Histoire de la Normandie

Histoire de la Normandie
Blason de la Normandie

L'histoire de la Normandie retrace le passé des régions administratives françaises de la Basse-Normandie et de la Haute-Normandie ainsi que du duché de Normandie, composé des bailliages de Jersey et de Guernesey.

Très stables, les frontières continentales de cette ancienne province française concordent assez fidèlement, hormis quelques territoires incorporés aux actuelles Eure-et-Loir, Mayenne, Oise et Sarthe lors de la création des généralités et quelques communes enclavées échangées avec la Mayenne après la création des départements à la Révolution, avec le Calvados, lEure, la Manche, lOrne et la Seine-Inférieure.

Peuplée initialement de tribus celtes (Armoricains à l'ouest, Belges à l'est), elle fut conquise en 56 av. J.-C. par les légions romaines avant dêtre intégrée à la Lyonnaise par Auguste. Au IVe siècle, Gratien divisera la province en civitates qui constitueront ses frontières historiques. À la chute de Rome au Ve siècle, le pouvoir franc sy installe et encourage le développement du monachisme chrétienabbaye de Saint-Ouen (Abbatiale Saint-Ouen de Rouen, vers 641), abbaye de Saint-Wandrille (vers 649) et abbaye de Jumièges (654) – et substitue le pagus à la civitas avant son intégration à lEmpire carolingien. À partir de la fin du VIIIe siècle, des pillards vikings dévastèrent la région puis sy implantent en fondant principauté en 911, qui deviendra par la suite le duché de Normandie. Après un siècle et demi dexpansion, les frontières de la Normandie demeurent très stables puisquelles sont encore approximativement celles des deux régions administratives, la Basse (Manche, Calvados, Orne) et la Haute-Normandie (Eure, Seine-Maritime). Intégrée au domaine royal en 1204[1], elle fut particulièrement frappée par les conséquences de la guerre de Cent Ans et des guerres de religion, étant un des principaux foyers du protestantisme en France. Au XXe siècle, les effets de la bataille de Normandie ravagèrent bien des villes de l'ancienne province, notamment Saint-, Le Havre et Caen. Séparée en deux régions en 1956, des projets de restauration de lunité de la Normandie sont à létude.

Les limites de la Normandie historique

Sommaire

Préhistoire et Antiquité

La Normandie avant la conquête romaine

La présence humaine dans la région est attestée dès les temps préhistoriques par de nombreuses trouvailles dindustrie lithique surtout dans lEure et le Calvados, mais également en Seine-Maritime. La grotte de Gouy près de Rouen, qui possède des gravures pariétales, est la grotte ornée la plus septentrionale dEurope (une autre grotte, la grotte d'Orival[2] très peu étudiée, se trouve à 11 km de Gouy sur la rive gauche de la Seine). De nombreux mégalithes encore visibles parsèment dune façon assez régulière la campagne normande.

Carte des peuples gaulois

Lhistoire celtique de la Normandie est plus simple à établir, grâce à des sources archéologiques assez abondantes et datées de façon certaine. Dès le XIXe siècle, des érudits locaux, comme labbé Cochet[3] et Léon Coutil, ont étudié larchéologie principalement de la Haute-Normandie et consigné leurs découvertes et fouilles dans des ouvrages de référence. La découverte dobjets marquants comme le casque gaulois doré dAmfreville-sous-les-Monts (IVe siècle avJ.‑C.) ou celui en fer du musée de Louviers, des sites comme la grande nécropole de Pîtres[4] (Eure), avec ses urnes à incinérations, ses épées enroulées et traces de tombe à char, ou de la nécropole datant de la fin de la période de Hallstatt ou du début de celle de la Tène à Ifs dans le Calvados, témoignent de la présence gauloise en Normandie.

Le peuple celte des Belges sinstalle en Normandie par vagues successives entre le VIe siècle avJ.‑C. et le IIIe siècle avJ.‑C.. Cest le témoignage de Jules César (La Guerre des Gaules) qui nous permet didentifier les différents groupes gaulois occupant la région et groupés dans les oppida ou des villages agraires à enclos. En 56 ou 57 avant J.-C., ces populations se groupent pour résister à linvasion des légions césariennes. Après la défaite gauloise dAlésia, les peuples de Normandie continuent la lutte pour un temps restreint et en 51 av. J.-C., toute la Gaule est soumise à Rome[5].

Liste des peuples gaulois et de leur chef-lieu établis dans lactuel territoire de la Normandie :

La civilisation romaine en Normandie

statue de Jupiter Stator, retrouvée à Gisacum et conservée au musée dÉvreux.
Théâtre gallo-romain de Lillebonne
Tête dun dieu romain en bronze, retrouvé à Lillebonne, musée des antiquités de la Seine-Maritime
Mosaïque dOrphée retrouvée à Lillebonne, musée des antiquités de la Seine-Maritime

En 27 av. J.-C., lempereur Octave Auguste réorganise le territoire gaulois et fait passer les Calètes et les Véliocasses dans la province de Lugdunaise, dont la capitale est Lyon. La romanisation de la Normandie, comme ailleurs en Occident, passe par la construction de routes romaines et par une politique durbanisation.

On connaît de nombreuses villa gallo-romaines sur le territoire normand, notamment grâce aux fouilles de sauvetage opérées pendant la construction de lA29, en Seine-Maritime. Ces habitations rurales, au cœur dun domaine foncier, pouvaient adopter deux grands types de plan. Le premier pouvait être longiligne, avec une façade ouverte vers le sud ; le deuxième sinspirait davantage des villas italiennes, offrant un aspect ramassé et organisé autour dune cour carrée. Cest le cas de la riche villa de Sainte-Marguerite-sur-Mer, entre Dieppe et Saint-Valery-en-Caux. Les constructeurs de ces villas utilisaient les matériaux locaux : silex, craie, calcaire, brique, torchis. Le chauffage des bains ou de certaines pièces emprunte le procédé de lhypocauste romain (villa suburbaine de Vieux-la-Romaine)[7].

Lagriculture fournit du blé et du lin, daprès Pline lAncien. Enfin, dans les campagnes normandes de lantiquité, les fana (petits temples à plan centré, en général carré, de tradition celtique) sont nombreux. On en situe un exemple à louest dHarfleur. Les fouilles ont aussi révélé la présence de nombreuses statuettes de déesses-mères en terre cuite, dans les tombes et les maisons normandes. Ainsi, au Vieil-Évreux, il existe un des plus importants centres de pèlerinage dEurope qui comprenait un forum, des thermes romains, une basilique monumentale, deux fana et le deuxième plus grand théâtre de Gaule[8].

Crises du IIIe siècle et mutations du Bas-Empire

À partir du deuxième tiers du IIIe siècle, les raids « barbares » dévastent de nombreux lieux de la région normande. Les traces dincendies et les trésors monétaires enfouis à la hâte montrent les progrès de linsécurité en Gaule du Nord. Le littoral doit faire face à la piraterie maritime des Saxons, mais aussi des Francs et des Frisons. C'est dans ce contexte que le pouvoir romain met en place un système de défense du littoral de la Manche et de l'Atlantique sur les deux rives, c'est-à-dire de l'île de Bretagne également, appelé litus saxonicum qui consiste en des points fortifiés et est divisé en trois commandements. L'actuelle Normandie est incluse dans le commandement du dux tractus armoricani et nervicani de Boulogne à l'estuaire de la Gironde. Cependant, parallèlement, des contingents germaniques intègrent l'armée romaine et des immigrants reçoivent l'autorisation de s'établir dans l'Empire. Des Germains sont donc recrutés pour lutter contre d'autres Germains[9]. Des toponymes et des sites archéologiques rappellent l'installation de ces groupes étrangers[10]: les toponymes Allemagne (aujourd'hui Fleury-sur-Orne), Almenêches, attestant de la présence d'Alamans, les sites archéologiques d'Airan ou de Frénouville, indiquant celle de Goths ou autres Germains. De plus, la Notitia dignitatum mentionne par exemple la présence de Bataves à Bayeux. Des légions s'installent dans la future Normandie, notamment la Prima Flavia Gallicana Constantia qui donne son nom à Constantia (Coutances alors chef-lieu des Unelles) et au pagus Constantina (le Cotentin). Cette armée mise en place par Constance Chlore en 298 accueille des auxiliaires suèves[11]. À loccasion des réformes de lempereur Dioclétien (285-305), la Normandie s'était pourtant déjà singularisée, du moins administrativement, en devenant la « Seconde Lyonnaise » et en se détachant de la Bretagne voisine. Cest aussi à cette époque que commence la christianisation de la province : les historiens savent quen 314, Rouen a déjà un évêque[12]. À partir de 406, les peuples germaniques et alano-hunniques déferlent sur lOccident en brisant les dernières défenses du limes, malgré la résistance acharnée des auxiliaires francs et alamans de l'armée romaine. Des Saxons viennent sinstaller sur les côtes normandes, dans la région de Bayeux que les textes qualifient dOtlinga saxonia (première mention en 844) ou dOtlinga Hardouini, ainsi que sur les îles Anglo-Normandes. De nombreux Francs s'installèrent également dans le pays de Bray et une partie du pays de Caux parfois comme soldats romains d'abord, puis, suite à l'effondrement du « royaume romain » de Syagrius par la victoire de Clovis, comme soldats du nouveau pouvoir franc.

