- Histoire de Grenoble
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L’histoire de Grenoble recouvre une période de plus de 2 000 ans. À l'époque Gallo-romaine, le bourg gaulois porte le nom de Cularo puis de Gratianopolis et voit son importance accrue lorsque les Comtes d’Albon la choisissent au début du XIe siècle comme capitale de leur province, le Dauphiné. Ce nouveau statut, puis trois siècles plus tard son annexion à la France, ont permis de développer son économie et Grenoble devient alors une ville parlementaire et militaire, à la frontière de la Savoie.
Ses habitants se distinguent lors de chaque événements que connaît la province, que ce soit lors des Guerres d'Italie, de la Révolution française ou encore durant la Seconde Guerre mondiale.
Grenoble voit son importance s’accroître par son développement industriel qui commence véritablement au XVIIIe siècle avec la ganterie et s’accentue dans la deuxième partie du XIXe siècle, avec la découverte de la Houille Blanche. Mais Grenoble connaît sa plus forte croissance durant les Trente Glorieuses, qui coïncide avec la tenue des Jeux olympiques d’hiver de 1968 symbolisant cette période de grands bouleversements pour la ville. Son développement se poursuivant, Grenoble est aujourd’hui un centre important de recherche scientifique en Europe.
Sommaire
Histoire chronologique
Antiquité
Article détaillé : Cularo.La première référence écrite de Grenoble date du 6 juin -43 lors d'un échange de courrier entre le gouverneur de la Gaule transalpine, Lucius Munatius Plancus, et un notable romain, Cicéron. Le bourg qui porte le nom de Cularo avait été fondé par des peuples gaulois appelés Allobroges, et n'était qu'une petite bourgade Gallo-romaine par rapport à d'autres cités comme Vienne. Un siècle auparavant, Rome maître de la péninsule, avait entrepris de conquérir le sud de la Gaule, et en -121, les légions romaines avaient soumises les Voconces et les Allobroges dont le territoire s'étendait entre Rhône et Isère, pour créer la province de la Gaule transalpine. Cette province contourne les Alpes, s'étend sur toute la partie méridionale de la Gaule, remonte la vallée du Rhône jusqu'au lac Léman, avec Vienne comme capitale[1].
À cette date du 6 juin -43, lors de mouvements de troupes romaines, un pont en bois à l'emplacement resté incertain pour les historiens[2], doit être construit entre l'actuelle passerelle Saint-Laurent et l'Esplanade, afin qu'elles franchissent l'Isère. Par suite de revirement d'alliance dans l'année qui suit l'assassinat de Jules César, ce pont provisoire est aussitôt détruit. Le franchissement de la rivière à Cularo permet de se rendre à Vienne, de partir vers la Sapaudie ou de franchir les Alpes par le col du Lautaret et le col du Montgenèvre pour rejoindre Rome[3].
Bourgade ouverte pendant des siècles, ayant un statut de vicus, sur une surface maximale de 15 hectares, Cularo est un point de rupture dans les transports de marchandises venant d'Italie par la vallée de l'Oisans et aboutissant au port de la Madeleine à Cularo afin d'y être embarquées. La présence d'un bureau de douane, celui du Quarantième des Gaules, percevant un impôt de 2,5% sur la valeur des marchandises en transit atteste de l'importance du point de passage. Une stèle sous le nom de clippe du quarantième des Gaules a en effet été élevée à la mémoire d'un percepteur, Caius Sollius Marculus à la fin du IIe siècle[4]. Il s'agit en fait du seul document connu d'époque où figure en toutes lettres le nom de Cularo.
La bourgade se voit dotée entre 284 et 293[5], sous le règne commun des empereurs romains Dioclétien et Maximien, d'une enceinte restreignant la superficie de la bourgade à neuf hectares[6], et dotée d'une trentaine de tours et deux portes monumentales. À cette période, Cularo vient d'obtenir un statut de « Cité » et la construction d'une telle enceinte défensive lui est alors indispensable[7] afin de se préserver de l'invasion de hordes barbares. Certains éléments de ces remparts existent encore aujourd'hui en plusieurs points de la ville, et des pastilles métalliques sont disposées sur le tracé de cette enceinte avec l'inscription Cularo IIIe siècle.
Près d'un siècle plus tard, la ville est renommée Gratianopolis en 381 en l'honneur de l'empereur Gratien qui vient de doter la bourgade d'un évêché, mais dont aucun document n'atteste de son passage dans la cité en 379 lors de son déplacement dans la vallée du Rhône. Son nom se transformera par la suite en Graignovol au XIIIe siècle, puis Gregnoble au XIVe siècle associant le suffixe noble en référence au roi de France, propriétaire du Dauphiné.
Le christianisme se diffuse dans la région au IVe siècle. La première trace d'un évêché à Gratianopolis est attesté en septembre 381, avec comme premier évêque Domnin (Domninus), dont la présence est attestée au Concile d'Aquilée[8]. Les évêques successifs vont détenir alors une autorité considérable sur la cité pendant 14 siècles et procèdent à de nombreuses transformations. Jusqu’à la Révolution, ils s’intituleront « évêques et princes de Grenoble »[9]. Il reste aujourd'hui de la période gallo-romaine le baptistère de Gratianopolis, utilisé jusqu'à la fin du Xe siècle, ainsi que plusieurs portions du mur d'enceinte gallo-romain visibles dans la vieille ville, notamment rue La Fayette.
Dans la première partie du Ve siècle, des monuments funéraires ou mausolées sont construits sur la rive droite de l'Isère, en zone non inondable, recevant les personnages importants de la cité comme les premiers évêques. À la fin du Ve siècle, suite à la chute de l’Empire romain d'Occident, la région subit des invasions de hordes barbares mais Gratianopolis reste protégée par ses remparts.
Moyen Âge
Au VIe siècle, alors que la ville fait désormais partie du royaume des Burgondes, une première église cruciforme dédiée à Saint Laurent est bâtie. Accolée à l'un des mausolées existants de la rive droite et profitant de la déclivité du terrain, cette première église est construite en partie par-dessus une chapelle dédiée à Saint Oyand, lui conférant ainsi le statut de crypte Saint Oyand[10]. Un siècle plus tard, un voûtement est installé dans la crypte nécessitant l'installation de colonnes. Ce site religieux et funéraire ne cessera d'évoluer sur un plan architectural au cours des siècles suivants et le patronyme de Saint Laurent restera désormais attaché à toute la rive droite de l'Isère.
Dans la longue succession des évêques de la ville, un fait tragique se déroula le 12 janvier 660. L'évêque de Gratianopolis, Ferjus (nom latin Ferreolus), se trouvait à proximité de la ville sur un replas du mont Rachais. Alors qu'il avait fait installer une estrade en bois sur laquelle il prêchait en plein air, l'un de ses auditeurs saisit soudainement une perche de saule, la lança sur la tête du prélat, le tuant sur le coup. Ses complices s'élancèrent sur le corps de l'évêque et allèrent le jeter dans un four à pain allumé situé non loin de là. Les fidèles recueillirent les cendres et les déposèrent dans un tombeau creusé dans le roc. L'évêque fut immédiatement considéré comme un martyr et canonisé par le suffrage du peuple chrétien[11], il resta le dernier évêque de la ville à porter un nom à consonance latine, ses successeurs porteront des noms d'origine germanique. Les restes calcinés de Ferjus furent alors déposés au cimetière de Gratianopolis de l'époque, (l'actuel cimetière ancien de La Tronche) dans une chapelle construite par les fidèles et qui exista jusqu'au XIe siècle. Ce crime fut imputé par les contemporains à des incroyants, mais il y a tout lieu de penser qu'il s'agit d'un crime politique car depuis quelque temps les évêques s'opposaient vivement à la monarchie franque. Le roi Mérovingien Clotaire III, régnant à cette époque, voulait conforter son pouvoir par quelques exemples comme l'évêque Sigebrand également assassiné à Paris[12].
La cité va particulièrement souffrir des incursions des Sarrasins au VIIIe siècle. Dans la première partie du IXe siècle, à l'époque Carolingienne, l'église Saint Laurent est reconstruite avec une nef unique, marquant ainsi la prépondérance des offices eucharistiques sur les cultes funéraires. En 1012, l'évêque Humbert d'Albon, issu de la Famille d'Albon, céde l'église Saint-Laurent aux moines bénédictains de Saint Chaffre en Velay, qui un siècle plus tard, reconstruiront une version romane de l'église Saint-Laurent.
Mais l’importance de Gratianopolis s’accroît considérablement à cette époque lorsque les Comtes d’Albon choisissent la cité comme capitale de leur comté vers l'an 1000[13]. En effet, ces différents seigneurs réunissent durant leur règne les différents fiefs de la région et forment un Pays d'états qui prend au XIIe siècle le nom de Dauphiné en référence à l'animal porté sur leur blason. Dans la lignée de ces seigneurs, c'est Guigues IV d'Albon qui est le premier à porter le nom de dauphin dans un acte daté de l'année 1110[14]. Grenoble se trouve désormais capitale d’un État indépendant dans le Saint-Empire romain germanique. C'est dans ce contexte qu'en 1155 le dauphin Guigues V d'Albon obtient de l'empereur Frédéric Ie du Saint-Empire romain germanique le droit d'avoir un atelier monétaire à Grenoble, puis en 1178, l'évêque Jean de Sassenage obtient à son tour du même empereur ce droit de battre monnaie[15].
Cependant, l’autorité de la cité reste partagée entre les dauphins de Viennois et les évêques de la ville. L’un des plus illustres d’entre eux est Saint Hugues. Il fait reconstruire l’ancien pont romain sur l’Isère, fonde un hôpital pour les pauvres et une léproserie. C'est également lui qui indique à Saint Bruno en 1084 le lieu d’implantation où il fonde le monastère de la Grande-Chartreuse et son ordre religieux.
- Le symbole du serpent et du dragon
Dans la nuit du 14 au 15 septembre 1219, Grenoble fut ravagée par une catastrophe naturelle sans précédent. Le 10 août 1091, le lit de la Romanche était barré par un glissement de terrain qui créa un barrage naturel au niveau des gorges de l'Infernet à Livet-et-Gavet à une trentaine de kilomètres au sud de Grenoble[16]. Un lac, appelé Saint-Laurent, se forma alors sur des kilomètres en amont dans la plaine du Bourg d'Oisans jusqu’à atteindre pratiquement le village, rebaptisé « Saint-Laurent-du-Lac ». Plus d'un siècle plus tard, le 14 septembre 1219, un violent orage apporta un surplus d'eau qui causa la rupture du barrage à 22 heures et la vidange du lac. Une vague descendit la Romanche puis le Drac et se jeta dans l'Isère. Grenoble fut plutôt épargnée par cette première vague car les remparts de la ville étaient éloignés des bras et méandres que formait à l'époque la rivière du Drac. Mais la hausse du niveau du Drac provoqua un reflux de l'Isère qui coula à contresens pendant quelques heures, emporta le pont Saint-Laurent, et forma un lac dans le Grésivaudan à la hauteur de Meylan. Lorsque la décrue du Drac survint, c'est le lac de l'Isère qui se vida à son tour par effet de balancier. Le niveau de l'eau monta alors dans la ville et les habitants sortirent dans les rues pour fuir. La nuit étant tombée, les portes de l'enceinte de la ville étaient fermées et les habitants se retrouvèrent pris au piège sur les rives et furent emportés par les flots. De nombreuses personnes périrent cette nuit là, marquant les esprits pour des siècles. Cet événement est certainement à l'origine du symbole grenoblois du serpent et du dragon instituant désormais la lutte contre les deux rivières. Il faudra attendre un arrêt du Parlement du Dauphiné au printemps 1493 concernant une conciliation entre les différents villages concernés au sujet des travaux d'endiguement du Drac[17], puis les XVIIe et XVIIIe siècles pour entreprendre des travaux colossaux permettant de canaliser le Drac. Ce ne furent toutefois pas moins de 150 inondations graves qui furent recensées dans l'histoire de la cité dauphinoise[18].
Le bilan catastrophique fut en partie expliqué par la tenue d'une foire marchande à cette période à Grenoble. Les marchands connaissant mal les heures de fermeture des portes et les marchandises encombrant les rues, le nombre des victimes s'en fut alourdi. De plus, la porte du pont donnant accès à la rive droite et à la montée de Chalemont fut ouverte trop tard pour évacuer suffisamment de monde. Grenoble mit des années à s'en remettre car beaucoup d'habitants étaient morts. Le Dauphin Guigues VI de Viennois (appelé aussi Guigues-André) exempta d'impôts tous ceux qui souffrirent de la crue[19]. Après ce drame, une population de Grenoble réduite à 3 000 personnes incite l'évêque, Jean de Sassenage en place depuis 55 ans, et le dauphin Guigues VI à rédiger une charte de peuplement afin d'attirer de nouveaux habitants.
Jean de Sassenage, décède l'année suivante et la reconstruction du pont demandera au moins dix ans, malgré un legs testamentaire de la dauphine[20]. Le dauphin se charge en 1228 de la construction d'un monument appelé à devenir la sainte chapelle, la sépulture des dauphins, la collégiale Saint-André. Située place Saint-André à côté de son château, elle est financée grâce à l'exploitation des mines d'argent de Brandes[21] (près de l'Alpe-d'Huez) et restera le monument le plus haut de la ville pendant sept siècles. Guigues VI en surveille personnellement la construction. En 1237, la collégiale à peine achevée accueille la dépouille du dauphin Guigues VI.
À la même période, après presque un millénaire d'existence sans modification, l'enceinte romaine de la ville est agrandie vers 1218 en direction de l'est de la ville ajoutant 4,33 hectares de surface afin d'englober le faubourg dit « de l'Île ». Puis une seconde extension plus modeste est faite en 1288, à l'ouest sur 1,35 hectare, mais restera encore plus d'un siècle sans fortification. Ces deux extensions permettent l'implantation de couvents religieux, les Franciscains appelés aussi Cordeliers du côté faubourg « de l'Île », puis les Dominicains appelés aussi Jacobins de l'autre côté, sur un vaste terrain appelé champ du Breuil, obtenu grâce à la concession de l'évêque Guillaume II de Sassenage. En 1291, les Dominicains obtiennent du dauphin Humbert Ier la totalité du champ du Breuil car ils se plaignent du bruit causé par la foire et le marché aux grains installés à cet endroit. Le champ de tir des archers et arquebusiers est alors déplacé et le marché aux grains transféré au-delà d'un bras du Drac, nécessitant la construction d'un petit pont.
Profitant des divisions entre l’évêque et le Dauphin, les Grenoblois parviennent à faire adopter une charte de coutume leurs garantissant un certain nombre de droits[22]. En 1281, avec l'autorisation seigneuriale, les premiers consuls de la ville, au nombre de quatre, font leur apparition. Il se réunissent Banc du Grand Conseil (actuelle place aux Herbes) en plein air. En 1309, l’évêque Guillaume IV de Royn tente de passer outre ces privilèges mais une sédition éclate contre lui, les mécontents enfoncent les portes de l'évêché et maltraitent quelques officiers de l'évêque, obligeant l'évêque à s'enfuir quelques jours[23]. Le dauphin Jean II absent de la ville au moment des faits, annulera les poursuites judiciaires que l'évêque avait entamé. Après cet évènement, le Banc du grand Conseil portera le nom de place du Mal Conseil pendant trois siècles. Cette Charte de libertés sera confirmée plus tard par Louis XI en 1447 puis par François Ier en 1541.
Succédant à Guigues VIII mort en 1333 lors d'une bataille contre le comte de Savoie, le dernier dauphin Humbert II est dans un premier temps un excellent administrateur. Il crée par un édit du 22 février 1337 le Conseil delphinal, qui s’installe tout d’abord à Saint-Marcellin avant de migrer à Grenoble par trois ordonnances datées des 1er, 6 avril et du 1er août 1340. C'est durant son règne que le faubourg Saint Laurent va être ceint d'un rempart de 800 mètres de long, au-dessus duquel s'étagent les vignes de la colline. En octobre 1335, Humbert II est touché par un fait tragique qui aura plus tard d'énormes conséquences pour la ville et le Dauphiné. Son fils unique André, âgé de deux ans, meurt au cours de circonstances restées mal élucidées, laissant des parents inconsolables. Pourtant après ce drame, Humbert II entreprend la création de l’Université de Grenoble en 1339, et la mise en place d'une cour des comptes. L'un de ses prédécesseurs, Jean II, avait déjà créé une commission d'auditeurs auxquels les officiers comptables des baillages présentaient l'état des recettes et des dépenses pour contrôle, mais Humbert II crée en 1340 une véritable cour des comptes, deuxième cour souveraine du Dauphiné, constituée d'auditeurs des comptes et de juges. Afin de loger dignement ces institutions de justice, il décide d'acquérir à côté de son palais de Grenoble, des maisons et des vergers, fait construire un mur solide le long de l'Isère et fait surélever de cinq mètres la grande tour delphinale. Des salles d'audience pour le Conseil delphinal, la chambre des comptes et la trésorerie sont achevées en 1345. Mais en septembre 1345, Humbert II entreprend une croisade en Palestine qui va précipiter sa fin.
- Le transport du Dauphiné au royaume de France
Ruiné par cette croisade au cours de laquelle il perdit en mars 1347 la dauphine Marie des Baux qui l'accompagnait, il rentre à Grenoble le 8 septembre 1347. Menant une vie dispendieuse et n'ayant plus d'héritier direct, il ne recherche pas à se remarier quand la peste noire s'abat sur Grenoble au printemps 1348. Le fléau attribué par calomnie aux juifs provoqua une série d'arrestations parmi des banquiers et des négociants, laissant profiter Humbert II de leurs biens. Soixante-quatorze d'entre eux furent traduits en justice, et après un procès de trois mois, condamnés a mort sans l'ombre d'une preuve, ils périrent sur le bûcher. Humbert II vendit sa province au royaume de France le 30 mars 1349 par le traité de Romans. Le roi Philippe VI donna à Humbert II 200 000 florins d'or et lui accorda une rente annuelle de 24 000 livres. Après cet acte solennel appelé transport du Dauphiné au royaume de France par les diplomates, le fils aîné du Roi de France prend le titre de Dauphin et a de fait, autorité sur la province. Le premier d’entre eux, le jeune Charles âgé de 12 ans, (futur roi Charles V), séjourna du 10 décembre 1349 à mars 1350 à Grenoble[24] et en profita pour visiter son nouveau territoire. Suite à ce rattachement, l'université créée par Humbert II disparut et ne se réactivera que quatre siècles et demi plus tard.
