Louis Aragon

Louis Aragon
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Louis Aragon
Activités Poète, romancier, journaliste, essayiste
Naissance 3 octobre 1897
Neuilly-sur-Seine
Décès 24 décembre 1982 (à 85 ans)
Paris
Langue d'écriture français
Mouvement Dadaïsme, surréalisme

Louis Aragon est un poète, romancier, journaliste et essayiste français, né le 3 octobre 1897 à Neuilly-sur-Seine et mort le 24 décembre 1982 à Paris. Il est également connu pour son engagement et son soutien au Parti communiste français de 1930 jusqu'à sa mort. Avec André Breton, Paul Éluard, Philippe Soupault, il fut l'un des animateurs du dadaïsme parisien et du surréalisme. À partir de la fin des années 1950, nombre de ses poèmes ont été mis en musique et chantés (Jean Ferrat, Léo Ferré, etc.), contribuant à faire connaître son œuvre poétique. La première chanson tirée d'une œuvre d'Aragon date de 1953 : elle est composée et chantée par Georges Brassens et a pour paroles le poème paru dans La Diane française en 1944, Il n'y a pas d'amour heureux.

Sommaire

Biographie

Vue du Moulin de Villeneuve à Saint Arnoult en Yvelines

Fils naturel de Louis Andrieux (préfet de police, ancien sénateur de Forcalquier) et de Marguerite Toucas, en 1924, il fut, après avoir participé au dadaïsme, l'un des créateurs du mouvement surréaliste avec André Breton, Paul Éluard et Philippe Soupault. Avec Breton et Éluard, entre autres membres du groupe surréaliste, il adhère au Parti communiste français. Certains de ses textes montrent sans conteste une approbation de la terreur organisée par l'URSS bolchévique et stalinienne[1], il écrit notamment en 1931 Vive le Guépéou[2] (Guépéou), dans le recueil Persécuté persécuteur. Il ne devient critique à l'égard de l'URSS qu'après la mort de Staline, à la suite des révélations par Khrouchtchev des crimes du stalinisme.

Sa poésie est largement inspirée, depuis les années 1940, par l'amour qu'il voue à sa compagne, Elsa Triolet, écrivain elle aussi, et belle-sœur de Vladimir Maïakovski.

Son œuvre porte en filigrane la secrète blessure de n'avoir pas été reconnu par son père, Louis Andrieux, de 33 ans plus âgé que sa mère, Marguerite Toucas. Celle-ci, afin de préserver l'honneur de sa famille et de son amant, le fait passer pour le fils adoptif de sa mère et Andrieux, pour son parrain. Il évoque ce qui fut le drame secret de sa vie dans un petit recueil de poèmes intitulé Domaine Privé. Il est aussi, avec Robert Desnos, Paul Éluard, Jean Prévost, Jean-Pierre Rosnay et quelques autres, parmi les poètes qui prirent résolument parti, durant la Seconde Guerre mondiale, pour la résistance contre le nazisme. C'est là le sujet d'une autre blessure profonde : la rupture avec son ami Pierre Drieu La Rochelle qui, après avoir « hésité entre communisme et fascisme » (voir Une femme à sa fenêtre), s'est tourné vers le nazisme. Sorte de suicide, qui le poussera à se donner vraiment la mort à la Libération. Il existe aussi des « œuvres croisées » entre ces deux amis : Gilles et Aurélien.

Tombeau d'Elsa Triolet et de Louis Aragon

Après le décès de son épouse en 1970, Aragon affiche ses préférences homosexuelles[3], que Drieu La Rochelle avait évoquées dès les années 1930, dans Gilles notamment. Roger Nimier disait d'ailleurs, à son propos : « C'est le seul homme capable d'assister à une réunion du Comité Central du PCF en smoking rose ». Il meurt le 24 décembre 1982, veillé par son ami Jean Ristat. Il est inhumé dans le parc du Moulin de Villeneuve, dans sa propriété de Saint-Arnoult-en-Yvelines, aux côtés de sa compagne Elsa Triolet.

