- Parlement du Dauphiné
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Le Parlement du Dauphiné ou Parlement de Grenoble, est une cour souveraine de justice sous l'Ancien Régime français.
Sommaire
Son origine
Il est créé le 29 juillet 1453[1] par le dauphin Louis II, futur roi Louis XI, lors de son séjour en Dauphiné de 1447 à 1456[2]. Approuvé le 4 août 1455[3] par un édit de Charles VII, père du dauphin, ce troisième parlement de France prend le relais du Conseil delphinal créé par Humbert II le 22 février 1337[4]. C'est donc la principale institution issue de la principauté delphinale[5] qui devient une cour souveraine de justice, dans la mesure où elle juge en dernier ressort sur le fond. Elle va siéger à ses débuts dans le palais delphinal[6] dont il ne reste rien, puis du début du XVIe siècle jusqu'en février 1790 dans un bâtiment spécifique, maintes fois agrandi, le palais du Parlement du Dauphiné, situé à Grenoble.
Au XVIIIe siècle, le ressort du Parlement recoupe les limites du Dauphiné et de l'enclave du pays d'Orange, bien qu'amputé par l'établissement de cours présidiales[7] mises en place à Valence en 1639 et à Gap en 1641.
Ses attributions
En 1558, le Parlement traite six cents causes civiles et trois cents affaires criminelles et patrimoniales[8]. Galères, pendaisons, têtes et poings coupés, la connaissance précise des châtiments infligés à ceux et à celles qui transgressaient les lois du royaume, apporte un éclairage très cru et très dur sur la société de l'époque.
Malgré l'installation à Grenoble d'un intendant en 1679, l'importance du Parlement ne cesse de se renforcer.
Le Parlement a le droit d'enregistrer ou de refuser les édits royaux et de contrôler les actes législatifs, ce qui va l'amener au cours de la deuxième moitié du XVIIIe siècle, à jouer un rôle de contre pouvoir.
Si toutes ces compétences étaient classiques, le Parlement du Dauphiné est en revanche le seul à jouir d'un pouvoir militaire. Il est "commandant-né" de la province. Cela signifie qu'en l'absence du gouverneur et du lieutenant-général, le Premier président du Parlement assure les fonctions de chef de l'armée dans la province. Ce pouvoir est exercé à plusieurs reprises au cours du XVIIIe siècle. À l'inverse, le gouverneur et le lieutenant-général ont droit de séance au parlement, tout comme l'évêque de la ville d'ailleurs[9].
D'autre part, une union existe entre le Parlement et la très ancienne Chambre des comptes de 1368, jusqu'en 1628, où un édit la transforme en cour des comptes. Elle est d'une nature bien différente de la cour des aides.
Sa composition
À sa création, le corps du parlement comprend un président, quatre conseillers, neuf secrétaires, un procureur et un avocat général. Autour de tous ces membres, s'affairent les auxiliaires de justice (avocats, greffiers, huissiers). Jusqu'en 1541, l'institution ne compte qu'un seul Président.
À la fin du XVIIe siècle, le Parlement du Dauphiné compte[10] :
- dix présidents, dont le Premier président
- cinquante-quatre conseillers[11], dont quatre conseillers clerc
- un procureur général
- trois avocats généraux
À partir de 1702, deux chevaliers d'honneur sont attachés à la cour, représentant alors un total de soixante-dix magistrats. La réforme judiciaire de Maupeou, en 1771, réduit le parlement à quarante trois charges mais les offices supprimés sont rétablis trois ans plus tard par Louis XVI.
Avec ses soixante-dix magistrats, la compagnie des officiers du Parlement du Dauphiné est d'une taille moyenne comparée aux autres comme Besançon, Aix-en-Provence, Dijon et Pau. Les compagnies de Bordeaux, Rennes, Rouen, Metz et Toulouse en comprennent une centaine et celle de Paris, plus de deux cents.
Au sommet de la hiérarchie de ces officiers, Monseigneur le Premier président, nommé par le roi pour le représenter. Viennent ensuite les neuf Présidents à mortier[12] qui président les Chambres, reconnaissables à leur coiffure et somptueusement revêtus de leurs longs manteaux d'hermine, et enfin, les conseillers appelés "Maîtres". À l'exception du Premier président et du procureur général désignés par le roi, tous ces notables sont propriétaires de leur charge, qui devient au fil du temps héréditaire, au grand désespoir des familles qui espèrent y placer un fils et acquérir ainsi, la noblesse de robe.
Le parquet, composé des avocats généraux et d'un procureur, est un terme qui vient du fait que ces derniers ne siègent pas à la même hauteur que la cour.
Un personnel subalterne assiste les juges :
- huit secrétaires de chancellerie (greffier en chef)
- huit substituts au parquet
- douze huissiers
Quelques grandes personnalités de ces officiers se sont distinguées au cours de l'histoire du Parlement de Grenoble, comme Guy Pape, auteur du premier livre imprimé en Dauphiné en 1490, Pierre Bucher, également architecte du palais du Parlement du Dauphiné, Claude Expilly, les Prunier de Saint-André, les De Bérulle, Joseph Michel Antoine Servan, la dynastie Rabot avec Ennemond Rabot, Premier Président de 1584 à 1603, Abel Servien, ou encore Denis Salvaing-Boissieu, premier président de la chambre des comptes[13].
