- Blanche-Nef
-
La Blanche-Nef est un navire normand qui fit naufrage à Barfleur au large du Cotentin, le 25 novembre 1120 avec pas moins de 140 hauts barons et dix-huit femmes de haute naissance, filles, sœurs, nièces ou épouses de rois et de comtes à son bord, parmi lesquels l’héritier du trône d’Angleterre, le prince Guillaume Adelin, fils du roi Henri Ier Beauclerc.
Sommaire
Histoire
Comme le roi Henri s’embarquait à Barfleur, un homme de Normandie, Thomas, fils d’Étienne, vint le trouver et, lui offrant un marc d’or, lui dit : « Mon père a servi le vôtre sur mer toute sa vie ; c’est lui qui l’a porté sur son vaisseau en Angleterre, quand votre père y est allé pour combattre Harold. Seigneur roi. Accordez-moi en fief le même office ; j’ai pour votre royal service un vaisseau bien équipé que l’on appelle la Blanche-Nef. »
Le roi répondit : « J’ai choisi le navire sur lequel je passerai, mais je vous confie volontiers mes fils Guillaume et Richard, et tout leur cortège. » Par l’ordre du roi, s’embarquèrent sur la Blanche-Nef près de trois cents personnes.
Toute la brillante jeunesse se préparait joyeusement au voyage. Ils firent donner du vin aux cinquante rameurs et chassèrent avec dérision les prêtres qui voulurent bénir le vaisseau. La nuit étant venue, les jeunes princes pressèrent le patron Thomas de faire force de rames pour atteindre le vaisseau du roi qui était déjà bien loin. Animé par le vin, l’équipage obéit avec ardeur et, afin de couper au plus court, le patron prit par le ras de Barfleur (aujourd’hui signalé par le phare de Gatteville), bordé d’écueils à fleur d’eau.
La Blanche-Nef étant venue frapper violemment contre l’un de ces écueils, elle s’entrouvrit immédiatement et on entendit un cri immense poussé par tout l’équipage. L’eau monta encore et tout rentra dans le silence. Seuls deux hommes réussirent à se retenir à la grande vergue, le boucher du bord, un Rouennais du nom de Bérold et le jeune Godefroi, fils de Gilbert de l’Aigle. Ils aperçurent un homme relevant la tête au-dessus de l’eau : c’était le pilote Thomas, qui, après avoir plongé dans les flots, remontait à la surface. « Qu’est devenu le fils du roi ? » leur demanda-t-il. « Il n’a point reparu, ni lui, ni son frère, ni aucun des leurs. » répondirent les deux naufragés. « Malheur à moi ! » s’écria Thomas, et il replongea dans la mer.
Le jeune Godefroi de l’Aigle ne put supporter le froid de cette nuit glacée de novembre et lâcha la vergue et se laissa couler à fond. Recueilli le lendemain par des pêcheurs, son compagnon resta seul pour raconter le désastre.
On dit que ce fut un enfant qui annonça la sinistre nouvelle au roi Henri qui, aux premiers mots qu’il entendit, tomba à terre comme foudroyé. Depuis ce jour, jamais plus on ne le vit sourire.
Le naufrage de la Blanche-Nef, en laissant Henri sans héritier mâle, eut pour conséquence de redistribuer de façon significative l’échiquier politique anglo-normand du début du XIIe siècle. Une sœur aînée de Guillaume, Mathilde l'Emperesse succéda à son père comme héritière au trône mais, à la mort d’Henri, les barons qui avaient juré de soutenir son accession au trône y renoncent, permettant au cousin de Guillaume et de Mathilde, Étienne de Blois, qui n’avait pas été accepté comme passager ou débarqué au dernier moment de la Blanche-Nef, d’usurper le trône. Ce règne provoquera une guerre civile de 1135 à 1154 à laquelle seule la mort d’Étienne de Blois mettra fin.
Ce désastre maritime fut également préjudiciable au roi de France qui, jusqu’alors, avait toujours contrebalancé le poids politique de la Normandie en s’appuyant sur l’Anjou contre elle. En unissant la Normandie, l’Angleterre et l’Anjou, le mariage de Mathilde mit fin à cette politique et porta la domination anglo-normande jusqu’à la Loire. Ensuite, le mariage du propre fils de Mathilde, Henri II d'Angleterre avec Aliénor d'Aquitaine portera cette domination jusqu’aux Pyrénées.
Victimes
Parmi les 300 passagers et membres d'équipage estimé par Orderic Vital, les victimes les plus notables sont :
- Guillaume Adelin, seul fils légitime du roi Henri Ier d’Angleterre[1] ;
- Mathilde, princesse normande, fille naturelle du roi Henri Ier d’Angleterre et épouse de Rotrou III comte du Perche[1] ;
- Richard, vicomte d’Avranches et comte de Chester (Angleterre), et son épouse Mathilde de Blois (sœur d’Étienne de Blois)[1] ;
- Otvar (Othoël) d’Avranches, demi-frère de Richard d’Avranches et précepteur du prince Guillaume Adelin[1] ;
- Raoul le Rouge de Pont-Échanfray[1] ;
- Yves (II) de Grandmesnil et son frère[1] ;
- Guillaume de Pirou, sénéchal royal ;
- Guillaume Bigot[2] ;
- Godefroi de L'Aigle ;
- Raoul Le Roux ;
- Gilbert d’Exmes ;
Littérature
Cet évènement est le point de départ du roman de Ken Follet, « Les Piliers de la terre », et la clé du mystère.
Voir aussi
Notes et références
- C. Warren Hollister, Henry I, édité et complété par Amanda Clark Frost, Yale University Press, 2001, p. 276-279.
- A. F. Wareham, « Bigod, Roger (I) (d. 1107) », dans Oxford Dictionary of National Biography, Oxford University Press, 2004.
Sources
- Régine Pernoud, Aliénor d’Aquitaine, Paris, Albin Michel, 1966, ch. 8
- Orderic Vital, Histoire de Normandie
- Portail de la Normandie
- Portail du Moyen Âge
- Portail du monde maritime
Catégories :- Normandie médiévale
- Histoire de l'Angleterre
- Nom de bateau
- Bateau du XIIe siècle
- Naufrage dans la Manche
Wikimedia Foundation. 2010.