Histoire de Nice

Histoire de Nice

L’histoire de Nice se caractérise essentiellement par deux éléments. C'est tout d'abord une ville frontière, qui a fréquemment changé de souveraineté. Elle a été ainsi successivement provençale, savoyarde, piémontaise et française[1]. C'est ensuite une ville dont le développement a été très rapide et dû essentiellement au tourisme. Ces deux particularités ont entraîné des conséquences importantes sur les plans social, politique, économique, culturel et urbanistique.

Sommaire

Préhistoire

La présence de l'homme lors de la préhistoire est attestée par deux sites : le campement de Terra Amata, occupé 400 000 ans avant notre ère, et la grotte du Lazaret (entre 230 000 et 125 000 ans avant notre ère)[2]. D'autres sites montrent une occupation à l'âge du bronze (1800-600 av. J.-C.), rue de France, près du Paillon et surtout sous l'ancienne cathédrale située au sommet de la colline du château.

Antiquité

Un des événements majeurs de l'histoire de Nice est la fondation de Massalia (Marseille) au VIe siècle av. J.‑C. par de colons Grecs venus de Phocée. Les Grecs de Marseille vont rapidement obtenir une hégémonie sur le nord du bassin occidental de la Méditerranée entretenant des liens complexes avec les populations indigènes dites ligures ou celtes aux dépens des puniques et des étrusques.

Les Massaliètes entrent en contact avec les populations indigènes de la région de Nice, comme l'indique la présence de quelques tessons de céramique grecque antique notamment de type archaïque et attique, mais aussi étrusques trop peu nombreux pour signifier la fondation d'un établissement colonial grec sur le site du Château de Nice avant le IIIe siècle av. J.‑C., contrairement à ce qui a pu être observé sur le rocher d'Antibes qui semble plus anciennement et plus intensément fréquenté par les Grecs de Marseille. Ces derniers fondent Nikaïa vers 250 av. J.-C. Ce n'est alors ni une cité ni une colonie, mais plutôt une forteresse associée à un petit port de guerre. Cette fondation s'inscrit dans le contexte du redéploiement colonial de Marseille (à partir du IVe siècle av. J.‑C.) qui cherche à assurer ses routes commerciales le long des côtes en installant des places fortes, comme Olbia à Hyères, ou des comptoirs comme Antipolis (Antibes). L'emplacement exact du site grec est mal connu. Compte tenu des pratiques coloniales grecques, il est probable qu'elle ait été implantée au pied de la colline du Château, sous la vieille ville actuelle[3].

Une tradition remontant à l'Antiquité veut que le nom de Nikaia ait été donné à l'implantation, à la suite d'une victoire militaire des Massaliètes sur les Ligures, jusque-là seuls habitants de ces régions (Nikaia signifiant, en grec, "celle par qui est arrivée la victoire"). Cependant, le toponyme Nice/Nis/Nic... est assez répandu entre l'Italie et l'Espagne et ne semble avoir aucun lien avec la déesse grecque Niké[1]. Aucune source ne fait état d'une bataille entre Grecs et Ligures à l'origine de la fondation de Nikaia.

Au début du IIe siècle av. J.‑C.), les peuples ligures de la région, les Déceates et les Oxybiens, lancent des attaques répétées contre Antipolis et Nikaïa. Les Grecs de Marseille, font appel à Rome, comme ils l'avaient déjà fait quelques années plus tôt contre la fédération des Salyens. En -154 av. J.-C. le consul Quintus Opimius défait les Déceates et les Oxybiens et prend Aegythna, oppidum des Décéates. Les territoire « conquis » par les Romains sur les populations indigènes sont donnés aux Phocéens et administrés par l'intermédiaire de ses implantations, Antipolis et Nikaïa.

En -49 av. J.-C. Marseille ayant pris le parti de Pompée, Jules César victorieux lui enlève Antipolis et Nikaïa. Si la première devient une cité libre, la seconde est restituée à Marseille quelques années plus tard et en -13, Rome crée le district militaire des Alpes Martimes. La province des Alpes-Maritimes ne sera créée qu'au milieu du Ier siècle sous l'empereur Claude. Cemenelum, capitale de la province ne semble pas antérieure au milieu du Ier siècle apr. J.-C. Elle est située sur la colline qui deviendra le quartier de Cimiez, probablement à côté de la cité des Védiantes, population indigène qui semble toujours avoir collaboré avec les Grecs de Marseille puis avec les Romains et dont le territoire s'étend jusqu'à Levens. Elle est, entre le milieu du Ier et le IVe siècle, le centre urbain le plus important, entre Antibes et Vintimille (Albintimillium), mais sa taille reste toutefois très limitée en comparaison des autres villes romaines.

Nikaïa reste une possession de Marseille. Jusqu'à la fin de l'Antiquité, elle n'accède pas au statut de cité. Elle se développe néanmoins, grâce à la proximité de Cemenelum (Cimiez), mais qu'elle supplante cependant en importance au IVe siècle apr. J.-C. L'existence d'une communauté chrétienne à Nikaïa est attestée en 314, au moment du concile d'Arles, de même qu'un centre épiscopal se trouve à Cemelenum. C'est aussi à Cemelenum que serait apparue au IIIe siècle apr. J.-C. la première communauté juive de la région niçoise.

Moyen Âge : de la Provence à la Savoie

On sait peu de chose de Nice entre le VIIIe et le Xe siècle, faute de sources. Cimiez qui est le siège d'un évéché est progressivement abandonné. La reprise en main de la Provence par Charles Martel semble porter un coup de grâce à cette ville indéfendable. Les destructions de cette période seront attribuées plus tard par la légende locale aux sarrasins. L'abbaye de Saint-Pons est fondée à la fin du VIIIe siècle. Nice est pillée en 812 ou 813. En 972, la ville est considérée comme une terre sans maîtres et devient possession du comte de Provence, Guillaume.

Le délaissement de l'administration des terres par les souverains de Provence aboutit à la création des Municipes, dès l'année 1011. Il s'agit d'une sorte de fédération de plusieurs villes de Provence comme Nice, Grasse, Apt ou encore Tarascon sous un gouvernement libre[4].

À la fin des années 1070, le succès de la réforme grégorienne en Provence oblige les seigneurs de Nice à renoncer à leur mainmise sur le patrimoine de l'Église de Nice, et surtout de Saint-Pons. À partir de 1117, l'évêque de Nice devient le premier personnage de la cité. L'évêque Pierre Ier favorise l'implantation de l'ordre des Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem à Nice, en 1135.