Aragon, le politique

Le journaliste

À L’Humanité

Louis Aragon adhère au Parti communiste français en janvier 1927. Contrairement à la plupart de ses amis surréalistes qui s'en détachent les années suivantes (certains pour y revenir plus tard, tel Paul Éluard), il reste fidèle à cet engagement jusqu'à sa mort. Parmi ses activités militantes, le journalisme et la direction de journaux placent Aragon dans le réel de son siècle. Il travaille à L'Humanité en 1933, pour la rubrique des faits divers.

La revue Commune (1933-1939)

La même année, en juillet 1933, il est, avec Paul Nizan, secrétaire de rédaction de la revue Commune, éditée par l'Association des écrivains et artistes révolutionnaires. Cette association se fixe pour but de rassembler le plus largement possible le monde de la culture dans la lutte contre le fascisme et le nazisme. À partir de janvier 1937, Aragon est membre du comité directeur de Commune, aux côtés d'André Gide, Romain Rolland, Paul Vaillant-Couturier. La revue s'annonce dès lors « revue littéraire française pour la défense de la culture ». Gide s'en retire en août 1937, Vaillant-Couturier meurt à l'automne 1937. Romain Rolland n'est plus de première jeunesse, c'est donc Louis Aragon qui en est le directeur effectif. Il y accueille en décembre 1938, comme rédacteur en chef, un jeune écrivain, Jacques Decour. Commune a tenu sous l'égide d'Aragon un rôle majeur dans la mobilisation des intellectuels pour la défense de la République espagnole.

Directeur de Ce soir (1937-1953)

En mars 1937, Aragon est appelé par son Parti, à diriger le nouveau quotidien du soir, Ce soir, qu'il lance. Il partage la direction du journal, qui tente de concurrencer Paris-Soir, avec l'écrivain Jean-Richard Bloch. Son activité est intense, car il mène de front cette tâche avec l'écriture romanesque et sa participation à Commune. Ce soir, interdit en août 1939, renaît à la Libération. Aragon en reprend la direction en duo avec Jean-Richard Bloch, puis seul après la mort de ce dernier en 1947. Le journal, qui compte Émile Danoën parmi ses collaborateurs, disparaît en mars 1953.

Les Lettres françaises (1953-1972)

Aragon, directeur de l'hebdomadaire littéraire Les Lettres françaises, issu de la Résistance et devenu la propriété du Parti communiste, devient le propriétaire d'un journal désormais autonome politiquement et financièrement dans les jours qui suivent l'arrêt de Ce soir. Épaulé par Pierre Daix, rédacteur en chef, le journal mène à partir des années 1960 un combat de plus en plus ouvert contre le stalinisme et ses séquelles dans le bloc de l'Est. Il fait connaître des écrivains tels que Alexandre Soljenitsyne ou Milan Kundera. Lorsque la revue condamne violemment l'invasion de Prague par les chars soviétiques en 1968, les abonnements en provenance de l'URSS et des pays de l'Est sont brutalement interrompus. La revue Les Lettres françaises, devenue déficitaire, ne bénéficie d'aucun rattrapage financier de la part du Parti communiste et cesse sa parution en 1972, année qui consacre la fin des activités journalistiques d'Aragon.

