Marquisat de Flandre

Marquisat de Flandre

Comté de Flandre

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Comté de Flandre


866 — 1795

Blason Nord-Pas-De-Calais.svg
Armoiries

Le comté de Flandre vers 1350
Le comté de Flandre vers 1350

Informations générales
 Statut Fief du royaume de France, ensuite province des Pays-Bas espagnols, puis autrichiens
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Population
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Superficie
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Histoire et événements
 866 Baudouin Bras de Fer devient marquis de Flandre.
 1529 Par le traité de Cambrai, la Flandre cesse d'être un fief du royaume de France.
 1549 Par la Pragmatique Sanction, la Flandre intègre les Dix-Sept Provinces.
 1795 La France annexe les Pays-Bas autrichiens.
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Pouvoir législatif
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Entité précédente Entités suivantes
Pagus Flandrensis, pagus Wasiae, pagus Gandensis, pagus Curtracensis, pagus Tornacensis, pagus de Carembault, pagus Medenentensis, pagus de Pévèle Pagus Flandrensis, pagus Wasiae, pagus Gandensis, pagus Curtracensis, pagus Tornacensis, pagus de Carembault, pagus Medenentensis, pagus de Pévèle
Escaut (département) Escaut (département)
Lys (département) Lys (département)

La Flandre désignait autrefois un comté, l'une des principautés du royaume de France, aux frontières durement disputées depuis sa création au IXe siècle jusqu'en 1384, date de la mort du comte Louis de Male. Le comté fut ensuite progressivement intégré aux Pays-Bas bourguignons et fut détaché du royaume de France en 1526. Louis XIV en conquit une partie sur les Espagnols. Le comté cessa d'exister en 1795 après la conquête française des Pays-Bas autrichiens.

Sommaire

Territoire

Carte du comté de Flandre en 1609 par Matthias Quad (cartographe) et Johannes Bussemacher (graveur et éditeur, Cologne).

Le territoire du comté de Flandre ne correspond que très partiellement au territoire de la Flandre belge actuelle. Il était situé géographiquement plus à l'ouest (les provinces actuelles de Brabant-Flamand, d'Anvers et de Limbourg n'en faisaient pas partie).
Le comté de Flandre est traversé par la frontière linguistique entre dialecte thiois (Bruges, Gand, Ypres, Dunkerque) et latin vulgaire (Tournai, Lille, Douai).

La Flandre historique s'étend sur :

L'Artois, au sud, en fut détaché en 1191 et érigé en comté en 1237.

Histoire

Époque romaine et haut Moyen Âge (avant 866)

Du temps des Romains, le territoire du comté de Flandre, qui faisait partie de la Gaule belgique, était occupé par les Morins, les Ménapiens, par une partie des Nerviens et au sud quelques Atrébates. Ces peuples opposèrent une vive résistance à Jules César ; les Nerviens et les Éburons ont réduit en pièces une légion entière et exterminé la moité d'une autre avant de se soumettre complètement aux Romains.

Le christianisme y fut introduit, sous Maximien et Dioclétien, par Piat de Tournai, Chrysole de Comines et Eucher de Maastricht, tous trois martyrs. En 445, Clodion le Chevelu, chef des Francs, vainqueur des Romains, envahit cette contrée et prit Tournai et Cambrai. À cette invasion succédèrent, en 449, les ravages d'Attila.

Roi dans la région depuis 486, Clovis Ier s'était emparé de tout le pays en 510. Sous ses descendants, le territoire fit partie de la Neustrie et fut administré par des gouverneurs dits Forestiers.

Les Flandræ sont citées dans la Vie de saint Éloi, dont l'auteur, saint Ouen, est mort en 683[1]. Encore ne s'étendaient-elles à cette époque qu'à un territoire proche de Bruges.

Aux temps des Carolingiens quelques familles puissantes occupaient les charges comtales et abbatiales dans la région (c'est le cas des Unrochides par exemple), mais elles n'étaient pas implantées uniquement dans la région.

Origines et accroissement du comté (866-1128)

Les Baudouin fondent et développent le comté de Flandre. À partir de la région de Bruges, ils étendent son territoire en luttant contre les Normands, en captant l'héritage des lignées carolingiennes et en s'imposant à leurs voisins. Les partages successifs de l'empire de Charlemagne (Verdun 843, Ribemont 880) et surtout les invasions normandes ont déstructuré et fragilisé cette région. Dans le royaume de France (Francia occidentalis, ouest de l'Escaut), le pouvoir s'est plus vite fragilisé qu'à l'Est. L'incapacité royale à lutter contre les Normands et leurs ravages a entraîné la montée en puissance de pouvoirs locaux avec lesquels la population espérait pouvoir être protégée. Le principat de Baudouin V marque l'apogée de la première Flandre. Ses successeurs accompagnent l'essor économique qui s'appuie sur le tissage de la laine.

Baudouin Bras de Fer

Le fondateur de la lignée des comtes de Flandre est Baudouin Bras de Fer. Il s'agissait d'un comte fonctionnaire et son comté primitif correspondait sans doute aux doyennés de Bruges, d'Oudenburg et d'Aardenburg, alors que d'autres fonctionnaires royaux se partageaient la région qui devint plus tard le marquisat de Flandre[2].

Les Flandres (car la forme plurielle est presque seule utilisée au IXe siècle) semblent avoir formé une zone de défense maritime analogue au littus saxonicum romain. Quand les Normands vinrent ravager la Gaule, la tâche du comte de Flandre fut de les repousser ; les estuaires, nombreux à cette époque, et spécialement le Zwin et le Sinkfal, au voisinage desquels Bruges apparaît dès lors, étaient les refuges naturels de la petite flotte destinée à surveiller la côte[3].

Lorsque le traité de Verdun eut, en 843, donné l'Escaut pour limite au royaume occidental, Charles le Chauve reprit la tradition de Charlemagne, et, dans cet angle avancé de ses États, il constitua un gouvernement militaire embrassant, sous le nom de marche, toute une série de cantons. Ce fut l'origine du marquisat de Flandre dont le premier titulaire fut Baudouin[4]. Le titre de marquis de Flandre tombera en désuétude au début du XIIe siècle, suite à la disparition de ce titre dans la hiérarchie nobiliaire du royaume de France[5].

Baudouin avait enlevé en 862 la princesse Judith, fille du roi Charles. Ce rapt lui valut d'abord l'excommunication, mais, grâce à l'intervention du pape Nicolas, il obtint son pardon, probablement en 864 ; ce ne fut guère cependant qu'en 866 que Baudouin fut investi de sa dignité nouvelle[6]. C'est probablement à son mariage avec Judith que Baudouin doit sa fortune.

Enguerrand, comte de Gand, et Régnier, comte du Mempisque, venaient d'être disgraciés ; il est probable que d'autres fonctionnaires royaux se maintinrent quelque temps encore dans les pagi voisins.

Le marquisat de Flandre trouve au IXe siècle son assise territoriale le long de la vallée de la Lys, à l'ouest de l'Escaut, entre Bruges et l'actuelle Saint-Omer. Il occupe des terres progressivement libérées par la mer qui recouvraient en grande partie cette région jusqu'alors. Il comprit en effet, dès sa formation, les pagi de Waes, de Gand, de Courtrai, de Tournai, le Carembault, le Mélantois, la Pévèle, et peut-être aussi une partie du diocèse de Thérouanne (Ternois, Boulonnais, Mempisque au sens restreint, entre l'Yser et l'Aa). L'ancien pays des Atrébates (pagus Atrebatensis, Ostrevent, pagus Scarbeius et pagus Leticus) n'en faisait pas partie[7]. Ces pagi formant le marquisat de Flandre seront unis par le successeur de Baudouin Bras de Fer.

Vers le nord, les Quatre-Métiers faisaient partie du diocèse d'Utrecht, et avec toute la Frise occidentale, ils appartenaient au royaume de Lothaire. La frontière, de ce côté, ne fut pas modifiée durant tout le Moyen Âge ; les territoires d'Axel, Hulst, Boekhoute et Assenede formaient encore de véritables îlots ; la mer pénétrait plus profondément à l'intérieur des terres. Oostburg, « le château de l'est », est la forteresse qui couvre le marquisat sur cette limite orientale. Sur l'Escaut même, le royaume germanique semble avoir conservé un poste avancé qui, au confluent de la Lys, lui donnait pied sur la rive gauche[8].

À la mort de Baudouin Bras de Fer (879), l'hérédité de la charge a été reconnue par le roi. Sa famille conservera la Flandre jusqu'en 1119, puis de 1191 à 1280.

Baudouin II

Baudouin II, dit le Chauve, qui succéda en 879 à son père, fonde véritablement la puissance flamande. Si les Normands ravagent sévèrement la contrée (879-883), il hérisse le comté de forteresses (bourgs), où la population peut se réfugier. Politiquement, il tente de capter l'héritage des Unrochides, éventuellement par le meurtre, et y parvient partiellement (acquisition de l'abbaye Saint-Bertin à Saint-Omer). Il sut mettre à profit les dissensions qui affaiblissaient l'autorité royale pour agrandir son territoire. On le voit faire d'abord opposition à Eudes, puis le reconnaître, prendre le parti de Charles le Simple, enfin, se tournant avec son frère vers la Lotharingie, passer dans le camp de son roi Zwentibold, fils d'Arnulf de Carinthie[9].