Moyen Âge

Haut Moyen Âge

Dès 486, la Gaule entre Somme et Loire passe sous le contrôle du chef franc Clovis. La colonisation franque fut inégale: assez dense dans la partie est et quasiment nulle dans la partie ouest de l'actuelle Normandie. Elle se manifeste par les nécropoles à rangées dEnvermeu, Londinières, Hérouvillette et Douvrend, etc. Les toponymes en -hlar- ( « lande », ancien français larris « friche , lande » ) dans Meulers ou Flers, en avisna (« pâturage ») dans Avesnes-en-Bray ou Avesnes-en-Val, en -alach- (« temple » ) dans Bouafles ou Neaufles-Auvergny, en bure (« habitation ») dans Hambures ou Bures-en-Bray, en -baki (« ruisseau » ) dans Rebets ou Hambye, en -mark- (« limite, marche ») dans Marques, en -berg- (« élévation » ) dans Barc ou Barques, en -mer (« mare ») dans Blingemer ou Mortemer, en -eng dans Hodeng-Hodenger ou Nesle-Hodeng, en -court et les plus anciens en -ville datent de cette époque franque. La région devient une partie essentielle de la Neustrie à la mort de Clovis et Rouen reste une ville importante. De cette période date aussi le découpage administratif et militaire en comtés, le comte franc étant un haut fonctionnaire de l'État. Enfin, lest de la région, à proximité de Paris, fut un lieu de résidence pour les rois et princesses mérovingiens.

Surtout, la christianisation amorcée au Bas-Empire se poursuit en profondeur dans la région : construction de cathédrales dans les principales villes, édification déglises suburbaines dédiées à des saints, oratoires sur les routes, etc. Létablissement des paroisses se réalise progressivement, sur le temps long. Les plus petites occupaient la plaine de Caen, alors que les paroisses du bocage étaient plus étendues. À lépoque carolingienne, les tombes des villageois se regroupent autour de léglise paroissiale.

Le monachisme normand se développe vraiment à partir du VIe siècle, surtout dans louest de la région, plus isolé. Au VIIe siècle, des nobles d'origine franque fondent plusieurs abbayes dans la vallée de la Seine : Abbaye de Saint-Ouen de Rouen vers 641, Fontenelle en 649, Jumièges vers 654, Pavilly en 662, Montivilliers entre 682 et 684. Ces abbayes normandes adoptèrent rapidement la règle de saint Benoît. Elles possédaient de grands domaines fonciers, dispersés en France, dont elles tiraient des revenus élevés. Elles furent donc des enjeux dans les rivalités politiques et dynastiques.

Invasions scandinaves

Harfleur, dans lagglomération du Havre, église et maison à colombage
Chapiteau roman de labbatiale Saint-Georges-de-Boscherville, Seine-Maritime

La Normandie tient son nom des envahisseurs vikings qui menèrent des expéditions dans une grande partie de lEurope à la fin du Ier millénaire en deux phases (790-930 puis 980-1030). On les appelait Northmanorum ou Nortmanni « Normands », étymologiquement « hommes du Nord ». Après 911, ce nom remplace celui de Basse-Neustrie, sous lequel cette terre était connue jusque lors.

La toponymie normande garde des traces de cette colonisation scandinave ainsi quun assez grand nombre de noms de famille : Anfry, Ango, Angot, Anquetil, Auber, Dodeman, Doudement, Estur, Gounouf, Ygout, Ingouf, Néel (Nigel), Onfray, Osmond, Osmont, Ouf, Renouf, Roberge, Surcouf, Théroude, Tougard, Toutain, Tostain, Troude, Touroude, Turgis, Turgot, Turquetil, Quétil, etc.

Les premiers raids vikings arrivent entre 790 et 800 sur les côtes de la Gaule occidentale. Le littoral neustrien est atteint sous le règne de Louis le Pieux (814-840). Lincursion de 841 fit de grands dégâts à Rouen et Jumièges. Les Vikings sattaquent aux trésors monastiques, proies faciles car les clercs ne peuvent les défendre. Lexpédition de 845 remonte la Seine et touche Paris. Les raids eurent lieu durant lété, les Vikings retournant avec leur butin en Scandinavie passer lhiver.

À partir de 851, ils hivernent en Basse-Seine ; ils incendièrent labbaye de Fontenelle : les moines durent senfuir à Boulogne-sur-Mer en 858 et Chartres en 885. Les reliques de sainte Honorine furent transportées de labbaye de Graville à Conflans, en région parisienne. Une partie des archives et des bibliothèques monastiques furent également déplacées (des volumes de Jumièges à Saint-Gall), mais beaucoup furent brûlées.

Les rois carolingiens menèrent des politiques parfois contradictoires et lourdes de conséquences. En 867 par le traité de Compiègne, Charles le Chauve doit céder au roi breton Salomon, le comté du Cotentin, à la condition quil lui prête serment de fidélité et quil laide dans son combat contre les Vikings. Entre 862 et 869, Charles le Chauve fit construire à Pîtres un pont de bois défendu par deux têtes de pont maçonnées, elles-mêmes protégées par deux fortifications dont l'une devint la ville de Pont-de-l'Arche. D'importants combats eurent lieu notamment en 881. Cependant, malgré ces importantes fortifications, les Francs ne parvinrent pas à défendre la place. La garnison était trop faible et ils peinaient toujours à mobiliser leur armée au pied levé.

C'est ainsi qu'en 911 le chef viking Rollon conclut un accord avec le carolingien Charles le Simple. Aux termes du traité de Saint-Clair-sur-Epte, le roi lui remit la garde du comté de Rouen, soit à peu de choses près lactuelle Haute-Normandie, en échange dun serment de vassalité (prononcé en 940) et un engagement à se faire baptiser. Rollon devait également protéger lestuaire de la Seine et Rouen des incursions scandinaves. À la suite de conquêtes progressives, le territoire sous souveraineté normande sagrandit : lHiémois et le Bessin en 924.

En 933, les Vikings de Normandie s'approprient le Cotentin et lAvranchin aux dépens des Vikings de Bretagne commandé par Incon. Cette année-, le roi Raoul de Bourgogne était contraint de céder au prince des Normands Guillaume Longue-Epée la « terre des Bretons située en bordure de mer ». Cette expression désignait le Cotentin et sans doute aussi lAvranchin jusquà la Sélune dont cétait alors la frontière sud. Entre lan 1009 et 1020 environ, la terre entre Sélune et Couesnon fut conquise sur les Bretons (qui s'étaient débarrassé des Vikings en 937), faisant définitivement du Mont Saint-Michel une île normande. Guillaume le Bâtard compléta lensemble par la conquête du Passais sur le Maine en 1050. Les archevêques de Rouen avaient poussé les princes normands à élargir leurs possessions jusquà remplir lespace de la province ecclésiastique de Rouen, faisant coïncider lune et lautre à peu près.

Bien que de nombreux bâtiments aient été pillés, brûlés ou détruits par les raids vikings aussi bien dans les villes que dans les campagnes, il ne faut pas trop noircir le tableau dressé par les sources ecclésiastiques : aucune ville na été complètement rasée. En revanche, les monastères ont tous subi les pillages des hommes du nord et toutes les abbayes normandes ont été détruites. La forte reprise en main de Rollon et ses successeurs rétablit toutefois assez rapidement la situation.

D'après les sources documentaires, la toponymie et l'ensemble des données linguistiques, le peuplement nordique de la Normandie aurait été essentiellement danois, mais il est probable qu'il y ait eu des norvégiens et peut-être même des suédois. Il y a distorsion entre la richesse du matériel linguistique, notamment la toponymie qui a un caractère nordique évident surtout dans le pays de Caux, la Basse-Seine et le Cotentin, et la pauvreté du matériel archéologique viking, soit qu'on ne l'ait pas suffisamment cherché, soit qu'il y en ait peu. Ce qui fait dire à l'archéologue Jacques Le Maho que l'essentiel du peuplement nordique est le fait de fermiers anglo-scandinaves et non pas de vikings. Cette théorie est d'ailleurs confirmée par la toponymie et l'anthroponymie qui ont un caractère nettement anglo-scandinave avec des noms typiquement vieil-anglais ou scandinaves d'Angleterre[13].