La deuxième moitié du XIe siècle est marquée par une guerre civile causée par la rivalité entre deux riches familles : les Cais qui souhaitent rétablir la souveraineté des comtes de Provence sur Nice et les Badat qui remettent en cause cette autorité et réclament la constitution d'une république afin, vraisemblablement, d'en tirer des avantages personnels[5]. Finalement, en s'inspirant des prospères républiques maritimes italiennes telles que Gênes et Pise, Nice devient une république indépendante en 1108 et prend le titre de Municipalité[6],[7]. Elle est alors dirigée par un chef militaire chargé du pouvoir exécutif et par trois consuls exerçant l'autorité administrative[7].

Peu de temps après, vers 1144, la ville se dote d'un consulat. Quatre consuls, élus, gèrent la cité. En 1153, les consuls entrent en conflit avec l'évêque. Ils finissent par devenir la première force politique de la ville.

En 1162, les habitants refusent de prêter serment de fidélité au comte de Provence Raimond-Bérenger III. Ce dernier échoue à prendre la ville en 1166 et meurt peu de temps après. En 1176, le comte Alphonse Ier ramène cependant Nice à l'obéissance. À la fin du XIIe siècle, la ville compte environ 3000 habitants.

Après la mort d'Alphonse Ier, en 1196, la ville est divisée par deux partis, le « génois » et le « provençal ». Au début du siècle, le parti génois l'emporte et, en 1215, la ville se donne à Gênes. En 1229, cependant, le comte Raimond-Bérenger V de Provence reprend Nice par la force.

Raimond-Bérenger V retire alors presque tous leurs pouvoirs aux consuls. Il fait reconstruire le château détruit en 1215 et fait exiler les principaux membres du parti génois. La ville connaît cependant un important développement économique, grâce au commerce du sel, et démographique. Elle passe de 4 000 habitants en 1250 à 7 000 habitants en 1285.

Vestiges de la cathédrale du château de Nice

La fin du XIIIe siècle est marquée par la réapparition du consulat. En 1324, la ville est autorisée par Robert d'Anjou à avoir un conseil permanent de 40 membres. Ce Conseil des Quarante prend de plus en plus de pouvoir. À partir de 1344-1345, il élit les syndics. La ville basse est fortifiée au cours de la première moitié du XIVe siècle. L'essor démographique reprend au XIVe siècle. La ville passe de 7 000 habitants en 1300 à 13 500 habitants en 1340.

La peste noire, en 1347-1348, brise cet élan. La ville perd la moitié de sa population et retombe à 8 400 habitants en 1365, et entre 4 000 et 5 600 habitants en 1387.

C'est également vers cette époque que la présence juive à Nice commence à être mieux documentée, quoiqu'elle soit probablement antérieure à cette date. Si celle-ci n'est pas absolument certaine pour IIIe siècle apr. J.-C. et peut être légitimement supposée pour le XIIe siècle à la suite de l'expulsion des Juifs du Royaume de France, elle est claire dès le milieu du XIVe siècle.

Nice participe ensuite à la guerre de l'Union d'Aix, de 1383 à 1388, provoqué par la succession de la reine Jeanne. Nice prend parti contre Louis d'Anjou et pour Charles III, puis pour son successeur Ladislas Ier. Battu, ce dernier conclut un accord avec le comte de Savoie Amédée VII, auquel la ville se donne le 27 septembre 1388. L'accord est ratifié le 28. C'est la dédition de Nice à la Savoie.

Le passage de Nice sous le pouvoir des comtes de Savoie marque un tournant très important dans l'histoire de la ville. Cette dernière est en effet coupée de ses racines provençales et soumise à un pouvoir lointain. Cette situation permet à Nice de devenir une petite capitale régionale. Mais elle est désormais privée de ses débouchés provençaux pour le commerce, ce qui limite beaucoup son rayonnement.

Avant de repartir, Amédée VII confie le pouvoir sur Nice à Jean Grimaldi de Beuil. Sa tutelle est peu appréciée et, en 1396, une délégation de notable de Nice demande au comte Amédée VIII de nommer un nouveau sénéchal. Amédée VIII accepte, ce qui provoque une rébellion de Jean Grimaldi. Après quatre années de guerre, le comte accepte de signer un compromis. En 1400, le sénéchal renonce à son titre contre une indemnité.

Linteau médiéval datant de 1482 dans le Vieux-Nice

En 1406 on voit enfin la communauté juive de Nice reconnue juridiquement.

En 1419, la Maison d'Anjou renonce à ses droits sur Nice et la Provence orientale. La même année, Amédée VIII, qui est devenu duc en 1416, entre à Nice. La situation politique se stabilise alors, même si la ville connaît une rébellion des classes populaires en 1436. Au XVe siècle, Nice connaît une période d'essor économique relativement important. La ville s'intègre progressivement aux États de Savoie. Le dialecte parlé à Nice s'éloigne du provençal et s'italianise. Au début du XVe siècle, la ville adopte un nouvel emblème : un aigle rouge, en référence à l'entrée d'Amédée VII le Rouge à Nice en 1388[8]. La cité renforce également sa domination sur la Provence savoyarde qui, au XVIe siècle, est appelé désormais « comté de Nice »[8].

Si 1430 voit la naissance du « judaÿsium » (juiverie, ghetto) par un édit du duc Amédée VIII, c'est en 1448 sous la pression de l'Église, et sur ordonnance du duc de Savoie Louis Ier, que les Juifs de la ville seront enfermés dans la giudaria, correspondant à l'actuelle rue Benoît Bunico. Fermeture qui, si elle n'est pas toujours strictement pratiquée au cours des siècles suivants, ne sera abolie que quatre siècles plus tard. Construite en 1733, la synagogue de la giudaria est située au n°18 de la rue. Toutefois aujourd'hui, aucune marque distinctive et aucune plaque commémorative ne la signale.

Époque moderne (XVIe-XVIIIe siècles )

Siège de la flotte ottomane et française devant les murailles de Nice en 1543

Sous le règne du duc Charles III, de 1504 à 1553, la ville connaît une période difficile, en raison notamment des guerres entre le roi de France François Ier et l'empereur Charles Quint[9]. En 1536, la plupart des États de Savoie sont occupés par les armées françaises, et Charles III doit se replier à Nice. Des négociations de paix ont lieu dans la ville en 1538 entre François Ier et Charles Quint, à l'initiative du pape Paul III. Elles aboutissent à une paix précaire.

