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Histoire des Juifs en France
L'histoire des Juifs en France remonte aux débuts de l'ère commune, avec l'exil de certains membres de la classe dirigeante de Judée en Gaule. La présence juive en Gaule romaine est attestée par plusieurs sources dont Grégoire de Tours et des découvertes archéologiques. Au haut Moyen Âge, les Radhanites animent le commerce international. Au XIe siècle, la France devient un pôle florissant de la culture juive, abritant au nord les communautés des Tzarfatim[1], d'origine ashkénaze, et les Juifs de Provence au Sud. Cependant, à cette époque font suite, au XIIe siècle, celle des Croisades et de leurs massacres, au XIIIe siècle sous saint Louis, celle des procès intentés au Talmud , et, au XIVe siècle, celle des expulsions temporaires puis définitives. Ces mesures touchent l'ensemble des Juifs, à l'exception des ceux du Comtat Venaissin, protégés par le Pape.
Le XVIe siècle voit l'arrivée à Bordeaux des Juifs portugais. Si certains ont effectivement adopté le catholicisme, la plupart d'entre eux pratiquent le judaïsme en secret.
Au XVIIIe siècle, la Révolution française est suivie d'une mutation profonde et décisive pour le judaïsme mondial : la France est le premier pays d'Europe à émanciper et intégrer les Juifs dans la nation.
Cependant, cette acquisition de l'égalité légale suscite une reviviscence d'un antisémitisme typiquement français, lequel se révèlera lors de l'affaire Dreyfus à la fin du XIXe siècle.
Provisoirement contenu, l'antisémitisme fait un retour en force au XXe siècle, lors de la Shoah, avec le gouvernement de Vichy. La communauté juive est profondément marquée par la disparition d'un quart de ses membres et surtout des Juifs étrangers présents sur le territoire en 1940. Ce taux de mortalité est toutefois très nettement inférieur à celui des autres pays d'Europe occupés par le régime nazi, comme les Pays-Bas ou les pays d'Europe centrale. En France, la mémoire juive ne se reconstruit, progressivement, qu'à partir des années 1970.
Dans les années 1950 et 1960, la communauté juive française perd son caractère majoritairement ashkénaze. En effet, les Juifs séfarades (pied-noir) sont contraints de quitter l'Afrique du nord à la suite de l'indépendance du Maroc en 1956 et de la Tunisie en 1957, de la crise de Suez avec l'Égypte en 1956 et surtout, de l'indépendance de l'Algérie en 1962. Pour la plupart français ou francophones, ils se sont principalement réfugiés en France et en Israël.
La communauté juive de France est aujourd'hui constituée de 488 000 personnes, selon l'Agence Juive[2], ce qui en fait la plus importante communauté juive d'Europe. Les Juifs français se répartissent principalement dans les villes de Paris, Marseille, Lyon, Nice, Toulouse et Strasbourg. Cette communauté, en majorité séfarade depuis quelques décennies, se caractérise par sa très grande diversité vis-à-vis de la tradition, depuis les Haredim (Juifs ultra-orthodoxes) jusqu'aux Juifs assimilés.
Époques gallo-romaine et mérovingienne
Le premier Juif connu à avoir vécu en Gaule est de lignée royale : il s'agit d'Archelaüs[3], ethnarque de Judée et fils d'Hérode le Grand, exilé par Auguste à Vienne en l'an 6[4]. Il y meurt 10 ans plus tard. Son frère Hérode Antipas qui avait le titre de tétrarque de Galilée est exilé en 39 par Caligula à Lyon selon Bernhard Blumenkranz[5] à moins que ce ne soit à Lugdunum Convenarum (Saint-Bertrand-de-Comminges) selon l'article « Hérode Antipas » du Grand Dictionnaire Encyclopédique Larousse. Si on ne connaît pas de postérité à ces exilés, la présence de Juifs est attestée dès la fin du Ier siècle par des vestiges archéologiques tels qu'une lampe à huile ornée du chandelier à sept branches découverte en 1967 à Orgon[5],[6]. Selon une tradition, les premiers visiteurs juifs ayant constaté la ressemblance de la Gaule avec la région de Sarepta (en hébreu biblique צרפת, Tzarfát), la Gaule puis la France reçoivent le nom de cette localité sud-libanaise, qu'elles conservent à ce jour en hébreu moderne[7].
Si nos connaissances sur les Juifs de la Gaule antique restent parcellaires, elles suggèrent cependant une communauté assez notable pour que le pouvoir ou l'Église légifèrent à son propos. La Jewish Encyclopedia[8] indique qu'au IVe siècle Hilaire de Poitiers, évêque de cette ville, est félicité pour avoir quitté la société juive. Un décret des empereurs Théodose II et Valentinien III, adressé à Amatius, préfet de la Gaule (9 juillet 425) interdit aux Juifs et aux païens d'être avocats ou magistrats ou fonctionnaires de façon que les chrétiens ne leur soient pas subordonnés et que Juifs et païens soient incités à se convertir au christianisme. Aux funérailles de Hilaire, évêque d'Arles, en 449, les Juifs et les chrétiens pleurent ensemble tandis que ces derniers chantent des psaumes en hébreu. Mais en l'an 465 au concile de Vannes, l'Église interdit à ses prêtres de participer à des repas donnés par les Juifs puisque les Juifs refusent de participer à des repas préparés par les chrétiens.
Au VIe siècle, on trouve des Juifs à Marseille à Arles, à Uzès, à Narbonne, à Clermont-Ferrand, à Orléans, à Paris et à Bordeaux. Ces villes sont généralement des centres administratifs romains situés sur de grandes routes commerciales et les Juifs y possèdent des synagogues. Respectant toujours un édit adressé en 331 aux décurions de Cologne par l'empereur Constantin et le Code de Théodose, l'organisation interne des Juifs de cette époque semble avoir été la même que dans l'Empire romain. Les Juifs sont principalement marchands ; ils sont également percepteurs d'impôts, marins et médecins. Tant que s'applique la loi romaine et suite au statut établi par Caracalla, ils restent les égaux de leurs concitoyens. L'empereur Constantin (321) les contraint à participer dans leur curie à un lourd impôt qui frappe tous les citoyens des villes. Tout laisse à penser que leurs relations avec leurs concitoyens non-juifs sont amicales, même après l'établissement du christianisme en Gaule. On sait que le clergé chrétien participe à leurs fêtes ; des mariages inter-religieux entre juifs et chrétiens se produisent parfois ; le judaïsme fait des émules et ses coutumes religieuses sont si librement adoptées qu'au troisième Concile d'Orléans (539) les autorités religieuses chrétiennes jugent nécessaire de mettre en garde les fidèles contre les « superstitions juives », et d'ordonner à ceux-ci de s'abstenir de tout déplacement le dimanche.
À la fin du VIe siècle, les Juifs peuvent connaître des situations très diverses : Grégoire de Tours raconte qu'en 576 une émeute détruit la synagogue de Clermont de fond en comble, à la suite de quoi les Juifs de la ville acceptent le baptême[9]. Inversement, le Juif de Paris Priscus est conseiller du roi Chilpéric Ier et dans une controverse avec celui-ci refuse sans dommage pour lui la conversion[10].
En 591, les Juifs chassés de la ville d'Orléans se réfugient en Provence. À ce propos, une lettre du pape Grégoire le Grand réprimande l'archevêque d'Arles Virgile, suite à de nombreuses plaintes pour des conversions forcées.
En 629, Dagobert Ier propose d'expulser de ses domaines tous les Juifs qui n'accepteraient pas le christianisme. À partir de son règne jusqu'à celui de Pépin le Bref, on n'a guère d'autres indications. Mais dans le sud de la France, dans ce qui était alors connu comme « Septimanie » (ou Narbonnaise) et était une dépendance des rois wisigoths d'Espagne, les Juifs continuent à résider et à prospérer. De cette époque (689) date la plus ancienne inscription funéraire juive connue en France, celle de Narbonne, visible au Musée archéologique de Béziers. Les Juifs de Narbonne, principalement des négociants, s'entendent bien avec le reste de la population qui alors se rebelle souvent contre les rois wisigoths.
Période carolingienne
Les Juifs sont nombreux sous Charlemagne et leur statut est fixé par la loi. En justice, les Juifs prêtent serment selon une formule spéciale et il leur est permis d'intenter un procès contre des chrétiens. Dans leurs relations avec ces derniers, ils n'ont d'autres obligations que leur accorder le repos dominical. Ils ne doivent pas faire le commerce des monnaies, du vin ou du blé. Le plus important est le fait qu'ils sont jugés par l'empereur lui-même, auquel ils appartiennent. Ils pratiquent le négoce international[11]. Charlemagne par exemple employe un Juif pour rapporter de Palestine des marchandises précieuses. Un autre Juif, Isaac, est envoyé par Charlemagne en 797 avec deux ambassadeurs chez Haroun ar-Rachid[12]. C'est lui qui au retour en 802 à Aix-la-Chapelle remet à Charlemagne les cadeaux reçus d'Haroun ar-Rachid dont un éléphant[9]. En fait, il apparaît que le règne de Charlemagne est plutôt favorable aux Juifs, même si une autre discrimination veut que dans un procès le Juif doive produire plus de témoins que le chrétien pour avoir gain de cause[13]. On parle même d'une famille de princes juifs (ou « Nasi ») à Narbonne[14].
Louis le Débonnaire (814-833), fidèle aux principes de son père, accorde une stricte protection aux Juifs, auxquels il accorde une particulière attention en raison de leurs activités de négociants. Dans une lettre à Louis le Débonnaire, Agobard (778-840), évêque de Lyon, fait de nombreux reproches aux Juifs : ils achèteraient des esclaves chrétiens à Lyon pour les revendre en Espagne[15] ; ils seraient superstitieux et auraient des croyances absurdes ; ils influenceraient gravement les chrétiens et prétendraient que ceux-ci adorent des idoles. Agobard n'a pas gain de cause auprès de Louis le Débonnaire[16] mais ces allégations semblent montrer la prospérité dont jouissent les Juifs de Lyon.
Le comportement de cet évêque, hostile à la communauté juive de Lyon protégée par le roi Louis va cependant pousser les Juifs à émigrer vers Arles et les cités du midi, ce qui accrédite la présence probable d'une communauté juive importante dans les communautés méridionales au début du IXe siècle.
Henri Pirenne[17] constate qu'au VIIIe siècle le commerce entre l'Occident et l'Orient ne se fait plus que par les négociants juifs, seuls liens entre l'Islam et la Chrétienté[11]. Il est permis de penser que les marchands juifs de la vallée du Rhône sont ces Juifs dits radhanites, grands voyageurs, hommes de profonde culture et parlant de nombreuses langues, qui maintiennent le contact entre l'orient et l'occident[9].
Les premiers Capétiens (987-1096)
Premières persécutions
La vie relativement paisible des Juifs sous les Carolingiens entraîne le développement de nouvelles communautés notamment à Toulouse, Carcassonne, Chalons sur Saône, Sens et Metz[18]. Mais le pouvoir des Carolingiens s'effrite vite et le sort des Juifs devient complètement dépendant du bon vouloir du pouvoir local. En 987, Hugues Capet est le premier Capétien à monter sur le trône de France.
En 1010 Alduin, évêque de Limoges[19], offre aux Juifs de son diocèse le choix entre le baptême et l'exil. Pendant un mois les théologiens tentent de les convertir, sans grand succès puisque seuls quelques Juifs abjurent leur foi ; les autres quittent la ville pour s'établir ailleurs, certains se donnent la mort. Un texte hébreu relate aussi que le duc Robert II de Normandie se serait concerté avec ses vassaux pour que tout Juif qui n'accepterait pas le baptême sur leurs terres soit éliminé, menace mise à exécution, alors que de nombreux Juifs se suicident. Au nombre des martyrs se trouve l'érudit Rabbi Senior. Un riche et influent érudit de Rouen, Jacob ben Jekuthiel, s'était auparavant rendu à Rome (1007) pour solliciter la protection de ses coreligionnaires de Lorraine par le pape ; le souverain pontife envoya un haut dignitaire pour mettre fin à la persécution. Mais Robert le Pieux, bien connu pour ses préjugés religieux et la haine qu'il portait aux hérétiques, poursuit dans la ligne de l'intolérance. Il pourrait y avoir un lien entre cette persécution et une rumeur qui s'est répandue au cours de l'année 1010 : à en croire Adémar de Chabannes, qui écrit en 1030, en 1010 les Juifs d'occident adressent une lettre à leurs coreligionnaires d'orient les avertissant de l'imminence d'une expédition militaire contre les Sarrasins. L'année précédente, le Saint-Sépulcre avait été transformé en mosquée par les Musulmans, sacrilège qui avait provoqué la fureur de la chrétienté et notamment du pape Serge IV. L'exaspération de la chrétienté répand alors la croyance en une entente secrète entre Musulmans et Juifs. Vingt ans plus tard, le moine chroniqueur Raoul Glaber donne d'autres détails sur cette affaire. Selon lui, les Juifs d'Orléans auraient envoyé en orient une lettre, portée par un mendiant, qui incitait à la destruction du Saint-Sépulcre. Glaber ajoute qu'à la découverte de ce « crime », l'expulsion des Juifs fut partout décrétée. Pourchassés, tués ou acculés au suicide, bien peu demeurent dans le monde romain. Cinq ans plus tard, une partie de ceux qui ont pu s'échapper peuvent revenir. De nouveaux troubles se produisent aux alentours de 1065. À cette date le pape Alexandre II écrit au vicomte de Narbonne, Béranger, et à Guifred, évêque de la ville, qu'il loue d'avoir évité le massacre de Juifs dans leur ville, leur rappelant par la même occasion que Dieu n'approuve pas qu'on répande du sang[19]. La croisade lancée contre les Maures en Espagne s'était en effet soldée par la mise à mort sans distinction de tous les Juifs que les Croisés rencontraient sur leur route : la figure de l'infidèle se déplace, par effet de proximité, du Maure au Juif rencontré en chemin.
Toujours selon Adhémar de Chabanne, la cérémonie humiliante de la « colaphisation » (du latin colaphus, soufflet) avait lieu au début du XIe siècle à Toulouse. Le comte de Toulouse "colaphisait" un Juif, c'est-à-dire le giflait dans la cathédrale, le jour de Pâques, en représailles du soufflet que Jésus avait reçu durant sa Passion[20].
Certaines régions de la France actuelle restent dans cette période plus accueillantes aux Juifs : les comtes de Champagne dont la province ne sera rattachée au domaine royal qu'à la mort de Philippe le Bel permettent à une communauté juive intellectuellement brillante de se développer à Troyes. C'est aussi aux alentours de l'an mille que se constitue la communauté juive alsacienne[21]. Quant à la Provence, de 1000 à 1300 elle connaît un véritable « âge d'or » dans des villes comme Narbonne, Lunel ou Montpellier[20].
Littérature juive en France
Pendant cette période jusqu'à la première croisade, la culture juive se développe dans des communautés culturellement proches les unes des autres, qu'elles se situent au nord ou au sud de la France. Son domaine de prédilection est la poésie liturgique - l'écho des souffrances d'Israël et l'expression de son espoir invincible - et est plus souvent un exercice scolastique simple destiné plus à amuser et instruire qu'à émouvoir.
Après ceci vient l'exégèse biblique, l'interprétation simple du texte, reflétant une foi complète dans l'interprétation traditionnelle, et fondée de préférence sur le Midrash. Finalement et surtout, c'est le Talmud et ses commentaires qui sont les plus étudiés. Ce texte ainsi que les écrits des Gueonim, en particulier leur responsa, ont été révisés et copiés ; ensuite ces écrits ont été traités comme un code de droit et ont été commentés et étudiés, autant pour faire un exercice de dialectique que pour réfléchir à leur conséquences pratiques [22].
Un des plus fameux savants de cette période est Rabbenou Guershom (960-1028) qui vit entre Metz et Mayence. C'est un des premiers docteurs de la loi ashkenazes. Il interdit la polygamie et la répudiation de l'épouse sans son consentement. Bien qu'il ait enseigné à de nombreux élèves, son flambeau n'est repris que par l'illustre Rachi, né 12 ans après sa mort. À la même époque, Joseph Tov Elem, rabbin dans le Limousin et en Anjou, pose la base de l'organisation des communautés juives qui se développent en France du Nord.
Rachi
La grande figure qui domine la deuxième moitié du XIe siècle, de même que l'histoire rabbinique entière de la France, est Rachi (Salomon ben Isaac) de Troyes (1040-1106)[23]. Les rabbins, auteurs de l'article Rachi dans la Jewish Encyclopedia sont admiratifs : en lui est personnifié le génie du Judaïsme de la France du nord, son attachement à la tradition ; sa foi tranquille ; sa piété, ardente mais libre de mysticisme, reflet de sa fonction de rabbin à Troyes et de son métier de vigneron. Ses travaux se distinguent par leur clarté, leur droiture et le rejet de la subtilité. Leur style est simple, concis, naturel, convenant à leur sujet. Son commentaire sur le Talmud est le produit d'un travail colossal qui a éclipsé les travaux semblables de tous ses prédécesseurs. Par sa clarté et son bon sens, il a rendu facile l'étude de cette vaste compilation et est bientôt devenu son complément indispensable. Son commentaire de la Bible (particulièrement sur le Pentateuque), une sorte de répertoire sur le Midrash, a servi pour l'édification, mais a également développé le goût d'une exégèse simple et naturelle. Ses commentaires du Talmud souvent ponctués de mots français transcrits en caractères hébreux sont une source très importante d'information sur le français du XIe siècle.
L'école qu'il fonde à Troyes, son lieu de naissance, après avoir suivi les enseignements des rabbins de Worms et de Mayence devient immédiatement célèbre. Il enseigne à Simhah ben Samuel[24], Rabbi Samuel ben Meïr (Rashbam) et au Rivam[25], ses petit-fils ; et surtout, il est à l'origine de l'école des Tossafistes qui fait jusqu'au XIVe siècle la réputation du judaïsme français. Dans ses commentaires bibliques, il se sert des travaux de ses contemporains. On doit citer parmi eux Moshe haDarshan, chef de l'école de Narbonne, qui est peut-être le fondateur des études exégétiques en France et Menahem ben Helbo.
Ainsi la littérature juive est-elle particulièrement féconde en France au XIe siècle. Dès lors, on peut considérer que le judaïsme français est devenu l'un des piliers du judaïsme universel[26].
