- Histoire des Juifs en Bulgarie
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Histoire
L'ancienne Bulgarie comptait 50 000 Juifs. Dans les territoires conquis aux dépens de la Grèce et de la Yougoslavie vivaient environ 15 000 Juifs. Les Juifs bulgares étaient, dans leur grande majorité, des habitants des villes, souvent ouvriers. Ils n'étaient pas spécialement riches, et l'antisémitisme n'était pas spécialement développé dans le pays[1]. Pour exprimer l'état de l'opinion à l'égard des juifs, Hilberg écrit que les juifs "n'éveillaient ni une sympathie extraordinaire, ni une hostilité exceptionnelle."
La seconde guerre mondiale
L'absence d'antisémitisme déclaré n'empêche pas que des lois antijuives soient adoptées par le Parlement. Le 29 décembre 1940, le gouvernement crée les Brannik, des organisations de jeunesse inspirées des Hitlerjugend[2]. Mais, quatre jours auparavant, l’Assemblée nationale votait la « Loi sur la Sauvegarde de la nation », première mesure antisémite, touchant près de 50 000 juifs. Cette loi fait rapidement réagir la population qui s'y oppose ; jusque dans les années 1940[3], l’antisémitisme n’existe pas en Bulgarie. La loi est cependant appliquée le 13 janvier 1941.
Selon une loi promulguée le 21 janvier 1941, peu avant l'adhésion de la Bulgarie au Pacte tripartite, les mariages mixtes sont interdits, les fonctionnaires juifs sont renvoyés et un numerus clausus est instauré parmi les travailleurs indépendants, mais un tribunal administratif suprême exclut de la loi une catégorie de juifs privilégiés, c'est-à-dire, par exemple les anciens combattants et les orphelins de guerre. Les entreprises qui ne sont pas autorisées à poursuivre leurs activités sont vendues d'office ou soumises à une aryanisation obligatoire[1].
Beaucoup de juifs non fortunés ne sont pas touchés par ces mesures d'expropriation, mais sont engagés dans le service du travail obligatoire, comme les autres citoyens bulgares. Le Service allemand du travail refuse alors toute coopération avec le Service Bulgare du travail, et l'ambassadeur allemand Beckerle obtient qu'à partir d'août 1941 soit créé un service du travail juif spécial où les juifs ne portent pas l'uniforme, mais une étoile jaune. Ils sont 3 300 en juin 1942 et 10 000 au printemps 1943[1].
À partir de la fin de l'année 1941, les Allemands exercent des pressions de plus en plus fortes pour que les juifs soient concentrés avant d'être déportés. Lorsque les Allemands pensent avoir fait avancer les choses en ce sens, par exemple, en juin 1942, lorsque le ministre de l'intérieur Grabowski demande l'autorisation d'expulser tous les juifs de la capitale, il se trouve qu'en Bulgarie, les pouvoirs sont suffisamment disséminés à de multiples échelons pour que toutes les mesures décisives que souhaitent les Allemands soient, de fait, bloquées. Le tsar Boris III entretient de bonnes relations avec le consistoire juif. A la suite d'une manifestation de 350 juifs dans la cour du ministère de l'intérieur, Grabowski fait machine arrière. L'Église orthodoxe s'engage en faveur des juifs : le 27 septembre 1942, le métropolite Stéphane donne le coup d'envoi d'une campagne contre le port de l'étoile dans un sermon où il affirme qu'il n'appartenait pas aux hommes de torturer ou de persécuter les juifs. Des mesures d'expulsion de tous les juifs de Sofia sont bien mises en œuvre par les autorités bulgares, et pour les Allemands, il s'agit évidemment d'un prélude à une déportation finale, mais les Bulgares sauront opposer une inertie suffisante pour bloquer les projets allemands[1].
Si les juifs de la Vieille Bulgariesont donc préservés du plan d'extermination prévu par les nazis, ceux des nouveaux territoires, Thrace et Macédoine, annexés en 1941, ont été déportés et exterminés dans leur grande majorité.
En juillet 1942, Hitler demande au gouvernement bulgare de régler la « question juive ». Celui-ci crée, le 26 août 1942, un commissariat aux affaires juives chargé, dans un premier temps, d’appliquer les restrictions : couvre-feu obligatoire, assignation à résidence, rations alimentaires réduites, port de l'étoile jaune ; puis dans un deuxième temps, d’organiser la déportation vers les camps. Pour cela, le gouvernement nazi envoie un expert, le SS Theodor Dannecker[4].
En janvier 1943, le nazi Dannecker, adjoint d'Adolf Eichmann arrive de France pour piloter les opérations de déportations en Bulgarie. Le 5 avril, sur les 6 000 Juifs de Thrace, 4 221 ont été déportés et 7 122 sur les 8 000 juifs de Macédoine. Dimităr Pešev, vice-président de la Săbranje, le parlement bulgare, présente alors une motion de censure accusant le gouvernement d'atrocités qui se seraient produites au cours des déportations. La déportation de 6 000 juifs de vieille Bulgarie, promise aux Allemands, est alors stoppée[1].
Finalement, 11 363 juifs habitant les territoires occupés par les Bulgares en Thrace et Macédoine sont déportés. Puis, une fois la tâche terminée, le gouvernement de Bogdan Filov s'attaque à ceux de la vieille Bulgarie.
La population, indignée, proteste vigoureusement. De nombreuses personnalités se mobilisent telles que le vice-président du parlement, Dimităr Pešev, et le métropolite de Sofia Stéphane qui symbolisent le mouvement. Boris cède une première fois[4].En mai 1943, le gouvernement projette une deuxième tentative de déportation. La population s’y oppose une fois de plus et une grande manifestation est organisée, rassemblant près de dix mille personnes devant le palais du tsar[4]. Boris, en phase avec le sentiment populaire, assume la non-déportation des juifs, prétextant au Führer furieux, « le grand besoin de « ses » juifs pour l’entretien des rues »[5]. Les juifs de Bulgarie échappent ainsi aux camps de concentration.
Le 30 août 1944, les journaux de Sofia annoncent que le gouvernement a décidé d'abroger toute la législation antisémite[1].
Notes
- Raul Hilberg, La destruction des juifs d'Europe, Gallimard, 2006, p. 1378-1404
- La Bulgarie durant la Seconde Guerre mondiale B. Lory,
- Dimitrina Aslanian, Histoire de la Bulgarie de l'Antiquité à nos jours p.357
- Comment la communauté juive de Bulgarie fut sauvée du génocide Olivier Maurel,
- Dimitrina Aslanian, Histoire de la Bulgarie de l'Antiquité à nos jours p.359
Catégorie :- Religion en Bulgarie
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