François Ier fait ensuite alliance avec le sultan ottoman Soliman le Magnifique, contre Charles Quint. En 1543, Nice est assiégée par la flotte ottomane dirigée par Khayr al-Din, dit Barberousse. La ville basse est prise, lors de l'assaut du 15 août 1543, mais la forteresse résistera, jusqu'à ce que Français et Turcs se replient, au mois de septembre. C'est lors de ce siège qu'aurait eu lieu l'intervention du personnage, légendaire, de Catherine Ségurane[10].

La vocation militaire et maritime de la ville est renforcée tout au long du XVIe siècle, par Charles III puis par Emmanuel-Philibert, qui règne de 1553 à 1580. Ce dernier récupère ses terres de Savoie et du Piémont en 1559, grâce au traité du Cateau-Cambrésis. Charles-Emmanuel Ier succède ensuite à son père. La ville compte alors environ 10 000 habitants[9].

Plan de la ville de Nice en 1624

L'histoire de Nice est alors marquée par les guerres entre la Savoie et la France. En 1600, le duc de Guise, gouverneur de la Provence, attaque la ville, qui est défendue par son gouverneur Annibal Grimaldi de Beuil. Après la mort de Charles-Emmanuel Ier, en 1630, son fils Victor-Amédée Ier signe un traité d'alliance, le traité de Cherasco, avec la France. Ce lien se renforce après la mort de Victor-Amédée Ier, en 1637 : son épouse, Christine de France, fille d'Henri IV, devient régente.

Cette période est également marquée, en 1610, par la construction du tracé de la Route Royale Nice-Turin[11], par la création d'un port franc, en 1612, par le développement de l'architecture baroque et la création d'une cour souveraine, le Sénat de Nice, en 1614.

La ville de Nice vue par les Français lors du siège de 1691

La politique d'alliance avec la France continue sous Charles-Emmanuel II. Son fils Victor-Amédée II, en revanche, désire s'éloigner de la tutelle française. En 1690, il s'allie avec l'empereur et le roi d'Espagne contre Louis XIV dans le cadre de la ligue d'Augsbourg. Les Français occupent alors la Savoie et, en 1691, le maréchal de Catinat prend Nice. La ville est cependant restituée par Louis XIV en 1697 (traité de Turin).

La guerre reprend peu de temps après, à l'occasion de la guerre de Succession d'Espagne. Victor-Amédée II est tout d'abord allié à Louis XIV, puis avec l'empereur. En 1705, les troupes françaises du maréchal La Feuillade attaquent Nice. La château tombe en janvier 1706. La ville est occupée jusqu'en 1713 (traités d'Utrecht). Entre temps, Louis XIV a ordonné la destruction de la forteresse et des remparts. La ville change alors de fonction en perdant son rôle militaire.

Après l'abdication de Victor-Amédée II, en 1730, son fils Charles-Emmanuel III poursuit une politique d'alliance contre la France. De 1744 à 1748, la guerre touche le pays niçois mais, la ville ayant perdu son intérêt stratégique, les combats se déroulent dans l'arrière-pays.

Le XVIIIe siècle, après la destruction du château et des remparts, se caractérise par de profondes modifications urbaines. Le cours Saleya est achevé en 1780. L'actuelle rue Saint-François-de-Paule devient la principale artère de la cité. La porte Vittoria est créé en 1788 (elle a été détruite en 1879). La place Vittorio (actuelle place Garibaldi) est achevée en 1792.

La population reprend son essor et s'implante en dehors du périmètre des anciens remparts. La ville compte 14 600 habitants en 1718 et 20 000 habitants en 1790. Les élites niçoises sont de plus en plus attirées par Turin, où elles font leurs études et où elles font carrière dans l'administration, l'armée, ou la diplomatie.

Au même moment, un nombre croissant d'aristocrates anglais choisissent Nice comme lieu de villégiature pour l'hiver. Cette nouvelle fonction est symboliquement consacrée par le séjour du duc d'York, frère du roi George III, en 1764[12]. Dans les années 1780, les hivernants sont au nombre de 300 environ.

Époque contemporaine (XIXe-XXe siècles)

Révolution, Consulat et Empire

À la suite de l'entrée en guerre de la France contre l'Autriche et la Prusse, en avril 1792, Nice est prise sans combats, en septembre, par le général d'Anselme, qui met en place un corps administratif provisoire, dirigé par Joseph-Ignace Giacobi[9]. Des élections municipales, en décembre 1792, sont remportées par le parti favorable à la réunion du comté de Nice à la France : l'avocat Jean-Alexandre Pauliani, Joseph Dabray, Jean Dominique Blanqui et Ruffin Massa. Ils envoient Blanqui et le négociant Joseph Isaac Veillon auprès de la Convention nationale pour demander le rattachement. La Convention nationale réclame cependant un vote. Une assemblée représentant les 18 communes occupées demandent alors solennellement le rattachement, qui est accepté par la Convention, le 31 janvier 1793. Le département des Alpes-Maritimes est ensuite créé.

Nice suit ensuite les évolutions nationales. Les trois députés de la ville, Blanqui, Dabray et Veillon, siègent avec les Girondins. En septembre 1793, les envoyés en mission Augustin Robespierre et Jean François Ricord arrivent à Nice pour installer un régime de salut public. La période est marquée par la poursuite des combats dans l'arrière-pays. La ville de Nice, pour sa part, connaît d'importants problèmes de ravitaillements. À partir de mai 1795 commence la période thermidorienne.

Dans l'arrière-pays, les barbets s'opposent aux troupes françaises. La nature du barbétisme fait cependant débat, et il est parfois difficile de distinguer chez eux ce qui relève de la lutte politique de ce qui ressort du simple brigandage[13].

La période post-thermidorienne se caractérise par l'opposition entre une municipalité modérée (Jean-Alexandre Pauliani puis Joseph Emmanuel) et un directoire du département plus radical (André Gastaud). Ce dernier place ses partisans dans les commissions et les comités[9]. Il est également accusé de corruption. Le coup d'État du 18 fructidor permet cependant aux commissaires Ruffin Massa et Joseph Dabray de faire arrêter les principaux coupables de détournements. La dissolution officielle des barbets par Turin, en mai 1796, puis son renoncement à revendiquer le comté de Nice, désorientent les adversaires de la Révolution. Le barbétisme dégénère alors en brigandage.

