Marc Bloch

Marc Bloch
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Marc Léopold Benjamin Bloch
Naissance 6 juillet 1886
Lyon
Décès 16 juin 1944 (à 57 ans)
Saint-Didier-de-Formans
Nationalité Drapeau : France Français
Profession Historien
Autres activités Membre de la Résistance
Distinctions Croix de guerre 1914-1918 ; Légion d'honneur

Marc Léopold Benjamin Bloch, né le 6 juillet 1886 à Lyon (Rhône) et mort sous les balles allemandes le 16 juin 1944 à Saint-Didier-de-Formans (Ain), est un historien français, fondateur avec Lucien Febvre des Annales d'histoire économiques et sociales en 1929. Marc Bloch a donné à l'école historique française une renommée bien au delà de l'Europe. C'est un combattant de la Grande Guerre décoré de la Croix de guerre et un membre de la Résistance durant la Seconde Guerre mondiale.

Sommaire

Biographie

Premiers pas d'historien

Issu d'une famille juive, Marc Bloch est le fils de Gustave Bloch, professeur d'histoire ancienne à l'université de Lyon, lui-même fils d'un directeur d'école. Il fait des études secondaires brillantes à Paris, au lycée Louis-le-Grand puis entre à l'École normale supérieure en 1904. Il est reçu à l'agrégation d'histoire et géographie en 1908. Marc Bloch suit de 1908 à 1909 les cours des facultés de Berlin et de Leipzig avant d'être pensionnaire à la Fondation Thiers (1909-1912).

Professeur de lycée (Montpellier puis Amiens) quand éclate la Première Guerre mondiale, il est mobilisé comme sergent d'infanterie. Chef de section, il termine le conflit avec le grade de capitaine dans les services de renseignement. Marc Bloch est cité quatre fois à l'ordre de l'armée, est décoré de la Légion d'honneur pour faits militaires et reçoit la Croix de guerre.

Plaque à l'Université de Strasbourg (Palais Universitaire)

En 1919, il épouse Simone Vidal, fille d'un polytechnicien dont la famille, depuis le XVIIIe siècle, était enracinée dans le Comtat Venaissin et en Alsace ; six enfants naissent de ce mariage, dont Étienne, l'auteur de la « biographie impossible » en 1997. Marc Bloch est nommé professeur à la faculté de Strasbourg, redevenue française en 1919 ; ses qualités professorales et sa rigueur méthodologique représentent alors une vitrine prestigieuse pour l'université française. Il y rejoint des enseignants de premier ordre comme Lucien Febvre, André Piganiol, avec qui il noue des liens fructueux. Il soutient une thèse de doctorat allégée, au propos déjà neuf, sur l'affranchissement des populations rurales de l'Ile-de-France au Moyen Âge : Rois et Serfs (1920).

Marc Bloch publie en 1924 son œuvre magistrale, Les Rois thaumaturges. Il y expérimente avec audace une méthode comparatiste empruntée aux maîtres de linguistique (il parle lui-même une dizaine de langues). En 1931, son ouvrage le plus maîtrisé, Les Caractères originaux de l'histoire rurale française, innove une fois encore, car il exploite une interdisciplinarité peu courante à cette époque (botanique, démographie, etc.) pour mieux comprendre l'évolution des structures agraires de l'Occident médiéval et moderne. En 1928, Marc Bloch introduit sa candidature au Collège de France et propose d'enseigner une « histoire comparée des sociétés européennes ». Ce projet échoue. Il retentera sa chance en 1934-1935, mais avec le même résultat.

L'aventure des Annales

Bloch participe en 1929, avec le « groupe strasbourgeois » dont Lucien Febvre, à la fondation des Annales d'histoire économique et sociale dont le titre est déjà en lui-même une rupture avec « l’histoire historisante », triomphante en France depuis l'école positiviste. Bloch y publie jusqu'à la guerre d'importants articles et surtout de brillantes notes de lecture dont l'impact méthodologique s'est fait encore sentir après sa mort et jusqu'à aujourd'hui.

Succédant à Henri Hauser à la Sorbonne en 1936 (chaire d'histoire économique), la guerre le surprend dans la plénitude de sa carrière et de ses recherches.

Un historien dans la guerre

L'engagement décennal de Marc Bloch

Malgré son âge (53 ans), une polyarthrite invalidante et une famille nombreuse, il a demandé à combattre, se déclarant lui-même « le plus vieux capitaine de l’armée française ». Affecté au service des essences, il refuse de suivre les cours de l’École de guerre, ce qui lui interdit toute future promotion. Sa conduite durant la guerre lui vaudra d'être cité à l'ordre du Corps d'Armée.