Bien que faisant désormais partie du royaume de France, le Dauphiné conserve durant encore un siècle un statut particulier, où les usages et les institutions du pays sont respectés. Vivant le plus souvent à la cour du roi, les dauphins séjournent peu dans leur nouvelle province. Ils vont s'y faire représenter par un gouverneur, auquel ils délèguent tous leurs pouvoirs, à l'exception de l'aliénation du domaine delphinal, de la distribution de fonds prélevés sur le Trésor et de la remise de crimes de lèse-majesté. Les gouverneurs se succèdent à partir de 1352, sans résider systématiquement à Grenoble, certains préférant vivre dans le château de La Côte-Saint-André. Tous seront issus d'autres provinces sauf Aymar de Valentinois au milieu du XIVe siècle et François de Sassenage de 1416 à 1420.
Au début de l'année 1374, plusieurs milliers de brigands, bien armés, se répandent à travers le Dauphiné. Ces groupes appelés, Grandes compagnies, sont composés de soldats démobilisés après la guerre de Cent Ans, de mercenaires, ou de malandrins qui ne rêvent que de pillages. À Grenoble, tous les seigneurs du Grésivaudan sont convoqués en toute hâte et constituent une petite troupe de volontaires afin de défendre la ville. Venant du Forez, les brigands arrivent aux portes de Grenoble, et se heurtent à cette milice abritée derrière ses remparts. Malgré leur supériorité numérique, les brigands finissent par déguerpir, évitant à la ville un pillage auquel les villages voisins du Trièves ne peuvent échapper.
Peu d'années après ces événements, les consuls de la ville décident d'édifier une nouvelle tour à l'est de la ville, à l'extrémité de l'extension des remparts. Commencée en 1381, la construction de la Tour de l'Isle ne sera achevée qu'au début du XVe siècle, où en 1401, les tuiles de sa toiture sont posées. Outre un excellent poste d'observation, la tour est utilisée comme premier hôtel de ville par les quatre consuls. À l'intérieur, une salle enferme les archives et les sceaux de la cité, et pour plus de sécurité les archives sont attachées dans une armoire, c'est le livre de la chaîne[25]. Quelques années auparavant, en 1382, une porte avait été percée dans les remparts à proximité de la tour en construction, et prend le nom de porte de l'Île[26].
Cette époque est marquée à Grenoble par la conduite scandaleuse du gouverneur du Dauphiné, Charles de Bouville. Jetant son dévolu sur des jeunes femmes, il fait incarcérer l'une d'entre elles qui venait de refuser ses avances, sous une accusation infamante. Mise en prison au secret le plus rigoureux afin de la briser, ses parents, ses amis et même son avocat ne peuvent la voir. Lorsque il la croit suffisamment ébranlée par la peur, le gouverneur la fait transférer le 13 février 1379 dans une maison isolée et la viole avec l'aide de complices. C'est l'évêque de Grenoble, Rodolphe de Chissé, qui informe le roi Charles V des abus de son représentant, également accusé de s'être enfui lors de l'arrivée des Grandes compagnies. Dans une longue lettre, l'évêque accuse le gouverneur de procéder à des arrestations arbitraires, de spéculer sur les grains, de détourner à son profit les subsides votés pour la défense du Dauphiné, et de s'entourer de personnes qui jouissent d'une totale impunité. Haï de la population, le gouverneur meurt le 7 mars 1385[27]. Son successeur Enguerrand d'Eudin reste peu de temps en place puisqu'il meurt en 1391, mais va marquer l'urbanisme de la ville en faisant tailler un chemin sur la rive droite de l'Isère, dans le rocher, depuis le Port de la Roche jusqu'au site de l'actuelle Porte de France, évitant ainsi le franchissement de la montée de Chalemont pour partir de Grenoble[28].
Le début du XIVe siècle marque un moment difficile pour Grenoble. Cour princière des dauphins absente, menace des grandes compagnies, crues du Drac, période économique difficile, épidémies de peste, éloignement des grandes routes commerciales, la ville est alors fière d'accueillir les 11 et 12 février 1416 Sigismond Ier, qui en sa qualité d'empereur romain germanique va en Savoie afin d'ériger le Duché de Savoie. Lors de cette visite, la ville passe des commandes pour confectionner des panonceaux décorés aux armes de l'empereur, mais n'aura plus les moyens financiers de confectionner des monuments définitifs dans les décennies suivantes.
Depuis la réunion du Dauphiné au royaume de France, les gouverneurs de la province contribuent beaucoup moins au développement de la cité que les dauphins de Viennois. Certains évêques, notamment, Aymon de Chissé et son successeur, Aymon de Chissé II, au cours de leurs longs épiscopats sont plus attachés que les gouverneurs à l'embellissement de la ville. Vers la fin du Moyen Âge, c'est Aymon de Chissé qui fonde le 9 août 1424 dans la rue Chenoise l'Hôtel-Dieu, connu sous le nom d'Hôpital Notre-Dame[29]. Cette année-là, il est décidé de paver les rues, opération qui débutera quatre ans plus tard, en 1428.
Depuis le transport du Dauphiné au royaume de France, le seul Dauphin à avoir véritablement gouverné est le jeune Louis II, (futur roi Louis XI). Il va « régner » sur le Dauphiné pendant 9 ans, du 12 août 1447 au 30 août 1456, et fait de cette période son école du pouvoir. Installé place Saint-André dans l'Hôtel de la Trésorerie, spécialement aménagé, il transforma en 1453 le vieux Conseil delphinal en Parlement du Dauphiné (le troisième du royaume après ceux de Paris et Toulouse), faisant passer la cité au statut de capitale provinciale. Il fit également débuter la construction du palais des Dauphins, achevé sous François Ier. Il réforma la fiscalité, attira à Grenoble des artisans étrangers et des banquiers juifs qui avaient été maltraités par Humbert II un siècle auparavant et obtint également que l’évêque de la ville lui prêtât hommage.
À cette époque, Grenoble est le centre industriel et agricole de la province ainsi qu’un carrefour important d’où l’on atteint Vienne, Lyon, Valence, le comté de Savoie puis le duché de Savoie ou encore la République de Gênes. La ville est très peuplée et les artisans y sont nombreux[30].
Renaissance
En 1490, un artisan itinérant, Etienne Forest, s'arrête à Grenoble. Il installe sa petite presse et ses casses pleines de caractères de bois gravé, en face de l'église Sainte Claire et sort de cet atelier le premier livre digne de ce nom Les decisiones Parlamenti delphinalis du célèbre jurisconsulte Guy Pape. L'activité n'est cependant pas nouvelle dans le Dauphiné car un imprimeur était installé à Vienne depuis 1478. À la même époque, en 1494, un nouvel ordre religieux, celui des Minimes s'installe à peu de distance de la ville en fondant le couvent des Minimes de la Plaine.
Sa situation géographique fait de Grenoble un point de passage vers les régions des Guerres d'Italie à partir de la fin du XVe siècle. La ville reçoit à de nombreuses reprises, pour de plus ou moins longs séjours, les rois Charles VIII, Louis XII, François Ier et Henri II. Mais sa région va souffrir du passage des armées françaises, qui commettent de nombreux pillages et à l'origine des épidémies de peste. La noblesse dauphinoise participe magistralement aux événements d'Italie.
Son plus illustre représentant est Pierre Terrail de Bayard, connu sous le titre de chevalier Bayard. Originaire de Pontcharra, neveu de l'évêque Laurent Alleman, il est nommé Lieutenant général du Dauphiné le 20 janvier 1515 par François Ier, et prend très à cœur ses fonctions en faisant son entrée solennelle dans Grenoble le 17 mars à l'âge de 41 ans. Dans une ville ne dépassant pas 4 000 habitants sur 15 hectares[31] et qu'il trouve en piteux état, trois domaines retiennent spécialement l'attention de Bayard : les inondations, la peste, et les brigands.
Concernant l'organisation politique de la société dauphinoise, François Ier nomme simultanément un gouverneur à Grenoble début janvier 1515, en la personne de Louis d'Orléans. À cette époque, en l'absence de gouverneur, c'est le Lieutenant général d'une province qui exerce la plénitude des pouvoirs royaux et ces deux fonctions, en principe, ne se cumulent pas. Mais en Dauphiné, la préparation des Guerres d'Italie pousse le roi à cette double nomination, et sa présence à Grenoble du 3 au 10 août 1515 conforte encore cette idée. Ainsi, le gouverneur Louis d'Orléans ne réside pas à Grenoble et n'y fait qu'un bref séjour lors de son entrée solennelle le 11 mai 1515[32].
Bayard va ainsi faire nettoyer les rues de Grenoble, purger les égouts et surveille personnellement les travaux de défense contre les inondations. Le 18 janvier 1519, il se rend au port de la Roche, près de la porte Perrière sur la rive droite de l'Isère afin d'examiner les réparations suite aux crues de l'Isère et du Drac. Il envoie six ouvriers pour refaire les quais du port. Bayard va également créer une commission chargée de surveiller pendant ses absences fréquentes, la construction de digues pour détourner le Drac au niveau du port de Claix (site où sera construit le Pont Lesdiguières de Claix 90 ans plus tard) jusqu'au port de la Roche[33]. Bayard propose aux mendiants valides d'assurer les travaux sous les ordres des Consuls de la ville. De nouvelles taxes sont imposées pour financer ces endiguements. En 1522, alors que les consuls de la ville lui conseillent de partir à Tullins, il prend des mesures contre la peste et la famine qui sévissent dans la ville. Depuis sa création 30 ans auparavant en dehors des remparts de la ville, les pestiférés sont regroupés dans l'hôpital de l'Isle[34] où trois médecins sont sommés de rester pour soigner les malades. Afin de protéger la ville des brigands, il obtient le 19 mai 1523, la levée d'une troupe de 80 archers à la tête de laquelle il met les bandits en fuite dans les environs de Moirans.
Habile diplomate, Bayard est à l'origine d'un traité dans le conflit entre le nouvel évêque Laurent Alleman II et le consul François Roux concernant les clés de la ville, chacun voulant les conserver. Il est décidé que l'évêque garde les clés, tout en reconnaissant qu'il les tient des consuls. Le 22 juin 1523, il fait part aux Consuls de la ville de son intention de fonder un asile pour les filles repenties que l'on devait transférer de l'hôpital Notre-Dame au sinistre mouroir de Saint Jacques. Malheureusement le projet resta sans suite, Bayard meurt en Italie le 30 avril 1524 lors d'une retraite des troupes françaises. C'est Charles Alleman qui lui succéda comme Lieutenant général. Son corps fut ramené en France et enterré au couvent des Minimes de Saint-Martin-d'Hères (près de Grenoble). Ses restes seront transférés trois siècles plus tard, le 21 août 1822 en la Collégiale Saint-André de Grenoble et une statue sera installée l'année suivante sur la place Saint André.
L'année 1535 voit l'entrée dans la vie publique grenobloise d'un jeune magistrat, Pierre Bucher, qui provoque un grand émoi en refusant de jouer le rôle principal dans les Mystères de la passion du christ. Ce rôle accepté par Pierre Bucher de longue date est prévu pour la Pentecôte et un conseil de ville doit se tenir le 17 février, le menaçant d'indemniser la ville des frais de préparation et d'invitations lancés à toutes les bourgades du Dauphiné. Mais devant la menace, l'acteur récalcitrant monte sur la scène et tient son rôle de Jésus Christ[35].
- Les guerres de religion en Dauphiné (1562-1590)
La Réforme protestante déclencha de violents affrontements durant trois guerres entre catholiques et protestants du Dauphiné. C'est l'annonce du massacre de Wassy perpétré par le duc François de Guise le 1er mars 1562 qui plonge la région dans une période de guerre de religion. Le 25 avril, le Lieutenant général du Dauphiné, Hector Pardaillan, seigneur de La Motte-Gondrin, militaire catholique, borné et violent, se fait tuer dans une embuscade à Valence. En apprenant la nouvelle, François de Beaumont, baron des Adrets, accourt dans la ville et se proclame lui-même Lieutenant général du Dauphiné. Âgé de 49 ans, il a participé aux guerres d'Italie sans obtenir de promotion et s'est rallié aux protestants appelés les Huguenots. Le soir même de son arrivée à Valence, des prêtres sont assassinés et la cathédrale est saccagée. Le baron des Adrets comprend la valeur stratégique de cette place forte à double rempart et prend des mesures pour vendre les biens de l'église et obliger la population à assister aux prêches protestants. Il souhaite faire de la ville une capitale protestante à la manière de Genève[36].
Terrorisé en apprenant ces nouvelles, le nouveau Lieutenant général du Dauphiné, Laurent de Maugiron que le roi vient de nommer en remplacement d'Hector Pardaillan, abandonne piteusement Grenoble. Le baron rouge rassemble quelques troupes et fonce sur la capitale du Dauphiné dont il s'empare sans rencontrer de résistance. Les huguenots pillent ainsi la collégiale Saint-André, brisant les tombeaux des dauphins à coups de masse et courent ensuite à la cathédrale pour la saccager. Le couvent des Dominicains est également pillé et incendié, puis ses occupants chassés de la ville. Des scènes identiques se poursuivent dans d'autres villes du Dauphiné où chacune des étapes du baron rouge est jalonnée de cadavres. Après la destitution du baron des Adrets par le prince de Condé et quatre ans d'accalmie, une seconde période de guerre de religion s'amorce avec un nouveau chef des huguenots, le comte Charles Dupuy de Montbrun.
Face à lui, le nouveau Lieutenant général du Dauphiné, Bertrand de Gordes, homme sage, nommé par Catherine de Médicis lors d'une rencontre en juillet 1564 à Roussillon[37], et qui prend ses fonctions le 12 février 1565[38] dans une ville comptant de 5 500 à 6 000 habitants[39]. En 1568, les Dominicains reviennent pour rebâtir leur couvent, mais le marché aux grains s'y est établi et c'est à partir de ce moment que l'emplacement commence à porter son nom de Granaterie, ou place de la Granaterie.
Suite au massacre de la Saint-Barthélemy en août 1572, le roi Charles IX demande à de Gordes dans un courrier du 8 octobre une sévérité extrême à l'encontre des protestants « Tant plus de morts moings d'ennemys », mais de Gordes refuse d'aggraver les massacres dans sa province. Fort heureusement le roi se ravise peu de temps après en prenant des décisions moins brutales à l'encontre des protestants. Quelques officiers protestants sont destitués, et d'autres, souvent hommes de loi, préférent abjurer devant l'évêque François d'Avançon. Cependant, en Dauphiné les huguenots ne désarment pas et une dizaine d'entre eux sont pendus en 1573, puis leur chef, Du Puy-Montbrun, se fait capturer. Condamné à mort par le parlement du Dauphiné, il a la tête tranchée le 13 août 1575 sur la place de Mal-conseil[40] sans que Bertrand de Gordes n'intervienne pour lui éviter le châtiment suprême. L'année suivante, la paix de Beaulieu signée en mai 1576 ramène un calme très éphémère puisque dès 1577, la nomination d'un nouveau chef des huguenots, un humble capitaine issu de la noblesse terrienne âgé de 34 ans va raviver une dernière période de guerre durant treize années et changer le destin de Grenoble.
Chef des protestants du Champsaur, François de Bonne de Lesdiguières est un fin tacticien qui résume ses principes en peu de mots : « Assaut de lévrier, défense de sanglier, fuite de loup ». Pourtant la chance ne lui sourit pas tout de suite et il connaît des échecs face aux catholiques et leur Lieutenant général, Laurent de Maugiron, rétabli après le décès de Bertrand de Gordes en 1578. Au cours de l'année 1580, Lesdiguières subit même un grave revers militaire à La Mure au sud de Grenoble. L'année suivante, il obtient après de longs pourparlers avec le duc de Mayenne, un édit de paix publié en octobre permettant de créer une chambre de l'Edit, incorporée au parlement du Dauphiné, et destinée à juger les causes intéressant les protestants[41].
De 1585 à 1589, il s'empare de Gap, Embrun, Tallard, Chorges, mais échoue devant Grenoble. Il parvient à affirmer son autorité sur la province suite à l’accession au trône d’Henri IV en 1589. Cette même année, avec l'arrivée à Grenoble le 6 janvier d'un nouveau Lieutenant général, Antoine Ornano, il signe une trève de 18 mois le 28 mars dans une maison du faubourg Saint-Jacques (actuelle rue Saint jacques). Mais Lesdiguières à la tête de 1 200 hommes se prépare dès la trève finie en novembre 1590 à l'approche de Grenoble depuis Moirans, passant par les hauteurs de la colline de la Bastille, au niveau de la tour Rabot et du quartier Saint-Laurent. Dans la nuit, quelques hommes s'introduisent avec six échelles par une maison du quai indiqué par un transfuge nommé Falcoz. Après la prise du poste de garde, ses hommes se battent le lendemain pour la prise du pont sans succès. Lesdiguières fait venir un canon qu'il place sur la colline de Chalemont et fait savoir aux grenoblois « Si vous tirez sur mes troupes, je détruis le clocher de votre collégiale et je mets en ruine tous vos monuments ». N'ayant pas l'intention de le faire, il patiente avec quelques coups de semonce, mais les consuls catholiques de la ville ne se rendent pas[42].
Après plus de trois semaines de siège, il parvient à prendre Grenoble le 24 décembre 1590, les grenoblois lassés par des années de guerre et impressionnés par un défilé de troupes de Lesdiguières capitulent. Les troupes d'Albigny qui commande la garnison quittent la ville avec sa compagnie d'arquebusiers à cheval. Les catholiques redoutent leur vainqueur mais Lesdiguières se montre un homme politique avisé et fait preuve d'une extrême modération. Ses soldats reçoivent l'ordre de ne commettre aucune exaction. Des instructions sont données pour assurer le libre exercice du catholicisme. Les guerres de religion en Dauphiné prennent fin huit ans avant l'édit de Nantes qui jette les bases d'une réconciliation nationale. Nommé en mars 1591 gouverneur de Grenoble, il décida dès lors de fortifier la rive droite de l'Isère en construisant un petit fortin de forme bastionné appelée bastille au sommet de la colline, de démarrer la construction d'une nouvelle enceinte pour la ville, et de l'édification d'un enclos fortifié près de la Tour de l'Isle qui sera appelé Citadelle ou Arsenal. L'utilité immédiate de cette dernière construction est de se prémunir contre toute révolte d'une population grenobloise, qu'il vient d'assiéger.
