tous issus de l'enseignement primaire supérieur ou secondaire, ou de l'université indochinoise. Bien que minoritaires, ils formaient ce « tiers-état » auquel le gouverneur général Alexandre Varenne recommandait que l'on fît une place, considérant que, si des droits ne leur étaient pas octroyés, ils les réclameraient eux-mêmes. Mais les enfants de l'œuvre civilisatrice française, de formation équivalente ou à diplômes identiques, se voyaient refuser l'égalité de statut et de traitement avec les Français, car dans cette société coloniale, la minorité européenne occupait le sommet de la hiérarchie. Plus que la fortune, l'appartenance raciale était un indicateur du statut social d'une personne vivant en Indochine. Bien qu'un régime d'apartheid n'existât pas sous une perspective politique et juridique, une frontière invisible séparait les gens et les mettait à leur place dans la hiérarchie sociale. Par exemple, la liaison amoureuse que Marguerite Duras met en scène dans le roman L'Amant est une transgression du code de la société coloniale. En effet, cela paraissait plutôt normal qu'un Français prît une femme indochinoise pour concubine, souvent d'une manière temporaire, mais en revanche, une alliance même légitime entre une Française et un Indochinois était très mal perçue. Un Français se trouvant en Indochine vivait le plus souvent en célibataire. Dans ces conditions, il était inévitable que des couples se forment. Plus que les sentiments, ce furent les circonstances qui présidèrent à leur naissance.
À l'époque de la colonisation de l'Indochine, les Français, qui prenaient la décision de s'établir dans cette région asiatique, formaient une minorité: leur nombre ne dépassa jamais le seuil de 34 000 personnes (en 1940) sur une population totale de 22 655 000 habitants[6]. De toute évidence, ces Français fut en majorité des cadres de la fonction publique ou du secteur privé, et plus rarement des colons. En effet, en 1929, 6 000 fonctionnaires étaient présents en Indochine et leur principal privilège était le supplément colonial qui doublait la solde métropolitaine. Si le despotisme n'était pas pratiqué journellement par les Français et si un certain nombre d'entre eux avaient l'estime et l'affection des habitants indochinois de descendance ancestrale (Vietnamiens, Laotiens et Cambodgiens), il n'en demeurait pas moins qu'un Français coupable d'un meurtre sur la personne d'un Indochinois était frappé d'une peine relativement légère en vertu d'un « verdict de race » contre lequel le gouverneur général Albert Sarraut avait d'ailleurs mis en garde les juges. Si nous laissons de côté les facteurs conjoncturels, la politique coloniale française porte une lourde responsabilité dans la mesure où elle opposa une fin de non-recevoir aux Indochinois modérés comme aux radicaux. Faute de voir aboutir les revendications d'égalité et de liberté, exprimées dès 1906-1908 par un naturalisé français du nom de Gilbert Chieu, publiciste et entrepreneur, le mouvement s'amplifia dans les années 1920 où une partie de l'intelligentsia fut séduite par le marxisme-léninisme. Dans l'éventail des doctrines occidentales, ce dernier avait l'avantage d'offrir les réponses aux problèmes posés par la dépendance coloniale ; il trouvait un écho au sein de la paysannerie et du monde ouvrier, mais aussi un appui dans la métropole elle-même.
Condition de vie des paysans et situation économique dans les années 1930
Durant la période où les Français régnaient, sous une perspective coloniale, en Indochine, la situation des paysans se dégrada. Les surplus exportables furent désormais soumis aux fluctuations des prix sur les marchés régionaux et mondiaux. L'endettement et l'absence de titres de propriété favorisèrent l'accaparement des terres par les propriétaires les plus riches et les marchands, et le nombre des paysans sans terre alla en croissant. Parallèlement, l'économie coloniale ruina les structures traditionnelles d'organisation et d'entraide de la communauté paysanne: l'institution multiséculaire des rizières communales connut une forte érosion au point d'avoir pratiquement disparu en Cochinchine à la fin de la Seconde Guerre mondiale. La paysannerie manifesta ses frustrations de façon bruyante, voire violente, dès 1930-1931 en Cochinchine et dans le nord de l'Annam, puis à nouveau entre 1936 et 1938. Dans cette période, les paysans furent rejoints par les ouvriers. Faute de s'attaquer à la racine des maux dont souffraient les ruraux, l'administration coloniale était prisonnière de contradictions apparemment insolubles, qu'exprimait le gouverneur général Jules Brévié à propos de l'occupation de concessions par des paysans sans terre en 1938 : « Lorsque nous protégeons les droits des uns, nous commettons une injustice et portons atteinte à l'équité à l'égard des autres. Lorsque nous négligeons ces droits, nous violons la loi et condamnons nos méthodes. »
La main-d’œuvre des plantations, des usines et des mines formait un prolétariat composite avec, souvent, un pied dans la rizière et l’autre dans l’entreprise coloniale. Il était soumis à un régime de travail sévère : retenues sur salaire et châtiments corporels étaient assez fréquents. Si l’oppression patronale ne différait pas de celle d’autres pays, en Indochine, elle fut identifiée à la présence étrangère et alimenta le mouvement nationaliste et communiste. Dans les années 1930, celui-ci connut deux grandes poussées sous l’effet de la crise économique mondiale causée par le krach boursier en 1929, de l’extension des activités de la IIIe Internationale et de la stratégie « classe contre classe » du parti communiste français (PCF)[7]. Dans le même temps, une aile radicale de l’intelligentsia qui organisa les groupuscules communistes émergeait. En 1930, Nguyen Ai Quoc, le futur Ho Chi Minh, les unifia sous le nom de parti communiste indochinois (PCI), d’abord section du PCF puis, à partir de mai 1931, reconnu comme section de l’Internationale. À partir de 1936, le triomphe du Front populaire en France et l’orientation du front antifasciste, alors que la menace d’une invasion japonaise se dessinait en Extrême-Orient, redonnèrent vigueur à l’opposition. De même que la grande dépression économique qui toucha l’Indochine entre 1930 et 1934, et illustra la crise du régime capitaliste tout en démontrant la puissance de la Banque d’Indochine à laquelle le gouvernement français confia l’assainissement de l’économie et qui fut la principale bénéficiaire des faillites, des expropriations et de la concentration des entreprises.
Seconde Guerre mondiale (1939-1945)
Articles détaillés : Invasion japonaise de l'Indochine, Guerre franco-thaïlandaise, Histoire de l'Empire colonial français pendant la Seconde Guerre mondiale, Combats en Indochine (1945) et Révolution d'Août.La Seconde Guerre mondiale a été déterminante pour l'avenir de l'Indochine française. L'Empire du Japon, en guerre contre la Chine depuis 1937, profite de la défaite française en Europe (juin 1940) pour adresser un ultimatum aux Français. Il entend occuper la frontière nord de l'Indochine et couper la voie ferrée de Haïphong au Yunnan, une des voies de ravitaillement de Tchang Kaï-chek. Le gouverneur Catroux accepte, faute de moyens pour s'y opposer. Démis de ses fonctions le 26 juin 1940, il rejoindra la France libre. L'amiral Decoux, qui lui succède le 20 juillet 1940, est chargé d'appliquer à partir du 22 septembre l'accord passé le 30 août avec le Quartier-général impérial. Cet accord autorise la présence de 6 000 soldats japonais au Tonkin ainsi que l'utilisation d'aérodromes. En échange, le Japon reconnaît l'intégrité territoriale et la souveraineté française de principe en Indochine. Cet accord ne peut toutefois empêcher la violente occupation de Lang Son et le bombardement de Haiphong. L'Indochine reste sous l'autorité nominale de Vichy jusqu'en 1945.
Hô Chi Minh, nationaliste vietnamien fortement recherché par les autorités coloniales françaises à l’époque, crée en 1941 le Viêt-Minh par la fusion du Parti communiste indochinois (fondé en 1930) et d’éléments nationalistes. Il jette les bases d'une résistance à la fois antifrançaise et antijaponaise. Son mouvement se développera surtout à partir du début de 1945, grâce à l'aide matérielle des Américains.
Fin 1940, la guerre franco-thaïlandaise est déclenchée par la Thaïlande qui, armée par le Japon, profita de l'affaiblissement de la France depuis sa défaite face à l'Allemagne pour attaquer l'Indochine française. Le but était de récupérer les territoires situés au Laos et au Cambodge qui lui furent ravis par la France en 1893, 1902, 1904 et 1907 et de reconstituer le royaume d'Ayutthaya. Le 16 janvier 1941, à Phum Préav, se déroula une contre-offensive française lancée par le 5e régiment étranger d'infanterie qui, malgré une infériorité en hommes et en matériel du côté français fit subir de lourdes pertes aux forces thaïlandaises. Le lendemain, le 17 janvier 1941, la flottille de la Marine nationale en Indochine coula la flotte thaïe lors de la Bataille de Koh Chang. Mais sous la « médiation » nipponne, le 9 mai 1941, la France est contrainte de signer un traité de paix, par lequel elle abandonne à la Thaïlande les provinces de Battambang et de Siem Reap, enlevées au Cambodge, et celles de Champasak et Sayaburi, prises au Laos. Ces provinces seront restituées à l'Union indochinoise en 1945.