Il voit de très près le naufrage de la IIIe République. Marc Bloch a tiré de cet événement majeur, qui a bouleversé sa vie, L'Étrange Défaite, un livre posthume écrit dans la maison qu'il possédait au hameau de Fougères, commune du Bourg-d'Hem (Creuse), de juillet à septembre 1940. Ce livre, qu'il présente comme le témoignage d'un historien, est publié en 1946.

Après la Campagne de France de 1940, il est - en tant que juif - exclu de la fonction publique par le gouvernement de Vichy en octobre 1940. Son appartement parisien est réquisitionné par l'occupant, sa bibliothèque expédiée en Allemagne. Il est rétabli dans ses fonctions pour services exceptionnels par le secrétaire d'État à l'Éducation nationale Jérôme Carcopino, ancien élève de son père, et nommé à la Faculté de Strasbourg repliée à Clermont-Ferrand. Il y continue ses recherches dans des conditions de vie très difficiles et en proie aux pires inquiétudes. Du fait de la santé de sa femme, il demande et obtient une mutation à Montpellier en 1941.

Il rédige par la suite, sans documents et dans des conditions difficiles, Apologie pour l'histoire, ou Métier d'historien, publié en 1949 par les soins de Lucien Febvre, livre dans lequel il résume avec brio les exigences singulières du métier d'historien.

Il entre dans la clandestinité fin 1942, quand les Allemands envahissent la zone libre. En 1943, après l'invasion de la zone sud qui ne le laisse en sécurité nulle part, il s'engage dans la Résistance, dont il devient un des chefs pour la région lyonnaise au sein de Franc-Tireur, puis dans les Mouvements unis de la Résistance (MUR). Il est arrêté à Lyon le 8 mars 1944 par la Gestapo, torturé, et meurt fusillé aux côtés de quelques autres résistants qu'il animait de son courage, le 16 juin. Ses cendres ont été rapportées dans le cimetière du Bourg-d'Hem.

Marc Bloch est le grand-père de la journaliste Suzette Bloch.

Un legs considérable

Marc Bloch, moins polémique que son aîné Lucien Febvre, le rejoint cependant par la rigueur de ses analyses et sa volonté d'ouvrir le champ de l'histoire aux autres disciplines scientifiques. De plus, sa contribution à l‘histoire médiévale, par la variété de ses sources et la rigueur de son analyse, reste encore aujourd'hui largement utilisée par les chercheurs.

Envoi de Marc Bloch à Maurice Halbwachs (1928).
Ouvrage conservé à la Bibliothèque de sciences humaines et sociales Paris Descartes-CNRS.

À l'instar de ses collègues de l’École des Annales, Marc Bloch suggère de ne pas utiliser exclusivement les documents écrits et de recourir à d’autres matériaux, artistiques, archéologiques, numismatiques… Plus qu’aucun autre responsable des Annales, il s’oriente vers l’analyse des faits économiques. Également partisan d’une unicité des sciences de l'homme, il cherchera un recours permanent à la méthode comparative, favorisera la pluridisciplinarité et le travail collectif chez les historiens.

En 1997, la place Marc-Bloch dans le 20e arrondissement de Paris prend son nom en hommage. En juin 2006, plusieurs historiens demandent, dans le Figaro littéraire, son transfert au Panthéon[1].

Citation

« Mon père, Marcel Fonfrède, 20 ans à l'époque, s'est retrouvé emprisonné dans la même cellule de condamnés à mort à Montluc. Il se souvient de ce Monsieur Marc Bloch qui rentrait dans la cellule bleu de coups, chose que mon père n'a pas osé dire au fils de Marc Bloch. Marc Bloch discutait discrètement avec un autre monsieur qu'il semblait connaître. Avec mon jeune pas encore père, il donnait son cours sur la paysannerie du moyen âge, la culture en cercle, etc. Ils avaient trouvé un bout de papier et fabriqué un mini jeu d'échecs qu'ils cachaient. Ils y jouaient pendant des heures. Dans la cellule ils étaient 6, dont un clochard qui s'en est bien sorti après Dachau, un autre bizarre, trop bien nourri, qui semblait avoir été mis là pour espionner. Mon père a toujours parlé de Marc Bloch en étant intimidé et honoré d'avoir partagé quelques mois dramatiques, vu la différence d'âge, et la situation. »[réf. souhaitée]

