Falashas

Falashas
Falashas
Beta Israel
Falash Mura kid.jpg
Un jeune Falash Mura en Éthiopie, en 2005.
Populations
Populations significatives par régions
Drapeau d'Éthiopie Éthiopie 3 188[1] (2009)
Drapeau d'Israël Israël 110 700[2] (2009)
Autre
Religion(s) Judaïsme
Groupe(s) relié(s) Juifs

Les Falachas ou Falashas (guèze ፈላሻ[3], hébreu פלאשים), ou Beta Israel (guèze ቤተ እስራኤል, hébreu ביתא ישראל), ou Bétä Esraél[4] sont les Juifs d’Éthiopie.

Falasha signifie en amharique, « exilé » ou « immigrés ». Rarement utilisé par les Juifs d’Éthiopie, qui emploient plutôt Beta Israel (la « maison d’Israël », au sens de la « famille d’Israël »), il est généralement considéré comme péjoratif. On trouve aussi, selon les régions d’Éthiopie, les termes Kayla (d’étymologie toujours discutée) et esra’elawi (israélite). Depuis l’immigration en Israël, le terme Beta Israel tend à être remplacé, en Israël et au sein de la communauté elle-même, par « Juifs d’Éthiopie »[5] ou plus simplement par ethiopim (« Éthiopiens »).

Les Beta Israel ont une origine mal définie. Ils ont vécu pendant des siècles dans le Nord de l’Éthiopie, en particulier les provinces du Gondar et du Tigré. Après avoir bénéficié de petits États indépendants jusqu’au XVIIe siècle, ils ont été conquis par l'empire d'Éthiopie, et sont devenus une minorité marginalisée, à laquelle il était interdit de posséder des terres et qui était accusée d’avoir le « mauvais œil ».

Ils rentrent en contact avec le judaïsme occidental à la fin du XIXe siècle. À compter du début du XXe siècle, une redéfinition en profondeur de l'identité de la communauté se fait jour et l'amène à se considérer désormais comme juive, et plus seulement comme Beta Israel. Cette évolution réduit progressivement les forts particularismes religieux originels et rapproche la religion des Beta Israel du Judaïsme orthodoxe.

En 1975, le gouvernement israélien reconnaît la judaïté des Beta Israël. Ceux-ci vont alors mener une difficile émigration vers Israël dans les années 1980 et 1990. En 2009, ils sont environ 110 000[2] en Israël.

Sommaire

Religion

Dans la définition de l’identité spécifique Beta Israel, la religion est déterminante tant vis-à-vis des autres Éthiopiens que des autres Juifs. La description ci-dessous était valide en Éthiopie, mais évolue rapidement en Israël.

La religion des Falashas était basée sur la même version du Pentateuque que celle qu’utilisaient les chrétiens éthiopiens, rédigée en guèze, la langue liturgique de ces derniers. Outre les cinq livres du Pentateuque, leur version de la Bible comprend les « livres propres à la Septante grecque (Tobie, Judith, le Siracide), ainsi que le livre d’Hénoch et le livre des Jubilés[6] ». La version des Septante a quelques différences avec le canon hébraïque actuel. Ils n’utilisaient pas de Pentateuque en hébreu, langue qu’ils ne connaissaient d’ailleurs pas jusqu’au XXe siècle. Joseph Halévy rapporte d’ailleurs que les Falashas de 1868 achetaient parfois des Bibles chrétiennes qu’ils raturaient pour en expurger des formules chrétiennes[7]. Au côté du Pentateuque, on trouvait aussi « une vaste littérature sacrée en guèze », en partie d’origine chrétienne, mais expurgée[8]. Toute la littérature rabbinique, en particulier le Talmud, était ignorée.

Les Beta Israel ne pratiquaient pas les fêtes juives dont il n’est pas fait mention dans leur version de la Bible, comme Hanoucca, Pourim, le Jeûne de Guedaliah ou Sim’hat Torah. Ils pratiquaient par contre les fêtes de Pâque, de la Moisson, le jeûne d’Av (Tisha Beav), le jeûne d’Esther, le Nouvel An, le Grand Pardon, les Tabernacles. Les Beta Israel avaient enfin des fêtes spécifiques : Arfeasärt, Lesa et surtout le Segd[9].

Les pratiques de pureté étaient sensiblement plus strictes que dans le judaïsme orthodoxe. Il existait ainsi des « huttes du sang », où la femme devait s’isoler pendant ses règles, période d’impureté. Il existait aussi des « huttes de naissance » où la femme devait s’isoler 40 jours après la naissance d’un garçon, et 80 jours après celle d’une fille. Les hommes chargés d’un enterrement devaient rester isolés 7 jours et se purifier avant de revenir dans le village[10]. Enfin, après tout contact avec des personnes extérieures à la communauté, un Beta Israel devait se soumettre à des cérémonies de purification pour être réintégré dans le groupe. Ce commandement d’évitement physique avait pour nom attenkuňň (« ne me touchez pas »).

Les communautés Beta Israel n’avaient pas de synagogue ni de rabbin. Leur lieu de culte était appelé masgid[11]. On y lisait la bible, et on y sacrifiait l’agneau pascal (coutume biblique abandonnée par les autres communautés juives). L’officiant était le Qes ou Qés ou Kés (prêtre), parfois assisté d’un däbtära ou awäddach (chantre), un clerc lettré n’ayant pas reçu la prêtrise[12]. Bien qu’il n’y ait pas de dirigeant religieux central, il existe quelques telleq kahen (grand prêtre) avec un poids régional particulier[13]. Jusqu’au XXe siècle, la communauté Beta Israel possédait une importante tradition monacale, probablement empruntée au monachisme des chrétiens d’Éthiopie. Cette institution a disparu dans le seconde moitié du XXe siècle, et il n’y a plus de moines Beta Israel. Enfin, les communautés Beta Israel n’utilisaient pas l’étoile de David, celle-ci étant un symbole de la royauté chrétienne (les Negus affirmaient en effet descendre de Salomon).

Le terme « Juif » (Ayhoud en Amharique) n’était pas inconnu de la société éthiopienne, mais il semble avoir été plus utilisé (ponctuellement) par leur entourage chrétien que par les Beta Israel eux-mêmes.

Les spécificités religieuses Beta Israel ont été combattues tout au long du XXe siècle par les représentants Juifs en Éthiopie, et n’ont cessé de régresser au profit des pratiques du Judaïsme rabbinique, mais sans disparaître. En Israël, sous l'influence du judaïsme orthodoxe, leurs particularités semblent très menacées, malgré une certaine résistance des anciennes pratiques. Voir sur ce plan le chapitre « intégration en Israël ».

Les origines

L’origine des Beta Israel est obscure : l’histoire des populations éthiopiennes est mal connue entre le Ve siècle et XIIe siècle car l’Empire d'Éthiopie n’a conservé pratiquement aucun texte de cette période.

Les traditions Beta Israel

Les Beta Israel eux-mêmes ont deux traditions principales concernant leurs origines. Selon la première, « la plus répandue dans la tradition orale »[14], les Beta Israel descendraient des Israélites ayant accompagné le prince Ménélik, fils du roi Salomon et de la reine de Saba lorsqu’il apporta l’arche d’alliance en Éthiopie, au Xe siècle av. J.‑C. On peut noter que cette tradition est étroitement connectée à la légende des chrétiens d’Éthiopie concernant l’arche d’alliance. Elle en est peut-être une adaptation.

La seconde tradition fait des Beta Israel les descendants de la tribu de Dan, une des «  Dix tribus perdues » (déportées par les Assyriens en 722 avant Jésus-Christ). En Israël, cette seconde tradition tend à devenir dominante, sans doute parce qu’elle est celle officiellement acceptée par le grand rabbinat israélien en 1973 (cf infra).

On trouve aussi des traditions moins répandues et qui tendent aujourd’hui à disparaitre de la tradition orale Beta Israel :

  • C’est par exemple l’hypothèse selon laquelle les Falashas descendraient d’un groupe d’hébreux ayant refusé de suivre Moïse lors de la sortie d’Égypte.
  • Au XIXe siècle, un grand prêtre avait rapporté une tradition, qui semble aujourd’hui disparue, selon laquelle les Falashas seraient des éthiopiens convertis par Moïse lors d’une ancienne visite dans le pays.
  • Une autre tradition fait remonter la présence juive en Éthiopie à la fuite d’Israélites après la prise de Jérusalem en 587 avant Jésus-Christ par les Babyloniens.

On peut retenir deux choses de ces traditions diverses :

  • D’une part que les Beta Israel se considèrent comme les descendants des hébreux ;
  • D’autres part qu’ils n’ont pas une perception claire et unique du lien entre eux-mêmes et leurs ancêtres supposés.

Les sources textuelles

Jusqu’au Ve siècle, les sources textuelles indiquent la présence d’une communauté juive en Éthiopie, comme dans d’autres pays riverains de la Mer Rouge d’ailleurs. En 327, par exemple, Physostorgios mentionne l’opposition des Juifs lors de la conversion au christianisme du royaume d’Abyssinie. Ces Juifs ne sont pas nommés « Beta Israel » et rien n’indique qu’ils aient eu des rites spécifiques.

À compter du XIIe siècle, les sources textuelles, indiquent l’existence de Beta Israel, mais ne parlent plus de la présence de Juifs pratiquant la religion classique. Dans le Kebra Nagast, un texte éthiopien du XIIIe siècle, il est fait allusion à Yodit (Judith) une reine juive. La première référence relativement claire[15] concernant les Beta Israel date seulement du XIVe siècle, dans un texte nommé les glorieuses victoires de Amda-Syon. Pendant le règne de ce roi chrétien (1314-1344), probablement au début de 1332, des campagnes dans les régions du nord-ouest de Semien, Wegera, Tsellemt, Tsegedé et Bégemder (ou Gondar) sont mentionnées contre des « renégats qui sont comme des Juifs » (en Guèze : kama ayhud)[16].

Un moine chrétien du XIVe siècle, Zena Marqos, neveu du roi Yekouno Amlak (1270-1285) a écrit un compte rendu assez précis de l’histoire et de la religion des Beta Israel, obtenu d’une source unique, un converti. Celui-ci indique en particulier que les Falashas sont venus dans le pays avec Ménélik Ier, fils de la reine de Saba et du roi Salomon, qu’ils connaissent la Bible mais ne croient pas à l’enfantement du Christ par Marie[17].

