- Andre Citroen
-
André Citroën
André Citroën Portrait de André CitroënNaissance 5 février 1878
ParisDécès 3 juillet 1935 (à 56 ans)
ParisNationalité France Profession(s) Industriel Citroën Distinctions Parc André-Citroën
Quai André-CitroënCompléments Il reçoit la Légion d'honneur en 1931. André Citroën (André Gustave Citroën), né le 5 février 1878 à Paris et mort le 3 juillet 1935, est un ingénieur polytechnicien français, pionnier de l'industrie automobile, fondateur de l'empire industriel automobile Citroën en 1919.
Il est l'une des figures les plus importantes de l’industrie automobile. Son œuvre dépasse les frontières françaises tant les méthodes de production et de marketing à grande échelle qu'il introduisit, ont révolutionné le domaine[1]. L’Amérique où s’invente la production moderne de l’automobile est devenue la référence d’André Citroën. Il désire être le Henry Ford européen, appliquant les méthodes du fordisme additionnées à l’exigence et l’innovation technologique, et de construire une voiture populaire pour mettre l’automobile à la portée du plus grand nombre[2].
André Citroën ne s'est pas fait connaître comme ingénieur automobile, mais en tant que industriel. Sa gestion de l'entreprise et son charisme plus que son « génie de l'invention » lui ont permis de s'entourer de grands noms et de talents de l'époque. Il sait les motiver grâce à un entregent hors pair[2]. Il a également su apporter les technologies développées en Europe, notamment de l'Allemagne, et d'outre-Atlantique. André Citroën n’a pas plus inventé la traction avant ou qu’il n’est le premier à avoir commercialisé une voiture dotée de cette technique. Il est également réputé pour son savoir-faire médiatique, à l'image de la formidable campagne orchestrée lors du lancement de la Traction Avant. Le slogan « En avant ! » deviendra le symbole de la firme[2].
Malgré ces nombreuses qualités, le goût pour la démesure d'André Citroën et l'expansion trop rapide de sa firme mènent la société Citroën à la liquidation judiciaire, puis à sa reprise par Michelin pour éviter la faillite.
Sommaire
Origine et jeunesse
André Citroën naît à Paris le 5 février 1878 à 0 h 30[3]. Il est le cinquième et dernier enfant[Note 1] de Lévie Citroen, diamantaire juif néerlandais, émigré à Paris en 1873, et de Masza Kleinman, juive polonaise originaire de Varsovie. Le nom Citroën possède toute une histoire. L'arrière-grand-père d'André, dénommé Roelof, est un marchand d'agrumes en Hollande. En 1811, lorsque Napoléon Ier annexe la Hollande, les hollandais sont soumis au code Napoléon et doivent choisir un nom pour leur identification. Roelof choisit alors de se faire appeler « Limoenman » (homme-citron), surnom que ses clients lui donnaient[4]. Son fils, Barend, ne prend pas la suite des affaires de Roelof et se tourne vers la négoce de joyaux, qui connaît un essor important au XIXe siècle. Suite à ce nouveau statut social, Barend francise progressivement son nom, dans un premier temps en Limoenman-Citron puis en Citroen[5].
Les époux Citroen vivent dans un appartement du 9e arrondissement de Paris, au 44, rue Laffitte, puis après la naissance de leurs enfants et l'acquisition d'un certain niveau de vie, dans la rue de Châteaudun[3]. En 1884, son père meurt alors qu'il n'a que cinq ans. Ce dernier se lança dans une spéculation à haut risque sur une mine de diamant en Afrique du Sud, mais les actions se révélèrent n'avoir aucune valeur. La famille n'est pas ruinée mais la banqueroute pèse sur les épaules de Lévie. Dans un état profond de dépression, il se suicide en se jetant par la fenêtre de l'immeuble[5]. Il est alors élevé par sa mère qui reprend l'affaire de négoce de diamants et de perles fines de son époux[6]. La famille Citroen, qui s'installe suite à cet incident au 62, rue La Fayette, reçoit une éducation totalement française, de sorte que les enfants se sentent citoyen à part entière.