La fusion entre les éléments scandinaves et autochtones a contribué à créer le plus puissant état féodal dOccident. Le dynamisme et le savoir-faire en fait de construction navale, dont témoigne le lexique technique normand, puis français, des nouveaux venus leur permettront de se lancer par la suite à la conquête de lAngleterre, de lItalie du Sud, de la Sicile et du Proche-Orient des croisades.

La Normandie ducale (Xe au XIIIe siècles)

La Normandie aux Xe et XIe siècles
Article détaillé : Duché de Normandie.

Avant Guillaume le Conquérant

Les historiens ont peu de sources écrites pour reconstituer cette phase de lhistoire normande : Dudon de Saint-Quentin, Guillaume de Jumièges, Orderic Vital, Wace, etc. Les sources diplomatiques nous renseignent sur la cour des ducs.

Le pouvoir des ducs de Normandie au XIe siècle

Rollon était le chef - le « jarl » - de ses Vikings. Après 911, il fut comte de Rouen. Ses successeurs prirent dabord le titre de comte de Normandie, jusquà Richard II. Puis ils relevèrent la dignité ducale laissée vacante par laccession au trône des Capétiens, ducs de France. Car il ne pouvait y avoir quun seul duc en Neustrie, et le titre était porté par les ducs robertiens de France avant de lêtre par les princes normands. Ces ducs de Normandie exercèrent le pouvoir de ban, bien quils reconnussent la suzeraineté du roi de France. La Normandie néchappa pas au mouvement général daccaparement de lautorité publique par les princes territoriaux : les ducs frappèrent leur monnaie, rendirent la justice et prélevèrent les impôts (tonlieux, graverie). Ils levèrent leurs propres armées et nommèrent lessentiel des prélats de leur archidiocèse. Ils étaient donc pratiquement indépendants du roi de France, quoiquils leur rendissent hommage à chaque nouveau règne.

Gisant de Rollon, dans la cathédrale de Rouen

Ils entretiennent des relations avec les souverains étrangers, en particulier le roi dAngleterre : Emma, sœur de Richard II épousa Ethelred II, roi dAngleterre. Ils placent des membres de la famille ducale élargie aux postes de comtes et vicomtes, qui apparaissent vers lan mille. Ils conservent une partie des traditions scandinaves comme le droit dexiler, le droit maritime ou le concubinage légal. Mais à la différence des autres princes territoriaux du nord de la France, les ducs normands empêchent les châtelains dobtenir de trop vastes pouvoirs, préservant ainsi le leur. Notamment, les domaines que possédaient en propre les ducs de Normandie étaient beaucoup plus importants que celui des autres princes territoriaux. Cette richesse foncière leur permit de restituer des terres aux abbayes et de se garantir des fidélités auprès des vassaux par la distribution de fiefs. Mais au cours du XIe siècle, cette politique féodo-vassalique réduisit considérablement les propriétés foncières de la dynastie, jusquà la conquête de lAngleterre par Guillaume le Conquérant qui rétablit le duc comme grand propriétaire foncier.

La cour du XIe siècle na pas dorganisation stricte et se déplace souvent. Elle est composée daristocrates ou « Grands », laïcs et ecclésiastiques. Ces « Grands » prêtent serment de fidélité à lhéritier du duché. La chancellerie nest pas encore formée et les actes écrits sont encore peu nombreux.

Généalogie simplifiée des ducs de Normandie.

Laristocratie était composée pour une petite partie dhommes dorigine scandinave, comme le lignage des Harcourt, la plupart des Grands de Normandie étant dorigine franque : les Bellême, les Tosny. Au début du XIe  siècle sagrégèrent et se mélangèrent des éléments bretons à louest, des Allemands et des Angevins. Tous ces aristocrates prêtent serment de fidélité au duc de Normandie et celui-ci leur attribua des domaines fonciers. Dès les années 1040, le terme baron désigne lélite des chevaliers et compagnons du duc. En revanche, le mot vassal napparaît dans les documents que vers 1057. Cest aussi au milieu du XIe siècle que lon commence à utiliser le mot fief. Richard Ier désigna des comtes issus de la dynastie et veilla à ce quils ne constituent pas de trop puissants lignages.

Économie

Au début du XIe siècle, la Normandie est insérée dans un réseau déchanges commerciaux orienté vers lEurope du nord-ouest. Les marchands rouennais fréquentent déjà Londres ils acheminent du vin. Rouen reçoit encore des esclaves livrés par les Vikings. La circulation de la monnaie y était plus intense quailleurs.

Crypte de la cathédrale de Bayeux, XIe siècle
Vie rurale

Fait relativement rare à lépoque, la Normandie ignore le servage et utilise lacre comme unité de surface des terres. Les tenures sont allouées au titre de vavassories ou villainage et remplacent progressivement le système carolingien des manses. Les corvées dues par les paysans sur la réserve seigneuriale sont relativement faibles, à la différence des autres régions françaises.

Toutefois, Denise Angers (université de Montréal), sappuyant sur les terriers (registres fonciers des seigneuries), a pu montrer la persistance de charges considérées dans dautres régions comme serviles : formariage (mariage dun serf hors de la seigneurie ou avec une personne dune autre condition) et mainmorte (droit de succession perçu par le seigneur sur les biens de ses serfs) ainsi que de corvées (dailleurs parfois appelées dans les sources servages) privant les tenanciers du libre emploi de leur temps[14].

Reconstruction
Article détaillé : Architecture médiévale normande.

Pour la liste des ducs, voir : Liste des ducs de Normandie.

La renaissance urbaine et cultuelle de la Normandie de louest après le temps des invasions est un phénomène relativement lent et progressif : mis à part le cas du mont Saint-Michel, il faut attendre les années 1030 pour voir renaître les grands monastères normands. Les cités épiscopales de Caen et Valognes ne se distinguent que vers 1025. Les ducs semployèrent à rétablir la vie monastique en Normandie : vers 960, le réformateur Gérard de Brogne ressuscite Saint-Wandrille. Richard Ier fait reconstruire léglise abbatiale à Fécamp. Mais cest Richard II qui fit venir Guillaume de Volpiano pour ranimer la vie de labbaye, selon la règle bénédictine. Robert le Magnifique fonda Cerisy en 1032.

Laventure italienne et sicilienne

Plusieurs Normands sont allés tenter leur chance en Méditerranée et ont même fondé une nouvelle dynastie : les fils de Tancrède de Hauteville, principalement Guillaume Bras-de-Fer, Robert Guiscard, Roger de Hauteville, puis le fils de ce dernier, Roger II, qui devient roi de Sicile. Les Normands du sud de lItalie joueront un rôle considérable dans lhistoire de l'Empire byzantin et dans laventure des Croisades.

Lœuvre de Guillaume le Conquérant

Dessin de la statue de Guillaume à labbaye de Saint-Étienne à Caen

Voir sa biographie.

Nous connaissons la vie de Guillaume le Conquérant grâce à lœuvre de son biographe Guillaume de Poitiers. Le duc Robert Ier le Magnifique meurt au cours dun pèlerinage : les désordres se multiplient alors en Normandie, pendant une dizaine dannées correspondant à la minorité de Guillaume. Vers 1046, une partie des seigneurs forment une coalition pour écarter Guillaume le Bâtard (futur Guillaume le Conquérant) au profit de Gilbert, comte de Brionne et petit-fils de Richard II. Soutenu par le roi de France Henri Ier, il les mate en 1047 lors de la bataille du Val-ès-Dunes. Jusquen 1055, il doit se débarrasser de quelques Grands trop ambitieux, issus du lignage ducal. Il confisqua les fiefs du duc dArques. Il rétablit lordre par une habile politique de distribution des terres. Il contrôla plus fermement les agents du pouvoirs, les vicomtes. Il élargit son réseau de fidélité par son choix matrimonial : il épousa Mathilde, fille du comte de Flandre Baudouin V et nièce du roi de France, en dépit de linterdiction du pape Léon IX.

Conquête de lAngleterre
Article détaillé : Conquête de l'Angleterre.

Dès 1050, le roi anglais Édouard le Confesseur fit appel à Guillaume pour faire face aux menaces de son aristocratie. Nayant pas dhéritier direct, il laisse penser que Guillaume pourrait recueillir son héritage après sa mort qui survint le 5 janvier 1066. Cependant, Harold Godwinson, beau-frère du défunt roi, se fait sacrer à Westminster. Guillaume décide alors de prendre son héritage par la force en débarquant en Angleterre[15].