Deux familles d’hypothèses sont avancées par les historiens pour l’apparition des communautés Beta Israel.

L’hypothèse juive

Les Beta Israel seraient apparus sur la base du noyau juif présent dans l’Éthiopie d’avant le Ve siècle. Ce noyau se serait élargi par mariage mixte et conversion. Ceux-ci ont dû être soit importants, soit la communauté juive originelle était déjà largement éthiopienne, puisque des études sur l’ADN des populations éthiopiennes ont eu lieu ne montrant aucune spécificité génétique des Beta Israel par rapport aux autres populations éthiopiennes.

La présence de Juifs en Éthiopie au Ve siècle, avant le tarissement des sources documentaires, milite en faveur de cette hypothèse.

Au XVIIe siècle, Manoel de Almeida, un diplomate et voyageur portugais, écrivait (dans son histoire de la haute Éthiopie ou Abassia[18]) : « Les Falashas, ou Juifs, sont [...] de race [...] arabe [et parlent] hébreu, bien qu’ils soient très corrompus. Ils ont leurs bibles hébraïques et chantent les psaumes dans leurs synagogues ». Si ce rapport est exact, la permanence d’une connaissance de l’hébreu au XVIIe siècle milite en faveur d’une connaissance plus ancienne, et donc d’un apport juif venu de l’extérieur. Cependant, l’affirmation de Manoel de Almeida selon laquelle les Beta Israël sont de « race arabe » est manifestement erronée, ce qui pose question quant à la validité de ses sources et de son témoignage.

L’hypothèse chrétienne

D’après cette hypothèse, les Beta Israel seraient issus de groupes chrétiens fondamentalistes ne considérant comme authentique que le Pentateuque et rejetant le reste de la Bible, en particulier le Nouveau Testament. De telles attitudes sont connues dans d'autres groupes : Subbotniks russes ou Black Hebrews américains. Un rejet de la religion dominante aurait été facilité par le refus du pouvoir impérial par les populations du Nord, pouvoir légitimé par la religion copte[19].

Plusieurs éléments corroborent cette hypothèse :

  • le caractère déjà très judaïsant du christianisme copte éthiopien : respect du Sabbat, circoncision, interdits alimentaires, origine supposée juive de la dynastie chrétienne[20]. Cette forte légitimation de l’Ancien Testament a peut-être incité certains à relativiser puis à rejeter le Nouveau Testament.
  • l’origine chrétienne de la version du Pentateuque utilisée par les Beta Israël, et l’utilisation du guèze comme langue liturgique,
  • la présence de moines, de prêtres (Kés), et non de rabbins,
  • la non-utilisation du nom traditionnel « Juif[21] », de certaines fêtes juives, l’absence des symboles juifs traditionnels comme l’étoile de David[22], l'ignorance du terme « synagogue »[21], remplacé par un dérivé de « Mosquée ». En règle général, tout ce qui relève de la tradition juive mais qui n'est pas présent dans le Pentateuque est ignoré.
  • les conversions ultérieures de chrétiens à la foi des Beta Israel, attestées par les textes chrétiens. Ces conversions montrent une certaine attractivité des Beta Israel sur les chrétiens, ce qui ne signifie pas obligatoirement que les premiers Beta Israel venaient des milieux chrétiens.
  • les études génétiques, qui ne montrent pas de liens entre les Beta Israel et les autres communautés juives, mais insistent sur la similarité génétique avec les populations locales[23]. Cependant, si la génétique démontre l’origine locale des populations Beta Israel, elle ne tranche pas quant à l’origine de leur religion : conversion par des Juifs ou auto conversion[24].

En l’absence de preuves formelles, les deux hypothèses subsistent.

Histoire médiévale et moderne

Croquis d’une femme Beta Israel, publiée dans les Voyage en Abyssinie de Lefebure. Fin du XIXe siècle.

L’histoire des Beta Israel ne devient vraiment accessible par les textes qu’à compter du XIVe siècle. C’est essentiellement à travers des textes chrétiens que sont connus les événements de l’époque, ce qui pose évidemment le problème de l’exhaustivité et de la neutralité des sources. Malgré cette réserve, ces textes permettent de décomposer l’histoire ancienne des Beta Israel en trois périodes.

La perte graduelle de l’indépendance – du XIVe siècle à 1624

Les textes éthiopiens présentent une longue période de guerre entre l’empire d’Éthiopie et les petits États indépendants du Nord. Ceux-ci étaient Beta Israel, chrétiens, musulmans ou païens, généralement parlant des langues Agäw. La poussée impériale ne s’est donc pas faite uniquement contre les Beta Israel.

Il n’y a pas à cette époque un seul État Beta Israel dans le Nord, mais un ensemble de petits royaumes, dont on ne connaît d’ailleurs que peu de chose. Les chroniques éthiopiennes brossent le tableau d’une communauté Beta Israel relativement ouverte sur son environnement chrétien. Elles rapportent en effet d’assez nombreuses conversions de chrétiens à la religion des Beta Israel, ce qui indique à la fois que ceux-ci avaient une certaine activité prosélyte, et d’autre part que celle-ci rencontrait un certain succès. Il a été posé comme hypothèse qu’une partie de ce succès s’expliquait par la volonté d’un certain nombre de chrétiens du Nord d’échapper à la tutelle impériale. C’est ainsi au XVe siècle qu’un monachisme Beta Israel est organisé par Abba Sabra, un ancien moine chrétien. Le monachisme Beta Israel semble être plus ancien, mais c’est bien Abba Sabra qui lui a donné toute son importance. On note également que de nombreux éléments liturgiques chrétiens pénètrent la religion Beta Israel, après avoir été « épurés » de leurs aspects chrétiens, sans doute toujours sous l’influence des convertis.

Malgré cette attractivité, les Beta Israel ne cessent de perdre du terrain face aux troupes impériales. Dès le début du XVe siècle, le roi Yeshaq Ier d’Éthiopie décrète « celui qui est baptisé dans la religion chrétienne peut hériter de la terre de ses ancêtres ; sinon, qu’il soit un falasi »[25] (errant, exilé). Le terme ne désigne pas uniquement les Beta Israel, mais tous les non chrétiens. À terme, il ne désigne plus que les Beta Israel. En perdant le droit de posséder de la terre dans les zones conquises par l’empire, ceux-ci se transforment progressivement en une classe de paysans sans terre, travaillant les domaines des grands féodaux. De nombreux massacres et conversions plus ou moins forcées ou volontaires (selon les lieux et les époques) sont rapportées, et la population Beta Israel semble fortement diminuer dès cette période, à partir d’une population originelle estimée de façon très approximative à 500 000 personnes. Les langues Agäw commencent également à régresser au profit de l’amharique.

L’intégration à l’empire – 1624-1769

En 1624, les derniers Beta Israel indépendants sont battus par l’armée chrétienne éthiopienne, soutenue par les Portugais, lesquels étaient présents dans la Corne de l’Afrique depuis le XVIe siècle. Le diplomate portugais Manoel de Almeida parle d’eux dans son Histoire de la haute Éthiopie ou Abassia.

La destruction des bases institutionnelles Beta Israel dans le Nord de l’Éthiopie a sans doute entraîné la destruction de leurs archives et de leurs livres, effaçant ainsi la mémoire de leur histoire et de leurs origines[26].

Château de Fazilidas d’Éthiopie, Négus de 1632 à 1667 et fondateur de la ville de Gondar, à laquelle contribuèrent de nombreux Falashas[27].

La population Beta Israel est concentrée dans les deux provinces du Nord, surtout le Gondar, et dans une bien moindre mesure le Tigré (voir carte infra). Avec l’indépendance, les Falashas du Gondar perdent les caractéristiques d’une société diversifiée. Il n’y a plus de nobles ou de hiérarchie sociale. Subsiste maintenant une classe de paysans sans terre, avec cependant une petite classe moyenne liée à l’administration impériale. Celle-ci a installé sa nouvelle capitale dans le Gondar, l’ancien territoire des Beta Israel. C’est en particulier dans le domaine de la construction de bâtiments gouvernementaux que cette classe moyenne se spécialise[27].

Les Beta Israel du Tigré conservent par contre le droit de posséder la terre, et leur situation sociale s’en trouve moins dépréciée.

En 1769, l’explorateur écossais James Bruce, à la recherche des sources du Nil, a estimé leur population à encore 100 000 personnes. Il note aussi « la langue parlée est le falasha, bien qu’elle ne soit plus maintenant utilisée que par les Juifs [...]. Anciennement, c’était la langue de toute la province de Dembea[28] ». La langue rapportée par Bruce est manifestement une forme de l’Agäw, la langue originelle des populations du Nord. L’amharisation, c’est-à-dire l’acculturation linguistique au groupe dominant de l’empire, les Amharas, est d’après Bruce déjà bien avancée pour les populations du Nord, sauf pour les Falashas, ce qui confirme le statut de groupe isolé qui est le leur.

La disparition de l’État central - 1769-1855

De 1769 à 1855, l’État central s’efface. Le pays devient dominé par les seigneurs de la guerre et les grands féodaux, et la situation générale des campagnes se dégrade fortement. Les constructions publiques cessent, et la classe moyenne Beta Israel disparaît. En compensation, certains Beta Israel se spécialisent dans l’artisanat, plus spécifiquement dans le couple forgerons (pour les hommes) et potiers (pour les femmes). Or, en Éthiopie comme dans une partie de l’Afrique, les forgerons et les potiers sont considérés comme des sorciers. En Éthiopie, on parle de Buda. Le Buda a le mauvais œil, peut se transformer en hyène pour dévorer des êtres humains, « mange les âmes » des vivants. Tout contact avec lui doit donc être évité[29].

Au XIXe siècle, la société Beta Israel a été radicalement modifiée. D’une société indépendante et diversifiée, elle est devenue une caste de paysans sans terre, de forgerons et de potiers, avec quelques religieux. Elle vit dans des villages réservés (environ 500 avant l’immigration en Israël), et est évitée par tous. Loin de son précédent prosélytisme, elle s’est repliée sur elle-même pour survivre, insistant toujours plus sur ses pratiques de purification et d’évitement des non Juifs. Tout Beta Israel en contact avec des non Juifs doit ainsi se purifier avant de pouvoir réintégrer la communauté.

