- Toponymie normande
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On appelle toponymie normande l'étude de noms de lieux en Normandie ou dans les régions de Haute et de Basse-Normandie. La forte présence d'anthroponymes de Normands, ainsi que l'emploi d'appellatifs norrois et vieil anglais sur un substrat romanisé en font la spécificité et l'intérêt.
Historique
La toponymie normande est, pour commencer, basée sur un substrat celtique et gallo-roman conséquent, ainsi que sur une mince couche de toponymes et d'appellatifs empruntés au germanique westique notamment dans le pays de Bray. Cependant, on note comme ailleurs une prééminence des patronymes et matronymes germaniques dans la formation des noms de domaine basés sur des appellatifs romans au Moyen Âge (pour toute cette partie, se référer à toponymie française), sauf dans le pays de Caux, le Roumois, le Clos du Cotentin[1], les côtes ouest du Cotentin, la basse vallée de la Seine et les environs de Caen où les anthroponymes d'origine scandinave ou anglo-scandinave prédominent nettement. Dans certaines régions les appellatifs d'origine scandinave sont aussi nombreux que ceux d'origine romane (si l'on exclut les formations modernes bien évidemment). La densité de la colonisation par les Vikings/Normands a été notable dans ces pays du duché de Normandie, le reste du territoire ayant gardé un caractère autochtone pré-normand significatif.
La spécificité des noms en -ville
L'appellatif le plus répandu est le terme roman ville (domaine rural du Haut Moyen Âge), mot d'origine latine (villa) sans rapport avec une colonisation proprement romaine. L'exemple le plus anciennement cité est celui de Bourville en 715 sous la forme latinisée Bodardi villa : le domaine de Bodard(us), anthroponyme germanique qui survit dans les patronymes Bouard et Buard. Les premiers « Normands » en ont fait un large usage, tout comme les Francs avant eux. Parfois, on rencontre plusieurs toponymes contigus basés sur le nom du même personnage dans les limites d'une seule commune ou de deux communes voisines. Il arrive ainsi de voir associés : Gatteville et son étang de Gattemare ; Étoupeville (à Sotteville) et son bois d'Étoublon ; Honnaville et sa rivière de Honfleur ; Crémanville et sa rivière de Crémanfleur ; Muneville-sur-mer et son ruisseau Le Mulambec ; Cideville et Cidetot ; Hattenville et Hattentot ; Appeville et Aptot (et Aptuit) ; Iville et Vitot ; etc.
M. François de Beaurepaire[2] a émis l'hypothèse d'un lien familial entre propriétaires de domaines fonciers, lorsque que l'on identifiait une même unité linguistique au sein de toponymes (en -ville ou non) situés à proximité les uns des autres. En effet, on peut remarquer que dans quelques cas, des éléments anthroponymiques germaniques analogues se trouvent dans des noms de domaines contigus, par exemple: Heudebouville, Fontaine-Heudebourg et Heudreville-sur-Eure. On constate que l'élément de base des anthroponymes ci-dessus est le germanique hild. Or, on sait par ailleurs que ces unités linguistiques se transmettaient par filiation de génération en génération chez les Germains. On peut donc supposer qu'il s'agissait de membres d'une même famille. Le même système de dérivation lexicale a peut-être existé chez les Anglo-Saxons, ce qui pourrait expliquer la proximité d'Allouville-Bellefosse, d'Alvimare et d'Alvimbusc, formés respectivement avec les noms Æthelwold et Æthelwin/ Alwin sur la base du même thème æthel.
Le même auteur[3]remarque que le nom de personne associé à l'appellatif -ville n'est jamais au cas régime, comme on peut le voir ailleurs. Par exemple, le nom d'homme germanique Boso extrêmement fréquent dans cette province, apparaît toujours sous la forme « Beuze- » comme dans les nombreux Beuzeville, typiques de l'aire normande, alors qu'ailleurs on trouve Bouzonville, Bouzanville, etc. avec la désinence -on caractéristique du cas régime de ce type de nom de personne[4].
Nombre de ces toponymes en -ville sont basés sur un nom de personne analogue, le plus souvent norrois, de sorte qu'il existe de nombreux homonymes vrais. On ne compte plus les Colleville ; les Amfreville ; les Tocqueville ; les Tourville ; les Touffreville ; les Trouville ; les Bretteville ; les Beuzeville ; les Épreville; les Auzouville ; les Sotteville et les Grainville, que l'on ne rencontre pas à l'extérieur des frontières historiques du Duché de Normandie.
À noter également la rareté des noms en -ville, construit avec un adjectif ou un appellatif. On trouve bien quelques Belleville, Neuville, Granville, Longueville et Hauteville, formés avec les adjectifs romans « belle » « neuf », « grand », « longue » et « haute »[5], mais c'est à peu près tout.
On peut enfin souligner que la Normandie est avant la Lorraine francophone, la région où se concentre le plus grand nombre de formations en -ville (Cf. carte ci-dessus). On estime à 20 % environ, le nombre total des communes de Normandie formées avec l'élément -ville.
Description d'appellatifs proprement normands
Dans les différents pays normands cités ci-dessus, on retrouve d'innombrables noms de communes ou de lieux-dits composés avec des appellatifs norrois ou vieil anglais caractéristiques.
Formes romanes d'appellatifs issus du norrois ou du vieil anglais
- bec, de bekkr (ruisseau), (Cf. norvégien bekk) : 2 Caudebec (Caldebec[-les-Elbeuf] Xe siècle, cf. Caldbeck GB), Bolbec, Bricquebec, Clarbec, Foulbec, Filbec, Beaubec-la-Rosière, etc.
- -beuf ou -but ou -bot , de both / buth (cabane, barraque, village) (cf. anglais booth d'origine norroise et danois bod) : 3 Elbeuf (Wellebuoth-[sur-Seine] 1070-1081, cf. Welby GB), Quillebeuf, Cricquebœuf, plusieurs Criquebeuf (cf. Kirkby GB) , Quittebeuf, plusieurs Daubeuf (Dalbuoth 1011, Dalbuth-[la-Campagne] v.1025 cf. Dalby, GB), Carquebut (Querquebu 1165-72) , Coimbot, Butot (Buthetot XIe siècle), etc. N.B. -by est parfois issu de both / buth, Cf. Haddeby, Schleswig-Holstein, D, Hadæboth 1285)
- bourg (village) de buhr, burg. En Normandie le mot « bourg » n'a pas l'origine germanique continentale ou latine qu'il a ailleurs en France. Il peut remonter soit à l'installation des saxons aux Ve et VIe siècles ou à la colonisation anglo-scandinave au Xe siècle. Cabourg (Cadburgus 1077 cf. Cadborough, Cadbury GB) ; Jobourg et Jerbourg à Guernesey (composé anglo-scandinave, d'après eorðburg, norrois jorð terre), Caillebourg (nom de personne scandinave Karli), Wambourg (ancien nom de Saint-Aubin-sur-Quillebeuf), etc.