L’éditeur

Parallèlement à ses tâches journalistiques, Louis Aragon dispose d'un moyen pour faire connaître les écrivains. Il est en effet président directeur général d'une maison d'édition appartenant à l'orbite éditoriale communiste, les Éditeurs français réunis (EFR). Héritiers de deux maisons fondées dans la Résistance, La Bibliothèque française et Hier et Aujourd'hui, les EFR, qu'il dirige avec Madeleine Braun, publient dans les années 1950 les écrivains français rattachés communément au courant « réaliste socialiste ». C'est aux EFR qu'est publié Premier Choc, le roman qui vaut à André Stil, futur académicien Goncourt, le Prix Staline 1953. Ils publient les écrivains « réalistes socialistes » soviétiques. Mais leur rôle ne se limite pas à la diffusion de ces œuvres. Ils font connaître les écrits de Tchèques comme Julius Fučík ou Vítězslav Nezval, les poèmes de Rafael Alberti, Yánnis Rítsos ou l’œuvre de Vladimir Maïakovski. À partir du début des années 1960, ils permettent la connaissance des littératures soviétiques non russes, tel les romans de l'écrivain kirghize Tchinguiz Aïtmatov, mais aussi des écrivains russes se situant dans le « dégel » post-stalinien : L'Ingénieur Bakhirev de Galina Nicolaëva, publié en 1960, Babi Iar de Anatoli Kouznetsov, publié en 1967. De même, en 1964, les EFR éditent le premier roman de l'écrivaine est-allemande Christa Wolf, Le Ciel partagé. Enfin dans le domaine de la poésie, Aragon lance la collection Petite sirène, qui permet de faire aimer au public non seulement des auteurs consacrés, comme Pablo Neruda, Eugène Guillevic ou Nicolas Guillen, mais aussi de jeunes poètes français, tel Dominique Grandmont, Alain Lance ou Jean Ristat.

L'intellectuel engagé

Dès ses débuts surréalistes

« Nul n'aura été plus habile détecteur de l'insolite sous toutes ses formes ; nul n'aura été porté à des rêveries si grisantes sur une sorte de vie dérobée de la ville (je ne vois que lui qui ait pu souffler à Jules Romains la prestigieuse fable des 365 appartements à communication clandestine qui existeraient à Paris). Aragon était en ce sens étourdissant — y compris pour lui-même. [...] Extrêmement chaleureux et se livrant sans réserve dans l'amitié. Le seul danger qu'il court est son trop grand désir de plaire [...] Il a toujours aimé les acrobates ; nul ne s'entend comme lui à prendre le vent ; vous n'avez pas décidé, même contre son avis, de gravir une colline qu'il est déjà au sommet... Le sentiment général, parmi [les surréalistes], est qu'il reste très littérateur : même cheminant avec vous par les rues, il est rare qu'il vous épargne la lecture d'un texte achevé ou non. Fatalement ces textes en viennent à être de plus en plus à effets ; tout comme il aime, en parlant dans les cafés, à ne rien perdre de ses attitudes dans les miroirs. » André Breton, « Entretiens », 1952.

Ayant vécu les horreurs de la guerre, l'engagement d'Aragon est bien antérieur à sa période communiste militante. Son adhésion au surréalisme peut être comprise comme l'expression de sa révolte devant une société dont les travers et les injustices l'insupportent.

La fidélité face au stalinisme

Parmi ses amis des années 1920, qui adhèrent au communisme à sa suite en 1927, il est le seul qui s'impliquera durablement au PCF : André Breton et Paul Eluard le quittent au début des années 1930 (Paul Eluard le rejoindra de nouveau, par l'intermédiaire d'Aragon, plus tard pendant les années de Résistance). De retour d'URSS en 1931, il publie Front rouge, poème militant et provocateur dont il dira bien plus tard, dans les années 1970 : « Ce poème que je déteste », un poème qui contient les vers :

Pliez les réverbères comme des fétus de pailles/ Faites valser les kiosques les bancs les fontaines Wallace/ Descendez les flics/ Camarades/ descendez les flics/ Plus loin plus loin vers l'ouest où dorment/ les enfants riches et les putains de première classe/ Dépasse la Madeleine Prolétariat/ Que ta fureur balaye l'Élysée/ Tu as bien droit au Bois de Boulogne en semaine/ Un jour tu feras sauter l'Arc de triomphe/ Prolétariat connais ta force/ connais ta force et déchaîne-la/ II prépare son jour il attend son heure sa minute la seconde / où le coup porté sera mortel et la balle à ce point sûre/ que tous les médecins social-fascistes/ Penchés sur le corps de la victime/ Auront beau promener leur doigts chercheurs sous la chemise de dentelle/ ausculter avec les appareils de précision son cœur déjà pourrissant/ ils ne trouveront pas le remède habituel/ et tomberont aux mains des émeutiers qui les colleront au mur/ Feu sur Léon Blum/ Feu sur Boncour Frossard Déat/ Feu sur les ours savants de la social-démocratie/ Feu feu j'entends passer/ la mort qui se jette sur Garchery Feu vous dis-je/ Sous la conduite du parti communiste/ SFIC/ Vous attendez le feu sous la gâchette/ Que ce ne soit plus moi qui vous crie/ Feu/ Mais Lénine/ Le Lénine du juste moment/