La population plus restreinte du Tigré vit une réalité sociale un peu meilleure : elle a gardé le droit de posséder des terres, et sa mise à l’écart est moins poussée.

Histoire contemporaine

Régions où les falashas vivaient à l’époque moderne, en tant que minorité.

L’histoire contemporaine des Beta Israel commence avec la réunification de l’Éthiopie sous le règne de Théodore II (ou Théodoros II), en 1855. À cette époque, la population Beta Israel est estimée entre 50 000 et 100 000 personnes.

Missions protestantes et contre-mission juive

Malgré les contacts épisodiques précédents, l’Occident n’a vraiment connaissance de leur existence que lorsque les Beta Israel entrent en contact avec des missionnaires protestants de la « London Society for Promoting Christianity Among the Jews » (1859). Cette société s’était spécialisée dans la conversion des Juifs. L’annonce de son implantation dans le Nord de l’Éthiopie, sous la direction d’un Juif converti du nom de Henri Aaron Stern, suscite une certaine émotion dans le monde juif occidental. Plusieurs rabbins[30] proclament en réaction la judaïté des Beta Israel, et l’Alliance israélite universelle décide d’une contre mission en Éthiopie, dont est chargé Joseph Halévy en 1867-1868.

Halévy fait un rapport très favorable aux Beta Israel. Il demande la mise en place d’écoles juives, et propose même de « ramener en Palestine des milliers de colons falashas[31] », une douzaine d’années avant la formation de la première organisation sioniste.

Mais après la brève émotion suscitée par la médiatisation de la mission de la London Society, les Beta Israel sont de nouveaux ignorés. Des doutes sérieux subsistent sur leur judaïté, et l’Alliance israélite universelle ne donne pas suite aux recommandations de Halévy.

Jusqu’en 1904, les seuls contacts continus avec les occidentaux qu’ont les Beta Israel sont ceux établis avec les missionnaires de la London Society. Entre 1859 et 1922, celle-ci ne convertit au christianisme copte (et non au protestantisme, en vertu d’un accord passé avec le pouvoir éthiopien) qu’environ 2 000 Beta Israel. Ce résultat est modeste, et s’explique en partie par une forte réaction religieuse des moines Beta Israel, mais il a trois conséquences.

D’une part, la London Society considère les Beta Israel comme des Juifs, et son discours semble avoir eu pour conséquence involontaire de favoriser l’apparition d’un certain sentiment de communauté avec un Judaïsme mondial jusqu’alors totalement inconnu.

D’autre part, les conversions participent à une certaine déstructuration de la société Beta Israel. Les convertis sont exclus de la communauté. Des villages et des familles se coupent en deux.

Enfin, un nouveau groupe de convertis se crée. Rejetés par les Beta Israel, mais pas vraiment acceptés par les chrétiens car toujours soupçonnés d’être Buda, la situation de ce groupe coincé entre deux mondes semble avoir été difficile. On trouve chez eux une des origines des actuels Falash Mura.

Les « Mauvais jours »

Entre 1888 et 1892, le Nord de l’Éthiopie connaît une série de catastrophes : famines dévastatrices, invasion des derviches soudanais du Madhi, épidémies. Le nombre des morts est très important. « Des mères ont cuit et mangé leurs propres enfants. D’horribles choses sont faites, qui sont indicibles[32] ». Les Beta Israel, en tant que groupe minoritaire très pauvre sont particulièrement touchés. On estime qu’entre la moitié et les deux tiers de la communauté disparaissent, coup terrible dont elle ne se relève que très difficilement. Les monastères juifs semblent avoir particulièrement souffert[33], et ce à l’approche d’un XXe siècle qui leur est fatal, du fait de la ferme opposition du Judaïsme mondial. La période a gardé le nom de Kefu-qän, les « mauvais jours ».

L’établissement de liens permanents avec le judaïsme occidental

Lettre de 1921 du grand rabbinat israélien validant la judaïté des Beta Israel.
Falashas (plus probablement Falash Mura), préparant le plat traditionnel, l'Injera dans le Gondar, en 1996.

En 1904, Jacques Faitlovitch, Juif et ancien élève de Joseph Halévy à l’École des hautes études de Paris, décida de mener une nouvelle mission dans le Nord de l’Éthiopie. Il obtient un financement du philanthrope juif Edmond de Rothschild.

Suite à son voyage, Faitlovitch mène une intense activité, avec trois objectifs :

  • faire reconnaître les Beta Israel comme Juifs ;
  • faire accepter aux Beta Israel leur appartenance au peuple juif ;
  • « réformer » leur pratique religieuse pour la rapprocher du judaïsme orthodoxe. Il entend en particulier lutter contre les moines, les strictes règles de pureté et les sacrifices d’animaux. À ce titre, Faitlovitch va dans le même sens que les missionnaires protestants, même si l’objectif final n’est pas le même.

Ces objectifs ne vont pas d’eux-mêmes. En effet, si les Beta Israel suivent le Pentateuque et se considèrent comme descendants des Hébreux, il existe de substantielles différences entre les pratiques religieuses des deux groupes, et le terme « Juif » n’est alors pas utilisé par les Beta Israel. Au XIXe siècle et pendant une bonne partie du XXe siècle, les différences de couleur de peau ont aussi été perçues comme porteuses de différences fondamentales.

Dans la première moitié du XXe siècle, Faitlovitch crée un comité international en faveur des Beta Israel, popularise leur existence grâce à son livre Notes de voyage chez les Falashas, et collecte des fonds qui lui permettent d’implanter des écoles dans leurs villages, à partir de 1910.

Il encourage aussi la formation d’une élite Beta Israel (numériquement peu nombreuse) dans des institutions juives occidentales sympathisantes. Dès 1905, il ramène en Europe celui qui est le grand leader des Beta Israel dans la première moitié du XXe siècle, Taamrat Emmanuel, un des premiers Éthiopiens éduqués à l’occidentale, qui est dans les années 1940 et 1950 un des conseillers du Negus. Cette élite joue un rôle important, une fois rentrée au pays, pour rattacher les Beta Israel au judaïsme orthodoxe (introduction de l’étoile de David, de certaines fêtes juives, acceptation par les Beta Israel de leur appartenance au peuple juif)[34]. Une certaine « modernisation » culturelle en découle, encore qu’elle ne soit pas seulement liée à l’influence des communautés juives extérieures, mais aussi aux efforts des différents gouvernements éthiopiens. L’excision des femmes, assez répandue dans la Corne de l’Afrique, aurait ainsi quasiment disparu des communautés Beta Israël au début des années 1980[35].

La question de la judaïté des Beta Israel est reçue avec une certaine sympathie au sein du judaïsme occidental dans l’entre-deux guerres. Le congrès juif mondial ou le Joint[36] ont ainsi des actions en faveur des falashas. Le rav kook, père spirituel du courant sioniste religieux et grand rabbin de Palestine, les reconnaît comme Juifs en 1921[37].

Les langues parlées par les Beta Israel

Lorsqu’il les rencontre en 1867, Joseph Halévy note une cohabitation entre l’Amharique et l’Agäw : « Ils parlent à la fois deux langues [...] l’amharique [… et] un dialecte de la langue agaou [...]. Ils s’en servent ordinairement au sein de leurs familles[38] ».

Quarante ans plus tard, Jacques Faitlovitch constate les progrès de l’amharisation. « Le dialecte quouarena [...] n’est plus parlé que dans la province de Quouara et aux environs, ou les autres populations le parlent également. Dans le Dembea et le Siemen [...] la jeune génération l’ignore complètement[39] ».

Au cours du XXe siècle, les langues traditionnelles du Nord disparaissent totalement des communautés Beta Israel, remplacées par l’amharique dans le Gondar, et le tigrinya dans le Tigré. Au début des années 1990, cependant, « une langue Agäw, le quarennia était encore parlé par [...] les 2 000 Beta Israel très isolés de la région de Quara [...], de même que par leurs voisins, également d’origine Agäw[40]».

La langue liturgique est par contre le Guèze pour les trois groupes linguistiques survivants au XXe siècle. L’hébreu a fait une timide apparition en Éthiopie sous l’influence des écoles juives, surtout à partir des années 1950.

Les Baryas Falasha

La société Beta Israel comprend un sous-groupe de statut inférieur, véritable minorité de la minorité, les Baryas, ou captifs. Le statut de Barya n'est pas spécifique à la communauté falasha, et on trouve également des Baryas d'autres religions dans les autres communautés religieuses du Nord. Leur origine n’est pas datée, mais ils sont bien attestés à l’époque moderne au sein de la communauté Beta Israel, et existent toujours aujourd’hui en Israël. Les Baryas descendent de serviteurs achetés par des Beta Israel sur les anciens marchés d’esclaves, et convertis à la religion de leurs maîtres. Ils sont considérés comme « noirs » (t’equr, ou shanqilla, un mot d'origine Agäw qui référence les peuples nilotiques très noirs) par les Falashas. « Les Beta Israel se perçoivent eux-mêmes comme qey [rouge] ou t’eyem [brun] - jamais comme le racialement inférieur t'equr[41] ». De fait, leur peau est plus claire, et les traits du visage plus « moyen-orientaux » que ceux des populations de l’intérieur du continent[42]. Les Baryas, eux, ont des traits plus classiquement africains, encore que d’après Hagar Salamon, « la prolifération des relations conjugales maître-esclave » (normalement prohibées) aient progressivement estompé les différences[41].

Les Baryas sont endogames, et ne sont pas autorisés à se marier avec les familles Beta Israel non Baryas. Il existe également une notion de demi baryas et quart de baryas, contraints de se marier entre eux[43]. Ils sont victimes de divers préjugés, étant supposés être « primitifs ». Ils n’avaient en Éthiopie qu’un accès restreint aux lieux de culte (Masgid), variable selon les régions. Hagar Salamon rapporte ainsi que selon celles-ci, ils devaient rester dans la cour du Masgid, ou devaient la quitter pendant la lecture de l'Orit (la Bible), ou ne pouvait y pénétrer qu’après plusieurs années[44]. Ils n’avaient en général pas le droit d’être enterrés dans les mêmes cimetières que les autres Falashas, et ceux-ci ne consommaient pas la viande des animaux qu’ils abattaient.