La première croisade et le XIIe siècle
Dès le XIe siècle, une chronique comme celle de Raoul Glaber accrédite l'idée que les Juifs d'Orléans ont comploté pour faire détruire le Saint-Sépulcre. Ces calomnies invraisemblables sont pourtant catastrophiques pour les Juifs. Et même si les Juifs de France semblent avoir un peu moins souffert des Croisades que leurs coreligionnaires allemands, la première croisade prêchée par Pierre l'Ermite est un désastre pour les Juifs[18]. Les Croisés enferment les Juifs de Rouen dans une église et exterminent tous ceux sans distinction d'âge ou de sexe qui refusent le baptême. Ces massacres sont rappelés dans la liturgie juive comme "Gzeirot Tatnav" (גזירות תתנו). Les Juifs d'Orléans et de Limoges sont également chassés de leur ville[27].
D'après un document en hébreu, les Juifs de France vivent dans la peur qu'ils expriment alors par écrit à leurs coreligionnaires de la région rhénane en leur demandant de prier pour eux[27]. Ironiquement, c'est dans la vallée du Rhin que les massacres sont les plus importants : des milliers de Juifs sont tués par les Croisés et des communautés entières disparaissent à cette époque (voir Croisade allemande de 1096). On sait aussi que les Juifs sont attaqués en 1146 à Strasbourg suite au prêche de la croisade par un moine appelé Radulph[28].
C'est à l'époque des Croisades (1096-1099 pour la première, 1147-1149 pour la deuxième) que se développent deux des accusations envers les Juifs les plus courantes de l'antisémitisme chrétien, à savoir les allégations qu'ils se livrent aux meurtres rituels et pratiquent couramment l'usure. L'accusation de meurtre rituel est liée à la volonté prêtée aux Juifs de répéter la crucifixion en tuant des chrétiens. De telles accusations deviennent fréquentes à la fin du XIIe siècle et aboutissent à Blois à une exécution massive où 31 Juifs sont brûlés vifs en 1171[22].
Quant à l'accusation d'usure, elle est liée au fait que le prêt à intérêt assimilé à l'usure est interdit aux chrétiens mais pas aux Juifs et donc que les Juifs deviennent souvent les banquiers des riches comme des pauvres. Et l'accusation d'usure permet aux emprunteurs de s'affranchir de leurs dettes[29].
Malgré l'hostilité qui les entoure, les Juifs du XIIe siècle ont une vie intellectuelle étonnamment active. L'école des Tossafistes se développe en Champagne notamment à Ramerupt autour de Rabbenou Tam, un des petits-fils de Rachi mais aussi en Bourgogne, à Paris et en Normandie. Des réunions de rabbins venant de France ou des bords du Rhin furent même organisées à Troyes, où il y avait deux synagogues[18], par Rabbenou Tam[30].
De même, le sud de la France connaît une vie juive plutôt florissante malgré des manifestations anti-juives violentes. À Béziers, le dimanche des Rameaux est l'occasion de pillage des maisons des Juifs coupables d'avoir crucifié Jésus. À Toulouse, des taxes spéciales sont perçues sur les Juifs. Mais ils peuvent aussi avoir des postes administratifs importants souvent liés à l'administration des biens des nobles. Les rabbins érudits souvent en contact avec la brillante vie juive d'Espagne sont nombreux particulièrement à Narbonne ou à Lunel[31]. Benjamin de Tudèle, rabbin espagnol et grand voyageur, donne vers 1165 une description très positive de la vie des Juifs du midi de la France tant au plan matériel et commercial qu'au plan culturel ou même politique[32]. Un Juif comme Abba Mari peut être baile (bailli) de Saint-Gilles et trésorier de la commune de Nîmes en 1170. Les médecins juifs de la famille Ibn Tibbon établis à Lunel traduisent Aristote en hébreu et contribuent ainsi à la rediffusion des textes antiques[18].
En Alsace, si Benjamin de Tudèle parle de plusieurs Israélites « sages et riches » à Strasbourg, l'Église conserve une image dévalorisante des Juifs comme en témoigne la célèbre statue de la cathédrale de Strasbourg représentant la Synagogue aux yeux bandés et à la lance brisée.
Expulsions et Retours
Expulsion et rappel par Philippe-Auguste
À la fin du XIIe siècle, l'activité économique se développe et Paris connaît un grand essor auquel les Juifs participent. La population en vient vite à les jalouser et Philippe-Auguste, roi à 15 ans en 1180, entend ces plaintes. Il voit donc en eux des ennemis de la foi et des concurrents dangereux pour la toute nouvelle bourgeoisie commerçante. Le 10 mars 1182, un édit du roi dépouillent les Juifs de tous leurs biens et les contraint à quitter le royaume. Les synagogues sont transformées en églises, les biens des Juifs redistribués à des nobles ou à des corporations. Philippe-Auguste venait d'inventer un modèle d'expulsion-spoliation des Juifs qui allait se répéter à de nombreuses reprises dans l'histoire. Cette première expulsion leur apprend aussi à ne pas investir en valeurs immobilières mais à se contenter de numéraire et de bijoux négociables et transportables.
Les Juifs ne vont cependant pas très loin car le domaine royal est encore petit. Ils émigrent au plus près en Champagne ou en Bourgogne, mais aussi plus au sud en Provence[18].
En 1198, Philippe Auguste rappelle les Juifs. Ce n'est pas une compassion tardive mais un intérêt bien compris qui lui fait prendre cette décision. En effet, les Juifs par leur métier de prêteurs contribuent à l'essor économique du royaume. De plus, un impôt spécial frappe chacune de leurs transactions[18]. Ce rappel des Juifs dans le royaume s'accompagne d'un accord d'extradition réciproque avec le comte Thibaut III de Champagne. Enfin, le roi fait des Juifs ses propres serfs qui ne bénéficient même plus d'une certaine protection de l'Église. Ils sont soumis complètement à l'arbitraire royal et à celui de ses seigneurs[33].
Mais en ce début de XIIIe siècle, l'Église devient plus dure avec les Juifs que le roi et en 1205 le pape Innocent III proteste auprès du roi de France contre la protection qu'il leur accorde. Le pape est même d'avis d'annuler les dettes envers les Juifs des seigneurs qui se croisent, ce que n'accepte pas le roi[34].
Le sort des Juifs du Languedoc
A la fin du XIIe siècle, les Juifs du Languedoc et du comté de Toulouse connaissent un sort enviable. La vie intellectuelle est brillante. Isaac l'Aveugle commente un des livres fondateurs de la Kabbale, le Sefer Yetzira. Raymond VI de Toulouse confie des charges importantes aux Juifs et laisse le catharisme se développer dans ses possessions.
Aussi le légat du pape qui va déclencher la croisade des Albigeois ne reproche-t-il pas seulement au comte de Toulouse d'avoir laissé se développer le catharisme mais aussi d'avoir fait la part trop belle aux Juifs. Ceux-ci ne sont pas massacrés comme les cathares après la défaite mais en 1229, Raymond VII de Toulouse est vaincu et ses terres passent après sa mort sous la possession d'Alphonse de Poitiers, frère de Saint Louis. Dès lors, les Juifs sous sa domination souffrent d'un arbitraire semblable à celui qui règne à leur égard dans le royaume de Saint Louis. Alphonse de Poitiers ne manque pas de les pressurer : taxes pour dispense de rouelle ; sous menace d’expulsion, ils lui apportent des fonds pour la croisade en 1248 ; nombreuses extorsions de fonds avec menaces d'expulsion et imposition forcée qui lui rapporte autant que celle sur les chrétiens pour celle de 1270. Les Juifs émigrent alors vers la Provence, sous la domination de la maison d'Anjou[18],[35].
Sous Louis VIII et saint Louis
Avec Louis VIII (1223-1226) et surtout Louis IX (1226-1270), la condition des Juifs est marquée par une influence croissante de l'Église sans que l'intérêt de la Couronne ne soit oublié.
Louis VIII, dans son ordonnance Etablissement sur les Juifs de 1223, bien que plus inspiré par les doctrines de l'Église que son père, Philippe-Auguste, sait également veiller aux intêrets (à très court terme) du Trésor. Il interdit l'intérêt sur les prêts consentis par les Juifs mais demande aux seigneurs de percevoir en 3 ans le remboursement du capital pour le compte des Juifs. De plus, il supprime l'impôt spécial sur les transactions signées par des Juifs et les ramène dans le droit commun[36].
La politique de saint Louis envers les Juifs conjugue deux grands thèmes : son hostilité au prêt à intérêt et son hostilité au judaïsme. Louis IX, très pieux et soumis à l'Église, condamne sans réserve les prêts à intérêt et est moins sensible que Philippe Auguste, son grand-père, aux considérations fiscales. Par des ordonnances publiées à Melun en décembre 1230, il demande à plusieurs seigneurs de ne pas autoriser les Juifs à faire de prêt. Mais à la même époque, l'ordonnance de 1223 interdisant le prêt à intérêt par les Juifs est publiée à nouveau, ce qui montre seulement qu'elle n'avait pas été appliquée. En 1234, le roi va plus loin : il libère ses sujets du tiers de leurs dettes envers les Juifs. De plus, il est ordonné que ce tiers devait être restitué à ceux qui l'auraient déjà remboursé. Enfin, il est interdit d'emprisonner des chrétiens ou de vendre leurs biens immobiliers afin de rembourser des dettes dues aux Juifs[36].
Procès du Talmud
Des Juifs convertis au christianisme répandent l'idée que les livres saints juifs outragent celui-ci. L'un d'eux est Nicolas Donin, de La Rochelle, ancien rabbin devenu abbé, qui obtient du pape Grégoire IX une bulle condamnant le Talmud. Le 3 mars 1240, le pouvoir royal fait saisir tous les exemplaires de l'ouvrage qui sont transportés à Paris où est organisée le 12 juin 1240 en présence de Blanche de Castille une controverse entre quatre rabbins dont Yehiel de Paris et des ecclésiastiques dont l'évêque de Paris Guillaume d'Auvergne et l'inquisiteur Henri de Cologne, Eudes de Chateauroux, Chancelier de l'Université de Paris et Nicolas Donin. La sentence en est que le Talmud est un livre infâme qui doit donc être brûlé. En 1242, le Talmud est solennellement brûlé en place de Grève à Paris en présence du Prévôt et du clergé[18],[37]. De nombreuses autres controverses ont lieu durant le règne de Saint Louis, chaque fois avec des risques pour les Juifs[38].
Croisade des Pastoureaux
En 1250, saint Louis parti en croisade est fait prisonnier à Mansourah. Sous l'influence d'un moine et avec l'aval de la mère du roi, Blanche de Castille, des milliers de bergers ou pastoureaux décident de se croiser pour aller le libérer. Cette nouvelle croisade échoue après s'être heurtée au clergé mais non sans avoir massacré les Juifs de Bourges.
Port de la rouelle
En 1269, saint Louis impose aux Juifs le port de la rouelle qui avait été décidé par le IVe concile du Latran en 1215. C'est un morceau d'étoffe portant une roue, symbole des 30 deniers de Judas, à apposer sur le vêtement[39].
Sous Philippe le Hardi (1270-1285)
L'avènement de Philippe le Hardi ne change pas le sort des Juifs du royaume. Ils restent soumis à de nombreuses discriminations et diverses ordonnances les renforcent : il leur est interdit d'employer des serviteurs chrétiens, de réparer les synagogues ou de posséder des copies du Talmud[40].
C'est sur le plan politique que deux événements importants se produisent : à la mort de son oncle Alphonse de Poitiers en 1271, les terres de celui-ci reviennent au roi : les Juifs de Toulouse et d'Aquitaine partagent complètement le destin des Juifs du royaume. Inversement, en 1274, Philippe le Hardi cède le Comtat-Venaissin au Pape. Les Juifs peuvent ainsi rester dans les États du Pape jusqu'à la Révolution même s'ils sont confinés dans les carrières.
C'est aussi sous Philippe le Hardi que les Juifs du royaume commencent à souffrir de l'Inquisition introduite en France pour lutter contre les Albigeois. En effet, en 1267, le pape Clément IV dans sa bulle Turbato Corde déclare hérétiques les Juifs convertis au christianisme et revenus au judaïsme[41]. Ils sont mis sous l'autorité des inquisiteurs. En 1278, les Juifs de Toulouse enterrent un chrétien converti au judaïsme dans leur cimetière. Pour cet acte de prosélytisme, leur rabbin Isaac Malès est déféré devant l'Inquisition et condamné au bûcher[42].
Sous Philippe le Bel (1285-1314) : persécutions, spoliations et expulsion
Philippe le Bel est certainement le pire roi de France pour les Juifs et malheureusement pour eux, jamais le domaine royal n'a été aussi grand qu'à son avènement et donc jamais autant de Juifs n'ont dépendu du roi. De plus, sa femme est comtesse de Champagne où est établie une riche communauté juive, longtemps protégée par les comtes de Champagne. Dès 1288, treize Juifs sont condamnés par l'Inquisition au bûcher à Troyes pour une prétendue affaire de meurtre[40]. Deux ans plus tard, c'est le miracle du Dieu bouilli[43] ou miracle des Billettes, une affaire de profanation d'hostie imputée à un Juif[44].
En fait, dès avant son accession au trône, Philippe le Bel a compris l'intérêt qu'il peut tirer des Juifs. Lorsque sa femme prend possession de la Champagne en 1284, il obtient des Juifs un paiement de 25 000 livres pour confirmer leur droit d'établissement en Champagne. Les années suivantes, il continue à les défendre contre l'Église de façon à conserver une source de revenus[45].
En 1292, une taxe supplémentaire est levée sur les Juifs. En 1295, ils sont arrêtés, voient leurs biens saisis et disposent de huit jours pour les racheter, sinon ils sont vendus au bénéfice du Trésor. De nouvelles taxes sont encore levées en 1299 et 1303.
Enfin, en 1306, le Trésor étant vide, le roi se décide à « tuer la poule aux œufs d'or », selon l'expression de la Jewish Encyclopedia. Il fait arrêter les Juifs, leur fait signifier leur exil et saisit leurs propriétés y compris leur créances, ne rendant même pas le service à ses autres sujets de les libérer de leurs dettes envers les Juifs. On a pu estimer le nombre de Juifs exilés à cent mille[46]. Le poète Geoffroi de Paris écrit à ce propos dans sa Chronique rimée :
L’an mil trois cens six, en cel an
Furent les juifs pris à pan:
De ce ne fas-je mie doute,
Faus Juis qui ne voient goute
En nostre loi chretiennée
Furent pris, à une jornée,
Droit le jor de la Magdelaine[47]
Mainte grant prison en fu plaine.Je dis seignors, comment qu’il aille,
Que l’intencion en fu bonne,
Mès pire en es mainte personne
Qui devenu est usurier,
Et en sera ça en arrièr
Trop plus assez qu’estre ne sceut
Dont tout povre gent se deut;
Car Juifs furent débonnères
Trop plus en fesant telz affaires
Que ne furent ore chrestien[48]Cet exil se fait dans des conditions très dures. Le chroniqueur Jean de Saint-Victor raconte que les Juifs doivent payer pour pouvoir quitter le royaume et que nombre d’entre eux meurent en chemin d’épuisement et de détresse[48]. Le royaume s'étant agrandi depuis la première expulsion sous Philippe-Auguste, les Juifs doivent se réfugier plus loin cette fois-ci, dans les pays alentours, en Alsace, en Savoie et en Provence (hors du royaume de France à cette époque), en Italie, en Allemagne et en Espagne. Il en reste aujourd'hui des familles Tsarfati (qui signifie Français en hébreu), Narboni, Bedersi, (de Béziers) etc... suivant l'habitude répandue de nommer les personnes du nom de la ville ou du pays d'où ils sont originaires.
Même si les Juifs sont rappelés en 1315, cette expulsion marque la fin du judaïsme français au Moyen Âge. Comme la révocation de l'Édit de Nantes qui condamne les protestants à l'exil en 1685, cette décision est pour l'historien Siméon Luce, un désastre pour la France et sa vie économique[49].
Du rappel de 1315 à l'expulsion finale de 1394
Le rappel de 1315
Chose exceptionnelle, le rappel de 1315 se fait sous la pression de l'opinion publique qui regrette les Juifs et déplore l'absence de prêteurs. Aussi le roi Louis X le Hutin les rappelle-t-il mais pour douze ans seulement, probablement pour pouvoir de nouveau les spolier comme l'avait fait son père. Mais dans ces conditions, il est probable que peu nombreux sont les Juifs qui tentent de nouveau leur chance dans le royaume de France. Ce rappel est une opération d'autant plus profitable pour le roi que les Juifs sont lourdement taxés sur les créances d'avant 1306 qu'ils arrivent à recouvrer. Ce retour des Juifs rapporte au trésor royal 122 500 livres[50].
La seconde croisade des Pastoureaux et l'expulsion de 1323
Il ne faut pas attendre les 12 ans concédés par Louis X le Hutin pour que les Juifs soient de nouveau frappés par le malheur. En 1320, la révolte des Pastoureaux[51] apporte son cortège de massacres de Juifs dans le sud-ouest de la France, à Auch, Castelsarrasin etc... À Verdun-sur-Garonne, ils se suicident. Certains Juifs préfèrent accepter le baptême plutôt que d'être massacrés mais sont alors considérés comme relaps par l'Inquisition et donc manacés du bûcher s'ils reviennent plus tard au judaïsme[18].
La conséquence de cette révolte est paradoxale mais bien connue de ceux qui se sont tant soit peu intéressés à l'antisémitisme : le pouvoir reproche aux Juifs d'avoir suscité ces troubles par leur seule présence. C'est donc eux qu'il faut punir. Les Juifs sont donc à nouveau expulsés en vertu d'une ordonnance du 24 juin 1322, mise à exécution en 1323. Le prétexte en est donné après coup : les Juifs se seraient conjurés avec les lépreux pour empoisonner les puits[46],[52].
Persécutions en Alsace : le massacre de la Saint-Valentin
Les communautés juives se multiplient en Alsace au début du XIVe siècle, sans doute à cause de l'expulsion des Juifs du royaume de France[46]. Mais dès 1336, un mouvement insurrectionnel menace les Juifs et à Colmar en 1337, ils ne doivent leur salut qu'à la protection des autorités impériales et épiscopales.