Larmée dHarold est alors partie repousser la dernière invasion viking sur lAngleterre, menée par Harald Hardraada, roi de Norvège et également prétendant au trône dAngleterre, à la bataille de Stamford Bridge. Les armées de Guillaume et dHarold se rencontrent à Hastings, Harold est défait, le 14 octobre 1066. Le 25 décembre 1066, Guillaume est sacré et couronné roi dAngleterre à labbaye de Westminster[16].

Conséquences

Doté de cette nouvelle légitimité royale, Guillaume renforça considérablement le duché normand durant son règne. Cette politique fut possible grâce aux richesses quil sattribua après la conquête de lAngleterre. Cette dernière permit à laristocratie normande de prendre possession de terres outre Manche[17]. Guillaume surveilla de près les intrigues menées par son fils Robert Courteheuse. Sa nouvelle puissance éveilla la méfiance du roi de France. Le partage de son héritage fut décidé ainsi : lAngleterre à Guillaume II le Roux, la Normandie à Robert Courteheuse. Mais cela ne suffit pas à éviter les troubles féodaux et fratricides, qui éclatèrent à la mort du Conquérant, en 1087 et durèrent jusquen 1106[18].

Période danarchie

Robert Courteheuse partit en Terre sainte pour participer à la première croisade. Lorsquil revint en Occident, son frère Guillaume Le Roux était mort et Henri Beauclerc avait usurpé le trône dAngleterre grâce à quelques soutiens. Henri triompha de son frère en 1106 à la bataille de Tinchebray.

Le XIIe siècle

Nef de labbatiale Saint-Georges de Boscherville

Le duc Henri Beauclerc a faire face aux ambitions de la maison des Bellême, alliés au comte dAnjou et au roi de France. La continuité dynastique fut menacée lorsque lunique fils de Beauclerc périt dans le naufrage de la Blanche-Nef en 1120. Sa fille Mathilde fut reconnue par les barons normands comme héritière du duché. Elle se maria en 1128 à Geoffroy Plantagenêt, comte dAnjou et du Maine.

À la mort dHenri Beauclerc (1135) souvre une nouvelle crise dynastique ; Étienne de Blois, neveu dHenri et petit-fils de Guillaume le Conquérant par sa mère Adèle, revendique le trône dAngleterre : la période de lAnarchie souvre pour une vingtaine dannées. Étienne de Blois rend hommage pour le duché de Normandie à son seigneur, le roi de France. Geoffroy Plantagenêt dut mener plusieurs expéditions pour récupérer lhéritage de sa femme : en 1144, il est victorieux à Rouen et à Arques. Pour obtenir lhommage du roi de France, il doit lui céder le château de Gisors[5].

Après la mort de Geoffroy Plantagenêt, son fils Henri II hérite de la Normandie. Il augmente ses possessions par son mariage avec lhéritière dAquitaine, Aliénor, en 1154. La Normandie est alors intégrée à un vaste état Plantagenêt qui va de lÉcosse aux Pyrénées. Le Vexin est toujours un enjeu entre le roi de France et le duc normand. Après la mort de Henri II, son fils Richard Cœur de Lion lui succède. Ce dernier part à la croisade et se retrouve prisonnier en 1193. Son frère Jean sans Terre tente alors de prendre sa place. Il recherche le soutien du roi de France Philippe Auguste et lui cède plusieurs terres et forteresses à lest du duché, parmi lesquelles la région de Verneuil. En février 1194, le Capétien sempare dÉvreux, du Neubourg et de Vaudreuil et attaque Rouen. Richard fut libéré et reprit Verneuil. Profitant dune trêve dun an, Richard entreprend la construction de Château-Gaillard, en aval de Rouen.

La fin de la Normandie des Plantagenêts (début du XIIIe siècle)

Les événements

Richard Cœur de Lion meurt en 1199. Le 25 mai 1199, Jean Sans Terre se fait couronner duc de Normandie à Rouen. Ce dernier avait mauvaise presse au Moyen Âge, notamment à cause de la pression fiscale quil a exercé et on le disait même possédé par le diable. Il rend hommage au roi de France et des négociations aboutissent au traité du Goulet. Jean sans Terre épousa de force Isabelle Taillefer, promise à Hugues IX de Lusignan, vassal du roi de France. Ce dernier se sentant lésé fit appel à la justice de son suzerain Philippe Auguste qui prononça la commise des fiefs de Jean Sans Terre, à cause de son absence[5]. Autrement dit, le seigneur français confisquait les terres de son vassal, en application du droit féodal. Il donna ces domaines au neveu du Plantagenêt, Arthur Ier de Bretagne, à part la Normandie quil se réservait. À lété 1202, Philippe Auguste sempare du pays de Bray. Jean Sans Terre fait assassiner son neveu Arthur de Bretagne ; ses barons normands, influencés par le roi de France, labandonnent. Dès lété 1203, Château-Gaillard est assiégé et tient bon jusquau 6 mars 1204. Le 21 mai, la ville de Caen tombe aux mains des Français. Enfin, le 24 juin 1204, les troupes de Philippe Auguste entrent à Rouen, après avoir vaincu la résistance de ses habitants. Le roi a conquis la Normandie, qui est incorporée au domaine royal : cela signifie que le roi disposera de nouveaux revenus et imposera ses officiers dans lancien duché[19].

Bilan de la période ducale
Maison médiévale, Rouen

Le duché de Normandie, comme le reste de lOccident, a connu une période dexpansion démographique et économique. Cest lépoque des grands défrichements, menés par les abbayes ou des familles : les essarts prennent le nom des défricheurs, suivi de la désinence -erie ou -ière. De nouveaux hameaux et villages naissent à cette époque. Les seigneurs normands démembrent leur réserve, provoquant la naissance de terres concédées au titre de ferme perpétuelle, les futurs fiefs roturiers. Les progrès de lagriculture se lisent dans ladoption généralisée de lassolement triennal, qui améliore les rendements, du collier dépaule et de lutilisation du cheval comme animal de trait. Léconomie monétaire a pénétré le monde rural de façon plus précoce quailleurs : dès le XIe siècle, tous les Normands paient un impôt direct, la graverie, en espèces. Les rentes foncières sont utilisées dès la fin du XIIe siècle[20].

Le commerce fluvial sest aussi développé : les marchands rouennais disposaient de franchises à Londres. Au XIIe siècle, plusieurs bourgs fondent leur prospérité sur la draperie.

Au XIe siècle, les barons normands disposent de plusieurs fiefs. Ils tiennent ces fiefs directement du duc et lui prêtent hommage. Puis viennent les seigneurs qui possèdent des terres et font construire leur demeure dans le cadre de la motte castrale, comme celle dAplemont, près du Havre[21]. Ils encouragent la création de bourgs et de faubourgs. Certains lignages sappauvrissent rapidement. Les vavasseurs sont dans la dépendance de ces seigneurs et sont maîtres dune vavassorie, une fraction de fief. Les fiefs dit « de haubert » sont parfois subdivisés en demi-fief de haubert ou quarte de fief de haubert. Parmi les vilains, cest-à-dire lensemble des paysans, une partie émerge au sein dun groupe de laboureurs aisés, possédant au moins un train de labour et des animaux de trait. Les cottagers ou bordiers forment le prolétariat rural, mais il nexiste pratiquement pas de serfs en Normandie.

La Normandie devenue française

Lintégration française

Flèches de léglise Saint-Étienne de Caen, XIIIe siècle

La politique du roi Philippe II Auguste fut de tout faire pour faciliter lintégration du duché au domaine royal : il préserva les spécificités normandes. Les Établissements de Rouen, qui donnaient le monopole de la navigation sur la Seine pour les marchands rouennais, furent confirmés. Il conserva linstitution de lÉchiquier, cour judiciaire et administrative de la Normandie ainsi que la Coutume de Normandie. Il veilla à contrôler ses vassaux et laissa en place linstitution des vicomtes. Il installa des baillis français dans toute la région. Il rendit aux chapitres cathédraux le soin de choisir leur évêque[5].

Le XIIIe siècle est le temps de la prospérité économique : profitant de la sécurité capétienne, les paysans défrichent, souvent encouragés par les seigneurs et le roi lui-même. Des bourgs et des villeneuves, dotés de privilèges, naissent un peu partout. Lagriculture est diversifiée : blé, orge, guède, garance, lin, chanvre, légumineuses[22]

Les villes grandissent aussi : Rouen se dote dune troisième muraille. Les foires attirent les marchands des régions voisines. Philippe IV Le Bel établit un arsenal dans le port de Rouen (le Clos aux galées). Les marchands rouennais exportaient le vin et le blé en Angleterre et revenaient avec de létain, de la laine et des draps[23].