XVIIe siècle
Lesdiguières devenu Lieutenant général en Dauphiné en 1597, transforme la ville en construisant en 1602 l'Hôtel de Lesdiguières et son jardin, qui deviendra le Jardin de Ville[43], mais également des égouts, ponts et fontaines. Il termine l'agrandissement de l’enceinte de la ville en juillet 1606, supprimant ainsi la moitié[44] de celle construite treize siècles auparavant et augmentant la superficie de la ville fortifiée de 21 hectares, la portant ainsi à un total de 36 hectares.
Ce n'est qu'en 1611, alors que Lesdiguières prend le titre de duc, qu'il entreprend d'achever les fortifications de la rive droite de l'Isère avec l'édification de deux branches de muraille partant de la Bastille, rejoignant la porte Saint-Laurent (achevée en 1615) à l'est, et la porte de France (achevée en 1620) à l'Ouest. Cette dernière porte affleure encore le rocher à son achèvement, mais l'avancée de l'exploitation des carrières de calcaire dans sa direction élargira le site au fil des siècles. Les travaux de muraille en pente escarpée des deux branches s'achèveront en 1619.
Il fait reconstruire en 1593 et 1594 la digue Marcelline, attestée depuis 1378 lors de sa construction par l'entrepreneur Vivian Pelorce, mais détruite aussitôt par des riverains mécontents. Destinée à empêcher le Drac de se déverser dans la plaine de Grenoble[45], la digue devait forcée le cours du Drac a passer entre deux rochers et a se diriger vers le rocher de Comboire.
La lutte contre les deux rivières devient son principal souci, au point qu'il envoie en 1599 le deuxième consul de la ville à la cour d'Henri IV afin qu'il lui remette la « portraicture de la rivière du drag ». L'année suivante, Henri IV se déplace à Grenoble le 13 août 1600 pour voir les travaux et y passe les fêtes[46]. Lesdiguières fait également édifier en 1611 le pont de Claix en pierre franchissant le Drac au niveau de la digue Marcelline. En 1607, la place de Mal Conseil devient place du Bon Conseil[47] et Lesdiguières y fait installer la première fontaine de la rive gauche[48]. En 1620, la place de la Granaterie qui a retrouvé son activité de marché aux grains depuis le milieu des années 1560, change de nom et devient place de la Grenette[49]. C'est en 1622, que Lesdiguières décide de se convertir au catholicisme, après une rencontre avec François de Sales. La cérémonie d'abjuration, présidée par l'archevêque d'Embrun, se déroule dans la collégiale Saint-André le 24 juillet 1622 entourée par plus de dix mille personnes. À l'issue de la cérémonie, les lettres le nommant Connétable de France lui sont remises en son hôtel par un envoyé du roi. Le 3 décembre suivant, Louis XIII fait une visite triomphale à Grenoble afin de rencontrer Lesdiguières et ses habitants. Une statue allégorique représentant la ville de Grenoble dressée devant la récente porte de France, et un gigantesque portrait du roi, l'accueillent à l'entrée de la ville[50]. La mort de Lesdiguières en 1626 va se traduire par un débordement de douleur officielle dans la ville. Il restera le dernier connétable de l'histoire de France.
Deux ans après la mort de Lesdiguières, Louis XIII modifie profondément le statut administratif du Dauphiné. De Pays d'états, la province devient Pays d'élection où des élus du roi vont contrôler la gestion des finances publiques en lieu et place des députés du Tiers état. Après les années mouvementées des guerres de Religion, le renouveau catholique de la Contre-réforme permet la construction de plusieurs édifices religieux[51]. C'est le cas du couvent des capucins en 1611, du couvent Sainte-Marie-d'en-Haut en 1621 (l'actuel musée dauphinois), de son extension rue Très-Cloître, Sainte-Marie-d'en-Bas (l'actuel Théâtre Sainte-Marie-d'en-Bas). Les Jésuites fondent leur collège qui deviendra par la suite le lycée Stendhal, le couvent des Augustins en 1623 et un couvent de femmes, le monastère Sainte-Cécile en 1624. Enfin, les Minimes construisent le Couvent des Minimes de Grenoble à partir de 1644. Quelques années plus tard, en 1675, l'évêque Étienne Le Camus, fait construire un séminaire, lieu de formation des futurs prêtres sur un terrain racheté aux protestants[52].
C'est également sous le règne de Louis XIII qu'apparaît la fonction d'Intendant dont le premier à Grenoble, René de Voyer d'Argenson, prend ses fonctions en 1630. Haut fonctionnaire ayant une mission fiscale dans les premiers temps, la fonction devient « intendant de justice, police et finances » en 1640. Supprimés temporairement au moment de la Fronde, une vingtaine d'Intendants se succéderont à Grenoble pendant un siècle et demi. Le plus célèbre d'entre eux sera Nicolas Fouquet en 1643 et 1644.
Sous l'impulsion du maréchal Charles II de Créquy, gendre et successeur de Lesdiguières au poste de Lieutenant général du Dauphiné, est entreprise en 1627 la construction d'un nouvel hôpital général situé sur un terrain situé près de l'Hôtel de Lesdiguières, mais en dehors des remparts.
Malheureusement une terrible épidémie de peste va interrompre la construction dès l'année suivante. Ces travaux ne reprennent qu'en 1633 pour s'achever en 1638, année où meurt Charles II de Créquy lors d'une bataille. La présence d'un tel établissement est une raison suffisante pour projeter de repousser l'enceinte de la ville côté ouest. C'est ainsi que depuis 1626 existe un plan d'extension assez modeste de 13 hectares englobant l'hôpital à venir, et venant s'ajouter à la cité[53]. Dans les faits, les travaux de creusement des fossés, construction des remparts, bastions et portes, ne démarrent qu'en 1639 sous l'autorité du nouveau Lieutenant général François de Bonne de Créqui, petit-fils de Lesdiguières, mais doivent être interrompus l'année suivante, faute d'argent. C'est trente ans plus tard, en 1670, que reprennent ces travaux d'extension de l'enceinte ouest qui subissent un dernier aléa lorsqu'en 1673, une inondation du Drac emporte un bastion de l'enceinte. Sa reconstruction en 1675 marque l'achèvement de l'extension Créqui, qui, ajoutée au reste de l'enceinte Lesdiguières, gardera la ville pendant encore un siècle et demi.
- L'endiguement du Drac
Depuis la réalisation des remparts de Lesdiguières, les ingénieurs et notamment Jean de Beins remarquent que le Drac provoquent des dégâts de plus en plus importants depuis le début du XVIIe siècle. Insensiblement les débordements du torrent accentuent leurs déplacements vers l'est. En 1616, les eaux attaquent violemment les remparts et détruisent la contrescarpe de certains bastions. Les devis de réparations mentionnent aux entrepreneurs de digues qu'il faut empêcher les eaux de venir sur la ville, mais également que « les prés et terres quy la confrontent ne soient entièrement submergés ». La situation va encore s'aggraver dans les années suivantes. En 1631, le torrent se creuse plusieurs nouveaux lits au milieu des terres cultivées, et en 1633, il s'avance jusqu'au hameau des Granges. Des habitants doivent être évacués et la route de la plaine est coupée, interrompant pour un temps le commerce vers le sud et l'Italie. En 1636, « Les eaux se sont répandues dedans la plaine depuis le pont de Claix durant deux lieues, jusques au-dessoubs de la ville, ayant ruiné et abbatu un grand nombre de maisons, emportant les bleds et remply les terres et prés de gravier ». En décembre 1648, la ville est assiégée par les eaux, faisant s'effondrer un coin de muraille de l'arsenal bâti en 1591, pourtant situé à l'est de la ville. Le torrent s'écoule désormais à l'est de son ancien lit en deux branches principales. Une ordonnance de janvier 1649 précise même que le torrent a repris le même cours qu'en 1477. Désormais une large bande de terrain constituée d'îles, où l'on devine encore d'anciens chemins, remplace les alignements réguliers de haies bordant les champs et prairies[54]. En 1652, des maçons parisiens en compagnie de leurs confrères grenoblois visitent les abords du Drac et ses premiers ouvrages. Huit ans plus tard, les débats sur de nouveaux procédés d'endiguement se poursuivent avec l'ingénieur César Savoye qui accompagne l'Intendant François Bochart de Saron Champigny ainsi que les maçons grenoblois L. et J. Guys.
L'enjeu est de taille pour la ville, et d'importants travaux de canalisation du Drac se réalisent entre 1675 et 1686 afin de protéger la ville fortifiée des crues de cette rivière aux multiples méandres. Colbert, contrôleur général des finances du roi, montre sa volonté de réaliser ces travaux lors d'échanges de correspondances avec ses représentants sur place, l'intendant Henri Lambert d'Herbigny jusqu'en 1682, puis l'intendant Lebret. Les ingénieurs choisis par Colbert sont d'Aspremont et Claude Mollard de Dieulamant, ingénieur des Ponts et Chaussées. À la mort du gouverneur François de Bonne de Créqui le 1er janvier 1677, lui succède son fils François-Emmanuel, quatrième duc de Lesdiguières qui va s'occuper des travaux d'endiguement jusqu'à sa mort le 3 mai 1681. C'est le maréchal de la Feuillade qui lui succède. Une première phase de ces travaux consiste à créer depuis le rocher de Comboire, un canal rectiligne appelé à l'époque canal Jourdan. Les digues sont constituées de coffres en bois remplis de pierre et servent de fondements à d'autres coffres reconstruits au-dessus. Ils nécessitent un entretien permanent car souvent faits en sapin résistant mal à l'eau.
À la même période, les mêmes ingénieurs construisent à partir de 1684 un second ouvrage rectiligne, peu élevé, venant conforter le premier à bonne distance en servant de digue supplémentaire, et prenant le nom de cours Saint André, du nom de cette puissante famille de parlementaires dauphinois. Nicolas Prunier de Saint-André est à l'époque premier président du parlement du Dauphiné, et son frère Gabriel, président à mortier[55]. C'est en effet cette cours de justice qui finance les travaux de plantation des quatre rangées d'arbres[56] des 7 800 mètres linéaires qui deviennent ainsi une « promenade ».
Des plantations d'arbres sont également faites le long du Drac afin de stabiliser le terrain sablonneux et constituent ainsi une réserve de bois à proximité. Les abords du nouveau canal sur une distance de 120 toises sont sévèrement surveillés afin que personne ne vienne couper des broussailles, des arbres ou piller les ouvrages, mais les nombreux larcins obligent à prendre un arrêt interdisant la dégradation des digues et ses abords le 25 mars 1698, et l'Intendant d'Angerviliers embauchera même un garde afin de surveiller les lieux. La seconde partie de ces travaux consistant à faire rejoindre le Drac en angle aigu sur l'Isère reprendront au siècle suivant, à partir de 1771[57].
En 1683, alors que les consuls de la ville louent successivement des maisons depuis des décennies, ils achètent un immeuble au 4 place Grenette pour en faire l'hôtel consulaire des grenoblois.
La révocation de l’Édit de Nantes par Louis XIV en 1685 va avoir des conséquences désastreuses pour la ville. Suite aux persécutions, 3 000 protestants quittent Grenoble, affaiblissant lourdement l’économie de la cité[58]. Cette révocation avait déjà été précédée de mesures coercitives dans le passé. C’est ainsi que le temple protestant avait été détruit en 1671 (l’actuelle rue du Vieux-Temple indique son emplacement). Cependant, les mesures de répression se renforcent. De nombreux protestants sont arrêtés et emprisonnés. Leurs biens, confisqués, sont donnés aux hôpitaux de la ville. L’évêque tente de s’interposer face à cette violence. Malgré cela, le Parlement de Grenoble procédera à des condamnations jusqu’en 1746.
Au mois d'août 1692, la ville perd deux notables, l'écrivain et avocat Nicolas Chorier pour qui la ville accorde 100 livres à ses héritiers pour les funérailles, et Nicolas Prunier de Saint-André, premier président pendant 13 ans, pour qui ordre est donné aux commercants de fermer leur boutique jusqu'à l'enterrement[59].
Le 10 juin 1697, paraît le premier journal dauphinois, La gazette de Grenoble, hebdomadaire créé 70 ans après celui de Théophraste Renaudot, père du journalisme français, mais ne vécut qu'une seule année[60]. La fin du siècle est marquée par un important acte administratif, celui de l'enregistrement le 13 juin 1698 à l’Armorial général de France, suite à un ordre de Louis XIV, du blason de la ville aux trois roses. Sous l'impulsion de l'évêque Étienne Le Camus, deux nouvelles églises sont bénies à la fin du siècle dans une ville qui voit sa population augmentée. En 1697, l'église Saint-Joseph[61] réalisée par l'architecte Claude Mollard de Dieulamant à l'extérieur des remparts, dans le faubourg Saint-Joseph[62]. Le seuil de cette église servira plus tard de point stratégique afin de déterminer l'altitude exacte de Grenoble : 213,48 mètres[63]. Puis l'église Saint-Louis réalisée par le même architecte et bénie en 1699 à l'intérieur de l'extension Créqui des remparts.
XVIIIe siècle
En déstabilisant la ganterie rivale de Grasse, la révocation de l’Édit de Nantes permet à la ganterie grenobloise de devenir la seule maîtresse du marché[64]. Ce XVIIIe siècle symbolise alors une grande prospérité économique pour la ville. Au début du siècle, on compte 12 maîtres gantiers fabriquant chaque année 15 000 douzaines de gants, en 1787, il y en aura 64 produisant 160 000 douzaines de gants annuellement[64]. Le commerce est également actif dans la ville où des foires importantes se tiennent régulièrement.
En 1719, les consuls de Grenoble installés jusqu'alors au 4 place Grenette, emménagent dans l'Hôtel de Lesdiguières, racheté à la famille Villeroy, descendante du duc de Lesdiguières. L'administration consulaire puis municipale y restera pendant deux siècles et demi. Trois ans plus tard, débute le chantier de construction de la première caserne de Bonne qui sera achevée en 1730[65]. Construite sous l'intendance de Gaspard Moïse de Fontanieu, peu de temps après la fortification de Briançon, elle est destinée à faire face à la menace savoyarde dans les Alpes.
En ce début de XVIIIe siècle, Grenoble, si souvent ravagée par les inondations depuis des siècles, n'est toujours à l'abri de telles catastrophes. Dans les années 1730, alors que le Drac n'est endigué que partiellement, c'est l'Isère qui va provoquer de graves dégâts. Cette décennie est frappée par cinq crues qualifiées d'événement exceptionnel[66]. Celle du 14 septembre 1733 frappe particulièrement les esprits en montant à 5,57 mètres au-dessus de l'étiage. L'abbé Bonnet, curé de Vourey et témoin raconte « L'eau qui venait à gros bouillons par la porte de Très-Cloître et de Saint-Laurent, eut bientôt rempli toutes les boutiques presque jusqu'au premier étage ».
Un poète local, François Blanc surnommé Blanc-Lagoutte à cause de sa maladie, immortalise cette catastrophe dans un long poème appelé Grenoblo malhérou (Grenoble malheureux), et qui sera illustré un siècle plus tard par Diodore Rahoult dans une édition préfacée par George Sand.
En 1740, une nouvelle crue majeure de l'Isère frappe la ville, ce qui déclenche dès l'année suivante les premières réflexions et projets afin de détourner l'Isère vers le sud de la ville par l'ingénieur Rolland. Ces projets repris par d'autres ingénieurs sont suivis par les différents Intendants sur place comme Louis-Jean Bertier de Sauvigny, son successeur Pierre-Jean François-de-la-Porte, puis Christophe Pajot-de-Marcheval, et se poursuivront jusque dans les années 1780.
Au milieu du XVIIIe siècle sévit le contrebandier du Dauphiné, Louis Mandrin, dont le frère a été condamné à mort à Grenoble pour faux monnayage, et qui vola les riches en redistribuant ses larcins aux pauvres. Il dirigea jusqu’à 300 hommes pendant vingt-deux mois à travers la région, mais ses exploits avaient si fortement frappé les esprits que le peuple en fit aussitôt un personnage d'épopée. Incarnant la révolte contre un système fiscal particulièrement injuste qu'était l'administration des Fermes générales, il fut capturé près de Pont-de-Beauvoisin dans la nuit du 10 au 11 mai 1755, et roué vif à Valence le 26 mai 1755.
En 1771, appliquant les plans de l'ingénieur Martin Bouchet, les travaux de création du confluent Drac-Isère reprennent avec les entrepreneurs Claude Turfa et le sieur Dupin. L'angle aigu du confluent est achevé onze ans plus tard, mais les travaux d'endiguement vont se poursuivre jusqu'au début du XIXe siècle sur la partie suivante de l'Isère.
Au cours du XVIIIe siècle, Grenoble abrite une dynastie d'ébénistes, la Famille Hache, ainsi qu'un centre renommé de faïencerie situé à La Tronche. Alors que Jacques de Vaucanson, génial inventeur d'automates et précurseur de nouvelles techniques s'éteint le 21 novembre 1782 à Grenoble, Henry Beyle, plus connu sous le nom de Stendhal, naît quelques semaines plus tard rue des Vieux Jésuites (aujourd'hui rue Jean-Jacques Rousseau), où il habitera jusqu'en 1799.
Durant l'année 1787, tandis que les esprits des consuls de la ville sont accaparés par la synthèse d'un projet, remontant à plusieurs décennies, de détournement de l'Isère vers le sud de la ville, ainsi que de l'achèvement des travaux de création d'un angle aigu pour le canal du Drac, un sournois mouvement de révolte, amorcé pourtant depuis 1771 dans tous les Parlements de France, monte en puissance à Grenoble et va faire de la ville, l'origine d'une véritable révolution dans le royaume de France.
- La journée des tuiles (7 juin 1788)
En 1787, Calonne, contrôleur général des finances, fit adopter par le roi, une réforme portant sur la création d'assemblées provinciales et municipales qui établissaient enfin l'égalité de tous les citoyens devant les impôts. Le Parlement du Dauphiné refusa cette assemblée provinciale dont il redoutait qu'elle lui enlevât une partie de ses attributions et refusa d'enregistrer l'édit royal en juillet 1787. Le 21 août, le Parlement du Dauphiné réclama l'arrestation de Calonne, qui tombé en disgrâce ne tarde pas à s'exiler en Angleterre. Les Parlements sont inquiets car les édits royaux portent atteinte au nombre de charges dans chaque Parlement et des offices sont menacés de disparition. Or, à Grenoble, magistrats, avocats, greffiers, huissiers formaient avec leurs familles une communauté de près de 4 000 personnes, le cinquième de la population.