Le 29 juillet 1941, le Quartier-général impérial impose le stationnement de 75 000 hommes dans le sud de l'Indochine, l'utilisation de plusieurs ports et aéroports, ainsi qu'une coopération économique, conditions auxquelles se plie l'amiral Jean Decoux. Ce dernier appliquera par ailleurs sans état d'âme à l'Indochine les principes de la Révolution Nationale du maréchal Pétain. Les lois de Vichy contre les juifs, les francs-maçons, les gaullistes sont appliquées.
Entre la fin de 1944 et le début de 1945, une terrible famine, causée par des désastres naturels et aggravée par le contexte de la guerre, se déclenche au Tonkin et se prolonge durant toute l'année 1945, faisant un nombre important de victimes, évalué au minimum à plusieurs centaines de milliers.
Le 9 mars 1945, les garnisons françaises sont attaquées par surprise par l'armée impériale japonaise. Sur les 40 000 Français métropolitains dans la région dont 18 000 militaires, plus de 3 000 ont été tués en moins de 48 heures, parfois exécutés par décapitation à coups de sabre. Les six mois de captivité ont coûté la vie à plus de 1 500 disparus. Cette opération détruit l'administration coloniale. Le Japon encourage la formation de régimes nominalement indépendants, dans le cadre de sa sphère de co-prospérité de la grande Asie orientale, avec en particulier le soutien de l'empereur d'Annam Bao Daï[8].
Truman, Joseph Staline et Winston Churchill se réunissent à la Conférence de Potsdam en 1945. Truman et Staline, défavorables au colonialisme français, décident que le Viêt-Nam sera divisé en deux parties : lors de la capitulation du Japon, les Chinois (dirigés par le généralissime Tchang Kaï-chek) s'installeront dans le nord le 9 septembre 1945 (une semaine avant, le 2 septembre 1945 à Hanoï, le leader communiste Ho Chi Minh proclamait la République démocratique du Viêt Nam) et les Britanniques (commandés par le général Sir Douglas D. Gracey (1894-1964, KCB, KCIE, CBE, MC and bar)[9]) dans le sud 6 septembre 1945 [10].
Les Français, sous l'impulsion de De Gaulle, décident de reprendre le contrôle de l’Indochine après la Deuxième Guerre mondiale à une époque où d’autres puissances coloniales reprennent pied dans leurs colonies asiatiques (Birmanie et Malaisie pour le Royaume-Uni, Indonésie pour les Pays-Bas) [11]. En 1946, le 28 janvier, les troupes britanniques acceptent de quitter le Viêt-Nam, tandis les Chinois se retirent également du nord du territoire vietnamien. En échange, les Français restituent à la République de Chine leurs droits sur les concessions françaises dans ce pays, elles aussi évacuées par les Japonais, le 6 mars 1946.
Guerre d'Indochine (1946-1954)
Article détaillé : Guerre d'Indochine.Introduction et contexte historique
Au lendemain de l'évacuation japonaise, le Laos et le Cambodge parviennent à faire reconnaître leur souveraineté en douceur. Il n'en va pas de même au Viêt Nam, enjeu stratégique et économique d'une tout autre importance. Le Vietminh et d'autres groupes indépendantistes cherchent à établir leur autorité sur le pays. Le général Leclerc et la deuxième division blindée sont envoyés par le général Charles de Gaulle, chef du gouvernement provisoire, pour restaurer l'autorité de la France. Des négociations sont ouvertes et aboutissent aux accords du 6 mars 1946 aux termes desquels le Viêt-Nam est libre (mais pas indépendant, car il fait partie de l'Union française). Ces accords, signés par Hô Chi Minh et Jean Sainteny, ne durent pas. Leclerc reconquiert la Cochinchine, mais estime qu'à terme, l'indépendance vietnamienne deviendra inévitable. Sa mort laisse le Vietminh sans interlocuteur. Celui-ci tente d'interdire aux Français le port de Haïphong, dont le bombardement par la flotte française rend le conflit inévitable. S'ensuit la Guerre d'Indochine, à l'issue de laquelle la France quitte la péninsule en 1954 après la défaite de Dien Bien-Phu. Les accords de Genève séparent le Viêt Nam temporairement en deux États, mais l'échec de la tenue des élections de réunification en 1956 conduit à la guerre du Viêt Nam en 1964.
Configuration des forces en présence
La guerre oppose deux antagonistes principaux : la France, métropole lointaine, affaiblie par la Seconde Guerre mondiale et qui met longtemps à déployer ses forces; et le Viêt-Minh, organisation politique disposant de moyens réduits à l'origine, mais qui arrivera à retourner la situation en sa faveur. Hô Chi Minh, son chef politique, et le jeune général Võ Nguyên Giáp, chef de la branche militaire, peuvent compter sur un encadrement discipliné et efficace. Leurs militants sont dans la population vietnamienne « comme le poisson dans l'eau ».
Du côté français, les chefs du gouvernement provisoire (le général de Gaulle, puis Léon Blum), puis les chefs des gouvernements successifs de la IVe République, délèguent des chefs militaires de valeur: le général Leclerc, remplacé à sa mort par l'amiral d'Argenlieu, puis les généraux de Lattre de Tassigny et Henri Navarre. Leurs forces, très hétérogènes, atteindront 350 000 hommes: Français de métropole et légionnaires, soldats de l'Union française, troupes des États associés d'Indochine (Cambodge, Laos, et forces de l'empereur Bao Daï rentré en grâce après un exil à Hongkong), supplétifs levés dans les tribus montagnardes et financés par la culture de l'opium. Les États-Unis, d'abord réticents, finiront par financer en grande partie l'effort de guerre français au nom de la lutte anticommuniste.
À partir de 1949, la victoire de Mao Zedong en Chine permet au Viêt-Minh de recevoir un équipement important venu de Chine, de l'Union soviétique et des autres pays du bloc communiste. Il reçoit aussi un soutien moral considérable des mouvements communistes et anticolonialistes du monde entier, y compris de France, où le Parti communiste français (plus de 20% de l'électorat à l'époque) fait campagne contre la « sale guerre ».
L'opinion française ne se sent pas vraiment engagée dans cette guerre, qui n'intéresse, pense-t-on, que quelques gros intérêts privés et l'armée française ne pourra jamais faire appel au contingent. Au contraire, le Viet-Minh arrive à marginaliser et éliminer les forces indépendantistes rivales et à élargir son emprise sur la population, qu'il peut mobiliser dans le renseignement, le ravitaillement et le soutien logistique des combattants. C'est la clé de sa victoire contre les Français, et plus tard contre les Américains.
Analyse des enjeux
La France, considérée par les États-Unis et l'URSS comme un pays vaincu, ne colonisait pas uniquement pour regagner du prestige sur la scène politique internationale, encore que cette dimension ait eu son importance, mais aussi pour des raisons économiques.
L'impérialisme culturel, par l'action des missions catholiques et des collèges et lycées français, était une motivation puissante. La question de rétablir la grandeur de la France - par la guerre s'il le fallait - faisait l'unanimité dans les sphères dirigeantes, y compris chez les partis de gauche. Cette grandeur passait nécessairement par un empire colonial et un rayonnement culturel. Mais il n'y a pas de doute que les intérêts économiques, dans le cas de l'Indochine, étaient exceptionnellement importants, car il était question des terres, industries, et possessions de riches Français de métropole, influents auprès du Parlement quand ils n'étaient pas eux-mêmes membre du Parlement.
Ainsi, comme l’écrivait Pierre Brocheux dans le dossier collectif L’Indochine au temps des Français publié dans la revue L'Histoire, « [l]’Indochine était une colonie d’exploitation et non de peuplement », ce qui veut dire que la France y voyait un potentiel économique dans cette colonie, à l’époque de la colonisation. De plus, Brocheux ajoute qu’à l’exception de l’Algérie (qui n'était d'ailleurs pas une colonie), de toutes les colonies, l’Indochine reçut le plus d’investissements qui furent évalués à 6,7 milliards de francs-or en 1940[12]
« Le flux des investissements métropolitains convergea principalement vers les mines, les plantations d’hévéas, de thé et de café, ainsi que vers certaines industries de transformation : les textiles, les brasseries, les cigarettes, les distilleries, le ciment. »
— Pierre Brocheux, « Un siècle de colonisation »,L'Histoire, no. 203, (octobre 1996), p. 28
Dans le répertoire plutôt large des histoires de colonisation causées par la domination européenne du XXe siècle, l’Indochine française ne fut pas une exception, car de riches Français sont derrière des investissements d’envergure en Indochine. Ainsi, comme l’écrivait l’historien français Hugues Tertrais dans l’ouvrage collectif Du conflit d’Indochine aux conflits indochinois placé sous la direction de Pierre Brocheux, 43% des investissements industriels et miniers sont principalement situés au nord du Viêt Nam : Charbonnages du Tonkin, qui extraient un bon anthracite en bordure de la baie d'Ha Long, Cimenterie de Haïphong, qui avait participé aux travaux de fortification du Tonkin, Cotonnière de Nam Dinh, exerçant plus difficilement son activité au sud de Hanoï… […] Les investissements en Indochine sont également importants – 34% de l’ensemble – dans les plantations d’hévéa, qui couvrent 100 000 hectares au sud du Viêt-Nam et […] au Cambodge.