L'époque la plus terrible est celle de la peste noire qui sévit en Europe de 1347 à 1349. En Alsace et ailleurs, les Juifs sont accusés d'avoir empoisonné les puits. À Strasbourg, en février 1349, les Juifs sont jetés au bûcher[53] et à la même époque, les Juifs de Colmar sont aussi brûlés vifs au lieu-dit Judenloch (la fosse aux Juifs)[54], nom encore porté par un chemin communal de Colmar.
Même si, après les émeutes, les Juifs survivants qui ont trouvé refuge dans les campagnes alentour peuvent revenir en ville, ces événements marquent la transformation du judaïsme alsacien qui devient rural pour les cinq siècles suivants.
Voir article détaillé Histoire des Juifs en AlsaceLe rappel de 1360
En 1349, le Dauphiné rejoint le royaume de France. Selon les termes du traité de Romans, le roi de France doit respecter les « institutions et les usages du pays » et donc les Juifs n'en sont pas expulsés[46].
En 1356, le roi le France Jean le Bon est fait prisonnier à la bataille de Poitiers par les Anglais qui exigent une rançon de 3 millions d'écus d'or pour le libérer. Le dauphin Charles voulant renflouer tant soit peu les finances royales, a alors l'idée de négocier le retour pour vingt ans des Juifs dans le royaume moyennant, bien sûr, quelques taxes : « une taxe d’entrée de quatorze florins par chef de famille et d’un florin pour chaque membre, et, de plus, sept florins par on et par feu et un florin pour chaque membre de la famille »[55]. Mais en fait, les conditions négogiées par le dauphin ne sont pas défavorables aux Juifs et le roi Jean II, plus hostile aux Juifs que son fils, réinstaure le port de la rouelle[56]. En tout état de cause, il semble bien que très peu de Juifs aient tenu à revenir dans le royaume, vu les droits élevés demandés.
L'expulsion finale de 1394 - bilan de plus d'un millénaire de présence juive en France
Charles V le Sage protége les Juifs tout le long de son règne et prolonge leur droit de séjour. Son successeur en 1380 est Charles VI le Fol beaucoup plus influençable. Sous le prétexte du retour au judaïsme d'un Juif converti au christianisme, il signe le 17 septembre 1394 l'arrêt interdisant aux Juifs de séjourner dans le royaume. Plus libéral que son aïeul Philippe le Bel, il leur permet de réaliser leurs créances et de vendre leurs biens puis les fait protéger le long de leur trajet jusqu'aux frontières du royaume[55] durant l'hiver 1395[46].
Carte des rues des Juifs en France indique l'utilisation du terme juif
indique l'utilisation du terme juiverie
indique l'utilisation d'un autre terme désignant les JuifsQue reste-t-il des quatorze siècles de présence des Juifs en France ? Peu de choses sur le plan matériel : un bâtiment juif sous le palais de justice de Rouen[57],[58], une maison qui fut une synagogue au XIIIe siècle à Rouffach[59], un mikveh de la même époque à Strasbourg (au 19 de la rue des Juifs) et des stèles juives visibles notamment au musée de Cluny à Paris[60]. Dans plus de 300 villes ou villages de France, on trouve aussi une rue de la Juiverie ou une rue des Juifs ou même une impasse des Juifs, mais jamais d'avenue des Juifs. L'article Juiverie énumère ces villes et villages qui rappellent l'implantation de cette France juive rurale qui fut supprimée par les expulsions successives du XIVe siècle, à l'exception des communautés d'Alsace et du Comtat-Venaissin. Cette implantation des Juifs au Moyen Âge est figurée sur la carte ci-contre où chacun des points représente une rue de la juiverie ou une rue ou un lieu-dit des Juifs. On y repère les communautés alsaciennes et provençales ainsi qu'une implantation significative dans toute la France du nord particulièrement en Champagne ou en Normandie mais à l'exception de la Bretagne.
Sur le plan spirituel, le patrimoine est incommensurable grâce à Rachi dont les commentaires du Talmud ainsi que ceux de ses continuateurs de l'école des Tossafistes font encore aujourd'hui eux-mêmes l'objet de multiples commentaires. Quant à la science profane, elle a beaucoup profité des médecins juifs installés à Montpellier ou Lunel avec les Tibbonides particulièrement qui traduisirent les traités de médecine antique ou arabe.
Ces derniers siècles du Moyen Âge nous ont aussi laissé toutes les bases de l'antisémitisme chrétien qui se fonde sur le mythe du peuple déicide et sur tous ces poncifs à l'origine de tant de crimes envers les Juifs : profanation d'hostie, meurtre rituel, empoisonnement des puits, usure... On en voit encore une représentation à Strasbourg avec la statue reproduite plus haut ou à la collégiale Saint-Martin de Colmar où une gargouille montre une truie allaitant ses porcelets et des Juifs. Il faudra le pape Jean XXIII et le concile Vatican II puis Jean-Paul II pour mettre fin à ce que Jules Isaac appelle « l'enseignement du mépris ».
La vie sociale des Juifs au Moyen Âge
Jusqu'au XIIIe siècle, les Juifs sont bien insérés dans le tissu social français. Leur habit ne porte pas de signe distinctif, sauf en Alsace où les Juifs portent papillottes et chapeau pointu. Leur parler est celui de la population environnnante comme l'attestent quelques traductions connues de textes de prière. Mais leurs noms sont bibliques alors que cet usage s'estompe chez les chrétiens. Les expulsions devenant le lot des Juifs à partir du XIIe siècle, ils ajoutent de plus en plus souvent leur ville d'origine à leur nom[46].
On constate très tôt en France l'habitude des Juifs de se rassembler dans des quartiers spécifiques, ce qui leur facilite la vie synagogale, l'éducation des enfants et le respect de la cacheroute, avec l'abattage rituel. Dès le IXe siècle, un tel quartier existe à Vienne. Mais quelques siècles plus tard, ce qui était une volonté des Juifs devient une obligation et en 1294, les Juifs de Paris doivent s'établir dans quatre rues. Cette pratique se généralise (là où il reste des Juifs) particulièrement en Provence au XIVe siècle.
Les Juifs disposent de nombreuses synagogues, souvent plusieurs par ville comme en témoignent les ventes aux enchères suite à l'expulsion de 1306[46]. L'école élémentaire pouvait être gratuite comme le montre des actes notariés de 1407 à Arles. Quant aux écoles juives, Benjamin de Tudèle en cite de nombreuses dans le sud de la France, à Narbonne, Montpellier ou Marseille et il faut encore rappeler les activités des Tossaphistes.
Au haut Moyen Âge, les Juifs ne paraissent pas connaître de limitations dans leur vie professionnelle. On a vu que Charlemagne a employé des Juifs dans certaines de ses ambassades, jusqu'au XIIe siècle, beaucoup sont vignerons. Mais à partir de cette époque, les nombreuses restrictions ne laissent guère d'autres activités aux Juifs que le commerce, le crédit et la médecine.
Le crédit et le commerce
Faisant suite au quasi-monopole du commerce international détenu au haut Moyen Âge par les Radhanites, évoqués plus haut, le crédit devient au bas Moyen Âge l'une des activités courantes des Juifs, puisque le prêt à intérêt est indispensable à toute entreprise et interdit aux chrétiens. Les emprunteurs sont aussi bien les riches que les humbles. Depuis Philippe-Auguste, il est très réglementé par la loi qui peut fixer des taux allant jusqu'à 46 %[46]. Cependant, le prêt n'est souvent qu'une activité parmi d'autres, comme le montrent les livres de comptes de la maison Héliot de Vesoul : au début du XIVe siècle, cette famille fait crédit aux pauvres, pour des prêts de quelques sols, comme aux riches pour plusieurs centaines de livres, mais sa fortune provient surtout du commerce au gros ou au détail de diverses denrées et de tissus. Les Héliot s'associaient par ailleurs à des chrétiens pour transporter les marchandises ou les vins de leurs vignes[9].
La médecine
Si les Juifs ne sont pas à l'origine de la fondation de la faculté de médecine de Montpellier, comme certains ont pu le dire, les médecins juifs sont nombreux particulièrement dans le sud de la France. On a vu la contribution des Tibbonides à la connaissance des médecines arabe et antique. À Paris, en 1292, on compte 4 Juifs sur 37 médecins et plus surprenant à Manosque il y a aussi 4 médecins juifs. Ces médecins soignent Juifs et chrétiens. Les conciles d'Avignon de 1337 et 1341 restreignent cette pratique en imposant des émoluments deux fois inférieurs aux médecins juifs qu'aux chrétiens[46].
De 1394 à la Révolution française
Le royaume de France ne devrait alors plus compter de Juifs mais l'édit de 1394 épargne les Juifs du Dauphiné récemment annexé. Hors du royaume, des communautés sont toujours présentes sur le territoire de la France actuelle en Alsace puis en Lorraine, en Savoie, en Provence et dans le Comtat-Venaissin. Ces communautés soumises à des régimes légaux différents les uns des autres vont connaître des destins séparés pendant les quatre siècles qui vont mener à la Révolution.
Taxations et départ des Juifs du Dauphiné
En 1349, le traité de Romans par lequel le Dauphiné est rattaché à la France stipule expressément qu'ils ne doit pas y avoir de changement dans le gouvernement des Juifs. À ce titre, les Juifs du Dauphiné ne sont pas expulsés en 1394. Mais le dauphin Louis, futur Louis XI, les accuse d'usure excessive et de trahison et les condamne à une lourde amende[61]. Puis en 1441, les Juifs de Crémieu furent soumis à une nouvelle taxation[62]. Ces taxations successives incitent les Juifs à quitter définitivement cette province. Une partie émigre vers le proche Comtat-Venaissin, donnant le nom de sa ville d'origine à la famille Crémieux du Comtat, celle d'Adolphe Crémieux qui jouera au XIXe siècle un grand rôle dans l'histoire des Juifs de France et d'Algérie. Crémieu en est dépeuplé, et malgré un ultime effort de Louis pour les rappeler[63], les Juifs ne reviennent pas dans le Dauphiné. Les conversions sont aussi nombreuses. Nicolas Chorier écrit au XVIIe siècle : « Plusieurs familles qui sont aujourd'hui dans l'élévation doivent reconnoître de ces convertis pour leurs tiges. Celles qui pour tout tître n'ont que les noms propres de quelques Saints auroient peine à établir une autre origine; les Iuifs qui recevoient le baptesme laissant à leur postérité le nom du patron qui leur avait été choisi dans le Ciel pour les protéger sur la terre. »[64]
Persécution et émigration des Juifs de Savoie
La Savoie ne fait pas partie du royaume. Elle ne sera annexée qu'au XIXe siècle. Là, au XVe siècle, les persécutions sont d'origine religieuse et viennent plus particulièrement de Juifs convertis comme l'inquisiteur Ponce Feugerons. Dans les années 1460, les Juifs poursuivis pour avortements, meurtres, pratique de la magie et injures contre le duc de Savoie ne sont condamnés qu'à une énorme amende. À partir de là, on ne trouve plus trace de Juifs dans l'histoire savoyarde[46], sauf à Chambéry où une petite communauté aurait existé jusqu'au XVIIIe siècle.
A Nice qui appartenait à la Savoie et qui fut rattachée à la France à la même époque que celle-ci, une communauté juive subsiste comme en beaucoup de villes italiennes. En 1733, les Juifs doivent résider dans le ghetto (223 personnes en 1736)[65]. Celui-ci est rappelé par la rue Benoît Bunico (en niçard, Carriera de la juderia) du nom du député niçois au parlement de Turin (1848-1850) qui fit abolir en 1848 l'obligation (déjà non respectée depuis l'occupation de Nice par les Français sous la Révolution et l'Empire) de résidence pour les Juifs dans le ghetto[66].
La Provence et le Comtat-Venaissin
En 1394, la Provence appartient à la maison d'Anjou et cette situation se prolonge jusqu'en 1481 quand par le jeu des successions, le roi de France Louis XI peut la rattacher au domaine royal. Les persécutions des années 1460 en Savoie se produisent aussi dans tout le sud-est de la France, par exemple des émeutes anti-juives en 1456 à Cavaillon, en 1459 à Carpentras, en 1471 à Avignon, en 1484 à Tarascon et à Arles[46]. Pourtant lors de l'annexion de la Provence, Louis XI a expressément confirmé les privilèges (c'est-à-dire le droit de séjour) des Juifs provençaux. Comme toujours, les désordres antijuifs sont imputés aux Juifs et les villes demandent leur départ alors même que les Juifs provençaux essaient d'assister leurs coreligionnaires expulsés d'Espagne en 1492. Finalement, l'ordre d'expulsion est confirmé par Louis XII le 31 juillet 1501[67]. De nombreux Juifs préfèrent le baptême à l'exil mais une nouvelle taxe de 6 000 livres touche en 1512 122 chefs de famille dans 16 localités. Ces nouveaux chrétiens sont discriminés pendant près de 3 siècles. Ainsi, en 1627, le poète Malherbe parle de ceux qui ont tué son fils Marc-Antoine comme des « fils de ces bourreaux qui T'ont crucifié ». En 1778, un édit royal prescrit de ne plus faire de différences entre nobles provençaux, fussent-ils d'origine juive ou mahométane[67].
Le Comtat-Venaissin reste donc le plus proche endroit où les Juifs peuvent se réfugier en quittant la Provence. Mais dès la fin du XVIe siècle, ils sont confinés dans les 4 carrières d'Avignon, de l'Isle-sur-la-Sorgue, de Carpentras et de Cavaillon. Ils ne sont guère nombreux : 500 environ à Avignon et Carpentras vers l'an 1600[68]. Quant à la carrière de l'Isle-sur-la-Sorgue, elle était établie dans une impasse sur 2 500 mètres carrés. Dans ces carrières, les maisons atteignaient 4 à 5 étages pour gagner un peu de place.
Toutefois, au XVIIIe siècle, quelques Juifs reçoivent le droit de circuler et de commercer dans le royaume de France. Ce n'est qu'en 1776 que ces mesures sont généralisées par des lettres patentes de Louis XVI autorisant les Juifs portugais (voir paragraphe Le sud-ouest de la France) et les Juifs du Pape à commercer à condition de se faire immatriculer auprès des juges locaux [65]. L'amélioration de leur situation permet aux Juifs de Carpentras d'aménager une belle salle de prière qui constitue aujourd'hui la plus vieille synagogue de France en service.
Voir article détaillé Juifs ComtadinsLes Juifs à Metz et en Lorraine
Voir article détaillé Histoire des Juifs en LorraineLes rois de France changent de politique envers les Juifs en Lorraine. Après l'annexion, en 1552, des Trois-Évêchés, Metz, Toul et Verdun, une forte garnison de plusieurs milliers d'hommes est installée à Metz et les autorités françaises permettent de s'installer à quatre Juifs et leurs familles[69]. Ce nombre augmentera peu à peu malgré l'opposition des notables locaux et en 1637, la communauté se monte à 373 personnes. Cette population juive est confinée dans le ghetto aux hautes maisons et aux ruelles étroites sans air[67] contre la politique des notables locaux. La synagogue est construite en 1618.
En 1648, le traité de Westphalie fait définitivement passer les Trois Évêchés dans le royaume de France mais l'édit d'expulsion de 1394 n'y est pas appliqué. Le 25 septembre 1657, Louis XIV, accompagné de son frère, est le premier souverain français à visiter une synagogue, celle de Metz[70] lors de la fête de Souccot.
Malgré la lourde « taxe Brancas », instituée pour protéger les Juifs contre les exactions et payée jusqu'à la Révolution, la communauté juive de Metz se développe au XVIIIe siècle, même si la vie y reste extrêmement règlementée et soumise à la bienveillance ou à l'arbitraire des pouvoirs locaux et royaux. C'est environ 400 ménages qui y vivent à la veille de la Révolution. Les rôles de la taxe Brancas montrent aussi que des Juifs sont établis dans une trentaine de villages de l'évêché de Metz.
À Nancy, dans le duché de Lorraine encore indépendant les Juifs sont officiellement acceptés à partir de 1721 et deviennent sujets du roi de France lors de l'annexion de la Lorraine en 1766 à la mort de Stanisław Leszczyński. On peut estimer à 500 le nombre de familles juives établies en Lorraine en 1789.
Les Juifs sont administrés par les rabbins pour tout ce qui relève de la religion et par des syndics pour la police, l'administration et la levée de l'impôt. Le prestige des grands-rabbins de Metz est considérable dans le monde ashkénaze et leur choix est soumis à l'approbation du roi qui jamais ne la refuse. L'enseignement des enfants est obligatoire depuis 1689 toute la journée pour les enfants de moins de 14 ans, une heure par jour au moins entre 14 et 18 ans. Quant à l'école talmudique ou yechiva, elle est aussi très renommée. C'est dans cette école que sont formés les rabbins français jusqu'au Second Empire et son transfert à Paris [71].
Sauf à Metz où il existe une synagogue, les offices religieux ont le plus souvent lieu chez des particuliers. Mais vers la fin du XVIIIe siècle, on construit les synagogues de Phalsbourg, de Lunéville et de Nancy, ces deux dernières étant toujours dédiées au culte.
Les syndics sont élus par les contribuables de la communauté par une suffrage à trois degrés. Ils sont chargés de l'impôt qu'ils versent au pouvoir. Mais ils doivent aussi assurer les dépenses de la communauté et notamment les frais de procès et les « cadeaux » pour les visites royales ou princières, les étrennes, etc... L'impôt est perçu au prorata de la fortune des contribuables. Il existe aussi des taxes sur la viande ou sur les dots. Mais cela ne suffit pas et en 1789 la dette de la communauté est telle qu'elle en assumera le remboursement jusqu'en 1854[71].
Les Juifs alsaciens
Voir article détaillé Histoire des Juifs en AlsaceJusqu'à l'annexion de l'Alsace par la France en 1648, les Juifs alsaciens partagent le sort commun des Juifs d'Empire, c'est-à-dire qu'ils dépendent en fait des pouvoirs locaux, très morcelés en Alsace. Les Juifs sont interdits de séjour dans les villes comme Strasbourg et Colmar où la bourgeoisie commerçante craint leur présence. Ils sont tolérés dans les campagnes où ils sont seuls à pouvoir prêter de l'argent mais ils n'ont pas le droit d'y posséder de la terre.