André entre au lycée Condorcet, sous le nom Citroën. C'est la première fois qu'un tréma apparait sur le e. Il se révèle vite être un élève brillant, particulièrement pour les sciences et les techniques. Âgé de 9 ans, il découvre l’œuvre visionnaire avant-gardiste de Jules Verne qui l'inspirera toute sa vie. La construction de la tour Eiffel pour l'exposition universelle de 1889 l'incite à devenir ingénieur et industriel et à participer aux futurs grands défis industriels du vingtième siècle. Il intègre, en octobre 1898, l'École polytechnique, au 62e rang sur les 201 admis[7]. Son rang de sortie (160e) ne lui permet pas d'envisager une carrière au service de l'État ou d'un grand corps, ce qui néanmoins lui convient[8].
Engrenages à doubles chevrons en V
En 1900, pour les vacances de Pâques, André Citroën part rendre visite à de la famille en Pologne[8]. Pendant qu'il voyage dans les pays, André rencontre son beau-frère dont l'un de ses clients est une petite firme mécanique, qui a mis au point un procédé d'engrenages à double chevrons aux dents taillées en V. À partir de modèles en bois, ces engrenages sont moulés dans des moules en sables et sont utilisés à moindre coût pour des minoteries et dans des usines de filature[9]. André voit dans cette découverte le moyen de lancer sa carrière d'industriel indépendante. En effet, cette nouvelle conception technique permet de transmettre des puissances importantes tout en ayant un fort rapport de réduction de l'arbre de sortie[10]. Citroën propose alors à la firme d'acheter la licence du procédé de fabrication qui était à ce moment détenu par les Russes.
Les engrenages à doubles chevrons en V permettent un contact permanent entre les chevrons et, qualité importante à l'époque, d'assurer un silence de fonctionnement. Cependant, pour obtenir un fonctionnement si intéressant, il est nécessaire que les dents soient parfaitement usinées. La petite firme polonaise ne peut se permettre une telle précision de fabrication, ni même d'ailleurs les grandes entreprise de fabrication en Europe. André Citroën se tourne alors vers l'Amérique, où les constructeurs de machines-outils ont une avance certaine[11]. De retour en France, aidé financièrement par le banquier Bronislaus Goldfeder[11], il transpose l'idée avec des chevrons en acier. Il met au point, par ailleurs, une fraiseuse équipée d'un outil de coupe profilé capable de traverser le billot d'acier de part en part à un régime tour de 2 000 tr/min, atteignant ainsi la précision d'usinage requise[12].
C'est le début de l'une des plus grandes aventures industrielles des temps modernes[6]. Avant de pouvoir réellement s'occuper de sa trouvaille et commencer la production du nouveau système, Citroën doit terminer sa dernière année d'étude à l'école Polytechnique ainsi que ses années de service militaire, obligatoire à cette époque. Il passe ainsi deux ans dans le 31e régiment d'artillerie du Mans, avec le grade de sous-lieutenant.
Débuts de sa carrière professionnelle
Automobiles Mors
Appelé au chevet de la société automobile Mors en difficulté, pourtant célèbre pour avoir battu au début du siècle des records de vitesse, il participe à son redressement entre 1906 et 1914, lui permettant de décupler son chiffre d'affaires[13]. Il est ainsi nommé directeur général administrateur chez le constructeur automobile Mors par les frères Émile et Louis Mors. Il réorganise l'étude des besoins clientèles, la gestion, modernise, crée de nouveaux modèles et double la production de la marque en 10 ans. L'entreprise produit 300 modèles en 1908, pour atteindre 800 unités en 1913[14].
André Citroën est un découvreur de talents et un organisateur de génie. Il n'est ni inventeur, ni technicien. Il se passionne pour la « fabrication et la distribution à grande échelle ». En 1912, dans le cadre de son travail pour les usines Mors, André Citroën effectue son premier voyage aux États-Unis, voyage qui marquera profondément sa vie et sa carrière. Il visite l'usine Ford d'Henry Ford à Deaborn près de Détroit, dans laquelle est appliqué le taylorisme, devenu fordisme. Il s'agit de la démocratisation de biens de production industrielle fabriqués en grande série à moindre coût de revient. Sa visite lui permet de s'imprégner des méthodes appliquées dans les usines américaines[15].
La direction des usines Mors permet à Citroën d'acquérir une certaine expérience, notamment dans les domaines humains. En effet, les conditions de travail des ouvriers à cette époque sont rudes, ce qui les amènent en 1912 à se mettre en grève, pour l'adoption de la « semaine anglaise » des cinq jours. Citroën sait se montrer ouvert afin d'éviter toutes confrontations, et améliore ainsi les conditions de vie des travailleurs, et de ce fait, leur efficacité également. C'est dans cette entreprise qu'André Citroën va tisser de nombreux réseaux d'experts et de conseillers[16].
