- Empire
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Un empire est une forme de communauté politique[1] organisée autour d'un pouvoir puissant.
La notion d'Empire est liée jusqu'à la fin du 19° siècle à l'idée d'une structure fédérale couvrant l'ensemble du monde connu sur le modèle de l'Empire romain et de la Pax romana. Cette idée est aussi très prégnante dans la philosophie politique où, de Dante à Kant en passant par Vico et Machiavel, la notion d'Empire est vue comme la façon d'assurer la paix[2]. Au contraire, à la fin du 19° siècle, on assistera à une lutte entre Empires concurrents (Empire allemand, Empire Britannique, Empire du Japon (Sphère de coprospérité de la grande Asie orientale ; expansionnisme du Japon), Russie impériale etc.). Pour Hobson[3] de la sorte, le lien qu'il y avait entre Empire et internationalisme va être rompu.
Les empires basés sur la terre, comme l'empire Romain ou la Russie impériale, ont tendance à être monolithiques ; les empires maritimes, comme l'empire de Crète incarné par le Minos qui précède l'empire athénien et celui de Carthage, ou l'empire britannique, ont des structures plus lâches et des territoires éparpillés. Généralement, la création d'un empire implique une ou plusieurs conquêtes militaires considérées dans les meilleurs des cas comme une unification et un destin (Haute et Basse Egypte, sept royaumes de Chine).
En fait, le terme d'empire est assez flou, car il ne renvoie pas à une organisation politique précise. On l'emploie autant pour désigner des républiques (Athènes au Ve siècle av. J.‑C.) , que des monarchies (l'Autriche au XIXe siècle) , ou des confédérations (le Saint-Empire romain germanique au Moyen Âge). De même, il désigne parfois des démocraties (la France de la Troisième République), parfois des dictatures (l'empire russe au XIXe siècle) ou encore des oligarchies (l'empire romain).
Les historiens sont d'ailleurs divisés sur le sujet. Selon Moses Finley[4], est empire tout « exercice durable par un État d'une autorité, d'un pouvoir, ou d'un contrôle sur un ou plusieurs États, communautés ou peuples. ». À cette conception très large s'oppose celle de Jean Tulard[5], pour lequel n'est empire que ce qui possède les cinq traits suivants :
- une volonté expansionniste
- une organisation centralisée
- des peuples encadrés par une armature politique et fiscale commune
- la croyance en une supériorité d'essence
- un début et une fin clairement identifiés.
Sommaire
À travers l'Histoire
Le mot empire vient du latin imperium, un mot désignant le pouvoir des consuls, puis la structure politique de l'Empire romain, fondé en 31 avant J.-C.. Pendant plusieurs siècles, le terme d'Empire ne s'appliqua qu'aux États qui se considéraient comme héritiers de l'Empire romain, par exemple l'Empire byzantin, le Saint-Empire romain germanique ou l'Empire russe.
L'expression terre d'empire désigne les territoires (souvent limitrophes de la France) appartenant au Saint-Empire romain germanique, hérités du partage de l'empire de Charlemagne entre ses descendants et souvent de culture et de langue allemande. La rive gauche du Rhin est l'exemple type, vu qu'elle recouvre entre autres l'Alsace qui ne devint pour la première fois « française » qu'après les conquêtes de Louis XIV (voir aussi Bourgogne).
Au fil du temps, les monarchies qui se voyaient plus qu'un simple royaume, utilisèrent ce terme ou sa traduction (par exemple la Bulgarie), puis le terme s'appliqua à des monarchies non européennes et à de vastes États non monarchiques.
Le concept politique précède de plusieurs millénaires l'Empire romain ; les empires sont apparus dès que la création des premières villes-États eut rendu la structure administrative possible. Le premier exemple connu est l'Empire akkadien de Sargon. A posteriori, le terme empire s'appliquera aux principales civilisations expansionnistes sous la domination d'un chef unique, telles que l'Egypte pharaonique et Babylone, ou à la réussite expansionniste (souvent éphémère) d'un peuple (tel que les Hittites) mené souvent par un chef illustre.