Cloître de labbaye du Mont-Saint-Michel

Apogée du gothique

Dans la première moitié du XIIIe siècle, larchitecture normande garde son originalité : élancement, tours-lanternes à base carrée (Rouen). Puis le gothique français simpose. Les innovations font évoluer les édifices vers plus de clarté (suppression des tribunes, arcs-boutants). Les rois et les Grands financent les travaux : Philippe Auguste concourt à lédification de la Merveille du Mont-Saint-Michel[24].

Ferment de crise à la fin du XIIIe siècle

Les troubles liés aux impôts se multiplient à Rouen : les émeutes de 1281 voient le maire assassiné et le pillage des maisons nobles. Devant linsécurité, Philippe le Bel supprime la commune et retire aux marchands le monopole du commerce sur la Seine. Mais les Rouennais rachètent leurs libertés en 1294. Les mutations de la monnaie royale amoindrissent les revenus des rentes pour les bourgeois. Après la mort de Philippe le Bel, lagitation reprend et le pouvoir doit concéder la Charte aux Normands (1315), puis la seconde charte aux Normands (1339) qui réaffirment lautonomie normande en matière de justice et dimpôt. Les États de Normandie sont des assemblées convoquées pour régler les problèmes financiers du royaume. Elles deviennent pérennes et influentes.

La Normandie dans la Guerre de Cent Ans (XIVe et XVe siècles)

Aître Saint-Maclou, à Rouen, lon déposait les pestiférés

Quand éclate en 1337 la fameuse Guerre de Cent Ans, opposant les royaumes de France et dAngleterre, la Normandie nest pas à lorigine du conflit. Par contre, par sa richesse et son passé anglo-normand, elle en devient rapidement un enjeu. En 1346, le roi dAngleterre Édouard III et son armée débarquent dans le Cotentin, traversent toute la région en pillant et détruisant tout sur leur route. Les Anglais retournent dans leur île après avoir remporté la bataille de Crécy en Picardie.

La peste noire touche la Normandie dès 1348 et provoque des épidémies récurrentes dans la région. Conjuguées aux dévastations de la guerre et aux famines, la peste fait des ravages parmi la population de la région. Ce contexte difficile provoque des émeutes populaires à Rouen contre les impôts en 1382.

La Normandie fut le théâtre dune violente opposition entre le roi de France Jean le Bon et Charles le Mauvais, roi de Navarre. Ce dernier était le petit-fils de Philippe le Bel par sa mère et faisait valoir ses droits sur le trône de France. Il possédait des terres en Normandie, en particulier le comté dÉvreux, et a profité de la Guerre de Cent Ans en faisant jouer lalliance anglaise. Après avoir agrandi ses domaines normands par le traité de Mantes le 22 février 1354, Charles le Mauvais est emprisonné à Château-Gaillard, mais sen évade le 9 novembre 1357. Il attise lagitation antifiscale en Normandie. Larmée française commandée par Bertrand du Guesclin le bat finalement à Cocherel le 16 mai 1364. Par le traité dAvignon en mars 1365, Charles le Mauvais abandonne au roi de France Charles V ses possessions normandes en échange de la ville de Montpellier.

Après un répit de quelques années, la guerre de Cent Ans reprend et concerne davantage la Normandie que sa première phase. En août 1415, le roi dAngleterre Henri V débarque dans lestuaire de la Seine pour reconquérir ses terres patrimoniales ancestrales. Il assiège la ville dHarfleur qui finit par tomber. Puis, il défait les Français à Azincourt. Après un séjour en Angleterre, Henri V retourne en Normandie mais cette fois dans lobjectif de conquérir toute la région, voire plus. En 1419, la capitale, Rouen, tombe. Les Anglais mettent la main sur une bonne partie du royaume de France. Par le traité de Troyes signé en 1420, Henri V obtient la main de Catherine, fille du roi de France Charles VI ; à la mort de ce dernier, Henri V ou son fils deviendra roi de France et dAngleterre. En 1422, Henri V et Charles VI meurent. Comme Henri VI nest encore quun nourrisson, cest le duc de Bedford qui assume la régence. Il crée luniversité de Caen en 1432 et tente de ménager les particularismes des Normands. La noblesse, le clergé et la bourgeoisie dans leur grande majorité sétaient ralliés au roi Plantagenêt, dont le règne paraissait légitime comme duc de Normandie ainsi que comme roi de France. Mais la pression fiscale quil impose suscite le mécontentement. Bedford intervient pour que Jeanne dArc soit condamnée à mort. Le 30 mai 1431, capturée au siège de Compiègne, elle est « vendue » aux Anglais et brûlée vive après un long procès à Rouen. Ses cendres sont dispersées dans la Seine. En 1434, les impôts exigés par les Anglais pour financer leurs campagnes provoquent un climat insurrectionnel dans toute la région. Au printemps 1449, les offensives des armées de Charles VII de France dans le Cotentin, en Basse-Seine et dans le centre de la Normandie marquent le début de la reconquête capétienne. Loccupation anglaise de la Normandie prend fin en 1450 après la bataille de Formigny que remporta le connétable Arthur de Richemont dans le Calvados actuel. Cherbourg est la dernière ville libérée dans lété 1450. Les élites se rallient à la dynastie capétienne et les églises se couvrent de fleurs de lis pour le signifier. La reconstruction des bâtiments endommagés ou détruits par la guerre peut débuter.

Révolte de Monsieur Charles

Monsieur Charles, apanagé en Normandie, veut régner sur son duché que lui a confisqué son frère aîné le roi Louis XI. En conflit avec lui, il se réfugie chez le duc François II de Bretagne. Ensemble, ils ordonnent une campagne en Normandie en 1467-68. Mais après des succès initiaux, larmée bretonne rentrera à la maison et une trêve sera signée à Ancenis entre les belligérants.

La Renaissance en Normandie

Le Premier XVIe siècle

Retour de la prospérité

La guerre de Cent Ans terminée, la Normandie se relève de ses ruines démographiques et économiques. Après les désastres de la période 1337-1450, la croissance démographique permet à la Normandie de retrouver, vers 1530 son niveau de population davant les crises. En 1517, le roi François Ier crée le port et la ville du Havre. À Rouen, la draperie connaît un essor sans précédent. Les pêcheurs normands vont chercher le hareng en Mer Baltique et la morue à Terre-Neuve. Ils rapportent de sel de Guérande. Jusquen 1570, la Manche est un lieu de passage pour les navires commerciaux qui se dirigent vers Londres ou Anvers. Les marchands normands importent des matières premières des Îles Britanniques (laine, étain, cuir, etc.), du sel et de lalun du Sud ; ils fréquentent le port dAnvers. Harfleur accueille des marchands hispaniques.

La Normandie participe au mouvement des grandes découvertes, avec notamment le départ, en 1503, de Binot Paulmier de Gonneville de Honfleur jusquaux côtes du Brésil, la visite de Terre-Neuve et de lembouchure du Saint-Laurent par le Honfleurais Jean Denis en 1506 ou le départ, en 1608, dune expédition dirigée par Samuel de Champlain, qui aboutit à la fondation de la ville de Québec. Sous le règne de François Ier, larmateur dieppois Jehan Ango envoie ses navires vers Sumatra, le Brésil, lArgentine et le Canada. Dieppe est aussi le siège une école de cartographie et dhydrographie sous la direction de Pierre Desceliers. Les Rouennais envoient Giovanni da Verrazano chercher le bois de Brésil en Amérique du Sud. En 1550, une fête brésilienne est organisée sur la Seine à Rouen, en lhonneur de la visite du roi Henri II.

Le dynamisme et la prospérité en Normandie se voient à travers les innombrables manoirs qui se construisent dans les campagnes et les hôtels urbains dans les grandes villes. Enfin, la Normandie sest particulièrement ouverte à linfluence protestante.


Château d'Ételan, Seine-Maritime

Renaissance artistique en Normandie

Lessor économique de la première moitié du XVIe siècle et la présence de mécènes prestigieux permet à la Renaissance déclore en Normandie. Les manoirs et les châteaux ruraux ne font que plaquer des éléments renaissants et italianisants sur des plans de tradition gothique. Une certaine profusion de décoration connaît une vogue certaine à cette époque, aussi bien en ville quà la campagne. Les matériaux utilisés sont la brique, le bois et la pierre taillée. Lessor de ces constructions est brisé par les guerres de religion, dans la deuxième moitié du XVIe siècle.