- broc ou bruque de brōc (ruisseau, moderne brook) : Bruquedalle (anciennement Brokedale 1185-89, cf. Brookdale GB) ; ruisseau le Fouillebroc (cf. Fulbrook, GB) (« fouille » de ful sale. cf. Foulbec (Fulbeck, GB), Fultot…)
- bri(c)que, de brekka (déclivité, pente) : Bricquebec, Bricqueboscq (Brichebot v.1100, Brikebo 1224, cf. ci-dessus), Bricqueville, Briquedalle, Briquemare et peut-être la rue Briquetonne[6]( à Saint-Aubin-sur-Risle), Bré(c)quecal.
- cher ou quier de kjarr (marais) : Gonfreville-l'Orcher (jadis Aurichier Cf. Ellerker GB, Elkier D) ; Villequier, Cherbourg (Carisburg XIe siècle, Chierebourc, XIVe siècle chez Froissart) de kjarr suivi du vieux norrois borg, c'est-à-dire « le château des marais »[7].
- clif, de klif (rocher, Cf. anglais cliff) : Escalleclif (ancien nom de Doville), Mesnil-Verclives (Warcliva v. 1025), Cléville (Seine-Maritime; Calvados Cliville 1066-77) , Clitourps, etc.
- cotte (petite masure) de cot cf. cottage (peut aussi représenter le norrois kot) : Vaucotte (homonyme de la pointe Vaucotte à Omonville-la-Rogue, équivalent des Walcott anglais), Cottévrard, Caudecotte, Caudecôte, Côte-Côte, Cotte-Cotte (correspondant des Caldecott anglais), etc.
- croc(q) ou crotte (quand ce n'est pas le français crotte = grotte) de croft (pièce de terre) : Bec-de-Croc (anciennement Bethecrot); Vannecrocq (Wanescrotum XIe siècle ; cf. Walshcroft GB), Roucrotte, le Crocq, etc.
- crique ou carque de kirkja (église) : plusieurs Criquetot, Yvecrique, Carquebut, Querqueville, etc.
- dalle ou dal de dalr (vallée, vieil anglais dale) : Saint-Vaast-Dieppedalle, Dalbec, Dieppedalle (Cf. Deepdale GB), Oudalle, Eudal, Biédal, Becdal, plusieurs Daubeuf, Les Petites-Dalles, Les Grandes-Dalles, le Dallet, etc.
- écal, écalle de skali (chalet, habitation temporaire) dans Écalgrain[8], Bré(c)quecal, Escalleclif[9], etc.
- e(s)ta(i)n (pierre), du vieil anglais stān (moderne stone) ou du norrois steinn (scandinave stein) : Fatouville-Grestain (Grestano vers 1050 Cf. Garston, GB, jadis Grestan); Etalondes (Stanelonde 1059, Stenelunda 1119); Etainhus (Esteinhues fin XIIe siècle); Etaintot (Saint-Wandrille-Rançon); Etangval (aux Pieux); Mont Etenclin (Estenclif 1262 ); la Roche Gélétan (à Saint-Germain-des-Vaux, Jallestain vers 1200) ; Esteinvei v. 1320 (à Fresville); peut-être aussi dans les Etennemare et Tennemare; etc.
- -fleur, de floth ou du vieil anglais flēot (fleuve côtier, rivière se jetant dans la mer) ou vieil anglais flod : Harfleur (Herolfluot 1035), Honfleur (Honnefleu XVIe siècle), Barfleur (Barbefloth, Barbeflueth 1066-77), Vittefleur (Witeflue 1130-64), Fiquefleur, la Gerfleur (à Carteret).
- hague, de hagi (enclos): la Hague, les Tohagues (à Beaumont-Hague, jadis l'Etohague) et Etauhague (à Imbleville) « enclos pour les chevaux » de stod, anglais mod. stud, (cf. Stodday GB), etc.
- ham (maison, hameau) de hām. Existe ailleurs en France, mais ici d'origine anglo-scandinave. On le trouve dans des régions à forte densité de toponymes anglo-scandinaves. Le Ham ; Ouistreham ; Etreham ; Huppain ; Surrain ; Hemevez, puis le Hamel ; Hamel-…, etc.
- -hou, selon les uns du vieil anglais hōh (terrain en pente, promontoire en forme de talon, dominant la plaine ou la mer; escarpement rocheux, rivage abrupt), selon d'autres du scandinave holmr (îlot) [10]. cf. Hotot, Hautot, le Hou, Tatihou, Quettehou (Chetehulmum 1066-83), Jéthou, Brecqhou, Écréhou, etc. En Grande-Bretagne, l'emploi de hōh serait parallèle. Il aboutirait en finale à -hoo ou -hoe, parfois -(h)ow : ainsi Northoo (Suffolk); Poddinghoo (Worcestershire); Millhoo (Essex); Fingringhoe (Essex); Rainow (Cheshire) , etc. Employé seul, on le trouve sous la forme Hoe, Hoo, Hooe ou the Hoe, comme par exemple the Hoe à Plymouth (Dorset), éminence surplombant le port[11].
- -homme / -houme / -onne; emploi autonome : Le Houlme / Le Hom(me) (îlot, prairie au bord de l'eau) également : Le Houlme, le Homme (de Hulmo v. 1160), Robehomme (Raimberti Hulmus 1083), nombreux le Hom.
- hougue ou hogue, de haugr (colline, hauteur) : Saint-Vaast-la-Hougue, nombreux les Hogues, la Hoguette, le Houguet.
- -(h)us (maison) de hūs, peut représenter le norrois hús de même sens : Etainhus ; Sahurs (Salhus v. 1024 ; Cf. Salhouse, GB jadis Salhus et Salhus en Norvège.)
- lan(d) (terrain) de land : Heuland; Etelan; Etelan (à Catz); Etolan.
- londe, -lon, -ron, de lundr (bois, forêt) : Faguillonde, Bouquelon (Cf. Boklund, Böklund. Schleswig-Holstein D), Écaquelon (Esquaquelont 1236 - 1234), Catelon (Catelunti 1096 - 1101), Yquelon, Iclon (Ichelunt 1088), Étoublon, Yébleron (Eblelont v. 1210), nombreux La Londe, etc. Le terme londe faisait encore sens en dialecte normand au XVe siècle.