Le grand pagus Atrebatensis n'était pas encore rattaché à la Flandre. L'abbaye de Saint-Vaast, qui était en même temps la citadelle d'Arras, se trouvait entre les mains du comte Raoul, cousin de Baudouin et probablement fils d'Évrard (de Frioul) et de Gisèle, sœur de Charles le Chauve[9].

Quand Raoul mourut, en 892, Baudouin s'empara de la place, avant que le roi Eudes eût pu en disposer. Baudouin, frappé d'excommunication, n'en brava pas moins le roi qui vint mettre le siège devant Arras, mais qui finit (895) par en reconnaître la possession au comte dont il désirait se ménager l'appui[10].

En 899, Charles le Simple, à qui la mort d'Eudes avait valu l'adhésion unanime des grands, réussit à expulser Baudouin du château d'Arras, et il le remit au comte Aumer ; l'archevêque Foulques de Reims avait énergiquement combattu les prétentions de Baudouin et celui-ci, par vengeance, n'hésita pas à le faire assassiner (17 juin 900). Il ne récupéra pourtant ni Saint-Vaast, ni le pays d'Arras, qui demeurèrent à Aumer et à son fils Aleaume jusqu'en 931[11].

Baudouin II acquit le Ternois vers 900. À la mort de Raoul, un Unrochide qui était comte de Ternois et abbé laïc de Saint-Bertin, Baudouin II, qui était son cousin, réclama du roi l'abbaye ; les religieux, qui le redoutaient, invoquèrent l'intervention de leur ancien abbé Foulques, devenu archevêque de Reims. C'est alors que Baudouin fit assassiner Foulques (17 juin 900) ; il réussit néanmoins à obtenir de Charles le Simple le titre d'abbé laïque et probablement aussi le comitatus[12]. Il réussit également à imposer sa suzeraineté sur le Boulonnais, probablement vers 896[13].

Arnoul Ier

À la mort de Baudouin II, son fils puîné Adalolphe (Allou) reçut en apanage le Ternois et le Boulonnais. Arnoul (918-965), l'aîné, eut la Flandre avec le titre de marquis, puis en 933, à la mort d'Adalolphe, l'héritage entier[14].

Arnoul reprit les tentatives de son père avec plus de succès. Ce n'est pas sans motif que l'histoire l'a surnommé le Grand. Il a consolidé et étendu son héritage ; par une politique habile, énergique, non exempte de duplicité et qui ne reculait pas devant de criminelles violences, il a tiré parti du désarroi dans lequel se trouvait, au Xe siècle, la monarchie française, et il a su à propos s'appuyer sur la Germanie à laquelle l'avènement de la maison de Saxe préparait un rôle important[15].

Arnoul Ier verra, en France à la déposition de Charles le Simple, le court triomphe de son vainqueur Robert Ier, le règne de Raoul de Bourgogne, gendre de Robert, la restauration de Louis IV, enfin, dans sa vieillesse, l'avènement de Lothaire, qui semble avoir reçu de sa mère Gerberge un peu de l'énergie saxonne, et qui donnera un dernier éclat à la dynastie carolingienne. Mais dans ces luttes où son suzerain est toujours directement intéressé, il ne songera qu'au marquisat de Flandre, fortifié par l'appui de l'Allemagne, et il ne prendra lui-même la défense de Louis IV contre Hugues le Grand que d'accord avec Otton[16].

Arnoul soutient d'abord les adversaires du roi de France, et il s'allie contre lui avec Héribert II de Vermandois, dont il épouse, en 934, la fille Adèle ; quand Louis IV, sollicité par Gislebert et d'autres mécontents, tente, en 938 et 939, de se remettre en possession de la Lotharingie, il prend rang avec Héribert, avec Hugues le Grand et le duc Guillaume de Normandie, dans le camp opposé. Il a son rôle au traité de Visé (942), qui réconcilie les deux monarques, et comme Otton soutient désormais la cause de Louis, devenu son beau-frère, il l'accompagne dans l'expédition que fait, en 946, l'armée allemande contre Hugues le Grand[17].

Les territoires qu'Arnoul Ier convoite en France sont l'Artois, l'Ostrevent, l'Amiénois, le Ponthieu[18].

À Arras dominait le comte Aleaume ; il paraît avoir pris parti, avec Héribert de Vermandois, contre le roi Raoul qui vint, en 931, assiéger la place. Aleaume fut tué à Noyon en 933. Arnoul, qui s'était mis en possession de son comté, le conserva jusqu'à la fin de son règne[19].

Quant à l'Ostrevent, Arnoul parvient dès 931 à déloger Roger II de Laon et ses frères de la place de Mortagne. C'est probablement en 943, à la mort du comte Raoul le Jeune, qu'Arnoul de Flandre parvint à occuper également Douai ; le reste de l'Ostrevent conserva encore ses comtes particuliers[20].

Sur la Canche, Arnoul avait aussi remporté des succès ; il s'était emparé, en 939, de Montreuil, clef du Ponthieu, et fief du comte Hélouin, fils de Helgaud ; mais l'intervention du duc Guillaume de Normandie permit à Hélouin de le reprendre. Le ressentiment d'Arnoul se traduisit bientôt par l'assassinat de Guillaume que perpétra le chambellan du comte de Flandre[21].

Après la mort de Hélouin (945), comme Arnoul s'était réconcilié avec Louis IV, il put faire valoir de nouveau ses prétentions sur Montreuil, que le roi et le comte attaquèrent ensemble et qu'Arnoul, en 948, parvint à enlever à Roger, fils de Hélouin[22].

Restait le château d'Amiens, que Louis IV avait donné à Hélouin, en 944, pour compenser la perte de Montreuil. Arnoul s'y fit recevoir par les habitants en 949, mais il le perdit bientôt[23].

C'est également sous Arnoul Ier qu'un chef danois, nommé Siegfried, avait pris possession d'une partie du Boulonnais. Sa vaillance, son attitude chevaleresque avaient fait sur le comte une si forte impression qu'il lui avait permis d'y demeurer. Ce Siegfried avait ensuite épousé ou simplement séduit Elstrude, la fille d'Arnoul[24].

Guerriers, ces grands seigneurs sont aussi pieux. Ainsi Arnoul Ier soutient-il le mouvement monastique et la réforme religieuse.

La mort prématurée de Baudouin III

Vieilli et miné par la maladie, Arnoul céda le pouvoir à son fils Baudouin III dès qu'il fut en âge de le seconder, mais un coup terrible le frappa. Baudouin III fut enlevé par la petite vérole, le 1er janvier 962. De son union avec Mathilde de Saxe, Baudouin III ne laissait qu'un enfant en bas âge. Force fut au vieux comte de reprendre les rênes du gouvernement. En mourant, il désigne comme tuteur de son petit-fils l'un de ses parents, Baudouin Bauces[25].

En 962 les enfants d'Adalolphe de Boulogne avaient réussi à récupérer grâce au soutien du roi Louis IV le comté de Boulogne ayant appartenu à leur père pour l'un d'entre eux, Arnoul II de Boulogne, mais dans la dépendance du comté de Flandre.

La situation de la Flandre n'était plus la même que trente ans auparavant. Le jeune Lothaire de France, monté sur le trône en 954, avait obligé Arnoul Ier à résigner sa terre entre ses mains, probablement à cause de l'attitude du comte vis-à-vis d'Otton[26].

Arnoul avait su donner à la Flandre une étendue et une cohésion qui était de nature à inquiéter son suzerain. Par ses relations avec ses voisins du royaume allemand, avec le comte de Cambrai, avec le comte de Frise occidentale, il avait pris une allure d'indépendance que le roi pouvait, non sans raison, trouver menaçante[27].

Il faut noter que les évêques ne purent jamais jouer en Flandre le rôle que prenaient à cette époque les prélats lotharingiens. Les villes de la région flamande avaient été, par l'occupation germanique, réduites à un tel état d'affaiblissement qu'elles ne pouvaient servir de point d'appui à la puissance d'un évêque. Les sièges de Tournai, d'Arras avaient été supprimé au VIe siècle : Tournai fut réuni à Noyon jusqu'en 1146, Arras à Cambrai jusqu'en 1093 ; Thérouanne, qui avait conservé son titulaire, demeura toujours un village. Pendant la période où se consolida la puissance des comtes, les évêques ne purent donc tenter de rivaliser avec eux. C'est l'une des causes, et non la moindre, de des progrès réalisés par l'autonomie flamande[28].

Lothaire voulut sans doute essayer de réagir. Il n'osa cependant pousser les choses jusqu'à la confiscation et il reconnut Arnoul II comme successeur de son grand-père[29].

Arnoul II

La Flandre était mutilée. Lothaire, dès 965, l'avait envahie ; il avait obligé les vassaux du comte à lui rendre hommage et avait gardé par devers lui l'Artois, l'Ostrevent, tout le pays jusqu'à la Lys. C'était les conquêtes d'Arnoul Ier qu'il annulait[30].

Arnoul II concéda définitivement la terre de Guînes à son cousin Ardolf, fils de Siegfried et d'Elstrude, en lui donnant rang de comté[31].