De plus, la culture d’hévéa indochinoise a non seulement alimenté les industries françaises du caoutchouc (surtout pour la compagnie Michelin qui a commencé à investir en 1925), mais elle s’est aussi développée depuis le début du XXe siècle, quoique la Seconde Guerre mondiale ait durement frappé l’industrie de l’hévéa. Ces remarques sur la situation économique des investissements français portent à penser que la France fut très déterminée à garder ses colonies en Indochine, car le contrôle des leviers politiques, économiques et culturels de l’Indochine qu’exerçait la France lui permit de mettre la main sur les ressources naturelles de la région. Étant dans une position de domination économique, la colonisatrice européenne peut s’imposer sur le marché du caoutchouc par ses exportations et aussi de l’écoulement du caoutchouc en France qui lui permettaient presque de s’enrichir au su des pays colonisés à une époque où l’automobile occupait énormément la vie des Occidentaux qui vivaient dans une économie de marché de type capitaliste.
En parlant toujours du caoutchouc et de la culture d’hévéa, Marianne Boucheret écrit que « le caoutchouc fait figure de symbole de la réussite coloniale », car non seulement les exportations étaient très grosses, mais la culture de l’hévéa rapportait beaucoup de dividendes qui « témoignent des succès obtenus par l’hévéaculture dans la péninsule [indochinoise] ». Mme Boucheret ajoute aussi que le succès de la culture d’hévéa contribue à « l’arrivée massive de capitaux métropolitains en Indochine, attirés par des taux de profit élevé ». Ce qui se traduit par une croissance fulgurante. En 1939, les exportations de caoutchouc d'Indochine étaient huit fois plus élevées qu’elles ne l’étaient une quinzaine d’années auparavant. Par conséquent, ajoute-t-elle, « cela représente plus du quart de la valeur des exportations totales de la péninsule, contre moins de 5 % en 1924 ».
Selon le site Internet Spartacus, un site Internet britannique spécialisé en Histoire, le Viêt-Nam était une colonie qui rapportait beaucoup de dividendes aux Français, car le Viêt-Nam recelait du zinc, du charbon et aussi de l'étain qui étaient envoyés en France. On peut aussi y lire que le Vietnam, en raison de sa population, fournissait aux Français un très bon marché pour la vente des produits manufacturiers de la métropole. En effet, à partir de 1938, au moins 57% des exportations vietnamiennes étaient contrôlées par des compagnies françaises[13].
Ajoutons que l'Indochine, en plus de ses ressources internes, était une voie d'accès très prometteuse vers les marchés de la Chine du sud. Le chemin de fer du Yunnan était la voie privilégiée de cette pénétration.
La guerre d'Indochine marque pour la France une double défaite, à la fois comme puissance coloniale cherchant à sauvegarder son Empire et comme membre du bloc occidental capitaliste tentant d'endiguer l'expansion du communisme. Ce « goût amer d’échec », comme l’écrivit Franchini, traduit l'affaiblissement du statut international de la France dans le monde d'après 1945. Cette inquiétude face au communisme est très bien exprimée par Jean Chauvel, représentant de la France à l’Organisation des Nations unies.
« Et on affecte alors de considérer Ho Chi Minh comme le chef d’une guérilla communiste résiduelle. En privé, le ton est plus inquiet. En témoignent les propos tenus par Jean Chauvel, représentant de la France à l’ONU, à une personnalité américaine : « Le temps devrait venir où les États-Unis et la Grande-Bretagne auraient à partager la charge de la France pour barrer la route du Sud au communisme, ou bien la France serait obligée de liquider ses engagements indochinois et d’abandonner l’Indochine à Moscou (capitale de l’Union des républiques socialistes soviétiques). » »
— Jacques Dalloz, « Pourquoi la France a perdu la guerre », Histoire, no. 203, (octobre 1996), p. 41.
La lutte contre le communisme apparaissait comme un enjeu légitime pour les gouvernements de la IVe République, engagés dans le contexte de la Guerre froide. D'ailleurs, pendant la même période, des insurrections communistes sont étouffées par les Américains aux Philippines et par les Britanniques en Malaisie. Mais, dans ces deux pays, la guérilla communiste n'avait qu'une base populaire insuffisante et ne disposait pas, comme le Viet-Minh par la frontière chinoise, d'une voie de ravitaillement régulier. De plus, dans ces deux cas, les métropoles ont su se préparer à l'indépendance par une entente de longue date avec les élites locales.
Stratégies et tactiques déployées par les protagonistes
Tout affrontement armé ressemble dramatiquement à un jeu d’échecs et seule l’intelligence, qui engendre des stratégies et des tactiques, permet au futur vainqueur de crier fièrement échec et mat en brandissant son drapeau. Ainsi conçu, la Guerre d’Indochine a donné l’occasion tant aux Français qu’au Viêt-Minh de déployer une panoplie de stratégies et de tactiques qui reflétaient leur désir de gagner.
Tout d’abord, commençons par exposer les stratégies et les tactiques déployées par le Viêt-Minh. Lorsque la Guerre d’Indochine éclate en 1946, l’inégalité des forces entre le Corps expéditionnaire français en Extrême-Orient (CEFEO) et le Viêt-Minh est très flagrant, car le CEFEO avait à sa disposition du matériel militaire moderne alors que le groupe nationaliste qu’il affrontait ne bénéficiait pas nécessairement de grands moyens. Quoiqu’un fossé, en matière de forces militaires, puisse être vu entre le Viêt-Minh et les troupes françaises, cela n’a néanmoins aucunement empêché la France d’être défaite lors de la guerre révolutionnaire par le général Võ Nguyên Giáp. Étant techniquement désavantagé, le Viêt-Minh ne pouvait point s’offrir le luxe d’affronter les Français d’une manière traditionnelle en tout temps.
C’est pourquoi, le Viêt-Minh jouait la stratégie de l’espace – en s’étendant pour disperser l’effort de l’adversaire -, mais plus encore celle du temps. En 1947, Truong Chinh, l’un des chefs du communisme vietnamien, conçoit la théorie de la guerre révolutionnaire qu’est la Guerre d’Indochine dans un opuscule intitulé Nous vaincrons certainement de cette manière en trois points :
- La lutte, essentiellement défensive, s’appuie sur la guérilla.
- La guerre de mouvement vient s’ajouter à la guérilla.
- Celle-ci se poursuit, mais le corps de bataille, qui a eu le temps de se constituer progressivement, est assez puissant pour passer à la contre-offensive générale, et remporter la victoire sur les colonialistes et leurs « fantoches ».
Bien sûr, faire la guerre en guérilla pour le Viêt-Minh voulait dire qu’il ne fallait pas attaquer les troupes françaises de face, car, dans un affrontement à découvert contre le Corps expéditionnaire français en Extrême-Orient, les membres du Viêt-Minh étaient pleinement conscients qu’ils pouvaient se faire écraser à plate couture. Jusqu’en 1949, le Vietminh mène donc des actions de guérilla, dont le général Võ Nguyên Giáp définit ainsi les principes : « Éviter l’ennemi quand il est fort, l’attaquer quand il est faible […]. Attaquer l’ennemi partout de sorte que, partout, il se trouve submergé par une mer d’hommes armés hostiles afin de miner son moral et d’user ses forces. […] Il est nécessaire de prendre l’anéantissement des forces vives de l’ennemi comme but principal du combat, et de ne jamais, pour la défense ou l’occupation d’un territoire, user les nôtres. »
Afin de bien s’organiser, d’un point de vue militaire, bien entendu, les têtes dirigeantes du Viêt-Minh, tels que Hô Chi Minh et Truong Chinh, se sont assurés qu’une structure militaire était rapidement mise en place afin d’assurer le bon déroulement des activités de guérilla menées par ce groupe qui revendiquait l’indépendance totale du Vietnam. Les structures militaires du Vietminh ont été rapidement mises en place. Elles reposent sur trois échelons : les milices populaires (au niveau du village) dont l’élite est versée dans les troupes régionales ; puis celles-ci, dont les meilleurs éléments passent dans les troupes régulières; vouées aux grandes opérations, ces dernières sont l’amorce de l’armée populaire vietnamienne. À tous les niveaux, un commissaire politique veille au respect de la ligne définie par le Vietminh.