Jusqu’à leur immigration en Israël, les Baryas ont conservé un statut de serviteur, malgré l’abolition officielle de l’esclavage en 1924. Ils étaient « de facto une part de la propriété familiale et continuaient à être légués d’une génération à une autre. [… il y avait même une] vision générale des baryas comme [...] non-humains[41] ».

Refus israélien, adhésion Beta Israel

Lors de la création de l’État d’Israël, le grand rabbinat israélien décide de ne pas suivre ses prédécesseurs, et refuse de reconnaître comme Juifs les Beta Israel. Le gouvernement, qui n’avait pas suivi le rabbinat dans le cas des Samaritains ou des Karaïtes accepte cette position, leur refusant le droit d’immigrer en Israël. Cette position est cependant appliquée avec une certaine ambiguïté. L’Agence Juive maintient ainsi des écoles juives en Éthiopie. Elles sont fermées en 1958 pour raisons budgétaires, mais l’une d’elle reste ouverte, symbole d’acceptation partielle et de rejet dominant. Les organisations juives américaines qui aidaient les Beta Israel depuis la fin de la seconde guerre mondiale stoppent également l’essentiel de leurs opérations au début des années 1960.

Paradoxalement, malgré ce rejet grandissant, les années 1950 et 1960 voient la population Beta Israel se rapprocher du Judaïsme orthodoxe. L’appartenance au Judaïsme mondial est maintenant acceptée et fortement affirmée. L’étoile de David pénètre rapidement, et remplace sur le toit des lieux de culte les anciens symboles : un pot rouge ou un symbole phallique[45]. Certaines fêtes juives commencent à être pratiquées. Dans les années 1950, un petit livre résumant les pratiques rabbiniques est diffusé dans la communauté. Une nouvelle génération de Késotch sort des écoles juives et diffuse également ces pratiques[46].

La révolution éthiopienne de 1974

En 1974, un groupe de militaires procommunistes, le Derg, ou Därg, prend le pouvoir en Éthiopie. Les conséquences pour les Beta Israel sont importantes.

D’une part, les anciennes prescriptions contre la possession de la terre disparaissent, et une vaste redistribution des terres féodales est organisée au bénéfice des paysans sans terre, chrétiens, musulmans ou Beta Israel.

D’autre part, le régime prend progressivement des positions anti-religieuses et anti-israéliennes qui heurtent les Beta Israel.

Enfin, les anciens féodaux s’organisent au sein de l’EDU (Ethiopian Democratic Union), et déclenchent la lutte armée contre le nouveau régime. Les paysans bénéficiant de la réforme agraire sont alors souvent victimes de massacres. Les populations refusant à la fois l’EDU et le nouveau régime soutiennent l’opposition armée de gauche, l’EPRP (Ethiopian People Revolutionnary Party) et le TPLF (Tigrean People Liberation Front). Un certain nombre de jeunes Beta Israel rejoignent les troupes gouvernementales ou les rebelles de gauche. Tout le Nord du pays bascule dans la guerre civile. Au début des années 1980, la famine s’installe de façon durable. La situation des populations du Nord, et pas seulement des Beta Israel, devient intenable. Des centaines de milliers d’éthiopiens tentent de fuir guerre et la famine vers le Soudan voisin[47].

Émigration

Dès la fin des années 1940, on trouve quelques Falashas en Israël. Ce sont des femmes ayant épousé des soldats juifs yéménites de l’armée britannique, et quelques étudiants. En 1955, une vingtaine d’adolescents sont scolarisés à Kfar Batya, en vue de devenir enseignants en Éthiopie. La plupart y retournent effectivement au début des années 1960[48].

Émigration clandestine et reconnaissance par Israël

Une ancienne « synagogue » (masggid) des Beta Israël, abandonnée lors de l’émigration de ses occupants en 1991 et devenue depuis un site touristique

Entre 1962 et 1975 se met en place une petite émigration Beta Israel vers Israël. Elle est surtout le fait d’hommes, très peu nombreux, ayant fait des études, qui viennent en Israël avec un visa de tourisme (l’Éthiopie, pays officiellement chrétien, connaît un flux de pèlerins visitant la terre sainte), puis qui y restent illégalement. Ils trouvent sur place des sympathisants, qui les reconnaissent comme Juifs et les aident. Ces sympathisants s’organisent en association, sous la direction entre autres d’Ovadia Hazzi, Juif yéménite et ancien sergent de l’armée israélienne, marié à une Beta Israel depuis la seconde guerre mondiale. Certains obtiennent une régularisation de leur situation grâce à ces soutiens. Certains acceptent de se « convertir » au judaïsme, ce qui règle leur problème personnel, mais pas la situation de leur communauté. Les personnes qui obtiennent leur régularisation font souvent venir leur famille.

En 1973, Ovadia Hazzi pose officiellement la question de la judaïté des Beta Israel au grand rabbin sépharade d’Israël, Ovadia Yossef. Le grand rabbin, citant une décision rabbinique égyptienne du XVIe siècle, celle du Radbaz (Rabbi David ben Zimra, 1462–1572) et reprenant sa thèse selon laquelle les Beta Israel descendent de la tribu perdue de Dan, reconnaît leur judaïté en février 1973. Celle-ci est initialement rejetée par le grand rabbin ashkénaze, Shlomo Goren, qui finit cependant par s’y rallier en 1974.

En avril 1975, le gouvernement de Yitzhak Rabin accepte officiellement le caractère juif des Beta Israel, et leur ouvre le bénéfice de la loi du retour (loi permettant à tout Juif dans le monde d’immigrer en Israël).


L'immigration en Israël, en chiffre et par décennies[49] :

1948 1949 1950 1951 1952 1953 1954 1955 1956 1957 1958 1959
0 1 5 1 0 3 13 25 1 5 4 3
1960 1961 1962 1963 1964 1965 1966 1967 1968 1969
3 2 11 17 8 9 21 13 17 14

Émigration de masse des Beta Israel

Carte des migrations Beta Israel au début des années 1980.
Mémorial de Kiryat Gat en mémoire des Beta Israel morts sur la route vers Israël.

L’émigration Beta Israel vers Israël reste officiellement interdite par le gouvernement éthiopien de 1973 à 1990. Il s'agit d'abord de la conséquence de la rupture des relations diplomatiques par Hailé Sélassié Ier en 1973 entre Israël et l’Éthiopie impériale, suite à la guerre du Kippour[50]. Il s'agit ensuite de la conséquence du coup d’État militaire de 1974, qui oriente la diplomatie dans un sens pro-soviétique marqué à compter de 1976[51], et ce jusqu'au rétablissement des relations diplomatiques en 1989. Malgré cette interdiction officielle, une émigration a lieu, se déroulant en plusieurs vagues. Elle vide les quelque 500 villages Beta Israel du Nord de leurs habitants :

1977-1978 - Cent vingt-et-un Beta Israel émigrent en Israël avec l’accord du gouvernement éthiopien, dans le cadre d’un accord secret de fourniture d'armes par le gouvernement israélien au nouveau gouvernement révolutionnaire Éthiopien, lequel était alors en guerre contre la Somalie pour le contrôle de l'Ogaden. L'accord est rompu par l'Éthiopie après sa révélation à la presse par Moshe Dayan en février 1978. Il mettait en effet à mal le nouveau positionnement « anti-impérialiste » et pro-soviétique de la diplomatie éthiopienne, Israël étant l'allié des États-Unis.

1980-1984 - Chassés par la guerre civile, des éthiopiens du Nord, parmi lesquels des Beta Israel, se réfugient au Sud Soudan. D’après le Jerusalem Post du 15 mai 1986, 6 649 personnes, surtout des Tigréens, gagnent Israël par des voies détournées entre janvier 1980 et l’automne 1984 (le gouvernement soudanais, officiellement en guerre avec Israël, ferme plus ou moins les yeux sous la pression des USA), avec l’aide des services spéciaux israéliens. Au-delà de la guerre, les Falashas du Tigré partent aussi sous l'influence du bouche à oreille : les familles arrivées en Israël les premières informent leurs proches de la réussite de leur émigration, entraînant de nouveaux départs.

Automne 1984 - printemps 1985 - En partie motivés par les informations sur le succès de l'émigration tigréenne, les réfugiés juifs du Gondar, bien plus nombreux que les tigréens, affluent au Soudan à partir de 1983, et les canaux clandestins d’évacuation ne suffisent plus. La grande famine[52] de 1984-1985 déplace des centaines de milliers d'éthiopiens du Nord vers les camps de réfugiés de l'Éthiopie du Nord et du Soudan. Des dizaines de milliers d'éthiopiens meurent de faim lors de véritable « marches de la mort », et la mortalité explose dans les camps du Soudan. Parmi ces victimes, on estime que 3 à 4 000 sont des Falashas. Fin 1984, le gouvernement soudanais, suite à l’intervention des États-Unis d’Amérique, laisse secrètement partir les 7 200 réfugiés Beta Israel restants vers l’Europe, d’où ils gagnent immédiatement Israël. Il y a deux vagues : l’opération Moïse du 20 novembre 1984 au 4 janvier 1985, concernent 6 500 personnes. Cette opération est interrompue par le Soudan lorsque la presse la révèle ; l’opération Reine de Saba, menée par la CIA quelques semaines plus tard, pour évacuer 650 personnes restant au Soudan. Cette seconde opération est le fruit de pressions américaines très importantes. Vingt pour cent des arrivants doivent être hospitalisés, les autres sont généralement dans un état sanitaire catastrophique.

1985-1989 - Le régime éthiopien bloque l’émigration, et la stabilisation relative de la situation dans le Nord arrête l’exode vers les camps soudanais. Une petite émigration clandestine subsiste, toujours assistée par le Mossad. Son envergure est très modeste.

1990-1991 - Soumis à une forte pression des rebelles tigréens et érythréens, et perdant son soutien militaire soviétique dans le cadre de l’effondrement du bloc de l’Est, le gouvernement éthiopien laisse partir 6 000 Beta Israel vers Israël, par petits groupes, dans l’espoir de se rapprocher des États-Unis d’Amérique, alliés d’Israël. De nombreux Beta Israel gagnent Addis-Abeba, capitale de l’Éthiopie, espérant échapper à la guerre civile qui ravage le Nord du pays (leur région d’origine), et espérant pouvoir partir pour Israël. Ils s’entassent dans des camps à la périphérie de la ville.