Le tournant politique de 1934, la politique d'alliance, le front populaire, la défense de la culture française lui permettent d'accéder à des responsabilités où il s'épanouit. Le magistère intellectuel qu'il commence à tenir n'est toutefois pas sans ombres. En 1935, lors du Congrès mondial des écrivains pour la défense de la culture, il n'est pas de ceux qui mettent en doute le socialisme du régime soviétique, malgré les informations sur la terreur qui s'installe, sous paravent révolutionnaire, en URSS. Il est alors très proche de Mikhaïl Koltsov, célèbre journaliste de la Pravda qui renseigne les services secrets soviétiques sur les personnalités occidentales[4]. Aragon s'oppose à son ancien ami André Breton, qui voudrait utiliser la tribune du congrès pour défendre Victor Serge, emprisonné là bas. Au contraire, en 1935, il vante les mérites du système concentrationnaire soviétique, le Goulag :

« Je veux parler de la science prodigieuse de la rééducation de l'homme, qui fait du criminel un homme utile, de l'individu déformé par la société d'hier, par les forces des ténèbres, un homme du monde de demain, un homme selon l'Histoire. L'extraordinaire expérience du canal de la mer Blanche à la Baltique, où des milliers d'hommes et de femmes, les bas-fonds d'une société, ont compris, devant la tâche à accomplir, par l'effet de persuasion d'un petit nombre de tchékistes qui les dirigeaient, leur parlaient, les convainquaient que le temps est venu où un voleur, par exemple, doit se requalifier, dans une autre profession – Cette extraordinaire expérience joue par rapport à la nouvelle science le rôle l'histoire de la pomme qui tombe devant Newton par rapport à la physique. Nous sommes à un moment de l'histoire de l'humanité qui ressemble en quelque chose à la période du passage du singe à l'homme. Nous sommes au moment où une classe nouvelle, le prolétariat, vient d'entreprendre cette tâche historique d'une grandeur sans précédent : la rééducation de l'homme par l'homme[5]. »

C'est cet optimisme indestructible et naïf qui s'effondrera après le XXe Congrès du Parti Communiste d'URSS, dans une déchirure dont son grand poème Le Roman inachevé portera témoignage en 1956. Mais 1934 est une ère alors optimiste pour les communistes français : elle est celle du refus du sectarisme qui avait été celui du PCF dans les années 1920, de l'alliance avec les couches moyennes de la société française pour constituer un large front de résistance contre les fascismes européens qui s'installent peu à peu.

La Résistance

En août 1939, le jour même de l'annonce de la signature du pacte germano-soviétique, dans le journal communiste[6] dont il est le rédacteur en chef, il applaudit la décision de Staline, tout en appelant la France et l'Angleterre à signer de leur côté une alliance tripartite avec l'URSS : Le pacte de non-agression avec l'Allemagne, imposé à Hitler qui n'avait pas d'autre possibilité que de capituler ainsi ou de faire la guerre, c'est le triomphe de cette volonté de paix soviétique. (…) Et que ne vienne pas ici comparer le pacte de non-agression germano-soviétique qui ne suppose aucun abandon de la part de l'URSS aux pactes « d'amitié » qu'ont signés les gouvernements toujours en exercice en France et en Angleterre avec M. Hitler : ces pactes d'amitié avaient pour base la capitulation de MunichL'URSS n'a jamais admis et n'admettra jamais de semblables crimes internationaux. Silence à la meute antisoviétique ! Nous sommes au jour de l'effondrement de ses espérances. Nous sommes au jour où l'on devra reconnaître qu'il y a quelque chose de changé dans le monde et que, parce qu'il y a l'URSS, on ne fait pas la guerre comme on veut.