L'annexion par la France ne change pas grand-chose même si on peut considérer comme un progrès que le pouvoir royal n'expulse pas les Juifs. Ils sont toujours soumis au « Leibzoll » (péage corporel) qui n'est aboli que grâce à l'obstination de Cerf Berr en 1784. De façon générale, le pouvoir royal a tenté d'unifier le statut des Juifs et en cela a lentement amélioré la condition des Juifs alsaciens en leur évitant tant soit peu l'arbitraire des autorités locales.
Les Juifs portugais du sud-ouest de la France
Voir article détaillé Histoire des Juifs dits PortugaisDe l'expulsion des Juifs d'Espagne à la publication des lettres patentes de 1723
L'expulsion des Juifs d'Espagne provoque l'exil de milliers de Juifs. Ceux qui choisissent le Portugal sont de nouveau expulsés en 1496 par le roi du Portugal. On appellera alors Juifs portugais tous les Juifs de la péninsule ibérique qui vont émigrer vers le nord, souvent la Hollande ou l'Angleterre ou même l'Amérique. Certains choisissent la France et s'établissent dans le sud-ouest tout en cachant leur judaïsme. En 1550, le roi Henri II leur accorde des lettres patentes sous le nom de « Nouveaux Chrétiens ». En 1600 est organisée la communauté de Labastide-Clairence puis ce sont celles de Peyrehorade, de Saint-Esprit dans les faubourgs de Bayonne et enfin de Bordeaux.
En 1685, la révocation de l'Édit de Nantes expulse les protestants de France et entraîne un déclin économique. Le gouvernement réagit rapidement et édicte que la France est ouverte à tous les étrangers de quelque religion que ce soit sous réserve de ne pas célébrer de culte public. De plus en plus, les intendants ferment les yeux sur la pratique du judaïsme de façon à faciliter les... rentrées fiscales. Aussi, dès le début du XVIIIe siècle, l'usage des mariages et des enterrements catholiques se perd-il.
En 1723, les Portugais obtiennent en 1723 moyennant une taxe de cent dix mille livres, de nouvelles lettres patentes concernant « les Juifs desdites généralités [Bordeaux et Auch] connus et établis en notre royaume sous les titres de Portugais, autrement Nouveaux Chrétiens... ». Officiellement et légalement, 230 ans après l'expulsion des Juifs d'Espagne, les marranes de France sont reconnus comme Juifs[72].
Les Juifs portugais forment alors la communauté juive la plus florissante du royaume. Les exploitations agricoles sont limitées aux vignes produisant le vin cacher. L'industrie et surtout la transformation des denrées coloniales sont la spécialité juive. Les Gradis sont spécialisés dans le sucre, les Dacosta dans le chocolat qui a été introduit en France par les Juifs de Bayonne[73],[74]. D'autres sont médecins notamment à Labastide-Clairence.
De 1723 à la Révolution
À Bordeaux, le commerce de gros international est l'affaire des Juifs. Leurs activités incluent la course, la banque, l'armement des vaisseaux, les assurances et le fret pour les colonies d'Amérique et particulièrement le Canada encore français.
A la veille de la Révolution, 2 400 Juifs habitent Bordeaux, moins qu'à Saint-Esprit mais ils sont beaucoup plus infuents. Péreire junior est reçu en 1774 à l'Académie des Arts de Bordeaux.
A la même époque, les Juifs restent interdits à Bayonne et doivent séjourner à Saint-Esprit où la communauté décline. Elle avait atteint 3 500 personnes en 1750 mais ne compte plus que 2 500 personnes en 1785, soit tout de même la moitié de la population de Saint-Esprit. Quant aux communautés de Labastide-Clairence et Peyrehorade, elles sont réduites à la portion congrue.
Les Juifs aux Antilles françaises
Il faut aussi dire un mot de la situation des Juifs aux Antilles françaises, à savoir à la Guadeloupe et à la Martinique.
Un certain nombre de Juifs hollandais avaient émigré à Pernambouc au Brésil sous domination hollandaise de 1630 à 1654[75] et durent quitter ce pays quand les Portugais en reprirent le contrôle et y rétablirent l'Inquisition. Certains s'établissent aux Antilles françaises et il est dit que la capitale de la Guadeloupe, Pointe-à-Pitre, doit son nom à un Juif hollandais, appelé Peter ou Pitre selon la transcription en français, qui s'y établit pour fonder un commerce de poisson. Toutefois, les Juifs quittent les Antilles françaises avec la publication par le pouvoir royal du Code Noir en 1685, dont le premier article enjoint « à tous nos officiers de chasser de nos dites îles tous les Juifs qui y ont établi leur résidence, auxquels, comme aux ennemis déclarés du nom chrétien, nous commandons d'en sortir dans trois mois à compter du jour de la publication des présentes ».
Au XVIIIe siècle, des Juifs se rétablissent à la Martinique où ils ne sont que tolérés jusqu'à la Révolution. Ils sont souvent les correspondants commerciaux des entrepreneurs bordelais comme la famille Gradis[76].
Les Juifs pendant la Révolution et sous Napoléon
Quand éclate la Révolution française, il n'y a pas de plus de 50 000 Juifs dans le royaume. Près de la moitié vivent en Alsace où les intendants les décrivent comme « pauvres ». Ils sont victimes de nombreuses discriminations fiscales et dans les droits de résidence et de propriété. Ils sont aussi en butte à l'hostilité des populations qui les environnent car une de leurs principales activités est le prêt sur gages. Les Juifs de Lorraine ont vu leur situation s'améliorer au XVIIIe siècle et les synagogues de Lunéville et de Nancy témoignent encore aujourd'hui de la récente amélioration de leur condition. De même, les Juifs du Comtat-Venaissin sont de moins en moins confinés entre les murs des carrières. Quant aux Juifs bordelais, ils bénéficient de toutes les libertés des sujets du roi. Ils participent à la vie communale et votent pour les États Généraux et viennent d'obtenir le droit de se déplacer librement et de résider à Paris[77].
La Révolution française va marquer une transformation capitale de la situation des Juifs de France. Mais cette transformation a été permise grâce à une lente évolution des idées.
Le chemin vers l'émancipation des Juifs
La condition des Juifs s'était déjà fortement améliorée dans les Provinces-Unies depuis la fin du XVIe siècle et en Angleterre depuis la fin du XVIIe siècle. mais c'est surtout grâce aux progrès de la philosophie des Lumières que l'opinion prit conscience de l'absurdité de la condition faite aux Juifs, même si Voltaire écrit dans l’article « Tolérance » du Dictionnaire philosophique : « C'est à regret que je parle des Juifs: cette nation est, à bien des égards, la plus détestable qui ait jamais souillé la terre ». L'approche est toute différente dans l'article « Juif » de l'Encyclopédie de D'Alembert et Diderot[78] dont nous reprenons le début ci-dessous:
Si l'image du judaïsme est assez flatteuse, si les persécutions sont reconnues, on ne manque pas de remarquer qu'il subsiste des préjugés quant au nombre de Juifs lorsqu'on lit : « les prodigieux essaims de [Juifs] qui pullulent en Orient, à la Chine ». De même, le vocabulaire choisi montre encore un grand mépris pour les Juifs.
Chez les Juifs eux-mêmes, les Lumières donnent naissance en Allemagne à la Haskalah, la conception du judaïsme que développe Moïse Mendelssohn. La conjonction de ces 2 mouvements externe et interne au judaïsme va précipiter les événements. Deux personnalités qui joueront un rôle de premier plan durant la première partie de la Révolution, Mirabeau et l'abbé Grégoire publient en 1787 des textes fondamentaux [79].
Mirabeau a voyagé en Allemagne et apprécie l'œuvre de Mendelssohn qu'il fait connaître dans son ouvrage « Sur Moses Mendelssohn, sur la réforme politique des Juifs »[80]. Il y déplore que le « prêt d'argent dont ler profit est très conforme à l'équité naturelle » soit devenu « grâce à de mauvaises lois... l'unique moyen de subsister des Juifs ». De façon très moderne, il évoque la diversité sans oublier les musulmans chiites ou sunnites : « Que le chrétien et le circoncis, soit juif, soit musulman, sectateur d'Ali ou d'Omar de Socin ou de Calvin s'écartent les uns des autres, le grand et noble emploi du gouvernenment consiste à faire en sorte que chacune de ces divisions tourne au profit de la grande société »[77].
Quant à l'abbé Grégoire, il publie son « Essai sur la régénération physique, morale et politique des Juifs »[81] en réponse à un concours organisé par la Société royale des Sciences et des Arts de Metz qui le prime en 1788 et dont la question était : Est-il des moyens de rendre les Juifs plus utiles et plus heureux en France ? Dans cet essai où il reconnaît certes certaines vertus aux Juifs, il les estime toutefois dégénérés comme le suggère le titre. Mais, surtout comme Mirabeau, il déplore les lois qui les séparent des autres nations et peut écrire : « Les Juifs seront soumis à la jurisprudence effective des nations chez lesquelles ils résident et l'on se dispensera de rédiger pour eux des coutumes particulières comme on l'a fait à Metz. »
Sur le plan politique, le principe de tolérance va progresser à l'époque de Louis XVI avec quelques étapes clés comme l'Édit de tolérance de Joseph II d'Autriche (1781) qui accorde la liberté de culte aux Protestants comme aux Juifs, la suppression du péage corporel en Alsace (1784) et l'Édit de tolérance de Louis XVI (1787), publié sous l'influence de Malesherbes, qui accorde l'état-civil aux non-catholiques de France. Mais plusieurs parlements, à l'exemple de celui de Metz, y ajoutent une clause qui exclut les Juifs[79]. Il faut aussi rappeler que les Juifs bénéficient de l'égalité des droits aux États-Unis dont l'indépendance a été soutenue par le gouvernement français.
La convocation aux États généraux et les cahiers de doléances
La désignation des délégués aux États généraux convoqués par Louis XVI donna lieu à des élections complexes dans toute la France. Les Juifs y participèrent comme les autres sujets du roi à Bordeaux et à Bayonne. Mais ailleurs, en Alsace et en Lorraine, ainsi qu'à Paris ce droit leur fut dénié. Cerf Berr s'adressa à Necker et obtint au moment de l'ouverture des États généraux le droit pour les Juifs de l'est de désigner des délégués, au nombre de 6 qui arrivèrent à Paris et transmirent des cahiers de doléances le 31 août 1789, après le vote de la Déclaration des droits de l'homme. Parmi les délégués, on trouve le rabbin David Sintzheim qui allait être sous l'Empire le premier grand-rabbin de France[77],[82].
Ces cahiers de doléances juifs demandent naturellement l'application du droit commun aux Juifs et la suppression des impôts spéciaux auxquels ils sont soumis comme la taxe Brancas à Metz. Quant aux cahiers de doléances des chrétiens, ils mentionnent parfois les Juifs pour se plaindre de l'usure qu'ils pratiquent ou pour limiter leur droit au mariage. Il y a aussi quelques cahiers plus en avance sur leur époque comme celui de la noblesse de Troyes pour remarquer que « la différence des opinions en matière religieuse ne doit pas désunir les citoyens » et demander que les « États généraux s'occupent de donner à la loi en faveur des non-catholiques toute l'extension qu'ils jugeront convenable ».
Émancipation au début de la Révolution
Dans le même temps, la Révolution française s'étend. La chute de la Bastille est le signal de désordres partout dans le pays. Les émeutiers s'en prennent aux châteaux pour y brûler les titres seigneuriaux. Ces troubles, connus sous le nom de la Grande Peur prennent une tournure anti-juive en Alsace. Dans certains districts, les paysans attaquent les demeures des Juifs, qui trouvent refuge à Bâle. L'abbé Henri Grégoire relate ces faits durant la séance du 3 août de l'Assemblée nationale et demande la complète émancipation des Juifs. L'Assemblée nationale partage l'indignation du prélat mais ne prend pas de décision quant à l'émancipation. Elle est intimidée par des députés antijuifs d'Alsace, en particulier Rewbell, qui déclare que le décret qui accorderait aux Juifs les droits de citoyens serait le signal de leur destruction en Alsace. À la demande de Théodore Cerf Berr, représentant des Juifs d'Alsace et fils de Cerf Berr, l'Assemblée accordera toutefois la protection des pouvoirs publics aux Juifs dans sa séance du 28 septembre. Le 14 octobre 1789, Berr Isaac Berr s'adresse à l'Assemblée nationale et présente les revendications des Juifs.
Les 21, 22, 23 et 24 décembre 1789, la question juive, avec celle des protestants, des comédiens et des exécuteurs des hautes œuvres, est à nouveau débattue à l'Assemblée durant la discussion sur l'admission de tous les citoyens au service public sans distinction de croyance. Mirabeau, l'abbé Grégoire, Robespierre ("Rendons-les au bonheur, à la patrie, à la vertu, en leur rendant la dignité d'hommes et de citoyens ; songeons qu'il ne peut jamais être politique, quoi qu'on dise, de condamner à l'avilissement et à l'oppression une multitude d'hommes qui vivent au milieu de nous."), Duport, Barnave et le comte de Clermont Tonnerre mettent en œuvre toute leur éloquence pour faire décider l'émancipation[83],[84]. Ce dernier prononce alors les propos qui caractérisent l'assimilation des Juifs en France pendant les siècles suivants : « Il faut tout refuser aux Juifs comme nation et tout accorder aux Juifs comme individus. Il faut qu'ils ne fassent dans l'Etat ni un corps politique ni un ordre. Il faut qu'ils soient individuellement citoyens. » Mais les désordres répétés en Alsace et la forte opposition des députés de cette province et du clergé, comme La Fare, évêque de Nancy, l'abbé Maury(droite monarchiste), et d'autres, entraînent un ajournement de la décision[85]. Seuls les Juifs portugais et avignonnais, qui avaient depuis 1787 joui de tous les droits civils comme Français naturalisés, sont déclarés citoyens à part entière par une majorité de 150 voix (28 janvier 1790). Cette victoire partielle insuffle un nouvel espoir chez les Juifs de Lorraine et d'Alsace, qui font d'encore plus grands efforts dans la lutte pour la liberté. Ils s'appuyèrent sur l'éloquent avocat Godard, dont l'influence dans les cercles révolutionnaires était considérable. À travers ses efforts, les gardes nationaux et les diverses sections se prononcent en faveur des Juifs, et l'abbé Mulot est envoyé par la Commune de Paris pour plaider leur cause devant l'Assemblée nationale. Malheureusement, les affaires graves qui occupent l'Assemblée, l'agitation prolongée en Alsace et les passions du parti clérical empêchent le succès de l'action des Juifs et de leurs amis. Mais la question juive revient à l'ordre du jour et le 20 juillet 1790, la taxe Brancas est abolie.
Le 18 janvier 1791, une nouvelle tentative est faite en faveur de l’émancipation complète des Juifs. Le prince de Broglie s’y montre défavorable : « Toute cette intrigue, dit-il, est ourdie depuis longtemps par quatre ou cinq Juifs puissants, établis dans le département du Bas-Rhin. Un d’entre eux (Cerf Berr), qui a acquis une fortune immense aux dépens de l’État, répand depuis longtemps des sommes considérables dans cette capitale pour s’y faire des protecteurs et des appuis. » Ces insinuations ont le résultat désiré : la question juive subit un nouvel ajournement[83].
Quelques jours avant la dissolution de l'Assemblée nationale (27 septembre 1791), le député Adrien Duport, membre du Club des Jacobins, monte contre toute attente à la tribune et déclare : « Je crois que la liberté de culte ne permet aucune distinction dans les droits politiques des citoyens en raison de leur croyance. La question de l'existence politique [des Juifs] a été ajournée. Cependant, les Turcs, les Musulmans, les hommes de toutes les sectes, sont admis à jouir en France des droits politiques. Je demande que l’ajournement soit révoqué et qu’en conséquence il soit décrété que les Juifs jouiront en France des droits de citoyen actif. » Cette proposition est acceptée avec de forts applaudissements. Rewbell essaye, cependant, de s'opposer à la motion, mais il fut interrompu par Regnault de Saint-Jean, président de l'Assemblée, qui « demande que l’on rappelle à l’ordre tous ceux qui parleront contre cette proposition, car c’est la Constitution elle-même qu’ils combattront ». L’Assemblée vota alors, sans autre discussion, la motion de Duport, et le lendemain elle adopta définitivement la rédaction de la loi. Deux jours plus lard, l’Assemblée nationale se sépara, et, le 13 novembre, Louis XVI ratifia la loi déclarant les Juifs citoyens français[86].
Cet article devrait s'arrêter à ce décret pour être suivi d'une histoire du judaïsme en France si comme le voulaient l'abbé Grégoire ou le comte de Clermont-Tonnerre, les Juifs s'étaient complètement fondus dans la nation. L'histoire ne leur a pas permis cela, leur intégration ne fut pas un long chemin tranquille et si la France moderne a souvent été une terre d'asile pour les Juifs, l'antisémitisme s'y est parfois révélé de façon larvée ou dramatique.
Pendant la Terreur
Le judaïsme comme les autres religions doit subir l'hostilité du pouvoir en place. À Bordeaux, les riches commerçants juifs sont lourdement taxés comme leurs confrères chrétiens. En Alsace, les Juifs sont victimes de discriminations qui rappellent l'époque d'avant la Révolution. Des synagogues sont pillées[77]. L'histoire de Reisel Sée de Bergheim sauvant par son témoignage courageux son père victime de l'arbitraire d'un commissaire révolutionnaire est emblématique des vertus familiales et patriotiques dont les Juifs de France se veulent porteurs durant les siècles suivants[87],[88],[89].
Les Juifs de France sous le Consulat et l'Empire
Article détaillé : Napoléon et les Juifs.Bonaparte ne sait pas grand-chose des Juifs quand il prend le pouvoir, même si en tant que général en chef de l'armée d'Italie, il a émancipé les Juifs des ghettos de Venise et d'Ancône. Il est possible aussi que pendant la campagne d'Égypte, lors du siège de Saint-Jean-d'Acre, il ait eu l'intention d'inviter "les Juifs d'Afrique et d'Asie" à restaurer le royaume de Jérusalem[90],[91].
Sous le Consulat, les préfets nouvellement institués sont chargés de rapporter l'état de l'opinion dans leur département et évoquent le sort des Juifs. C'est en Lorraine et en Alsace que les rapports sont les plus détaillés. Il en ressort que les Juifs sont généralement pauvres et suscitent une certaine hostilité dans la population liée à leurs activités mercantiles, alors que toute autre carrière leur est toujours fermée de facto[77].