- -mare, de marr (genre masculin = mer) croisé avec le vieil anglais mere (genre féminin pfs = eau stagnante, lac, ev. mer) : Roumare, Bimare, plusieurs Inglemare, Flamare, Prétot-Vicquemare, Alvimare, Commare, Sausseuzemare, Mélamare, Gattemare, Flicmare, plusieurs Etennemare, etc. cf. GB : Buttermere « le lac de Buthar » nom de pers. norrois ou Windermere « le lac de Vinandr », nom de pers. norrois également. Le terme mare est passé en français vers le XVIe siècle.
- nez, de ness (cap) : Nez de Jobourg, Nez de Voidries, etc.
- thuit ou tuit (essart) de thveit Cf. danois tvæd, noms de lieux anglais en thwaite : Bracquetuit (avec brakni, buisson Cf. Brackenthwaite GB, Bregentved DK), Vautuit, Le Thuit-Simer, etc.
- tot, de topt Cf. scand. mod. toft (maison, emplacement) : Yvetot, Routot, Colletot, Fourmetot, Valletot, Criquetot, Bouquetot, les nombreux Hautot (jadis Hotot, Cf. Huttoft GB.) et Hotot, Vergetot, Martot, Anxtot, etc. L'appellatif tot est l'élément d'origine norroise le plus répandu, en effet, on en recense plus de 300.
- tourp(s) ou torp(s), de torp : Clitourps (pron. /klitur/), Saussetour à Fréville, Sauxtour (se prononce Saussetour) à Théville, Guénétours, Le Torp-Mesnil, le Torp, le Torpt, Torps.
- vic ou -vy (anse, crique) de vik : Sanvic (Sanwic 1035), Vasouy (Wasvic 1035), Plainvic, Cap Lévi (pour « Capelvy », jadis Kapelwic XIIe siècle), Silvy (Selevy en 1570, de selr « phoque » ? ), Carry (Carrwic en 1207, de kjarr « marais ») ou Pulvy (de píll « saule » ?), Le Vicq, Houlvi, Brévy, etc.
- NB : Sans rapport direct avec le latin vicus qui a donné les finales -vy ou -vic également, et dont il n'existe qu'une seule occurrence assurée en Normandie : Neuvy-au-Houlme. Ainsi, Vicques peut être expliqué par le vieil anglais wic, anglais dialectal wick (village, hameau, ferme ) lui-même d'origine latine, et qui explique le maintien de l'occlusive [k] dans Vicques.
Adjectifs norrois et vieil anglais en composition dans les toponymes
Ils sont plus rares que les appellatifs et les noms de personne.
- breidr « large, grand » dans Brestot (Breitot v. 1080, homonymie avec Bratoft, jadis Breitoft GB), Brétot, Bréhoulles, Bréhoulle, Brévy, Brévolle, Brébec et Brémare.
- burning « brun » ou « bringe » en dialecte dans Brennetuit
- djupr « profond » ou son équivalent vieil anglais deop dans Dieppe, Saint-Vaast-Dieppedalle, Dieppedalle (Canteleu) et Dipdal.
- engelsk « anglais », adjectif à la fois scandinave et roman, forme normande -esque équivalent de l'ancien féminin français des adjectifs de nationalité en -ois, français -esche, -èche dans les Anglesqueville (jadis Englesqueville) et Englesqueville de Normandie, situés dans la zone de colonisation anglo-scandinave.
- ful « sale » dans Fultot ; Foulbec et le Fouillebroc.
- great vieil anglais pour « grand » dans Grétain.
- hol « creux » dans les nombreux Houlbec et Houlgate (chemin creux), rue Catteholle (anc. à Caen)
- kaldr « froid » dans Caudebec et Caudecotte
- langr « long » dans Lanquetot (cf. Langtoft, GB) et Lanquetuit (nom de différents lieux-dits, conservé comme patronyme, ex : Longtuit (jadis Lanquetuit)), le Val Landal (jadis Lenguedale 1245, Cf. Langdal N et DK .)
- litill « petit » dans Lilletot (Cf. Lilletofte DK) et Lillebec (écrit aussi fallacieusement Lislebec, lieu-dit à Pont-Audemer)
- raudh « rouge » dans le Robec, rivière de Rouen
- stur « grand » dans Etretat et Eturqueraye
Noms d'arbres norrois et vieil-anglais en composition dans les toponymes
- aeppel (vieil anglais), « pomme ». Il s'agit probablement d'un collectif pour "pommiers" dans Auppegard (Appelgart v. 1160 ) et Épégard (jadis Alpegard), composé avec l'appellatif norrois gard (cf. Applegarth Town, Appelgard v. 1160, GB, Yorkshire)
- epli en norrois, danois moderne æble, dans Yébleron (jadis Eblelont)
- boki (norrois) « hêtres » dans Bouquelon (nombreux toponymes) et plusieurs Bouquetot, très nombreux au nord-est de la Normandie ou cet arbre est plus commun qu'à l'ouest. En concurrence avec les types romans : Fy ; Fay ; Foutelaye de foutel « hêtre » en dialecte. Le nom de lieu « Hêtraie » est rare car « hêtre » est d'origine flamande et moderne.
- eiki (norrois) « chênes » dans Yquelon ; Iclon et Yquebeuf. Dans la zone de diffusion des toponymes scandinaves, on trouve aussi la forme romane du normand septentrional Quesney ou Quesnay, dont Eiki-lundr constitue l'équivalent norrois.
- eski (norrois) « frênes » très fréquent, peut-être à cause de son importance dans la mythologie scandinave dans tous les Ectot (jadis Esketot) ; Hectot parfois (cf. Eastoft GB, jadis Esketoft) et Hecquemare à Illeville-sur-Montfort.
- lindi (norrois) « tilleuls » dans Lindebeuf et les Lintot
- pyriġ (vieil-anglais) « poirier » dans les Prétot
- salh (vieil anglais) « saule » dans Sahurs (jadis Salhus)
- selja (norrois) « saules » dans Seltot (Cf. Selletoft DK), Silleron
- weliġ, wiliġ (vieil-anglais) « saule » dans Villequier
Autres éléments
- *fiskigaðr « enclos à poisson ». composé de fiskr, poisson, que l'on retrouve peut-être dans Fiquefleur (Ficquefleu 1221) « cours d'eau poissonneux » [?] et gaðr, enclos, que l'on décèle dans Auppegard ou Épégard (cf. ci-dessus). É. Ridel a tracé la carte de ce toponyme le long des côtes normandes[12] . Le terme est attesté comme nom commun en 1030 à Dieppe dans une charte de Robert le Magnifique sous la forme latinisée fisigardum, il devait donc traduire le terme dialectal *fisigard d'après E. Ridel[13]. Un lieu Figart est mentionné à Fécamp en 1238 et de nos jours, la carte du littoral indique un rocher Figar à Lion-sur-Mer et un autre connu oralement Figard, jadis noté, mais de localisation imprécise à Agon-Coutainville. Le terme est parallèle à l'Islandais fiskigarður « structure de bois qui permet de faire sécher le poisson ». On trouve aussi le toponyme Fishgarth dans le Cumberland (GB).
