- Villeneuve de Grenoble
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La Villeneuve est le quartier le plus au sud de la ville de Grenoble. Si la Villeneuve est la plus importante opération d’urbanisme qu’ait connu Grenoble, elle est aussi celle qui aura suscité le plus d’intérêt et de polémique.
En 1973, le journal « Le Monde » titrait un article sur la Villeneuve de Grenoble : « Un grand ensemble réussi ? ». En 2009, dans un article sur Grenoble, le même journal évoquait la Villeneuve comme « le symbole décrépi du socialisme municipal ».
Sommaire
Historique
Grenoble dans les années 1960 connaissait à la fois une expansion démographique exceptionnelle, un sous-équipement chronique et une nette situation d’enclavement. La construction anarchique correspondait tellement mal à la demande que quelques milliers de logements en accession restaient vides faute d’acquéreurs solvables alors qu’une demande égale en locatif restait insatisfaite.
Après plusieurs tentatives pour donner à l’agglomération un plan d’aménagement cohérent, l’Etat désignait Henri Bernard, grand prix de Rome, comme urbaniste; mesure d’autant plus nécessaire que Grenoble venait d’être choisie comme ville d’accueil des Jeux olympiques d'hiver de 1968.
Simultanément, les villes de Grenoble et d’Échirolles, mitoyennes, décidaient de créer chacune une Zone à Urbaniser en Priorité sur un vaste espace entre les deux communes occupé par l'Aéroport de Grenoble-Mermoz. Chacune désignait un architecte en chef, Grenoble choisissant l’urbaniste chargé du plan d’aménagement de l’agglomération. Celui-ci remit ses projets début 1965.
Approuvés par l’Etat, ils furent rejetés par la commune d’Echirolles et l’opposition municipale à Grenoble.
Or les élections de mars 1965 reconduisirent la municipalité d’Echirolles et amenèrent au pouvoir l’opposition grenobloise. De nouveaux projets devenaient possibles d’autant que se constitua rapidement un syndicat intercommunal pour l’étude des problèmes d’urbanisme, groupant toutes les communes de l’agglomération et qu’était mise en place une agence d’urbanisme, municipale puis d’agglomération.
La Villeneuve dans l’agglomération
Les deux municipalités de Grenoble et d’Échirolles décident d’étudier leurs deux ZUP dans le cadre du Schéma Directeur de l’Agglomération et selon un plan d’aménagement commun, chacune se réservant de réaliser son opération en fonction de ses besoins propres.
L’esquisse d’aménagement des deux ZUP est approuvée par les deux communes en 1967. Cohérente avec le Schéma Directeur de l’agglomération, elle propose de créer, à la jonction des deux communes, une zone centrale destinée à accueillir :
- les équipements et services nécessaires à toute la partie sud de l’agglomération
- un centre secondaire destiné à accueillir également les grands équipements d’agglomération ne pouvant trouver leur place dans le centre ville.
Sur chacune des deux communes, trois quartiers de deux mille logements chacun sont reliés à ce centre et accompagnés de zones d’activités.
Ces projets intègrent évidemment les dispositions prévues précédemment pour la bonne tenue des Jeux Olympiques, dont le village d’accueil.
La mise en place
La municipalité de Grenoble, conduite par Hubert Dubedout, confie à l’Agence d’urbanisme le programme de sa ZUP et à l’Atelier d'urbanisme et d'architecture le parti architectural.
Elle confirme la SADI (Société d’Aménagement de l’Isère) comme aménageur; puis précise ses objectifs :
- mixité des logements,
- simultanéité de mise en service des logements et d’une large gamme d’équipements publics,
- priorité aux transports en commun et aux cheminements piétons,
- création de zones d’emplois les plus intégrées possible aux quartiers et au centre, construction par tranche correspondant à la totalité d’un quartier,
- constitution sur place d’une équipe commune à tous les organismes impliqués dans les études et la réalisation : l’équipe Villeneuve[1].
Le choix du projet
Fin 1967, le Conseil Municipal choisit, parmi trois projets d’urbanisme qui lui sont proposés, celui qui correspond le mieux à ses objectifs.
Au nord du « centre secondaire », deux quartiers constitués d’immeubles assez hauts pour dégager entre eux un grand parc, mais de hauteurs variables et formant un ensemble permettant de disposer du rez-de-chaussée pour une galerie piétonne reliant logements et équipements au centre.
Côté parc, les équipements collectifs, côté opposé les accès voitures et les transports en commun. Un troisième quartier est prévu à l’est du centre.
Chacun de ces quartiers est accompagné de petites zones d’accueil d’activités ou de services. Le « centre » lui-même est accessible côté Echirolles et côté Grenoble par les cheminements piétons issus des quartiers. Il accueille la gare des transports en commun qui longent les quartiers. Des parkings publics sont prévus sous la dalle piétonnière sur laquelle il est bâti.
Ce projet est approuvé par l’Etat début 1968.
Les équipements publics
L’équipe Villeneuve poursuit alors les études, en particulier pour les équipements publics de quartier selon les orientations municipales. Il s’agit des équipements correspondant aux besoins quotidiens des habitants au delà des découpages par ministères financeurs, ce qui implique bientôt un arbitrage de la DATAR (Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale) et la création des « équipements intégrés », chaque ministère versant sa participation à un ensemble commun, sans exiger une propriété spécifique de bâtiments.