Le coup d'État du 18 brumaire et l'instauration du Consulat ne change tout d'abord rien à cette situation difficile. Les troupes austro-sardes prennent Nice, qui est ensuite reprise par le général Suchet. Ce dernier installe un nouveau préfet, Florens.

La situation commence à se stabiliser avec l'arrivée d'un nouveau préfet en mai 1803, Marc-Joseph Gratet Dubouchage, qui parvient à remettre en place une administration efficace. Il nomme également Jean Dominique Blanqui comme sous-préfet de Puget-Théniers. Malgré cette stabilisation, la poursuite des guerres napoléoniennes fait que l'opinion publique locale se détourne de la France. En 1813, la foule acclame Victor-Emmanuel Ier[9]. Après la chute de Napoléon Ier, en 1814, le comté de Nice est restitué au royaume de Piémont-Sardaigne.

La Restauration et la Révolution de 1848

Le port de Nice au XIXe siècle peint par Isidore Dagnan

Les deux traités de Paris (30 mai 1814 et 20 novembre 1815) rendent le comté de Nice au royaume de Piémont-Sardaigne et à son souverain, Victor-Emmanuel Ier. Ce dernier obtient également la République de Gênes et le protectorat sur la Principauté de Monaco. Le retour de la paix et de la stabilité est apprécié à Nice[9].

Victor-Emmanuel Ier met en place la politique du « bon gouvernement » (Buon Governo). Toutes les mesures mises en place sous la Révolution sont abolies. L'administration municipale redevient ce qu'elle était depuis 1775 et avant 1792 : 21 conseillers représentent les trois ordres de la société (nobles, bourgeois, artisans et agriculteurs). Chaque ordre est représenté par un consul, mais c'est le consul noble qui détient la réalité du pouvoir. Au cours de cette période, les plus importants sont Agapit Caissotti de Roubion, Amédée Achiardi de Saint-Léger et Henri Audiberti de Saint-Étienne. Le personnage le plus important de la cité est cependant le gouverneur.

La ville retrouve son Sénat. Le lycée est transformé en collège royal, tenu par des Jésuites jusqu'en 1848. Les Frères des écoles chrétiennes sont chargés de l'enseignement primaire. Nice bénéficie également de la création de deux écoles secondaires, de droit et de médecine et chirurgie, qui accueillent les étudiants avant qu'ils n'aillent achever leurs études à Turin ou, parfois, à Paris. Le clergé retrouve toutes ses prérogatives. Le diocèse de Nice est détaché de la province d'Aix et devient suffragant de l'archevêché de Gênes.

En outre, la loi du 7 octobre 1848 dote les provinces d'un Conseil provincial élu au suffrage censitaire, qui assiste le gouverneur. Les conseils communaux et les syndics sont également élus au suffrage censitaire. Le ghetto juif de Nice est officiellement supprimé et les Juifs obtiennent enfin les mêmes droits que les catholiques.

Nice connaît alors une période de tranquillité politique. La moyenne bourgeoisie est cependant de plus en plus sensible aux idées libérales.

Le plan régulateur du quartier de la Croix de marbre (aujourd'hui quartier des musiciens) selon le Consiglio d'Ornato

La population de la ville augmente fortement. Elle passe de 23 500 habitants en 1815 à 44 000 habitants en 1858. La cité s'étend sur la rive droite du Paillon. Dans les années 1830, un conseil d'ornement, le Consiglio d'Ornato est mis en place sur le modèle de la Commission d'architecture de Turin pour planifier l'expansion urbaine. L'église Saint-Jean-Baptiste, dite du Vœu, est construite en 1835-1852 afin d'honorer le vœu adopté par le conseil de la ville en 1832 et qui sollicitait la protection de la Vierge face à l'épidémie de choléra qui menaçait alors Nice[14]. La place Masséna est conçue à partir de 1839 par l'architecte turinois Joseph Vernier. La place Cassini (aujourd'hui Île-de-Beauté) et l'église Notre-Dame du Port sont réalisées en 1840-1853, ainsi que la rue Cassini.

Nice bénéficie ensuite du mouvement de libéralisation politique lancé par Charles-Albert en 1847. Le Statuto est promulgué le 4 mars 1848. La Chambre des députés est désormais élue au suffrage censitaire. Les députés niçois élus sont tous des libéraux. Au même moment, Giuseppe Garibaldi commence à devenir célèbre. Des tensions sont néanmoins perceptibles en mai 1851, à cause de la suppression des franchises du port. La ville se caractérise également par l'existence d'un parti français, qui se structure à partir 1848 autour du journal L'Écho des Alpes-Maritimes. Ce parti est essentiellement composé de négociants libéraux qui ont fait leurs études en France[9].

L’annexion de 1860 et le Second Empire

À l'origine de l'annexion, se trouve avant tout la volonté de Napoléon III, qui veut aider l'Italie à faire son unité, dans le but de contenir l'Autriche[15]. Pour éviter, cependant, de créer un État unifié potentiellement dangereux juste à côté de la France, l'empereur réclame en échange de son aide, le duché de Savoie et le comté de Nice, qui constituent deux régions stratégiques importantes sur le plan militaire[16].

Les habitants du Comté de Nice se rendant au scrutin de l'annexion

Le principe de cet échange est établi en 1858, lors des accords de Plombières, entre Napoléon III et Cavour, même si ce dernier a tenté ensuite de « sauver Nice »[17]. Le traité de Turin, le 24 mars 1860, entérine le changement de souveraineté de la ville. La population niçoise semble tout d'abord assez réticente. Lors des élections législatives de mars 1860, les deux députés élus par Nice, Giuseppe Garibaldi et Charles Laurenti Robaudi, sont farouchement opposés à l'annexion[18]. Il est vrai que l'abstention a été très importante. La population finit cependant par accepter le changement de souveraineté lorsque le roi Victor-Emmanuel II, le 1er avril 1860, lui demande solennellement de le faire, au nom de l'unité italienne[19]. Un plébiscite est voté le 15 et le 16 avril 1860. Les adversaires de l'annexion appellent à s'abstenir, d'où le faible nombre de votes « non ». Le « oui » emporte 83 % des inscrits dans l'ensemble du comté de Nice et 86 % à Nice, en partie grâce à la pression des autorités (curés, syndics, fonctionnaires)[19]. Le territoire de Nice est officiellement cédé à la France le 14 juin 1860. Le département des Alpes-Maritimes, deuxième du nom, est créé par l'addition du comté de Nice et de l'arrondissement de Grasse.