Pour le Viêt-Minh, la montagne couverte de forêts tropicales offrait un cadre particulièrement adapté à la guérilla. Toutefois, contrairement à ce que nous pouvons penser sur le Viêt-Nam (et sur l’Asie en général), ce pays n’est aucunement un pays homogène. En effet, dans la montagne couverte de forêts tropicales se trouvent des minorités ethniques qui ne soutenaient pas le combat d’indépendance du peuple vietnamien.
Pour obtenir leur collaboration, les membres du Viêt-Minh pouvaient parfois utiliser la persuasion, et même parfois la terreur, pour contrôler les villages habités par les minorités ethniques du Vietnam. Vers la fin du conflit indochinois, le Viêt-Minh tenait dans ses mains plus de 5 000 villages sur 7 000. De plus, même dans les villes qui avaient l’air d’être bien contrôlées par les Français, la présence du Viêt-Minh lui donnait des occasions en or pour prélever l’impôt révolutionnaire. Bref, pour résumer la stratégie et les tactiques de combat du Viêt-Minh, nous pouvons dire que leur but consistait à être partout et nulle part, se fondre dans la population, disparaître subitement dans la nature, voire dans le sol. De toute évidence, pour s’assurer que les membres du Viêt-Minh ne se trouvaient point près d’eux, les Français lèvent des supplétifs, installent des postes ici ou là pour encadrer la population et l’empêcher de tomber sous l’emprise vietminh. Malgré cela, la présence française est plutôt molle et durant la nuit, les membres du Viêt-Minh font sentir leur présence.
Les membres du Viêt-Minh sont au courant des mouvements des troupes françaises même avant que celles-ci décident de passer à l’action. Ils pouvaient prévoir sans aucune difficulté les mouvements du corps expéditionnaire, tributaire de sa lourde logistique, car il était espionné par toute une population (celle du Vietnam). Bref, pour connaître les conditions générales de la progression du conflit qui opposait les Français au Viêt-Minh, il suffisait de lire les journaux. Cela poussera un dirigeant du Viêt-Minh à dire que le corps expéditionnaire français est « aveugle » (il ne voit pas l’adversaire), « sourd » (il n’est pas renseigné) et « boiteux » (ses communications sont difficiles). Dans ses mémoires sur la Guerre d’Indochine, le général Vo Nguyen Giap décrit ce duel entre les Français et le Viêt-Minh comme étant « une guerre sans front ni objectif fixes, avec des vagues d’attaque imprévues, venant de directions jugées sans risque par l’ennemi » et il ajoute aussi que « la guérilla de mouvement dans notre résistance différait de beaucoup de la guerre de mouvement d’envergure des temps modernes. »
[…] nous avions remporté des succès éclatants […] à l’issue de combats nocturnes dans les zones montagneuses et boisées. En effet, ces dernières offraient des conditions propices à la progression de nos troupes qui cernaient l’ennemi (les troupes françaises) avant que celui-ci ne les repère et n’utilise ses armes. […] Durant plusieurs années sur les terrains découverts, nos hommes n’engageaient que de petits combats à condition de prendre l’ennemi par surprise rapidement pour aussitôt se replier. Il fallut attendre Diên Biên Phu pour assister au déploiement de grandes unités combattantes, durant des jours et des nuits, basé sur des points d’attaque et l’encerclement, un système d’abris et de boyaux[14].
Durant la Guerre d’Indochine, même si la Chine n’était pas sur l’échiquier du conflit indochinois sur lequel s’opposaient les troupes françaises et le Viêt-Minh, beaucoup de membres de ce dernier ont été formés dans l’art de la guérilla dans le sud de la Chine[15]. Revenir au Viêt Nam n’était point difficile pour les membres du Viêt-Minh, car la défaite française à Cao Bang (près de la frontière chinoise) en octobre 1950 a permis au Viêt-Minh de contrôler cette zone.
Les Français ont tenté par tous les moyens de mater le mouvement nationaliste qui revendiquait l’indépendance totale du Viêt Nam en créant dès 1949 un État du Viêt Nam dirigé par le dernier empereur de la dynastie Nguyen Bao Dai, et en exerçant un effort de contre-guérilla qui sera un échec. Dans le livre Histoire de la Guerre d’Indochine, Yves Gras, un général qui était présent durant le conflit, avait écrit que pour « pacifier » la Cochinchine, le général Valluy, le commandant en chef, avait configuré les troupes du général Nyo à près de 40% des forces du corps expéditionnaire : 23 de ses 69 bataillons d’infanterie, 9 groupes d’artillerie et 5 escadrons de cavalerie, soit 38 000 hommes, auxquels s’ajoutaient les 6 000 hommes de la garde cochinchinoise et la totalité des partisans soit environ 10 000[16].
La principale faiblesse des troupes françaises venait de leur dispersion. De nombreuses missions de sécurité détournaient la plupart d’entre elles de la « chasse à l’ennemi ». Elles avaient à protéger, outre leurs propres bases, les axes de communication, les installations économiques, notamment les plantations d’hévéas, et la population des campagnes.
Ceci étant dit, l’auteur du livre Histoire de la Guerre d’Indochine précise davantage ses explications en spécifiant que ces stratégies et tactiques rendaient les hommes des troupes françaises immobiles. Cela avantageait donc considérablement le Viêt-Minh en termes de forces mobiles, car il pouvait saisir l’occasion « de se concentrer au moment et à l’endroit où il le voulait. » Une autre chose importante à mentionner : la difficulté de la guerre, pour les Français, était accrue par l’impossibilité de distinguer un Vietnamien ordinaire d’un guérillero.
Finalement, la bataille de Diên Biên Phu, à la limite occidentale du Tonkin, dans les montagnes aux confins du Laos, a violemment mis un terme à la domination française sur l’Indochine. Selon Laurent Henninger, chargé de mission au Centre d’études d’histoire de la défense, l’installation de sept campements portant un nom de code (Huguette, Lilie, Claudine, Éliane, Dominique) permettait au corps expéditionnaire français de garder un contrôle sur « la route qui relie Hanoï au Laos et […] de saisir cette plaine coupée d’une rivière et entourée de collines formant comme un immense stade. »[17] D’ailleurs, pour l’État-major français, Diên Biên Phu devait être utilisé comme un point de fixation pour attirer le Viêt-Minh, un adversaire insaisissable, dans une bataille rangée. L'état-major français compte sur sa supériorité aérienne pour clouer au sol et éliminer les forces ennemies. En fait, le Viet Minh déjoue la surveillance aérienne en faisant passer hommes et matériels par des pistes invisibles sous les arbres, sur des véhicules bricolés avec des carcasses de vélos. Le creusement d'abris souterrains lui permet d'échapper aux bombardements aériens. Les premières vagues d'assaut (50 000 hommes du général Võ Nguyên Giáp contre 11 000 soldats français) mettent l'ensemble du camp à la portée de la puissante artillerie (d'origine chinoise) amenée à pied d'œuvre par le Viet Minh. La piste d'atterrissage devenue inutilisable, la garnison française n'est plus ravitaillée que par des parachutages dramatiquement insuffisants. Le 7 mai 1954, après deux mois de résistance acharnée, la base de Diên Biên Phu tombe.
D’ailleurs, selon Laurent Henninger, « nul ne pouvait prévoir que le général Giap concentrerait autant d’artillerie sur des collines aussi escarpées et recouvertes de jungle. » La France avait demandé à son allié, les États-Unis, d’autoriser une intervention aérienne pour sauver le camp retranché, mais le président Dwight Eisenhower, qui craignait une extension du conflit par engagement de la Chine, avait refusé. À Paris, une nouvelle crise parlementaire fait tomber Georges Bidault et René Pleven, partisans de la poursuite des opérations, et amène au pouvoir Pierre Mendès France avec un programme de négociation. La conférence de Genève consacrée au règlement de la question indochinoise s’ouvre le lendemain de la chute de Diên Biên Phu.
Conclusion générale
Finalement, le président du conseil, Pierre Mendès France, conclut la conférence de Genève le 21 juillet 1954 et ces accords, selon Jacques Dalloz, n’ont point donné « une issue définitive au problème vietnamien, mais permettent à la France de s’en dégager. » Le Viêt Nam sera coupé en deux parties à partir du 17e parallèle : au nord, la République démocratique du Viêt Nam (communiste), au sud se trouvera un Viêt Nam pro-occidental. Par la suite, l’indépendance du Viêt Nam (divisé en deux parties), du Royaume du Laos et du Royaume du Cambodge sont reconnues. Selon les accords de Genève, des élections devront être tenues dans les deux ans afin d’unifier le Vietnam. Mais le non-respect de cette échéance entraîne une reprise de la guérilla communiste (Vietcong) dans le sud. À partir de 1964, les États-Unis soutiendront massivement, d’un point de vue militaire, le gouvernement sud-vietnamien et cela plongera le Viêt Nam dans une autre guerre.