Ainsi, le 9 mai 1788 le Parlement du Dauphiné déclara traîtres à la patrie les magistrats qui accepteraient de siéger dans les nouveaux tribunaux. Le lendemain sur l'ordre du nouveau contrôleur général des finances Loménie de Brienne, le Lieutenant général du Dauphiné, Jules de Clermont-Tonnerre, procéda à l'enregistrement forcé des édits royaux et les portes furent verrouillées. À leur retour de congés de Pentecôte, les magistrats trouvèrent les portes du palais du Parlement closes. Son premier président, Albert de Bérulle, organisa alors une assemblée le 20 mai en son hôtel particulier, dénonçant les auteurs des édits comme perturbateurs du repos public, fauteurs de despotisme, coupables de la subversion des lois et de du renversement de la constitution de l'État. Devant cette résistance, le duc de Clermont-Tonnerre, sur ordre du roi, fit remettre le 7 juin une lettre de cachet à chaque membre du Parlement, leur ordonnant de faire leurs bagages et de se retirer sur leurs terres respectives. La population avertie de ces faits par les auxiliaires de justice, fait sonner le tocsin.
Important signal d'alerte à l'époque, la cloche provoque l'arrivée d'une foule grossie par les paysans des environs qui ferment les portes de la ville, et se dirigent à l'hôtel d'Albert de Bérulle afin de remonter à son domicile les malles et bagages déjà installés dans sa voiture. Le premier président du Parlement tente en vain d'apaiser cette meute hurlante, mais déjà les plus excités partent chez les autres magistrats. D'autres grenoblois pendant ce temps se précipitent vers l'hôtel du Lieutenant général. Le duc de Clermont-Tonnerre dispose d'un régiment d'élite, Le Royal-Marine, mis en alerte dès l'aube, mais ayant l'interdiction de faire usage de leurs armes. Pourtant malgré l'ordre, voyant les émeutiers donner l'assaut à l'hôtel, les officiers tentent de s'y opposer. Mais la foule montée sur les toits des maisons se met à lancer une véritable pluie de tuiles. Certains soldats ouvrent le feu sur l'ordre d'un adjudant, d'autres se réfugient dans une maison et tirent par les fenêtres, mais la foule s'y précipite aussitôt et ravage tout à l'intérieur. À cinq heures du soir, le duc de Clermont-Tonnerre, sur qui aucune violence n'a été exercée, comprend que s'il ne retire pas ses troupes, il expose la ville à un désastre, et ordonne au Royal-Marine de regagner ses quartiers. Les révoltés exigent aussitôt la remise des clés du palais du parlement. À six heures, une foule évaluée à 10 000 personnes force les magistrats à regagner le palais du Parlement en criant Vive le parlement. Arrivée sur la place Saint-André, la foule veut envahir le greffe pour brûler le registre sur lequel les édits ont été enregistrés de force. Mais Albert de Bérulle s'y oppose et après avoir remercié les grenoblois de leur sympathie à l'égard du Parlement, les invite à rentrer chez eux[67].
Cette journée qui s'achève prendra le nom de journée des tuiles et quand la nuit tombe, la population allume un feu de joie sur la place Saint-André, parlant de cinq tués et dix-neuf blessés chez les soldats et de trois morts et cinq blessés dans la population, mais les chiffres annoncés sont en réalités deux fois supérieur au nombre exact des victimes. Le samedi 14 juin, les édiles se réunissent à l'hôtel consulaire, à la barbe du duc de Clermont-Tonnerre qui avait défendu cette réunion. Cent deux personnes des trois ordres sont réunies quand Pierre Dupré de Mayen, premier consul de la ville, déclare ouverte la séance. L'assemblée vote un texte destinée à Louis XVI afin qu'il leur accorde « la conservation des privilèges de la province, le rétablissement de l'ordre ancien et de pourvoir aux besoins des habitants que les circonstances ont réduits à l'indigence ». Le 2 juillet, une nouvelle réunion avec deux cent quatre personnes décide d'une nouvelle assemblée le 21 juillet au couvent des Minimes de la Plaine, hors des remparts de Grenoble. Sur ces faits, le duc de Clermont-Tonnerre est remplacé par le maréchal de Vaux qui comprend vite qu'il ne peut interdire la réunion, mais refuse qu'elle se tienne à Grenoble. L'industriel Claude Perier propose alors le château de Vizille. Le 21 juillet, une assemblée de 540 personnes réitère sa demande au roi Louis XVI depuis Vizille au cours de la réunion des États généraux du Dauphiné. Douze jours plus tard, le 2 août, le roi cède et convoque les états provinciaux du Dauphiné à Romans pour le 10 septembre, puis six jours plus tard les états généraux du royaume à Versailles pour le 1er mai 1789. Le 6 octobre 1788, l'évêque de Grenoble, Hippolyte Haye de Bonteville, se suicide d'un coup de fusil, ayant joué un double jeu en renseignant Loménie de Brienne sur les intentions des patriotes grenoblois[68]. Son suicide est attribué à l'époque, au dégoût de la vie qu'avaient développé les excès de libertinage auxquels il se livrait. Le 12 octobre, le retour du premier président du Parlement du Dauphiné, Albert de Bérulle, tourne au triomphe depuis Vourey. Arrivé à la porte de France, il est porté à bras d'homme jusqu'à son domicile.
Le nouvel évêque, dernier de l'Ancien Régime, est Henri-Charles du Lau d'Allemans à partir du 30 mars 1789. Mais la Révolution supprime à la fin de l'année 1789, les vieilles provinces et divise le Dauphiné en trois départements. Le 18 février 1790, elle supprime les ordres religieux et ferme les couvents. Grenoble n'a pas été le seul foyer d'agitation mais ses élus ont été le plus loin dans les revendications politiques et ont donné au mouvement un retentissement national. D'ailleurs, Grenoble est représentée à Paris par les illustres Jean-Joseph Mounier et Antoine Barnave. Lorsque la délégation du Dauphiné entre dans la salle de l'Hôtel des Menus Plaisirs à Versailles le 5 mai 1789, tous les délégués se lèvent et applaudissent longuement cette poignée d'hommes qui arrivent de Grenoble, de Romans, de Valence ou de Gap. En hommage à son rôle, le fort surplombant la ville fut baptisé La Bastille.
Le dernier Intendant à Grenoble est Gaspard-Louis Caze, baron de la Bove, arrivé de Bretagne en 1884, il ne participe que très peu aux troubles pré-révolutionnaires, le ministère pense qu'il cherche plus à être populaire qu'à servir le roi. Mais blessé par l'hostilité de la population il ne songe qu'à s'effacer, et finit par repartir à Paris[69].
Grâce à l'action de Joseph Chanrion[70], envoyé à Paris par les habitants afin de s'opposer à l'envoi d'une commission révolutionnaire dans la ville, par le Comité de salut public, la Terreur ne sévit pas particulièrement à Grenoble car il n’y a que deux exécutions, celles des abbés Revenaz et Guillabert sur la place Grenette.
Le clergé ayant été chassé des églises et des évêques constitutionnels mis en place. La Cathédrale Notre-Dame devient le temple de l’Être Suprême, l’église Saint-André devient le siège des Sociétés Populaires, affiliées au Club des Jacobins. De la création des communes en 1790 jusqu'à la fin du siècle, la nouvelle fonction de maire à Grenoble remplace celle de consul, et va connaître une succession de personnages dont il ressort trois noms. Le premier maire est Laurent de Franquières, assurant brièvement la fonction du 3 au 10 février 1790. Se sachant gravement malade, il démissionne et meurt le 30 mars à l'âge de 46 ans. Antoine Barnave assure la fonction pour une courte période de trois mois en 1790 et Joseph Marie de Barral, ancien Premier président du parlement du dauphiné, va être maire à trois reprises.
Alors que de nombreuses villes sont rebaptisées à cette époque, Grenoble ne l'est pas. C'est Louis XVIII, irrité par l'esprit frondeur de la cité, qui en 1816 la surnommera Grelibre[71]. Par contre, de nombreuses rues dont la dénomination fait référence à la religion, changent de nom durant la période révolutionnaire. Ainsi en 1794, la place Saint-André devient place de la Constitution, la rue Très-Cloître devient rue des Bonnets rouges, ou encore la rue Saint-Laurent se transforme en rue de la Montagne[72].
Parallèlement aux faits politiques, plusieurs événements fondateurs d'ordre culturel se déroulent vers la fin du XVIIIe siècle à Grenoble. Le premier est l'ouverture du théâtre municipal de Grenoble le 27 novembre 1768, puis la création de la première bibliothèque publique en 1772, grâce au rachat par souscription publique des 33 644 ouvrages de la bibliothèque laissée à sa mort par Jean de Caulet[73], évêque de Grenoble depuis 1726. Deux ans plus tard, le 10 juin 1774, une femme d'affaires, la veuve Giroud, imprimeur et libraire, fonde un hebdomadaire Les affiches, annonces et avis divers du Dauphiné, offrant une large place à la chronique locale mais sans véritable rôle politique. Enfin, Louis-Joseph Jay, un professeur de dessin, qui grâce à sa passion de l'art et à son enthousiasme créé le musée de Grenoble le 16 février 1798, trois ans avant l'arrêté du 1er septembre 1801 qui instituera la création des dépôts d'objets d'art dans quinze villes de France.
En juillet 1799, le pape Pie VI, prisonnier d’État, passa par Grenoble où il resta trois jours. Il mourut peu après à Valence.
XIXe siècle
Le début du XIXe siècle est marqué par la prise de fonction du premier préfet de l'Isère, Gabriel Ricard, ainsi que par la mise en service le 17 février 1800 du premier cimetière municipal suite à une loi Révolutionnaire. Décidé probablement sans réflexion approfondie, il est situé sur les bords du Drac et rencontre de vives critiques de la part de la population. Implanté dans un endroit rempli de cailloux peu propice à l'inhumation des corps, et situé trop loin des remparts de la ville fortifiée, la municipalité de Charles Renauldon décide de sa fermeture et se tourne vers la zone encore non urbanisée de l'Île-Verte pour inaugurer le 19 août 1810 le cimetière Saint-Roch. Ce cimetière sera agrandi à sept reprises au cours des 116 années suivantes.
Le 27 mars 1801, un jeune garçon de 10 ans arrive à Grenoble pour y faire ses études. C'est à l'École centrale transformée en lycée impérial en 1803 que Jean-François Champollion poursuivra sa scolarité jusqu'en 1807 et effectuera deux séjours dans la ville. Le premier de 1809 à 1816 en tant que professeur adjoint d'histoire à l'université de Grenoble et un second de 1817 à 1821 comme bibliothécaire, au cours duquel il communique le 24 juillet 1818 son mémoire sur Quelques hiéroglyphes de la Pierre de Rosette. Champollion rencontre à Grenoble un autre savant le mathématicien Joseph Fourier, nommé préfet de l'Isère en février 1802 par Napoléon Ier. Fourier restera préfet pendant 13 ans, créant l'université scientifique de la ville en 1810, et permettant la construction de la route entre Grenoble et Briançon par le franchissement du col du Lautaret[74].
- La première société de prévoyance
La première société de secours mutuels de France fut créée le 1er mai 1803 entre les ouvriers gantiers grenoblois. Elle fut suivie par d'autres organisations semblables comme celle des cordonniers le 25 juin 1804, des peigneurs de chanvre en juillet 1804, des mégissiers, chamoisiers, tanneurs et corroyeurs le 24 juin 1807, des tisserands, drapiers et tapissiers en juillet 1808. Il faudra encore attendre un siècle pour voir apparaître celle des maçons, tailleurs de pierre et charpentiers le 1er juillet 1906.
C'est également à Grenoble que virent le jour les trois premières sociétés mutualistes féminines en 1822[75]. Toutes ces associations mutualistes se regroupent dans une maison de la mutualité située 3 rue Hébert et ont les mêmes objectifs. Elles visent, en échange d'un droit d'affiliation et d'une cotisation mensuelle, à protéger l'ouvrier et sa famille, en cas de maladie, par le versement d'une allocation. Certaines versent également des indemnités de chômage, voire des pensions aux vieillards. Ce système de prévoyance ne concerne cependant qu'une partie de la classe ouvrière, les plus pauvres en étant exclus.
Dans le cadre du concordat de 1801 organisant les rapports entre les différentes religions et l’État après la période révolutionnaire, l'évêque Claude Simon qui reprend possession de son évêché, inaugure le 3 novembre 1806, un grand séminaire dans le Couvent des Minimes de Grenoble, puis en 1815 un petit séminaire dans la plaine déserte du Drac, au lieu-dit le Rondeau[76]. La qualité d'enseignement de cet établissement va en faire par la suite le collège de la bourgeoisie grenobloise.
L’approbation du Sénatus-consulte pour le passage du Consulat à l’Empire est massive dans la région. Seulement 12 non sont relevés dans l’arrondissement de Grenoble[77]. Charles Renauldon, maire de la ville, assiste au couronnement de l’Empereur en tant que maire de l’une des "trente-six bonnes villes de France". Il assiste encore en 1810 au mariage de Napoléon avec Marie-Louise d’Autriche.
En 1808, un décret impérial restaure l'université de Grenoble, pratiquement disparue depuis le rattachement du Dauphiné au royaume de France en 1349. La faculté des lettres s'installe à l'hôtel de Marcieu, tandis que la faculté de droit est hébergée par le palais de justice[78]. C'est trois ans plus tard, en 1811, que la faculté des sciences ouvre ses portes. À la même époque, en 1809, Grenoble reçut une nouvelle fois la visite d’un Pape, juste dix ans après celle de Pie VI en juillet 1799. Pie VII, prisonnier de Napoléon, séjourna du 21 juillet au 2 août dans l'Hôtel de Lesdiguières dans les appartements du préfet Joseph Fourier alors absent de Grenoble à cette période. Finalement, l'Empereur exile Pie VII à Savone où il restera en résidence surveillée jusqu'en 1812.
En 1813, la ville se trouva sous la menace des Autrichiens qui avaient auparavant envahi la Suisse et la Savoie. Après une résistance à Fort Barraux, les troupes impériales se replièrent sur Grenoble. La ville, bien défendue sous l’impulsion du général Jean Gabriel Marchand, parvint à repousser les Autrichiens. Cependant, l’invasion du pays par le Nord entraîne une nouvelle invasion et un combat désespéré à Voreppe le 11 avril. Une capitulation de Grenoble devant les forces autrichiennes est signée et 3 000 Autrichiens[79] occupent la ville du 19 avril au 28 mai 1814 pour la première invasion de l'histoire de la ville[80].
L'année suivante, Napoléon, las de son exil à l'île d'Elbe décide de rentrer à Paris. De Golfe-Juan, il passe par la route des Alpes, il arrive à Gap le 5 mars, à Laffrey où de nouvelles troupes le rejoignent. Le 7 mars 1815, Grenoble accueillit triomphalement Napoléon de son retour d'exil à la porte de Bonne des remparts vers 19 heures 30. Fermée à clé par le général Marchand, commencent alors de longues palabres avec le colonel Rousille responsable des soldats chargés de tenir la porte, mais c'est finalement les habitants qui brisent les vantaux à 23 heures. Après une nuit passée à l'hôtel des trois Dauphins, il reçoit les magistrats de la ville, les membres de l'Académie Delphinale, les avocats, le clergé, et enfin les officiers.
Après un inventaire de ses forces, il trouve dans les arsenaux et casernes de la ville, 200 canons, 60 000 fusils, et une importante quantité de munitions et d'explosifs, de quoi équiper une armée. Il prend une série de décrets locaux comme la suspension du préfet, maintien à leur poste des fonctionnaires, rétablissement de la justice rendue en son nom, création de la garde nationale. Il quitte la ville dans l'après-midi du 9 mars en proclamant « Dauphinois, j'ai senti le besoin de vous exprimer toute l'estime que m'ont inspirée vos sentiments élevés. Mon coeur est tout plein des émotions que vous y avez fait naître. J'en conserverai toujours le souvenir. ». Le 20 mars, il est à Paris. Napoléon dira plus tard : « De Cannes à Grenoble j’étais encore un aventurier ; dans cette dernière ville, je redevins un souverain ». Le tracé de sa remontée vers la capitale au départ de Golfe-Juan est aujourd'hui appelé Route Napoléon. Elle passe et se termine à Grenoble sur l'actuelle avenue Jean Perrot. L’occupation d’une place militaire importante comme Grenoble avec cinq régiments rendit tout son prestige à l’Empereur.
Cependant, la défaite de Waterloo en juin provoque une nouvelle invasion dans la région. Une armée austro-sarde arrive sans résistance jusqu’à Grenoble en juillet 1815, où la population se défend par elle-même jusqu'au 6 juillet, lançant les derniers coups de canons contre l'ennemi presque trois semaines après Waterloo. Mais suite à l’abdication de l’Empereur, le commandant César Debelle[81], à la tête de la garde nationale, obtient après les échanges de tirs, une capitulation honorable et l'armée austro-sarde occupe la ville pendant cinq mois. Après la déroute Napoléonienne en Europe, le traité de Fontainebleau en 1814 puis celui de Paris l'année suivante, remettent Grenoble sur la frontière face au royaume de Piémont-Sardaigne. Au début de la Seconde Restauration, Jean-Paul Didier, ancien doyen de l'école de droit, organise un complot bonapartiste. À la tête d'un groupe de 400 paysans et anciens soldats, il tente en vain de s'emparer de Grenoble le 4 mai 1816. Arrêté, il est condamné à mort et exécuté sur la place Grenette, une vingtaine de ses complices sont exécutés sur l'Esplanade de la porte de France.
À la demande de Louis XVIII qui souhaite renforcer sa présence militaire aux frontières, le site de la colline de la Bastille est transformé entre 1824 et 1847 par le général Haxo et prend son aspect de fortification en cascades que l'on connaît de nos jours, effaçant ainsi toute trace des fortifications de Lesdiguières édifiées deux siècles auparavant[82]. À son sommet sont édifiés le fort de la Bastille de 1825 à 1830 puis la caserne de 1827 à 1838. Simultanément, l'enceinte de la ville datant pour la plus grande partie de l'époque de Lesdiguières et d'une moindre partie de l'agrandissement Créqui achevé en 1675, est reprise et agrandie vers le sud de 1832 à 1836, créant ainsi de nouvelles portes d'accès comme la porte des Alpes ou celle des Adieux. De même, à partir de 1840, la citadelle du Rabot est mise en chantier à mi-hauteur de la colline afin d'abriter troupes et munitions loin d'un front probable situé vers la porte Saint-Laurent.