« Citroën, Hinstin et Cie »
En 1912, âgé de 35 ans, il s'associe avec André Boas et Paul Hinstin, qu'il connaît depuis le lycée Condorcet, avec qui, il investit une grande partie de l'héritage de ses parents pour fonder la société « Citroën, Hinstin et Cie », entreprise de fabrication d'engrenages, en particulier ceux à chevrons en V, avec une dizaine d'ouvriers dans le faubourg Saint-Denis du 10e arrondissement de Paris. Il déménage rapidement 31, quai de Grenelle dans le 15e arrondissement de Paris à côté de l'usine des frères Mors, près du quai de Javel et se rebaptise « Société anonyme des engrenages Citroën ». Le logo de cette marque n'est autre qu'un double V renversé. André Citroën fonde sa réputation et sa fortune dans la production de ces engrenages. En effet, l'adoption de moteurs électriques pour l'alimentation des machines dans les industries nécessite des engrenages robustes, capables de réduire les hauts régimes fournis par ces moteurs, ce qui correspond parfaitement aux engrenages de Citroën. André Citroën dépose ainsi de nombreux brevets pour les applications de ses engrenages dans divers domaines comme les transmissions industrielles ou pour les trains arrière des automobiles[12].
Il est dans un premier temps à la fois ingénieur en chef, directeur de production, directeur commercial, étant donné que ses deux associés ont déjà d'autres engagements. Il devient également Président de la Chambre syndicale de l'automobile. En l'espace de quatre ans, la petite entreprise voit ses ventes multipliées par dix et André Citroën sera sollicité par Škoda, qui veut exploiter son brevet en Europe centrale[17].
Vie d'un grand industriel
Jeux d'argent
La vie d'André Citroën devient vite aisée. Il vit avec son frère Bernard, au 21, rue d'Aumale dans le 9e arrondissement de Paris.
Bernard est un musicien amateur, très souvent entouré d'un groupe d'amis « mélomanes, dilettantes et fortunés »[18]. André est donc souvent entouré de la gent féminine et participe régulièrement à des réceptions mondaines. C'est à cette époque, on l'imagine, qu'André Citroën développe son goût pour les jeux d'argent. Paris est à cette époque une ville, où les gens fortunés peuvent s'adonner à tous les plaisirs, notamment ceux de la chair. Citroën développe ainsi un goût particulier pour la vie nocturne et mondaine. L'acquisition d'un certain statut social ainsi qu'une certaine fortune ne calme pas l'envie immodérée de Citroën pour les jeux d'argent. Il devient rapidement un habitué des tables de casino et des champs de courses tel que Longchamp[19]. Perdant ou gagnant des sommes extraordinaires dans les casinos, notamment celui de Deauville, Citroën est réputé pour sa générosité. Il offre sans hésitations une voiture, aussi bien pour le petit personnel comme ses croupiers ou pour des personnes plus aisées[20].
Vie modeste
Bien que sa vie soit plutôt aisée, la vie de Citroën demeure néanmoins sans excès (excepté pour les jeux). Il n'est pas intéressé par l'accumulation de biens : il ne possède, contrairement à bien d'autres industriels, de tableaux célèbres, de yachts ou de grandes demeures. Ses possessions terriennes se limitent à ses usines, et sa résidence est louée. Outre les jeux, André Citroën a une réelle passion pour la musique. Il aime se rendre à l'opéra ou encore organiser des concerts particuliers pour sa famille[21].
C'est au cours d'une soirée dans un casino du Touquet, à l'automne 1913, qu'André Citroën fait la rencontre de Georgina Bingen, une jeune fille qui passe quelques jours de vacances avec ses parents[Note 2]. Le 26 mai 1914, deux mois avant la déclaration de la Première Guerre mondiale, il l'épouse au cours d'un mariage traditionnel et ils fondent une famille nombreuse, de quatre enfants : Jacqueline, Bernard, Maxime et Solange. André Citroën est souvent pris à tort pour un play-boy, alors qu'il adore ses enfants et sa femme, et aime les emmener en vacances à la mer ou à la montagne.