Administration coloniale de l'Indochine française
Gouverneurs généraux de l'Indochine française
Gouverneurs généraux de l’Indochine française Liste des gouverneurs généraux de l'Indochine française Nom Année Ernest Constans 16 novembre 1887 - avril 1888 Étienne Antoine Guillaume Richaud avril 1888 - 31 mai 1889 Jules Georges Piquet 31 mai 1889 - avril 1891 Bideau (par intérim) avril 1891 - juin 1891 Jean-Marie de Lanessan juin 1891 - 31 décembre 1894 Léon Jean Laurent Chavassieux (par intérim) mars 1894 - octobre 1894 François Pierre Rodier (par intérim) décembre 1894 - février 1895 Paul Armand Rousseau février 1895 - 10 décembre 1896 Augustin Juline Fourès (par intérim) décembre 1896 - 13 février 1897 Paul Doumer 13 février 1897 - octobre 1902 Jean Baptiste Paul Beau octobre 1902 - février 1907 Louis Alphonse Bonhoure (par intérim) 18 février 1907 - septembre 1908 Antony Wladislas Klobukowski septembre 1908 - janvier 1910 Albert Jean George Marie Louis Picquié (par intérim) janvier 1910 - février 1911 Paul Louis Luce février 1911 - novembre 1911 Albert Sarraut novembre 1911 - janvier 1914 Joost van Vollenhoven (par intérim) janvier 1914 - 7 avril 1915 Ernest Nestor Roume avril 1915 - mai 1916 Jean Eugène Charles (par intérim) mai 1916 - janvier 1917 Albert Sarraut janvier 1917 - mai 1919 Maurice Antoine François Montguillot (par intérim) mai 1919 - février 1920 Maurice Long février 1920 - avril 1922 François Marius Baudoin (par intérim) avril 1922 - août 1922 Martial Henri Merlin août 1922 - avril 1925 Maurice Antoine François Montguillot avril 1925 - novembre 1925 Alexandre Varenne 18 novembre 1925 - janvier 1928 Maurice Antoine François Montguillot janvier 1928 - août 1928 Pierre Marie Antoine Pasquier 22 août 1928 - 15 janvier 1934 Eugène Jean Louis René Robin 15 janvier 1934 - septembre 1936 Jules Brévié septembre 1936 - 23 août 1939 Georges Catroux (par intérim) 23 août 1939 - 25 juin 1940 Jean Decoux 25 juin 1940 - 9 mars 1945 Yuichi Tsuchihashi 9 mars 1945 - 28 août 1945 Takeshi Tsukamoto (suppléant de Tsuchihashi) 9 mars 1945 - 15 août 1945 Hauts commissaires de France en Indochine
Le 22 août 1945, la DGER fait parachuter deux équipes avec à leur tête un commissaire de la République : Pierre Messmer pour le Nord, Jean Cédile pour le Sud.
Liste des hauts commissaires Nom Année Jean Cédile (par intérim) 23 septembre 1945 - 5 octobre 1945 Philippe de Hauteclocque dit Leclerc (par intérim) 5 octobre 1945 - 31 octobre 1945 Georges Thierry d'Argenlieu 31 octobre 1945 - 1er avril 1947 Émile Bollaert 1er avril 1947 - 11 octobre 1948 Léon Marie Adolphe Pascal Pignon 20 octobre 1948 - 17 décembre 1950 Jean de Lattre de Tassigny 17 décembre 1950 - 11 janvier 1952 Jean Letourneau 1er avril 1952 - 27 avril 1953 Commissaires généraux
Liste des commissaires généraux Nom Durée du mandat Jean Letourneau 27 avril 1953 - 28 juillet 1953 Maurice Dejean 28 juillet 1953 - 10 avril 1954 Paul Ély 4 juin 1954 - avril 1955 Henri Hoppenot avril 1955 - 21 juillet 1956 Administration territoriale de l'Annam
Chargés d'affaires
Liste des chargés d'affaires siégeant à Hué (applicable pour le Tonkin) Nom Durée du mandat Pierre Paul Rheinart 1875 - 1876 Paul-Louis-Félix Philastre 1876 - 1879 Pierre Paul Rheinart 1879 - 1880 Louis Eugène Palasme de Champeaux 1880 - 1881 Pierre Paul Rheinart 1881 - 1883 Jules Harmand 1883 - 1884 Résidents généraux
Liste des résidents généraux (à Hué) Nom Durée du mandat Pierre Paul Rheinart (provisoire) 11 juin 1884 - octobre 1884 Victor-Gabriel Lemaire octobre 1884 - 31 mai 1885 Philippe Marie André Roussel de Courcy 31 mai 1885 - janvier 1886 Paul Bert 18 avril 1886 - 11 novembre 1886 Alexandre Vial (par intérim) novembre 1886 - janvier 1887 Paul Louis Georges Bihouard 30 janvier 1887 - 23 janvier 1888 Étienne Antoine Guillaume Richaud 1888 Pierre Paul Rheinart novembre 1888 - 9 mai 1889 Résidents supérieurs
Liste des résidents supérieurs Nom Durée du mandat Charles Dillon 1886 - 1888 Séraphin Hector 1888 - 1889 Léon Jean Laurent Chevassieux 1889 Séraphin Hector 1889 - 1891 Ernest Albert Brière octobre 1891 - 1897 Jean Calixte Alexis Auvergne 1897 - 1898 Léon Jules Pol Boulloche mars 1898 - 1900 Jean Calixte Alexis Auvergne 9 mai 1901 - 1904 Jean-Ernest Moulié 1904 - 1906 Fernand Lévecque 1906 - 1908 Élie Jean-Henri Groleau 1908 - 1910 Henri Victor Sestier 1910 - 1912 Georges Marie Joseph Mahé 1912 - 1913 Jean François Eugène Charles 1913 - 1920 Général Pierre Pasquier 1920 - 1927 Jules Fries 1927 - 1928 Aristide Eugène Le Fol 1928 - 1931 Yves Charles Châtel 1931 - 1934 Maurice Fernand Graffeuil 1934 - 1940 Émile Louis François Grandjean 1940 - mars 1945 Masayuki Yokoyama mars 1945 - 1945 Jean Sainteny 22 août 1945 - Vers décembre 1946 Chanson Vers 1948 - 31 juillet 1951 Raoul Salan 1er août 1951 - avril 1952 Georges Émile Le Blanc 1953 - ? Gabriel-Louis-Marie Bourgund Aucune information disponible Administration territoriale du Tonkin
Résidents supérieurs
Liste des résidents supérieurs (siégeant à Hanoï et subordonnés à l'Annam jusqu'en 1888) Nom Durée du mandat Alexandre Vial 1886 Jean Thomas Raoul Bonnal 1886 - 1887 Poste aboli 1887 - 1888 Eusèbe Irénée Parreau avril 1888 - 1889 Ernest Albert Brière 1889 - octobre 1891 Léon Jean Laurent Chavassieux 1891 - 1893 François Pierre Rodier 1893 - 1895 Poste aboli 1895 - 1897 Léon Jules Pol Boulloche 1897 Augustin Julien Fourès 1897 - 1904 Jean-Henri Groleau 1904 - 1907 Louis Alphonse Bonhoure 9 mars 1907 - 1907 Louis Jules Morel 1907 - 1909 Jules Simoni 1909 - 1912 Léon Louis Jean Georges Destenay 15 décembre 1912 - 8 juin 1915 Maurice Joseph Le Gallen 1915 - 1916 Jean Baptiste Édouard Bourcier Saint-Gaffray 1917 - 1921 Maurice Antoine François Monguillot 1921 - 1925 Eugène Jean Louis René Robin 1925 - 1930 Auguste Eugène Ludovic Tholance 1930 - 1937 Yves Charles Châtel 1937 - 1940 Émile Louis François Grandjean 1940 - 1941 Pierre Abel Delsalle 1941 - 1942 Camille Auphelle ? - 9 mars 1945 Kumao Nishimura (résident japonais) mars 1945 - août 1945 Pierre Messmer (par intérim) 18 août 1945 - 22 août 1945 Jean Sainteny 22 août 1945 - 1946 Jean Valluy [[mars {{{2}}} |mars]] [[{{{2}}}|{{{2}}}]] [[{{{3}}}|{{{3}}}]] 1946 - 1946 Jean Crépin 1946 - 17 août 1946 Louis Morlière 17 août 1946 - Vers février 1947 Yves Digo Vers 1948 Marcel Alessandri ? - novembre 1950 Pierre Boyer de la Tour 24 novembre 1950 - 29 décembre 1950 Raoul Salan (par intérim) 29 décembre 1950 - 10 février 1951 François de Linarès février 1951 - 8 mai 1953 René Cogny mai 1953 - 1955 Administration territoriale de la Cochinchine
Gouverneurs militaires (1858-1879)
Gouverneurs (1879-1887)