Afin de franchir le Drac, un pont en chaînes de fer d'une portée record de 133 mètres est mis en service le 7 février 1828 sous la direction d'un ingénieur des ponts et chaussées, Louis Crozet[83]. Grand ami de Stendhal, il deviendra plus tard maire de la ville. En 1831, un projet est conçu sous l'administration de Vincent Rivier afin de transformer le chemin tortueux reliant le cours Saint-André au pont en chaînes de fer sur le Drac, en une voie rectiligne. Les travaux ne commencent qu'en 1840 grâce à une souscription publique et formeront un cours bordé de peupliers. En 1854, le conseil municipal présidé par le maire Louis Crozet attribue à cette voie le nom du maire Honoré-Hugues Berriat qui vient de décéder[84]. Quelques années plus tard, le conseil municipal d'Ernest Calvat décidera dans sa séance du 12 décembre 1873 de l'arrachage des peupliers bordant les deux côtés du cours, car devenus « incommodes pour la circulation ». Ces travaux de coupe s'achèveront sous la municipalité d'un nouveau maire, Félix Giraud, car deux mois plus tard, le conseil municipal de Grenoble sera dissous par un décret présidentiel du 17 février 1874[85].
Le milieu du siècle est marqué par la fin de la fermeture des portes d'enceinte de la ville le soir à dix heures, mais la cloche de l'église Saint-André signalant aux habitants cette fermeture sonnera encore jusqu'en 1877[86]. La période est difficile sur un plan économique, voire insurrectionnelle, mais Grenoble ne connaît que peu de contre-coup des évènements parisiens de juin 1848 liés à la suppression des ateliers nationaux. Quelques mois avant la promulgation de la Deuxième République en février 1848, Grenoble obtient ses ateliers municipaux, financés en partie par l'État. Ces ateliers, destinés à des travaux de grande utilité pour les ouvriers sans travail, serviront pendant une dizaine d'années à divers chantiers comme la construction du grand égout traversant la ville, le nivellement du Polygone, le terrassement à la porte de France, la plantation d'arbres à l'Esplanade, le déblaiement de la crypte Saint-Laurent, l'établissement de la place d'Armes (future place de la Constitution), l'élévation des digues du Drac[87]. Quatre maires vont cependant défilés durant l'année 1848 dont l'un d'entre eux, Ferdinand Reymond, va être nommé préfet de l'Isère. Son successeur, Adolphe Anthoard, est invité par un décret du 6 novembre a annoncer la promulgation de la Constitution de 1848 aux grenoblois. Aussi, le 19 novembre, après un défilé des autorités militaires et civiles dans les rues, c'est au cours d'une cérémonie solennelle sur la place d'Armes que le maire lit la constitution. Cette formalité accomplie, des vivats retentissent et le cortège de la foule se rend à la cathédrale Notre-Dame. Là, un Te deum est chanté et l'évêque Philibert de Bruillard donne la bénédiction accompagné par une nouvelle salve d'artillerie et le son des cloches de toutes les paroisses. La cérémonie s'achève à la tombée du jour par vingt et un coups de canon et l'illumination des édifices publics et de nombreuses maisons.
Cette période marque également l’établissement de la grande industrie dans la ville. L'industrie gantière, activité dominante dans la région grenobloise depuis le siècle précédent, entre dans son âge d’or grâce à une invention en 1838 de Xavier Jouvin qui permet pour la première fois d'avoir un procédé mécanique pour la découpe des gants. La production s’exporte alors dans le monde entier donnant à quelques rues du quartier de l'aigle les noms de villes où s'exportent les gants, comme New-York, Londres ou Boston. En 1851, la ville compte 60 fabriques de gants, occupant 160 contremaîtres, 800 ouvriers coupeurs et plus de 10 000 ouvrières[88]. Cette année-là, 400 000 douzaines de paires de gants sont fabriquées dont 190 000 sont exportées aux États-Unis. En 1860, on dénombre 112 fabriques utilisant 2 000 ouvriers et 30 000 ouvrières. Trois événements importants se déroulent durant la courte période de la seconde République. Le premier est l'ouverture le 5 janvier 1851 du premier restaurant sociétaire destiné aux plus démunis sur la place de la Saulaie (actuelle place Lavalette), puis quelques mois plus tard de l'inauguration de nouveaux locaux pour le troisième musée de la ville, le muséum d'histoire naturelle dans la rue Dolomieu. Enfin, après avoir échoué dans l'obtention d'un télégraphe aérien dans les décennies précédentes, le télégraphe électrique est mis en service dans la ville le 20 mars 1853. Quelques semaines plus tard, il va apporter au maire Joseph Arnaud une importante dépêche le 27 mai 1853 à six heures du soir.
- L'arrivée du chemin de fer
Le Second Empire va être marqué par la mise en service de la gare ferroviaire le 1er juillet 1858 à Grenoble à la fin des cinq années de la municipalité de Louis Crozet qui meurt le 11 novembre 1858. Prévue depuis la loi du 16 juillet 1845 instaurant les grands itinéraires des voies ferrées en France, un projet de loi en mai 1847 avait pourtant remis en question l'embranchement ferroviaire de la vallée du Rhône en direction de Grenoble. Le maire en place Frédéric Taulier, prépara une délibération du conseil le 7 juin 1847, visant a être transmise aux membres des deux chambres, aux ministres et au roi Louis-Philippe Ier. Mais l'intérêt stratégique d'une ville frontière fortifiée l'emporta. C'est par une affiche du 27 mai 1853 que les grenoblois apprennent l’arrivée du chemin de fer dans leur ville. L'adjudication des travaux de la ligne se déroule le 23 mars 1854[89].
L'installation d'une telle infrastructure représente une étape importante dans le développement économique d'une ville enserrée dans des enceintes militaires. Elle va permettre de faire lentement émerger l'idée qu'il est désormais possible de faire évoluer la ville vers l'ouest, vers le Drac, une rivière totalement canalisée depuis la fin du XVIIIe siècle. L'idée n'est pas nouvelle car un chemin planté de peupliers vers le Drac existe depuis 1840, mais la résistance des militaires et de leur zone de servitude autour des remparts freine toute initiative. Pendant plusieurs années tous les grenoblois sont favorables au principe, à l'exception des propriétaires d'entreprises de roulage, inquiets de la concurrence. Mais, il est difficile de se mettre d'accord sur le tracé de la ligne. Finalement, une solution intermédiaire est choisie et le raccordement se fait à Saint-Rambert, au nord de Valence.
Autre sujet de désaccord, l'emplacement de la gare. La bourgeoisie locale, dont le maire Louis Crozet, souhaite une gare en plein centre ou à défaut près d'une porte de l'enceinte Haxo, porte Créqui ou porte de Bonne. Mais l'armée soucieuse de conserver des terrains inoccupés près de ses fortifications ne veut pas d'une gare trop près des portes. La compagnie du chemin de fer est du même avis, préférant acheter des terrains éloignés à bas prix. Le conflit dure des années, à tel point que la ligne s'arrête pendant un an dans une gare provisoire à Saint-Martin-le-Vinoux, au lieu dit Piquepierre, obligeant les voyageurs le souhaitant à prendre un omnibus pour parcourir les 1 500 mètres jusqu'à Grenoble. Finalement, le préfet rallié à l'armée et à la compagnie de chemin de fer décide de construire la gare à mi chemin des remparts de la ville et du Drac[90], dans les propriétés de monsieur Réal et de madame veuve Durand[91]. L'enquête publique pour ce cours tracé démarre le 21 juillet 1857[92].
L'endroit désert est situé sur le territoire de Seyssins et il faut même, pour desservir cette gare, construire une nouvelle voie routière rectiligne de 300 mètres qui prend le nom d'avenue de la gare (future avenue Félix Viallet) jusqu'au cours Saint-André. De là, les voyageurs remontent ce cours jusqu'au quai de l'Isère et rentrent dans la ville par la porte Créqui. Simultanément, un canal est creusé à partir du Drac afin d'alimenter en force motrice les ateliers de réparations des chemins de fer. Ce canal qui va servir à d'autres entreprises, prendra plus tard le nom de l'ingénieur en chef de la compagnie de chemin de fer, Toni Fontenay[93]. C'est Napoléon III, lors d'un passage à Grenoble le 6 septembre 1860 dans le cadre du rattachement de la Savoie à la France, qui inaugure l'équipement. Par la suite, le cheminement d'accès en zig-zag est supprimé en 1867 grâce à la prolongation de l'avenue de la gare vers la nouvelle porte Randon. Mais cette porte n'aura pas une longue existence car la pression des industriels pour obtenir de nouveaux terrains est forte et un industriel gantier, Édouard Rey, membre du conseil municipal depuis les années 1870 va bouleverser la ville en devenant maire de Grenoble en mars 1881.
- Urbanisme et vie militaire
Sur un plan urbanistique, l'agrandissement des fortifications de la ville faite 45 ans auparavant par le général Haxo donne l'occasion à Grenoble de créer une nouvelle zone urbaine où va s'établir progressivement autour de la nouvelle place d'Armes, baptisée place de la Constitution en 1848, de nouveaux bâtiments administratifs comme la préfecture de l'Isère en 1866, des bâtiments militaires ainsi qu'un bâtiment universitaire dans les années 1870. Mais l'urbanisation est lente depuis l'achèvement de l'enceinte en 1836 car tous les plans d'urbanismes doivent être approuvés par les militaires du Génie, et l'examen est parfois long. La rue Lesdiguières est également créée durant cette période.
À l'extérieur des remparts, l'urbanisation est d'autant plus faible en direction du Drac que depuis l'endiguement rectiligne du Drac, les territoires de la rive droite appartiennent encore aux communes de Seyssins, Fontaine et Saint-Martin-le-Vinoux. Depuis les années 1830 et la municipalité d'Honoré-Hugues Berriat, les différents maires de la ville rencontrent de nombreuses difficultés administratives pour annexer ces territoires. Au total, 1 433 habitants résident sur les trois communes concernées, représentant 392 hectares de terrains à annexer[94]. Ces personnes en étant intégrer à Grenoble risquent de lui faire franchir la barre des 30 000 habitants, provoquant alors une hausse légale des différentes patentes des commerçants (jusqu'à 100% d'augmentation).
Pourtant, le maire Eugène Gaillard, en poste depuis le 31 décembre 1858[95], parvient à faire adopter l'annexion des territoires de la rive droite du Drac lors du conseil municipal du 30 mai 1860, englobant ainsi la récente gare ferroviaire. Mais, par une pure coïncidence, c'est une autre annexion qui marque l'actualité grenobloise en ce début juin 1860, celle de la Savoie à la France, qui rend désormais inutile l'ouvrage titanesque de défense de la Bastille ainsi que les remparts de la ville. Le dimanche 22 juillet, une cavalcade est organisée à cette occasion, suivie d'une fête vénitienne dans le jardin de ville tout illuminé[96]. L'ascension d'un ballon a lieu ainsi qu'un feu d'artifice mettant fin à des siècles de rivalité entre les deux régions. De son côté, Eugène Gaillard est chargé de soumettre le projet d'annexion des trois communes au préfet de l'Isère, et une loi est votée dans ce sens le 6 juillet 1862, mettant un terme à plusieurs siècles de différents entre communautés au sujet des territoires bordant le Drac[97]. L'année 1860 marque également la construction de la nouvelle prison Saint-Joseph[98] remplaçant les vieux cachots humides des bords de l'Isère, jouxtant le palais de justice.
Sans ennemi proche depuis 1860, la guerre franco-prussienne de 1870 incite cependant les militaires grenoblois à construire une ceinture fortifiée de Grenoble constituée de six forts positionnés autour de l'Y grenoblois ainsi que l'édification des deux dernières enceintes de l'histoire de la ville. En 1879, c'est sous la direction du colonel Cosseron de Villenoisy que la dernière enceinte de la ville est construite jusqu'au Drac pour sa partie sud[99], et l'année suivante de l'esplanade au Drac en franchissant l'Isère pour l'enceinte nord. Ces travaux sont réalisés durant le premier mandat du maire Auguste Gaché, un homme qui perd les élections municipales de 1881, mais que les grenoblois plébisciteront quelques années plus tard. Ainsi, c'est le maire Édouard Rey dans les années 1880 qui va pouvoir développer la ville vers l'ouest en supprimant la partie ouest de l'enceinte Haxo encore existante, créant ainsi de nouvelles avenues entourées d'immeubles haussmanniens comme le boulevard de Bonne (actuel boulevard Édouard Rey) ou encore la place Victor Hugo en 1885. C'est également à cette époque que la ville acquiert la quasi-totalité[100] des 18,13 km² de sa superficie actuelle, grâce au rattachement par décret présidentiel le 17 avril 1884 des 23,45 hectares du quartier de l'esplanade de Saint-Martin-le-Vinoux à Grenoble[97].
Déjà avant le rattachement de la Savoie à la France, Grenoble est considérée comme une ville frontière avec une importante garnison. Après la guerre de 1870, la ville est désignée parmi les places fortes de première classe étant donné sa proximité avec la frontière italienne (100 kilomètres), et reçoit ainsi de nouveaux régiments. Sur place, le plus célèbre régiment de la ville est le 140e régiment d'infanterie alpine occupant les casernes Bizanet et Vinoy dans le quartier de l'Île Verte. La ville abrite également le 2e régiment d'artillerie de campagne (futur 93e RAM) dans la première caserne de Bonne, le 11e régiment d'artillerie de forteresse caserné au fort Rabot de la Bastille qui sera remplacé par le 154e régiment d'artillerie.
Ainsi, le 25 octobre 1873, une déclaration ministérielle créée le 4e régiment du génie qui s'installe dans la caserne Dode et celle de l'Alma. Ce dernier régiment s'installera à partir de 1884 dans la nouvelle caserne de Bonne transférée du centre ville vers les remparts sud. Puis le 24 décembre 1888, une loi créée douze bataillons de chasseurs alpins en France, dont trois vont s'installer à Grenoble, les 28e, 30e et 14e bataillons de chasseurs alpins installés dans les casernes Reyniés et Bayard. Afin de compléter le dispositif militaire de la ville, il existe un hôpital militaire, un cercle des officiers, une école d'artillerie et l'Hôtel de division installé place de la Constitution.
Le 20 juillet 1888, le président Sadi Carnot vient commémorer le centenaire de la journée des tuiles et de la réunion des États généraux du Dauphiné. Cette commémoration se fera en deux temps, puisque la fontaine des trois ordres, monument qui devait rappeler ce souvenir, ne sera achevée que onze ans plus tard et inaugurée par un autre président.
- Vie culturelle
Sur un plan culturel, la fin du XIXe siècle marque pour Grenoble la construction d'un grand monument autour de la nouvelle place administrative baptisée place de la Constitution (actuelle place de Verdun), le musée-bibliothèque de Grenoble ouvre en 1872, année où le préfet Eugène Poubelle est en poste à Grenoble. De même, la transformation du site de l'église Saint-Laurent en musée archéologique de Grenoble dès 1846, puis la construction du muséum d'histoire naturelle en 1851, et surtout quelques décennies plus tard, l'important développement des collections du Musée de Grenoble grâce à de généreux donateurs comme Auguste Genin, Léon de Beylié, Léonce Mesnard, confirme l'intérêt artistique grandissant de la ville. Le maire Jean Vendre fait installer le 17 août 1868 une statue équestre de Napoléon sur la place de la Constitution autour de trois jours de festivité et d'une foule considérable[101]. Cette fête est marquée par la présence du compositeur Hector Berlioz qui fait sa dernière visite à Grenoble puisqu'il décédera six mois plus tard[102]. De même des sculpteurs locaux comme Henri Ding s'attachent à honorer leur ville à l'occasion de l'inauguration de la Fontaine des trois ordres par le président Félix Faure en 1897 sur la place Notre-Dame, rendant ainsi hommage aux Dauphinois qui ont porté les prémices de la Révolution française.
- Les débuts de l'industrie lourde
La région grenobloise ne dispose que d'un petit nombre de matières premières : la pierre, le bois, et du charbon. Par contre, elle dispose d'une énergie abondante, l'eau utilisée depuis longtemps pour faire tourner les moulins activant divers mécanismes. Mais, au cours de cette seconde partie du XIXe siècle, l'évolution des techniques va provoquer le démarrage d'industries jusque là peu développées. C'est d'abord l'invention du ciment par Louis Vicat qui permet d'exploiter des mines autour de Grenoble, comme à Seyssins, Fontaine, Sassenage pour la chaux et surtout la mine de la porte de France pour le ciment naturel. C'est ensuite le développement de la papeterie, qui déjà bien installée depuis des décennies, va connaître une évolution technique importante avec l'utilisation des fibres de bois nécessitant l'emploi de puissants défibreurs.
Cimenteries et papeteries vont favoriser l'exploitation de l'énergie hydraulique pour une utilisation encore mécanique. Ainsi, c'est pour faire tourner une usine de ciment que le dauphinois Régis Joya équipe une chute d'eau à Uriage, et c'est pour actionner les défibreurs d'une papeterie à Rioupéroux que Neyret utilise une chute d'eau en 1864. C'est également pour des défibreurs qu'Aristide Bergès équipe en 1869 à Lancey la première haute chute de 200 mètres alimentée en permanence par une retenue sur un lac de montagne.
D'autres brillants industriels papetiers sont installés dans la région comme Alfred Fredet ou Amable Matussière, associés momentanément mais qui développeront chacun de leur côté de grandes sociétés[103]. En 1870, l'association de deux industriels, Joseph Bouchayer et Félix Viallet est à l'origine des Établissements Bouchayer-Viallet, spécialisés dans la métallurgie, et qui va prospérer durant un siècle en fournissant machines de papeterie, conduites forcées d'un diamètre supérieur à trois mètres, turbines, pylônes, et temporairement fabrique d'obus durant la première guerre mondiale[104].
Si dès le milieu du XIXe siècle l'électricité est connue dans ses effets, on ignore encore le moyen de la produire facilement en 1880. Le maire, Édouard Rey, s'intéresse tout particulièrement à l'hydroélectricité et à son transport. C'est ainsi que le 14 juillet 1882, vingt lampes à incandescence prêtées par Aristide Bergès illuminent la place de la Constitution (actuelle place de Verdun). Alimentées grâce à une machine à vapeur délivrant une force motrice de deux chevaux, les grenoblois dansent durant cette soirée à la lumière d'une technique révolutionnaire.
L'invention de la dynamo (1870) amène l'ingénieur parisien Marcel Deprez à tenter un transport de l'énergie électrique en 1883 entre Grenoble et Jarrie, deux ans après sa première réussite à Paris. L'expérience commence à partir du 22 août 1883, dans la halle aux grains, rue de la république et consiste à faire tourner simultanément une scie à ruban, deux machines à coudre et une imprimerie. À cette occasion, on imprime un journal, l'Énergie électrique, qui n'eut pas de lendemain mais un titre prophétique « Le doute doit cesser, l'avenir est immense et il est assuré ». Avec cette réussite, il suffit dès lors de coupler les turbines animées par des chutes avec les générateurs d'électricité, puis de transporter l'énergie électrique produite jusqu'aux lieux d'utilisation.