Son organisation
Le fonctionnement du Parlement du Dauphiné est atypique de celui des autres parlements car il ne comporte pas de spécialisation entre grand-chambre, tournelle (chambre criminelle), chambres des enquêtes et chambre des requêtes.
Les magistrats sont répartis en quatre chambres numérotées de 1 à 4. Seule la première, toujours présidée par le Premier président, est spécialisée en affaires de police et d'intérêt public. Mais en cas d'affaire importante, elle en réfère aux trois autres et c'est en chambres assemblées que se règlent les problèmes.
Le jour de la rentrée du parlement, les présidents choisissent selon l'ordre d'ancienneté, la chambre dans laquelle ils vont servir. Trois présidents servent dans la première chambre et deux, dans les trois autres chambres. De leur côté, les conseillers servent ensemble par groupe (deux groupes de treize et deux groupes de quatorze), mais leur groupe change de chambre par roulement chaque année, d'où l'utilité de la numérotation des chambres.
L'année judiciaire commence le 12 novembre et se termine le 9 septembre. Après cette date, c'est la chambre des vacations qui prend le relais pendant deux mois. D'autres courtes périodes de vacances existent comme la semaine après les rameaux, la semaine de Pentecôte, la veille de Saint-Thomas et le lendemain des Rois.
Durant les vacances du parlement, la chambre des vacations, composée de deux présidents et de vingt deux conseillers, s'occupe des affaires civiles et criminelles urgentes, mais n'a pas compétence sur les affaires publiques.
Une fin révolutionnaire
Au cours de l'année 1788, le Parlement de Grenoble proteste contre les édits de Loménie de Brienne, ministre de Louis XVI, prévoyant de lever de nouveaux impôts et de réduire le pouvoir des parlements. Le parlement est alors mis en vacances, et le duc de Clermont-Tonnerre, lieutenant général de la province, fait enregistrer ces édits par la force le 10 mai 1788.
Les parlementaires se réunissent néanmoins le 20 mai au domicile du Premier président, Albert de Bérulle, lequel proclame que, si les édits de Loménie de Brienne sont maintenus, leur enregistrement serait illégal et que « le Parlement du Dauphiné se regarderait comme entièrement dégagé de sa fidélité envers son souverain ».
En réponse, le 7 juin 1788, le duc de Clermont-Tonnerre, Lieutenant général du Dauphiné, confie à des patrouilles de soldats des lettres de cachet à remettre aux parlementaires dauphinois pour leur signifier un exil sur leurs terres. Mais le tocsin sonne. La population est rameutée par les auxiliaires de justice, particulièrement fâchés de perdre le Parlement, qui est leur gagne-pain. Des Grenoblois s'emparent alors des portes de la ville, d'autres, montés sur les toits, jettent des tuiles et divers objets sur les soldats. Le sang coule, et vers la fin de l'après-midi, les émeutiers, maîtres de la ville, réinstallent les parlementaires à l'intérieur du palais du parlement. La journée des tuiles vient de se s'achever et avec elle, s'amorce la Révolution française. Les provinces du pays sont bientôt divisées en 83 départements et le parlement du Dauphiné, comme tous les autres, est dissous et devient un palais de justice.
Voir aussi
Bibliographie
- Jean-Joseph-Antoine Pilot de Thorey, Histoire de Grenoble et ses environs: depuis sa fondation sous le nom de Cularo, Edition Baratier frères, Grenoble, 1829
- Auguste Prudhomme, Histoire de Grenoble, Ed. Alexandre Gratier, Grenoble, 1888,
- Olivier Cogne, Rendre la justice en Dauphiné, Presse Universitaire de Grenoble, 2003, ISBN 2-7061-1175-5.
- Anne Cayol-Gerin et Marie-Thérèse Chappert, Grenoble, richesses historiques du XVIe au XVIIIe siècle, Éditions Didier Richard, 1991, ISBN 2-7038-0075-4.
Liens externes
- Le Parlement de Grenoble dans l'Encyclopédie, ou, Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers (1778)
- Les recueils d'arrêts du parlement de Grenoble, sur Fontes Historiae Iuris, bibliothèque numérique en Histoire du droit
Notes et références
- Bulletin d'archéologie et de statistique de la Drôme, 1900, p. 129
- Histoire de Grenoble. Auguste Prudhomme, 1888.
- Histoire des Dauphinois des origines à nos jours, 1978, p. 60 Louis Comby,
- Ferdinand Lot, Robert Fawtier, Michel de Boüard, Histoire des institutions françaises au Moyen Âge, 1957, p. 149
- traité de Romans du 30 mars 1349 Rattachée à la France par le
- Grosse maison d'un étage, dotée de treize chambres à coucher, deux cuisines, un cellier et une réserve
- Cour de dernière instance dans certains cas ou pour certaines sommes
- Selon A. Cayol-Gerin & M.T. Chappert dans leur livre p.78
- XVIIIe siècle, dans C. Denys M. Gautier, Sur la prérogative du commandement dans la province attribuée à la présidence du parlement à Grenoble au
- Le Parlement de Dauphiné, René Favier, Presse universitaire de Grenoble, 2001
- Nombre réduit à cinquante et un après 1775.
- Nombre réduit à huit après 1775.
- Histoire de Grenoble et ses environs: depuis sa fondation sous le nom de Cularo, page 316.
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