Première Guerre mondiale
Lorsque la guerre est déclenchée, André est mobilisé en août 1914 en tant que lieutenant puis capitaine au 2e régiment d'artillerie de Metz. Stationné sur la frontière Est où a lieu le conflit, il a l'occasion de constater le manque d'artillerie et de munitions face à l'artillerie allemande. Suite à la mort de son frère sur le front, André Citroën est décidé, non seulement de faire son devoir, mais également de repousser l'ennemi le plus loin possible[22]. En janvier 1915, il propose au général Louis Baquet, directeur de l'artillerie du Ministère de la Guerre, qui manque cruellement de munitions, d'appliquer le fordisme dans une usine construite en 3 mois, capable de produire 5 000 à 10 000 obus Shrapnel de type 75 par jour. Il fait ériger sur les 15 hectares de terrains vagues et de jardins potagers du quai de Javel[Note 3], une immense usine ultramoderne et produit avec 13 000 ouvrières, 23 millions d'obus à raison de 10 000 par jour, à des cadences inédites pour l’époque. « Il faut produire vite, bien, économiquement, pour mettre les produits fabriqués à la portée du plus grand nombre possible de consommateurs », dit-il[8]. Le rythme imposé par les usines Citroën est fatigant et de ce fait, il a pu parfois être considéré comme un despote dans son entreprise. Néanmoins, il est l'un des premiers industriels soucieux du bien être de ses ouvriers et évite d'imposer des tâches répétitives[23].
L'entreprise de munitions d'André Citroën est très vite réputée et devient un modèle d'organisation, d'efficacité et de responsabilité sociale. Les grandes personnalités aussi bien civiles que militaires visitent l'usine. Entre 1917 et 1918, le gouvernement le charge également de réorganiser le ravitaillement de l'industrie de l'armement, les services postaux militaires, et la distribution des tickets de ration de pain dans la région parisienne. Lorsque la guerre est terminée, André Citroën décide alors de reconvertir son usine du quai de Javel en usine de construction d'automobiles[24].
Les automobiles Citroën
Sitôt la guerre terminée, l'essor de l'automobile est incroyable et les rues sont progressivement envahies de véhicules mues par leur propre énergie. Les français produisent un nombre important d'automobiles, bien plus en 1919 que les allemands ou les américains. Paris est désormais la capitale de l'automobile dans le monde. Par ailleurs, les massacres des chevaux durant la guerre accélère la nécessité d'engins de traction efficaces.
Fondation de Citroën en 1919
Lorsque l'Armistice de 1918 est signé, les usines Citroën perdent brutalement toutes leurs commandes de munitions. Néanmoins, Citroën s'est très tôt préparé à cet événement, en réinvestissant ses bénéfices dans une nouvelle entreprise. L'automobile est choisie pour remplacer la production de munitions. André Citroën reconvertit ainsi son usine d'armement en industrie automobile en quatre mois, en absorbant le constructeur automobile Mors. Il fonde Citroën avec pour emblème historique son double chevron en V.
Un point capital que comprit Citroën lors de son voyage aux États-Unis est la nécessité de produire une automobile dont la diffusion doit s'étendre au-delà des classes privilégiées. La future Citroën, à l'image de la Ford T, doit être à la fois outil de travail et objet de loisirs. André Citroën annonce ainsi à la presse française, en janvier 1919, son intention de produire une automobile de grande série. Outre le fait que la future automobile doit couter 7 250 francs, soit près de la moitié de la voiture la moins chère du marché à l'époque, l'annonce est remarquable dans l'histoire. En effet, il s'agit de la première campagne de presse massive, qui fit plus de 16 000 demandes de renseignements auprès de l'entreprise Citroën, et ce en deux semaines seulement[25].
Assisté de son fidèle bras droit Georges-Marie Haardt[Note 4] pour la commercialisation, Citroën fabrique cette même année le premier modèle de la marque : la Citroën Type A pour laquelle il a recruté l'ingénieur Jules Salomon dès 1916 pour sa conception. « La première voiture européenne fabriquée en série » à raison de 30 voitures par jour et 20 000 par an dès 1920[Note 5]. Bien que le succès de Citroën soit sans précédent, le prix de lancement exceptionnellement bas pour l'époque, est au détriment de bénéfices pour rembourser les importants emprunts d’investissements.
En 1926, il conçoit grâce à l'aide de l'ingénieur américain Edward Gowan Budd, la Citroën B14, première voiture « tout acier » qui permet de concevoir les premières carrosseries solides entièrement fermées d'Europe. Une presse emboutit 400 longerons à l'heure, que l'on assemble par soudage avec le reste de la caisse[8]. De 1928 à 1932 suivent les Citroën C4 et Citroën C6. En 1929, Citroën devient le second constructeur d'automobile mondial avec 400 véhicules par jour (le tiers de la production française) au détriment de très graves problèmes de financements accentués par la Grande Dépression de 1929.