1991 et l'opération Salomon - Lors de l’effondrement du régime communiste éthiopien, les 14 324 Beta Israel réfugiés à Addis-Abeba sont évacués en deux jours vers Israël par un pont aérien (opération Salomon). Il y a 34 rotations d’avions d’El Al, dont on avait retiré les sièges pour y charger plus de personnes. De nouveau, de fortes pressions américaines ont facilité l’opération, ainsi qu’un transfert de 35 millions de dollars vers les comptes des derniers représentants du régime[53].

1991-1994 - Les derniers Beta Israel restés en Éthiopie émigrent vers Israël, en particulier ceux de la région de Quara ou Qwara (entre le lac Tana et le Soudan), en 1992, qui sont les seuls à passer de leurs villages en Israël sans le filtre de camps de réfugiés.

Falash Mura - À partir de 1992 commence une émigration irrégulière, soumise à l’évolution politique en Israël, celle des Falash Mura.


L'immigration en Israël, en chiffre et par décennies[49] :

1970 1971 1972 1973 1974 1975 1976 1977 1978 1979
13 7 40 41 24 19 10 90 37 45
1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989
259 850 950 2 393 8 327 1 888 238 231 595 1 448

La difficile immigration des Falash Mura

Un village Falash Mura, en 2003.

Dès 1991, les autorités israéliennes ont annoncé que la question de l’émigration Beta Israel était en passe d’être réglée, grâce au départ de presque tous les Juifs. Mais dès cette date, des milliers de personnes ont quitté le Nord du pays pour venir se réfugier à Addis-Abeba, se déclarant Juives et demandant à émigrer vers Israël.

Un nouveau vocable apparaît pour désigner ce groupe : les Falash Mura.

Ces personnes, qui n’appartiennent pas aux communautés Beta Israël constituées, ne sont pas reconnues comme Juives par Israël, et ne sont initialement pas autorisées à émigrer. Elles sont en principe d’origine Beta Israel (avec des doutes pour certaines), mais ont quitté les communautés organisées, parfois depuis deux ou trois générations.

Les autorités israéliennes considèrent que ces personnes sont désormais chrétiennes et ne peuvent bénéficier de la loi du retour en tant que Juives. Elles affirment aussi que beaucoup ne sont même pas d’ascendance Beta Israel, mais sont des chrétiens de souche cherchant à émigrer en Occident. Elles considèrent donc les Falash Mura comme des émigrants économiques.

Les intéressés affirment être des Juifs assimilés, qui ne mettaient pas en avant leur appartenance dans un milieu où être Beta Israel est dévalorisé. Ils nient toute conversion au christianisme, ou l’admettent comme répondant à une contrainte.

Depuis longtemps existaient d’ailleurs des groupes de convertis. Il ne s’agissait pas vraiment de conversions forcées, mais plutôt de conversions visant à échapper à une situation sociale douloureuse. Bon nombre de ces groupes continuaient à pratiquer leur religion en privé. L’anthropologue Simon Messing a ainsi mené une enquête en 1962 au sein des Maryam Wodadj (les amis de Marie), un groupe ostensiblement chrétien (leurs femmes se tatouent des croix sur le visage), mais pratiquant toujours la religion Beta Israel en privé, strictement endogame (ne se mariant pas avec les chrétiens) et vivant dans le Dembea (entre la ville de Gondar et le lac Tana). « Au début des années 1980, G.J. Abbink[54] recense d’autres groupes de convertis »[55] judaïsants : les Färäs muqra, les Chämmané (« gens du Chämma ») à l’ouest du lac Tana, les Tä’biban (« hommes sages », ou « magiciens »), un groupe de forgerons vivant à Ankober et Addis-Abeba, et dont Faïtlovitch avait déjà parlé. Yona Bogale, un des principaux dirigeants Beta Israel du Gondar, « connaissait personnellement à Addis-Abeba un groupe de Falashas [...]. Ils s’étaient assimilés, [...] et ne présentaient aucun des signes distinctifs des Falashas tout en continuant à se considérer comme Beta Israel dans l’intimité[56] ».

Les Falash Mura ne sont cependant pas un groupe homogène, et c’est seulement leur volonté d’émigrer qui les regroupe sous ce vocable. On trouve semble-t-il de nombreux cas, depuis des Beta Israel assimilés mais jamais convertis, jusqu’à des chrétiens de souche mentant sur leur origine, en passant par des personnes issues de familles converties plus ou moins par obligation, ou plus ou moins par conviction, sans compter des familles issues de mariages mixtes.

Par ailleurs, la loi religieuse juive (mais pas la loi israélienne) considère que même converti, un Juif reste Juif. Pour les rabbins, un retour au judaïsme du converti ou de ses enfants (si au moins la mère était Juive) reste donc possible. Sous réserve de prouver son ascendance Beta Israel, ce qui n’est pas toujours simple, même quand c’est vrai.

Compte tenu de ces points de vue divergents, et de la difficulté à trancher, un débat assez vif s’est élevé en Israël, et au sein même de la communauté Beta Israel israélienne, entre partisans et opposants à l’émigration des Falash Mura. La position gouvernementale est restée globalement assez restrictive, mais a été soumise à de nombreuses critiques, y compris de certains religieux qui veulent favoriser le retour (quand il y a bien eu conversion, ce qui n’est sans doute pas toujours le cas) au judaïsme de ces groupes dit « Falash Mura ». Les laïques israéliens, réticents à une définition purement religieuse de l’identité juive, ont souvent été plus réticents que les religieux à la reconnaissance des Falash Mura.

Au cours des années 1990, le gouvernement a finalement autorisé la plupart de ceux qui s’étaient réfugiés à Addis-Abeba à émigrer en Israël. Certains ont pu le faire grâce à la loi du retour, qui permet à un parent non Juif d’un Juif israélien d’émigrer, d’autres ont été accueillis à titre humanitaire.

Le gouvernement israélien espérait régler le problème, mais l’information selon laquelle les personnes d’origine Beta Israel pouvaient émigrer vers Israël a attiré une vague de réfugiés encore plus importante vers Addis-Abeba, ce qui a conduit le gouvernement israélien à durcir sa position vers la fin des années 1990. Début 2003, il y avait un peu moins de 20 000 Falash Mura réfugiés à Addis-Abeba, parfois depuis des années. On parle (de façon très imprécise) d’un nombre équivalent de Falash Mura qui vivraient toujours dans le Nord de l’Éthiopie. En avril 2005, le Jerusalem Post a annoncé avoir mené une enquête en Éthiopie, suite à laquelle il arrivait à la conclusion que des dizaines de milliers de Falash Mura vivaient toujours dans les campagnes du nord de l’Éthiopie, non recensés par les organisations juives, mais tentés par l’émigration vers Israël.

En février 2003, le gouvernement israélien a décidé d’accepter que les autorités religieuses israéliennes organisent les conversions officielles au judaïsme des personnes réellement d’origine Beta Israel, et que ces personnes puissent ensuite émigrer en tant que juives vers Israël. La nouvelle position, plus ouverte, des autorités israéliennes gouvernementales et religieuses doit en théorie permettre l’émigration vers Israël de la majorité des Falash Mura le désirant (ceux dont l’origine Beta Israel est reconnue). En pratique, cependant, cette immigration reste lente, et le gouvernement israélien a continué à limiter, de 2003 à 2006, l’entrée des Falash Mura à environ 300 émigrants par mois. En 2004, les services du ministère israélien chargés de l’immigration ont ainsi indiqué que 3 700 Éthiopiens seulement avaient émigré vers Israël. Le gouvernement israélien a cependant confirmé en janvier 2005 que l’objectif restait bien d’amener tous les Falash Mura d’origine juive en Israël, et que le rythme passerait de 300 à 600 personnes par mois à compter de juin 2005. Mi 2007, cependant, le quota de 300 immigrants par mois reste en vigueur, et a même encore été réduit par la suite. Pendant l'année hébraïque 5769 (septembre 2008-septembre 2009), seul 130 éthiopiens ont pu immigrer. En 5770 (septembre 2009-septembre 2010), il y a eu 1320 immigrants « en raison du changement dans la politique du gouvernement permettant aux Falash Mura de venir dans le pays[57] ».
En décembre 2010, le gouvernement a donné son feu vert à l'immigration de 8 000 nouveaux Falash Mura, en quatre ans, au rythme de 200 par mois, en prévenant que cette immigration de groupe serait la dernière[58].

Devant ces variation régulière des politiques gouvernementales, le Jerusalem Post peut ainsi parler en 2010 d'« un processus qui a été arrêté et relancé par l'État au cours des cinq dernières années, selon la personne qui dirigeait le ministère de l'Intérieur[59] ».

Une des explications de la réticence israélienne face à cette immigration est la difficulté à définir la réalité des revendications des Falash Mura à une ascendance Beta Israel. Les articles de la presse israélienne rapportent que des Éthiopiens désireux d’émigrer paient des Beta Israel ou des Falash Mura éligibles à l’émigration pour les déclarer comme membre de leur famille. Israël ne veut pas d’une vague d’émigration économique africaine.


L'immigration en Israël, en chiffre et par décennies[49] :

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999
4 121 20 014 3 648 863 1 197 1 311 1 411 1 661 3 110 2 290
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010
2 201 3 274 2 658 3 029 3 695 3 571 3 595 3 591 1 582 240 1 655

Intégration en Israël

Un soldat israélien d’origine éthiopienne à Naplouse, en 2006

En 2005, il y avait environ 105 000 personnes d’origine éthiopienne en Israël, dont 30 000 nées dans le pays[60], et 110 000 en 2009[2]. Elles regroupent en majorité des Falashas ainsi que d’anciens Falash Mura. Ces derniers, qui seraient une trentaine de milliers en 2010[58], insistent généralement sur leur judaïté. Un petit groupe reste cependant chrétien, et a même des activités prosélytes vivement dénoncées par la communauté[61].

Malgré cette forte insistance de la quasi-totalité des Éthiopiens (toutes origines confondues), sur leur judaïsme et leur attachement à Israël, l’intégration concrète pose certains problèmes.