- vǫllr « plaine » dans Brévolle [?] (sans forme ancienne), le premier élément serait le vieux norrois breidr « large » déjà reconnu dans Brestot, Brébec, Brémare, Brévy, Bréhoulle et Brébœuf, toujours associé à un appellatif norrois.
- Boos de Both(a)s pluriel du norrois buth / both (qui a donné l'élément -beuf) ; dans les Boos (cf. Booths, Yorkshire).
- Ecalles de *Scalas pluriel du norrois skali ou du vieil anglais scala « habitation temporaire » (qui a donné l'élément -écal-) ; dans Foucart-(Escalles), Estouteville-Écalles, Écalles-Alix, Villers-Écalles, (cf. nombreux Scales au nord de l'Angleterre).
- Eslettes de Slett(a)s pluriel du norrois sletta « terrain plat » ; dans Eslettes (cf. DK Sletten, mais GB Sleights).
- Tôtes ou Tostes de *Topt(a)s pluriel de Topt (qui a donné l'élément Tot) ; dans Tôtes et Tostes (cf. GB Tofts).
- Veules de Well(a)s pluriel de wella « source, cours d'eau » (qui a donné l'élément el(le)- dans les Elbeuf, jadis Welleboth et Rouelles, Jadis Rodewella 1035, comparable aux Rothwell anglais) ; dans Veules-les-Roses (Wellas 1025, cf. GB Wells).
D'autres restent encore à déterminer.
Localisation
Ces appellatifs ne se retrouvent quasiment pas au sud de la Normandie, loin des centres côtiers, dans des régions boisées restées peu peuplées au Moyen Âge (sud du pays d'Auge, sud de l'Orne, pays d'Ouche, Bocage…). Bizarrement, le Bessin, qui a une importante façade maritime, présente une faible toponymie scandinave (sauf sur une étroite bande côtière), alors que les noms celtiques et de domaines gallo-romains en -*(I)-ACU (du celtique -(i)āko-[14] , terminaison en -y, -ay) y sont pléthoriques, seule la microtoponymie y a un caractère nettement anglo-scandinave. Il en existe aussi quelques exemples dans l'Avranchin, région très riche en toponymes celtiques et gallo-romans (suffixe -*ACU en -ey) par ailleurs.
Microtoponymes normands après l'an Mil
L'affermissement du dialecte normand dans l'ancien duché a fait évoluer les toponymes décrits ci-dessus jusqu'à leur forme actuelle. Il est à déplorer qu'une lecture parfois littéraliste de l'orthographe ancienne les déforme phoniquement : l'exemple de Cosqueville ou Isneauville, dont l' < s > ne se prononçait plus, ou encore Sauxemesnil qui se prononce /sosmeni/ ; Menesqueville dont l' < s > purement graphique indiquait la prononciation /ê/.
Les normands de l'époque ducale ont nommé les lieux avec les mots de leurs propres parlers, comme n'importe quel habitant de n'importe quelle région. C'est pourquoi, notamment au nord de la ligne Joret, on rencontre un certain nombre de toponymes du type :
Parmi les microtoponymes normands, on trouve (liste au singulier) :
- le Bec
- le Becquet
- la Boëlle
- le Bos / Bosc
- le Bosquet
- la Brière
- les Brûlins
- la Bucaille
- le But
- la Butte
- le Buisson
- le Camp
- la Capelle
- le Câtelet
- la Cavée
- la Croûte
- le Coisel
- le Costil ("s" muet)
- la Cotte
- le Coudray
- la Delle
- la Devise
- le Dicq
- le Douet
- le Ferrage
- la Flague
- le Foc / Fouc (le "c" est muet)
- la Foëdre
- la Fosse
- le Fossé
- la Haise
- le Hamel
- la Haule
- la Haye
- la Hougue
- le Houguet / la Houguette
- le Hommet
- le Hutrel
- la Lande
- la Londe
- la Mare
- le Ménage
- le Mesnil ("s" et "l" muets)
- la Mielle
- la Mouche
- la Noé / Noue
- la Nouette
- l'Oraille
- la Pérelle
- la Planque / Planche
- le Plessis
- le Prail / Praël
- le Quesne
- le Quesnay
- la Rairie
- la Ramée
- la Roque
- la Roquette
- le Theil
- le Tot
- le Tronquay
- la Varde
- la Vente
Toponymie normande et anthroponymie
La fréquence des anthroponymes scandinaves, anglo-scandinaves et anglo-saxons dépasse nettement le cadre des appellatifs de même origine, puisque la plupart des noms de personnes scandinaves, anglo-scandinaves ou anglo-saxons se trouvent associés à des appellatifs romans d'origine latine (type : -ville ; -mesnil- ; -val ; -mont ; etc.)
Nom de personne scand. surnoms en [i]
appellatif norrois / appellatif roman.
- Amundi : Émondeville (Amundivilla 1269), Mondeville
- Agi ou Aggi : Acqueville (Manche, Agueville jusqu'au XVe siècle)
- Áki (ou vieux danois Aki) : Achelunda 1070 - 79 (vieux norrois lundr « bois ») près d'Acqueville (Calvados Achevilla 13th c.), même propriétaire.
- Api dans Aptuit, Aptot / Appeville
- Baggi : La Baguelande (Bagalunda 1200, Baguelonde 1237) / Bagueville [?]
- Barni : Barneville-sur-Seine (Barnevilla v. 1078), Barneville-Carteret (Barnavilla 1023 - 1026), etc.
- Bondi : Notre-Dame-de-Bondeville (Bundivilla v. 1080) , Sainte-Hélène-Bondeville (Bondevilla 1198) cf. DK, Bonderup
- Bosi (confondu avec le nom francique Boso) : Beuzeville (Bosevilla 1078 - 1087), Beuzeville-la-Grenier (Boseville 1172 - 1178), etc. Beuzebosc, Beuzemouchel, Beuzeval ; surname : Beux
- Boli dans Bolbec / Bolleville et Boulleville
- Brami : Brametot (Bramatot ar. 1025)
- Carli : Cailletot, Calletot, Caltot / Calleville-les-Deux-Églises (Carlevilla 1143), etc.
- Geri : Gerville
- *Ginni dans Gennetot, Gennetuit. cf. Domesday Book, nom de personne Ghinius, Genius. Gintoft (D, Schleswig-Holstein)
- Gulli > vieux suédois Golle ; anglo-scandinave Golle : Golleville (Golevilla, Gollevilla 12th - 13th c.). cf. Willelmus Goles mentionné à Audouville et Ulf de Westerne, pater Golle 1218 (Yorkshire). Nom de famille Golle (Équeurdreville).