L'organisation du culte catholique est fixée en 1801 grâce au Concordat et celle du culte protestant par les Articles Organiques du 18 germinal an X. Les Juifs peuvent attendre. Ceci satisfait les Juifs bordelais bien intégrés mais en Alsace des désordres apparaissent. Des synagogues dissidentes sont créées et surtout le prêt à intérêt suscite de multiples conflits. Certains dans l'entourage de Napoléon tels Bonald ou Louis-Mathieu Molé prônent carrément des mesures d'exception contre les Juifs, alors que les libéraux demandent seulement l'application de la loi existante. Finalement, le 30 mai 1806, un décret du Conseil d'État convoque une « Assemblée des Notables » juifs choisis par les préfets.
L'Assemblée des Notables et le grand Sanhédrin
Les 111 membres viennent de tout l'Empire et du royaume d'Italie. La première séance se tient le 26 juillet 1806 près de l'hôtel de ville de Paris. Parmi les notables ainsi assemblés, on trouve des rabbins tels David Sintzheim déjà présent aux États généraux ou Cologna de Mantoue et des laïcs comme le banquier bordelais Abraham Furtado qui en est le président ou le lorrain Berr Isaac-Berr. On peut aussi citer Hirsch Bloch, cultivateur à Diebolsheim, ancêtre de l'auteur de ces lignes[92]. Le gouvernement avait délégué trois commissaires Molé, Portalis fils et Pasquier. Ils adressèrent 12 questions à l'assemblée mais seule la question sur les mariages mixtes est délicate mais la réponse en paraît assez naturelle : « Les rabbins ne seraient pas plus disposés à bénir les mariages d'une chrétienne avec un Juif ou d'une Juive avec un chrétien que les prêtres catholiques ne consentiraient à bénir de pareilles unions »[93].
Les réponses sont satisfaisantes mais Napoléon décide, on ne sait sous quelle influence, de les faire sanctionner par une assemblée plus représentative du point de vue religieux. Aussi fait-il convoquer un grand Sanhédrin formé de 71 membres comme autrefois à Jérusalem. Le rabbin David Sintzheim en est le président. Le Sanhédrin ne siège qu'un mois du 9 février au 9 mars 1807 pour ratifier solennellement les réponses de l'Assemblée des notables. Cette dernière se sépare le 6 avril 1807 sans avoir pu définir l'organisation du culte. C'est le gouvernement qui tranche[91].
Les décrets de 1808
Le 17 mars 1808, l'Empereur promulgue trois décrets. Les deux premiers concernent l'organisation du culte et les institutions qu'ils ont établies sont toujours présentes. Le troisième, connu sous le nom de « décret infâme », rétablit des discrminations dignes de l'ancien régime.
La création des Consistoires
Napoléon place l'administration du culte israélite sous la responsabilité d'un Consistoire central relayé par des Consistoires régionaux dans les départments où se trouvent plus de 2 000 fidèles[94]. Les sept consistoires régionaux sont à l'origine situés à Paris, Marseille, Bordeaux, Metz, Nancy, Strasbourg et Wintzenheim. Les Consistoires sont composés de laïcs qui nomment les rabbins et administrent le culte. Le Consistoire central est installé officiellement le 10 novembre 1808 par le préfet de la Seine. Les premiers grands-rabbins du Consistoire Central sont David Sintzheim de Bischheim, Segré et Cologna tous deux italiens de Verceil et de Mantoue. Les laïcs sont Jacob Lazard et Baruch Cerfberr, le fils de Cerf Berr.
Cette organisation centralisée et hiérarchique va à l'encontre de la tradition juive où les communautés s'administrent elles-mêmes sans référence à un pouvoir central. Elle fut toutefois acceptée par les Juifs de France et fut longtemps l'interlocuteur unique de la communauté juive auprès des autorités. D'une part, elle préserva l'unité du judaïsme français mais d'autre part, elle freina l'essor de mouvements défendant un judaïsme plus libéral ou plus orthodoxe.
Le « décret infâme »
Alors qu'en septembre 1807, le crédit avait été réglementé et les taux d'intérêt limités à 5 %, Napoléon prend un décret carrément discriminatoire envers les Juifs et particulièrement les Juifs alsaciens[95]. Ce 17 mars 1808, il prévoit toute une série de cas arbitraires pouvant entraîner l'annulation des créances et ordonne aux commerçants juifs de se faire délivrer par les préfets une patente annuelle et révocable. De plus, les Juifs doivent satisfaire en personne à la conscription et n'ont plus la possibilité de payer un remplaçant comme les autres citoyens. Enfin, les Juifs n'ont plus le droit d'immigrer en Alsace. Ce décret ne s'applique pas aux Juifs de Bordeaux, de la Gironde et des Landes « n'ayant donné lieu à aucune plainte, et ne se livrant pas à un trafic illicite ». Il n'est valable que pour 10 ans.
Ce décret suscite évidemment une vive émotion et les Juifs de Paris et de Bayonne parviennent aussi à en être exemptés. Mais surtout, il appauvrit considérablement les Juifs[96].
La régularisation de l'état-civil des Juifs
Le 20 juillet 1808, Napoléon promulgue le décret de Bayonne qui instaure l'obligation du nom de famille pour les Juifs. Si la plupart en avait déjà un, certains maintenaient encore la tradition de s'appeler untel fils d'untel, en utilisant seulement des noms bibliques[97].
Pérennité de l'œuvre de la Révolution et de l'Empire
La chute de Napoléon n'entraîne pas de conséquences importantes pour les Juifs de France. Les lois et décrets de la Révolution et de l'Empire restent en vigueur. Il n'en va pas de même dans beaucoup d'autres pays européens où la réaction va ramener les Juifs à leur condition antérieure. On peut à ce propos se reporter à cette page de l'Univers Israélite de 1851, soit 36 ans après Waterloo.
Sous la Restauration et la monarchie de Juillet
La Restauration n'apporte donc pas de changement dans le statut des Juifs et en 1818 le décret infâme de 1808 n'est pas renouvelé malgré les plaintes des conseils généraux alsaciens. Ne reste plus alors dans le droit français qu'une seule mesure tant soit peu vexatoire pour les Juifs, le Serment more judaïco. Les témoins et prévenus juifs devaient en effet prêter serment hors du prétoire, à la synagogue, avec le talith sur les épaules et les téfilines sur le front et au bras. En 1839, Lazare Isidor, rabbin de Phalsbourg, s'oppose à ce mode de serment discriminatoire, ce qui lui vaut un procès où il est défendu par Adolphe Crémieux. Puis, en 1846, Adolphe Crémieux obtient l'abolition du serment par la Cour de cassation[98].
Mais un événement plus fondateur avait eu lieu plus tôt pendant le règne de Louis-Philippe. Il s'agit de la loi sur le financement du culte, suite logique de la nouvelle constitution qui avait établi que le catholicisme était la religion de la majorité des Français et non plus la religion d'état. Sous Charles X, en 1829, il avait déjà été décidé d'établir une école rabbinique consistoriale à Metz, ce statut officialisant la yechiva qui existait depuis de nombreuses années[99]. Et le 1er février 1831, un projet de loi rapporté par Augustin Perier est adopté qui stipule : « À compter du 1er janvier 1831, les ministres du culte israélite recevront des traitements du Trésor public ». La loi du 8 février 1831 précise l'égalité des ministres du culte des différentes religions[100].
Il faut se rendre compte du caractère exceptionnel de cette loi, qui pourtant ne fait qu'établir l'égalité entre les 3 cultes catholique, protestant et juif. Les Juifs sont alors en France moins de cent mille et leurs rabbins sont des fonctionnaires payés par l'État. Cette situation peut-être unique au monde va permettre un développement remarquable de la communauté juive au XIXe siècle siècle et la construction de nombreuses synagogues. C'est l'époque où les Juifs d'Allemagne et d'Europe centrale peuvent dire: « Heureux comme Dieu en France ». L'historien Joseph Salvador [101] (1796-1873) se fait le théoricien de ce "franco-judaïsme".
Les Juifs sous la Seconde République et le Second Empire
La révolution de 1848 donne lieu à quelques violences antijuives en Alsace vite réprimées, qui sont les derniers soubresauts de l'anti-judaïsme en Alsace.
Les synagogues se répandent là où existent des communautés juives anciennes ou nouvelles. Les synagogues de Lyon et de Marseille sont construites vers 1864, la grande synagogue de Paris, rue de la Victoire est édifiée à partir de 1867. Les Juifs sont reconnaissants au gouvernement de leur avoir apporté la paix et l'égalité des droits. Chaque chabbat matin est dite la prière pour l'Empereur (maintenant la prière pour la République française).
L'ascension sociale de nombreuses familles juives se traduit par une forte émigration des Juifs de leur habitat traditionnel vers les grandes villes. Les Juifs alsaciens commencent à quitter les bourgs pour Strasbourg. Les petites villes du Comtat Venaissin voit disparaître ou beaucoup diminuer leur population juive au profit de Marseille, de même, les populations juives du sud-ouest émigrent vers les grandes villes comme Bordeaux. Et toutes les communautés voient se produire une forte émigration vers Paris.
L'égalité juridique entraîne l'assimilation de nombreux Juifs qui peuvent oublier en peu de générations toute pratique du judaïsme. Elle permet aussi à quelques-uns d'entre eux d'atteindre une pleine réussite sociale aussi bien dans la banque avec les Péreire et les Rothschild, que dans la politique avec Adolphe Crémieux et Achille Fould ou que dans les arts avec Rachel, Offenbach ou Waldteufel.
Les Juifs de France peuvent aussi se préoccuper maintenant de leurs coreligionnaires moins favorisés. Ils vont se tourner vers les Juifs de l'empire colonial français naissant en Algérie et plus généralement vers ceux du bassin méditerranéen.
Vers l'intégration des Juifs d'Algérie
Articles détaillés : Histoire des Juifs en Algérie et Décret Crémieux.Leur première préoccupation fut de travailler à l'amélioration du sort des Juifs de l'Algérie récemment conquise qui vivaient dans une misère matérielle et morale en proie à de nobreuses vexations liées à leur statut de dhimmis. Sous le règne de Louis-Philippe et grâce à l'implication d'Adolphe Crémieux et de Max Théodore Cerf-Berr, le gouvernement crée 3 Consistoires à Alger, Oran et Constantine, qui sont rattachés au Consistoire Central de France en 1862. Parallèlement, Crémieux milite pour l'octroi de la nationalité française à tous les Algériens, musulmans et juifs, auquel s'opposent colons et militaires français. Ce n'est qu'à son retour au gouvernement après la chute de Napoléon III qu'il obtiendra le 24 octobre 1870 un décret signé de Gambetta qui fait des Juifs algériens des citoyens français. Les Juifs y perdaient leur statut civil (ce que n'auraient pas accepté les musulmans) et y gagnaient la citoyenneté, le droit à l'éducation et le droit de vote et ... l'obligation de faire leur service militaire. Ils allaient s'intégrer à la société française malgré l'hostilité de certains colons.
La création de l'Alliance Israélite Universelle
Article détaillé : Alliance israélite universelle.En 1860, suite à l'affaire Mortara, est créée l'Alliance Israélite Universelle. Les fondateurs en sont des notables juifs dont l'avocat Adolphe Crémieux qui apporte à cette Société le concours de son éloquence et l’appui de sa fermeté et de son courage.
Le but de l’Alliance israélite universelle fut nettement indiqué, dès l’origine, dans l’exposé qui accompagnait le premier appel : « Défendre l’honneur du nom israélite toutes les fois qu’il est attaqué ; encourager par tous les moyens l’exercice des professions laborieuses et utiles ;... travailler, par la puissance de la persuasion et par l’influence morale qu’il lui sera permis d’exercer, à l’émancipation de nos frères qui gémissent encore sous le poids d’une législation exceptionnelle ». Avec ses écoles qui donnent une éducation juive et profane, l'Alliance Israélite Universelle donnera pendant plus d'un siècle une culture juive et française à des milliers de jeunes Juifs surtout du bassin méditerranéen et du Moyen-Orient.
Libéraux, conservateurs et orthodoxes
Le judaïsme français n'a pas connu les luttes de doctrine qu'on a vues en Allemagne où les Juifs étaient beaucoup plus nombreux et les points de vue plus tranchés. Les libéraux s'organisent autour de Samuel Cahen, traducteur et éditeur d'une bible bilingue français-hébreu. Il fonde en 1840 les « Archives Israélites » ou avec quelques autres, il encourage la réforme de la liturgie pour permettre à la synagogue de rivaliser avec l'Église. Il préconise le remplacement des longs textes en hébreu tels les piyoutim par des prières ou des prédications en français ainsi que l'introduction de l'orgue et des chœurs dans les offices synagogaux et en 1856, les grands-rabbins acceptent effectivement la réduction des pyoutim, la prédication en français et l'orgue.
Les rabbins, eux, sont en général conservateurs c'est-à-dire qu'ils sont partisans de solutions moyennes de conciliation.
Les orthodoxes manquent de leaders reconnus en France. Ils se regroupent derrière Simon Bloch, fondateur de « l'Univers israélite ». Le grand-rabbin de Colmar, Salomon Klein, compte aussi parmi eux et écrit à propos de ces résolutions de 1856 : « Repoussez le culte étranger et anti-israélite qu'on voudra vous imposer à la place du culte de nos pères, du culte de notre conscience,(...) du culte de notre salut éternel! ». Mais, sous l'impulsion du grand-rabbin de France Ullmann et du président du Consistoire central, les passions s'apaisent peu à peu[102]. À ce propos, il faut constater que l'origine jacobine de l'organisation consistoriale a rendu beaucoup moins virulent qu'en Allemagne ou aux États-Unis le débat entre les différents courants du judaïsme.
Article détaillé : Courants du judaïsme.Sous la IIIe République
Selon le recensement de 1866, la France compte 90 000 Juifs (soit environ le double de ce qu'ils étaient au début du siècle) dont 36 000 en Alsace[103]. La perte de l'Alsace et d'une partie de la Lorraine est une catastrophe pour le judaïsme français puisque le recensement de 1872 ne compte plus que 49 000 Juifs. Toutefois, beaucoup des Juifs d'Alsace et de Lorraine (15 000 ou près de 40 %), très reconnaissants à la France de leur avoir apporté liberté et égalité des droits vont choisir de quitter l'Alsace ou la Lorraine allemandes et d'émigrer vers la France. Les estimations du Consistoire indiquent 60 000 Juifs en France en 1882 et 71 000 en 1897. Ces estimations sont peut-être sous-évaluées car des familles partiellement déjudaïsées n'avaient plus de contact avec le Consistoire et que les nouveaux immigrants fuyant les persécutions d'Europe orientale ne se déclaraient pas nécessairement au Consistoire. Parallèlement, la population juive l'Alsace et de la Lorraine annexée par l'Allemagne décroissait de 41 000 à 32 000 en 1900[104].
La perte de l'Alsace et de la Lorraine accentue l'évolution du judaïsme français. Les Juifs de l'est mais aussi ceux des autres régions abandonnèrent les petits bourgs pour les grandes villes et Paris en même temps qu'ils abandonnaient leurs activités traditionnelles comme le colportage en Alsace pour devenir des commerçants bien établis ou pour exercer des professions libérales. La pratique de la religion diminuait et parmi les Juifs célèbres de l'époque particulièrement dans la finance, rares étaient les familles comme les Rothschild qui pratiquaient le judaîsme et contribuaient à l'édification et à l'entretien de ses écoles et synagogues.
C'est pourtant à cette époque où les Juifs croient trouver en la France une nouvelle terre promise qu'ils doivent faire face dans ce pays à une nouvelle vague d'antisémitisme.
Développement de l'antisémitisme
Article détaillé : Antisémitisme sous la Troisième République.L'antisémitisme se distingue de l'antijudaïsme en ce sens qu'il se fonde sur l'hostilité non à la religion juive mais à la supposée race juive. Si Wagner avait justifié son hostilité aux Juifs et particulièrement à Meyerbeer sur de pseudo théories raciales, c'est un journaliste allemand, Wilhelm Marr, qui invente le concept d'antisémitisme vers 1878.
En France, le krach de l'Union Générale fondée par un ancien employé des Rothschild, semble être un des facteurs déclenchants de la vague d'antisémitisme. En 1886, Edouard Drumont publie La France Juive, un pamphlet dont François Delpech peut dire[105]: « La première partie ... est une longue divagation sur l'opposition Aryen-Sémite. Les quatre parties suivantes sont un recueil de ragots sur les Juifs de France... ». En 1890, La Croix se proclame le journal catholique le plus anti-juif de France. En 1892, Drumont lance un journal antisémite, la Libre Parole qui n'a guère de succès.
C'est alors qu'éclate l'affaire Dreyfus.
L'affaire Dreyfus et ses conséquences
Article détaillé : Affaire Dreyfus.Nous ne rappellerons ici qu'en quelques lignes l'histoire de cette erreur judiciaire qui divisa la France. En 1894, Alfred Dreyfus officier d'état-major juif est faussement accusé de haute-trahison et condamné par un conseil de guerre à une dégradation humiliante et à la déportation perpétuelle. Il est déporté en Guyane. Seuls, ses très proches sont alors persuadés de son innocence dont les preuves ne sont rassemblées qu'en 1896. Le vrai coupable, le commandant Esterhazy est alors identifié. Malgré cela et les nombreux soutiens, dont ceux de Zola et de Clemenceau, qu'obtient Dreyfus, la révision du procès à Rennes en 1899 n'amène qu'une condamnation atténuée. Dreyfus est gracié par le président de la République mais il faut attendre 1906 pour qu'Alfred Dreyfus soit pleinement réhabilité par la Cour de Cassation.
À l'occasion de cette trop longue affaire, les Juifs de France ont découvert le nouveau visage de l'antisémitisme. La presse et la foule déchainée ont proféré les pires slogans antisémites qui ont conduit le journaliste viennois Théodore Herzl à écrire le texte considéré comme fondateur du sionisme, « l'état des Juifs » (Der Judenstaat). Des émeutes antisémites eurent même lieu lors du procès de Zola et lors du procès de Rennes en 1899. La même année, Drumont, l'auteur de la France juive, est élu député d'Alger et Max Régis emporte la mairie d'Alger à la tête d'une liste antisémite. Mais le 26 juillet 1906, après la réhabilitation de Dreyfus, les Archives israélites écrivent : « Quoi qu'il en soit, l'affaire Dreyfus est finie pour les Israélites et sa conclusion nous en ferait encore plus aimer, s'il était possible, notre cher pays »[106]. Et pourtant, en 1908, Dreyfus est encore victime de l'antisémitisme quand il est blessé dans un attentat lors du transfert des cendres de Zola au Panthéon. Son agresseur est acquitté lors du procès qui s'ensuit.