Le choc culturel

Le premier contact avec Israël a généralement été un choc assez violent pour les nouveaux immigrants. Pour une population rurale avec un niveau scolaire très faible, l’univers urbain israélien a posé des problèmes d’adaptation. Bon nombre des nouveaux immigrants, surtout ceux des villages les plus reculés, ne connaissaient pas l’électricité, les ascenseurs ou la télévision. L’adaptation à la nourriture israélienne a été particulièrement difficile. L’éclatement des familles lors de l’exode, et parfois lors de la répartition entre centres d’insertion israéliens, a causé de nombreux traumatismes. Les changements de noms ont provoqué une rupture symbolique avec le passé. En effet, l’administration hébraïse les prénoms, et exige des noms de famille, qui n’existent pas dans la société éthiopienne. Ces changements de noms ont créé un système à deux niveaux, où anciens et nouveaux noms se superposent, s’utilisent et se concurrencent. L’immersion dans l’hébreu[62] n’a pas été simple, une majorité[63] d’immigrants n’arrivant pas, même après des années en Israël, à le maîtriser, ce qui entraîne une forte marginalisation sociale. Enfin, la remise en cause des pratiques religieuses traditionnelles par le rabbinat a été un moment de désarroi.

Les sociologues israéliens ont noté divers problèmes d’adaptation, entraînant chez une minorité des problèmes psychologiques aigus, voire des suicides dans les années suivant immédiatement l’immigration. À la fin des années 1980, « la proportion de suicides chez les Juifs éthiopiens a ainsi dépassé celui de toutes les autres communautés nationales immigrées »[64], avant de baisser.

Les nouvelles générations se sont par contre rapidement fondues dans la culture israélienne, avec quelques spécificités : « le développement d’une sous culture israélo-afro-américaine, et l’identification avec la musique noire comme le reggae et le rap, servent à structurer leur identité »[65]. Cette identification aux codes vestimentaires et musicaux des noirs américains participe aussi d’un « choc des générations » avec les adultes immigrés d’Éthiopie.

La constitution de quartiers spécifiques

Le problème du logement est un problème récurrent à chaque immigration massive en Israël, et ce depuis les années 1950. Dans le cas des Éthiopiens, différentes solutions ont été mises en œuvre, en particulier des camps de mobile home. Satisfaisantes en termes de confort, ces solutions « provisoires », mais qui ont parfois tendance à durer, ont eu deux inconvénients. D’une part, elles repoussent à la périphérie des villes les nouvelles populations, créant des groupes ethniquement assez homogènes et freinant leur intégration. D’autre part, ces zones sont parfois loin des emplois offerts par l’économie israélienne, sont mal ou pas desservies par les transports en commun, amplifiant ainsi les problèmes de chômage.

Avec le temps, les Éthiopiens s’installent en ville, créant « des enclaves ethniques ou des familles étendues se regroupent volontairement[66] ». Les « blancs » ont de plus tendance à quitter les zones de fortes concentrations éthiopiennes, avec le risque à terme de constitution de ghettos.

L'évolution religieuse

Femmes Falashas en prière au Mur des Lamentations
Hommes Falashas en prière au Mur des Lamentations

Certains haredim (ultra orthodoxes) ne reconnaissent toujours pas les Beta Israel comme Juifs, et pas seulement ceux d’origine Falash Mura.

Sans aller jusque là, le rabbinat israélien a toujours exprimé des doutes sur la validité des mariages et des conversions effectuées par les Beta Israel, ceux-ci étant non conformes à la Halakha. Il a ainsi été demandé des conversions simplifiées avant chaque mariage, afin de sécuriser le statut de Juif des nouveaux immigrants. Acceptée par les premiers immigrants du Tigré, cette cérémonie a été majoritairement refusée à partir de 1985 par les immigrants du Gondar, entraînant un long conflit avec le grand rabbinat. Celui-ci a finalement accepté de limiter le nombre de ces conversions symboliques aux seuls cas les plus douteux. Paradoxalement, les Falash Mura étant souvent convertis en bonne et due forme[67] lors de leur immigration peuvent avoir moins de problème de statut personnel.

Concernant l’encadrement religieux, la soixantaine de Kessim (prêtres) éthiopiens émigrés en Israël ont été salariés par le ministère des cultes, et continuent à animer nombres de cérémonies religieuses. Ils ne sont cependant pas reconnus comme rabbins et n’ont donc par exemple pas le droit de célébrer des mariages (monopole des rabbins en Israël, au moins pour les Juifs). Pour ceux qui étaient les garants de la communauté, la perte de prestige et de statut social est donc importante, et généralement mal vécue. Beaucoup de rabbins les associent cependant encore aux mariages de la communauté. Une nouvelle génération de rabbins d’origine éthiopienne est également en train d’apparaître, reprenant progressivement le pouvoir religieux aux Kessim, après avoir été formée dans les Yechivot israéliennes. En 2005, on comptait néanmoins 8 nouveaux Kessim ordonnés en Israël depuis le début de l’immigration[68]. Eux ne sont pas reconnus par le ministère des cultes, qui souhaite un alignement à terme des pratiques religieuses éthiopiennes sur celles des Juifs orthodoxes. Les anciens et les nouveaux Kessim rejettent généralement avec plus ou moins de vigueur les règles rabbiniques tirées du Talmud, dont ils considèrent qu’elles ne sont pas prescrites par l’Orit (la Bible).

Encore plus en rupture avec le rabbinat israélien sont les disciples de Abba Beyene, qui se présente comme le dernier moine Beta Israel éthiopien (cf supra). Celui-ci, emprisonné en Éthiopie pour sionisme, « n’accepte pas la position rabbinique quand elle est en conflit avec sa propre compréhension de la pratique juive, qui est d’abord basée sur les cinq livres de Moïse (Pentateuque), et non sur le Talmud[68] ». Ses pratiques ascétiques et communautaires attirent de jeunes Israéliens d’origine éthiopienne, qui aspirent à retrouver leurs racines religieuses, face à l’assimilation culturelle de la majorité de leur communauté. Sa démarche s’inscrit aussi dans une volonté de voir renaître l’antique pratique des moines juifs éthiopiens.

Malgré cet attachement de certains aux pratiques éthiopiennes, les traditions religieuses Beta Israel semblent rapidement reculer, combattues par le rabbinat et le mode de vie israélien. La grande majorité des élèves issus de l’immigration ont été pris en charge par le réseau scolaire religieux d’État[69], lequel promeut les pratiques juives « orthodoxes ». « Ce décalage intergénérationnel entraîne un fossé entre les jeunes, qui prient en hébreu selon le rite juif orthodoxe, et les parents, qui tentent tant bien que mal de ne pas abandonner les structures du culte traditionnel »[70]. Cependant, avec le temps, « les adolescents [...] sont de moins en moins scolarisés dans [...] le réseau éducatif religieux[71] », et la sécularisation progresse.

La fête du Sigd.

Les lois extrêmes de pureté régressent fortement, même si on a pu noter des femmes s’isolant encore pendant leurs règles. En l’absence de « hutte du sang », cet isolement a pu se faire dans une chambre, sur un balcon, et parfois même dans un placard. Les sociologues ont noté que parallèlement à la régression des pratiques traditionnelles (déjà amorcée en Éthiopie depuis les années 1950), des sentiments de perte, de culpabilité et même des phobies se développaient chez les nouveaux immigrants. Selon les paroles du Qés Maru, « en Israël, [...] les enfants font ce qu'ils veulent [...] nous ne pouvons pas conserver notre religion, tout est détruit ici »[72]. L'abandon des pratiques de pureté choque particulièrement les adultes immigrés. En Éthiopie, ces pratiques différenciaient les Beta Israel des chrétiens. Le comportement « impur » des Juifs israéliens apparait donc comme particulièrement blâmable. Le refus de consommer de la viande cachère, considérée comme impure, car non abattue selon les coutumes Beta Israel, est particulièrement fort dans l'ancienne génération.

Le judaïsme orthodoxe israélien a accepté certaines pratiques peu nombreuses, comme le festival du Sigd (ou Seged, ou Segd)[73]. Le 29 du mois hébreu de Hechvan, les membres de la communauté juive éthiopienne jeûnent et se rendent à Jérusalem en pèlerinage, où les Kessim récitent des parties de l’Orit. La fête a cependant perdu une partie de sa signification religieuse, et est devenue également un rassemblement communautaire et politique, où se pressent les représentants de l’État.

Situation socio-économique

Une manifestation en 2006 contre les difficultés d'intégration en Israël.
Présentation d'un programme de formation soutenu par l'armée. Tsahal est une voie d'intégration au sein de la société.

La plus grande difficulté des Éthiopiens réside sans doute dans le niveau de formation très bas des immigrants. À quelques exceptions près, ceux-ci n’avaient à leur arrivée aucune formation utilisable par une économie développée comme celle d’Israël, et ne connaissaient pas l’hébreu. L’analphabétisme était très répandu (90% chez les adultes de 37 ans ou plus, selon une estimation[74]), même si les jeunes étaient mieux formés et qu’une minorité avait fréquenté les établissements secondaires en Éthiopie. Concernant l’immigration plus récente des Falash Mura, des ONG (comme la North American Conference on Ethiopian Jewry) tentent de donner à ceux qui attendent des années en Éthiopie leur immigration une formation (assez basique) utilisable en Israël, et des notions d’hébreu. Quatre-vingts pour cent des adultes Falash Mura deviendraient cependant chômeurs en Israël[75].

Compte tenu de cet écart important entre les qualifications des Beta Israel et les besoins des entreprises israéliennes, un chômage important est constaté chez les immigrants : 65 % des plus de 45 ans en 2005[60]. Ce chômage structurel participe à l’ancrage au bas de la pyramide sociale des Beta Israel. Les jeunes générations nées ou grandies en Israël réussissent mieux leur insertion dans le tissu économique israélien, grâce à une éducation « moderne », mais les niveaux de formation constatés restent en moyenne plus modestes (en 2000, le taux de réussite au bac était de 33 %, contre 45 % pour la jeunesse juive en général[76]), et freinent l’apparition d’une véritable classe moyenne d’origine éthiopienne. En 2005, 3 000 jeunes sont cependant déjà diplômés de l’éducation supérieure, et 1 500 autres sont à l’université[60]. Mais même les diplômés ont souvent du mal à trouver un emploi.

Niveau d’éducation faible, niveau de vie très modeste, habitat défavorisé et parfois dégradé ou isolé, cet ensemble de situations liées entre elles expliquent sans doute le développement de la délinquance chez les jeunes d’origine éthiopienne : son taux en 2005 serait trois fois celui constaté chez les jeunes Israéliens toutes origines confondues[60].