- Hnakki : Urville-Nacqueville (Nakevilla 1148)
- Helgi dans Heuqueville (Heuguevilla 1198), Heugueville, Helleville (Helgevilla 1156 -1173 ; cf. Helletoft, GB
- Holti : Houtteville (Hultivilla 1070 - 1082, Holtavilla fin XIe siècle)
- Hunni ou Húni : Honfleur (Hunefleth 1025, Hunefloth vers 1062) / Honneville, Honaville
- Kari : Cartot, Carbec-Grestain (Carebec XIIe siècle) / Carville, Carville-la-Folletière (Carevilla XIIIe siècle), Carmesnil, etc.
- Karli dans plusieurs Caltot (Cf. Kaltoft, Schleswig-Holstein D), Caillebourg / Calleville, Cailleville
- Kati : Catelon (ecclesiam Catelunti 1096 - 1101), Cattehoule / Catteville
- *Kǣrandi > *Kǣrnadi : Carneville (Chernetvilla (?) 1074, Carnanvilla 12th c., Kiernevilla 1196) cf. Carnaby (GB, Cherendebi 1086, Kerendebi 1155 - 1157, Kernetebi 1190, Kerneteby 1267)
- Knapi : Canapville (kenapevilla 1180), Canappeville, etc. cf. GB, Knaptoft, Knapthorpe
- Kolli : Colletot / Colleville, Colmesnil, Colbosc et Colmare / dans plusieurs Colleville ; Colbosc ; Colmoulin ; Colmesnil-Manneville ; Boscol cf. GB, Colby, Koltoft, Schleswig-Holstein, D
- Korni : Cornemare / Corneville-la-Fouquetière, Corneville-sur-Risle
- Malti : Motteville (Maltevilla 1059), Mautheville-sur-Durdent
- Muli : Le Mulambec / Muneville-le-Bingard
- Otti : Octeville, Octeville-sur-Mer
- Rumfari : Saint-Romphaire (avec graphie ph hellénisante), en réalité Saint-Romachaire, nom de personne germanique ayant subi l'influence de l'anthroponyme norrois (lat. Romacharius, germ. Rumakar)
- Runi dans Runetot [Cf. Rundhof (Runætoft 1231, danois Runtoft) Schleswig-Holstein, D. ; Runetoften à Århus, DK / Runneval [?], Reigneville-Bocage (jadis Runeville 1421)
- Saxi dans Sassetot-le-Mauconduit, Sassetot-le-Malgardé (Cf. Sakstoft, DK) , Saussetour (Sauxetorp fin XIIe siècle) et Sauxtour (Sauxetourp 1292) (Cf. Saustrup, Schleswig-Holstein D. jadis Saxtorppe et Saxtorf, jadis Saxtorpe 1538 idem) / Sasseville, Sauxemesnil
- Sibbi : Sébeville (Sebevilla 1159 - 1181) ≠ Sébécourt avec l'anthroponyme germanique Sigebertus > patronyme Sébert (Normandie et Picardie)
- *Silli ou Sild(*i) : Cidetot (Silletot 12th C.), Silleron (< *Silli-lundr) / Cideville (Silde villa 1075), Sideville (Sildeville 1200) cf. Sillerup (Schleswig-Holstein, Silderup 1638)
- Skalli (vieux danois Scalli) « le chauve » : Écausseville (Escaullevilla 1147, Escallevilla 1175, 1203, 1232), Écolleville (Escauleville 1407, 1461, 1499) près du Mont d'Escaulequin 1499 (Escalleclif XIIe siècle)
- Skeggi dans Ecuquetot / Équiqueville (Schechevilla 1142 - 1150) (cf. Skegby, Nottingham, GB)
- Skrauti : Écretteville-lès-Baons (Scrotivilla 1006), Écretteville-sur-Mer (Escrutevilleta XIIIe siècle)
- Skuli dans Écultot / Éculleville (Escullevilla v. 1140)
- Soti uniquement avec appellatif roman 4 Sotteville, Sottevast (Cf. Satrup, D et DK, jadis Sotorp)
- Stali : Etalleville (Stalavilla 1185)
- Sturi ou Styri : Étretat (Strutat ar. 1040) / Étréville (Sturivilla ar. 1054), Éturville (Sturvilla 1165) ; surname : Estur (Pays de Caux)
- Svarti : Surville (Souarville 1220, Soarvilla 1221)
- Svarthofdi dans Sortosville, Sortosville-en-Beaumont et Surtauville
- Tommi or Tummi : Tonneville (Tommevilla, Thommevilla XIIIe siècle), Saint-Georges-de-la-Rivière (Tummavilla 1080, Tommevilla 1286) ≠ Tonneville (Bourville, Taunacum villa 702 - 704, Tonnevilla vers 1210)
- Tofi : Le Mesnil-Tove
- Toki dans Tocqueboeuf / Tocqueville (Cf. Tokkerup, DK.)
- Thori dans tous les Tourville
- Vigi : Prétot-Vicquemare, Victot-Pontfol
Pour ne citer que les plus fréquents.
Autres anthroponymes norrois
- Asleikr dans Annebecq [?] / tous les Anneville cf. Anneville-Ambourville (Anslecvilla 1057) ; ancien anthroponyme Anlec (attesté à Jersey en 1306, Hémevez vers 1320) cf. latinisation en Ansleicus.
- Blakkr dans Blactot (peut-être contenu dans le lieu Blacktoft GB) / Blacqueville (jadis Blacrevilla XIe siècle) et Chamblac (Campus Blaque 1234, devrait être écrit « Le Champ-Blaque » avec l'article selon l'usage local et -aque, car ce n'est pas le suffixe -ac, cf. -acum, inexistant avec ce phonétisme en Normandie)
- Brandr dans Branville (Eure) (Branvilla XIe siècle) ; Branville (Calvados, Brandavilla 1030), Brainville (Manche)
- Bretakollr : Brectouville (Britecolvilla 1159)
- Fastulfr : Fatouville-Grestain (Fastovilla 1140), Fatouville, etc.
- Fotr dans les Fauville (jadis Fodvilla, Foville)
- Grimr (souvent sous la forme Grinius en latin médiéval) dans les nombreux Grainville, Grimbosq et Mesnil-Grain, Grainval. Islandais moderne Grimur.
- Hals : Hauville (Halsvilla 1014)
- Hugleikr dans Heugleville-sur-Scie et Hugleville-en-Caux. Islandais moderne Hugleikur. Ce nom est illustré par le Hygelac anglais du Beowulf. Chrétien de Troyes le latinise en Chlocilaicus.