Liste des gouverneurs Nom Durée du mandat Charles Le Myre de Vilers 7 juillet 1879 - 7 novembre 1882 Charles Anthoine François Thomson 7 novembre 1882 - juillet 1885 Charles Auguste Frédéric Bégin juillet 1885 - juin 1886 Ange Michel Filippini juin 1886 - 22 octobre 1887 Noël Pardon (par intérim) 23 octobre 1887 - 2 novembre 1887 Jules Georges Piquet (par intérim) 3 novembre 1887 - 15 novembre 1887 Lieutenants gouverneurs (1887-1911)
Liste des lieutenants gouverneurs (subordonnés aux Gouverneurs-généraux de l'Indochine française) Ernest Constans novembre 1887 - avril 1888 Auguste Eugène Navelle avril 1888 - 1888 Poste aboli 1888 - 1889 Augustin Julien Fourès 1889 Henri Danel 1889 - 1892 Augustin Julien Fourès 1892 - 1895 Alexandre Antoine Étienne Gustave Ducos 1895 - 1897 Ange Eugène Nicolai 1897 - 1898 Édouard Picanon 1898 - 1901 Henri Félix de Lamothe 1901 - 1902 François Pierre Rodier 1902 - 1906 Olivier Charles Arthur de Lalande de Calan 1906 - 1907 Louis Alphonse Bonhoure 29 juin 1907 - 9 janvier 1909 Jules Maurice Gourbeil 1909 - 1911 Gouverneurs (1911-1954)
Liste des gouverneurs (subordonnés aux Gouverneurs-généraux de l'Indochine française) Nom Durée du mandat Jules Maurice Gourbeil 1911 - 1916 Maurice Joseph La Gallen 1916 - 1921 Georges Maspéro (remplaçant de La Gallen) juin 1918 - février 1920 Maurice Cognacq 1921 - 1926 Paul Marie de la Brosse 1926 - 1929 Auguste Eugène Ludovic Tholance (par intérim) 1929 Jean-Félix Krautheimer 1929 - 1934 Pierre André Michel Pagès 1934 - 1939 René Veber 1939 - 1940 André Georges Rivoal 1940 - 1942 Hoeffel 1942 - 1945 Minoda Fujio 9 mars 1945 - 15 août 1945 Jean Cédile 22 août 1945 - 1946 Albert Torel 1946 - 1947 ? 1947 - 1954 Administration territoriale du Cambodge
Réprésentants du Protectorat au Cambodge (1863-1885)
Liste des Représentants du Protectorat au Cambodge Nom Durée du mandat Ernest Marc Louis de Gonzague Doudart de Lagrée avril 1863 - juillet 1866 Armand Pottier juillet 1866 - 20 février 1868 Jean Moura 20 février 1868 - 10 mars 1870 Armand Pottier (par intérim) 10 mars 1870 - 11 novembre 1870 Jules Marcel Brossard de Corbigny (par intérim) 11 novembre 1870 - 1er janvier 1871 Jean Moura 1er janvier 1871 - 6 janvier 1879 Étienne François Aymonier (par intérim) 6 janvier 1879 - 10 mai 1881 Augustin Julien Fourès (par intérim) 10 mai 1881 - 12 août 1885 Résidents généraux (1885-1889)
Liste des Résidents généraux Nom Durée du mandat Jules Victor Renaud (intérim) 12 août 1885 - 16 octobre 1885 Pierre de Badens (provisoire) 16 octobre 1885 - 17 mai 1886 Jules Georges Piquet 17 mai 1886 - 4 novembre 1887 Louis Eugène Palasne de Champeaux 4 novembre 1887 - 10 mars 1889 Résidents supérieurs (1889-1945)
Liste des Résidents supérieurs (subordonnés aux Gouverneurs-généraux de l'Indochine française) Nom Durée du mandat Louis Albert Huyn de Vernéville 16 mai 1889 - 24 janvier 1894 Félix Léonce Marquant 24 janvier 1894 - 4 août 1894 Louis Albert Huyn de Vernéville 4 août 1894 - 14 mai 1897 Alexandre Antoine Étienne Gustave Ducos 14 mai 1897 - 16 janvier 1900 Louis Paul Luce 16 janvier 1900 - 3 juin 1901 Léon Jules Pol Boulloche 3 juin 1901 - 17 juillet 1902 Charles Pallier 17 juillet 1902 - 26 octobre 1902 Henri Félix de Lamothe 26 octobre 1902 - 25 septembre 1904 Jules Louis Morel 25 septembre 1904 - 16 octobre 1905 Olivier Charles Arthur de Lalande de Calan 16 octobre 1905 - 29 décembre 1905 Louis Paul Luce 29 décembre 1905 - 26 juillet 1911 Ernest Outrey 26 juillet 1911 - 26 mars 1914 Xavier Tessarech 26 mars 1914 - 25 juillet 1914 Maurice Le Gallen 25 juillet 1914 - 22 octobre 1914 François Marius Baudouin 22 octobre 1914 - 20 janvier 1927 Georges Maspéro (en place de Baudouin) 15 avril 1920 - 6 décembre 1920 Joseph Létang (en place de Baudouin) 6 décembre 1920 - 21 février 1921 Victor Édouard Marie L'Helgoualc'h (en place de Baudouin) 10 avril 1922 - 8 mai 1924 Aristide Eugène Le Fol 20 janvier 1927 - 1er janvier 1929 Achille Louis Auguste Silvestre 1er janvier 1929 - 12 janvier 1929 Fernand Marie Joseph Antoine Lavit 12 janvier 1929 - 4 mars 1932 Achille Louis Auguste Silvestre (jusqu'au 7 décembre 1932) 4 mars 1932 - 15 janvier 1935 Henri Louis Marie Richomme 15 janvier 1935 - 12 décembre 1936 Léon Emmanuel Thibaudeau 12 décembre 1936 - 29 décembre 1941 Jean de Lens 29 décembre 1941 - 2 mars 1943 Georges Armand Léon Gauthier 2 mars 1943 - novembre 1944 André Joseph Berjoan (prisonnier des Japonais 9 mars/août 1945) novembre 1944 - 9 mars 1945 Kubo (Japonais) 14 mars 1945 - août 1945 André Joseph Berjoan 1945 - 15 octobre 1945 Commissaires de la République au Cambodge (1945-1953)
Liste des Commissaires de la République au Cambodge (subordonnés aux Haut-Commissaires de France en Indochine) Nom Durée du mandat Huard 15 octobre 1945 - 10 avril 1946 Romain Victor Pénavaire 10 avril 1946 - 20 mai 1947 Léon Marie Adolphe Pascal Pignon 20 mai 1947 - 20 octobre 1948 Lucien Vincent Loubet 20 octobre 1948 - 26 février 1949 Jean Léon François Marie de Raymond (assassiné) 26 février 1949 - 29 octobre 1951 Yves Digo 29 octobre 1951 - 16 mai 1952 Jean Risterucci 16 mai 1952 - 9 novembre 1953 Administration territoriale du Laos
Article détaillé : Protectorat français du Laos.Le protectorat du Laos possède un régime particulier : n'étant pas un État unifié, il est divisé originellement en deux régions, le Haut-Laos et le Bas-Laos. Lors de l'intégration du pays à l'Union indochinoise, Paul Doumer unifie les deux régions et les place sous l'autorité d'un résident supérieur, subordonné au gouverneur général et installé à Vientiane. Le Laos est divisé en dix provinces : le royaume de Luang Prabang garde un régime spécial de protectorat, le roi conservant le pouvoir de légiférer, entouré d'un conseil de dignitaires, mais flanqué d'un commissaire du gouvernement et de fonctionnaires français, qui représentent le gouvernement général. Les neuf autres provinces, au statut de principautés, sont placées sous administrations directes de résidents français.
Repères chronologiques - De la conquête à la décolonisation
- août 1858 : Débarquement de l'escadre franco-espagnole de Charles Rigault de Genouilly qui s'empare de Tourane.
- février 1859 : Prise de Saïgon, capitale de la Cochinchine d'alors, par la France, seule, car l'Espagne a auparavant abandonné la conquête après l'échec d'une tentative contre Hué.
- 5 juin 1862 : Conclusion entre la France et l'empereur de l'Annam du Traité de Saigon, stipulant que les trois provinces orientales du sud du Dai Nam deviennent la colonie de Cochinchine.
- 1866-1868 : Exploration du Mékong démontrant son impraticabilité. Il ne reste donc plus que le Song Koi, dit le Fleuve Rouge pour pénétrer en Chine en occupant le Delta du nord et revenir sur l’Angleterre qui, elle, monopolise le marché chinois depuis la Première guerre de l'opium (1839-1842).