Bureau des Finances, Rouen, 1510


Hôtel d'Escoville, Caen, XVIe siècle

Les guerres de religion

Le protestantisme simplante tôt en Normandie (dès les années 1530), surtout dans les villes. La première ville acquise au calvinisme, Alençon Marguerite dAngoulême la laissa simplanter, devient rapidement un foyer de Réforme. Les campagnes du nord du pays de Caux, de la vallée de la Seine (Caudebec-en-Caux) et du Bessin sont touchées. Le Cotentin est gagné par les idées de la Réforme plus tard (deuxième moitié du XVIe siècle: le sieur de la Mare, Pierre de Comprond est brûlé vif à Coutances.

Les succès de la Réforme sexpliquent par le trafic des indulgences et labsence des curés. La région est relativement riche et alphabétisée, ouverte sur les influences extérieures par le négoce. Rouen est le troisième centre dimpression de livres en France. De nombreux imprimeurs sont aussi installés à Caen.

Les protestants sont avant tout des petits nobles, des bourgeois de Caen et des artisans du textile.

1562 : début des guerres de religion : iconoclasme dans plusieurs villes (Alençon, Rouen, Caen, Coutances, Bayeux) ; siège et pillage de Rouen en octobre ; traité d'Hampton Court
1572 : Saint-Barthélemy : massacre de protestants à Rouen
21 septembre 1589 : bataille dArques
1590 : bataille dIvry

À la fin du XVIe siècle, le protestantisme recule en Normandie, même sil reste relativement bien implanté à Caen et Alençon. Peu avant la révocation de lÉdit de Nantes par lÉdit de Fontainebleau de Louis XIV en 1685, la Normandie est la province du nord de la France qui compte le plus dhabitants acquis à la Réforme. Au nombre de 200 000, ceux-ci forment la partie la plus industrieuse de la population normande. À la révocation, pas moins de 184 000 (92 %) protestants mettront leur proximité avec la mer à profit pour senfuir vers lAngleterre et la Hollande, pays protestants avec lesquels ils entretenaient des relations suivies. Plus de 26 000 habitations normandes sont désertées. La population de Rouen chute de 86 000 à 60 000 habitants. La sortie du royaume des plus riches des 4 000 protestants de Caen, qui se livraient presque tous au commerce maritime, appauvrit ainsi la population privée des relations commerciales précédemment entretenues par ceux-ci. La totalité des protestants de Coutances émigrent, emportant avec eux en Angleterre toutes les manufactures de toiles quils possédaient. La moitié des 800 réformés que compte Saint- passe à létranger. Plus de la moitié des 300 réformés de lélection de Mortain sétablit en Angleterre et en Hollande. Lémigration des maîtres, suivis de leurs plus habiles ouvriersnon seulement protestants mais quelquefois même catholiques désireux de conserver leur emploi –, ruine pour plusieurs années les diverses branches de commerce et dindustrie qui florissaient auparavant à Rouen, Darnétal, Elbeuf, Louviers, Caudebec, Le Havre, Pont-Audemer, Caen et Alençon au point que cette province autrefois industrieuse suffit désormais à peine à sa propre consommation.

Les violences religieuses népargnent pas la province : près de 80 000 Normands réformés sexilent en Prusse, aux Pays-Bas et en Angleterre.

La Normandie au siècle de Louis XIV

Abbaye de Gruchet-le-Valasse, Seine-Maritime

La révolte des Nus-Pieds est un soulèvement populaire qui toucha la Normandie en 1639 suite à la décision de Louis XIII détendre la gabelle du sel à lensemble du territoire. Les révoltes avaient déjà secoué la province auparavant, à mesure que la charge fiscale salourdissait : en 1623 à Rouen, en 1634La révolte de 1639 est générale : elle touche les principales villes en août.

En 1667, Jean-Baptiste Colbert crée la manufacture royale des draperies dElbeuf. La Normandie connaît alors une petite période de prospérité. La charge fiscale est même diminuée. On construit des châteaux de style classique (Balleroy, Beaumesnil, Cany, Flamanville).

Mais à partir de 1689, la guerre reprend contre lAngleterre : le littoral normand subit plusieurs attaques. En 1692, la flotte française subit une cinglante défaite à La Hougue dans le Cotentin. En 1694, Le Havre et Dieppe sont bombardés.

Les relations transatlantiques avec lAmérique sintensifient. Des Normands continuent lexploration du Nouveau Monde : le Rouennais René Robert Cavelier de La Salle voyage dans la région des grands Lacs des États-Unis et du Canada, puis sur le fleuve Mississippi. Il découvre ainsi les territoires situés entre le Québec et le delta du Mississippi, autrement dit la Louisiane française. Honfleur et Le Havre furent deux des principaux ports négriers de France. La traite enrichit plusieurs familles normandes comme les Fouache.

Les colons qua fournis la Normandie (en particulier la Basse-Normandie), à la Nouvelle-France (Québec) furent parmi les plus entreprenants.

Jouxtant la Normandie historique, cest de lancienne province du Perche que proviennent des plus anciennes familles du Québec : les Aubin, Baril, Beaulac, Bouchard, Boucher, Cloutier, Drouin, Gagnon, Giguère, Lambert, Landry, Leduc, Lefebvre, Mercier, Pelletier, Rivard, Tremblay et nombre dautres

Le siècle des Lumières

Léconomie normande

Maison de lArmateur, XVIIIe siècle, hôtel urbain dun négociant du Havre

Le XVIIIe siècle constitue lapogée du trafic négrier. Les bourgeois du Havre, de Rouen et dHonfleur bénéficient des retombées économiques du commerce triangulaire. Le travail du coton se développe dans les villes et jette les bases de la Révolution industrielle. Les manufactures se multiplient et sinstallent dans les faubourgs de Rouen. Mais ces changements profitent surtout à la Normandie orientale (autrement dit lactuelle Haute-Normandie). Le reste de la province profite moins du grand commerce maritime.

Lagriculture reste importante : production céréalière (Pays de Caux, Vexin, campagnes du Neubourg, de Caen, dArgentan), élevage laitier (Pays de Bray, Bessin), élevage pour la viande (Pays d'Auge), pommiers pour le cidre sont en progrès, alors que la vigne recule vite. Dans de petits secteurs, la productivité augmente grâce à la disparition progressive de la jachère dans le Pays de Caux et la plaine de Caen. Le bocage normand fournit des rendements médiocres.

La filature, le tissage, la fabrication de toiles sont les activités artisanales les plus pratiquées dans les campagnes normandes. Rouen reste le plus gros centre de production de draps de laine. À la fin du XVIIIe siècle commence à simposer la filature du coton.

La métallurgie concerne surtout la région dAlençon, le Pays dOuche et lest de la Normandie. Villedieu-les-Poêles fabrique des ustensiles de cuivre. Rouen est un centre de production de verre, de céramique, de porcelaine, de livres. Les chantiers navals se développent au Havre, mais aussi à Cherbourg, Caen, Rouen, Villequier et Dieppedalle. Dans la vallée de la Seine commencent à simplanter des centres de production « chimiques » (raffineries de sucre). Les Britanniques introduisent quelques timides innovations dans les secteurs textile et métallurgique normands au XVIIIe siècle.

Dans les années 1780, la crise économique et la crise de lAncien Régime frappent la Normandie et débouchent sur la Révolution française.

La Révolution en Normandie

Charlotte Corday, originaire de Normandie

En 1788-1789, les cahiers de doléances révèlent les difficultés et les attentes des Normands : les corporations et les péages sont vivement contestés. Les mauvaises récoltes, les progrès techniques et les effets du traité de commerce de 1786 affectent lemploi et léconomie de la province. Surtout, cest limportante charge fiscale que les Normands ont du mal à accepter. Durant lété 1789, la province subit la Grande Peur, une rumeur dun complot aristocratique pour écraser la Révolution. En 1790 sont institués les cinq départements de la Normandie. La Terreur vit lapplication de la déchristianisation en Normandie. La cathédrale de Rouen fut ainsi temporairement transformée en temple de la Raison.

Les Normands refusent la levée en masse décrétée par la Convention. À la chute des Girondins le 2 juin 1793, un certain nombre dentre eux, dont Buzot, Gorsas, Barbaroux, Guadet, Louvet de Couvray, Pétion, se réfugient en Normandie ils tentent de soulever une insurrection fédéraliste contre la Convention. Ils rassemblent à Caen une armée de 2 000 volontaires sous les ordres du général Wimpffen. Cette tentative se solda par un échec lors de lengagement à Brécourt le 13 juillet.

Le 11 juillet 1793, Charlotte Corday, qui a côtoyé les proscrits girondins à Caen, assassine Marat.

La chouannerie se développe à partir de 1795 en Basse-Normandie. Sous le Directoire, des bandes royalistes effectuent des coups de force à Domfront, Tinchebray, Vire.