La vie politique à Nice est assez calme sous le Second Empire. Le syndic de la ville élu en 1857, François Malausséna, est nommé maire en 1860. Le gouverneur provisoire au moment du plébiscite, Louis Lubonis, est élu député en 1860 et réélu en 1863. Le régime privilégie ainsi la continuité. Le préfet Denis Gavini parvient à se concilier les notables locaux. La ville bénéficie en outre de nombreux investissements, dont le plus visible est l'arrivée du chemin de fer, en 1864. La rive droite du Paillon se développe très rapidement. Contrairement à la rive gauche, elle est construite dans un style français haussmannien. La population passe de 44 000 habitants en 1858 à 48 000 habitants en 1861.

Le Paillon et sa rive gauche en 1865

Le changement de souveraineté entraîne cependant aussi des mécontentements. La catégorie sociale la plus lésée est incontestablement celle des hommes de loi qui, avec la suppression de la Cour d'appel, perdent une part très importante de leur clientèle. Les juristes niçois, qui ont fait leurs études à Turin, sont ainsi les principales victimes de l'annexion. De nombreux aristocrates, partisans de la Maison de Savoie, quittent également Nice pour s'installer définitivement en Italie. Politiquement, les libéraux niçois et les partisans de Garibaldi apprécient en outre très peu l'autoritarisme napoléonien. Des éléments de droite (aristocrates) comme de gauche (garibaldiens) désirent donc le retour de Nice à l'Italie. Pour le général niçois, en effet, sa ville natale est incontestablement italienne.

La fin du Second Empire est marquée à Nice, comme dans le reste de la France, par l'essor des contestations. Trop peu populaire, le député Louis Lubonis doit démissionner en 1868. Il est remplacé par François Malausséna, réélu en 1869. La gestion de la ville par ce dernier est cependant de plus en plus critiquée (ses adversaires lui reprochent de favoriser la rive droite du Paillon au détriment des vieux quartiers), tandis que de nombreux notables niçois, surtout les avocats, sont victimes de la concurrence de leurs homologues d'« outre-Var ». Les résultats du plébiscite de juin 1870 placent Nice parmi les villes plutôt opposantes au régime. Une double opposition, « républicaine française » d'une part et « libérale italienne » d'autre part, se structure peu à peu. C'est donc une ville divisée qui voit se produire la chute soudaine de l'Empire et la proclamation de la République, le 4 septembre 1870.

La Troisième République, de 1870 à 1914

La proclamation de la République se produit dans un paysage politique particulièrement complexe. Les républicains « français », proches du quotidien Le Phare du Littoral, s'opposent aux libéraux « italiens », proches du quotidien Il Diritto di Nizza, dont certains souhaitent le retour de Nice à l'Italie tandis que d'autres réclament essentiellement la prise en compte par le gouvernement français des particularités locales. Les premiers préfets républicains, Pierre Baragnon et Marc Dufraisse, mènent une politique parfois maladroite, en accusant tous leurs adversaires de « séparatisme »[20]. Le préfet conservateur Villeneuve-Bargemon, nommé sous l'Ordre moral, s'appuie ensuite sur les conservateurs locaux, « particularistes ».

La place Masséna vers 1900 avec le tramway

Parmi ces conservateurs locaux particularistes se trouvent le maire de Nice élu en 1871, Auguste Raynaud, ainsi que deux députés élus en février 1871 : Louis Piccon et Constantin Bergondi[21]. Le particularisme politique échoue cependant assez rapidement. En 1874, Louis Piccon doit démissionner après avoir prononcé un discours dans lequel il envisageait le retour de Nice à la sphère italienne. Au même moment, son collègue Constantin Bergondi se suicide à cause de problèmes familiaux. Lors des élections législatives suivantes, le préfet et le journal Il Pensiero di Nizza soutiennent deux bonapartistes niçois, Joseph Durandy et Eugène Roissard de Bellet, mais ce sont deux républicains « français », Gaspard Médecin, de Menton, et Léon Chiris, de Grasse, qui sont élus. L'avocat Alfred Borriglione se rapproche ensuite des républicains « français » et se fait élire député en 1876. En 1878, il se présente aux élections municipales contre le maire sortant Auguste Raynaud et remporte le scrutin[22]. Nice passe à gauche.

Alfred Borriglione lance une politique de grands travaux : création du boulevard Gambetta, prolongement de la Promenade des Anglais, création d'un casino municipal sur la place Masséna, organisation d'une exposition internationale en 1883-1884. Proche de Gambetta et membre de l'Union républicaine, il est réélu comme maire en 1882. À la suite d'une crise municipale, il est cependant battu en 1886. Ses adversaires, conservateurs, lui reprochent en effet d'avoir fait trop de travaux et d'avoir endetté la ville. Le nouveau conseil municipal désigne comme maire Jules Gilly puis, à la suite de la démission de celui-ci, le comte François Alziary de Malausséna. La mairie est donc à présent tenue par des conservateurs modérés, qui arrêtent la politique de grands travaux. L'Eclaireur du Littoral devient L'Eclaireur de Nice le 1er janvier 1888.

Le 23 février 1887, l'important tremblement de terre d'intensité 6,3 ou 6,4, dont le foyer était situé en mer, probablement au large de San Remo, secoua fortement la ville et fit 2 morts et 13 blessés. Nietzsche, alors en villégiature le qualifia de « divertissement d'un genre nouveau : la charmante perspective qui tout à coup s'entrouvre à nous de nous voir engloutis d'un moment à l'autre  ».

Une carte postale de la promenade des Anglais en 1900 avec le Casino de la Jetée-Promenade

La politique sociale de la municipalité de François Alziary de Malausséna est cependant jugée insuffisante par une partie croissante de l'opposition, et notamment par les ouvriers. Les élections municipales de 1896 sont remportées par un radical, Honoré Sauvan. Ce dernier demeure maire jusqu'en 1912, en s'appuyant sur la vieille ville et une partie des milieux populaires. Honoré Sauvan doit cependant faire face à de nombreux problèmes d'aménagement, dus à la croissance très rapide de la ville. Lors des élections municipales de 1912, il est battu par les conservateurs, qui portent François Goiran à la mairie. Nice repasse donc à droite.