Baudouin IV

La minorité comtale de Baudouin IV ne viendra pas réellement affaiblir la puissance des Baudouinides. Les Carolingiens de France s'étaient éteints en 987. Hugues Capet était monté sur le trône, mais son autorité était loin d'être affermie. Il s'était hâté de recevoir l'hommage de Baudouin et il avait fiancé son fils Robert (II) à la veuve d'Arnoul et tutrice de Baudouin IV, Rozala de Provence : le mariage eut lieu en 988 mais ne fut pas heureux ; la princesse, italienne de naissance et sans doute rapidement mûrie, déplut bientôt à son époux, plus jeune, qui la répudia[32].

C'est du côté de la Lotharingie que se tourna l'ambitieuse activité de Baudouin IV. Il avait là, comme voisins, sur la rive de l'Escaut, le comte de Gand (Arnoul, mort en 993, puis Thierry III de Hollande), le comte d'Ename (Godefroid de Verdun) et le comte de Valenciennes (Arnoul), c'est-à-dire les défenseurs des trois marches constituées par Otton Ier sur la frontière de l'empire. Ename était une forteresse que Goderoid avait construite en aval d'Audenarde et qui donna pendant quelque temps son nom à cette région du Brabant occidental[33].

Godefroid avait en outre reçu d'Otton II, en 974, la plus grande partie du Hainaut, dont la portion méridionale, l'ancien pagus de Famars avec Valenciennes, avait été confiée au comte Arnoul[34].

Le comte de Gand, vassal et allié du comte de Flandre, ne semblait pas à ce moment devoir lui donner ombrage. Godefroid de Verdun venait de mourir et avait eu pour successeur dans le Brabant son fils Hermann. Le Hainaut proprement dit, à la fin du Xe siècle, avait été restitué par Otton III à Régnier IV, fils de l'exilé Régnier III. Restait Valenciennes, dont le grand âge du comte Arnoul faisait une proie facile : Baudouin IV, en 1006, réussit à s'en emparer[35].

Pour faire cesser cette usurpation, Henri II se mit d'accord avec le roi Robert II de France que la répudiation de Rozala avait brouillé avec le comte de Flandre. La campagne que les deux princes firent en commun, au mois de septembre 1006, n'aboutit à aucun résultat. Valenciennes demeura à Baudouin qui en profita pour inquiéter l'évêque de Cambrai Erluin, fidèle à la cause de Henri II[36].

Celui-ci reprit les hostilités en 1007 ; mais voyant l'impossibilité de réduire Valenciennes, il marcha sur Gand par Lembeek et Hautem ; il passe l'Escaut, occupe la forteresse impériale, et de cette position il attaque la ville même et ravage les campagnes. Baudouin IV fut contraint de mettre bas les armes et il restitua Valenciennes à l'empire[37].

Néanmoins Henri II ne lui tint pas rigueur ; il paraît avoir reconnu, comme l'avait fait Otton Ier, l'intérêt que l'Allemagne pouvait avoir à s'assurer la sympathie et l'alliance du marquis de Flandre. Il ne tarda pas, en effet, à remettre Valenciennes en fief à Baudouin et il y ajouta plus tard Walcheren, en même temps que les Quatre-Métiers[38]. Le fief de Walcheren comprenait, outre Walcheren proprement dit, Zuid-Beveland, dont Borsele forme la partie sud-ouest, et Wolphaartsdijk (Oostkerke), la partie nord-ouest[39]. Le comte de Flandre prit également à cette époque le château de Gand et le confia à un châtelain[40]. Une Flandre impériale est ainsi constituée : les comtes de Flandre sont dès lors également princes du Saint-Empire.

Henri II mourut en 1024. Son successeur, Conrad II, de la maison de Franconie (1024-1039), n'eut que peu de contact avec la Flandre[41].

À Cambrai, Baudouin IV soutint le châtelain Wautier, qui pillait les biens de l'évêque, et il tenta même, avec son appui, de s'y construire une place forte. Mais l'évêque, sans user de violence, l'amena à renoncer à ce projet (1026)[42].

Les comtes de Flandre s'inquiétaient des agrandissements du Hainaut. La famille des Régnier, qui avait réussi, dans les dernières années d'Otton III, à se remettre en possession de son héritage, venait de s'agrandir dans le Brabant occidental. Le comte d'Ename, Hermann, fils de Godefroid, s'était fait moine à Verdun et il transmit au moins une partie de son fief à son gendre, Régnier V. Par cette acquisition, les comtes de Hainaut devenaient les riverains de l'Escaut sur une notable partie de son cours[43].

Baudouin IV n'entendit pas accepter ce voisinage. Vers 1033, il s'empara par trahison de la forteresse d'Ename et la détruisit de fond en comble. Son fils Baudouin V éleva à Audenarde un château d'où il dominait la contrée[44].

Baudouin IV innova en organisant des châtellenies. Il réussit à s'assurer, dans toute la partie septentrionale du pays, la subordination directes et complètes des seigneurs, qui, sur plus d'un point et notamment à Tournai, à Courtrai, avaient conservé le rang de comtes. Les châtelains (burgraves) prirent désormais le rôle de vicomtes dans la hiérarchie féodale ; chargés de la garde d'une forteresse et de la défense militaire du pays, ils avaient aussi la délégation du comte en matière judiciaire ; leur circonscription répondait d'ordinaire à celle de l'ancien pagus, mais des modifications nombreuses ne tardèrent pas à se produire dans ces nouvelles divisions territoriales. Le pagus s'effacera de plus en plus et la châtellenie, plus restreinte ou plus étendue, prendra sa place[45].

Dans la partie méridionale du marquisat, les comtes, moins dépendants dès l'origine, réussirent à se maintenir, mais dans les liens de la vassalité flamande. Ce furent les comtes de Boulogne, de Guînes, de Saint-Pol, de Lens, d'Hesdin[46]. Le territoire flamand s'est stabilisé et l'assise n'en changera plus pendant deux siècles : le noyau originel (autour de Gand, Bruges, Lille et Saint-Omer) est directement régi par le comte ; un arc sud, où le comte est représenté par des châtelains locaux qui ne sont pas seigneurs de la terre ; au-delà encore, au sud et à l'est, des comtés vassaux. Le danger intérieur d'émiettement féodal à l'intérieur du comté est ainsi circonscrit.

Baudouin IV meurt en 1035[47].

Baudouin V

Le fils de Baudouin IV, qui avait épousé Adèle, fille du roi Robert le Pieux, semble avoir, à la suite de cette haute alliance, conçu de si ambitieux projets, qu'il alla jusqu'à solliciter de Conrad II l'autorisation de prendre le Cambraisis comme base d'opération contre le gouvernement de son père ; mais il ne tarda pas à venir à résipiscence[48].

Henri III, à son avènement (1039), sanctionna sans doute l'usurpation que Baudouin IV avait faite sur la rive droite de l'Escaut[49]. Baudouin V resta donc maître de la région que l'on appellera plus tard le Brabant wallon et qui correspond aux doyenné de Saint-Brixe et de Chièvres[50]. Henri III avait vu se dresser devant lui un redoutable adversaire en la personne de Godefroid le Barbu, fils du duc de Lotharingie Gothelon, mort en 1044. Godefroid réclamait la possession de la Lotharingie entière que le roi avait divisé entre lui et son frère Gothelon II. Il est probable que pour s'assurer dans ce conflit la neutralité du comte de Flandre, Henri voulut lui témoigner quelque nouvelle faveur. Il conféra donc, en 1045, à son fils, le futur Baudouin VI, le gouvernement d'une marche voisine de ses frontières (peut-être Anvers)[51].

Henri III ne fut d'ailleurs payé que d'ingratitude ; deux ans plus tard (1047), Baudouin V entrait, avec Thierry IV de Frise occidentale, dans la coalition qu'avait réussi à former Godefroid. Il y entraîna le comte Hermann de Hainaut, malgré la résistance de Richilde, dont sa parenté avec l'empereur assurait sans doute sa fidélité. Ce fut l'occasion d'un rapprochement entre Baudouin et Hermann ; ils conclurent un accord par lequel ils mettaient fin aux différends que suscitaient entre eux la possession du Brabant méridional et celle de Valenciennes. Le comte de Hainaut cède en 1063 la forteresse d'Ename, que les comtes de Flandre avaient occupée en 1035 mais perdue entre-temps[52]. Baudouin éleva également ses prétentions sur le territoire anciennement rattaché au comté impérial de Gand, c'est-à-dire tout le pays situé entre la Dendre et l'Escaut. En échange, Hermann de Hainaut obtint du comte de Flandre l'importante place de Valenciennes[53].

Sûr de ce côté, Baudouin V put prêter toutes ses forces à son allié, Godefroid le Bardu. Henri III venait d'éprouver une défaite sur le bas Rhin. Les coalisés s'emparèrent de Nimègue, y brûlèrent le palais impérial ; Verdun fut mis à sac par Godefroid. À Liège, l'évêque Wazon parvint à repousser l'attaque qui menaçait la ville du même sort. Mais Henri III avait suscité d'heureuses diversions ; il avait obtenu contre la Flandre l'appui des flottes anglaise et danoise ; le pape, en interdisant le mariage de Mathilde, fille de Baudouin, avec Guillaume de Normandie, avait enlevé au comte ce puissant allié. Baudouin déposé les armes et fit amende honorable, en 1049, à Aix-la-Chapelle. Ce n'était toutefois qu'une feinte ; en 1050, il reprend les hostilités ; nouvelle expédition de l'empereur et nouvelle paix[54].