Aristide Bergès se fait le champion de cette nouvelle forme d'énergie qu'il baptise houille blanche en 1889, lors de l'exposition universelle de Paris, par opposition à la houille noire, le charbon. L'utilisation de l'hydroélectricité, puis de ses dérivés, l'électrochimie et l'électrométallurgie, renforcent la croissance économique de la région et entraîne la création de nouvelles entreprises comme les établissements Jay et Jallifier, faisant rentrer la région dans l'ère de la grande industrie.
L'exploitation de la houille blanche provoque à Grenoble le développement d'une puissante industrie métallurgique qui demande un enseignement technique capable de former la main d'œuvre nécessaire. C'est l'école professionnelle Vaucanson qui va dispenser cette formation, même si l'apprentissage dans l'atelier reste la formation la plus courante. La réussite de Marcel Deprez dans son transport d'électricité est un tournant décisif pour l'industrie régionale. Des spécialistes et en particulier Paul Janet, auteur d'un cours du soir d'électricité industrielle en janvier 1893, sont conscients de la nécessité de créer sur place un enseignement capable de former les ingénieurs dont l'industrie a besoin. En même temps, se constitue une "Société pour le développement de l'enseignement technique", regroupant des élites grenobloises qui apportent une aide financière[105].
Les autorités locales, dont le maire Stéphane Jay, se laisseront convaincre et ouvriront en 1900 l'Institut Électrotechnique rattaché à la Faculté des Sciences. Mais il faudra attendre encore dix ans avant que la première pierre d'un bâtiment dédié à la science ne soit posée pour recevoir cette institution.
- Tourisme et sports d'hiver
Vers la fin du XIXe siècle, une nouvelle activité locale va faire son apparition, le ski alpin. C'est en effet en 1888[106] que l'alpiniste Henry Duhamel découvre lors d'une exposition à Paris, « de longues et étroites planchettes » qu'un bienveillant exposant suédois lui signale comme « étant fort recommandables pour les parcours sur la neige ». À son retour à Grenoble, Duhamel essaie ces « planches » sur les pentes de Chamrousse et doit leur apporter bien des modifications, notamment en matière de fixation, car conçues pour glisser sur terrain plat. Ce sont les débuts du ski alpin et Henry Duhamel fait immédiatement des adeptes dans la population en conservant le mot norvégien de ski pour désigner ces drôles de planches.
À la même époque, le 15 avril 1889 marque une date importante dans l'histoire de la ville car un comité d'acteurs de la vie économique jette les bases d'une association portant le nom de syndicat d'initiative dans l'intérêt de la ville de Grenoble et du Dauphiné. Une intense propagande est faite et attire de nombreux curieux et promeneurs dans les années qui suivent, le principe de l'Office de tourisme vient de naître en France. Illustrant cette nouvelle économie, la première société française de ski est créée en novembre 1895 et officialisée le 1er février 1896 à Grenoble sous le nom de Ski Club des Alpes. L'année suivante, Chamonix l'adopte et le ski alpin part à la conquête des alpes françaises, italiennes, suisses et autrichiennes. Ainsi les premiers touristes attirés par le club alpin français dès 1874 peuvent désormais parcourir les montagnes non seulement en été mais également durant les mois d'hiver. Parallèlement, à Grenoble, une habitude voit le jour durant les périodes de grand froid, le patinage sur glace. Trois lieux accueillent les nouveaux adeptes, l'esplanade de la Porte de France où les habitants déversent de l'eau qui gèle rapidement, un étang situé sur le polygone militaire (actuel polygone scientifique) et un autre dans le parc Lesdiguières (actuel parc Bachelard).
Vers la fin du siècle, plusieurs équipements publics sont mis en service comme le lycée Champollion en 1887 et un Hôtel des Postes et des Télégraphes sur la place Vaucanson en 1888. Au cours du second mandat d'Auguste Gaché qui fait son retour à la mairie, plusieurs bacs à traille sont remplacés par la construction de ponts comme le pont métallique sur le Drac en 1889 (à l'emplacement de l'actuel Pont du Vercors), le Pont de la Porte de France sur l'Isère en 1893 qui apporte enfin un pont dans l'axe du cours Saint-André. Un troisième pont, celui de l'Île Verte, est également inauguré en septembre 1899. Très attendu depuis l'ouverture dans les fortifications de la porte de la Saulaie en 1888[107], il dessert le quartier de l'Île verte, et surtout l'hospice des vieillards ouvert depuis le 1er avril 1894 sur l'autre rive de l'Isère, à La Tronche. Avec ces nouvelles voies de circulation, apparaît un nouveau moyen de circulation en 1894, le tramway à vapeur, puis trois ans plus tard avec la création de la Société grenobloise de tramways électriques, apparaît sa version électrique et la mise en service de plusieurs lignes dès l'année 1900.
XXe siècle
1900-1914
Les débuts du siècle sont marqués à Grenoble par des bouleversements urbanistiques dans la ville. Dès le 2 janvier 1900 commencent les travaux de création de la rue Félix Poulat qui nécessite la destruction d'immeubles devant l'église Saint Louis. Trois ans plus tard, un service municipal du gaz et de l'électricité est créé le 1er octobre 1903, ancêtre de Gaz Électricité de Grenoble, la ville devient alors un vaste chantier afin d'installer les réseaux électriques souterrains en 5 000 V. jusqu'à des transformateurs déguisés en kiosques délivrant la basse tension. Au centre ville, le transfert des hôpitaux militaire en 1910 puis civil en 1913 de l'autre côté de l'Isère à La Tronche, laisse une immense zone à restructurer au fil des années. Durant l'année 1909, c'est le jardin des Dauphins qui est réaménagé par l'architecte Ginet, avec le soutien du syndicat d'initiative.
Pour répondre aux besoins, et s'adapter aux techniques nouvelles, la municipalité de Félix Viallet entreprend en 1910 la construction dans l'avenue de la gare de l'Institut Électrotechnique, regroupant ainsi sous un même toit l'ensemble des enseignements techniques de la faculté des Sciences, comme les cours d'électrochimie, d'électrométallurgie et d'hydraulique créés en 1906, ainsi que l'École française de papeterie créée en 1907. Malheureusement Félix Viallet ne voit pas son œuvre, il meurt au cours d'une réunion publique le 17 mai 1910. Le mois suivant, son successeur, Nestor Cornier, attribue à l'avenue de la gare le nom de Félix Viallet.
La banque de France s'installera plus tard dans le boulevard Édouard Rey, entourée d'hôtels de luxe et de nombreux immeubles d'habitation. En ce début de siècle, les divertissements deviennent plus nombreux. Outre les traditionnelles cavalcades, Grenoble est choisie en 1905 comme ville étape d'une récente épreuve cycliste appelée Tour de France, et accueille l'épreuve chaque année. En 1911, a lieu sur le site de Comboire près de Grenoble, un concours international de tir du 1er au 20 juin. Ces concours de tir s'étant développés depuis la guerre de 1870 afin d'habituer les jeunes gens au maniement des armes à feux. Les 16,17 et 18 mai 1912 se déroule la première fête de l'aviation de la ville sur le terrain militaire du polygone, et à cette occasion, les premiers baptêmes de l'air ont lieu.
1914 - 1940
En 1914, le déclenchement de la Première Guerre mondiale accéléra l'expansion économique de la ville. Située loin du front, elle reçoit des blessés dans son hôpital militaire et dans d'autres bâtiments réquisitionnés comme le collège de l'Aigle. Obligé de se replier sur le sud de la France, le gouvernement demande à la région de fournir de la force électrique, du matériel électrique, des obus, des explosifs, des engrais, du coton nitré, du papier à cartouches ou encore des biscuits. Ainsi, de nouvelles usines s’installent pour soutenir l’effort de guerre, les premiers complexes chimiques se forment au sud de la ville à Pont-de-Claix et Jarrie. L'abondance de l'énergie électrique et l'isolement du site sont à l'origine du choix du site. Cette industrie chimique est directement liée à la production et à l'utilisation de chlore. C'est l'utilisation de gaz de combats pendant la première guerre mondiale qui va provoquer la création d'usines de production de chlore en 1916 et 1917. À partir de 1919, la production de chlore n'évoluera que très peu avant de reprendre après la seconde guerre mondiale[108]. Des usines métallurgiques comme les établissements Bouchayer-Viallet transforment leurs ateliers en fabrique d'obus et de matériels de précision. Grenoble et sa région arrivent à fournir 50 000 obus par jour. Vers la fin de la guerre, le 29 juin 1918, une violente explosion retentit sur le polygone d'artillerie au nord de la ville à 15 h. Cette explosion, provoquée accidentellement dans un stock de munitions de guerre, est suivit par d'autres jusqu'à 1 heure du matin, provoquant des dégâts considérables dans la ville. Tuiles projetées, vitrines brisées, cloisons enfoncées, mais heureusement on ne déplore qu'un seul blessé[109].
Parallèlement, depuis la fin du XIXe siècle, l'utilisation de la houille blanche permet la naissance d'industries électrochimiques et électrométallurgiques, comme la Société des usines de Rioupéroux créée depuis 1899, mais loin de ralentir l'économie, la première guerre mondiale a amené une diversification des industries grenobloises. C'est en pleine guerre, le 23 mars 1917, que deux associés Neyret-Beylier et Piccard-Pictet fondent une société spécialisée en matériel hydraulique et qui sera connue sous l'acronyme Neyrpic. La réussite du fabricant de disjoncteurs Merlin Gerin, de la biscuiterie Brun, de la marque Lustucru ou de la chocolaterie Cémoi illustrent cet essor d'après-guerre, et le secteur du textile pratiquement disparu, redémarre lui aussi avec l'implantation d'une fabrique de soie artificielle, la Viscose, près du Rondeau[110].
Ce développement économique favorise une très forte immigration italienne provenant de quelques villages comme Corato dont les immigrés italiens s'installent principalement sur la rive droite de l'Isère dans le quartier Saint-Laurent. Mais la géographie du recrutement va s'étendre aux russes, polonais et yougoslaves qui sont souvent recrutés directement dans leur pays d'origine. La carence de logements sociaux devenue inquiétante depuis la grande industrialisation de la ville va amener à la création d'un office public d'habitations bon marché, dès la prise de fonction en 1919 d'un nouveau maire dynamique et ambitieux, Paul Mistral. L'été 1919 est marqué par un évènement dans le domaine sportif, car pour la première fois, un coureur du Tour de France, porte le maillot jaune au départ de l'étape Grenoble - Genève le 19 juillet[111].
Paul Mistral organise en 1925 l'Exposition internationale de la houille blanche et du tourisme, afin de mettre en lumière le développement économique de la ville due à l'industrie de l'hydroélectricité. Un peu plus d'un million de personnes venues du monde entier visitent cette exposition durant cinq mois. Le maire profite de l'occasion pour ouvrir la ville vers le Sud. Grâce au déclassement des fortifications de la ville adopté par le conseil municipal du 31 janvier 1920, les remparts construits en 1879 sont détruits et des grands boulevards aménagés peu à peu sur leur emplacement, permettant une urbanisation facilitée des quartiers de l'Abbaye, Exposition-Bajatière, Capuche et des Eaux-Claires. Mais le plan d'aménagement global de la ville, préparé à l'occasion par l'architecte Léon Jaussely, est refusé par le conseil municipal en raison notamment de l'obligation du plan à déplacer la gare dans le sud de la ville. Les nombreux palais et bâtiments construits pour l'occasion seront tous détruits à l'exception de la tour Perret et du palais de la houille blanche qui servira de parc d'expositions jusqu'en 1968. Le site de 20 hectares de cette exposition sera transformé en parc urbain dénommé parc Paul Mistral à la mort brutale du maire en 1932.
La Grande Dépression en France perceptible à Grenoble dès l'année 1930 va amener une faillite retentissante, celle du banquier Georges Charpenay. Banquier régional aux vues larges, ami des grands industriels dauphinois depuis la fin du XIXe siècle, contribuant de façon décisive au financement des équipements et des entreprises. Mais en 1931, Charpenay se retrouve obligé de suspendre ses opérations, car l'immobilisation de la majeure partie de ses fonds ne lui permet pas de faire face aux demandes de retraits de ses déposants, affolés par la grande crise. La Banque de France l'abandonne et le banquier se voit ruiné et condamné avec sursis après quelques mois de prison[112].
Avec le développement de l'industrie touristique, le téléphérique de la Bastille mis en chantier par Paul Mistral est inauguré en 1934 par son successeur Léon Martin, permettant d'accéder très facilement à un point de vue panoramique situé 264 mètres au-dessus de Grenoble. Deux ans plus tard, le téléphérique, surnommé la ficelle, connaît alors sa véritable consécration lorsque le président de la république Albert Lebrun visite l'installation.
Cette même année, Grenoble est le théâtre de manifestations très précoces qui amèneront la victoire du front populaire deux ans plus tard. Dès le 7 février, un défilé des deux centrales ouvrières, la CGT et la CGTU parcourt les rues. La manifestation est reconduite le 12 février puis le 1er mai 1934. De son côté, la fédération républicaine invite Philippe Henriot, de l'extrême droite, au cours d'un meeting le 10 juin, provoquant de vives réactions populaires et la mise en place de très nombreuses forces de police. C'est l'intervention du maire Léon Martin qui arrête des affrontements sur la place Saint Bruno et un défilé en commun termine la matinée[113].
Ce mouvement unitaire des syndicats se traduit à partir du mois de septembre 1934 par la création d'un syndicat unique par secteur d'activité. L'année 1935 voit une nouvelle manifestation le 14 juillet où 10 000 personnes se pressent sur la place Notre-Dame, rassemblant socialistes, communistes, mais où les radicaux sont tenus à l'écart. L'année suivante, le monument dédié à la gloire des diables bleus, héros militaires de l'année 1915, est inauguré dans le parc Paul Mistral, et le 14 octobre 1936, l'aéroport de Grenoble-Mermoz, est inauguré dans le sud de la ville par le maire Paul Cocat. En 1937, il inaugure le stade Charles Berty puis l'année suivante le boulevard des fortifications est baptisé des trois noms, Vallier, Foch, Joffre. Élu en 1935, à l'âge de 64 ans, Paul Cocat conservera cette fonction durant toute la seconde guerre mondiale qui se prépare.
La Seconde Guerre mondiale
Durant la Seconde Guerre mondiale, lors de l’invasion allemande, la défense de la ville est assurée par le général Cartier lors de la bataille de Voreppe les 23 et 24 juin 1940, au cours de laquelle ses pièces d'artillerie stoppent l'avancée des blindés allemands à une douzaine de kilomètres de Grenoble. L’armistice signé par le maréchal Pétain entraîne l'arrêt des combats en France le 25 juin 1940 à l'aube, évitant ainsi à Grenoble de subir une invasion allemande. Un grand calme s'établit dès lors sur la ville succédant aux bruits de combats au loin. Grenoble fait alors partie de la « Zone Libre », et enserrée dans ses montagnes, apparaît comme un refuge, avant de connaître une occupation italienne entre novembre 1942 et septembre 1943. Le souvenir de la première guerre mondiale pousse des belges, des français du Nord, des Alsaciens, des Lorrains, des polonais, des italiens antifascistes, des républicains espagnols, des juifs, des parisiens, avocats, médecins, hommes politiques a venir s'établir dans la ville et sa région. Dès le mois d'octobre, le monde universitaire et de nombreux professeurs choisissent Grenoble, comme destination à cause de sa situation en zone libre.
La grande majorité de la population grenobloise accepte avec reconnaissance la présence à la tête de l'état du maréchal Pétain et se rallie à son nouveau régime. Le Régime de Vichy met en place un nouveau préfet, Raoul Didkowsky, qui restera en place jusqu'en août 1943, et conserve le maire Paul Cocat. La France conserve une armée d'armistice et Grenoble maintient sa tradition militaire mais sans toutefois retrouver la totalité de sa garnison de septembre 1939. L'information reste également en place avec Le petit dauphinois de Joseph Besson, La dépêche dauphinoise de Marcel Farges, et La république du Sud-Est dirigée par Léon Poncet. Les trois médias apportent leur soutien au régime de Vichy et à son guide, le maréchal Pétain. Ce dernier effectue un déplacement à Grenoble le 19 mars 1941, accueilli par le préfet et l'évêque Alexandre Caillot, admirateur du maréchal. Mais lentement, d'une opposition dispersée la ville prend une part active à une Résistance organisée. Fin 1941, des antennes locales de mouvements tels Combat ou Franc-tireur s’enracinent à Grenoble grâce à des figures comme Eugène Chavant, Léon Martin, Jean Perrot ou encore Marie Reynoard[114]. Cette même année, une nouvelle école ouvre ses portes le long du nouveau boulevard Joseph Vallier dans d'immenses locaux, l'école des pupilles de l'air. L’Université de la ville va appuyer, à travers ses professeurs, les actions clandestines. Elle fournit de faux papiers aux réfractaires du STO à partir de l'été 1942, aidé dans la tâche par Henri Grouès, vicaire de la cathédrale Notre-Dame, qui prend dans cette clandestinité le nom d'Abbé Pierre.
Mais en novembre 1942, le débarquement des troupes alliées en Afrique du nord provoque l'invasion de la majeure partie de la zone libre par les troupes allemandes et l'occupation par l'armée italienne d'une zone située à l'est de la vallée du Rhône. La ville de Grenoble qui atteint alors la barre des 100 000 habitants est donc occupée par l'armée italienne dès le 11 novembre 1942. La division « Pusteria » commandée par le général Di Castiglione, est essentiellement composée de Piémontais, dont les relations amicales avec quelques membres de la colonie italienne de Grenoble permettent aux habitants de supporter facilement une occupation peu contraignante.
Cependant, à partir de septembre 1943, les Allemands occupent la région. De violents conflits secouent la ville à partir de cette période. Le 11 novembre, une grève quasi générale et des manifestations ont lieu devant les offices de collaboration, entraînant une forte répression. Pour supprimer les armements allemands, le résistant Aimé Requet fait sauter le parc d’artillerie du Polygone le 14 novembre 1943. En représailles, l’occupant intensifie sa répression sous forme d’arrestations et d’assassinats à travers la ville. Ce violent épisode est surnommé la « Saint-Barthélemy grenobloise ». Mais malgré cet épisode, les munitions intactes transférées à la caserne de Bonne sont la cible d'un nouveau sabotage. C'est un volontaire polonais, Aloyzi Kospicki qui pose les détonateurs le 2 décembre 1943, provoquant une série d'explosions durant trois heures[115], ravageant tout un quartier tuant 13 personnes et en blessant 213. Quant aux sabotages industriels et ferroviaires, ils se multiplient[114].