Il existe entre la France et la Pologne un traité d'assistance mutuelle. C'est-à-dire que si la Pologne est victime d'une agression, la France doit venir à son aide. Et tout bon français qui ne veut pas voir se répéter la honte de Munich, et l'abandon de nos alliés de Tchécoslovaquie, souhaitera comme nous que la France tienne ses engagements internationaux.

Dès la parution de cet article d'Aragon, la presse communiste est saisie et le PCF est mis hors-la-loi. Quelques dirigeants communistes sont arrêtés, et Aragon se réfugie quelques jours à l'Ambassade du Chili, caché par son ami Pablo Neruda[7]. En septembre, à la suite de l'attaque de l'Allemagne nazie contre la Pologne, il est incorporé comme médecin-auxiliaire sur la ligne de front, pendant ce qui est appelé la Drôle de guerre.

Sur le front enfin ouvert à l'Ouest en mai 1940, subissant la débâcle des armées françaises, il fait preuve d'un courage qui lui vaut d'être décoré de la Croix de guerre et de la Médaille militaire. Ces mois de guerre seront à l'origine d'une grande part des poèmes du recueil Les Yeux d'Elsa, paru en 1942. Réfugié par la suite en Zone libre, où il continue d'écrire les poèmes qui composent ce recueil, il va s'engager autant par la plume qu'en organisateur clandestin, à la Résistance dans les milieux intellectuels. Son œuvre poétique est mise au service de la mobilisation patriotique, notamment dans une plaquette intitulée Contribution au cycle de Gabriel Péri, où il célèbre sa Patrie des cent villages, la Rose et le Réséda, Gabriel Péri, celui qui chanta dans les supplices, et Honoré d'Estienne d'Orves, offrant aux maquisards La Chanson du franc-tireur. Il participe aussi, avec Elsa Triolet à la mise sur pieds du Comité national des écrivains en zone sud.

Chantre de la Résistance aux temps dangereux, il en est après-guerre, avec Paul Éluard, Pierre Seghers, René Char, le témoin poétique, le veilleur d'une mémoire. C'est ainsi qu'il compose, en 1955, Strophes pour se souvenir, poème à la gloire du rôle des étrangers dans la Résistance, célébrant dans les Francs-tireurs et partisans de la MOI du groupe Manouchian dont la condamnation avait été publiée sur une affiche rouge.

L’intellectuel communiste

À la Libération, fort de l'influence qu'il a gagnée dans la Résistance, Louis Aragon acquiert le statut de l'intellectuel communiste, défenseur d'une ligne politique. Ainsi, au Comité national des écrivains, il assume l'épuration dans les milieux littéraires, dans ses nécessités et ses excès. Il est amené à défendre la condamnation par les Soviétiques du régime de Tito en Yougoslavie, comme à célébrer les dirigeants de l'époque, Maurice Thorez en particulier. Il se fait le chantre de Staline :

« Merci à Staline pour ces hommes qui se sont forgés à son exemple, selon sa pensée, la théorie et la pratique stalinienne ! Merci à Staline qui a rendu possible la formation de ces hommes, garants de l'indépendance française, de la volonté de paix de notre peuple, de l'avenir d'une classe ouvrière, la première dans le monde montée à l'assaut du ciel et que l'on ne détournera pas de sa destinée en lui faisant voir trente-six étoiles étrangères, quand elle a de tels hommes à sa tête ![8] »