Le problème du racisme

Des réactions de racisme peuvent également apparaître, surtout là où des concentrations importantes de Beta Israel existent. L’anthropologue Lisa Anteby-Yemnini rapporte les tensions au sein des centres d’intégration entre olim (nouveaux immigrants) éthiopiens et ex-soviétiques : « vous saviez qu’en Éthiopie ils habitaient dans les arbres ? Ce sont des sauvages, et l’on veut nous faire croire qu’ils sont Juifs ! »[77]. Certains maires, comme celui d’Or Yehuda[78], ont aussi refusé l’implantation d’Éthiopiens dans leurs communes, considérant qu’un « seuil de tolérance » était dépassé et craignant une baisse du niveau scolaire et une hausse de la délinquance.

Ces réactions participent de la montée de revendications et de contestations chez les jeunes Éthiopiens, une minorité pouvant même être très virulente : « Israël est l’un des États les plus racistes au monde envers les noirs [...]. Quand j’étais plus jeune, j’ai essayé [...] d’aller dans des clubs avec des amis blancs, mais on ne me laissait pas entrer[79] ». De façon moins abrupte, le même article indique que « beaucoup d’Éthiopiens de 20 ou 30 ans, qui sont nés en Israël ou y ont immigré jeunes, admettent que bien qu’ils soient passés par "le creuset" du service militaire[80], ils se sentent toujours différents et non désirés dans les lieux de rencontre des Israéliens et préfèrent traîner dans leurs propres endroits » (comme des clubs « noirs »).

Confirmant ce sentiment d’exclusion, un sondage publié par le Jerusalem Post en 2005 indiquait que 43 % des Israéliens ne souhaitaient pas qu’eux-mêmes ou leurs enfants épousent un ou une Beta Israël[81].

L’utilisation aujourd’hui courante du terme « Éthiopien », en lieu et place de Beta Israel ou même de « Juif d’Éthiopie », et ce tant par les intéressés que par leur environnement israélien, confirme la structuration ethno-communautaire des jeunes générations autour d’une couleur de peau et d’une origine.

Si le terme « noir » commence à être revendiqué par la jeune génération, il a par contre été rejeté par ses parents, car en Éthiopie, dans « le système de perceptions raciales qui domine le monde des Beta Israel[41] » les « noirs » (t’equr) étaient les Barya, minorité Beta Israel méprisée d’origine servile (cfr supra). Les Barya vivent maintenant en Israël, et sont officiellement reconnus comme Juifs, mais les distinctions sociales existent toujours, et des préjugés racistes virulents existent à leur encontre chez beaucoup de Beta Israel (sales, ignorants, sauvages, maudits, impurs), et pas seulement dans l’ancienne génération[41]. Les mariages avec eux restent normalement prohibés. Les nouvelles réalités israéliennes ayant rendu les baryas indépendants de leurs anciens maîtres, on voit aussi apparaître une revendication barya, parfois pleine de colère, contre l’exclusion par les autres Beta Israel.

Associations et revendications

Shlomo Molla, député du parti Kadima, élu en 2009.

Très rapidement, l’auto-organisation des Éthiopiens a émergé comme une réalité politique en Israël. Elle est plus le fait des immigrés du Gondar que de ceux du Tigré ou des Falash Mura, plus discrets. Dès la fin de 1985 ont été menées des protestations collectives contre les exigences du rabbinat de pratiquer une cérémonie de conversion simplifiée avant tout mariage. Les associations n’ont depuis lors cessé de se multiplier, à tel point qu’on a pu dire, en exagérant beaucoup, qu’il y en avait autant que de familles. Lisa Anteby-Yemini parle d’« amour du litige[82] ». La société Beta Israel est en effet basée sur le village et la famille élargie, et bâtir des solidarités transcendant les anciennes divisions semble encore difficile. L’émiettement des associations reste important, même si la majorité sont regroupées au sein de « l'Organisation des Juifs éthiopiens en Israël ». Mais ces divergences n’empêchent pas des mouvements de revendication assez réguliers.

Le plus important a été celui de 1996, quand il a été découvert que les dons de sang faits par les Éthiopiens étaient discrètement et systématiquement détruits par les services de santé, pour cause de contamination d'une minorité par le virus du Sida[83]. La colère fut très vive, et les accusations de racisme particulièrement virulentes, ponctuées de manifestations de masse et d'une forte mobilisation de la communauté.

Les partis politiques israéliens ont tenté de séduire cet électorat. De 1996 à 1999 le juriste Addisu Messele a ainsi siégé au sein de la 14e Knesset sous les couleurs du parti travailliste. Après les élections de 2009, Shlomo Molla, du parti Kadima, est devenu le seul parlementaire d'origine éthiopienne[84].

Globalement, l'électorat « éthiopien » se montre plutôt sensible aux thèses de la droite israélienne, en particulier du fait de l’attitude plus favorable de celle-ci en faveur de leur immigration, et ce à partir du gouvernement de Menahem Begin (1977).

L’intégration : synthèse

En définitive, l’intégration des Éthiopiens à la société israélienne progresse, mais la situation sociale et culturelle des Beta Israel reste difficile. Leur culture traditionnelle, fondée sur l’isolement du milieu chrétien, la vie villageoise, la famille élargie et des traditions religieuses spécifiques semble en toute hypothèse ne pas pouvoir survivre en l’état dans la société urbaine et « moderne » d’Israël.

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • (fr) Tidiane N'Diaye, Les Falachas, Nègres errants du peuple juif, Gallimard, 2004, (ISBN 2070771350)
  • (fr) Tidiane N'Diaye, « Les Falachas (Juifs noirs éthiopiens) », in Revue européenne des migrations internationales (REMI) CNRS, n° 1, Paris, 2005.
  • (fr) Lisa Anteby-Yemini, Les Juifs éthiopiens en Israël : les paradoxes du paradis, CNRS Éditions, Paris, 2004, (ISBN 2271062055)
  • (fr) Daniel Friedmann, Les enfants de la reine de Saba, Edition Métailié, 1994, (ISBN 2864241854)
  • (fr) Edith Ochs et Bernard Nantet, À la découverte des Falasha, la tribu retrouvée, Payot, 10/198, (ISBN 2228891916)
  • (en) Tudor Parfitt et Emanuela Trevisan Semi, The Jews of Ethiopia, The Birth of an Elite, Routledge, Novembre 2004, (ISBN 0415318386)