- 1867 : La France érige en colonie la Cochinchine et annexe à ce moment le Cambodge.
- 15 mars 1874 : Négociations entre la France et l'empereur d'Annam qui aboutissent au deuxième Traité de Saigon, complété le 31 mars.
- 1882-1897 : le centre et le nord du Viêt Nam ainsi que les principautés lao passent sous la tutelle française.
- 1897-1911: Création de l'Union indochinoise constituée d'une colonie (la Cochinchine), de trois protectorats (Annam, Laos, Cambodge) et d'un semi-protectorat (le Tonkin).
- 27 avril 1919 : Discours d'Albert Sarraut, le gouverneur général de l'Indochine, à Hanoï. Il propose une « collaboration franco-vietnamienne ».
- 1925 : Nguyen Ai Quoc, un homme plutôt connu sous le nom d'Hô Chi Minh, fonde l'Association de la jeunesse révolutionnaire vietnamienne.
- février 1930 : Échec de la Mutinerie de Yên Bái; le Parti national démocratique est décapité. Nguyen Ai Quoc unifie les trois groupuscules communistes en un parti communiste vietnamien.
- 1930-1931 : Soulèvement des paysans du Nghe Tinh, Quang Nam, Quang Ngai et de Cochinchine organisé par le Parti communiste indochinois.
- 1930-1934 : La crise économique mondiale qui a commencé aux États-Unis en 1929 s'étend en Indochine.
- 1940-1941 : Accord entre le gouvernement de Vichy et celui de Tokyo ; l'armée japonaise entre en Indochine. Pendant ce temps, la France est occupée par l'Allemagne. Le Parti communiste indochinois lance l'insurrection armée en Cochinchine et échoue.
- 9 mars : Coup de force japonais. L'indépendance des trois monarchies indochinoises est proclamée.
- 24 mars : Déclaration du gouvernement provisoire de la République française sur l'Indochine.
- 15 août : L'amiral Thierry d'Argenlieu est nommé haut commissaire en Indochine.
- 22 août : Jean Sainteny arrive à Hanoï.
- 2 septembre: Capitulation japonaise. Le Vietminh prend le pouvoir au Viêt Nam et proclame l'indépendance de la République démocratique du Viêt Nam (RDV).
- 11 septembre : Arrivée des Chinois à Hanoï.
- 31 octobre : Arrivée de l'amiral d'Argenlieu à Saïgon.
- 1er juin : Proclamation de la république de Cochinchine.
- 6 juillet : Début de la conférence de Fontainebleau.
- 19 décembre : Insurrection à Hanoï.
- 5 mars : Bollaert remplace d'Argenlieu.
- 23 décembre : Le Laos et le Cambodge adhèrent à l'Union française. Paris récuse toute perspective de négociations avec Hô Chi Minh.
- 5 juin : Accords de la baie d'Along.
- 8 mars : Accords établis entre Vincent Auriol et Bao Dai.
- 14 juin : Création de l’État du Viêt Nam, associé à l'Union française et dirigé par le chef d’État Bao Dai, dernier empereur de la dynastie Nguyen.
- 19 juillet : Le Laos devient État associé.
- 1er octobre : Mao Zedong, chef du Parti communiste chinois, proclame la République populaire de Chine après avoir remporté une guerre civile, qui avait commencé en 1946, contre les troupes nationalistes dirigées par le général Tchang Kaï-chek, ancien commandant en chef des forces alliés en Asie pendant la Seconde Guerre mondiale. Les troupes nationalistes s'enfuiront vers l'île de Taïwan pour former un gouvernement indépendant face à la Chine.
- 8 novembre : Le Cambodge devient État associé.
- Décembre : Accords franco-vietnamiens. Arrivée des troupes communistes chinoises à la frontière du Tonkin.
- 1950
- Janvier : Reconnaissance de la République démocratique du Viêt Nam par la République populaire de Chine, puis par l'Union soviétique. Ratification par l'Assemblée nationale française des accords d'association des États d'Indochine.
- 7 février : Les États-Unis reconnaissent le gouvernement Bao Dai.
- 25 juin : Début de la Guerre de Corée (1950-1953)
- 31 octobre : Intervention des « volontaires chinois » en Corée.
- Décembre : Le général de Lattre est nommé haut commissaire en Indochine.
- 11 janvier : Mort du général de Lattre.
- Avril : Raoul Salan devient commandant en chef.
- Octobre : Offensive vietminh en pays thaï.
- 1953
- Mars : Offensive vietminh dans le nord du Laos.
- 27 juillet : Armistice en Corée.
- 1954
- 25 janvier : Ouverture de la Conférence de Berlin. Le communiqué final annonce qu’une prochaine Conférence, sur les questions asiatiques, se tiendra à Genève.
- 13 mars : Début de la bataille de Dien Bien Phu.
- 7 mai : Défaite française à Dien Bien Phu.
- 8 mai : Début de la phase indochinoise de la Conférence de Genève.
- 4 juin : Traités franco-vietnamiens.
- 20 juillet : Signature des accords de Genève.
- 1er novembre : Début de la guerre d'Algérie.
- Décembre : Accords entre la France, le Laos, le Cambodge et le Sud-Vietnam.
- 15 mai : Les dernières troupes françaises quittent le Nord-Vietnam.
- 21 juillet: Les dernières troupes françaises quittent le Sud-Vietnam.
L'Indochine dans la culture
Films
- Patrouille de choc (1957) : un film de Claude Bernard-Aubert. France
- Barrage contre le Pacifique (1958) : un film de René Clément. Italie-États-Unis
- Un Américain bien tranquille (1958) : un film de Joseph L. Mankiewicz. États-Unis
- La 317e Section (1965) : un film de Pierre Schoendoerffer. France
- Le Crabe-tambour (1977) : un film de Pierre Schoendoerffer. France
- L’Amant (1992) : un film de Jean-Jacques Annaud. France/Royaume-Uni/Vietnam.
- Indochine (1992) : un film de Régis Wargnier. France
- Dien Bien Phu (1992) : un film de Pierre Schoendoerffer. France
- Un Américain bien tranquille (2002) : un film de Phillip Noyce. États-Unis
- Deux Frères (2004) : un film de Jean-Jacques Annaud. France/Royaume-Uni
- Un barrage contre le Pacifique (2008) : un film de Rithy Panh. France/Belgique
Livres
- Claude Farrère, Les Civilisés (1906)
- Roland Dorgelès, Sur la Route Mandarine, Albin-Michel, Paris (1925), 315 pages
- Jean Marquet, De la rizière à la montagne (1920, Grand Prix de Littérature Coloniale et Prix Corrard de la Société des gens de lettres en 1921)
- Jean Marquet, Du village à la cité : mœurs Annamites (1920)
- Jean Marquet, La Jaune et le blanc (1926)
- George Groslier, Le Retour de l'argile, (1928)
- Jean Marquet, Lettres d'Annamites, Lettres de Guerre, Lettres de Paix (1929)
- André Malraux, La Voie royale, Éditions Grasset, Paris (1930), 269 p.
- Marguerite Duras, Un barrage contre le Pacifique, Éditions Gallimard, Paris, (1950), 364 p.
- Graham Greene, Un Américain bien tranquille, (1952)
- Pierre Schoendoerffer, La 317e Section, (1963)
- Lucien Bodard, La Guerre d'Indochine, Éditions Gallimard, Paris, (1963, 1965, 1967), Éditions Grasset, Paris ,(1997), 1168 pages
- Marguerite Duras, L’Amant, Les Éditions de Minuit, Paris, (1984), 147 p.
- Cécile Drouin, L'Enfant des terres rouges, (1986)
- Duong Thu Huong, Les Paradis aveugles, (1988)
- Marguerite Duras, L’Amant de la Chine du Nord, Éditions Gallimard, Paris, (1991), 237 p.
- Pedro Nguyên Long, Georges Walter, La Montagne aux parfums, (1996), 602 pages
- Philippe Franchini, Les mensonges de la guerre d'Indochine, Perrin, Paris, 2005
- Pascale Roze, L'Eau rouge, (2006)
- Alain Vincent, Indochine La guerre oubliée, Edition Alan Sutton 2007, 125 pages
Personnalités
Elles y sont nées :
- Marguerite Duras (Gia Dinh (Saïgon), 4 avril 1914. Morte à Paris, 3 mars 1996)
- Chantal Goya (Saïgon, Viêt Nam, 10 juin 1942)
- Marie-France Pisier (Dalat, 10 mai 1944.Morte le 24 avril 2011 à Saint-Cyr-sur-Mer (Var))
- Elula Perrin, fondatrice du Katmandou, haut-lieu lesbien parisien, auteure de Les femmes préfèrent les femmes, et de Mousson de femmes. Née à Hanoï en 1929, elle a émigré en France en 1946. Elle est décédée le jeudi 22 mai 2003 à Paris, des suites d'une longue maladie. Elle était âgée de 74 ans.