Mais l'année suivante, le conflit devient plus aigu que jamais. Hermann de Mons venait de mourir (1051) et Baudouin, saisissant cette occasion pour mettre fin à l'antagonisme qui souvent avait opposé le Hainaut à la Flandre, résolut le problème par l'absorption du Hainaut ; sans se soucier du consentement du suzerain allemand, il amena la veuve du comte, Richilde, à accepter comme époux son fils Baudouin (VI)[55].

Le coup était habile ; il promettait au possesseur des deux comtés un notable accroissement de forces. Henri III ne voulut pas tolérer cette infraction au droit féodal et il se prépara à en tirer vengeance. Henri, traversant le Hainaut, atteignit l'Escaut à Maing, au-dessus de Valenciennes ; Baudouin campait sur l'autre rive. Par une manœuvre de flanc, l'empereur détacha une partie de ses forces qui, faisant le détour par Cambrai, opérèrent en amont le passage du fleuve et déterminèrent le comte à s'enfoncer vers l'intérieur. L'armée ennemie tenta d'envahir par le sud la Flandre proprement dite ; mais le comte en avait si habilement défendu les points faibles par des fossés et des palissades, que l'accès en était impossible[56]. Henri III remonta vers Lille et livra, près de Phalempin, une bataille où périt le comte Lambert de Lens ; il se détourna ensuite sur Tournai et réussit à y capturer de nombreux prisonniers de marque[57].

Ces opérations, qui avaient eu lieu dans le courant de l'été 1054, n'amenèrent pas de résultats décisifs et ne contraignirent pas encore Baudouin V à se soumettre. En 1055, il va, de concert avec Godefroid, mettre le siège devant Anvers. La situation demeura, de ce côté, si incertaine pour l'Allemagne, qu'à la mort de Henri (5 octobre 1056), les conseillers de son jeune fils Henri IV, se résolurent, pour obtenir la paix, aux plus larges concessions[58].

Baudouin se rendit à Cologne où se tint, en décembre 1056, une diète solennelle. Le mariage de Baudouin avec Richilde se trouva ratifié. Quant aux fiefs de Flandre, Baudouin conserva la Zélande méridionale, les Quatre-Métiers et le château de Gand. Il faut ajouter que le comte reçut un fief nouveau, le Brabant jusqu'à la Dendre[59]. Il confia ce territoire à l'avoué de l'abbaye Saint-Pierre de Gand, qui devint ainsi le premier seigneur d'Alost[60].

Baudouin V qui meurt en 1067. Il est alors tuteur du roi de France Philippe Ier et beau-père de Guillaume le Conquérant.

Les règnes de Baudouin IV et Baudouin V ont eu pour le développement de la puissance flamande une importance capitale. L'ancien comté, de mouvance française, s'appuyait désormais solidement sur l'Allemagne impériale ; il s'était agrandi aux dépens de la Frise lotharingienne et du Brabant, acquérant d'un côté les cinq îles zélandaises et les Quatre-Métiers, de l'autre le château de Gand et le comté d'Alost. Les souverains français, Robert II, Henri Ier, Philippe Ier, n'avaient joué qu'un rôle effacé dans ces événements, dont Philippe lui-même ne devait pas tarder à éprouver les conséquences[61].

D'une crise dynastique à l'autre : 1070-1128

L'union de la Flandre et du Hainaut ne fut pas de longue durée. Baudouin VI, qui avait succédé à son père en 1067, mourut après un règne de trois ans (1070), pendant lequel il ne se produisit aucune modification territoriale. Il avait acquis en 1068, sur les rives de la Dendre, un alleu où il fonda la ville de Grammont et qu'il inféoda en partie au seigneur de Boelare[62].

La mort de Baudouin VI provoque une crise dynastique. Arnoul III semble bien avoir reçu alors l'ensemble des possessions paternelles. Son oncle Robert avait épousé en 1063 Gertrude de Saxe, veuve du comte Florent de Frise occidentale ; c'est à cette union qu'il doit le surnom de Frison. Gertrude avait conservé de son premier époux plusieurs enfants en bas âge, et la mission de servir de tuteur à l'héritier du comté, le jeune Thierry V, échut à Robert. Ce n'était pas une tâche aisée, mais elle convenait à son énergie[63].

Robert le Frison se donna non seulement pour tâche de restaurer la puissance frisonne, mais il entreprit aussi d'arracher la Flandre à Richilde, dont le gouvernement paraît y avoir été très mal accueilli. Robert groupa sans peine autour de lui les mécontents ; maître d'une grande partie du pays, il n'hésita pas à entamer une lutte ouverte[64].

Richilde invoqua l'aide du roi de France, Philippe Ier, dont Baudouin V avait été le tuteur, mais les Flamands, conduits par Robert, demeurent vainqueurs à Cassel, le 22 février 1071. Arnoul III périt dans le combat[65].

Robert est dès lors reconnu en Flandre et, malgré tous les efforts de Richilde pour intéresser à sa cause l'évêque Théoduin de Liège, auquel elle inféoda le Hainaut, et l'empereur Henri IV, qui confirma cet engagement, elle dut se résigner à accepter le fait accompli. Son fils Baudouin ne conserva que le Hainaut. Elle-même, toutefois, avait reçu en douaire la seigneurie d'Audenarde[66].

Ce qui met en lumière toute la puissance du comte de Flandre, c'est que non seulement il savait tenir tête à son suzerain, le roi de France, mais qu'en même temps il luttait avec son pupille Thierry contre l'empire. Après la mort de Godefroid le Bossu (1076), Henri IV fit la paix avec Robert et avec Thierry[67]. La réconciliation de Robert avec l'empereur eut lieu à Mayence, en présence du roi de France Philippe Ier, le 29 juin 1076. Il y reçut probablement l'investiture de la Flandre impériale[68].

Tout indique que Robert céda alors à son beau-fils les îles méridionales de la Zélande que les comtes de Flandre avaient tenues en fief immédiat depuis 1018, et qui désormais constituèrent pour les comtes de Hollande un arrière-fief qu'ils relevaient de la Flandre. Il est également possible que c'est à cette époque que le pays de Waes passa sous la suzeraineté du Saint-Empire[69].

Les descendants de Robert Ier règnent jusqu'en 1119. Robert II (1093-1111) inaugura les rapports féodaux de la Flandre avec l'Angleterre. Malgré le mariage de Guillaume le Conquérant avec Mathilde, sœur de Baudouin VI, les relations des deux pays n'avaient pas été amicales ; Robert le Frison avait prêté appui à Philippe Ier contre la Normandie : l'hostilité traditionnelle qui existait entre ce duché et la Flandre persista par la suite. Robert II se fit à son tour l'allié du roi Louis VI contre Henri Ier, et s'il accepta du monarque anglais un fief d'argent de 400 marcs, moyennant lesquels il s'engageait à mettre cinq cents chevaliers à sa disposition, le rapprochement ne fut que momentané[70].

La mort prématurée de Baudouin VII (1111-1119) et l'extinction de la ligne mâle des Baudouin amenèrent toute une série de compétitions et de troubles. Charles de Danemark (1119-1127), fils du roi Knut IV et petit-fils de Robert Ier, réussit à se mettre en possession du comté de Flandre, en vertu du testament de Baudouin VII et malgré l'hostilité de Louis VI le Gros[71].

Par son mariage avec Marguerite de Clermont en Beauvaisis, Charles acquit le comté d'Amiens que le roi Louis VI avait enlevé en 1117 à la maison de Coucy, pour le transmettre à la maison de Vermandois, Marguerite étant la fille de Renaud II de Clermont et d'Adélaïde, fille unique de Herbert IV de Vermandois, et sa mère, réservant le Vermandois à son fils du premier lit, avait constitué l'Amiénois en dot à sa comtesse de Flandre ; mais l'assassinat de Charles (1127) le détacha bientôt du comté[72].

Les comtes de Flandre sont de grands féodaux et des vassaux exemplaires ; ils créent une administration qui permet pour la première fois l'élévation de fonctionnaires roturiers. C'est une période de défrichement et les premières « villes neuves » apparaissent. La population croît, les villes se développent. L'apparition du métier à tisser horizontal à pédales, vers 1100, entraîne l'apparition d'une industrie textile dans les villes, alors qu'auparavant cette activité s'exerçait dans les campagnes[73]. L'industrie textile sera dès lors une constante de l'histoire du comté, et même au-delà de l'histoire de la région. Le commerce de la laine anglaise, réputée pour son excellente qualité, est déjà pratiqué avec le royaume insulaire. D'autres échanges se font aussi vers la Rhénanie. Les marchands et les artisans des villes (Bruges, Gand, Lille, Arras, Saint-Omer, Douai) commencent à s'organiser. La richesse du comté est telle et son administration suffisamment forte, que trois de ses comtes peuvent abandonner leur terre et se rendre en Palestine comme pèlerin ou comme croisés.

Cependant la tension sociale créée par l’industrialisation éclate dans les années 1125-1128. Une famine, fléau oublié depuis longtemps, a lieu en 1125. Le clan de Bertulf ou Bertholf, prévôt de l’église Saint-Donatien et ancien serf devenu chef de l'administration comtale depuis 1091 (ce qui est révélateur des changements sociaux qui affectaient la société féodale de cette époque) est mis en cause dans des trafics de blé. Le 2 mars 1127 des membres du clan de Bertulf assassinent le comte Charles le Bon, dans l’église Saint-Donatien de Bruges pendant la messe du mercredi des Cendres, acte inouï qui marqua le temps.