La ville connaît également, au cours de cette période, un important essor économique et démographique. Le tourisme devient alors une activité prépondérante. Le nombre d'hôtels passe ainsi de 64 en 1877 à 182 en 1910. La population augmente de 52 000 habitants en 1872 à 143 000 habitants en 1911. L'essor de l'économie est rendu possible grâce à l'immigration. À la fin du XIXe siècle, Nice compte en effet entre 24 000 et 25 000 Italiens, soit environ un quart de sa population (93 800 habitants en 1896)[23].

La Première Guerre mondiale et l’entre-deux-guerres

La colline du château vue du mont Boron au début du siècle dernier

Le déclenchement de la Première Guerre mondiale, en août 1914, perturbe gravement l'économie locale. La saison 1914-1915 est mauvaise et le chômage augmente sensiblement[9]. La ville accueille des soldats blessés au front et des civils qui ont dû fuir les régions envahies. Les difficultés économiques s'aggravent de mai 1915 à juin 1918. Le tourisme est en grande difficulté, même si une légère reprise s'amorce au cours de l'hiver 1917-1918. L'annonce de l'armistice, le 11 novembre 1918, est saluée par d'importantes manifestations d'enthousiasme. Le bilan du conflit est assez lourd. 3665 Niçois ont été tués. Plusieurs branches de l'économie locale ont été durement affectées, notamment l'industrie du bâtiment, la culture florale et l'hôtellerie. Le chômage est important et les grèves se multiplient. Le maire élu avant le conflit, François Goiran, ne se représente pas aux élections municipales de 1919.

La vie politique dans l'entre-deux-guerres se caractérise tout d'abord, de 1919 à 1936, par la domination des républicains modérés. L'ancien maire Honoré Sauvan est élu en 1919 et conserve la municipalité jusqu'à sa mort, en 1922. Son premier adjoint, Pierre Gautier, lui succède. Il est réélu en 1925 mais meurt en 1927. Un de ses adjoint, Alexandre Mari, prend alors sa succession, mais il démissionne en octobre 1928. L'avocat Jean Médecin lui succède. Il est réélu en 1929 et en 1935 et devient sénateur en 1939. Le député puis sénateur de la ville est par ailleurs le baron Flaminius Raiberti, également président du conseil général des Alpes-Maritimes de 1911 à 1932.

Le palais du Dôme sur la colline de Pessicart et au fond, le Righi Palace, en 1924

La population de la ville augmente fortement. La ville passe de 155 000 habitants en 1921 à 240 000 habitants en 1936.

Nice est ensuite touchée par la crise économique mondiale des années 1930. Le chômage augmente sensiblement de 1932 à 1936. Ces tensions se répercutent sur le plan politique. L'extrême droite, notamment L'Action française, se montre très active. La gauche se mobilise également et, le 29 janvier 1934, une grande manifestation intersyndicale dégénère en affrontements graves. Dans les mois qui précèdent les élections législatives de 1936, les incidents se multiplient. Lors du premier tour, le 26 avril 1936, les députés sortants républicains modérés, Jean Médecin et Léon Baréty, sont réélus mais, au second tour, la troisième circonscription de la ville désigne Virgile Barel. C'est la première fois que Nice élit un député communiste. Comme dans le reste de la France, le mois de juin 1936 est marqué par des grèves très importantes[9].

La Seconde Guerre mondiale

Le déclenchement de la guerre contre l'Allemagne, le 3 septembre 1939, provoque le départ des unités stationnées à Nice pour le front du Nord-Est[24]. Le 10 juin 1940, la déclaration de guerre de l'Italie contre la France provoque l'arrestation des fascistes italiens qui habitent à Nice. À la suite de la signature de l'Armistice du 22 juin 1940, le maire de Nice Jean Médecin se rallie au maréchal Pétain, le 6 juillet. En tant que sénateur, il vote pour que les pleins pouvoirs soient conférés au maréchal, le 10 juillet. 356 Niçois ont été tués au front, tandis que 4295 sont prisonniers.

Le préfet Marcel (II) Ribière arrive à Nice en septembre 1940 pour imposer « l'ordre nouveau » de Vichy. Il est secondé par la Légion française des combattants (LFC), dont le président départemental est Joseph Darnand. Le maire Jean Médecin est maintenu dans ses fonctions, le 13 mars 1941.

Des agressions antisémites ont lieu en juillet 1941 et en mai, juin et septembre 1942. Le gouvernement Laval déclenche une rafle de Juifs étrangers le 26 août 1942. 655 personnes sont arrêtés et internées à la caserne Auvare. 560 d'entre elles sont déportées à Drancy, le 31 août 1942.

Les premiers groupes de résistance sont constitués dès septembre 1940, au lycée de garçons (lycée Masséna). Les premières actions ont lieu en 1942. Le 14 juillet 1942, une manifestation réunit plusieurs centaines de personnes place Masséna.

À partir du 11 novembre 1942, l'armée italienne occupe la ville et accroit sa zone d'occupation en France. Grâce à l’œuvre du banquier juif italien Angelo Donati et du capucin Père Marie-Benoît les autorités fascistes freinent l'application des lois antisémites de Vichy[25].

La Résistance se poursuit. Le 14 juillet 1943, une manifestation d'un millier de personnes a lieu avenue de la Victoire et place Masséna. Sur la pression des autorités occupantes, Jean Médecin quitte la ville le 27 juillet 1943.

La capitulation de l'Italie, en septembre 1943, marque la fin de l'occupation italienne, mais le début de l'occupation allemande, particulièrement brutale. Le SS Alois Brunner arrive à Nice le 10 septembre 1943. Il organise, jusqu'au 15 décembre 1943, la déportation de 1820 Juifs vers Drancy. Après son départ, 1129 autres personnes sont déportées, jusqu'au 31 juillet 1944. Certaines organisations parviennent à sauver des Juifs. Le réseau Marcel, dirigé par Moussa Abadi[26], sauve ainsi 527 enfants avec l'aide de l'évêque, Paul Rémond.

Affiche collée sur les murs de la ville la nuit du 27 août 1944

La Résistance s'intensifie. La répression est extrêmement dure. Les Groupes d'action du PPF (Parti populaire français) abattent six résistants détenus, le 27 décembre 1943. La Gestapo exécute ou torture à mort 32 résistants, dont 23 sont fusillés à L'Ariane, les 22 juillet 1944 et le 15 août 1944. Elle déporte également 390 résistants et otages vers les camps de concentration. Jean Médecin, pour sa part, est interné le 28 juin 1944 à Belfort mais échappe à la déportation contrairement à son ami Charles Buchet. Le 7 juillet 1944 enfin, la Gestapo procède à la pendaison publique de deux résistants membres des FTP (Francs-Tireurs et Partisans), Séraphin Torrin et Ange Grassi, dont les corps sont exposés pendant trois heures, avenue de la Victoire.