Sous lEmpire, le blocus, la conscription et les mauvaises récoltes de 1811 entraînent une nouvelle fois le mécontentement des Normands.

La mutation des campagnes et lindustrialisation (XIXe siècle)

LHôtel Fouet, Caen, XVIIIe siècle

Les Normands réagissent peu aux nombreux bouleversements politiques qui caractérisent le XIXe siècle. Prudents, ils acceptent globalement les changements de régime (Premier Empire, Restauration, monarchie de Juillet, Deuxième République, Second Empire, Troisième République).

Mutations de lindustrie et du transport

  • Renouveau économique après les guerres révolutionnaires (1792-1815)
  • Abolition de la traite des Noirs
  • Apparition des bateaux à vapeur sur la Seine et premiers trains : inauguration de la ligne Paris-Rouen le 3 mai 1843, prolongée jusquau Havre en 1848.
  • Mécanisation du textile, utilisation de la force hydraulique. Multiplication des usines surtout en Seine-Maritime (Elbeuf, Bolbec, Le Havre, Louviers)
  • Effets sociaux : prolétarisation, chômage, exode rural, émigration relative aux États-Unis

La population normande stagne à environ 2,4 millions dhabitants entre 1800 et 1900 mais cet immobilisme apparent masque une redistribution démographique au sein de la province. Dune manière générale, les villes croissent, plus exactement les villes en pleine Révolution Industrielle. Il sagit principalement des villes de la vallée de la Seine (Le Havre surtout, Rouen et sa banlieue, Elbeuf). Dimportantes usines, surtout textiles, se développent et accueillent plusieurs centaines douvriers. Cette industrialisation sappuie dabord sur lutilisation de lénergie hydraulique des rivières puis sintensifie grâce aux machines à vapeur et à la création des premières voies de chemin de fer. Cependant, une grande partie de la Normandie (notamment la Basse-Normandie) reste à lécart de ces transformations.

Mutation des campagnes

Globalement, les campagnes normandes se dépeuplent. Parmi les raisons de ce déclin, la conversion à lélevage bovin, qui touche presque toute la province. Or cette activité requiert moins de main-dœuvre que la culture céréalière. Les fermiers normands transforment leurs champs en herbage ou en prairies artificielles et se mettent à produire du lait et ses dérivés. Crème, beurre et fromages de Normandie (dont le fameux camembert) approvisionnent les marchés parisiens. Cest sur ces boîtes de camembert que sexporte limage quelque peu caricaturale dune Normandie opulente et verte : autour de la paysanne, se déploie un paysage de bocage avec ses vaches, ses haies, ses pommiers et ses bâtiments à pans de bois.

Une nouvelle activité dynamise le littoral : le tourisme. Le XIXe siècle marque la naissance des premières stations balnéaires. Dieppe dabord, puis tout un chapelet de modestes ports (Saint-Valery-en-Caux, Etretat, Le Tréport, Trouville, Deauville, Cabourg) voient sélever villas, casino et grand hôtel. Laristocratie et la haute bourgeoisie parisiennes, sans oublier anglaises, poursuivent ainsi leur vie mondaine sur la côte normande, celle peinte par les Impressionnistes.

Le succès de ces lieux de villégiature tranche avec lendormissement de cités naguère riches (Bayeux, Falaise, Alençon), le déclin des campagnes proto-industrielles (Pays d'Ouche, région autour de Vire, plaine de Caen etc.) et la constitution de quartiers insalubres dans les villes industrielles (avec un taux de mortalité particulièrement élevé, Rouen est un véritable mouroir).

Arts et lettres

Claude Monet, Impression soleil levant, 1872, peint dans le port du Havre

Les changements industriels affectent la société et lart. La Normandie tient une place importante dans le mouvement artistique impressionniste qui se développe dans la deuxième moitié du XIXe siècle. De nombreux sites normands, tels notamment les falaises dÉtretat, Giverny et la cathédrale de Rouen, ont inspiré limpressionnisme dont le terme vient dun tableau de Claude Monet intitulé Impression, soleil levant présenté à lexposition de 1874.

Elle inspire aussi de nombreux écrivains parmi lesquels Honoré de Balzac qui se rend en 1822, en Normandie, chez sa sœur Laure Surville. Il y rencontre une jeune femme réfugiée dans ses terres, près de Bayeux ce qui lui inspire par la suite : La Femme abandonnée et La Grenadière[25].

La Normandie est également le berceau de grands écrivains du XIXe siècle :

Sous le Second Empire, Victor Hugo, opposé à Napoléon III, vit en exil à Jersey puis à Guernesey. Sa fille Léopoldine se noie dans la Seine à Villequier en 1843. Hugo composera pour elle son poème « Demain, dès l'aube... ».

Guerre de 1870

Les Prussiens entrent en Normandie au cours des mois d'octobre et de novembre par le plateau du Vexin. De nombreux combats ont lieu entre les soldats prussiens et français. Mais les Prussiens dominent nettement les Français qui complètement désorganisés, abandonnent Rouen, dans laquelle les Prussiens entrent les 5 et 6 décembre. La ville est occupée et le général Manteuffel y installe un préfet et une administration prussienne. De plus les habitants subissent la confiscation de leurs biens par l'armée allemande.

A. Roland décrit l'arrivée de l'armée prussienne dans la ville :

"13 décembre - Cette nuée que je veux qualifier de huitième plaie, s'abat dans les domiciles pauvres ou aisés par deux, par quatre ou six, malgré le nombre fixé par le billet de logement (nouvellement innové pour ces messieurs)."

Cependant l'armée française se replie et le général Briand ordonne le repli sur Honfleur afin d'embarquer pour Le Havre.

Cette retraite ne marque pas la fin des combats, le général Roy, à la tête de 10 550 hommes et 14 canons, tente de reconquérir Rouen[26]. Les Français arrivent à faire une percée, mais les Prussiens réalisent une contre-attaque, que les Français parviendront à repousser. Mais cette tentative sera la dernière, car le 25 janvier, le Grand duc de Mecklembourg fait son entrée dans Rouen et signe l'Armistice le 28 janvier. Une ligne de démarcation est alors dessinée, s'étendant d'Étretat à St Romain de Colbosc. A. Roland écrivit alors :

"Le Havre était resté français et n'avait pas vu flotter sur ces murs le sombre drapeau noir et blanc".

Il s'avère que l'occupation se passa très mal et que les occupants furent assez violents avec les occupés[27].

Ces moments sombres semblent avoir forgé une certaine image de l'occupant qui se retrouvera dans l'envie de partir au combat [28], lors de la Première Guerre mondiale en 1914.

Première Guerre mondiale

Le premier conflit mondial épargne la Normandie mais la bataille semblait toute proche, puisque les limites du front approchaient Beauvais en septembre 1914. Cependant Sainte-Adresse accueille le 13 octobre 1914 le gouvernement de la Belgique et Rouen devient une base Anglaise évoquée dans les "silences du colonel Bramble" par un agent de liaison nommé Emile Herzog (André Maurois). De plus, la mise à feu le 29 août 1917 du haut-fourneau de Colombelles, permet de réduire les conséquences de l'occupation des régions industrielles, les régiments normands prennent leur part, et au delà, à l'effort de la nation. Les Ve et VIe divisions foulent les champs de bataille de Charleroi, de la Marne, de Verdun, du Chemin des Dames etc. Foch dit alors :"Je suis tranquille, les Normands sont [5].

Aux morts de la guerre s'ajoute la chute du taux de natalité déjà commencée au XIXe siècle. La production rurale, faute de main-d'œuvre suffisante, baisse considérablement, ainsi que la production industrielle, qui manque d'ouvriers qualifiés.

Les années 1920 ne connaissent pas de bouleversements significatifs, la prudence et la modération, guident les normands dans le choix de leurs élus locaux ainsi que dans le programme économique de la région. Le front populaire de 1936 permet à des millions de salariés de partir en congés pour la première fois, la Normandie et ses plages vont recevoir des Français qui n'ont jamais vu la mer.

Seconde Guerre Mondiale

Article détaillé : Bataille de Normandie.

Durant la Seconde Guerre mondiale, la Normandie fut un des points de départ de la reconquête de lEurope par les Alliés, mettant fin à loccupation allemande. Le 6 juin 1944 fut lancée lopération Overlord, la plus grande opération amphibie de toute lhistoire militaire mondiale, menée simultanément sur plusieurs plages du Calvados et de la Manche, à laquelle prirent part les troupes des États-Unis, du Royaume-Uni, du Canada, ainsi que quelques contingents dautres nations. Ce fut le début de la bataille de Normandie qui ne sacheva que le 12 septembre, par la capitulation de la garnison du Havre, alors que plusieurs régions françaises étaient déjà libérées.