L’objectif était en effet d’abord une série d’innovations dans les programmes des équipements éducatifs, de santé et autres, innovations qui n’étaient pas acceptés par chacun des ministères.
La réalisation
Mis en chantier en 1970, le premier quartier, dénommé l’Arlequin[2] en référence à ses façades colorées, est habité en avril 1972, avec la moitié adjacente du parc Jean Verlhac et les équipements collectifs prévus. La répartition des logements est sensiblement conforme aux objectifs de mixité, mais son architecture innovante dans des logements accessibles par de longues coursives, souffre quelque peu d’un financement insuffisant.
les quartiers
La première tranche du Centre secondaire de l’agglomération, commun aux deux ZUP de Grenoble et d’Echirolles, est mise en service en 1975 avec le centre commercial Grand'place, des bureaux et des équipements d’agglomération.
Le deuxième quartier, les Baladins, est habité entre 1978 et 1981 en même temps que l’achèvement du parc. Si le schéma d’urbanisme est proche de celui de l’Arlequin, son architecture est plus diversifiée et son programme d’équipements tient compte des enseignements tirés du premier quartier.
Les zones d’activités accueillent progressivement activités de service et grandes entreprises de nouvelle technologie comme Bull.
de 1983 aux années 2000
En 1983, la municipalité d’Union de la gauche n’est pas reconduite. La nouvelle équipe abandonne la construction du troisième quartier et modifie quelque peu le contenu des zones d’activités.
En 1987, la première ligne A de tramway de l’agglomération, prévue dès la fin des années 1970, remplace la ligne d’autobus 15. Elle traverse la Villeneuve du nord au sud, avec deux arrêts et arrive dans la gare centrale qui est modifiée en conséquence.
Progressivement, dans les années 1990 et 2000, le centre se complète avec des bureaux et des équipements d’agglomération comme la Patinoire Pôle Sud. Les anciennes zones industrielles, non comprises dans la ZUP, accueillent un nouveau quartier : Vigny-Musset, achevant ainsi de souder la Villeneuve au tissu urbain résidentiel grenoblois.
Pour mémoire les municipalités successives d’Echirolles maintiendront leur programme et termineront le troisième quartier et les zones d’activités et de services au début des années 1980.
La Villeneuve : image et vécu
Plus importante peut-être que l’histoire de sa réalisation est celle de son vécu. Dès sa création, pour tous ses aspects innovants, la Villeneuve fut la cible de multiples critiques, dont celle, systématique, de l’opposition municipale. Trente cinq ans plus tard il convient d’être nuancé.
- D’une part parce que ni la société française ni la société grenobloise ne sont les mêmes en 2009 qu’au milieu des années 1960. Aux "trente glorieuses" a succédé la crise. Les aspirations d’ouverture et d’acceptation des différences ont fait place au repli sur soi et à la hantise de la sécurité. A la croissance a succédé le chômage, en particulier des jeunes, partie importante de la population dans ces quartiers les plus jeunes de Grenoble.
- D’autre part, parce qu’après la période de création d’un mode de vie qui se voulait nouveau et l’enthousiasme militant que cela impliquait, est venue la période où la municipalité en place de 1983 à 1995 a considéré la Villeneuve comme le quartier d’accueil privilégié des populations en difficultés[réf. nécessaire], entraînant un certain retrait des classes moyennes sur qui reposait en grande partie l’ouverture sociale. L’abandon, dans certains équipements, des programmes expérimentaux en ont changé la perception, voire l’utilisation, par les groupes sociaux qui en avaient porté la conception.
Enfin, un sous entretien des logements sociaux et des équipements collectifs en a dégradé l’image. Les efforts, parfois timides, parfois d’ampleur inapplicable, entrepris depuis 1995, n’ont pas permis de rattraper partout une certaine dégradation du bâti. Les problèmes inhérents aux quartiers dont une partie de la population est en difficulté, sont apparus.
Toutefois, la Villeneuve reste un quartier apprécié[3] de ses habitants pour la qualité des logements, l’agrément du parc, la multiplicité de ses équipements et la vigueur de ses associations. Mais son image à l’extérieur pâtit de celle des « grands ensembles ».
Le quartier a été secoué en juillet 2010 par de violentes émeutes et affrontements avec la police, faisant suite à une fusillade entre des braqueurs et la police au cours de laquelle un malfaiteur est décédé.
Voir aussi
Liens externes
Bibliographie
- René Jullian : Histoire de l’architecture moderne en France, ed Philippe Sers 1984, pages 238 sqq.
- Jacques Joly, Jean-François Parent : Grenoble de 1965 à 1985, paysage et politique de la ville, PUG 1988.
- Jean-François Parent, Jean Louis Schwartzbrod : Deux hommes, une ville :Grenoble, La Pensée Sauvage 1995.
- J.Joly : Formes urbaines et pouvoir local ,Grenoble dans les années 1960-1970, Presses Universitaires du Mirail 1995.
Notes et références
- chef de projet Jean-François Parent qui a donné le fond de cet article
- La galerie de l'Arlequin est construite à l'emplacement même du stade où se sont déroulées les cérémonies d'ouverture et de clôture des jeux olympiques de 1968.
- Villeneuve de Grenoble, la trentaine, paroles d’habitants, Hervé Bienfait; éditions Cnossos; 2005.
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