Aperçu des hostilités près de la gare des chemins de fer de Provence, le 28 août 1944, à la Libération de Nice

Les bombardements deviennent par ailleurs fréquents et meurtriers. Le bombardement américain de 26 mai 1944 fait ainsi 308 morts, 499 blessés et 5600 sinistrés. La situation économique devient en outre catastrophique et la ville connaît une quasi famine pendant l'été 1944.

Le succès du débarquement de Provence provoque le repli des troupes nazies vers la frontière italienne. Les résistants lancent une grande insurrection, le 28 août 1944. Les nazis abandonnent la ville. Les combats de rue ont fait 25 morts et 105 prisonniers côté nazi, 31 morts et 280 blessés côté résistant. Les parachutistes américains entrent dans Nice, le 30 août 1944. L'épuration provoque de nombreuses arrestations en septembre 1944 et une trentaine d'exécutions sommaires, du 28 août au 23 septembre 1944. Un Comité départemental de libération (CDL) et un Comité local de libération (CLL) sont mis en place, puis une Délégation spéciale. L'annonce de la capitulation allemande, le 8 mai 1945, est accueillie par des manifestations de joie.

La ville a beaucoup souffert : 1868 immeubles ont été détruits ou endommagés entre le 26 mai et le 28 août 1944. La population est retombée à 210 000 habitants en 1946, ce qui signifie que la ville a perdu 30 000 habitants par rapport à 1936[27].

De 1945 à nos jours

Après la guerre, la vie politique reprend progressivement son cours. À la suite des élections municipales, le socialiste Jacques Cotta est élu maire, le 17 mai 1945[28]. Les députés Jean Médecin et Virgile Barel retrouvent leur siège lors des élections à la Constituante, le 21 octobre 1945. Ils sont ensuite réélus à l'occasion des élections législatives du 5 juin 1946, mais aussi à celles du 10 novembre 1946. Les élections municipales du 19 octobre 1947, en revanche, sont remportées par Jean Médecin, qui redevient maire. Il est réélu lors des élections municipales du 26 avril 1953. La vie politique locale est fortement marquée, au cours de cette période, par Jean Médecin, qui est réélu maire en 1958 et en mars 1965. Il appartient à la droite libérale modérée et s'oppose à de Gaulle au cours des années 1960.

À la mort de Jean Médecin, en décembre 1965, son fils Jacques Médecin lui succède. Ce dernier cumule les mandats de maire, de conseiller général et de député. Il s'efforce de diversifier l'économie locale, en développant le tourisme d'affaires. Il dote la ville d'équipements structurants, comme le Théâtre municipal, le musée d'art moderne et d'art contemporain ou le Palais Acropolis. Il est réélu maire en 1971, 1977, 1983 et 1989. D'abord proche de la droite modérée et libérale, il se rapproche de l'extrême droite au cours des années 1980. Son mandat est par ailleurs marqué par d'important problèmes de corruption. La ville connaît en outre de très graves problèmes d'endettement. En 1990, il démissionne et quitte la France pour éviter d'être mis en examen.

Les années 1980 sont par ailleurs marquées par le début de l'essor du Front national. Ce parti dépasse parfois, dans certaines circonscriptions de Nice, 30% des suffrages exprimés.

Après la fuite de Jacques Médecin, le sénateur Honoré Bailet, membre du RPR, est élu par le conseil municipal pour lui succéder. Sa gestion est peu satisfaisante. Il est à son tour contraint à la démission, en 1993. Le conseil municipal désigne cette fois l'avocat Jean-Paul Baréty, neveu de l'ancien député Léon Baréty. Le nouveau maire essaie de redresser les finances de la ville. Lors des élections municipales de juin 1995, il est cependant battu par Jacques Peyrat, avocat, ancien leader du Front national à Nice. Le nouveau maire adhère au RPR. Il est réélu en 2001. En 2008, il est battu par Christian Estrosi.

La ville connaît un essor démographique très important au cours des Trente Glorieuses. La population passe ainsi de 210 000 habitants en 1946, à 330 000 habitants en 1968, en raison notamment de l'arrivée des Français d'Algérie en 1962. Depuis 1975, le nombre d'habitants tend cependant à stagner entre 340 000 et 350 000 habitants.

Cet essor démographique entraîne d'importantes modifications urbaines. Les constructions s'étendent dans les vallées du Var et du Paillon et sur les collines. Les activités industrielles sont transférées à Carros. Les immigrés, indispensables pour faire fonctionner l'industrie du bâtiment en plein essor, sont logées dans de nouveaux quartiers comme Les Moulins, Bon-Voyage et L'Ariane. Le nombre de retraités aisés augmente fortement dans le centre ville, ce qui provoque une forte hausse des prix de l'immobilier et donc le départ des jeunes actifs.

Les structures de l'économie changent beaucoup au cours de la seconde moitié du XXe siècle. Les activités de fabrication quittent la ville pour s'installer à Carros, La Trinité ou Saint-André. Quelques activités de confection dans l'habillement restent cependant localisée en ville. Le bâtiment et les travaux publics demeurent un des secteurs qui emploie le plus de main-d'œuvre. Les activités du secondaire représentent globalement moins de 10% des emplois en 1999.

La période est surtout marquée par l'essor du secteur tertiaire. À la fonction d'accueil touristique traditionnel se rajoute le développement du tourisme d'affaires et du tourisme de congrès. Le Palais des Expositions est inauguré en 1955 et agrandi en 1959-1960. Le Palais Acropolis, inauguré en 1984, est plus spécifiquement destiné à accueillir des congrès. Le commerce représente également une part importante des emplois. Les fonctions administratives se développent, dans le public mais aussi dans le privé, notamment dans les secteurs de la banque et des sociétés d'assurance. La fonction médicale de la ville est également de plus en plus importante. La fonction enseignante, également, se développe, grâce aux lycées professionnels (bâtiment et hôtellerie) et, surtout, à l'université de Nice Sophia-Antipolis, ouverte en 1965. Ces établissements permettent à la ville de rayonner sur la partie orientale de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, en attirant des étudiants. Nice est ainsi, aujourd'hui, une ville de services. En 1999, 85 % des actifs travaillent dans le secteur tertiaire[9].