La noblesse et les bourgeois de Bruges et de Gand fidèles au comte abattent la puissance de Bertulf qui est exécuté. Charles le Bon étant mort sans héritier, le roi de France, Louis VI, en tant que suzerain, intervient et impose Guillaume Cliton, petit-fils de Mathilde et de Guillaume le Conquérant, comme son candidat à la succession. Guillaume était le fils de Robert Courteheuse, que son frère, le roi Hanri Ier, avait dépossédé de la Normandie, et Louis VI, en lui donnant son appui, espérait, grâce au concours de la Flandre, réussir à détacher, en sa faveur, la Normandie de l'Angleterre[74].

À ce moment, le comté de Boulogne se trouvait aux mains d'un neveu du roi Henri, Étienne de Blois, fils de sa sœur Adèle. Étienne, qui avait épousé Mathilde de Boulogne, fille d'Eustache III, essaya de faire opposition au prétendant normand. Mais Louis VI obtint sans peine pour son candidat l'adhésion de la noblesse flamande[75].

Le 23 mars 1127, Guillaume Cliton est investi du comté et, afin de se faire accepter, promet d'accorder les premières franchises aux villes ainsi que l’abolition du tonlieu et du cens. Guillaume ayant oublié ses promesses, les villes de Gand et de Bruges se révoltent, tout comme les habitants de la zone maritime et les seigneurs de Termonde et d'Alost, tous deux établis sur terre impériale. Le nouveau comte fut tué au cours du siège de cette dernière place (1128)[76],[77].

Apogée politique puis économique (1128-1280)

Le XIIe siècle voit l'apogée politique du comté. Les comtes se heurtent ensuite à la volonté de Philippe Auguste : après avoir reçu l'Artois, il finit par abattre l'autonomie flamande à Bouvines (1214) et attache à la cause royale la petite noblesse. Malgré les crises politiques et sociales, la puissance économique flamande est éclatante, encouragée par les deux « grandes comtesses », qui s'appuient par contre-poids sur les villes.

La puissance de la maison d'Alsace : 1128-1191

L'avènement de Thierry d'Alsace (1128-1168), fils de Thierry II de Lorraine, est un échec signalé pour la suzeraineté française, et comme, d'autre part, l'empire, après la mort de Henri V, traverse une crise dont son autorité sur la Lotharingie même sortira fort amoindire, le comté de Flandre acquiert sous la dynastie nouvelle une indépendance presque complète[78].

Thierry d'Alsace et son fils Philippe d'Alsace (1128-1191) ont l'intelligence de ménager le patriciat émergeant des villes flamandes, tout en cadrant les libertés urbaines. Par une politique matrimoniale efficace, ils accroissent leur comté par l'acquisition des comtés de Vermandois et d'Amiens, du comté de Boulogne, et s'assurent le siège de l'évêché de Cambrai.

Par le mariage que Philippe avait en effet contracté avec Élisabeth, héritière du Vermandois, il était devenu, à la mort de Raoul II (1163), frère de la comtesse de Flandre, maître de ce vaste territoire, ainsi que du Valois, de l'Amiénois et du comté de Montdidier. Cet ensemble de possessions qui s'avançaient jusque vers Compiègne, en faisait le voisin immédiat du domaine royal et lui permettait d'imposer son autorité à des enclaves royales, telles que Noyon, Montreuil-sur-Mer, Corbie, Saint-Riquier. (En 1173, il avait soumis à sa suzeraineté les comtés d'Eu et d'Aumale[79].)

Transformant le fief d'argent que ses prédécesseurs tenaient des rois d'Angleterre, il obtint, en 1173, du fils rebelle de Henri II qu'il l'investît du comté de Kent avec les châteaux de Douvres et de Rochester, mais cette disposition resta sans effet[80].

Du côté de la Lotharingie enfin, Philippe paraît avoir exercé un moment l'autorité ducale, ou plus exactement celle de protecteur du pays brabançon[81].

Louis VII, en mourant (1180), avait désigné Philippe d'Alsace comme conseiller de son fils ; sans être, de ce chef, le régent officiel du royaume, le comte put espérer que sa puissance lui assurerait en France une influence prépondérante. Il se hâta de marier le jeune roi à sa nièce Isabelle, fille de sa sœur Marguerite et de Baudouin V de Hainaut. Cette union n'eut pas de longue durée. Isabelle mourut en 1189, à peine âgée de dix-neuf ans[82].

Philippe Auguste, presqu'au lendemain de son avènement, avait fait sentir au comte de Flandre qu'il n'entendait pas se soumettre à sa tutelle ; ce fut pour l'ambition de Philippe d'Alsace une première déception ; elle le blessa d'autant plus vivement qu'il avait pour lui mutilé son héritage[83].

Thierry d'Alsace avait laissé une nombreuse lignée ; sans parler de Laurette, femme d'Iwan d'Alost, il avait eu de sa seconde épouse, Sibylle d'Anjou, quatre fils : Baudouin (mort jeune), Philippe, Mathieu, Pierre et trois filles[84].

Philippe lui-même, en épousant Élisabeth de Vermandois, n'avait certes songé qu'à l'agrandissement de son domaine. La race des comtes de Vermandois, issus de Hugues de France, fils du roi Henri Ier, était irrémédiablement vouée à l'extinction. Raoul II, frère d'Élisabeth, mérita le surnom de lépreux. Sa mort précoce avait fait passer ses États à la comtesse de Flandre, qui, elle aussi, demeura stérile. Il en fut de même de sa sœur Ænora[85].

Des deux frères de Philippe, Pierre, sans recevoir les ordres, avait été proclamé élu de Cambrai ; Mathieu avait arraché au monastère de Romsey l'héritière du Boulonnais, Marie, fille du comte Étienne (roi d'Angleterre), et il en avait fait sa compagne au grand scandale de la chrétienté (1060). L'archevêque de Reims l'avait excommunié et son père, Thierry d'Alsace lui-même, irrité de ce mariage sacrilège, lui avait refusé la délivrance du comté de Lens qu'il réclamait comme part de l'héritage de Boulogne. Deux filles étaient nées de Mathieu et Marie : Ida qui, en troisièmes noces, épousa Renaud de Dammartin, et Mathilde, femme de Henri Ier de Brabant[86].

Pierre, à son tour, résolut de rentrer dans la vie laïque, et désireux de doter sa race d'un héritier mâle, il sa maria avec Mathilde, petite-fille du duc Hugues II de Bourgogne (en 1175) ; mais son espoir fut déçu : il ne lui naquit point de fils[87].

La dynastie de Flandre se retrouvait donc dans la situation critique où l'avait placée la mort de Baudouin VII. Philippe s'était alors décidé à transmettre ses droits à sa sœur Marguerite qui avait épousé Baudouin de Hainaut ; il les fit reconnaître en 1177 dans les villes flamandes[88].

Mais après la mort de son chancelier Robert d'Aire (1174), la politique de Philippe d'Alsace devient plus imprudente. Au moment où il mariait Isabelle, fille de Marguerite, à Philippe Auguste (1180), il commit la fâcheuse erreur d'engager, à titre de dot de la jeune reine, une notable portion de ses États (Arras, Saint-Omer, Aire, Hesdin). Cet engagement affecta douloureusement Baudouin de Hainaut, qui se voyait privé d'une partie de l'héritage sur lequel il pouvait compter[89].

Philippe d'Alsace lui-même ne tarda pas à regretter sa générosité lorsqu'il constata que le roi lui refusait dans le gouvernement la haute influence qu'il avait convoitée. Il ne songea plus bientôt qu'aux moyens d'annuler son imprudente promesse[90].

Les dernières années de sa vie ne furent remplies que de luttes contre la France. Désormais la Flandre est menacée par la politique centralisatrice de la couronne ; l'ère de l'expansion est close, et celle des démembrements, qui se poursuivra jusqu'au milieu du XIVe siècle, commence[91].

La mort d'Élisabeth (26 mars 1182) mit d'abord en cause la succession du Vermandois, qui semblait devoir revenir à sa sœur Ænora (Éléonore), épouse en quatrièmes noces de Mathieu III, comte de Beaumont-sur-Oise[92].

Le traité de Grange-Saint-Arnoul, entre Senlis et Crépy (avril 1182), laissa à Philippe la possession de ces territoires, mais il reconnaissait ne les tenir que comme le gage de la somme que son père Thierry avait versée entre les mains de Raoul Ier lorsque avait été conclu le mariage de sa fille. Philippe consentit néanmoins, dans le courant de cette année, à céder le Valois à Ænora, à la condition que le Vermandois lui fût assuré jusqu'à sa mort[93].

Le comte renouvelait en même temps sa promesse relative à la partie méridionale de la Flandre. La crainte du comte de Flandre était désormais que le roi ne réclamât son héritage entier sous prétexte de déshérence. Ainsi avait-il formé le dessein de contracter une nouvelle union avec Mathilde de Portugal, fille du roi Alphonse Ier. Philippe Auguste lui intima l'ordre de n'en rien faire, mais le comte passa outre. Le mariage fut célébré en 1184[94].