- klakkr dans Clasville, Mesnil-Claque (cf. Clacton GB et Harald Klak)
- krokr dans Cropus, Crosville-sur-Scie (Crocvilla v. 1020), Crosville-sur-Douve, etc.
- Ospakr : Le Mesnil-Opac
- Skammhals > vieux danois Skammel : Équemauville (Scamelli Villae 1048)
- Sigbrandr dans Cibrantot (Terre de Sibrantot, mem. de la Société des antiquaire de Normandie, 1852)
- Sigfriðr dans Chiffretot / Chiffrevast, Chiffreville (Sigefridisvilla 1035), Cheffreville-Tonnencourt (Sigefredivilla 1135, Seicfredi villa XIIe siècle)
- Skallagrímr dans la Baie d'Écalgrain
- Smiðr : Émiéville (Esmitvilla 1129), Émainville (Smit villa ar. 1024)
- *Snægeir : Négreville (Esnegervilla 1185 - 1189), ad Pratum Esnerguier 1242 à Anglesqueville-Lestre.
- Sprot dans Epretot / plusieurs Epreville (cf. Sproatley et Sprotborough, GB)
- Starr : Éterville (Starvilla XIIe siècle)
- Valr dans Vaucottes, Valletot, Vautuit (Wautuit XIIIe siècle) / Vauville (Walvilla 1054)
D'autres noms de personne se trouvent presque exclusivement associés à des appellatifs romans.
Anciens prénoms ayant donnés des noms de famille normands
- Asketill : (noms de famille : Anquetil ; Anctil ; Anquetille ; Anquety ; Amptil ; etc.) dans Ancretteville-sur-Mer ; Anquetierville ; Ancourteville-sur-Héricourt ; Anctoville ; Ancteville… pour un seul Anquetot.
- Asfrid (noms de famille Anfry, Lanfry, Anfray…) dans les Amfreville
- Asgautr : (nom de famille Angot) dans les Angoville
- Asulfr: (noms de famille Auzou, Auzout (Seine-Maritime), Osouf (Cotentin)) dans les Auzouville
- Gunnulfr : (noms de famille Gounouf et Gounout) dans les Gonneville, Guenouville et Gonnetot
- Gunnfriðr : (noms de famille Gonfray, Gonfrey et Gonfroy) dans les Gonfreville et Mesnil-Gonfroi
- Ingulfr : (noms de famille Ingouf, Ygouf (Cotentin) et Ingout, Ygout (Seine-Maritime, etc.)) dans Ingouville et Digosville jadis Dingouville pour "d'Ingouville".
- Osbern anglo-scand. pour Asbjorn : (nom de famille Auber sans < t >, avec < t > = forme populaire d'Albert) dans tous les Auberville ; Auberbosc ; Aubermesnil sauf Auberville-sur-Eaulne et Auberville-sur-Yères qui ont pour formes anciennes Albertivilla.
- Osmund variante du scandinave Asmundr (noms de famille Osmont ; Omont ; Osmond…) dans tous les Omonville et Osmonville
- Njáll nom norrois (cf. la saga de Njáll le Brûlé) issu du gaëlique Nial (nom de famille Néel, dont le foyer normand a cette origine) dans Néville-sur-Mer, Néville et Néhou.
- Þórgautr (vieux danois Thurgot) (nom de famille : Turgot (homonymie)) dans Turgotuit (Torgotuit 1252) sur la commune d'Ypreville-Biville (Seine-Maritime), composé avec le vieux normand thuit « essart » et dans Turgauville (Torgovilla 1215) à Gonfreville-l'Orcher (Seine-Maritime).
- Þórgisl « otage de thor » cf. norvégien Thorgisal (nom de famille Turgis, Tourgis) dans Tourgéville et Turgisville (ancien nom de Saint-Jean-de-la-Rivière).
- Þórlakr : (nom de famille disparu Tourlaque cf. la Rue Tourlaque à Paris) dans Tourlaville (Torlachvilla 1063 - 1066), Toulaville (Torlavilla 1198), Tous-les-Mesnil (Toulamesnil 1328).
- Þórsteinn très peu répandu en toponymie alors qu'il est le nom de famille normand d'origine scandinave le plus fréquent (Toutain, Tostain, Toustain), sans doute parce qu'il existe un Saint-Toutain dans la Sarthe et qu'il a été donné comme nom de baptême ! dans Toutainville et dans un étrange lieu-dit près de Bacqueville : la pierre Toutain, Toutain signifiant précisément « la pierre de Thor ».
- Thorold anglo-scandinave pour Þórvaldr (noms de famille Throude, Troude, Théroude, Thouroude, Touroude…) dans Turretot / les Trouville, Bourgtheroulde et Thérouldeville
- Ulfr : (Nom de famille Ouf) dans Ouville ; par contre Oudalle contient plutot ulfr au sens littéral de « loup » cf. Croixdalle (jadis Craudalle) formé avec crāwe (corneille, mod. crow).
Il en existe quelques autres encore…
- noms en -a
- Boia dans Bébec (Jadis Buibec) / Buglise ; les Biville ; Biéville...(cf. Boythorpe ; Boycott GB)
- Cuda dans Coudeville (Coudevilla vers 1280). cf. GB, Cudham, etc.
- Hwita dans Vitot / Iville ; Yville-sur-Seine…
- *Hwatta dans Vattetot-sur-Mer ; Vattetot-sous-Beaumont ; Vattecrist / Vatteville…
- Lufa dans Louvetot (Luvetoth 1024 - 1026), Louvedalle [?] cf. GB, Leesthorpe (Luvestorp XIe siècle)
- *Peola dans Pelletot (Peletot XIIe siècle) cf. GB, Pelsall (Peoleshale 996), Pelton, etc.
- Smala dans Saint-Sauveur-d'Émalleville et Émalleville
- Willa : Illeville-sur-Montfort (Willevilla XIIIe siècle) cf. GB, Wilton, etc.
- composés avec l'élément stān (pierre)
- Æthelstan, forme réduite Alestan dans Lestanville (Calvados) anciennement Alestanvilla 1195. cf. L'Etantot (Seine-Maritime), anciennement Alestantot.
- Dunstan dans Dénestanville (Dunestanvilla 1142)
- Leodstan ou Leofstan , forme réduite Lestan dans Lestanville (Seine-Maritime) et Létantot.
- Winstan anglais mod. Winston dans Vénestanville (Wenestanvillam XIIe siècle).
- composés avec l'élément man (homme) ou le scandinave maðr de même sens
- *Kirkeman dans Criquemanville.
- *Sidiman dans Septimanville. Cf. Sidman (anciennement Syd-man, Manche).
- *Helgiman dans Hecmanville (Heuguemanville 1331).