En 1950, Louis Aragon, à la demande de Thorez, est élu au Comité central du Parti communiste français. Il prend part avec l'autorité que lui confère cette fonction aux divers débats idéologiques qui secouent son parti après la mort de Staline, et plus encore après le XXe Congrès du PC de l'URSS de 1956. Au sein du PCF, sa position éminente ne le place pas à l'abri des attaques. Ainsi, quand en 1953, les Lettres françaises publient un dessin de Picasso, à l'occasion de la mort de Staline, il est contraint de faire amende honorable devant les critiques qui jugent le portrait iconoclaste. Au fil des années, mis au courant de la répression stalinienne par l'intermédiaire d'Elsa Triolet, ses positions évoluent, mais il préfère se taire que porter tort à son camp. Son journal n'aborde pas de front les questions du stalinisme dans ces années[9]. En 1956, il ne prend pas position sur le « rapport Khrouchtchev », se tait sur les événements de Pologne, comme sur la répression des insurgés de Budapest, souscrivant, par son silence, à la thèse officielle de son Parti, selon laquelle l'insurrection hongroise serait le fait de la bourgeoisie et de l'aristocratie et aurait été matée par les ouvriers avec le soutien de l'Armée Rouge. Ces événements provoquent, entre autres, l'éclatement du Comité national des écrivains, que quitte Vercors. C'est sur le plan littéraire, dans ce qu'on peut considérer comme son autobiographie poétique, Le Roman inachevé, qu'Aragon abordera, la même année, la souffrance personnelle suscitée par les révélations et les désillusions politiques de cette année terrible :

« Mille neuf cent cinquante six comme un poignard sur mes paupières ».

Peu à peu cependant, avec la révélation des crimes des régimes en URSS et en Europe de l'Est, Aragon aboutit à une très vive condamnation des pratiques autoritaires du communisme soviétique. Il ouvre son journal aux dissidents, il réprouve les procès contre les intellectuels, en particulier en 1966 lors du procès des écrivains Siniavsky et Daniel. En mai 1968, il témoigne d'une forte sympathie pour le mouvement étudiant. Puis survient, en août de la même année l'intervention des troupes soviétiques qui met fin au Printemps de Prague. Aragon préface à ce moment-là la traduction française du livre de Milan Kundera, La Plaisanterie. Sa colère lui fait écrire un texte fort :

« Et voilà qu'une fin de nuit, au transistor, nous avons entendu la condamnation de nos illusions perpétuelles... »

Pourtant, lorsqu'il meurt en 1982, il est toujours « officiellement » membre du Comité central du PCF.

Aragon est lauréat du Prix Lénine pour la paix en 1956.

Le romancier et le poète

Il signe une œuvre poétique plurielle, où la prose le dispute à la poésie à forme fixe, qu'il renouvelle. Après une première période très libre marquée par le surréalisme et ses jeux de langage, il retourne à une forme plus classique de poésie (vers mesurés et rimes), très inspirée par Guillaume Apollinaire, pour mieux rendre compte de la France (et de la résistance) à l'heure de la Seconde Guerre mondiale. Après guerre, l'aspect politique de sa poésie s'efface de plus en plus devant son aspect lyrique. Sans jamais renier ce retour au classicisme, il y intègre de plus en plus des formes plus libres, se rapprochant du surréalisme de ses débuts qu'il a toujours affirmé n'avoir jamais renié.

Son œuvre romanesque épouse les contours de la production de son siècle (qu'il invente en partie), roman surréaliste, réaliste, puis nouveau roman. Son désir de roman ne s'est jamais démenti, malgré la méfiance de ses amis surréalistes (pour qui écrire une phrase romanesque du type La marquise sortit à cinq heures était la négation même de leur idéal littéraire par sa platitude), puis celle des communistes qui auraient voulu le voir exalter davantage le Parti (il a avoué avoir arrêté la rédaction de son roman Les Communistes quand de nombreux militants lui firent part de leur satisfaction à le voir faire enfin ce qu'ils attendaient de lui), sans parler de celle des critiques (notamment de droite) qui voyaient en lui le communiste avant de voir l'écrivain, chose qui le vexait.

Poète majeur de la deuxième partie du XXe siècle, il a payé fort cher un engagement politique qui masque mal son influence et sa place primordiale dans la littérature française contemporaine. Certains de ses textes ont été popularisés par plusieurs compositeurs ou chanteurs qui n'étaient pas forcément en accord avec sa pensée politique comme Léo Ferré, Georges Brassens, Marc Ogeret, Jean Ferrat, etc.

Œuvres

Voir la catégorie : Œuvre de Louis Aragon.