À ce moment, d'autres conflits avaient surgi en Lotharingie : Baudouin V de Hainaut réclamait, du chef de sa mère Alix, la succession de Namur et du Luxembourg, dont le grand âge du comte Henri l'Aveugle rendait l'ouverture prochaine. Philippe d'Alsace, le duc de Brabant, l'archevêque de Cologne protestaient contre cet accroissement de puissance. Frédéric Barberousse avait néanmoins (mai 1184) reconnu les droit de Baudouin et constitué le Namurois en marquisat. Mais, en même temps que l'empereur manifestait ainsi sa faveur envers le comte de Hainaut, Henri, roi des Romains, son fils, cherchait à l'entraîner à prendre la défense de Philippe d'Alsace contre le roi de France. Les deux causes n'étaient en vérité pas incompatibles, pourvu que la bonne intelligence qui avait existé jusqu'ici entre le comte de Flandre et le comte de Hainaut demeurât inaltérée. Seulement Philippe Auguste, par d'habiles manigances, sut compromettre Baudouin aux yeux de son beau-frère : les prières d'Isabelle de France, à qui l'attitude de son père attirait l'animosité de son époux, contribuèrent à disposer Baudouin en faveur de l'alliance française. Dès lors, les hostilités entre lui et la Flandre devinrent continuelles. Philippe d'Alsace réussit même à détourner un des principaux vassaux hennuyers, Jacques d'Avesnes, qui lui ouvrit ses places fortes de Leuze, d'Avesnes et de Landrecies[95].

Philippe Auguste dirigea son armée vers la Somme, et le comte de Flandre dut se résoudre à accepter les conditions qui lui furent faites au colloque de Boves, près d'Amiens (1185). Il y abandonnait le Vermandois entier, à l'exception de Péronne, Ham et Saint-Quentin, et se dessaisissait également du comté d'Amiens, le tout en faveur du roi, qui, moyennant quelques compensations, avait amené Ænora de Beaumont à sacrifier cette part de son héritage[96].

Cette nouvelle défaite inspira au comte de Flandre une résolution désespérée. Plusieurs fois déjà, il s'était rendu à la cour impériale. En 1184, irrité de l'opposition que rencontrait son projet de mariage avec Mathilde de Portugal, il avait offert à Frédéric Ier de l'aider à conquérir la France, ce qu'il représentait comme une entreprise aisée. Cette fois (1185), le désir de venger les humiliations reçues le poussa plus loin encore : il fit hommage au roi Henri pour le comté de Flandre tout entier[97].

Henri voulait mettre en campagne les troupes impériales, mais son père le contint ; il déclara que s'il était disposé à redresser les injustices dont son vassal serait victime, il n'entendait pas le seconder dans sa rébellion contre son suzerain[98].

Philippe sentit que tout espoir de revanche était perdu, et se résigna à conclure, le 7 novembre, à Aumale, un accord qui fut ratifié l'année suivante à Gisors (10 mars 1186) et qui laissa les choses en l'état où les avait mises le pacte de Boves[99].

Mais immédiatement après, il croit pouvoir tirer parti du conflit qui surgit entre l'archevêque Philippe de Cologne, auprès duquel s'étaient rangés le duc de Brabant et le duc de Limbourg. Frédéric Barberousse s'était rapproché du roi de France et avait confirmé solennellement au comte de Hainaut ses droits à la succession de Namur. Dans cette occurrence, le comte de Flandre se tourna vers le roi d'Angleterre, qui soutenait en Allemagne les adversaires de Barberousse. La Flandre fut ainsi amenée à l'alliance anglaise, qui lui fut d'un si grand secours pendant les siècles suivants et qui contribua puissamment à empêcher qu'un peuple germanique fût complètement absorbé par la centralisation française[100].

La prise de Jérusalem par Saladin et la résolution des princes chrétiens d'entreprendre une nouvelle croisade vinrent mettre trêve à ces nouveaux projets belliqueux, et Philippe d'Alsace, oubliant les déboires dont il avait été abreuvé et la triste condition dans laquelle il laissait la Flandre, partit pour la Palestine. Il y mourut devant Saint-Jean-d'Acre, le 1er juillet 1191[101].

En 1187, suite aux luttes de ses habitants pour l'indépendance, la ville de Tournai passe également aux mains du roi de France.

L'industrie textile continue rapidement son essor qui se poursuivra jusqu'au milieu du XIIIe siècle, et la vie commerciale s'organise autour de cinq foires : celles d'Ypres, de Bruges, de Torhout, de Lille et de Messines. Les draps flamands sont vendus, via les foires de Champagne, à travers toute l'Europe, de Gênes à Novgorod. Jusque vers 1175 les défrichements permettent la création de nombreuses villes neuves. Philippe d'Alsace fait assécher les marais de l'Aa. Tout reflète la vitalité économique, qu'accompagne un accroissement important de la population et une montée des aspirations politiques locales de la bourgeoisie. Les bourgeois siègent de plus en plus dans les conseils d'échevins dont ils prennent peu à peu le contrôle. En accordant des chartes à de nombreuses petites villes et en uniformisant celles des grandes (Arras, Bruges, Gand, Douai, Lille, Ypres, Saint-Omer), les comtes donnent satisfaction aux artisans-marchands, tout en contrôlant le mouvement. Ils instaurent également une administration plus efficace, substituant, en tant que leurs représentants, les baillis aux châtelains et récoltent les tonlieux. Cette richesse permet d'assouvir les idéaux religieux et chevaleresques des comtes Thierry et Philippe d'Alsace qui partiront comme croisés en Palestine.

Un empereur et deux « grandes comtesses » : 1191-1280

La mort de Philippe d'Alsace rétablissait l'union de la Flandre et du Hainaut, mais elle détachait définitivement de la Flandre les dernières places du Vermandois qu'il avait conservées ; elle ouvrait en outre une succession à une part de laquelle pouvait prétendre le fils de Philippe Auguste et d'Isabelle de Hainaut (décédée en 1190), le jeune Louis VIII[102].

Conformément aux conventions arrêtées de longue date, Marguerite d'Alsace et son époux firent valoir leurs droits sur le comté ; en même temps, la veuve de Philippe, Mathilde de Portugal, réclamait le douaire qui lui avait été constitué en 1184, mais que le comte avait largement étendu à l'époque de sa rupture avec Baudouin V ; ce devait être, suivant les stipulations primitives : Saint-Omer et Aire (bien que ces villes fussent comprises dans la dot d'Isabelle), Douai, Lécluse, Orchies, Lille, Nieppe, Cassel, Furnes, Dixmude, Bergues, Bourbourg ; Philippe y avait ajouté Bruges, Gand, Waes, Alost, Grammont, Ypres, Courtrai, Audenarde. Aussi Mathilde prétendait-elle à la Flandre entière[103].

Le litige résultant de ces compétitions fut tranché par un accord auquel présida l'évêque Guillaume de Reims, à qui la régence avait été confiée en l'absence du roi ; c'est le traité d'Arras (octobre 1191)[104]. Le comté de Flandre perdait tout l'ancien Boulonnais, l'ancien Ternois, l'ancien Artois (pagus Atrebatensis), sauf Douai et la partie de l'Ostrevent occidental qui en était voisine[105].

La part du roi ainsi tracée, le traité d'Arras remettait en usufruit à Mathilde de Portugal : Lille, Douai, Cysoing, Orchies, Lécluse, Cassel, Furnes, Bailleul, Bourbourg, Bergues, Watten avec le château et la forêt de Nieppe (sur la rive gauche de la Lys, au sud de Hazebrouck). Elle avait dû abandonner Aire et Saint-Omer à Philippe Auguste. Mathilde, que l'on appelait la reine, parce qu'elle était fille de roi, demeura en possession de ce vaste domaine jusqu'à sa mort, en 1218 ; après quoi, il fit retour au comté[106].

Marguerite d'Alsace (1191-1194), qui prit le titre de comtesse de Flandre, ne recevait que Gand, Bruges, Ypres, Courtrai et les terres impériales : Waes, Alost, Grammont, les Quatre-Métiers, les îles zélandaises. Et même pour ces dernières, des prétentions rivales avaient surgi immédiatement. Le comte Thierry VII de Hollande sollicita de Henri VI la rupture des liens qui assujettissaient la Zélande méridionale à la Flandre ; le duc de Brabant, Henri Ier, de son côté, offrit une somme importante pour l'acquisition du comté d'Alost. Marguerite et Baudouin ne crurent probablement pas opportun de rompre en visière avec leur puissant voisin : ils lui envoyèrent leur fils Philippe, qui fut alors investi du comté d'Alost par le duc de Brabant (1209)[107].

Henri VI, qui, dès 1191, avait reçu à Worms l'hommage du fils aîné de Baudouin VIII, ne prêta point l'oreille aux suggestions de ses vassaux de Hollande et de Brabant ; il confirma purement et simplement au comte de Flandre et de Hainaut ses fiefs impériaux. En 1192, à Pâques (15 avril), Baudouin VIII fit lui-même le voyage d'Allemagne pour relever ses fiefs. Ce bon accord pouvait être précieux pour la cause de Hohenstaufen en Allemagne[108].