- Floteman "viking" dans 2 Flottemanville (jadis Flotemanville, Cf. Flotmanby GB).
- autres composés
- Æðelwine ; Alwin : Alvintot, Alvimare, Alvimbuc (Alvinbusc w. d.)
- Æðelwold : Allouville-Bellefosse (Adelolvilla vers 1050)
- Baeling dans Notre-Dame-de-Bliquetuit (jadis Belinguetuith) et peut-être Belintot… (Cf. Badlingham, jadis Belincgesham GB)
- *Blacward dans Saint-Mards-de-Blacarville (Blacuardi villa XIe siècle)
- Calvert : Cauverville-en-Roumois (Calvervilla 1236 - 1244), etc. cf. GB Calverton, Calverhall, Calverley
- *Culvert, variante du nom de personne norrois kilvert dans les nombreux Cuverville (Culvertvilla XIIe siècle, Culverti villam 1034, etc.)
- Burning : Bournainville-Faverolles (Burnenvilla 1155), Bourneville (Burnenvilla XIIe siècle), Bonneville-sur-le-Bec (Burnencvilla 1044, attraction de "bonne", comme dans la plupart des Bonneville), Le Mesnil-Bonent (Mesnilum Bornenc XIIIe siècle), Bornambusc (Bornenbusc XIIIe siècle)
- Hardekin dans Harcanville (Harkenvilla XIIe siècle)
- Kenewald dans Canouville (Kenualdi villa 1025-26)
- Leodgrim or Leofgrim : Lingreville (Legrinvilla 1056 - 1066)
- Leofred ; Levred : Linverville (Livervilla 1175)
- Ōswid : Anvéville (Ovevillam vers 1210, Onvéville XIIIe siècle → XVIIIe siècle), issu du nom norrois Asvidr.
- Saewald / Siwold dans Saumont-la-Poterie (Seiwaltmont 1043), Siouville (Seolvilla v. 1200) et Sciotot
- *Scarding : Écardenville-sur-Eure (Scherdanvilla ar. 1055 - 1067), Écardenville-la-Campagne (Esquardenville 1327) cf. GB, Scarthingwell (Scardingwell 1202), Scredington (Scredintune, Domesday Book)
- *Skelder (norrois Skialdari) : Équeurdreville-Hainneville (Sceldrevilla 1063 - 1066) cf. GB Skelderskew, Skeldergate
- *Snuter : Sainte-Opportune-la-Mare (Esnutrivillam 1025), Nètreville (Esnetrevilla vers 1160) cf. GB, Snitterton (Snuterton 12th C.), Sniterley (Snuterlea XIe siècle)
- *Swartkin : Sorquainville (Soartichin villa 1032 - 1035)
- Wivar dans Viertot / Virville (Wivarevilla v. 1210) et Vierville (Manche, Calvados, Wiarevilla 1158) (cf. Weaverthorpe, jadis Wiveretorp v. 1110, GB et Wiverton, jadis Wivreton fin XIe siècle), variante du nom de personne norrois Vidhfari.
Il en existe quelques-uns, mais ils sont beaucoup plus rares que les formules "nom d'homme norrois + appellatif roman". Peut-être résultent-ils du baptême d'hommes scandinaves ayant pris un autre patronyme comme Hrolfr (Rouf, Rou, Rollon), comte de Rouen, baptisé sous le nom de Robert.
- Martin dans Martintot
- Herbert dans Saint-André-d'Hébertot et Thuit-Hébert. Cf. nom de famille Hébert resté commun en Normandie.
- Robert dans Robertot
- Miquel (Michel) dans Miquetot
Certes, cette liste n'est pas exhaustive, mais elle donne un aperçu de l'importance de la colonisation anglo-scandinave en Normandie à partir du Xe siècle. De plus, la répartition de ces toponymes ne donne aucune idée du nombre de colons par rapport à la population autochtone. Toujours est-il que les régions du sud du pays ont toujours été peu peuplées, comparées à celles du nord ou se trouve la majorité de ces toponymes.
Le problème des noms de lieux bretons et des Bretteville
Léon Fleuriot écrit que « la Normandie est particulièrement riche en toponymes bretons. Il y aurait là un sujet de recherches. On a signalé qu'autour de Saint-Samson-de-la-Roque (Pentale), nous trouvons Saint-Thurien et trois Saint-Maclou. Villers-Canivet et Saint-Pierre-Canivet dans le Calvados (Quenivetum en 1150, Kenivet en 1195) peuvent contenir l'anthroponyme vieux breton Catnimet, aujourd'hui Canevet. » [15]
Rappelons que cet auteur cherche à mettre en évidence un flux migratoire breton de la Grande-Bretagne vers la Normandie entre les IVe et VIe siècles .
Ses affirmations appellent trois remarques : d'une part, le culte de saints bretons n'implique pas une colonisation bretonne, pas plus que le culte de saints italiens (cf. Saint-Cénery-le-Gérei) ou le culte de saints irlandais (cf. Saint-Saëns) n'impliquent celles d'italiens ou d'irlandais à la même époque. Certes, les futurs saints peuvent avoir été présents, souvent individuellement, où bien ce culte peut-il n'être lié qu'à la simple possession de reliques. D'autre part, Canivet s'explique aussi bien phonétiquement par la forme normande de chanvre, jadis aussi chanve, issu du bas-latin canava (fem.) et cannapus (masc.) suivi du suffixe -etu(m)[16],[17]. Quant à la graphie avec K, elle est souvent utilisée dans la documentation propre à la Normandie ducale, et au-delà en ancien français. Même remarque pour Carnet (Avranchin, Kerneth 1151, Chernetum 1168), qui n'est pas un nom breton isolé en Ker-, mais plus vraisemblablement un ancien *Carnate gaulois « lieu où il y a des pierres » ou un ancien *CARPINETU gallo-roman « endroit où poussent des charmes »[18].
On distingue bien quelques quelques patronymes bretons à la mode (Harscouët dans Saint-Hilaire-du-Harcouët ou Meurdrac dans Courtonne-la-Meurdrac), surtout dans l'Avranchin, mais qui remontent là-encore à la Normandie ducale.
Bretteville est une formation médiévale de type Brete vil(l)e « domaine rural ou village breton ».
De nombreux auteurs identifient l'existence de cet archétype toponymique (9 communes ou anciennes paroisses, ainsi que de nombreux hameaux) à une colonisation bretonne sur les côtes normandes, contemporaine à celle de l'Armorique.
Léon Fleuriot[19] compte en tout 19 Bretteville, dont 4 seulement dans le Cotentin, et affirme qu'il n'y a « aucune raison de supposer une colonisation bretonne entre Bayeux et la Seine à la fin du IXe siècle ». Pour lui ils sont « en rapport avec les premières vagues de migrations bretonnes du IVe au VIe siècles » (en italique dans le texte).