Pourtant, l'année 1929 se caractérise par le record de 102 891 automobiles produites, soit près du tiers de la production nationale. Un peu moins de la moitié des automobiles sont exportées. En plus du quai de Javel, les usines Citroën s'installent à Suresnes, Clichy, Saint-Ouen, et Grenelle, où sont employés 32 000 ouvriers[14].
Des idées nouvelles
Médiatisation
André Citroën se fait rapidement connaître du grand public. Il innove en matière de publicité et de marketing de masse. C'est ainsi qu'il organise, de décembre 1922 à février 1923, la traversée très médiatisée du Sahara en autochenilles démontables Citroën tout-terrain. Et continue ensuite les grandes croisières : Croisière noire en Afrique en 1924, Croisière jaune en Asie en 1931 et Croisière blanche en Alaska en 1934. De nombreuses pages de publicité paraissent dans la presse régionale mais également nationale, et d'autres milliers sont affichées dans les rues.
L'esprit médiatique d'André Citroën est démesuré. Le 4 octobre 1922, lors de l'ouverture du 17e Mondial de l'automobile de Paris, un avion dessine en lettres de fumée blanche le nom de Citroën, au-dessus de l'arc de Triomphe. Le nom fait ainsi 5 km de long. En 1925, André Citroën fait installer sur la Tour Eiffel une énorme publicité lumineuse pour sa marque, s’étendant en hauteur. Les illuminations par 250 000 ampoules en six couleurs figurent neuf tableaux, le dernier étant le nom Citroën avec un lettrage stylisé version art déco. Elle est installée jusqu'en 1933 bien que la ville ait, depuis 1926, multiplié ses taxes par six[26]. L'histoire retient également l'arrivée de l'aviateur Lindbergh en approche du Bourget, après une longue traversée de l'Atlantique à bord du Spirit of Saint Louis, qui se servit de l'enseigne lumineuse Citroën de la tour Eiffel comme balise pour se repérer. André Citroën profite alors de l'événement, en invitant le héros national à une réception au quai de Javel, faisant une fois de plus, une incroyable publicité pour sa firme[26].
Citroën développe un véritable talent d'innovation, sachant trouver les moyens pour fidéliser les clients. Les garages sur lesquels l'emblème Citroën trône présentent, outre l'atelier, un hall d'exposition de modèles. Citroën est par ailleurs le premier constructeur hors États-Unis, à proposer un manuel du conducteur avec ses modèles. Un réseau de concessionnaires et de service après-vente doté de stocks de pièces détachées de grande ampleur et des solutions novatrices de crédit très avantageux forgeront également sa notoriété auprès du grand public. Outre un réseau commercial à grande échelle, André Citroën développera des compagnies de taxis et de transports ruraux. Les lois de l’exportation l’amèneront à développer des sociétés en Belgique, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Suisse, en Italie et au Danemark[2].
Fabrication
Par ailleurs, le concept de « pièce détachée d'origine garantie » voit le jour, permettant aux clients de pouvoir remplacer une pièce cassée, sans devoir attendre l'intervention d'un artisan[27]. La qualité de fabrication des automobiles Citroën est l'un des points essentiels qui caractérise Citroën à cette époque. Il met ainsi en place des laboratoires de contrôle de qualité, ces derniers prélevant des pièces au hasard dans les usines afin de vérifier leur conformité. De nombreux constructeurs considèrent à l'époque que leur travail est terminé dès lors qu'une voiture sortie des usines est vendue. Citroën est dans une optique totalement différente. Il explique même que « dès qu'une vente est conclue, une autre au moins aussi importante commence. C'est la qualité du service après-vente sur lequel le client a déjà investi lors de son achat que se décidera de son retour ou non dans les halls d'exposition pour changer de voiture »[27].
Marketing
L'inventeur de l'« ancêtre du marketing direct » est bien André Citroën. Il ouvre dans ses usines, un département spécialisé chargé d'accumuler, à l'aide du réseau de concessionnaires[Note 6], des informations sur les clients, comme leur nom, leur adresse, etc. En 1920, la S.O.V.A.C., première entreprise européenne de crédit à la consommation, est crée[14]. Citroën est également connu pour être un « bon promoteur », démontrant la qualité des ses automobiles en réalisant des tests pouvant s'apparenter aux crash tests[9].