Récits, romans et nouvelles

Poésie

Plusieurs poèmes d'Aragon ont été mis en musique par Lino Léonardi, Hélène Martin, Léo Ferré, Jean Ferrat et Georges Brassens et chantés par eux-mêmes ainsi que par Yves Montand, Alain Barrière, Isabelle Aubret, Francesca Solleville, Nicole Rieu, Monique Morelli ou Marc Ogeret.

Essais

  • Une vague de rêves, 1924
  • Traité du style, 1928
  • Pour un réalisme socialiste, 1935
  • L'Homme communiste, 1953
  • Je n'ai jamais appris à écrire ou les incipit, Skira - Les sentiers de la création, 1969
  • Le Yaouanc (essai sur le peintre Alain Le Yaouanc), éditions Carmen Martinez, 1979.

Œuvres complètes

  • Œuvres poétiques complètes, Gallimard la Pléiade : un coffret de deux volumes (Poésie) ;
  • Œuvres romanesques complètes, Gallimard la Pléiade : une suite de cinq volumes, dont un encore à paraître en 2009.

Filmographie

1966 : Elsa la rose court-métrage documentaire de Agnès Varda avec Louis Aragon et Elsa Triolet.

Notes et références

  1. (« J'appelle la terreur du fond de mes poumons » (La Révolution surréaliste – 1925) ; « L'éclat des fusillades ajoute au paysage une gaieté jusqu'alors inconnue : ce sont des ingénieurs et des médecins qu'on exécute. » (Front rouge – 1930))
  2. Vive le Guépéou
  3. Jérôme Dupuis, Je me souviens d'Aragon, L'Express, 26/04/2007
  4. Ces espions qui firent l'Histoire, Le figaro magazine, 12 août 2011, extraits du Roman de l'espionnage de Vladimir Fédorovski, 2011
  5. Pour un réalisme socialiste, Ed Denoël et Steele, Paris, 1935
  6. Ce soir, 23 août 1939
  7. Pablo Neruda, J'avoue que j'ai vécu, Gallimard, 1987
  8. Les lettres françaises, mars 1953
  9. Suzanne Ravis, « L'année 1956 dans l'orientation des Lettres françaises dans Aragon 1956, actes du colloque d'Aix-en-Provence Publications de l'Université de Provence, 1992

Voir aussi

Bibliographie

  • David Bosc, Ombre portée : notes sur Louis Aragon et ceux qui l'ont élu, éditions Sulliver, 1999.
  • Pierre Daix, Aragon, éditions Taillandier, 2005.
  • Pierre Daix, Les Lettres françaises : jalons pour l'histoire d'un journal – 1941-1972, éditions Taillandier, 2004.
  • Louis Janover, Cent ans de servitude : Aragon et les siens, éditions Sulliver, 1998.
  • Jean-Louis Loubet del Bayle L'illusion politique au XXe siècle. Des écrivains témoins de leur temps, Economica, Paris 1999.
  • Jean Malaquais, Le Nommé Louis Aragon, patriote professionnel, éditions Spartacus.
  • Hélène Martin, Louis Aragon : le chemin des oiseaux, série Plain chant : 22 émissions pour la télévision sur les poètes et écrivains.
  • Nicole Racine, « Aragon Louis », notice pour le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, version papier, tome 17, version remaniée en cédérom, avec le 1er volume du Dictionnaire Mouvement ouvrier, Mouvement social, éditions de l'Atelier, Paris, 2006.
  • Jean Ristat, Aragon : "Commencez par me lire!", Gallimard, collection Découvertes, 1997.
  • Georges Sadoul, Aragon, collection "Poètes d'aujourd'hui", Seghers, 1967.
  • Les Annales de la Société des amis de Louis Aragon et Elsa Triolet : huit numéros annuels parus depuis 1999. Numéro 2 : Aragon et le comité central d'Argenteuil. Numéro 4 : Discours d'Aragon au comité central en 1958. Numéro 6 : Louis Aragon et Elsa Triolet en Résistance, 1942-1944. (Voir site ci dessous)
  • Patrice Lestrohan, Le dernier Aragon, Riveneuve 2010


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