Or, François de Beaurepaire constate[20] que l'on peut fixer comme dates les plus anciennes pour les toponymes en -ville de la Seine-Maritime et de la Manche, le VIIe ou VIIIe siècle (cf. ci-dessus). En outre, il fait observer qu'ils sont tous situés dans la zone de diffusion des toponymes anglo-scandinaves (tout comme les Anglesqueville et Englesqueville « domaine rural anglais » contigüs)[21]. De plus, il n'y en a aucun dans l'Avranchin, zone pourtant contiguë de la Bretagne nord (où les spécialistes discernent nettement la présence de toponymes brittoniques jusqu'à l'ouest du Couesnon). Ernest Nègre note[22] que l'hypothèse de François de Beaurepaire est « la plus invraisemblable » sans toutefois donner de raisons. Toujours est-il, qu'outre l'anomalie d'une datation des formations en -ville antérieurement à la fin du VIe siècle, on ne voit pas pourquoi les immigrés bretons des premières vagues qui ont touchés l'Armorique, auraient systématiquement évité l'Avranchin (aussi quasiment exempt de toponymes norrois) pour ne s'installer que dans les seules zones de futur peuplement anglo-scandinave. Il s'agit donc bien plutôt d'immigrés arrivés de Grande-Bretagne avec les colons nordiques.
Notes et références
- Valognes, Saint-Sauveur-le-Vicomte et Bricquebec Cantons de
- François de Beaurepaire (préf. Marcel Baudot), Les Noms des communes et anciennes paroisses de l'Eure, Paris, A. et J. Picard, 1981, 221 p. (ISBN 2-7084-0067-3) (OCLC 9675154)
- François de Beaurepaire, in Les Noms des communes et anciennes paroisses de la Seine-Maritime, éditions Picard, 1979.
- pays de Caux, par contre, jusqu'à époque récente les patronymes Boson, Bozon et Beuzon ne semblent pas être attestés en Normandie, à quelque exception près (ex. : Nicole Bozon, écrivain anglo-normand, dont l'origine géographique n'est pas assurée). Certains auteurs ont d'ailleurs émis l'hypothèse que la fréquence de ce nom de personne a pu être renforcée par l'existence d'un anthroponyme norrois Bósi qui lui ressemble phonétiquement, mais dont le sens est tout autre. Le nom de famille Beux est fréquemment attesté dans le
- Il n'y a aucun exemple de nom en -ville associé à un adjectif norrois ou vieil anglais.
- Roumois (Brotonne, Hautonne, Martonne) est probablement d'origine norroise: tuna dans Sigtuna, Fjelltuna, Haugtuna, etc.. L'élément *-tonne fréquent dans le
- En ligne sur le site de la ville de Cherbourg-Octeville] D’après René Lepelley, cité par Jacqueline Vastel, La fondation de Cherbourg, 1998 [
- Dans Écalgrain (sans forme ancienne), il s'agit plutôt du nom de personne norrois Skallagrímr, puisqu'un appellatif (skali) peut difficilement précéder un nom de personne (Grímr) dans le mode de composition norrois
- Dans Escalleclif, il s'agit plutôt du nom d'homme scandinave Skalli, puisque l'on trouve le manoir d'Escolleville à côté. Cf. François de Beaurepaire, ouvrage cité.
- Frédéric Durand, Les Vikings, Paris : P.u.F., 1965, p. 38.
- Dominique Fournier, Explication de l'élément -hou' dans Wikimanche
- L'héritage maritime des Vikings en Europe de l'ouest, Presses universitaires de Caen 2002. p. 364.
- Op. cité
- Pierre-Yves Lambert, La Langue gauloise, édition errance 1994.
- p. 103. Léon Fleuriot, Les origines de la Bretagne, éditions Payot, 1980,
- Ernest Nègre, op. cit.
- René Lepelley, op. cit..
- Dominique Fournier, Wikimanche : Carnet.
- pp. 102 - 103. Léon Fleuriot, op. cit.,
- p. 37. François de Beaurepaire, Les noms des communes et anciennes paroisses de la Manche, éditions Picard, 1986,
- p. 312. Les noms de lieux anglo-saxons contenus dans la toponymie normande, Annale de Normandie 10, 1960,
- Toponymie générale de la France, vol. II, Librairie Droz, 1990, p. 1010. Ernest Nègre,
Sources
: Ouvrage utilisé comme source pour la rédaction de cet article
- François de Beaurepaire (préf. Marianne Mulon), Les Noms des communes et anciennes paroisses de la Seine-Maritime, Paris, A. et J. Picard, 1979, 180 p. (ISBN 2-7084-0040-1) (OCLC 6403150)
- François de Beaurepaire (préf. Marcel Baudot), Les Noms des communes et anciennes paroisses de l'Eure, Paris, A. et J. Picard, 1981, 221 p. (ISBN 2-7084-0067-3) (OCLC 9675154)
- François de Beaurepaire (préf. Yves Nédélec), Les Noms des communes et anciennes paroisses de la Manche, Paris, A. et J. Picard, 1986, 253 p. (ISBN 2-7084-0299-4) (OCLC 15314425)
- Albert Dauzat et Charles Rostaing, Dictionnaire étymologique des noms de lieu en France, Librairie Guénégaud, Paris, 1989 (ISBN 2-85023-076-6)
- René Lepelley, Dictionnaire étymologique des noms de communes de Normandie, Presses Universitaires de Caen, 1996 (ISBN 2-905461-80-2)
- L'Héritage maritime des Vikings en Europe de l'ouest, Colloque international de la Hague, sous la direction d'Elisabeth Ridel, Presses Universitaires de Caen, 2002 (ISBN 2-84133-142-3)
- Jean Renaud, Les Vikings et la Normandie, éditions Ouest-France université, 1989 (ISBN 2-7373-0258-7)
- Louis Guinet, Les Emprunts gallo-romans au germanique : du Ier à la fin du Ve siècle, éditions Klincksieck, 1982
- T. F. Hoad, English Etymology, Oxford University Press, 1993 (ISBN 0-19-283098-8)
- A. H. Smith, English Place-names Elements, 2 volumes, Cambridge, 1972
- W. Laur, Historisches Ortsnamenlexikon von Schleswig-Holstein, Karl Wachholtz Verlag, 1992 (ISBN 3-529-02726-X)
- Georges Bernage, Vikings en Normandie, Éditions Copernic, 1979 (ISBN 2-85984-046-X)
- Dominique Fournier, Dictionnaire des noms de rues et noms de lieux de Honfleur, éditions de la Lieutenance, Honfleur 2006.
Lien externe
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