- Sonia de Borodesky, née à Saïgon en 1926, première femme marin de France, écrivain et résistante.
- Bernard Moitessier (Hanoï, 10 avril 1925 - Issy-les-Moulineaux 16 juin 1994), navigateur et écrivain.
-
- Voir aussi : Catégorie:Naissance en Indochine
Notes et références
- Devenu Fédération indochinoise en 1946
- Jean-Michel Gaillard, « Le désastre de Lang Son », L'Histoire, no 203, octobre 1996, p. 34
- (fr)Le Général PENNEQUIN , biographie sur www.anai-asso.org. Consulté le 25 juin 2010.
- XVIIe siècle, pour les besoins de l'évangélisation, des missionnaires catholiques portugais, espagnols, italiens et français mirent au point une transcription en alphabet latin de la langue vietnamienne. Le jésuite français Alexandre de Rhodes en fut le principal diffuseur et passa longtemps pour l'avoir inventée. L'historien français Pierre Brocheux affirme que des recherches approfondies et non encore publiées relativisent aujourd'hui son rôle. Au
- Les mandarins, recrutés par concours triennaux, étaient les fonctionnaires de l'ancien Viêt-Nam
- Pierre Brocheux. « Un siècle de colonisation », L'Histoire, no. 203, octobre 1996, p. 31
- La IIIe Internationale (ou Komintern) fut fondée par Lénine en 1919 et dissoute par Joseph Staline en 1943. La stratégie « classe contre classe » - à l’inverse de celle, antifasciste, de Front populaire – consistait à refuser tout compromis ou toute alliance avec les démocrates et les socialistes qualifiés de bourgeois ou de « social-fascistes ».
- (fr) Le coup de force du 9 mars 1945
- Biographie (en) du général Gracey sur le site du King's College de Londres; Liddell Hart Centre for Military Archives
- (fr) Spartacus. « Viêt Nam War Overview », page consultée le 13 avril 2006
- (fr) Première guerre d'Indochine, page consultée le 17 avril 2006
- Jacques Dalloz. « Pourquoi la France a perdu la guerre », L'Histoire, no. 203, (octobre 1996), p. 42
- http://www.spartacus.schoolnet.co.uk/VietnamWar.htm Spartacus. « Viêt Nam War Overview », (page consultée le 13 avril 2006), [En ligne], Adresse URL:
- Vo Nguyen Giap. Mémoires - 1946-1954, tome 1 « La résistance encerclée », Paris, Éditions Anako, coll. « Grands Témoins », 2003, p. 197
- Jacques Dalloz. « Pourquoi la France a perdu la guerre », L'Histoire, no. 203, (octobre 1996), p. 41
- Yves Gras. Histoire de la guerre d’Indochine, Saint-Amand-Montrond, Denoël, coll. « Destins croisés », 1992, p. 177
- Laurent Henninger. « Dien Bien Phu : Qu’allaient-ils faire dans cette « cuvette » ? », Histoire, no. 287, (mai 2004), p. 30
Annexes
Bibliographie
Livres
- René, Bail et Jean-Pierre, Bernier, Indochine 1945-1954, 2de partie : Haiphong-Hanoi..., éditions Heimdal 1988.
- Pierre Brocheux et Daniel Hémery, Indochine. La colonisation ambiguë, 1858–1954, La Découverte, 1995.
- Alain Forest, Le Cambodge et la colonisation française : Histoire d'une colonisation sans heurts (1897-1920), Editions L'Harmattan , 1993, (ISBN 978-2-85802-139-0), 542 p.
- Philippe Franchini, Les mensonges de la guerre d’Indochine, Paris, Perrin, 2005, p. 141-161, 169-194, ISBN 2-262-02345-X
- Henri Copin, L'Indochine dans la littérature française des années vingt à 1954, L'Harmattan, 1996.
- Henri Copin, L'Indochine des romans, Kailash, 2000.
- Amiral Jean Decoux, À la barre de l'Indochine, Plon, 1949.
- Alain Gandy, La Légion en Indochine 1885-1955, Presses de la cité, 1988.
- Vo Nguyen Giap, Mémoires - 1946-1954, tome 1 « La Résistance encerclée », Paris, Éditions Anako, coll. « Grands Témoins », 317 p.
- Yves Gras. Histoire de la guerre d’Indochine, Saint-Amand-Montrond, Denoël, coll. « Destins croisés », 1992, 584 p.
- François Graveline, Des hévéas et des hommes : L'aventure des plantations Michelin, Éd. Nicolas Chaudun, 2006.
- Contre-amiral Paul Romé. Les oubliés du bout du monde : Journal d'un marin d'Indochine de 1939 à 1946, Brest, Éditions Danclau, 1998, 275 p.
- Alain Ruscio, La Guerre française d’Indochine, Bruxelles, Éditions complexe, coll. « 1945-1954 – La mémoire du siècle », 1992, 234 p.
- Pierre, Singaravélou, L'École française d'Extrême-Orient ou l'institution des marges. Essai d'histoire sociale et politique de la science coloniale (1898-1956), Paris-Montréal-Turin, L'Harmattan, 1999.
- Hugues Tertrais. « Les Intérêts français en Indochine entre 1954 et 1975 », dans Du conflit d’Indochine aux conflits indochinois, sous la direction de Pierre Brocheux, Paris, Éditions complexe, 2000, p. 37-52.
- Raymond Toinet. Une guerre de trente-cinq ans, Paris, Lavauzelle, 1998, 529 p.
- Histoire de la marine française en Indochine de 1939 à 1945.
- Le Petit Larousse Illustré, Paris, Larousse, 2001, p. 1214, 1408, 1458, 1476, 1745.
- Jean LE PICHON ``Récits et lettres d'Indochine et du Vietnam 1927-1957``, (les INDES SAVANTES, imprimerie ``les Presses de l'Imprimerie Graphique de l'Ouest au Poiré-sur-Vie [VENDéE], 2010, 638 pages, ISBN: 978-2-84654-219-7, EAN: 9782846542197)
Magazines
- Pierre Assouline. « Duras, l'Indochinoise », L'Histoire, no 203, octobre 1996, p. 46-47
- Claude Aziza. « Les Soldats perdus de Pierre Schoendoerffer », L'Histoire, n° 203, octobre 1996, p. 46-47
- Mariane Boucheret. « Le triomphe du caoutchouc », L'Histoire, no 203, octobre 1996, p. 39
- Pierre Brocheux. « Un siècle de colonisation », L'Histoire, no 203, octobre 1996, p. 26-33
- Jacques Dalloz. « Pourquoi la France a perdu la guerre », Histoire, n° 203, (octobre 1996), p. 40-45
- Jean-Michel Gaillard. « Le Désastre de Lang Son », L'Histoire, n° 203, octobre 1996, p. 34-35
- Jean-Michel Gaillard. « La France en Indochine – Une guerre perdue d’avance », Histoire, n° 248, novembre 2000, p. 21-22
- Indochine, Viêt Nam. Colonisation, guerres et communisme, « Les collections de l'Histoire », n°23, avril-juin 2004
- Laurent Henninger. « Dien Bien Phu : Qu’allaient-ils faire dans cette « cuvette » ? », Histoire, n° 287, mai 2004, p. 29-30
- Christophe Dutrône et Etienne Le Baube, L'Indochine en guerre 1940-1945, Batailles hors série n°3, Histoire & collections, 2005.
- Yann Mahé, Étienne Le Baube et Guillaume Le Baube« Les Opérations terrestres de la guerre franco-thaïlandaise. 1940-1941 », Champs de bataille n°19.
- Revue historique des armées n°194, Indochine 1939-1954, SHAT, 1994.
Articles connexes
- Empire colonial français
- Second espace colonial français
- Guerre franco-chinoise
- Guerre d'Indochine
- Histoire de la marine française en Indochine de 1939 à 1945
- Histoire philatélique et postale de l'Indochine
- Liste des gouverneurs d'Indochine
- Histoire de l'Empire colonial français pendant la Seconde Guerre mondiale
- Invasion japonaise de l'Indochine
- Combats en Indochine (1945)
- Révolution d'Août
Liens externes
- La première implantation française en Indochine (XVIIe ‑ XIXe siècle) par Jean-Pierre Duteil, professeur à l'université de Paris VIII.
- Les Français en Indochine, des années 1830 à la fin de la Seconde Guerre mondiale par Jean-Pierre Duteil, professeur à l'université de Paris VIII.
- L'Indochine française et la guerre d'Indochine.
- (en) L'article Viêt Nam sur www.World Statesmen.org.
- La gendarmerie d'Indochine, de l'ère des amiraux au coup de force japonais - Général Louis Beaudonnet, Revue historique des armées, numéro spécial gendarmerie, 1998
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