Filmographie

Liens externes

Notes et références

  1. http://www.iaej.co.il/newsite/Data/UploadedFiles/SitePages/917-sFileRedir.pdf
  2. a, b et c Key Ethiopian advocacy group in danger, RUTH EGLASH, Jerusalem Post, 17 avril 2009.
  3. En cas de difficulté d'affichage, il faut installer la police ftp://ftp.ethiopic.org/pub/fonts/TrueType/gfzemenu.ttf.
  4. Bétä Esraél est la transcription la plus proche de l’éthiopien, mais est aujourd’hui remplacé par une forme plus israélienne : Beta Israel.
  5. Les Juifs éthiopiens en Israël, P. 25.
  6. D’après Stephen Kaplan en 1992, cité par Les Juifs éthiopiens en Israël, P. 228.
  7. Cité par Les Juifs éthiopiens en Israël, P. 228.
  8. Les Juifs éthiopiens en Israël, P.227.
  9. Les Juifs éthiopiens en Israël, P. 229.
  10. Le Livre des Nombres parle d’une période d’impureté de 7 jours (Nb 19, 11), mais ce commandement n’est plus pratiqué par le Judaïsme rabbinique actuel, ce qui choque d’ailleurs grandement les Beta Israel.
  11. En Arabe, le terme masjid signifie mosquée, et est emprunté à l'araméen masged, lequel dérive d’une racine proto-sémitique signifiant « poser le front au sol », rappelant qu’il s’agit d’un lieu de prosternation. Le terme masgid semble emprunté au mot arabe signifiant mosquée, mais a peut-être une origine autonome, sur la base de la racine commune.
  12. Sur le rôle détaillé des däbtära, cf. Stephen Kaplan (1990), K. Selemay (1992) et W. Leslau (1957).
  13. Les Juifs éthiopiens en Israël, P.101.
  14. Les enfants de la reine de Saba, P.24.
  15. Le terme Ayud (Juif) s’utilise cependant à l’époque pour désigner d’autres non chrétiens, ou des « hérétiques » chrétiens. Les glorieuses victoires semblent bien parler des Beta Israel, mais il subsiste un doute. Voire à ce sujet les Juifs éthiopiens en Israel, P. 18.
  16. Steven Kaplan, "Betä ésrel", in Siegbert von Uhlig, ed., Encyclopaedia Aethiopica: A-C (Wiesbaden: Harrassowitz Verlag, 2003), p.553. Voir aussi la traduction anglaise des glorieuses victoires de Amda-Syon, par G.W.B. Huntingford, Oxford, Clarendon Press, p. 61.
  17. Les enfants de la reine de Saba, P.51.
  18. Traduction anglaise de C.F. Beckingham et G.W.B.Huntingford, Londres, Hakluyt Society, 1954, pp. 54-55.
  19. Cette thèse est défendue comme probable ou au moins plausible par plusieurs auteurs, comme :
    • Paul B. Henze : Layers of Time: A History of Ethiopia, Palgrave, New-Tork, 2000, (ISBN 0312227191),
    • Steve Kaplan : The Bete Israel (Falasha in Ethiopia: from Earliest Times to the Twentieth Century), New York University Press, nouvelle édition, 1994, (ISBN 0814746640),
    • James Quirin : The Evolution of the Ethiopian Jews: A History of the Bete Israel (Falasha) to 1920, University of Pennsylvania Press, 1992, (ISBN 0812231163).
  20. Voir l’article Le christianisme éthiopien, de l’historien Stéphane Ancel, 2002, sur le site de clio.
  21. a et b Qu'on ne trouve pas dans le Pentateuque.
  22. Du moins jusqu'au XXe siècle.
  23. Gérard Lucotte et Pierre Smets dans Human biology, Origins of Falasha Jews studied by haplotypes of the Y chromosome, vol. 71, décembre 1999, pp. 989-993, [1]. Les conclusions sont les mêmes pour Zoossmann-Diskin A, Ticher A, Hakim I, Goldwitch Z, Rubinstein A, Bonne-Tamir B, dans leur article « Genetic affinities of Ethiopian Jews », publié le 27 mai 1991 dans l'Israel journal of medical sciences [2] Enfin, M. F. Hammer, A. J. Redd, E. T. Wood, M. R. Bonner, H. Jarjanazi, T. Karafet, S. Santachiara-Benerecetti, A. Oppenheim, M. A. Jobling, T. Jenkinsdagger, H. Ostrer, et B. Bonné-Tamir classent les Beta Israel dans un groupe totalement distinct des populations juives occidentales, qui ont plus de connexions avec les populations moyen-orientales. Voire leur article « Jewish and Middle Eastern non-Jewish populations share a common pool of Y-chromosome biallelic haplotypes », publié le 9 mai 2000 dans Proceedings of the National Academy of Sciences.
  24. On connaît quelques exemples de chrétiens auto convertis à la religion de l’Ancien Testament, comme le petit groupe de San Nicandro, dans le Sud de l’Italie, dans l’entre-deux guerres (groupe officiellement converti au judaïsme orthodoxe par les rabbins après la seconde guerre mondiale), ou les Black Hebrews des USA.
  25. Les juifs éthiopiens en Israël, P. 19.
  26. Selon un thèse développée par exemple par Righteous Jews Honored by Falasha Supporters, AAEJ Press Release, 1981. - Voir aussi J.A. Quirin, The beta Israel (Falasha) in Ethiopian History : Caste Formation and Culture Change (1270-1868), 1977, page 74.
  27. a et b les enfants de la reine de Saba, 1994, page 59.
  28. Le Dembea est une subdivision du Gondar.
  29. Les Enfants de la reine de Saba, P. 62.
  30. Parmi ces rabbins, le rabbin allemand de grande renommée, Israël Hildesheimer de Eisenstadt (1820-1899).
  31. Joseph Halévy, Missions en Abyssinie, repris dans L’univers israélite, PP.279-280 et cité par Les Enfants de la reine de Saba, p.67.
  32. Lettre de Michael Aragawi, Beta Israel converti au christianisme, à la direction de la London Society, rapporté par Stephen Kaplan dans « Quifu-Quen, the great famine of 1888-1892 and the Beta Israel (Falasha) », Volume XXXVI, P.70, cité par les enfants de la reine de Saba, P.70.
  33. Les enfants de la reine de Saba, P. 72.
  34. Les enfants de la reine de Saba, PP. 80-82.
  35. Les enfants de la reine de Saba, PP. 160-163.
  36. American Jewish Joint Distribution Committee
  37. Voir son livre Igrot Hareiya ou Igerot Reyiah, partie 2, publié pour la première fois en 1923.
  38. Joseph Halévy, « Rapport au comité central de l’Alliance israélite universelle concernant la mission auprès des Falachas, présenté à la séance du 30 juillet 1868 », l’Univers israélite, p.89, cité par les enfants de la reine de Saba, P.30.
  39. J Faitlovitch, « Israélites falachas », Bulletin de l’Alliance israélite universelle, vol. LXVII, PP 96-100, cité par Les Enfants de la reine de Saba, p.30.
  40. Les Enfants de la reine de Saba, p.31.
  41. a, b, c, d et e Hagar Salamon, « Blackness in Transition: Decoding Racial Constructs through Stories of Ethiopian Jews », dans le Journal of Folklore Research, Volume 40, N° 1 - voir l’article
  42. Les populations d’une large partie de l’Éthiopie, de l’Érythrée ou de la Somalie sont issues d’un métissage très ancien entre populations africaines et populations du sud de l’Arabie. Voir à ce sujet « Genetics affinities of Ethiopian Jews », Israel Journal of medical sciences, Volume 27, PP. 246-250, ou l'étude de Ornella Semino, Chiara Magri, Giorgia Benuzzi, Alice A. Lin, Nadia Al-Zahery, Vincenza Battaglia, Liliana Maccioni, Costas Triantaphyllidis, Peidong Shen, Peter J. Oefner, Lev A. Zhivotovsky, Roy King, Antonio Torroni, L. Luca Cavalli-Sforza, Peter A. Underhill, and A. Silvana Santachiara-Benerecetti publiée le 6 avril 2004 dans The american journal of human genetics [3].
  43. Les Juifs éthiopiens en Israël, P. 469.
  44. Les Juifs éthiopiens en Israël, P. 223.
  45. Symboles rapportés par JG Abbink, Tje Falashas in Ethiopia and Israel: the problem of ethnic assimilation, Social anthropologische Cahiers, volume XV, Nijmegen, ICSA, 1985, cité par Daniel Friedman, les enfants de la reine de Saba, 1994, page 80. A noter que le pot est déjà cité comme un symbole Falasha dans la Géographie universelle d'Élisée Reclus, Hachette, 1884.
  46. Daniel Friedman, Les Enfants de la reine de Saba, 1994, page 80.
  47. Les Enfants de la reine de Saba, PP. 90-92.
  48. Les Juifs éthiopiens en Israël, p. 22.
  49. a, b et c Aliyah Statistics 1948 - November 2009 (Selected Countries) et Aliyah Statistics for November 2010, sur le site officiel de l'Agence juive, consulté le 25 juin 2011.
  50. Discours du Trône d'Hailé Sélassié Ier inaugurant la nouvelle session parlementaire, le 2 novembre 1973 : « l'Éthiopie respecte rigoureusement certains principes fondamentaux énoncés dans la Charte des Nations unies et dans la Charte de l'Organisation de l'unité africaine. Par exemple, l'Éthiopie s'est toujours opposée à l'annexion de territoires par les armes. [...] Israël ayant refusé de se retirer de ces territoires occupés par la force en 1967, l'Éthiopie a rompu ses relations diplomatiques avec cet État, en attendant que le gouvernement israélien se retire des territoires appartenant à d'autres États. »
  51. En décembre 1976, une délégation éthiopienne se rend à Moscou et signe un accord d'assistance militaire avec l'Union soviétique. En avril 1977, l'Éthiopie résilie son accord d'assistance militaire avec les États-Unis et expulse les forces militaires basées en Éthiopie (base de Kagnew).
  52. 300 000 morts d'après Médecins sans frontières. Voir l'article « ÉTHIOPIE Une famine annoncée », sur le site de MSF.
  53. Les Enfants de la reine de Saba, p. 106.
  54. G.J. Abbink, « The falasha in Ethiopia and Israel : the problem of ethnic assimilation », dans social Anthropoligische Cahiers, Volume XV, Nijmegen, ICSA, 1985.
  55. Les enfants de la reine de Saba, P. 110.
  56. Les enfants de la reine de Saba, P. 112.
  57. « After 8-year downturn, aliyah up for second consecutive year », Haaretz du 5 septembre 2010, par Nir Hasson.
  58. a et b Journal Libération du 16/12/2010, « Israël ouvre la porte à 8 000 juifs éthiopiens », par DELPHINE MATTHIEUSSENT.
  59. [Landver flies to Ethiopia to resolve fate of Falash Mora http://www.jpost.com/JewishWorld/JewishNews/Article.aspx?id=180898], un article de RUTH EGLASH, en date du 09/07/2010, version en ligne du Jerusalem Post.
  60. a, b, c et d Haaretz, Breaking the glass ceiling, 05/06/2005. Voir l'article.
  61. Matthew Wagner, « Ethiopians fight Christian proselytizers », Jerusalem Post du 18/10/2006.
  62. Le passage en Oulpan (école d’hébreu) est doublé pour les Beta Israel : 10 mois au lieu de 5 pour les autres immigrants.
  63. En 1999, 75 % des adultes immigrés ne pouvaient ni lire ni comprendre l’hébreu, d’après une étude du ministère de l’immigration, cité par BBC News du 17 novembre 1999. Voir article.
  64. Les Enfants de la reine de Saba, p. 237.
  65. Malka Shabtai, anthropologue, citée par Haaretz du 13 juin 2005 dans l’article « African Israelis / Ethiopians reject Israeli society, as it has rejected them ». Voir l'article.
  66. Les juifs éthiopiens en Israël, P. 345.
  67. Il a été noté des refus de conversion par le rabbinat à l'encontre de jeunes nouveaux immigrants ayant pourtant suivi la formation religieuse, parce que ceux-ci avaient choisi d'étudier dans des écoles laïques en Israël.
  68. a et b Haaretz, 13 juin 2005.
  69. En 1 995,86 % des jeunes issus de l’immigration éthiopienne étaient dans le réseau scolaire religieux d’État, d’après une étude de Stephen Kaplan et Hagar Salamon de 1998, citée dans Les Juifs éthiopiens en Israël, P. 191.
  70. Les Juifs éthiopiens en Israël, P. 230.
  71. Les Juifs éthiopiens en Israël, p. 358.
  72. Les Juifs éthiopiens en Israël, p. 481.
  73. Sigd signifie approximativement « prosternation » en amharique.
  74. T. Wagaw, en 1993, estime que plus de 90 % des adultes de plus de 37 ans sont analphabètes lors de leur immigration. Par contre il estime que 37 % des jeunes de moins de 25 ans ont suivi une scolarité de six ans ou plus. Cité par Les Juifs éthiopiens en Israël, p. 115.
  75. D'après Shlomo Mula, directeur du service de l'Agence juive pour l'absorption des immigrés éthiopiens, cité dans un article d'Amiram Barkat : « Ethiopian immigrants not being prepared for new life in Israel », Haaretz du 29/05/2006.
  76. Les juifs éthiopiens en Israël, P. 492.
  77. Les Juifs éthiopiens en Israël, p.102.
  78. « Ethiopian children cannot go to school in Or Yehuda while politicians argue », Haaretz, 09/04/2005
  79. Ilan Adamka, cité par Haaretz du 13 juin 2005 dans l’article « African Israelis / Ethiopians reject Israeli society, as it has rejected them ». Voir l'article.
  80. Le service militaire dure deux ans pour les femmes, trois ans pour les hommes.
  81. « Racism alive and well in Israeli society », Jerusalem Post du 22 mars 2005.
  82. Les juifs éthiopiens en Israël, P. 355.
  83. Selon la commission Navon, constituée suite à ce scandale, sur les 1 400 cas de séropositivité en Israël, 550 se recensaient parmi les immigrants éthiopiens. Voir le rapport de la commission du 29 juillet 1996.
  84. Cutbacks threaten Falash Mura aliya, par RUTH EGLASH, 30 avril 2009, Jerusalem Post.


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