Les Juifs ne sont pas levés en masse pour défendre Dreyfus. Léon Blum peut écrire dans ses souvenirs : « Le sentiment dominant se traduisait par une formule comme celle-ci : C'est quelque chose dont les Juifs ne doivent pas se mêler.[107] ». Les institutions juives ne sont guère impliquées dans l'Affaire et seul le grand-rabbin de France Zadoc Kahn protesta. Mais quelques Juifs soutinrent Dreyfus. Il faut surtout citer Bernard Lazare dont la brochure Une erreur judiciaire. La vérité sur l'Affaire Dreyfus parue en 1896 eut un grand retentissement et Joseph Reinach.
À plus long terme, les Juifs ont plutôt porté leur sympathie vers la gauche qui avait défendu Dreyfus, tels Clémenceau, Zola et Jaurès. La droite, au contraire, proche de l'armée et des milieux cléricaux dont le journal était la Croix, représentait l'opposition aux Juifs. Ce clivage allait longtemps marquer les opinions de la communauté juive française, ce qui peut sembler paradoxal quand on se rappelle les écrits sur les Juifs de certains des penseurs de la gauche tels Karl Marx ou Proudhon.
Les Juifs de France et le sionisme
Si l'affaire Dreyfus inspire à Herzl son livre l'état des Juifs, les Juifs français ne sont pas restés absents du développement du sionisme. Dès 1870, l'Alliance Israélite Universelle, sous l'impulsion de Charles Netter et avec le financement d'Edmond de Rothschild crée l'école d'agriculture de Mikvé-Israël, aujourd'hui encore collège-lycée franco-israélien. Ce dernier va s'engager résolument dans la création d'établissements juifs en Palestine en achetant des terres cultivables et en finançant les premières fermes. C'est ainsi que naissent les villes de Rishon LeZion aujourd'hui proche de Tel-Aviv et de Zihron Yaakov sur le mont Carmel.
Ce rôle fondamental joué par Edmond de Rothschild (dont les cendres furent transférées en Israël à Zihron Yaakov par le gouvernement israélien en 1954) ne doit pas faire oublier l'indifférence du judaïsme français d'alors au sionisme. Seul le grand rabbin de France, Zadoc Kahn, envoie un message de sympathie au premier congrès sioniste.
Immigration d'Europe centrale et orientale
Article détaillé : Histoire de l'immigration en France.Malgré l'affaire Dreyfus, la France reste très attractive pour les Juifs d'Europe centrale et orientale toujours victimes de persécution et de discrimination. Depuis les années 1880, une vague d'immigrants juifs fuyant les pogroms d'Europe de l'Est arrive en France. Ces immigrants parlent yiddish et sont pour la plupart ouvriers ou artisans. Ils s'établissent souvent dans le quartier du Marais à Paris, par exemple dans la rue Ferdinand-Duval, l'ancienne rue des Juifs rebaptisée en 1900 après l'affaire Dreyfus[108],[109]. Les rapports avec les Juifs locaux sont tendus : les nouveaux arrivants considèrent leurs coreligionnaires comme « peu juifs, » tandis que ceux-ci voient d'un mauvais œil ces Juifs tellement plus proches qu'eux-mêmes de l'image née des préjugés antisémites ; l'inauguration de la synagogue russo-polonaise de la rue Pavée en 1914 se fait hors la présence du Consistoire ou du rabbinat[106].
C'est pourtant du rang de ces immigrés que sortent certaines grandes figures, qui vont participer au rayonnement artistique de la France dans le monde : Pascin arrive en France en 1905, Lipchitz et Zadkine en 1909, Chagall en 1910, Soutine en 1912, Mané-Katz en 1913[106]. Ils sont, avec d'autres immigrés comme Modigliani, arrivé d'Italie en 1906, parmi les membres les plus éminents, voire fondateurs, de l'École de Paris.
Cette immigration contribue à la croissance du nombre de Juifs en France qui sont estimés en 1914, à la veille de la guerre, à 120 000 dont un tiers d'étrangers. 30 000 autres vivent en Alsace-Lorraine où ils sont souvent restés très francophiles et 70 000 en Algérie[106].
La première guerre mondiale
Les Juifs de France et d'Algérie sont mobilisés durant la première guerre mondiale où 6 500 d'entre eux meurent pour la France[106]. En plus des nationaux mobilisés, les Juifs étrangers sont nombreux à s'engager pour le pays qui leur avait donné asile.
La victoire française permet la réintégration de l'Alsace-Lorraine au sein de la République française. 30 000 Juifs retrouvent la nationalité française et on estime à 150 000 la population juive de France à la fin de la guerre, sans y inclure les Juifs d'Algérie.
L'Entre-deux guerres
Après la Première Guerre mondiale, les Juifs français pensent enfin avoir atteint le but qu'ils se sont donné : ils se sont complètement fondus à la nation dont ils sont une composante comme les catholiques ou les protestants. Ils ont donné leur sang comme eux et ont de hautes positions dans tous les domaines de la société. L'Alsace retrouvée donne un nouvel allant à la communauté juive de France. L'Alsace et la Moselle restent sous régime concordataire car la loi de séparation de l'Église et de l'État ne s'y applique pas, ayant été voté en 1905 pendant l'occupation allemande. Les rabbins y sont donc rémunérés par l'État.
Durant l'entre-deux guerres, la communauté juive de France se transforme rapidement : la révolution russe, la recrudescence de l'antisémitisme en Europe centrale et orientale, le succès même de l'Alliance Israélite Universelle qui donne une culture française aux Juifs de Grèce ou de Turquie entraînent à nouveau une forte immigration juive vers la France si bien qu'on estime à 200 000 le nombre de Juifs en 1930. La montée du nazisme en Allemagne accélère ce mouvement et aujourd'hui on évalue à 300 000 le nombre de Juifs en France à la veille de la seconde guerre mondiale. Il faut leur ajouter les 110 000 Juifs d'Algérie.
Les Juifs nés en France sont donc minoritaires : comme avant la guerre, beaucoup parmi les immigrés sont artisans et si certains réussissent vite, la plupart des autres forment un prolétariat vivant dans les quartiers est de Paris comme le Marais ou la Bastille. Les immigrés ne se reconnaissent toujours pas dans le judaïsme consistorial éloigné des traditions religieuses d'Europe orientale et les Juifs français sont souvent très réticents envers ces coreligionnaires au fort accent qui demandent souvent leurs secours.
Les Juifs de France occupent une place privilégiée au cours de cette période dans la culture, les arts, l'industrie et la politique. Outre les membres juifs de l'École de Paris, on distingue en littérature Marcel Proust (dont la mère est juive), Max Jacob, Henri Bergson, Julien Benda, Tristan Bernard, André Maurois, Simone Weil ou Irène Némirovsky. André Citroën, né à Paris de parents juifs immigrés révolutionne l'industrie automobile avec la Traction. La France est également un des premiers pays où un Juif est nommé Président du Conseil en la personne de Léon Blum en 1936[110] . Ce dernier est à ce titre la cible désignée des attaques antisémites, qui s'est renforcé parallèlement à l'ascension des Juifs, pratiquants, assimilés et convertis confondus.
La montée des périls
Article détaillé : Antisémitisme sous la Troisième République.En 1920 sont publiés en France après l'Allemagne et la Grande-Bretagne les « Protocoles des Sages de Sion, » préfacés par Roger Lambelin. Ce pamphlet a été forgé par la police tsariste vers 1905. Malgré l'enquête du Times de Londres, qui a conclu à la supercherie en 1921, ce pamphlet sera réédité à de multiples reprises et connaîtra de nombreuses variantes, dont « Le Péril Juif. »
Si en 1927, Samuel Schwartzbard, qui a assassiné l'ataman Petliura est acquitté par les assises de la Seine, des manifestations antisémites accueillent une pièce de Jean Richepin sur l'affaire Dreyfus en 1931 et en 1933, quand le nazisme triomphe en Allemagne, les frères Jérome et Jean Tharaud peuvent écrire dans un livre au titre significatif, Quand Israël n'est plus roi : « Ce qui étonne davantage, c'est que soixante-cinq millions d'Allemands se soient laissé dominer de la sorte de la sorte par six cent mille Juifs »[111].
L'affaire Stavisky entraîne elle aussi une montée de l'antisémitisme qui n'est pas étranger à l'émeute du 6 février 1934, quand les Ligues ne sont pas loin d'entraîner la chute du régime républicain.
L'arrivée au pouvoir de Léon Blum déclenche les foudres de l'extrême droite parlementaire et des ligues qui lui sont affiliées[112]. Xavier Vallat déclare à la tribune de la Chambre des députés : « Pour la première fois, ce vieux pays gallo-romain sera gouverné par un Juif[111]».
En 1937, paraît Bagatelles pour un massacre de Céline, où l'auteur devient prophète dans l'antisémitisme : « Qu'ils crèvent, eux, tous d'abord, après on verra ».
En novembre 1938, l'assassinat d'un conseiller de l'ambassade d'Allemagne à Paris par Herschel Grynszpan fournit un prétexte à Hitler pour déclencher la Nuit de Cristal mais avive l'inquiétude et l'embarras des Juifs de France devant l'afflux d'immigrés juifs d'Europe de l'Est.
Les Juifs de France réagissent faiblement à cette situation. Un comité national de secours aux victimes de l'antisémitisme de l'Allemagne se crée mais est vite dépassé. La communauté est déchirée entre ceux qui veulent garder un profil bas face au nazisme et à l'antisémitisme tel le jeune Edgar Morin[113] et ceux qui appellent à la résistance au nazisme comme Julien Benda.
La Seconde Guerre mondiale
À la déclaration de guerre, les Juifs français sont mobilisés comme tous leurs compatriotes et comme en 1914, nombreux sont les Juifs étrangers qui s'engagent dans les régiments de volontaires étrangers. Si on estime à 40 000 le nombre de volontaires juifs incorporés, il faut aussi rappeler le sort des Juifs allemands réfugiés en France et incarcérés comme ressortissants ennemis[114]... En règle générale, les Juifs sont confiants dans la capacité de la France à les protéger des nazis. Mais un bon nombre de Juifs, surtout parmi ceux de nationalité française plus à l'aise pour se déplacer dans le pays, vont se réfugier en zone non occupée dès juin 1940.
Le traité d'armistice signé le 22 juin 1940 entre le représentant du IIIe Reich allemand et celui du Gouvernement français, s'il ne comprend aucune disposition relative aux Juifs, prévoit deux clauses qui vont lier leur sort à la politique antisémite de l'Allemagne :
- L'article 3 prévoit que « Dans les régions occupées de la France, le Reich allemand exerce tous les droits de la puissance occupante. Le gouvernement français s'engage à faciliter par tous les moyens les réglementations relatives à l'exercice de ces droits et à la mise en exécution avec le concours de l'Administration française. »,
- Les articles 16 et 19 prévoient que : « Le gouvernement français procédera au rapatriement de la population dans les territoires occupés, d'accord avec les services allemands compétents ; » (il s'agissait de toutes les populations ayant fui les zones de guerre pendant l'Exode), que « Tous les prisonniers de guerre et prisonniers civils allemands, y compris les prévenus et condamnés qui ont été arrêtés et condamnés pour des actes commis en faveur du Reich allemand, doivent être remis sans délai aux troupes allemandes. » et « Le gouvernement français est tenu de livrer sur demande tous les ressortissants allemands désignés par le gouvernement du Reich et qui se trouvent en France, de même que dans les possessions françaises, les colonies, les territoires sous protectorat et sous mandat. ».
Les mesures antisémites allemandes et vichystes
Articles détaillés : Collaboration policière sous le régime de Vichy et Lois contre les Juifs et les étrangers pendant le régime de Vichy.De l'Armistice à l'invasion de la Zone libre
Le régime de Vichy prend les premières mesures antijuives, peu après les autorités allemandes, dès l'automne 1940 : le Statut des Juifs du 3 octobre, préparé par Raphaël Alibert, interdit aux Juifs français d'exercer un certain nombre de professions (enseignant, journaliste, avocat, etc..), tandis qu'une loi du 4 octobre 1940 prévoit d'enfermer les étrangers juifs dans des camps d'internement au sud du pays comme celui de Gurs où ils sont rejoints par des convois de Juifs déportés par les Allemands depuis des régions que le IIIe Reich considère comme définitivement annexées, comme l'Alsace, la Lorraine et même, pour certains, de Belgique.
Le Commissariat général aux questions juives créé par l'administration de l'« État français » en mars 1941 organise la spoliation des biens juifs [115], orchestre la propagande antisémite, tandis que les autorités allemandes de la zone occupée commencent à constituer des fichiers qui recensent les Juifs et que le Second statut des Juifs du 2 juin 1941 achève de systématiser sur l'ensemble du territoire. Ces fichiers, dont le fichier Tulard, secondent l'administration nazie dans sa politique de déportation, alors que l'absence de port de l'étoile jaune, qui n'est pas obligatoire en zone non occupée, ne protège pas les Juifs des grandes rafles.
Pour contrôler au plus près la communauté juive, les Allemands créent le 29 novembre 1941 l'Union Générale des Israélites de France (UGIF) chargée de fédérer l'ensemble des œuvres juives caritatives. Les Allemands peuvent connaître ainsi les adresses où les Juifs se réfugient. Les dirigeants de l'UGIF prennent trop tard la mesure du risque qu'il y a à dialoguer avec les nazis et disparaissent tels René-Raoul Lambert et André Baur en déportation[116].
Article détaillé : Union générale des israélites de France.L'arrestation et la déportation des Juifs commencent en 1942, année du départ du premier convoi depuis Paris pour Auschwitz-Birkenau le 27 mars. Elles visent également les femmes et les enfants à compter de la rafle du Vel'd'Hiv des 16 et 17 juillet 1942, au cours de laquelle 13 000 Juifs sont arrêtés par la police française sous les ordres des autorités allemandes. En zone occupée, l'administration et la police française sont sous l'autorité allemande, appliquent les ordonnances allemandes prises contre les Juifs[117] et livrent en 1942 aux Allemands les Juifs étrangers des camps d'internement. Elles contribuent à en envoyer plusieurs dizaines de milliers à la mort dans les camps d'extermination via le camp de transit de Drancy.
En zone non occupée, à partir d'août 1942, des populations juives étrangères qui avaient été capturées par les Allemands dans divers pays occupés par l'Allemagne et rapatriées après l'Armistice dans des camps de réfugiés du Sud-Ouest de la France, comme celui de Gurs, sont à nouveau arrêtées et déportées dans des convois à destination de la Zone occupée, puis des camps d'extermination en Allemagne et en Pologne.
De l'invasion de la Zone libre à la capitulation de l'Allemagne le 8 mai 1945
En novembre 1942 l'ensemble du territoire est sous contrôle allemand, à l'exception de la zone d'occupation italienne où les Juifs sont plutôt épargnés, ceci jusqu'à la chute du régime de Mussolini et au remplacement des troupes italiennes par les Allemands en septembre 1943.
Il faut rappeler l'action du banquier juif italien Angelo Donati et du Comité d'aide aux réfugiés (Comité Dubouchage) pour sauver les juifs de la déportation par la police française d'accord avec les Allemands entre novembre 1942 et septembre 1943.
Donati réussi à convaincre les autorités d'occupation italienne à protéger les juifs.
Après la chute de Mussolini il cherche en août 1943 à organiser le transport de millier de juifs en Afrique du nord avec l'aide du Vatican, de l'Italie et des Alliés mais l'annonce de l'armistice le 8 septembre 1943 le fait échouer.
Les pouvoirs de René Bousquet sont étendus à tout le territoire. Les autorités allemandes prennent de plus en plus en charge la traque des Juifs, alors que Vichy doit composer avec une opinion rendue progressivement sensible aux persécutions et que la Résistance juive se structure. Cependant, la Milice constituée de Français acquis à l'idéologie nationale-socialiste, redouble d'activité pour livrer aux Allemands les familles juives dont elles connaissent l'existence. C'est ainsi que le rythme des convois vers l'Allemagne s'amplifie. Les derniers quittent le camp de Drancy le 31 juillet 1944, celui de Compiègne le 1er août 1944.
En Algérie, le Général Giraud puis le général de Gaulle tardent à rétablir la légalité républicaine : les Juifs ne retrouvent la citoyenneté française que le 22 octobre 1943 (voir Situation politique en Afrique libérée (1942-1943)).
Entre 1942 et 1943, dans la clandestinité, des groupes de résistants favorisent la création du SERE (Service d'évacuation et de regroupement d'enfants). Dès septembre 1944, l'OPEJ succède au SERE et les enfants sont regroupés dans des maisons d'enfants de déportés, créées à leur intention. En juin 1945, l'OPEJ se constitue en association (loi de 1901). Sa mission essentielle consiste alors à sauver des enfants juifs dont les parents avaient été déportés ou avaient disparu. Ces enfants, menacés d'arrestation et de déportation sont mis à l'abri dans des familles et institutions non juives, le plus souvent catholiques.
Il faut aussi signaler le rôle de fonctionnaires comme René Carmille, chef du service national des statistiques, qui sabote l'utilisation par les autorités d'occupation des fichiers indiquant la « race » juive, constitués sur les cartes perforées utilisées par les systèmes mécanographiques. René Carmille est arrêté à Lyon en février 1944, détenu au fort de Montluc, déporté à Compiègne, puis à Dachau[118] où il meurt en janvier 1945.
Grâce à l'existence d'une zone non occupée permettant de se soustraire aux mesures d'extermination prises par les Allemands, grâce aussi à l'aide de très nombreux Français souvent restés anonymes (voir Juste parmi les nations), trois quarts des Juifs vivant alors sur le territoire français ont survécu, plus que dans les autres pays occupés d'Europe. Malgré cela, 76 000 des 300 000 Juifs présents en France ont été victimes de la Shoah, dont 55 000 étrangers [119]. 3 % des déportés juifs de France vers les camps de la mort ont survécu.
La survie des Juifs en France pendant la seconde guerre mondiale
Face à cette menace, qu'ont fait les Juifs de France pendant la guerre ? Ils n'ont guère de choix qu'en deux politiques : survivre et combattre.