Début 1944, le Comité de libération de l’Isère est institué. Le débarquement de Normandie en juin accentue les actions de la Résistance, bloquant considérablement les troupes allemandes et les axes de circulation autour de la ville. Le 26 mai 1944, la ville est bombardée par les Alliés, mais le 14 août, les Allemands exécutent vingt jeunes résistants à l'angle de la rue Ampère et du cours Berriat et massacrent 48 personnes sur le polygone d'artillerie, dont les corps ne seront retrouvés que le 26 août.
Sous la pression du Débarquement de Provence par les Alliés le 15 août, Grenoble est évacuée par les troupes allemandes dans la nuit du 21 au 22 août 1944. Le 22 août à l'aube, les maquisards des massifs environnants, les membres des groupes francs ainsi que deux détachements français parachutés le 31 juillet dans la Drôme, rentrent dans Grenoble par le cours Saint-André, suivis vers 13 heures par les 142e et 143e régiments d'infanterie de l'armée américaine, commandés par les colonels Paul Adams et Philip Johnson, débarqués sept jours auparavant en Provence[116]. L'occupation allemande de Grenoble aura duré un peu moins d'un an mais aura été ressentie douloureusement par la population.
Jugé trop proche des forces occupantes, le principal quotidien de la région, Le petit dauphinois, fondé en 1878, tire son dernier numéro ce 22 août, et se fait remplacer le lendemain par Les Allobroges, un journal issu de la Résistance locale. Le même jour, le nouveau préfet Albert Reynier, issu de la Résistance du Grésivaudan, est mis en place. C'est le début d'une brève période où des règlements de compte se produisent dans une population qui traque les collaborateurs français de l'occupant. La même année, Grenoble est nommée « Compagnon de la Libération » par le gouvernement provisoire du Général de Gaulle, pour récompenser cette "ville héroïque à la pointe de la résistance française et du combat pour la libération"[114].
Le 5 novembre, le général Charles de Gaulle vient remettre la médaille de l'ordre de la Libération à la ville de Grenoble. C'est son nouveau maire issu des mouvements de résistance, Frédéric Lafleur, qui présente la médaille devant une foule considérable sur la place Pasteur. Faute de pouvoir obtenir le titre de capitale de la Résistance, Grenoble obtient celui de capitale des maquis[117].
De 1945 à nos jours
Le 7 septembre 1945, alors que Léon Martin vient d'être rappelé au poste de maire, et que le monde vient d'apprendre la maîtrise de l'arme nucléaire, le quotidien Le Dauphiné libéré remplace Les Allobroges après un peu plus d'un an de parution.
Dans cette après-guerre qui voit l'abandon de son système de transport par tramway au profit d'une réorganistion de ses transports basée sur les trolleybus au cours des brèves municipalités de Marius Bally et de Raymond Perinetti de 1947 à 1949, le « Syndicat mixte du réseau des transports en commun de la région grenobloise » (SMRTCRG) voit le jour le 12 août 1948.
Ce syndicat prend la relève d'une commission mixte formée en 1947, et a donc pour mission de réorganiser les transports urbains dans la région grenobloise. Il disparaîtra en 1953 après avoir achever son programme de rénovation. En 1949, les grenoblois font appel pour la troisième fois à l'expérience de Léon Martin au poste de maire, et se tournent vers la recherche grâce à des hommes comme Jean Kuntzmann, créateur en 1951 d'un laboratoire de calcul, ou comme Louis Néel, spécialiste des corps magnétiques, qui après la débâcle de 1940 s'installe à Grenoble pour fonder le Laboratoire d'électrostatique et de physique du métal. C'est à sa demande, que le Commissariat à l'énergie atomique examine la demande de la ville pour l'implantation d'un nouveau centre de recherche. Louis Néel en devient le directeur le 1er décembre 1955[118].
En décembre 1956, dans le cadre de la décentralisation de ses activités, le CEA pose la première pierre de son centre d'études nucléaires à Grenoble afin de poursuivre la coopération déjà existante avant guerre entre recherche et industrie. Moins de deux ans plus tard, la pile atomique Mélusine émet son premier rayonnement le 30 juin 1958 à 17 h 00. Il apparaît vite nécessaire de construire une seconde pile, Siloé, puis une troisième, Siloette et enfin une douzaine d'accélérateurs électrostatiques de particules. Ce centre va employer 700 personnes dès l'année 1960[119].
La zone du polygone cédée par les autorités militaires, devient peu à peu le symbole du développement scientifique et technologique de la ville, initiant une nouvelle industrie pour la ville, celle de l'électronique. De grands centres de recherche français (CEA, CNRS, Leti…) et internationaux (ILL, Synchrotron…), s’y installent au cours des décennies suivantes.
Aux municipales de 1959, c'est Albert Michallon qui est élu à la fonction de maire. Son mandat débute par une déception car le gouvernement de Michel Debré, pourtant de la même famille politique, ne lui apporte pas l'aide financière escomptée. Aussi, afin de réaliser la percée de la rue de la République, le conseil accepte la vente d'une fraction du parc de l'Île verte où va s'implanter les Trois tours. En janvier 1960, la nouvelle bibliothèque universitaire est mise en service sur le boulevard Maréchal Lyautey, alors que certains universitaires réfléchissent déjà au regroupement des bâtiments universitaires. Le 10 juin 1961, Grenoble ouvrit le premier planning familial de France, ce qui représenta alors une étape essentielle dans le combat mené par les défenseurs d'une maternité libre et choisie.
En décembre 1961, afin d'accueillir un nombre croissant d'étudiants, est posée en présence du ministre Lucien Paye, la première pierre du campus universitaire à l'américaine sur une zone de cultures maraîchères de 186 hectares, à cheval sur les communes de Saint-Martin-d'Hères et de Gières[120], ce qui était inédit en France. Louis Weil, fondateur et directeur du centre de recherche sur les très basses températures sur le site du centre d'études nucléaires, prend une part essentielle à la création de ce campus. Principal acteur local de la collaboration entre recherche et industrie, il est élu doyen de la faculté des sciences en 1961[121]. Dès les premières années, les résidences d'étudiants sont construites grâce à une avance de la société Merlin Gerin gérée par l'Alliance universitaire de Grenoble. L'accessibilité du campus est assurée par 10 000 places de parking et les transports en communs mettront plusieurs années avant de desservir efficacement le site. Malgré le lancement de ce campus universitaire, Albert Michallon reste conscient du retard des équipements de la ville et obtient de son conseil la mise à l'étude d'un plan d'urbanisme mais surtout la candidature de Grenoble aux jeux olympiques de 1968.
C'est le 28 janvier 1964 que Grenoble est désignée pour organiser les Jeux olympiques d'hiver de 1968. Cet événement majeur, mené à bien par le nouveau maire socialiste Hubert Dubedout, élu en mars 1965 dans un contexte économique très favorable, modifie considérablement l'aspect de la ville. Tout est entrepris simultanément, la construction du village olympique sur l'emplacement de l'aérodrome Jean Mermoz, du palais des sports, de l'anneau de vitesse et du nouvel Hôtel de Ville dans le parc Paul Mistral, de la Maison de la Culture (rebaptisée MC2 après son agrandissement en 2004), de la nouvelle gare ferroviaire et routière, du centre d'expositions Alpexpo, de la déviation ferroviaire plus au sud, de l'autopont des grands boulevards (aujourd'hui détruits par la création de la ligne C du tramway), du Viaduc de Gières permettant d'accéder à la station de ski de Chamrousse), de l'hôpital sud, de la mise en service de la rocade. L'événement permet également la rénovation de l'ancien couvent Sainte-Marie d'en haut, afin d'y transférer le 3 février les collections du Musée dauphinois installées auparavant dans l'ancienne chapelle Sainte-Marie d'en bas. Le nouveau bâtiment du Conservatoire national de région espéré pour l'évènement n'est pas achevé et n'ouvrira qu'en avril 1969.
Ces jeux de 1968 sont les premiers à être retransmis en couleur aux chaînes de télévisions et présentent aussi pour la première fois une mascotte appelée Schuss le skieur. Le centre de presse est installé dans le nouveau quartier Malherbe. En sa qualité de président de la République, c'est le général de Gaulle qui déclare l'ouverture de ces jeux le 6 février 1968 dans un stade de 60 000 personnes, lors de son cinquième et dernier passage à Grenoble.
L'événement sportif passé, Hubert Dubedout s'emploie à réaliser le programme pour lequel il a été élu, comportant un programme d'aide sanitaire et sociale comme des centres sociaux, des maisons de jeunes, l'office grenoblois des personnes âgées, l'office dauphinois des travailleurs immigrés et l'ouverture du nouvel hôpital nord en 1974, baptisé du nom de son prédécesseur. La ville se développe énormément vers le sud à partir de cette décennie et l'urbanisation devient continue entre toutes les communes de l'agglomération. Inaugurant l'urbanisation de nouveaux quartiers, un premier hypermarché Carrefour à la limite de Grenoble et d'Échirolles ainsi que le centre des expositions Alpexpo ouvrent durant l'année 1969. Dès le démontage du stade olympique, l'emplacement est utilisé pour édifier le premier projet du quartier de la villeneuve appelé galerie de l'Arlequin en référence aux différentes couleurs de ses façades. Ces immeubles d'habitation innovants composés d'appartement en duplex et dont le corps serpente sur plusieurs centaines de mètres, reposent sur des piliers afin d'aménager une circulation piétonne en dessous et sont entourés de commerces et de nombreux équipements sociaux. Cette galerie va s'étendre progressivement jusqu'à rejoindre celle des baladins et atteindre le centre commercial Grand'Place inauguré le 26 août 1975. Dans les années 1970, de grosses structures vont s'établir ou s'éloigner de la ville centre, marquant un sentiment de confinement déjà présent depuis des siècles dans une ville cernée par différentes générations de remparts. En 1971, une zone d'innovation pour les réalisations scientifiques et techniques est créée à Meylan, la maison d'arrêt Saint-Joseph est transférée à Varces, puis en 1977, le centre de presse du Dauphiné libéré est transféré dans la banlieue à Veurey-Voroize. Pour les infrastructures routières, les autoroutes A48, A480 et A41 arrivent à Grenoble et la Rocade sud est achevée entre le Rondeau et Saint-Martin-d'Hères. Plus tard, dans les années 1980, la rocade sud est complétée afin de relier l'A480 à l'A41, et dans les années 1990, les autoroutes A49 et A51 sont mises en service.
Alors que la revue municipale Grenoble mensuel de février 1983 vient de mentionner un vague projet de rocade autoroutière sous la colline de la Bastille pour l'horizon 2000, un nouveau maire de droite est élu à la surprise générale face à Hubert Dubedout. C'est Alain Carignon qui reçoit le président François Mitterrand lors de l'inauguration d'un nouveau bâtiment du Laboratoire d'électronique des technologies de l'information le 23 janvier 1985, et qui reçoit le premier TGV en gare de Grenoble le 4 mars suivant. Il inaugure l'année suivante le centre national d'art contemporain sur le site industriel Bouchayer-Viallet et démarre au milieu des années 1980, la construction du quartier d'affaires Europole à l'emplacement d'anciennes brasseries et d'une zone occupée par des voies ferroviaires ainsi que des bâtiments de la SNCF. En septembre 1987, Grenoble devient la seconde ville française après Nantes à réintroduire le tramway en ville suite à un référendum organisé par Alain Carignon.
En 1988, la ville affirme encore un peu plus son caractère scientifique avec la mise en service des antennes géantes de l'Interféromètre du plateau de Bure dans les Hautes-Alpes rattaché à l'Institut de radioastronomie millimétrique du campus universitaire. Parallèlement, Alain Carignon rénove certains bâtiments historiques du centre ville comme l'ancien palais des évêques qui deviendra en 1998 le musée de l'Ancien Évêché ou la halle Sainte Claire rénovée et inaugurée le 2 février 1991, mais s'attache tout particulièrement depuis le début de son mandat au projet d'implantation d'un nouvel instrument scientifique d'envergure internationale. C'est en effet depuis 1984, que la décision est prise par la communauté scientifique d'installer un synchrotron en France. Après une hésitation face au site de Strasbourg, le chantier de l'anneau de 844 mètres de circonférence du synchrotron démarre en avril 1990 sur le site du polygone scientifique[122]. Entre-temps, Alain Carignon est nommé ministre de l'Environnement de 1986 à 1988, puis est réélu à la mairie de Grenoble en mars 1989. Mais à partir de 1994, une affaire de corruption dans la gestion des eaux de Grenoble nouvellement privatisée, stoppe sa carrière et l'oblige à démissionner de son nouveau poste de ministre de la communication qu'il occupe depuis 16 mois.
Appelé ESRF, le synchrotron financé par douze pays est inauguré le 30 septembre 1994, et renforce la position de Grenoble comme pôle de recherche de dimension internationale. Cette même année, deux musées trouvent de nouveaux locaux pour leurs collections, le Musée de Grenoble inauguré par le premier ministre Édouard Balladur, le 30 janvier, puis le musée de la Résistance et de la déportation inauguré dans la rue Hébert le 1er juillet. Le mois suivant, les ambassadeurs en France des États-unis et de Grande-Bretagne sont les invités des commémorations du 50e anniversaire de la libération de Grenoble le 22 août.
Aux élections municipales de mars 1995, les déboires judiciaires du maire sortant, propulsent le maire de gauche Michel Destot à la municipalité. L'année suivante, Alain Carignon, est condamné le 9 juillet 1996 à cinq ans de prison et provoque l'une des incarcérations les plus médiatisées en France. Il sera libéré en mai 1998. Le quartier europole, achevé par son successeur Michel Destot, devient un centre rassemblant les implantations de plusieurs sociétés emblématiques de la ville telle Schneider Electric (ex- Merlin Gerin), ainsi que le nouveau palais de justice depuis 2002.
XXIe siècle
En novembre 2003, Grenoble illustre le développement du mouvement écologique en France par la médiatisation de l'occupation d'arbres devant être abattus en vue de la construction du Stade des Alpes dans le parc Paul Mistral. Le face-à-face tendu entre les "écocitoyens" et les forces de l'ordre dure plusieurs mois.
En 2006 est inauguré en l'absence de grande personnalité politique française, le centre Minatec, premier centre européen de recherche sur les nanotechnologies, installé sur 45 000 m² à l'entrée du Polygone scientifique[123], suscitant de nombreuses critiques de la part des opposants à ces technologies. La veille de son inauguration, une manifestation a réuni entre 800 et 1 000 personnes[124]. Minatec préfigure d'autres créations de ce type, tel Nanobio ou Clinatec, qui serviront de support à la réorganisation urbanistique complète des 250 hectares du polygone scientifique afin de le transformer en un véritable quartier de ville[125].
Effectifs de la recherche publique à Grenoble pendant l'année universitaire 2002/2003[126]CNRS, 1731 chercheurs
On dénombrait en 2002/2003, 4 538 chercheurs, auxquels il faut ajouter 2 800 enseignants-chercheurs et les effectifs nombreux de la recherche privée.
INSERM, 100 chercheurs
CEA, 2048 chercheurs
INRIA, 174 chercheurs
Centre de recherche du service de santé des armées, 215 chercheurs
CSTB, 69 chercheurs
CEMAGREF, 93 chercheurs
CEN, 28 chercheurs
Centre technique du papier, 80 chercheursEffectifs universitaires 2004/2005 à Grenoble[127]Université Grenoble-I, 18 819 étudiants
Ces quatre universités représentaient en 2004/2005, 49 483 étudiants, auxquels il faut ajouter les étudiants de l'IUFM, de l'école d'architecture, de Grenoble École de management, des classes préparatoires aux grandes écoles et des BTS des lycées, représentant un total de 57 074 étudiants dont 6 896 étudiants étrangers.
Université Grenoble-II, 19 153 étudiants
Université Grenoble-III, 6 291 étudiants
Institut polytechnique de Grenoble, 5 220 étudiantsLe 4 novembre 2009 est inauguré à l'emplacement de l’ancienne caserne militaire de Bonne l'un des premiers Écoquartier de France, sur une superficie de 8,5 hectares. Cité comme véritable modèle à l’échelle nationale, il a été primé du prix Eco-quartier 2009 par le ministère de l’Environnement[128]. Complété en 2010 par son centre commercial, ce quartier devient un lieu de visite de la ville.
En 2010, suite à la mort d’un malfaiteur le 16 juillet lors d’un échange de coups de feu avec les forces de l’ordre, une vague de violences urbaines éclate dans le quartier de la Villeneuve provoquant un retentissement national et international. Le 30 juillet, le président Nicolas Sarkozy se rend sur place et prononce le très controversé Discours de Grenoble, établissant notamment un lien entre immigration et délinquance[129].
Histoire thématique
Personnalités grenobloises
Maires de Grenoble
Nés à Grenoble
Article détaillé : Catégorie:Naissance à Grenoble.Ayant vécu à Grenoble
Historiques et politiques
- Comtes de Grenoble
- Charles V de France, d'août 1349 à Pâques 1350;
- Louis XI de France, gouverneur du Dauphiné de 1447 à 1456;
- Pierre Terrail de Bayard (1476-1524), dit Chevalier Bayard « Le chevalier sans peur et sans reproche », lieutenant-général du Dauphiné de 1515 à sa mort ;
- François de Bonne de Créquy, seigneur puis duc de Lesdiguières, gouverneur de Grenoble, lieutenant-général du Dauphiné, dernier connétable de France ;
- Catherine de Médicis, durant l'été 1579;
- Chanoine François Coupier (1679, Grenoble - 1768, Chambéry), confesseur du Roi de Sicile, Victor-Amédée II, consulteur, ministre et préfet de santé.