Publications

Première édition des Caractères originaux en 2 volumes chez Armand Colin
  • Rois et Serfs, thèse soutenue en 1920
  • Les Rois thaumaturges, 1924 (dernière réédition chez Gallimard en 1998)
  • Les Caractères originaux de l'histoire rurale française, 1931 (dernière réédition chez Pocket, avec une préface de Pierre Toubert, en 2006) Tome 1 Tome 2
  • La Société féodale, 2 vol., 1939-1940 (dernière réédition chez Albin Michel, en un seul volume, en 1998).[1]
  • L'Étrange Défaite, 1940 (première publication en 1946). [2]
  • Apologie pour l'histoire ou métier d'historien, 1941 (première publication en 1949)[3]
Ces deux derniers textes sont réédités avec de nombreux autres dans le recueil établi par Annette Becker et Etienne Bloch : L'Histoire, la Guerre, la Résistance, Gallimard, collection « Quarto », 2006.
  • La France sous les derniers Capétiens (1223-1328) [4]
  • La Terre et le Paysan. Agriculture et vie rurale au XVIIe et XVIIIe siècles, Armand Colin, 1999, recueil d'articles avec une préface d'Emmanuel Le Roy Ladurie.
  • Mélanges historiques, CNRS éd., 2011
Correspondance
  • Marc Bloch, Lettres de la drôle de guerre, Les Cahiers de l'IHTP, cahier n° 19, décembre 1991 (lettres à son fils Etienne)
  • Bryce and Mary Lyon, The birth of Annales history - the letters of Lucien Febvre and Marc Bloch to Henri Pirenne (1921-1935), Commission royale d'histoire, Bruxelles, 1991
  • Marc Bloch, Écrire la société féodale. Lettres à Henri Berr, 1924-1943, Éditions de l'IMEC, Paris, 1992
  • Marc Bloch et Fritz Rörig, Correspondance (1928-1932), établie et présentée par Peter Schöttler, Cahiers Marc Bloch, n° 1, 1994, p. 17-52
  • Marc Bloch, Lettres à Robert Boutruche, établies par Etienne Bloch, présentées et annotées par Bertrand Müller, Cahiers Marc Bloch, n° 4, 1996, p. 25-98.
  • Marc Bloch et Lucien Febvre, Correspondance, édition établie et présentée et annotée par Bertrand Müller, 3 vol., Fayard, 2004
Comprend : (1) La naissance des Annales 1928-1933. (2) De Strasbourg à Paris, 1934-1937. (3) Les Annales en crise, 1938-1943.

Bibliographie

  • Dominique Barthélémy, in Les historiens, Paris, Armand Colin, 2003, p. 85-103.
  • André Burguière, in André Burguière (dir.), Dictionnaire des sciences historiques, Paris, PUF, 1986, p. 88-91.
  • Olivier Dumoulin, Marc Bloch, Paris, Presses de Sciences Po, 2000.
  • Carole Fink, Marc Bloch. Une vie au service de l'histoire, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1997 (version angl. 1989).
  • Lucien Febvre, « Marc Bloch et Strasbourg », Mémorial des années 1939-1945, Strasbourg, Faculté des lettres, s.d. Article repris dans Lucien Febvre, Combats pour l'Histoire, A. Colin, 1952 ; 1992 [rééd. en poche chez Press Pocket, coll. « Agora », 1995]
  • Massimo Mastrogregori, Introduzione a Bloch, Bari, Laterza, 2001.
  • Freddy Raphaël, « Les Rois Thaumaturges de Marc Bloch et la fondation de l'anthropologie politique et religieuse à Strasbourg » in Revue des sciences sociales, 2008, n° 40, p. 104-113.
  • Ulrich Raulff, Marc Bloch. Un historien au XXe siècle, Paris, Editions de la Maison des sciences de l'homme, 2006 (version all. 1995).
  • Jacques Revel, in Jacques Julliard, Michel Winock (dir.), Dictionnaire des intellectuels français, Paris, Seuil, 1996, p. 157-158.
  • Peter Schöttler (éd.), Marc Bloch - Historiker und Widerstandskämpfer, Francfort, Campus-Verlag, 1999.
  • Peter Schöttler (éd. avec Hans-Jörg Rheinberger), Marc Bloch et les crises du savoir, Berlin, 2011 (Max Planck Institute for the History of Science, Preprint 418).
  • François-Olivier Touati, Marc Bloch et l'Angleterre, Paris, Boutique de l'Histoire éditions, 2007.

Notes et références

Voir aussi

Articles connexes

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