Un grand nombre de musées et de cimetières militaires existent sur cette période. Il reste également des fortifications en béton armé dites blockhaus surtout sur la côte, qui faisaient partie du Mur de lAtlantique édifié par les Allemands[29].

Deuxième moitié du XXe siècle

Reconstruction

De nombreuses villes et infrastructures ont été détruites pendant la guerre.

  • De très nombreuses maisons à pans de bois et autres monuments historiques à Rouen, dont la cathédrale échappa de peu la destruction totale
  • Tout le centre historique de Lisieux furent miraculeusement préservées la cathédrale Saint-Pierre et la basilique en cours de construction
  • Un nombre considérable de constructions à Caen
  • Saint-, quasiment rasée
  • Vimoutiers, quasiment rasée

Nouveaux défis

Article détaillé : Réunification de la Normandie.
Pylône nord du Pont de Normandie

Lors de la création des régions en 1956, les cinq départements normands ont été répartis en deux régions administratives : la Haute-Normandie et la Basse-Normandie. Sans qu'il s'agisse des mêmes limites, ce découpage reprend une distinction dont les origines remontent au XVIe siècle, voire au XIVe siècle siècle[30].

Cette séparation a été réalisé par lénarque Serge Antoine qui reconnaîtra plus tard que:

« Si cétait à refaire, je ne ferais quune seule Normandie. [...] Ma seule erreur a été de croire que je mettais en place un système évolutif. Jétais convaincu, naïvement, que lon assisterait peu à peu à des fusions de régions. Hélas, jattends encore ... ».[31]

Après plus de cinquante ans de division administrative, ponctués de querelles politiques incessantes teintées dintérêts particuliers, la Normandie tend, aujourdhui, vers sa réunification. Le rapprochement des deux Normandie est à létude. Un sondage IFOP-Ouest-France réalisé en mars 2009 montre toutefois que seul 36% des Bas-Normands sont favorables à la réunification[32].

La Normandie est principalement centrée sur la vallée de la Seine et particulièrement sur l'axe le Havre-Rouen. Elle s'est engagé dans la voie industrielle, et grâce à son dynamisme, elle est entrée dans la zone d'attraction de Paris.

Un terminal de conteneur du port 2000 du Havre.

L'estuaire de la Seine est une porte d'ouverture vers la région parisienne qui a su conserver aux activités portuaires toute la capacité commerciale que l'on attend de grands ports comme Le Havre et Rouen.

Le Havre est le premier port français pour les échanges avec l'Amérique du Nord, mais aussi le deuxième port pétrolier et le premier centre d'importation du café, du tabac et du coton. Sans oublier Port 2000, qui accroît la capacité d'accueil et d'échange pour le troisième millénaire. Quant à Rouen c'est la fois un important port pétrolier, céréalier et agro-alimentaire. La région possédant une grande capacité de réalisation d'importants projets industrielles et commerciales, qui affirment la vocation de carrefour fluvio-marin de la basse Seine pour la région parisienne, et le point d'ancrage des échanges européens.

Avec le port d'Antifer pour les pétroliers géants, le pont de Tancarville et enfin l'un des plus grands ponts à haubans du mode, le pont de Normandie qui relie la région havraise et Honfleur, la Haute Normandie se place comme pôle industriel incontournable du nord de l'Europe.

Notes et références

  1. Roger Jouet, Et la Normandie devint française, Orep, 2004, p.16
  2. Léon Fallue, Histoire de la ville et de labbaye de Fécamp, Nicétas Périaux, Rouen, 1841, p. 20
  3. Abbé Cochet, Sépultures gauloises, romaines, franques et normandes, Derache, Paris, 1857
  4. Bilan archéologique de la DRAC - Pîtres
  5. a, b, c, d et e Untitled Document
  6. César et les Gaulois sur Histoire-normandie.fr
  7. Michel de Boüard, Histoire de la Normandie, Privat, Toulouse, 1970
  8. Normandie Héritage - Histoire, Tradition et Patrimoine Normand
  9. Des éléments non Germaniques comme les Alano-sarmates y sont aussi mêlés comme l'indique la présence de mobilier pontico-danubien à Saint-Martin-de-Fontenay, mais la Notitia dignitatum n'en fait pas état pour la Seconde Lyonnaise et aucune trace toponymique ni lexicale ne peut leur être attribuée dans cette province.
  10. Michel Reddé, L'armée romaine en Gaule, Éditions Errance, Paris, 1996, (ISBN 2-87772-119-1)
  11. D'après la Notitia dignitatum
  12. Les Romains en difficulté sur Histoire-normandie.fr
  13. François de Beaurepaire (préf. Marianne Mulon), Les Noms des communes et des anciennes paroisses de la Seine-Maritime, Paris, A. et J. Picard, 1979, 180 p. (ISBN 2-7084-0040-1) (OCLC 6403150).
    Ouvrage publié avec le soutien du CNRS
      ; Les noms des communes et anciennes paroisses de l'Eure, 1981 ; Les noms des communes et anciennes paroisses de la Manche, Éditions Picard, Paris, 1986
  14. Rapport, établi par Julien Demade, du Colloque international "Nouveaux servages" de lEurope médiane et septentrionale (XIIIe-XVIe siècles), Göttingen, 6-8 février 2003
  15. Léon Fallue, opcit., p. 238
  16. Léon Fallue, opcit., p. 296
  17. Léon Fallue, opcit., p. 257
  18. Michel de Boüard, opcit., p. 478
  19. Anne-Marie Flambard Héricher et Véronique Gazeau (dir.), 1204, La Normandie entre Plantagenêts et Capétiens, Caen, CRAHM, 2007, (ISBN 9782902685356), p. 56
  20. Anne-Marie Flambard Héricher et Véronique Gazeau (dir.), opcit., p. 123
  21. Anne-Marie Flambard Héricher et Véronique Gazeau (dir.), opcit., p. 176
  22. Roger Jouet, Et la Normandie devint française, Orep, 2004
  23. Michel de Boüard, opcit., p. 539
  24. Roger Jouet, opcit.
  25. Gérard Pouchain, Balzac en Normandie, Éditions Charles Corlet, Condé-sur-Noireau, 1999
  26. Émile Dessolins, Les Prussiens en Normandie, Sagnier, Paris, 1873
  27. Guy de Maupassant a écrit plusieurs nouvelles mettant en scène les relations entre les habitants de la Normandie et les occupants, dont la célèbre «Boule de Suif»
  28. Voir : Académie de Rouen
  29. John Keegan, Six armées en Normandie. Du jour J à la libération de Paris, 6 juin-25 août 1944, Paris, Éditions Albin Michel, 2004
  30. Michel de Boüard, opcit., pp. 268-269
  31. Entretien avec L'Express en mars 2004
  32. Ouest-France, 7 mars 2009

Voir aussi

Bibliographie

  • Michel de Decker, Un jour en Normandie (2 vol.), éd. OREP 2009 ; Les grandes heures de la Normandie, éd. Pygmalion, 2007
  • Michel de Boüard (dir.), Histoire de la Normandie, Toulouse, Privat, 1970 ISBN 2708916130
  • Elisabeth Deniau, Claude Lorren, Pierre Bauduin, Thomas Jarry, La Normandie avant les Normands, de la conquête romaine à larrivée des Vikings, Rennes, Ouest-France, 2002 ISBN 2737311179
  • Anne-Marie Flambard Héricher et Véronique Gazeau 1204, La Normandie entre Plantagenêts et Capétiens, Caen, CRAHM, 2007 ISBN 9782902685356
  • Alain Leménorel (dir.), Nouvelle histoire de la Normandie, Entre terre et mer, Toulouse, Privat, 2004 ISBN 2708947788
  • Thérèse et Jean-Pierre Leguay, Histoire de la Normandie, Rennes, Ouest-France, 1997 ISBN 2737318874
  • François Neveux, La Normandie des ducs aux rois, Rennes, Ouest-France, 1998 ISBN 2737309859
  • François Neveux, Claire Ruelle, La Normandie royale, Rennes, Ouest-France, 2005 ISBN 2737336937
  • Guy Verron, Préhistoire de la Normandie, Rennes, Ouest-France, 2000 ISBN 2737327512
  • Roger Jouet et Claude Quetel, Histoire de la Normandie des origines à nos jours, Paris, Larousse, 2005 ISBN 203575115-2
  • Roger Jouet, « Et la Normandie devint française », OREP, 2004, ISBN 2-912925-50-9
  • Stéphane Puisney, La saga des Lefébure, Éditions Eurocibles (Série de six tomes de bandes dessinées historiques relatant l'histoire de la Normandie à travers une famille normande.), 2000-2008

Liens externes



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