La ville bénéficie aujourd'hui d'atoûts importants, comme son climat, son cadre de vie et la qualité de ses liaisons avec Paris. Elle doit cependant faire face à un certain nombre de difficultés. L'organisation de l'aire urbaine et les relations de Nice avec les communes environnantes comme Carros, Saint-Laurent-du-Var ou les commune de la vallée du Paillon, devraient être améliorées. Le bon fonctionnement de la CANCA constitue ainsi un premier enjeu important. La ville doit aussi diversifier son tissu économique. Elle devrait attirer d'avantage d'entreprises, développer l'enseignement supérieur et mener une politique culturelle plus dynamique. Le prix très élevé de l'immobilier tend par ailleurs à faire fuir les jeunes actifs et les étudiants. Les voies de communications sont saturées et les transport en commun gagneraient être améliorés. La ville est mal reliée à Toulon et à Marseille, mais aussi à Gênes et à Turin. Le patrimoine architectural et historique, enfin, pourrait être davantage mis en valeur.

Bibliographie

  • Giovanni G. Amoretti , La città fedele. Letteratura di lingua italiana a Nizza da Emanuele Filiberto a Vittorio Emanuele II, Bordighera, Istituto internazionale di studi liguri, 1998.
  • Maurice Bordes (dir.), Histoire de Nice et du pays niçois, Toulouse, Privat, 1976.
  • Marc Boyer, L'invention de la Côte d'Azur. L'hiver dans le Midi, La Tour d'Aigues, Éditions de l'Aube, 2002, 378 p.
  • Michel Derlange (dir.), Les Niçois dans l'histoire, Toulouse, Privat, 1988, (ISBN 2-7089-9414-X).
  • Louis Durante, Histoire de Nice depuis sa fondation jusqu'à l'année 1792, Turin, 1823,
  • Joseph-Napoléon Fervel, Histoire de Nice et des Alpes Maritimes pendant vingt et un siècles, Paris, 1802, 341 p.,
  • Jean-Pierre Fouchy, Et Nice devient le port de la Savoie, Alandis Éditions, 2008, 258 p.
  • Jean-Louis Panicacci, Les Alpes-Maritimes de 1939 à 1945. Un département dans la tourmente, Nice, Serre, 1989.
  • Alain Ruggiero (dir.), Nouvelle histoire de Nice, Toulouse, Privat, 2006, 383 p.
  • Ralph Schor (dir.), Dictionnaire historique et biographique du comté de Nice, Nice, Serre, 2002, (ISBN 978-2864103660).
  • Ralph Schor, Stéphane Mourlane, Yvan Gastaut, Nice cosmopolite, 1860-2010, Editions Autrement, 2010, 219 p.
  • Luc Thevenon, Nice, cité d'histoire, ville d'art, Nice, Serre, 1993, 93 p., (ISBN 978-2864101956)

Notes et références

  1. a et b Luc Thevenon, Nice, cité d'histoire, ville d'art, Nice, Serre, 1993, (ISBN 978-2864101956)
  2. Alain Ruggiero (sous la direction de), Nouvelle histoire de Nice, Toulouse, Privat, 2006, (ISBN 978-2708983359), p. 17-18.
  3. Sur les pas des Grecs en Occident... : hommages à André Nickels / textes réunis et éd. par Patrice Arcelin, Michel Bats, Dominique Garcia et al.. - Paris : Errance ; Lattes : ADAM, 1995. - 492 p. - (Etud. massaliètes, ISSN 0986-3974 ; 4) . - (Trav. cent. Camille Jullian ; 15)
  4. Louis Durante, Histoire de Nice depuis sa fondation jusqu'à l'année 1792, tome premier, Turin, 1823, p. 160-161. Consulté le 21 mai 2009.
  5. Louis Durante, Histoire de Nice depuis sa fondation jusqu'à l'année 1792, tome premier, Turin, 1823, p. 162. Consulté le 21 mai 2009.
  6. Louis Durante, op. cit., p. 164-165
  7. a et b Joseph-Napoléon Fervel, Histoire de Nice et des Alpes Maritimes pendant vingt et un siècles, Paris, 1802, p. 38
  8. a et b Alain Ruggiero, op. cit., p. 89
  9. a, b, c, d, e, f, g, h, i et j Alain Ruggiero, op. cit.
  10. Ralph Schor (dir.), Dictionnaire historique et biographique du comté de Nice, Nice, Serre, 2002.
  11. Jean-Loup Fontana, Revue l'Alpe, février-avril 1999, p.30
  12. Alain Ruggiero, op. cit., p. 137
  13. Ralph Schor, Dictionnaire historique et biographique du comté de Nice, Nice, Serre, 2002, p. 39-41
  14. Marguerite et Roger Isnard, Nouvel almanach du comté de Nice : Memoria E Tradicioun, Serre Éditeur, 2006, p. 147 (ISBN 9782864104612)
  15. Paul Guichonnet, Histoire de l'annexion de la Savoie à la France, Montmélian, La Fontaine de Siloé, 2003, 352 pages. Un chapitre est consacré à l'annexion de Nice
  16. Paul Guichonnet, Histoire de l'annexion de la Savoie à la France, p. 151
  17. Alain Ruggiero, op. cit., p. 94-95
  18. Alain Ruggiero, op. cit., p. 181
  19. a et b Alain Ruggiero, op. cit., p. 182
  20. Alain Ruggiero, op. cit., p. 188
  21. Henri Courrière, "Les troubles de février 1871 à Nice. Entre particularisme, séparatisme et République", Cahiers de la Méditerranée, n° 74, juin 2007, p. 179-208.
  22. Alain Ruggiero, op. cit., p. 189
  23. Alain Ruggiero, op. cit., p. 206
  24. Jean-Louis Panicacci, Les Alpes-Maritimes de 1939 à 1945. Un département dans la tourmente, Nice, Serre, 1989.
  25. Léon Poliakov, La conditions des Juifs sous l'occupation italienne, Paris, CDJC, 1946 et les bibliographies de Angelo Donati et du Père Marie-Benoît
  26. Il existe une place Moussa-et-Odette-Abadi à Paris.
  27. Alain Ruggiero, op. cit., p. 255.
  28. Alain Ruggiero, op. cit., p. 248

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