Par la suite, une lettre est envoyée aux clients qui se sont rendus dans les concessions, les remerciant de leur visite et leur indiquant quel pouvait être le modèle leur correspondant le mieux. Cette lettre est imprimée en caractères d'imprimerie, mais la signature ainsi que la formule de politesse sont manuscrites, procurant ainsi la sensation aux destinataires, qu'il s'agit d'une lettre d'André Citroën, s'adressant personnellement à eux. Plusieurs milliers de lettres sont ainsi distribuées dans toute la France chaque semaine, augmentant spectaculairement les résultats de ventes. En effet, selon les responsables de l'entreprise, 15% des ventes sont le résultat de cette méthode[27].
Société « Citroën-Kégresse-Hinstin »
Autochenille
Article détaillé : Adolphe Kégresse.Le tsar Nicolas II de Russie est à l'origine de l'invention des autochenilles. Grand défenseur et passionné d'automobile, il possède pour l'époque une importante collection d'automobiles, à l'image de sa Rolls-Royce Silver Ghost. Cependant, le rude et long hiver russe laisse peu de routes praticables, si bien que les voitures du tsar ne peuvent rouler que quelques mois par an. En 1905, Nicolas II fait alors appel à un ingénieur, et directeur technique du corps impérial des transports motorisés, Adolphe Kégresse, pour mettre au point un système permettant aux automobiles de se mouvoir sur la neige. Ce dernier imagine dès lors un système de chenillettes, amovibles et légères, qu'il fixe à la place des roues arrière[28].
Après la chute du tsar suite à la Révolution d'Octobre, Kégresse, qui possède des origines françaises, rentre en France. En 1920, il rencontre André Citroën, qui voit immédiatement le potentiel du système. Citroën l'acquiert et fonde une société indépendante dénommée « Citroën-Kégresse-Hinstin », afin de pouvoir exploiter pleinement l'invention. Une automobile équipée des autochenilles sur une base de Citroën 10HP type B2 est ainsi mise au point[28]. André Citroën a bien compris l'importance stratégique que peut avoir ce système dans les colonies d'Afrique et d'Orient. Il s'agissait maintenant de le prouver aux autres pays en réalisant la traversée du Sahara.
La traversée du Sahara
À l'issue de la Première Guerre mondiale, le projet d'une liaison sûre et rapide entre la France métropolitaine et l'Afrique équatoriale séduit coloniaux et industriels, et trouve un écho très favorable dans les milieux militaires et scientifiques. Une grande idée que l'automobile rend enfin possible. Confiant dans son matériel, André Citroën est quant à lui persuadé que cette liaison peut se faire en 20 jours à peine[29].
André Citroën comprend les difficultés technologiques que représente un raid en Afrique. Les véhicules ont de grandes difficultés à se mouvoir dans le sable, les roues étant en permanence enlisées, et les écarts de température nuisent au bon fonctionnement du moteur. Bouillant le jour, les liquides gèlent la nuit.
Selon ses propres dires, « La première idée d'un raid transsaharien naquit pendant la guerre 14-18 qui révéla l'importance des ressources des colonies d'Afrique équatoriale pour la France [...]. On réalise alors que ces richesses ne pourraient prendre leur vraie valeur qu'à partir de [...] l'établissement d'un réseau efficace de communication »[30].
Partis de Touggourt en Algérie, Georges-Marie Haardt, Louis Audoin-Dubreuil et une équipe de 10 personnes dont plusieurs militaires et un géographe, relient Tombouctou au Soudan, en 20 jours, comme l'espérait Citroën. Avec 5 véhicules Citroën à chenilles Kégresse, les membres de la « mission Haardt-Audouin » effectuent la première liaison directe entre l'Algérie et l'Afrique occidentale française. C'est en grande pompe, le 7 janvier 1923 que le premier courrier transsaharien automobile est remis au commandant de la région de Tombouctou, le colonel Mangeot[29]. André Citroën a su ainsi faire de cette expédition, une incroyable publicité pour sa firme. Il réitéra ce concept avec la Croisière jaune en Asie en 1931, la Croisière noire en Afrique en 1924 et la Croisière blanche en Alaska en 1934.