Les empires peuvent prendre plusieurs formes. Traditionnellement ils sont basés sur l'autorité de puissantes monarchies exercée par un empereur héréditaire, initialement auto-désigné. Historiquement la plupart des empires sont le fruit de conquêtes militaires par des États puissants, les États conquis étant amalgamés dans un ensemble politique plus vaste. La monarchie ou l'oligarchie située dans le territoire originel continue à dominer cette union. Nombre de ces anciens empires maintenaient leur pouvoir sur leurs sujets par le contrôle des ressources vitales. Les historiens parlent de certains de ces régimes comme des « empires de l'eau », car l'ethnie dominante s'arroge le contrôle de l'eau.
L'introduction d'une religion commune a aussi souvent renforcé les empires[précision nécessaire], comme cela s'est produit avec le christianisme avec Constantin Ier pour l'Empire romain[réf. nécessaire], voire constituer l'essence d'un empire (califats de Damas et Bagdad), ou au contraire unir différentes croyances (empire de Rome, Inde...).
Impérialisme
Article détaillé : Impérialisme.La découverte du Nouveau Monde fut l'occasion pour de nombreux États d'Europe de s'embarquer dans un programme impérialiste d'un type nouveau, la colonisation. Avec ce nouveau modèle, précédemment testé dans l'Ancien Monde aux Îles Canaries et en Irlande, les territoires conquis devenaient de droit subordonnés à l'État impérial, plutôt que de facto comme dans les premiers empires. Ce qui conduisit à de forts ressentiments dans les colonies, et par conséquent au déclin de ce système dès le XVIIIe siècle pour les États-Unis et jusqu'à la fin du XXe siècle pour les autres pays.
Le modèle impérialiste européen a aussi provoqué des découpages géographiques arbitraires. La puissance impérialiste ayant tendance à découper les territoires suivant ses convenances, plutôt qu'en fonction des populations. Par exemple le découpage Irak/Koweït semble plus correspondre aux intérêts pétroliers, qu'à des raisons historiques ou ethniques. De façon générale, l'Afrique souffre encore du décalage entre les frontières étatiques héritées de la période coloniale et les frontières ethniques, généralement beaucoup plus anciennes. Ce décalage a eu différents effets pervers :
- clanisme : un clan ou une ethnie s'arroge le pouvoir étatique.
- sécessions : des ethnies, parfois soutenues par l'ancienne puissance coloniale ou par un pays impérialiste, entendent créer leur propre État (guerre du Biafra, du Katanga, etc.).
- expansionnisme : certains dirigeants justifient leur expansionnisme au nom de l'artificialité des frontières. Ex. : guerre du Koweït.
Les différentes tentatives d'union territoriale destinées à lutter contre ces effets pervers ont échoué :
- panarabisme : Gamal Abdel Nasser, Mouammar Kadhafi ou Front islamique d'action.
- panafricanisme : Mouammar Kadhafi.
- panislamisme : frères musulmans, al-Qaida ou Front islamique d'action
- panslavisme : Vinko Pribojević et Danilevski
- pangermanisme : Georg Wilhelm Friedrich Hegel, Friedrich Naumann ou Adolf Hitler
- panaméricanisme: Henry Clay et Thomas Jefferson.
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Empires modernes
Le concept d'« empire » dans le monde moderne, même s'il reste présent politiquement, a commencé à perdre de sa cohérence sémantique. Le seul pays encore gouverné par un empereur, est le Japon, dont la monarchie a une population ethniquement homogène (à 99 % de souche japonaise). Comme les monarchies, exceptées les monarchies constitutionnelles, ont en grande partie perdu la faveur, le terme d'empire est devenu anachronique depuis que les empires coloniaux ont disparu à l'issue du processus de décolonisation.