Survivre
Pour les Juifs, il s'agit tout d'abord de survivre. Survivre, cela signifie éviter l'arrestation qui conduit dans les camps d'internement en France comme ceux de Gurs, des Milles en zone sud et ceux de Beaune-la-Rolande et Pithiviers en zone occupée. Puis ce sera le camp de Drancy, avant le transfert en Allemagne dans les camps de la mort. Pour éviter la dénonciation ou l'arrestation, il faut se faire le plus discret possible mais en cas d'une mauvaise rencontre avec la police française ou allemande, mieux vaut avoir de faux-papiers qui ne mentionnent plus de noms juifs ou de lieux de naissance en Europe centrale ou orientale. Encore faut-il bien choisir ce nom de façon à garder les mêmes initiales et à ne pas trop contrefaire sa signature et être convaincant en déclinant son identité sans le moindre accent étranger.
Survivre signifie aussi avoir de quoi nourrir et loger sa famille. De par le statut des Juifs, beaucoup d'entre eux perdent leur droit d'exercer leur métier s'ils sont médecins, professeurs ou officiers par exemple. Tous les entrepreneurs, du patron des Galeries Lafayette aux petits boutiquiers, perdent aussi leur entreprise de par une ordonnance allemande du 18 octobre 1940 qui organise « l'aryanisation » des entreprises appartenant à des Juifs. Il leur faudra donc exercer des métiers ne nécessitant guère d'investissements ni de protections comme représentant de commerce. Avant l'invasion par les Allemands de la zone libre, les grandes villes du sud comme Marseille ou Nice peuvent fournir abri et travail.
Après novembre 1942 et l'occupation allemande de presque tout le territoire, Marseille ou Toulouse deviennent aussi dangereuses pour les Juifs que Paris. Beaucoup de Juifs se réfugient alors à la campagne et il faut rendre hommage à tous les Français qui leur ont fourni asile et protection ou évité l'arrestation en les prévenant à temps. Un des actes les plus héroïques est à l'actif des policiers qui font échouer une rafle à Nancy. Certains de ces Français ont été nommés Justes des nations par l'institut Yad Vachem. L'histoire du Chambon sur Lignon et du pasteur André Trocmé a souvent été célébrée mais des milliers d'autres Juifs ont dû leur survie à des inconnus comme maître Maurice Méjean, avoué à Largentière, qui fournit papiers et travail au père de l'auteur de ces lignes, lui permettant de nourrir sa famille.
Survivre, c'est aussi sauver ses enfants à défaut de se sauver soi-même. Des milliers de familles doivent confier leurs enfants à des familles non-juives pour qu'elles les abritent sous un faux-nom le temps de la guerre. Ces enfants sont généralement épargnés mais tous ne retrouvent pas leurs parents et quelques-uns y perdent la connaissance de leurs racines juives[120] (Voir aussi Affaire Finaly).
Survivre, c'est enfin s'organiser pour s'entraider. « Nous étions si seuls » a écrit Wladimir Rabi[116]. Lors de leurs proclamations, les mesures anti-juives ne créent guère de remous. Les Juifs peuvent être chassés du professorat ou de l'exercice de la médecine sans que cela émeuve ces professions. André Néher, professeur d'allemand en témoignera. L'Église attend 1942 et les prises de position des cardinaux Gerlier et Saliège pour exprimer sa compassion et parfois protéger des Juifs cherchant un asile.
Les organisations juives comme les Éclaireurs Israélites de France et l'ORT réussissent à sauver de nombreux enfants en organisant l'évasion vers la Suisse. Le Consistoire central de France, sous l'impulsion du de son président Jacques Heilbronner et du grand-rabbin Isaïe Schwartz avec son adjoint Jacob Kaplan crée des caisses de secours et multiplie les démarches aurès des autorités de Vichy et de l'Église de France pour obtenir des soutiens. Pour éviter le désastre total, il est nécessaire de coordonner les efforts de tous. En juillet 1943, des négociations permettent de créer le Comité Général de Défense juive. Un accord conclu avec le Consistoire central aboutit à la création clandestine du Conseil représentatif des israélites de France (CRIF) dont la charte est définitivement élaborée en 1944. Sa première tâche est d'unifier les actions de sauvetage[121].
Combattre
Article détaillé : Résistance juive en France.Survivre ne suffit évidemment pas à beaucoup de Juifs qui choisissent le combat contre l'Allemagne. Beaucoup d'entre eux, Juifs ou d'origine juive (puisque les Nazis leur promettaient le même sort) vont rejoindre la Résistance intérieure ou la France libre et ce n'est pas un hasard si le premier civil à rejoindre le général de Gaulle est un Juif, René Cassin[122]. Beaucoup d'autres suivent, dont on peut citer quelques noms : François Jacob, Maurice Schumann, Pierre Mendès-France, Pierre Dac, Pierre Laroque ou Jean-Pierre Lévy, chef national du mouvement Franc-Tireur, dont fait aussi partie l'historien Marc Bloch. On peut également citer le cas de Michel Debré, haut fonctionnaire de Vichy entré dans le réseau CDLR en février 1943, dont le grand-père paternel était rabbin.
En France même, une résistance spécifiquement juive s'organise. Le premier souci de cette résistance est d'aider les Juifs sur tout le territoire en leur fournissant des faux-papiers et en organisant des filières d'évasion avec Georges Loinger. Mais il s'agit aussi de combattre les Allemands, les armes à la main. Un étudiant en médecine et futur poète, Claude Vigée, participe à l'organisation de la résistance juive à Toulouse, d'octobre 1940 à fin 1942. Ce sera autour des Eclaireurs israélites de France et de Robert Gamzon[123] la naissance de l'Organisation Juive de Combat[124] qui combattra les Allemands à Castres.
Il faut aussi signaler la création en 1943, autour des cousins Schneersohn et de Léon Poliakov, du Centre de Documentation Juive Contemporaine (CDJC), qui se voue à recueillir les preuves documentaires de la Shoah et est à l'origine du Mémorial de la Shoah.
En marge des organisations juives mais composée principalement de Juifs, il faut citer l'organisation communiste de la main d'œuvre immigrée. L'affiche rouge témoigne à jamais de leur courage célébré par Louis Aragon et Léo Ferré.
Article détaillé : Chronologie des mesures et activités antisémites en France durant l'occupation allemandeArticle détaillé : Victimes françaises de la ShoahArticle détaillé : Mémorial de la ShoahDe 1945 à nos jours
Après la seconde guerre mondiale le judaïsme français est exsangue. Un quart des Juifs présents en France au début de la guerre ont disparu, des milliers d'enfants n'ont plus de famille et sont abrités dans des foyers, beaucoup de Juifs, particulièrement ceux des provinces de l'Est sont déplacés dans le centre de la France, de nombreuses synagogues sont détruites particulièrement dans l'est de la France. 23 rabbins, 35 ministres officiants sont morts[125]. Peut-être pire, les certitudes qui animaient les Juifs de France ont été démenties par les faits, les structures issues de la République n'ayant pas su les protéger contre le nazisme et ayant parfois contribué à leur persécution [126]. Même si on ne peut pas parler de divorce, on peut parler de fêlure dans la relation des Juifs avec la France. Roger Berg estime qu'une centaine de jeunes rejoignent Israël en 1948, notamment derrière Robert Gamzon, le résistant[127].
La reconstruction
La structure traditionnelle de la communauté fondée sur le Consistoire ne peut pas suffire à couvrir les besoins immenses et à affronter le monde nouveau. En 1949 est créé, un peu à l'image de l'Américan Joint Distribution Committee (souvent appelé le JOINT), le Fonds Social Juif Unifié (FSJU), qui est chargé de la collecte à l'intention des œuvres caritatives juives. Sous la direction d'Élie de Rothschild, le FSJU se charge aussi de la redistribution de l'aide qui vient d'abord du JOINT puis à partir de 1954 des réparations allemandes. Le FSJU subventionne toute l'aide à la jeunesse (colonies de vacances, patronages, matériel scolaire...). Avec le Consistoire, il aide à la reconstruction des synagogues ou à la construction de centres communautaires, nouveau concept en France illustré par la Synagogue de la Paix à Strasbourg, dont l'inauguration en 1958[128] marque d'une certaine façon la fin de l'après-guerre pour la communauté juive française.
La reconstruction n'est pas seulement matérielle, elle est aussi politique et il faut insister sur le rôle de deux personnalités : Jacob Kaplan, le futur grand rabbin de France, se battit avec persévérance pour résoudre ce qu'on a appelé l'affaire Finaly : la tutrice des deux frères Finaly qui lui avaient été confiés pendant la guerre, soutenue par beaucoup dans l'Église refusait de les remettre à leur famille sous le prétexte qu'elle les avait fait baptiser. Il fallut toute la diplomatie de Jacob Kaplan et l'obstination d'un proche des Finaly, Moïse Keller, pour que ces deux enfants retrouvent leur famille en 1953, 8 ans après la fin de la guerre. La bonne résolution de cette affaire permit la refondation en France des relations judéo-chrétiennes.
Mais c'est à Jules Isaac que revient le mérite d'analyser les causes de l'antisémitisme des chrétiens et surtout de les faire partager par ceux-ci lors de la Conférence de Seelisberg en 1947. Son combat continue par la publication de Jésus et Israël et de L'enseignement du mépris. Il est reçu en audience privée par Jean XXIII le 13 juin 1960 mais c'est après la mort de Jules Isaac et de Jean XXIII que la déclaration Nostra Aetate sur l'Église et les religions non-chrétiennes du concile Vatican II publiée par Paul VI en 1965 consacre la victoire de ses idées.
La reconstruction est aussi intellectuelle et le judaïsme français eut alors la chance de voir trois grandes personnalités le faire rayonner intellectuellement, Emmanuel Lévinas, André Néher et Léon Ashkénazi dit Manitou. Lévinas réinstalle le judaïsme comme objet philosophique, Néher s'attache à sortir le judaïsme de l'angoisse existentielle qui a suivi la Shoah et fait reconnaître l'hébreu comme une langue vivante enseignée comme telle par l'université française, Ashkénazi forme une génération d'étudiants juifs et leur transmet le message du rav Kook tout en s'impliquant dans le dialogue inter-religieux.
L'arrivée des Juifs d'Afrique du Nord
De 1948 à 1975, des centaines de milliers de Juifs séfarades qui depuis des générations et parfois depuis le premier exil il y a 2 500 ans avaient toujours vécu dans les pays aujourd'hui arabes doivent les quitter soit par suite de persécutions (comme en Irak en 1948), d'expulsions (comme en Égypte en 1956 suite à la crise de Suez), d'insécurité et d'absence d'avenir (comme en Afrique du Nord) ou de guerre civile (comme au Liban). Beaucoup se réfugient en France, principalement quand ils sont citoyens français comme en Algérie indépendante en 1962 ou francophones dans les autres pays d'Afrique du Nord (Maroc et Tunisie indépendants en 1956 et Égypte à l'importante population juive francophone). Ils forment une part importante des "Pieds-Noirs", avec lesquels ils sont d'ailleurs souvent confondus. La population juive en France bondit en moins d'une génération de 1945 à 1965 de 225 000 à 600 000 personnes environ.
Les séfarades choisissent de s'établir là où il y a du travail pour vivre, une communauté juive pour leur permettre de pratiquer la religion et du soleil pour leur rappeler leur Afrique du Nord natale. On les verra donc s'établir surtout à Marseille, Nice et Toulouse, bien sûr en région parisienne, notamment dans la nouvelle ville de Sarcelles et aussi à Strasbourg.
Le Consistoire lance dès les années 1950 l'opération des chantiers du Consistoire [129] sous l'impulsion d'Alain de Rothschild. Les besoins sont énormes à partir de 1962 avec l'arrivée des rapatriés d'Algérie et les constructions, souvent plus fonctionnelles qu'esthétiques, se multiplient. À Paris, rue de la Roquette, à Villiers-le-Bel, Massy, Sarcelles et Fontainebleau des synagogues sont bâties avant 1965. Peu à peu, le modèle traditionnel dédié au culte cède la place aux centres communautaires où toutes les activités culturelles de la communauté juive peuvent se dérouler et particulièrement les réceptions familiales. En 1982, 36 nouvelles synagogues avaient été construites.
La communauté juive française jusqu'alors presqu'exclusivement ashkénaze devient majoritairement séfarade. Moins assimilés que leurs coreligionnaires établis depuis plus longtemps en France, les séfarades vont contribuer à relancer la pratique religieuse et notamment le respect de la cacherouth, ce qui se traduit par l'apparition de commerces cachères dans les grandes villes où l'implantation juive les justifie. Mais la transformation de synagogues de rite ashkénaze en synagogues de rite séfarade et l'arrivée de séfarades aux postes de responsabilité de la communauté ne se font pas sans quelques conflits intracommunautaires. En 1981, pour la première fois, un séfarade, René-Samuel Sirat, est élu grand rabbin de France.
Cette immigration séfarade approfondit les liens de la communauté juive avec Israël. En effet, jusqu'alors, les Juifs de France n'avaient guère de parenté en Israël. Mais les familles sefarades qui arrivent d'Afrique du Nord se sont souvent séparées en plusieurs destinations dont Israël. Les Juifs de France deviennent plus proches sur le plan familial des Juifs d'Israël et cela augmente d'autant l'émotion produite par la guerre des six jours.
Les Juifs de France et Israël
Jusqu'en 1967, les Juifs de France n'ont guère marqué leur intérêt pour Israël ; ni le combat pour l'indépendance en 1947, ni la crise de Suez où la France fut impliquée au côté d'Israël n'ont suscité de passion. En 1967, il en est tout différemment quand l'opinion juive craint que l'existence même d'Israël ne soit en danger, suite aux menaces du chef d'état égyptien Nasser qui, en mai 1967, obtient du secrétaire général de l'ONU le retrait des forces d'interposition de l'ONU puis ferme le détroit de Tiran. Ahmed Choukairy, président de l'OLP, ne fait rien pour apaiser cette angoisse. Des manifestations importantes de soutien à Israël se déroulent avant et pendant la guerre des Six jours (6-10 juin 1967), à Paris et en province, rassemblant des dizaines de milliers de personnes.
Aussi, la plus grande partie de la communauté juive est-elle très déçue lorsque le général de Gaulle décrète l'embargo sur les armes à destination des pays belligérants, alors qu'Israël est le seul pays à être principalement armé de matériels français. Si la victoire d'Israël dans la guerre des Six jours soulage l'angoisse de la communauté, elle marque aussi le début d'un soutien systématique des institutions de la communauté juive française à l'État d'Israël (et non au gouvernement israélien), au moment même où le gouvernement français se rapproche des pays arabes. Cela n'empêche pas les Juifs de France d'afficher des positions très diverses vis-à-vis du conflit israélo-palestinien, comme en témoignent les nombreux débats ou articles publiés dans la presse.
La déclaration du Général de Gaulle, le 27 novembre 1967, sur « les Juifs... peuple d'élite, sûr de lui-même et dominateur » est douloureusement ressentie, même si le grand rabbin de France Jacob Kaplan obtient du président de la République des paroles d'apaisement lors des visites traditionnelles du nouvel an[130]. Raymond Aron traduit l'émotion des Juifs, même très éloignés de leur communauté en écrivant : « Le général de Gaulle a sciemment, volontairement ouvert une nouvelle période de l'histoire juive et peut-être de l'antisémitisme. Tout devient possible, tout recommence. Pas question, certes, de persécutions : seulement de la malveillance. Pas le temps du mépris, le temps du soupçon »[125]. Le dessinateur Tim répond aussi à sa manière à De Gaulle par son dessin représentant un déporté avec l'étoile jaune sur sa tenue rayée piétinant un barbelé de camp de concentration avec l'attitude de Napoléon[131]. Ce malaise se traduit par de nouveaux départs vers Israël et notamment ceux de deux des personnalités les plus connues du monde juif français, André Néher et Léon Ashkénazi.
Surtout cette déclaration inaugure une attitude qu'il est convenu d'appeler "la politique arabe de la France", marquée par la contestation des positions américaines dans les pays arabes et notamment du soutien que les États-Unis apportent à l'État d'Israël. En plusieurs occasions, les ministres titulaires du Quai d'Orsay réaffirment cette posture et suscitent l'amertume des Juifs de France.
L'attentat de la rue Copernic à Paris en septembre 1980, qui fait quatre morts, aggrave cette incompréhension, suite au célèbre "lapsus" du Premier ministre Raymond Barre : « Cet attentat odieux a voulu frapper les israélites qui se rendaient à la synagogue, il a frappé des Français innocents qui traversaient la rue Copernic ». La fusillade de la rue des Rosiers fait 6 morts en 1982. Comme pour l'attentat de la rue Copernic, les autorités sont incapables d'en retrouver les auteurs même si l'organisation d'Abou Nidal en est le principal suspect.
L'Intervention militaire israélienne au Liban de 1982, la Première et la Seconde Intifada, le Conflit israélo-libanais de 2006 mettent successivement à l'épreuve les relations de la France et du peuple juif, tandis que les Accords de Camp David puis les Accords d'Oslo suscitent des moments d'espoir et d'apaisement. Les déclarations récurrentes du président iranien Ahmadinejad niant la Shoah et appelant à la destruction d'Israël et celles similaires des dirigeants du Hamas[132] entretiennent l'angoisse et contribuent à renouveler le soutien des Juifs de France à l'état d'Israël.
Au début 2009, la guerre de Gaza voit les Juifs de France dans leur majorité unis dans leur soutien à Israël comme en témoigne le grand rabbin de France Gilles Bernheim :
« Je voudrais évoquer les Français juifs qui, dans leur immense majorité, ont marqué leur attachement indéfectible à Israël avec beaucoup de dignité face aux diverses formes de violences dont cet Etat est victime. Les institutions , Conseil représentatif des institutions juives de France, Consistoire central..., ont rappelé qu'il ne s'agissait pas d'un conflit contre un autre peuple ou une autre religion, mais d'un conflit entre Israël et le Hamas, et qu'il ne fallait pas le transférer en France. J'ai dit ma compassion pour les victimes civiles israéliennes et celles, palestiniennes, prises en otage par le Hamas dans la bande de Gaza.[...] Quand on parle de soutien indéfectible, on ne peut oublier que la très grande majorité des Israéliens accepte l'idée qu'il puisse y avoir un Etat palestinien aux côtés d'Israël. Le Hamas a, quant à lui, la volonté de faire disparaître Israël de la carte »Les années Mitterrand
Les deux septennats de François Mitterrand sont marqués par l'ambiguïté : il est le premier président français à se rendre en Israël mais il y fait à la Knesset un discours[134] que certains jugent trop pro-palestinien. D'un côté, grâce à l'obstination de Serge et Beate Klarsfeld, la France peut organiser le procès de Klaus Barbie puis celui de Paul Touvier. De l'autre, on apprend aussi la longue amitié de Mitterrand pour le secrétaire général de la police de Vichy René Bousquet qui est assassiné alors que son procès se prépare. Et sur la fin de sa présidence, le livre de Pierre Péan Une jeunesse française. François Mitterrand. 1934-1947 révèle les détails de sa carrière à Vichy.