Problème d'endettement chronique
André Citroën est davantage un expansionniste qu'un comptable[24]. En effet, la firme Citroën connaît des problèmes financiers depuis sa création. Les bénéfices acquis lors de la production de munitions ne furent pas suffisants pour couvrir les investissements, 90% des gains ayant été dépensés en taxes. La ventes des premières automobiles ont certes permis de soulager un temps la situation financière de Citroën, mais l'incessante et rapide croissance de la firme engendre de nombreuses dépenses[31].
En 1933, André Citroën est invité par son concurrent Louis Renault à visiter une nouvelle usine Renault. Afin de demeurer compétitif avec Renault, il accentue lourdement son surendettement et multiplie les acrobaties de gestion, ce qui lui vaut beaucoup de critiques, pour faire bâtir la plus grande usine ultramoderne d'Europe d'alors en 6 mois à Bruxelles en Belgique, doté d'une « cathédrale de verre et acier »[32] capable de produire 1 000 voitures par jour. En mai 1934, un rapport publié par la Banque de France indique que la société Citroën accuse des pertes de 200 millions de francs[33]. Les banques perdent confiance, arrêtent de le suivre dans son surendettement chronique et confient à Pierre Michelin du groupe Michelin[Note 7], la gestion de Citroën avec la mission très difficile de lui éviter la faillite.
En 1933, André Citroën engage l'ingénieur André Lefebvre qui travailla chez Voisin et Renault. En un an, celui-ci va concevoir et préparer la fabrication de la célèbre Traction avant, qui sera présentée aux concessionnaires le 24 mars 1934. Révolutionnaire à plus d'un titre, cette Traction Avant utilise les joints homocinétiques inventés en 1926 par Pierre Fenaille et Jean-Albert Grégoire, sa carrosserie est autoporteuse sans châssis, et son moteur chemisé est de type flottant comme celui des Rosalie. Et par-dessus tout, elle offre une tenue de route qui deviendra légendaire[8]. Mais le succès de ce modèle révolutionnaire, altéré par des débuts techniques difficiles, ne sauve pas le groupe de la faillite.
Faillite, liquidation judiciaire et disparition
En raison de la crise que traverse l'Europe à cette époque, des conflits entre direction et ouvriers surgissent comme partout ailleurs. André Citroën, comme il l'a déjà fait auparavant, intervient personnellement, explique et négocie. En 1933, il est le premier à affronter des discussions tripartites patronat, ouvriers et syndicats. Au conflit de six semaines en 1933 et à la reconstruction complète de l'usine du quai de Javel se sont ajoutées des difficultés financières[8]. André Citroën déploie alors une importante énergie, physique et morale, pour repousser les dates de ses créances, ce qui l'épuise énormément[34]. Malgré les propositions faites par Citroën et la Banque de France, les banques refusent tout compromis. Citroën sollicite alors Pierre-Étienne Flandin, président du Conseil mais ce dernier refuse toute intervention de l’État[14]. Le 21 décembre 1934, Citroën est mise en liquidation judiciaire. Le gouvernement propose au principal créancier Michelin de reprendre la marque et de sauver les 250 000 emplois, de calmer 1 500 créanciers et des milliers de petits porteurs.
En 1935, âgé de 56 ans, André Citroën cède ses actions à Michelin et se retire en janvier, mais demeure le président du conseil d’administration, avant d'être remplacé en juillet par Pierre Michelin. Le 18 février, il est admis à la clinique Georges Bizet[14]. Bien qu'opéré en mai, il décède le 3 juillet de la même année d'un cancer de l'estomac après 15 ans d'activité industrielle au sommet. Enterré le 5 juillet, il repose au cimetière du Montparnasse[6].
En 1976, Peugeot acquiert 90% du capital Citroën à Michelin[6] et devient jusqu'à ce jour le groupe PSA Peugeot Citroën, société à directoire et conseil de surveillance, propriété de la Famille Peugeot. Le quai de Javel sera rebaptisé quai André-Citroën et son usine historique transformée en un parc André-Citroën à sa mémoire.
Liens de parenté
Par sa sœur Fernande Citroën, André Citroën est :
- Oncle de Raymond Lindon, célèbre avocat et procureur des réquisitions des procès ayant suivi la Libération de la France.
- Grand-oncle de Jérôme Lindon (1925-2001), directeur des Éditions de Minuit de 1948 à 2001.
- Arrière-grand-oncle de Vincent Lindon (né en 1959), acteur, réalisateur et scénariste.