L'ex-URSS répondait à beaucoup de critères d'un empire, elle n'a jamais revendiqué cette appellation, ni n'a été gouverné par un « empereur » héréditaire (voir Empire soviétique). Néanmoins, les historiens la classent de temps en temps comme un empire, à la fois pour sa similarité avec les empires du passé et son influence sur un bloc eurasien multi-ethnique.
Les États multi-ethniques actuels (la Suisse ou la Belgique par exemple) se voient comme des fédérations volontaires, et non comme des empires ; la plupart ont des structures démocratiques, et des systèmes de gouvernement qui répartissent le pouvoir sur plusieurs niveaux fédéraux et provinciaux. Quand des groupes séparatistes existent, les observateurs internes et externes peuvent ne pas être d'accord pour savoir si les actions du gouvernement contre eux sont :
- un renforcement légitime de la loi contre ces groupes marginaux, violents ou non ;
- des violences pour contrôler une population généralement insoumise.
En 2010, la liste des États multi-ethniques où se déroulent actuellement des actes de violence pour ou contre les séparatistes serait trop longue, néanmoins la Chine, la Russie, l'Indonésie et l'Inde se distinguent par leur importance.
Les États-Unis, généralement considérés comme une fédération, fournissent un autre exemple. Parmi les conséquences de la Guerre froide, ils sont apparus comme la première superpuissance mondiale, et bien que le pays n'ait pas engagé de manière formelle une expansion territoriale depuis l'annexion d'Hawaï et des Philippines, nombreux sont ceux qui ont suggéré que sa puissance militaire et économique lui permettait d'exercer une sorte de néo-impérialisme sur une grande partie du monde moderne (voir Empire américain).
Empires historiques
Certaines dates de début et de fin sont approximatives :
Les 10 Empires les plus vastes à leur plus grande extension
- Empire mongol - 33 millions km2 (1254)
- Empire britannique - 30 millions km2 (1922)
- Empire russe - 23,7 millions km2 (1866)
- Califat Omeyyades - 16,1 millions km2 (720 ou 750)
- Empire espagnol - 14 millions km2 (1740-1790)
- Second empire colonial français - 13 millions km2 (1938)
- Empire de la dynastie Yuan - 13 millions km2 (1310)
- Empire de la dynastie Qing - 11,2 millions km2 (1790)
- Califat Abbasside - 11,3 millions km2 (750)
- Empire colonial portugais - 10,9 millions km2 (1815)
- Premier empire colonial français - 10 millions km2
Dans les œuvres de fiction
- L'Empire Galactique d'Isaac Asimov, en plein déclin dans son Cycle de Fondation.
- L'Empire galactique, dans l'univers de Star Wars, ainsi que les différents Empire Sith, le Nouvel Empire Galactique mais aussi L'Empire Infini des Rakatas.
- L'Empire fondé par Sigmar, dans le monde de Warhammer
- L'Imperium, l'empire Tau, dans l'univers de Warhammer 40,000
- L'Empire des Anciens, dans l'univers de la franchise Stargate
- L'Empire Deceptican, dans l'univers Transformers
- Les empires rivaux d'Archadia et de Rozarria, dans le monde de Final Fantasy XII
- L'empire de Shaddam IV Corrino possédant notamment la planète Arrakis dans Dune
- L'Empire saint britannien, Britannia, possédant la moitié du monde et dirigé par l'empereur Charles di Britannia. Code Geass
- L'empire cyrodiilien dans la série de jeux Elder Scrolls
Notes et références
- Marguerite Boulet-Sautel, « Empire », Dictionnaire de philosophie politique, PUF.
- Hobson, 1988, p.9
- Hobson, pp.9-11
- Moses Finley, Économie et société en Grèce antique, La Découverte, 2007
- Jean Tulard, Les empires occidentaux de Rome à Berlin, PUF, 1997
Articles connexes
- Types de gouvernements
- Impérialisme linguistique
- Empire français : pour Premier Empire et Second Empire
- Imperium
Bibliographie
- John Atkinson Hobson, 1902, Imperialism, Unwin Hyman, édition utilisée 1988.
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