Baudouin eut plus de peine à s'entendre avec Philippe Auguste ; il s'était rendu à Paris aussitôt que le roi était revenu de Palestine, mais Philippe, qui jugeait insuffisantes les concessions du traité d'Arras, refusa de le voir et il ne modifia ses dispositions que l'année suivante ; dans une entrevue à Péronne, il réclama pour le relief de la Flandre le paiement de 5 000 marcs d'argent, moyennant quoi, le 1er avril 1192, Baudouin et Marguerite lui prêtèrent, à Arras, le serment d'hommage lige[109].

Le roi reçut le serment de ses nouveaux vassaux immédiats du Boulonnais et du Ternois, et celui de nièce, Marguerite de Blois, veuve de Hugues III d'Oisy, pour la châtellenie de Cambrai, à laquelle assurément il n'avait aucun droit. Baudouin VIII, de son côté, fut investi par l'élu Jean de Cambrai du même fief de la châtellenie[110].

La situation du comte de Flandre était difficile ; l'hostilité qu'il avait témoignée à Philippe d'Alsace n'était pas faite pour lui concilier les sympathies flamandes, et Philippe Auguste, d'autre part, ne lui gardait point reconnaissance des services qu'il lui avait rendu naguère[111].

Quand Marguerite mourut, en 1194, Baudouin se retira dans le Hainaut et laissa le gouvernement de la Flandre à son fils Baudouin IX[112].

Baudouin IX (1194-1205), qui avait fait hommage pour la Flandre impériale, en 1195, à Strasbourg, succéda dans le Hainaut à son père, mort le 17 décembre 1195 ; mais ce fut son frère Philippe qui reçut en apanage, pour le tenir du Hainaut, le marquisat de Namur que le décès de Henri l'Aveugle ne tarda pas à lui faire obtenir[113].

Baudouin prêta serment pour la Flandre sous la couronne, en juillet 1196, à Compiègne. Vers la fin de l'année précédente, Philippe Auguste, par un acte dressé à Vernon, lui avait reconnu le château de Mortagne et avait renoncé à toute prétention sur Douai et Lécluse[114]. En contrepartie, le comte abandonnait tous les droits qu'il pouvait avoir sur les comtés de Boulogne et de Guînes et sur le château d'Oisy, ce qui paraît impliquer la renonciation à la châtellenie de Cambrai[115].

Mais lorsque Richard d'Angleterre se trouva aux prises avec le roi de France, Baudouin n'hésita pas à tenter de nouveau la fortune des armes, et pour récupérer les territoires que ses prédécesseurs avaient possédés, il conclut dès le mois de septembre 1196 le traité de Rouen, renouvelé aux Andelys en 1197 : les deux contractants s'engageaient à ne pas faire de paix séparée avec Philippe Auguste. La plupart des grands de Flandre et de Hainaut ratifièrent ces conventions auxquelles adhéra aussi le comte Renaud de Boulogne[116].

Renaud, qui se plaignait d'un déni de justice de la part de Philippe Auguste, avait porté directement son hommage au comte de Flandre et il avait entraîné avec lui le comte Baudouin II de Guînes. C'était une violation du traité d'Arras[117].

Les confédérés soutinrent en Allemagne le parti d'Otton IV dont ils escomptaient l'appui ; d'autre part, Philippe de Souabe, le compétiteur d'Otton, se rapprochait du roi de France, et il lui sacrifiait même la Flandre impériale, car l'accord de Worms (29 juin 1198) lui permettait de sévir contre Baudouin sur ses fiefs et alleux d'empire[118].

Baudouin, sans tarder, s'était jeté sur le Cambrésis et le Tournaisis ; il avait mis le siège devant Arras. Philippe forma le projet d'envahir la Flandre ; ses conseillers l'en avaient dissuadé : « Jamais, disaient-ils, pareille entreprise n'avait pu réussir, à cause de la grande abondance de fossés et de l'étroitesse des chemins. » Malgré cet avis, il s'avança jusqu'à Ypres, mais il se trouva bientôt en telle détresse qu'il dut se remettre à la générosité du comte. Baudouin eut le tort de se fier à la parole du roi, qui, une fois tiré d'embarras, oublia tous ses engagements[119]. Les hostilités continuèrent ; en octobre 1197, Baudouin IX reprit à Philippe Auguste Aire-sur-la-Lys et Saint-Omer.

La mort de Richard (6 avril 1199) ne rompit pas l'alliance anglaise qui fur renouvelée avec le roi Jean. Renaud de Boulogne s'y joignit de son côté. Néanmoins, différentes circonstances conduisirent Baudouin à traiter, et il obtint par la paix de Péronne (2 janvier 1200) des conditions relativement avantageuses. Philippe Auguste abandonnait Saint-Omer, Aire, les fiefs de Guînes, d'Ardres, de Lillers, de Richebourg, de La Gorgue, ainsi qu'une terre que l'avoué de Béthune tenait au delà du fossé ; il confirmait la renonciation relative à Mortagne, et ajoutait qu'au cas où son fils Louis (VIII) mourait sans héritier, toute la Flandre dans son ancienne extension ferait retour à Baudouin, sans obligation de relief, sauf pour son héritier[120].

Le roi conservait Arras, Bapaume, Lens, Boulogne, Saint-Pol, Hesdin, Béthune, c'est-à-dire que la restitution opérée à Péronne ne consistait qu'en une bande assez étroite de territoire, le long de la frontière, depuis Béthune jusqu'à la mer. Il était reconnu que les terres formant le douaire de Mathilde devaient, à sa mort, faire retour à la Flandre. Ces concessions étaient le prix de l'abandon de l'alliance anglaise[121].

Baudouin IX, se contentant de cette modeste satisfaction, partit pour la croisade, et, au milieu des aventures qui lui donnèrent le trône de Constantinople (1204) et lui coûtèrent la vie (1205), il oublia ses deux filles, dont l'une était encore au berceau, et qu'il laissait aux prises avec les plus redoutables problèmes[122].

Philippe Auguste, après la disparition de son beau-frère Baudouin IX, prit soin de ses deux nièces orphelines, Marguerite, âgée de trois ans et Jeanne, âgée de sept ans. En mariant cette dernière à Ferrand de Portugal en janvier 1211, le roi de France fait signer aux jeunes époux le traité de Pont-à-Vendin (24 février 1211) par lequel il récupère l'intégralité de l'Artois. Ferrand, tentant de se rendre indépendant de son suzerain, organise une coalition avec Jean sans Terre et l'empereur Otton IV, mais il est battu et fait prisonnier au cours de la Bataille de Bouvines le 27 juillet 1214. Emmené à Paris le comte Ferrand reste enfermé dans une prison du Louvre jusqu'en janvier 1227.

La comtesse Jeanne se retrouve seule à gouverner, dans le cadre rigoureux du traité de Paris (1214), sanctionnant la perte définitive de l’Artois : elle subit le contrôle étroit des agents royaux et prend en charge la récolte d’une énorme rançon en vue de la libération de Ferrand. Son pouvoir est tellement fragilisé qu’il est même provisoirement anéanti lors de l’usurpation du faux Baudouin (avril-mai 1225). Cette aventure, symptôme d'un contexte social et politique difficile, puis la mort prématurée de Louis VIII accélèrent la libération de Ferrand qui est accordée au traité de Melun signé en 1226. Ce traité impose aux villes et aux vassaux du comte la fidélité au roi en cas de rébellion de leur suzerain direct. Les Capétiens s’attachent alors, autant par leur prodigalité financière que par le droit, la noblesse flamande. En contrepartie, Jeanne de Constantinople et ses successeurs vont s’appuyer, comme leurs prédécesseurs d’Alsace, sur les villes. En effet, en dépit des difficultés, elle maintient fermement les accords économiques avec l’Angleterre, garantissant la prospérité économique toujours grandissante des villes et protège efficacement le commerce, notamment en dotant les villes d'un cadre juridique strict (chartes ou keures). Sans enfant survivant de ses deux mariages — le second avec Thomas II de Savoie (1237-1244), c’est sa sœur Marguerite de Constantinople qui lui succède.

Le règne de Marguerite II (1244-1279) est marqué par sa vie privée tumultueuse. Mariée dès l'âge de dix ans en 1212 à son ambitieux tuteur, Bouchard d’Avesnes qui lui a donné deux fils survivants, elle a dû se séparer de lui pour des motifs politico-religieux. Remariée en 1223 avec Guillaume de Dampierre, elle en a eu cinq enfants. Son accession au pouvoir rend crucial l’épineux problème de sa succession, aggravé par la haine que voue la comtesse aux fils de son premier lit. Une épuisante guerre de succession se déroule entre les Avesnes, protégés par l’Empereur Frédéric II, et les Dampierre, soutenus par la papauté et favoris du roi de France, dans un cadre plus vaste qui est celui de la lutte entre le Sacerdoce et l’Empire. Le conflit, doublé d'une guerre avec la Hollande, est marqué notamment par l’appel de Marguerite II à Charles d'Anjou en Hainaut. Le roi de France Louis IX met un terme au conflit en rendant le 24 septembre 1256 le "Dit de Péronne", une sentence de partage d'ailleurs identique à celle qu’il avait déjà rendue en 1246, à savoir: aux Dampierre échoira la riche Flandre et aux Avesnes, le Hainaut. Par ailleurs, la Zélande devient un comté indépendant de la suzeraineté flamande.