- Jean-Paul Didier, homme politique;
- Léonce-Émile Durand-Savoyat, homme politique;
- Gustave Rivet, poète, dramaturge et homme politique;
- Jean-Jacques Servan-Schreiber, étudiant au lycée Champollion de 1940 à 1943;
Scientifiques et ingénieurs
- Aristide Bergès (1833-1904), ingénieur, inventeur des conduites forcées et de la houille blanche (1878) ;
- Raoul Blanchard (1877-1965), géographe français, fondateur de l'Institut de Géographie Alpine en 1908 et de la Revue de géographie alpine en 1912 ;
- Jean-François Champollion (1790-1832), égyptologue français déchiffreur des hiéroglyphes, a effectué ses études de lycée à Grenoble ;
- Albert Fert, physicien français, a reçu le prix Nobel de physique en 2007 « pour la découverte de la magnétorésistance géante ». Il a été maître-assistant à l'université de Grenoble de 1962 à 1970 ;
- Joseph Fourier, mathématicien, physicien et préfet de Grenoble de 1802 à 1815, il a notamment découvert Champollion et lui a permis de suivre les enseignements du lycée de Grenoble ;
- Conrad Kilian (1898-1950), géologue et explorateur du Sahara ;
- Klaus von Klitzing, physicien allemand, prix Nobel de physique 1985 (a découvert l'effet Hall quantique entier dans la nuit du 4 au 5 février 1980 au Laboratoire des champs magnétiques intenses de Grenoble) ;
- Jean Kuntzmann, mathématicien ;
- Rudolf Mössbauer, physicien allemand, prix Nobel de physique 1961 ;
- Louis Néel, physicien français, prix Nobel en 1970 ;
- Laurent Schwartz, mathématicien français, professeur à l'Université en 1944, médaille Fields en 1950 ;
- René Thom, mathématicien français, médaille Fields en 1958 ;
- Louis Joseph Vicat (31 mars 1786-10 avril 1861), ingénieur français, inventeur du ciment artificiel.
Écrivains, philosophes
- Jean-Pierre Andrevon, écrivain français ;
- Choderlos de Laclos, en garnison de 1769 à 1775 à Grenoble, qui s'inspira, dit-on, de personnages de l'aristocratie locale pour Les Liaisons dangereuses
- Sait Faik Abasiyanik, écrivain turc ;
- Françoise Rey, auteur de littérature érotique ;
- Jean-Jacques Rousseau, écrivain et philosophe genevois de langue française ;
- Stendhal, écrivain français ;
- Kateb Yacine (décédé à Grenoble en 1989), poète, romancier, dramaturge algérien.
- Jean-Loup Dabadie, écrivain, scénariste, parolier, membre de l'Académie Française
Divers
- Saint Bruno, fondateur de l'Ordre des chartreux ;
- Henri Bertini (1798-1876), compositeur et pianiste virtuose ;
- Igor Stravinski séjourna à Voreppe, près de Grenoble, entre 1930 et 1934 ;
- L'Abbé Pierre, vicaire à Grenoble en 1939 ;
- Barbara et sa famille se réfugièrent à Grenoble pendant la guerre ;
- Léon Martin, résistant et homme politique ;
- Jean Perrot, résistant ;
- Gaston Valois, résistant ;
- Albert Reynier, résistant ;
- René Gosse, résistant ;
- Eugène Chavant, résistant, Compagnon de la Libération ;
- Marie Reynoard, résistante ;
- Vigdís Finnbogadóttir, présidente de la République islandaise de 1980 à 1996 a étudié la littérature française à l'université de Grenoble entre 1949 et 1953 ;
- Jacqueline Kennedy a suivi un cours intensif de français à l'université de Grenoble en 1949;
- Olivier Messiaen, compositeur et organiste français;
- Florence Devouard, ancienne présidente de la Wikimedia Foundation ;
- Abdoulaye Wade, président du Sénégal depuis 2000. Il a effectué ses études de droit à l'université Pierre Mendès France de Grenoble ;
- Vincent Clerc, joueur de rugby au FC Grenoble jusqu'en 2002.
- Cristobal Huet, joueur de hockey sur glace, né à Saint-Martin-d'Hères, jouant dans l'équipe des Brûleurs de loups de 1994 à 1998.
- André The Giant, catcheur professionnel ayant lutté a la WWE, et ayant vécu quelque temps en France avant de partir habiter aux Etats Unis.
Vie militaire
Listes des unités militaires ayant tenu garnison à Grenoble :
- État-Major de la 27e division d'infanterie alpine, 1939 - 1940 ;
- 140e régiment d'infanterie, 23 octobre 1873 (constitution) - 1923 (dissolution) ;
- 12e bataillon de chasseurs alpins, 1906 ;
- 14e bataillon de chasseurs alpins, 1914 ;
- 28e bataillon de chasseurs alpins, 1914 ;
- 30e bataillon de chasseurs alpins, 1914 ;
- 1re et 9e batteries du 2e régiment d'artillerie de campagne, 1906 -1914 ;
- 10e et 12e batteries du 6e régiment d'artillerie de campagne, 1906 -1914 ;
- janvier 1924 - 1940 ;
- modifier] Héraldique
Article détaillé : Armoiries de Grenoble.
Lien interne
Notes et références
- L'almanach dauphinois 2003, page 66.
- Un pont construit au niveau de l'actuelle passerelle Saint Laurent aurait obligé de transporter les marchandises par la montée de Chalemont, alors qu'un passage au niveau de l'Esplanade aurait évité la montée.
- Selon l'historien Jean-Pascal Jospin, lors d'une conférence sur Cularo le 6 avril 2011.
- Elle est exposée au musée de l'ancien évêché
- Petite histoire du Dauphiné , Félix Vernay, 1933, p 18
- ISBN 2-87772-331-3, p. 21 Gérard Coulon, Les Gallo-Romains : vivre, travailler, croire, se distraire - 54 av. J.-C.- 486 ap. J.-C., Paris : Errance, 2006. Collection Hespérides,
- Selon le livre Grenoble à l'époque Gallo-romaine d'après les inscriptions de Bernard Rémy & Jean-Pascal Jospin
- Saint Domnin.
- Petite histoire du Dauphiné , Félix Vernay, 1933, p 40
- Musée archéologique de Grenoble.
- St Matthieu du St Eynard. Selon le site
- Selon Paul Dreyfus, L'histoire du Dauphiné, page 44.
- Petite histoire du Dauphiné , Félix Vernay, 1933, p.9
- Selon Paul Dreyfus dans Histoire du dauphiné, page 56.
- Archives départementales de l'Isère (Hôtel des monnaies) Selon
- Selon Gilbert Bouchard dans L'Isère en BD, page 20.
- Selon le livre de Denis coeur, La Plaine de Grenoble face aux inondations, page 83.
- Grenoble, la perle rare du Dauphiné, Victor Battaggion, Historia mensuel n°768, p.62
- Beaucroissant Un an après la catastrophe, le 14 septembre 1220, l'évêque de Grenoble, Pierre I de Seyssins, organisa un pèlerinage d'action de grâce à Notre-Dame de Parménie. Cette manifestation se renouvelant chaque année fut à l'origine de la célèbre foire de
- Vital Chomel, Histoire de Grenoble, page 60.
- Selon Gilbert Bouchard, L'histoire de l'isère en BD, tome 2, page 22.
- Petite histoire du Dauphiné , Félix Vernay, 1933, p.32
- Histoire de Grenoble et ses environs, page 71.
- Selon Paul Dreyfus dans Histoire du Dauphiné, page 107.
- Selon Gilbert Bouchard, L'histoire de l'Isère en BD, page 44.
- Vital Chomel, Histoire de Grenoble, page 87.
- Paul Dreyfus, Histoire du Dauphiné, page 113.
- Geol-Alp. Selon le site de géologie alpine
- Selon l'histoire de Grenoble d'Auguste Prudhomme, page 246.
- Petite histoire du Dauphiné , Félix Vernay, 1933, p.67
- Gratianopolis (rive gauche). Voir l'article
- Selon Bayard Lieutenant général du Dauphiné, actes du colloque des rencontres Bayard du 24 janvier 1997, pages 27 et 28.
- Selon Bayard Lieutenant général du Dauphiné, actes du colloque des rencontres Bayard du 24 janvier 1997, page 40.
- cimetière Saint-Roch de Grenoble. Le site de cet hôpital sera occupé trois siècles plus tard par le
- Selon L'almanach dauphinois 2009, page 97.
- Selon Paul Dreyfus dans Histoire du dauphiné, page 143.
- Selon Paul Dreyfus dans Histoire du dauphiné, page 145.
- Selon Jean-Joseph-Antoine Pilot de Thorey, Histoire de Grenoble et de ses environs (1829).
- Selon Vital Chomel, Histoire de Grenoble, page 96.
- XIVe siècle, aujourd'hui place aux herbes selon Histoire de Grenoble et ses environs de J.J.A Pilot de Thorey, page 117. Appelée ainsi depuis la fin du
- Vital Chomel, Histoire de Grenoble, page 114.
- Selon Paul Dreyfus dans Histoire du dauphiné, page 148.
- Histoire de Grenoble, Vital Chomel, Editions Privat, p.68,123,126,223
- XIIIe siècle, la partie est de l'enceinte romaine avait été supprimée pour l'agrandissement vers la Tour de l'Isle au XIIIe siècle. Au
- Sans la digue Marcelline, le Drac se déverserait dans la plaine au niveau de l'actuelle usine chimique de Pont-de-Claix.
- Auguste Bouchayer, Le Drac dans la plaine de Grenoble, page 152.
- Cette place prendra le nom de place de la marée vers 1700, puis place Marat à la Révolution et enfin place aux Herbes.
- Histoire illustrée des rues de Grenoble, page 116.
- Henry Rousset et Édouard Brichet dans Histoire illustrée des rues de Grenoble, page 118.
- Vital Chomel, Histoire de Grenoble, page 127.
- Grenoble le patrimoine au cœur, édité par la ville de Grenoble p51
- La rue qui accédait à ce Séminaire porte toujours le nom de rue du Vieux Temple.
- Vital Chomel, Histoire de Grenoble, page 134.
- Denis Cœur, La plaine de Grenoble face aux inondations, pages 22 et 23.
- page 85. Selon le dictionnaire généalogique, héraldique, chronologique et historique
- Jean-Joseph-Antoine Pilot de Thorey, Histoire de Grenoble et ses environs, page 219.
- Auguste Bouchayer, Le Drac et ses affluents, revue de géographie alpine, 1925, page 333.
- Petite histoire du Dauphiné , Félix Vernay, 1933, p. 97
- Selon Alphonse Vernet dans Histoire populaire et anecdotique de Grenoble.
- Paul Dreyfus, Histoire du Dauphiné, page 174.
- L'actuelle église Saint-Joseph a été construite en 1923 pratiquement au même endroit où se situait la première église Saint-Joseph.
- Vital Chomel, Histoire de Grenoble, page 135.
- Gilbert Coffano, Grenoble mémoire en images, page 41.
- Petite histoire du Dauphiné , Félix Vernay, 1933, p. 98
- La première caserne de Bonne était située sur l'actuelle place Victor Hugo.
- Selon Denis Coeur dans la plaine de Grenoble face aux inondations, page 8. (Les autres crues étant classées en événement fort et événement faible ou moyen)
- Paul Dreyfus, Histoire du Dauphiné, page 191.
- Bibliothèque dauphinoise. Selon la
- Selon Bernard Bligny, histoire du Dauphiné, page 306.
- Joseph Chanrion par l'union de quartier Mutualité-Préfecture.
- Paul Dreyfus, Histoire du Dauphiné, page 214.
- Henry Rousset et Édouard Brichet, Histoire illustrée des rues de Grenoble
- site officiel de la bibliothèque Selon
- Michel Soutif, Grenoble, carrefour des sciences et de l'industrie, page 7.
- Selon Claude Muller et Gaston Magi dans L'Isère 1900-1920, mémoire d'hier, page 18.
- Les bâtiments de ce petit séminaire sont actuellement des locaux du Lycée Vaucanson.
- Petite histoire du Dauphiné , Félix Vernay, 1933, p115
- Michel Soutif, Grenoble, carrefour des sciences et de l'industrie, page 30.
- Jean-Joseph-Antoine Pilot de Thorey, Histoire de Grenoble et ses environs, page 256.
- Vital chomel, Histoire de Grenoble, page 262.
- César Debelle, né à Voreppe le 27 novembre 1770, général de brigade, était le père du peintre dauphinois Alexandre Debelle.
- Seules deux échauguettes furent conservées sur la colline et une pour la ville, toutes trois encore visibles.
- base d'ouvrages en service au XIXe siècle Selon
- Auguste Bouchayer, Le bassin du Drac, Revue de géographie alpine, volume 13, 1925, page 553.
- Archives municipales, registre des conseils municipaux de 1874.
- Henry Rousset et Édouard Brichet, Histoire illustrée des rues de Grenoble, page 107.
- Selon Histoire contemporaine de Grenoble et de la région dauphinoise, page 44.
- Selon le livre Grenoble autrefois de Claude Muller, page 51.
- Selon Albert et André Albertin, Histoire contemporaine de Grenoble et de la région dauphinoise, page 440.
- Selon Jean-François Parent dans le catalogue de l'exposition Le roman des grenoblois 1840-1980, page 26.
- A Monsieur le Maire et à Messieurs les membres du Conseil municipal de la ville de Grenoble, Bibliothèque d'étude de Grenoble, 1854, cote U 7189.
- Archives départementales de l'Isère, cote 1D22.
- XXe siècle et devient la rue Félix Esclangon. Le canal Fontenay sera comblé au début du
- Selon archives départementales de l'Isère, registre de séance du Conseil général du 1er septembre 1861, cote 121 M 26 : Seyssins 1177 habitants sur 185 ha. ; Fontaine 226 habitants sur 106 ha. ; Saint-martin-le-Vinoux 39 habitants sur 101 ha.
- Archives municipales de Grenoble, cote 1D22.
- Archives municipales de Grenoble, cote 6 FI 2023.
- Archives départementales de l'Isère, cote 121 M 26.
- Prison saint-Joseph: site actuel du cinéma Chavant.
- Le rattachement de cette enceinte sud avec celle du général Haxo de 1836 se situe sur l'actuelle place Pasteur.
- En 1966, un terrain d'environ 30 hectares a été acheté à la commune d'Eybens pour préparer l'installation d'Alpexpo, puis de Grand'Place. Ce terrain est complètement urbanisé en 2001 avec la création de la patinoire Pole Sud.
- Cette statue de Napoléon sera transférée en septembre 1870, pendant la Guerre franco-prussienne de 1870, à Laffrey.
- Hector Berlioz. Selon un site d'
- Selon le livre De la houille blanche à la microélectronique, page 25.
- Selon Hervé Bienfait, Bouchayer & Viallet à Grenoble, page 80.
- Selon Jean-François Parent dans le catalogue de l'exposition Le roman des grenoblois 1840-1980, page 36.
- Selon Claude Muller dans l'Isère 1900-1920 mémoire d'hier, page 134.
- L'ouverture de la porte de la Saulaie a entraîné une modification dans le cheminement de l'enceinte Haxo, encore visible actuellement dans le jardin de sculptures du musée de Grenoble.
- Selon un article de Robert Ailloud dans De la houille blanche à la microélectronique, page 67.
- Selon Claude Muller dans L'isère 1900-1920, mémoire d'hier, page 168
- Selon Jean-François Parent dans le catalogue de l'exposition Le roman des grenoblois 1840-1980, page 58.
- L'almanach dauphinois 2009, page 91.
- Bernard Bligny, Histoire du Dauphiné, page 380.
- Vital Chomel, Histoire de Grenoble, pages 372 à 374.
- http://www.ordredelaliberation.fr/fr_ville/grenoble.html
- Selon le livre 1939-1944, Grenoble en résistance, parcours urbains.
- Selon le livre Grenoble, Charles de Gaulle, Isère, page 68.
- Selon le livre Grenoble 40-44 page 9; selon Grenoble en résistance, parcours urbains, page 60; selon le musée de la résistance et de la déportation et selon le bulletin de l'Académie delphinale de novembre 2007.
- Selon le livre du magazine Présences, 1900-2000 un siècle d'économie grenobloise de janvier 2000, page 78.
- Selon catalogue du Musée dauphinois sur l'exposition en 1982 Le roman des grenoblois 1840-1980, page 86.
- 182 hectares à l'origine, selon le livre du magazine Présences, 1900-2000 un siècle d'économie grenobloise, page 98.
- Michel Soutif, Grenoble, carrefour des sciences et de l'industrie, page 31.
- France 3 Selon archives de
- « Grenoble lance le pôle Minatec », Le Figaro, 15 octobre 2007.
- « Nanotechnologies et mégadoutes », Le Courrier, 8 novembre 2006.
- ville de Grenoble Site de la
- Selon Michel Soutif, Grenoble, carrefour des sciences et de l'industrie, page 33.
- Selon Michel Soutif, Grenoble, carrefour des sciences et de l'industrie, page 32.
- Le quartier de Bonne sur Le moniteur
- « Le discours de Grenoble soulève un tollé », Le JDD, 1 août 2010
Bibliographie
- Jean-Joseph-Antoine Pilot de Thorey, Histoire de Grenoble et de ses environs, Baratier frères, Grenoble, 1829
- Henry Rousset et Édouard Brichet, Histoire illustrée des rues de Grenoble, Imprimerie Joseph Baratier, Grenoble, 1893
- Albert Albertin et André Albertin (fils), Histoire contemporaine de Grenoble et de la région dauphinoise, Éditions Alexandre Gratier, 1900
- Auguste Bouchayer, Le Drac dans la plaine de Grenoble de 1280 à 1651, Revue de géographie alpine, 1925
- Bernard Bligny ( dix auteurs sous la direction de), Histoire du Dauphiné, Éditions Privat, Toulouse, 1973
- Claude Muller, Grenoble autrefois, Éditions des 4 seigneurs, Grenoble, 1974
- Vital Chomel, Histoire de Grenoble, Éditions Privat, Toulouse, 1976
- Paul Dreyfus, Histoire du Dauphiné, Librairie Hachette, 1976, (ISBN 2-01-001329-8)
- Jean-François Parent dans le catalogue de l'exposition Le roman des grenoblois 1840-1980, Musée dauphinois, 1982
- Grenoble, Charles de Gaulle, Isère, Édition musée dauphinois, 1990, (ISBN 2-905375-05-1)
- Claude Muller dans l'Isère 1900-1920 mémoire d'hier, Éditions de Borée, 2000, Clermont-Ferrand, 2000, (ISBN 2-84494-044-7)
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- Cécile Gouy-Gilbert et Jean-François Parent, De la houille blanche à la microélectronique, 2003
- 1939-1944, Grenoble en résistance, parcours urbains, sous la direction de Jean-Claude Duclos et Olivier Ihl, Édition Dauphiné libéré, Grenoble, 2004
- Hervé Bienfait, Bouchayer & Viallet à Grenoble, Éditions Dumas-Titoulet, Saint-Étienne, 2004
- Michel Soutif, Grenoble, carrefour des sciences et de l'indutrie, éditions le dauphiné libéré, 2005, ISSN 1273-0173
- Denis Cœur, La plaine de Grenoble face aux inondations, Éditions Quae, Versailles, 2008
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