Notes
- ↑ André a 2 frères, Bernard et Hugues et 2 sœurs, Jeanne et Fernande.
- ↑ Ses parents sont d'origine italienne juive. Le père est banquier et la mère est issue d'une riche famille d'industriels textiles.
- ↑ Le quai de Javel se dénomme actuellement quai André-Citroën et parc André-Citroën.
- ↑ Citroën et Haaedt se connaissent très bien, et ont organisé ensemble la Croisière noire et Croisière jaune.
- ↑ Ce chiffre représente davantage que toute la production Peugeot et Renault réunie.
- ↑ Le réseau se compose d'environ 295 concessionnaires.
- ↑ C'est le second fils d’Edouard Michelin, co-fondateur du groupe Michelin, un des principaux créanciers de Citroën.
Références
- ↑ (fr) La vie d’André Citroën sur Motorlegend
- ↑ a , b , c et d (fr) Histoire : André Citroën sur Motorlegend
- ↑ a et b (fr) J. Reynolds (2006), La découverte du double chevron, p 16
- ↑ (fr) J. Reynolds (2006), La découverte du double chevron, p 18
- ↑ a et b (fr) J. Reynolds (2006), La découverte du double chevron, p 19
- ↑ a , b , c et d (fr) L'homme sur Citroën
- ↑ (fr) J. Reynolds (2006), La découverte du double chevron, p 23
- ↑ a , b , c , d , e et f (fr) André Citroën sur RSIAuto
- ↑ a et b (en) Biography : André-Gustave Citroën sur Answer.com
- ↑ (fr) J. Reynolds (2006), La découverte du double chevron, p 26
- ↑ a et b (fr) J. Reynolds (2006), La découverte du double chevron, p 27
- ↑ a et b (fr) J. Reynolds (2006), Citroën s'en va-t-en guerre, p 31
- ↑ (fr) André Citroën sur Monsieur Biographie
- ↑ a , b , c , d et e (fr) Biographie de André Citroën sur Grande-guerre.org
- ↑ (fr) J. Reynolds (2006), Citroën s'en va-t-en guerre, p 34
- ↑ (fr) J. Reynolds (2006), Citroën s'en va-t-en guerre, p 35
- ↑ (fr) André Citroën sur Encyclopédie Universalis
- ↑ (fr) J. Reynolds (2006), Citroën s'en va-t-en guerre, p 29
- ↑ (fr) J. Reynolds (2006), Citroën s'en va-t-en guerre, p 36
- ↑ (fr) J. Reynolds (2006), Engouement à Londres et à Paris, p 78
- ↑ (fr) J. Reynolds (2006), Engouement à Londres et à Paris, p 79
- ↑ (fr) J. Reynolds (2006), Citroën s'en va-t-en guerre, p 39
- ↑ (fr) J. Reynolds (2006), Citroën s'en va-t-en guerre, p 40
- ↑ a et b (fr) Biographie d'André Citroën sur EduBourse
- ↑ (fr) J. Reynolds (2006), Un Henry Ford à la française, p 50
- ↑ a et b (fr) J. Reynolds (2006), Engouement à Londres et à Paris, p 75
- ↑ a , b et c (fr) J. Reynolds (2006), Un Henry Ford à la française, p 54
- ↑ a et b (fr) J. Reynolds (2006), Les autochenilles dans la traversée du Sahara, p 89
- ↑ a et b (fr) La traversée du Sahara : 1922-1923 sur Citroën
- ↑ (fr) J. Reynolds (2006), Les autochenilles dans la traversée du Sahara, p 92
- ↑ (fr) J. Reynolds (2006), Citron pressé, p 179
- ↑ (fr) La conception sur Le Garage Citroën
- ↑ (fr) J. Reynolds (2006), Citron pressé, p 185
- ↑ (fr) J. Reynolds (2006), Citron pressé, p 184
Annexes
Bibliographie
Ouvrages utilisés comme sources dans la rédaction de l'article :
- (fr) John Reynolds, André Citroën : ingénieur, explorateur, entrepeneur, E-T-A-I (ISBN 978-2726886892)
Articles connexes
- Portail de l’automobile
- Portail de l’industrie
- Portail de Paris
Catégories : Citroën | Industriel français | Entrepreneur | Personnalité de l'automobile | Ancien élève de l'École polytechnique (France) | Ingénieur automobile | Histoire automobile | Naissance à Paris | Naissance en 1878 | Décès en 1935
Wikimedia Foundation. 2010.