Les Juifs de France, aujourd'hui
Malgré les procès contre Klaus Barbie ou Paul Touvier, le malaise entre les Juifs et la France refusant d'assumer le régime de Vichy n'est dissipé que lorsque Jacques Chirac, nouvellement élu président de la République, déclare le 16 juillet 1995 à l'occasion de l'anniversaire de la rafle du Veld'hiv : « Ces heures noires souillent à jamais notre histoire, et sont une injure à notre passé et à nos traditions. Oui, la folie criminelle de l'occupant a été secondée par des Français, par l'État français. Il y a cinquante-trois ans, le 16 juillet 1942, 450 policiers et gendarmes français, sous l'autorité de leurs chefs, répondaient aux exigences des nazis. Ce jour-là, dans la capitale et en région parisienne, près de dix mille hommes, femmes et enfants juifs furent arrêtés à leur domicile, au petit matin, et rassemblés dans les commissariats de police. (…) La France, patrie des Lumières et des Droits de l'Homme, terre d'accueil et d'asile, la France, ce jour-là, accomplissait l'irréparable. Manquant à sa parole, elle livrait ses protégés à leurs bourreaux. » Cette déclaration est confirmée le 12 février 2009 par la plus haute autorité judiciaire française, le Conseil d'État qui estime que la « responsabilité » de l'État était « engagée en raison des dommages causés par les agissements qui, ne résultant pas d'une contrainte directe de l'occupant, ont permis ou facilité la déportation à partir de la France de personnes victimes de persécutions antisémites »[135].
Le bicentenaire du Consistoire en 2008 est l'occasion de célébrer officiellement ces relations apaisées entre la communauté juive et la République[136]. Cette situation est confortée par la visite d'état du président Nicolas Sarkozy en Israël en juin 2008 où ce dernier commence son discours devant la Knesset par ces mots : « Il y a entre Israël et la France une amitié profonde »[137].
Évolution démographique et assimilation
La population juive était estimée en 1970 à 530 000. Après une longue période de stabilité, elle serait actuellement de 488 000 [2], en déclin. Le mariage mixte en est certainement une des causes les plus évidentes. Aux États-Unis où la pratique de statistiques par origine religieuse ou ethnique est courante, une enquête montre que le taux de mariages mixtes (juif et non-juif) est en augmentation régulière et que le taux d'enfants recevant une éducation juive est de près de 100 % dans les couples où les 2 parents sont juifs et de 30 % seulement si un seul des conjoints est juif[138]. La situation est certainement comparable en France où le taux de mariages mixtes parmi les moins de 30 ans est de l'ordre de 40 %[139].
De plus, ni les Juifs orthodoxes ni le Consistoire n'admettent les conversions au judaïsme dans le but du mariage (juif). Cette règle explique que là où les communautés juives sont peu nombreuses et peu concentrées, leur assimilation complète à terme est probable, sauf apport migratoire notable. Les Juifs de France ont donc tendance à se regrouper dans quelques grandes villes (la région parisienne tout d'abord, Marseille, Lyon, Strasbourg, Nice). Ceci est d'autant plus vrai que les exigences de la cacheroute pour les Juifs pratiquants imposent l'existence de magasins cachères, dont l'exploitation n'est possible que là où existent de grandes communautés.
Le nouvel antisémitisme
L'antisémitisme d'extrême droite a toujours existé depuis la guerre. Pierre Poujade qui s'en prit particulièrement à Pierre Mendès-France[140], Jean-Marie Le Pen qui défraya la chronique avec l'affaire du « détail[141]», ce qui ne l'empêcha pas d'atteindre le deuxième tour de l'élection présidentielle en 2002, et les négationnistes autour de Robert Faurisson l'ont illustré. En mai 1990, la profanation de tombes juives à Carpentras suscite une profonde émotion et provoque à Paris une manifestation d'environ 250 000 personnes[142] à laquelle assiste le président de la République François Mitterrand.
Une nouvelle sorte d'antisémitisme apparaît avec la seconde Intifada qui suscite des réactions d'hostilité aux Juifs assimilés aux Israéliens, se traduisant par une recrudescence d'actes antisémites particulièrement en banlieue parisienne ou aussi à Paris comme en juin 2008[143], culminant avec le rapt et la torture à mort d'Ilan Halimi en janvier-février 2006. La communauté juive réagit en organisant de grandes manifestations à Paris comme celles du 7 avril 2002 ou de février 2006 en hommage à Ilan Halimi. Les autorités de la République assurent très visiblement la protection des synagogues avec l'établissement de barrières et le positionnement de policiers lors des fêtes juives.
On observe une nette recrudescence d'incidents antisémites lors de la guerre de Gaza au début 2009[144],[145].
Le 21 mars 2009, Dieudonné, déjà condamné pour des propos incitant à la haine raciale[146] annonce sa candidature aux élections européennes de juin 2009, à la tête d'une liste « anticommunautariste et antisioniste »[147] dont il essaye de nier l'antisémitisme[148].
Cet antisémitisme est en partie la cause d'un flux régulier d'émigration vers Israël de quelques milliers de Juifs par an[149].
Le développement de l'école juive
Les écoles juives mêlant les 2 cursus profanes et religieux sont apparues en France au XIXe siècle mais sont restées très marginales, les Juifs de France choisissant en général de se fondre dans la république et de limiter l'enseignement religieux à quelques heures par semaine à la synagogue. Après la seconde guerre mondiale, une école juive secondaire, l'école Aquiba, est créée à Strasbourg pour former de nouveaux cadres pour la communauté juive éprouvée par la Shoah[150]. C'est surtout après l'arrivée des Juifs rapatriés d'Afrique du Nord et la guerre des six jours, à partir des années 1970, que l'école juive se développe en France. On peut y voir deux raisons: un renouveau identitaire lié à un plus grand respect de la religion par les Juifs d'Afrique du Nord que par les Ashkénazes et aussi un début d'antisémitisme dans certains lycées. Dans les années 2000, on estime à 30 000 le nombre d'élèves dans les écoles juives.
Les principaux réseaux d'éducation sont ceux historiques comme les écoles de l'Alliance Israélite Universelle ou de l'ORT[151], le réseau Ozar Hatorah, les écoles orthodoxes comme celles des Loubavitch. On trouve aussi un grand nombre d'écoles indépendantes. La grande majorité de ces écoles est sous contrat d'association avec l'état[152].
Les différents courants du judaïsme en France
Les Juifs de France sont répartis en de multiples groupes reflétant la diversité du judaïsme actuel. On citera seulement les juifs Harédis, représentés dans quelques yechivot, les Loubavitch qui revivifient la pratique religieuse en mettant en place un grand nombre d'institutions éducatives, les orthodoxes représentés par la synagogue de la rue Montevideo à Paris, les Juifs consistoriaux peut-être les plus nombreux parmi ceux qui sont membres d'une communauté et dont le rabbinat est proche de l'orthodoxie après avoir été beaucoup plus attiré par la réforme au début du XXe siècle, les massortis, dirigés par le rabbin Rivon Krygier, qui disposent de synagogues à Paris, Aix-en-Provence, Marseille et Nice[153] et les libéraux divisés en différentes congrégations. Des Juifs noirs appellent à la création d'une synagogue destinée plus spécialement aux Noirs[153]. De nombreuses autres associations culturelles ou caritatives existent[154]. Mais surtout plus nombreux encore sont ceux qui ne pratiquent qu'épisodiquement le judaïsme et ne se réclament d'aucune obédience. Le Consistoire de Paris regroupe environ 30 000 membres alors que la population juive de la région parisienne est estimée à 300 000 personnes. Même en tenant compte des fidèles des communautés orthodoxes ou libérales, cela illustre un important degré d'assimilation dans une partie notable de la communauté, dont un autre symptôme est l'augmentation des taux de mariages mixtes (40 % parmi les moins de 30 ans) et de non-fréquentation des synagogues (49 %)[155].
Au plan organisationnel, si le grand-rabbin de France représente toujours le judaïsme vis-à-vis des autorités quand il faut traiter de religion, c'est le CRIF présidé depuis 2007 par Richard Prasquier qui est l'interlocuteur des autorités sur le plan politique comme en témoigne le dîner annuel du CRIF où la République se fait représenter ces dernières années par le premier ministre ou même par le président de la République en 2008.
Le 22 juin 2008, Gilles Bernheim est élu grand rabbin de France, après une campagne l'opposant à son prédécesseur Joseph Sitruk. Il prend ses fonctions le 1er janvier 2009.
Bibliographie
- Hirsch Graetz, Histoire des Juifs[156], éditeur François-Dominique Fournier (l'édition originale est parue de 1853 à 1875). Dans le corps de cet article, les références vers cet ouvrage sont identifiées par les initiales HJ suivies d'un lien vers le chapitre pertinent.
- Cet article comprend du texte provenant de la Jewish Encyclopedia de 1901–1906, article « FRANCE » par Joseph Jacobs & Israël Lévi, une publication tombée dans le domaine public.. Dans le corps de cet article, les références vers la Jewish Encyclopedia sont identifiées par les initiales JE suivies du titre du paragraphe de cette encyclopédie. Pour la période qui va jusqu'à la fin du VIe siècle, elle se fonde elle-même sur l'Histoire des Francs de Grégoire de Tours, disponible sur Gallica[157].
- Sous la direction de Bernhard Blumenkranz, Histoire des Juifs en France, Privat, Éditeur, Toulouse, 1972. Dans le corps de cet article, les références vers cet ouvrage sont identifiées par les initiales HJF suivies de la référence dans le livre.
- Esther Benbassa, Histoire des Juifs de France, Seuil, 1997
- David Feuerwerker, L'Émancipation des Juifs en France. De l'Ancien Régime à la fin du Second Empire, Albin Michel, Paris, 1976 (ISBN 2-2260-0316-9)
- Rita Hermon-Belot, L'émancipation des Juifs en France, P.U.F., collection Que sais-je ?, Paris, 1999
- Béatrice Philippe, Être juif dans la société française, éditions Montalba, 1979 (ISBN 2-8587-0017-6). Dans le corps de cet article, les références vers cet ouvrage sont identifiées par les initiales EJSF suivies de la référence dans le livre.
- Philippe Bourdrel, Histoire des Juifs de France - Tome 1. Des origines à la Shoah. Tome 2. De la Shoah à nos jours (2004)
- Michel Winock, La France et les Juifs. De 1789 à nos jours, Le Seuil, L'Univers historique, 2004 (ISBN 2-0208-3787-0)
- Pierre Birnbaum, Les fous de la République. Histoire des Juifs d'État de Gambetta à Vichy. Paris, Fayard, 1992, rééd. « Poche » Le Seuil, 1994 (ISBN 2-0202-0505-X)
- Limor Yagil, Chrétiens et Juifs sous Vichy, 1940-1944: sauvetage et désobéissance civile, 1995, Éditions du Cerf, Paris[158].
- Raymond Aron De Gaulle, Israël et les Juifs, Plon, 1968.
- Collectif, Juifs de France: Le judaïsme, la République et Israël, Les Collections de l'histoire, hors-série trimestriel no 10, janvier 2001, Société d'Éditions Scientifiques[159].
Ouvrages de référence
- Benjamin de Tudèle, Voyage de Rabbi Benjamin, fils de Jona de Tudèle, en Europe, en Asie et en Afrique depuis l'Espagne jusqu'à la Chine, éditeur Jean-Philippe Baratier, 1732. Cet ouvrage écrit par un rabbin grand voyageur du XIIe siècle est disponible sur le site Gallica[160]. Il décrit entre autres la vie juive du sud de la France et mentionne la communauté de Strasbourg.
- Maurice Gelbard, 1808 - 2008, Bicentenaire de l'organisation du culte israélite par Napoléon 1er [161], 2007 (ISBN 2-9505-7958-2)
- Site du Judaïsme d'Alsace et de Lorraine[162], source d'information détaillée sur l'histoire des communautés juive d'Alsace et de Lorraine.
Sur l'époque des Croisades
Presse juive française
- Actualité Juive, hebdomadaire disponible dans certains kiosques et dans les magasins cachères
- Tribune Juive, qui est le news magazine de la communauté juive
- L'Arche publiée par le Fonds Social Juif Unifié (FSJU), qui se décrit comme le mensuel du judaïsme français
Liens externes
- Histoire des juifs de Lyon 1942-1944
- Histoire chronologique et thématique des Juifs en France
- Commission Française des Archives Juives
- (en) Histoire des Juifs de France
Notes et références
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- ↑ Responsum 29491 de cheela.org
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- ↑ « Louis, par la grâce de Dieu et par la loi constitutionnelle de l'État, roi des Français, à tous présents et à venir, salut.
L'Assemblée nationale a décrété et nous voulons et ordonnons ce qui suit :
Décret de l'Assemble nationale du 27 septembre 1791 :
L'Assemblée nationale considérant que les conditions nécessaires pour être citoyen français et pour devenir citoyen actif sont fixées par la Constitution, et que tout homme qui, réunissant lesdites conditions, prête le serment civique et s'engage à remplir tous les devoirs que la Constitution impose, a droit à tous les avantages qu'elle assure ; révoque tous arguments, réserves et exceptions insérés dans les précédents décrets relativement aux individus juifs qui prêteront le serment civique, qui sera regardé comme une renonciation à tous privilèges introduits précédemment en leur faveur. »
Les Juifs prêtent donc serment individuellement ou dans des cérémonies comme à Nancy ou en Alsace. - ↑ Jean-Marie Schmitt, « Destinées d'une famille juive d'Alsace au XIXe siècle : les Sée », 1994, Site internet du judaïsme de Lorraine et d'Alsace
- ↑ Tombeau de Reisel Sée à Sélestat, Base de données Mérimée, ministère de la Culture et de la Communication - direction de l'Architecture et du Patrimoine
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- ↑ Bonaparte et un État juif en Palestine ?
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- ↑ L'ensemble des réponses est disponible sous le lien suivant : Extrait de journaux parisiens : Le Publiciste et le Journal de l'Empire, 2007, © Maurice Gelbard - ISBN 2-9505795-8-2. Consulté le 18 février 2008.
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- ↑ Robert Anchel, « Napoléon et les Juifs »>
- ↑ Napoléon Ier, « Décret impérial concernant les Juifs qui n'ont pas de nom de famille et de prénom fixes »
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- ↑ Jean Daltroff, « [http://judaisme.sdv.fr/histoire/rabbins/ecole/ecole.htm Écoles rabbiniques et séminaires théologiques dans la seconde moitié du XIXe siècle] », Site du judaïsme d'Alsace et de Lorraine
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- ↑ Les chiffres sont assez précis car les recensements de 1851 à 1872 demandent aux Français de déclarer leur religion, pratique qui est abandonnée ensuite par la République.
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- ↑ Laurent Joly, Tal Bruttmann, La France antijuive de 1936. L’agression de Léon Blum à la Chambre des députés, Éditions des Équateurs, 2006
- ↑ Edgar Morin, « Autocritique », 1969, Paris : « Déjà, avant la guerre, j'avais peur de réagir en Juif aux événements politiques et j'étais heureux de m'opposer, pacifiste, au bellicisme de la plupart des autres Juifs ».
- ↑ HJF, quatrième partie, cinquième section, premier chapitre
- ↑ Voir le rapport de la Mission d'étude sur la spoliation des Juifs de France
- ↑ a et b EJSF, La Guerre
- ↑ Tal Bruttmann, Au bureau des affaires juives. L'administration française et l'application de la législation antisémite, La Découverte, 2006
- ↑ Voir « Le train de la mort » par Christian Bernadac
- ↑ Chiffres du Mémorial de la Shoah. Voir aussi la bibliographie de Serge Klarsfeld.
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- ↑ Marc Fineltin, « Robert Gamzon », Mémoire et espoirs de la Résistance. Consulté le 25 septembre 2007
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- ↑ À la Libération et pendant plusieurs dizaines d'années l'attitude officielle sera, comme le dit Bernard-Henri Lévy dans « Ce grand cadavre à la renverse. », « [d']effacer de notre histoire » la France de Vichy. Cela est antinomique avec l'obligation juive de mémoire (zakhor זכור)
- ↑ HJF,troisième partie, deuxième section, premier chapitre
- ↑ Claude Hemmendinger, « Consécration de la synagogue de la Paix », Site du judaïsme d'Alsace et de Lorraine. Consulté le 4 mai 2008
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- ↑ HJF, troisième partie, sixième section, troisième chapitre
- ↑ Voir le dessin de Tim dans l'article Grand Rabbin Simon Fuks, « Relations avec le monde non-juif », Site du judaïsme d'Alsace et de Lorraine. Consulté le 9 mai 2008
- ↑ Voir particulièrement la Charte du Hamas : traduction de Jean-François Legrain, « Charte du Mouvement de la Résistance Islamique - Palestine (Hamâs) », CNRS. Consulté le 11 mai 2008
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- ↑ Wikisource : discours de François Mitterrand à la Knesset, 4 mars 1982
- ↑ Déportation : l'Etat français "responsable" mais..., 16 février 2009, Le Nouvel Observateur. Consulté le 17 février 2009
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Histoire des Juifs en France Histoire régionale: Histoire des Juifs dits Portugais, Histoire des Juifs en Alsace, Histoire des Juifs en Lorraine, Juifs comtadins Articles détaillés: Juiverie, Liste des toponymes juifs en France, Napoléon et les Juifs, Antisémitisme en France Vichy et la Shoah: Mesures et activités antisémites durant l'occupation, Victimes françaises de la Shoah, Lois contre les Juifs et les étrangers, Mémorial de la Shoah, Union générale des israélites de France - Portail de la culture juive et du judaïsme
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