Beffroi de Bruges, dont une première érection date de 1240

Ce conflit a coûté très cher à Marguerite II, qui s’est endettée et a dû demander l'aide des villes, augmentant de fait leur importance politique. Mais la prospérité éclatante, encouragée par les deux comtesses, ne se dément pas sous leurs règnes. Jeanne multiplie les chartes réglementant l’échevinage des grandes villes (Gand avec l’institution des “XXXIX”, Bruges, Douai, Ypres en 1228), mais calque également ce modèle aux petites villes et aux châtellenies. Le pays se couvre de beffrois, témoignages des libertés communales reconnues et réglementées. Pour les comtesses, les villes servent de contrepoids à la noblesse, ralliée à la cause royale. Foires et industrie drapière sont systématiquement encouragées, la cour comtale jouant pleinement son rôle d’arbitrage. La population augmente toujours, comme en témoigne la reprise des défrichements durant le deuxième quart du XIIIe siècle, assurant une expansion économique. La pratique de l’assolement triennal et le regroupement en villages sont un des phénomènes de cette période dans la campagne flamande, permettant le maintien jusqu’au XVIe siècle d’un rendement céréalier de 20 à 24 hl/ha[123]. Jusqu’au milieu du siècle, on entreprend également la poldérisation des estuaires, commencée par l’Aa au siècle précédent. Marguerite fait réaliser de grands travaux de canalisation. Les marchands flamands exportent alors leurs draps dans l’Europe entière et deviennent créditeurs des princes. Gand profite de sa situation à la limite du royaume et de l’Empire. Ypres se voue au commerce textile. Arras, désormais dans le comté d’Artois (créé en 1237) connaît son apogée. Bruges, surtout, devient un centre important du commerce en Europe du Nord : outre le drap et la laine, circulent le cuir et le blé de la Baltique, les vins d’Italie. Les foires de Champagne entrent en relation, via Bruges, avec les villes de la Hanse. Les petites villes émergent dans tout le comté. Témoignant de la richesse des marchands, les bourgeois, à l’instar des comtesses, fondent leurs propres hôpitaux et leurs œuvres pieuses. Les lettres sont également encouragées: Jeanne protège Manessier, Marguerite, Jean et Baudouin de Condé.

La fin du règne de Marguerite voit une guerre économique avec l'Angleterre (1270-1274) qui se conclut par un accord très favorable pour le royaume: prémices d'une situation socio-économique qui se dégrade déjà. Marguerite cède définitivement le pouvoir en Flandre à son fils Gui de Dampierre et en Hainaut à son petit-fils Jean d'Avesnes en 1279. Les deux comtés vont donc être à nouveau séparés après la mort de Marguerite le 10 février 1280.

Un siècle de crises (1280-1384)

Après 1280, les tensions sociales, économiques et politiques se font vives. Philippe le Bel s'empare du comté, mais le commun contrecarre les ambitions royales et regagne l'autonomie du comté à Courtrai (1302). Léliaerts et klauwaerts s'opposent jusqu'au principat de Louis de Male qui réforme les institutions et prépare l'ère bourguignonne.

Les ambitions royales face aux Flamands : 1280-1320

La période suivante voit s’amorcer un déclin économique, marqué par le changement des pratiques commerciales européennes : les premières galères génoises entrent dans le port de Bruges en 1280; artisans et marchands vont maintenant se distinguer : d’actif, le commerce devient passif. Ces changements sont accompagnés de crises sociales et politiques.

Dès le début du règne de Gui de Dampierre (1279-1305) éclatent des révoltes dans les villes flamandes (1280) : les communiers (petits artisans et ouvriers) ne supportent plus la mainmise de la grande bourgeoisie sur les échevinages des villes. Elles sont matées, mais il n’en reste pas moins que, pour conserver leur pouvoir et préserver leur indépendance face au comte, les oligarques urbains font désormais systématiquement appel au roi. Se dressent progressivement deux camps qui vont s’opposer bientôt : l’oligarchie urbaine et une grande partie de la noblesse constituent les partisans du roi de France ou léliaerts en référence au lys, emblême de la royauté française; ils ont face à eux les klauwaerts, en référence à la griffe du lion arboré sur le blason des Dampierre, essentiellement les communiers fidèles au pouvoir comtal.

Louis IX puis son fils Philippe III jouent sans abus le jeu des institutions. Tout change avec Philippe le Bel (1285-1314) et ses légistes, qui vont systématiquement faire jouer le droit en faveur du pouvoir royal. Le comte Gui se trouve ainsi privé de toute liberté de manœuvre, et se voit obligé d'entrer en rébellion ouverte (1297). Le roi organise alors l’invasion de la Flandre (1297-1300). Le comte Gui, qui a vainement cherché l’alliance anglaise est fait prisonnier. La Flandre est brutalement incorporée au domaine royal. Les maladresses et les exactions du gouverneur Jacques de Châtillon provoque une insurrection des communiers brugeois dirigés par Pieter de Coninck et Jan Breydel : lors des mâtines de Bruges le 18 mai 1302 quand tôt le matin, plus de deux cents soldats de la garnison française sont massacrés et d'autres chassés. Robert d'Artois, cousin de Philippe le Bel, et le connétable Raoul de Nesles interviennent en représailles à la tête d'une armée de près de dix mille hommes, mais les communiers affrontent la chevalerie française près de Courtrai et remportent l’emblématique bataille des Éperons d'Or le 11 juillet 1302.

Philippe le Bel reprend l’initiative et profite de l’indécise bataille de Mons-en-Pévèle (18 août 1304) pour imposer le traité d'Athis-sur-Orge (23 juin 1305), qui ne sera jamais ratifié par les villes flamandes, principales pourvoyeuses des indemnités de guerre. Le traité d'Athis-sur-Orge permet à Robert III de Flandre dit Robert de Béthune de prendre la tête du comté (1305-1322) et de succéder à son père Gui de Dampierre mort dans une prison du château de Pontoise le 7 mars 1305. La situation stagne, marquée par le marasme économique, les dévaluations monétaires et les rivalités entre les villes (principalement Gand et Bruges). Robert, toujours en position inconfortable entre le roi et les villes flamandes, s’oppose systématiquement au pouvoir royal. Néanmoins, le roi de France va s’emparer d'une partie de la Flandre romane (où les parlers sont romans) qu'il garde en gage avec les châtellenies de Lille, Douai et Béthune : c’est le Transport de Flandre qui est ratifié par le traité de Pontoise. Signé le 11 juillet 1312 ce traité cède définitivement la Flandre gallicante avec Orchies au roi, le comte touchant en compensation une part de la rente versée par les villes au roi. Les campagnes militaires successives de Philippe le Bel et de Louis le Hutin en 1312, 1313, 1314 et 1315 ne parviennent pas à imposer le traité d’Athis. Ce n’est finalement que le 5 mai 1320 que le comte Robert de Béthune, venu à Paris, jure fidélité au roi de France, renonce à la Flandre gallicante et accepte de faire la paix sur arbitrage du pape Jean XXII. Le 2 juin suivant, le cardinal prêtre Gaucelin, neveu du pape, assiste à la signature officielle de la paix entre la Flandre et la France. Le comté est alors replié sur une seule zone linguistique.

Pouvoir des villes, pouvoir des comtes : 1320-1384

Le comté de Flandre vers 1350

Dès après la signature du traité, la prospérité revient. Robert III meurt en 1322. Son petit-fils Louis Ier lui succède (1322-1346), mais vassal fidèle et obstiné des Capétiens, il commet de nombreuses maladresses qui le rendent très vite impopulaire et suscitent une grande révolte conduite notamment par Zannekin (1323-1328). Le comte ne rassoit son autorité que grâce à l'intervention du roi Philippe VI (bataille de Cassel, 23 août 1328).

L'avènement du roi Valois a d'autres conséquences sur le comté : la Flandre va être le théâtre, dès 1337 des prémices et des débuts de la Guerre de Cent Ans. Le comte francophile s'oppose aux intérêts anglophiles des Flamands. Le roi Édouard III d'Angleterre, jouant de l'arme économique, menace la Flandre du blocus de la laine et de concurrence industrielle dans la production textile. Face à la menace, les Gantois se donnent un chef, le tribun Jacques van Artevelde (1337). Le Gantois prône la neutralité dans le conflit franco-anglais, l'accord économique avec l'Angleterre, l'alliance des trois "Membres" de Flandres (Gand, Bruges, Ypres) et l'union économique et militaire des Pays-Bas. Rapidement Ypres et Bruges se rallient à Artevelde et le comte est mis hors-jeu. Le tribun gantois traite directement avec le roi Édouard (reconnu suzerain comme roi de France) et fait lever l'embargo des laines. Il gouverne effectivement la Flandre de 1339 à 1345. C'est une tentative d'instauration d'un pouvoir populaire original. Cependant, Artevelde commet l'erreur de se jeter de plus en plus dans l'alliance anglaise. L'intransigeance économique des grandes villes face au Plat Pays qu'elles étouffent et la rivalité entre foulons et tisserands font le reste: Jacques van Artevelde est assassiné à Gand par les tisserands (17 juillet 1345). Mais l'alliance anglaise se maintient, et, après Crécy (où est tué Louis Ier) et la prise de Calais par les Anglais (1347), la Guerre de Cent Ans se détourne du comté.

Le règne de Louis II (1346-1384) voit la restauration de la confiance des Flamands envers leur dynaste. L'habileté politique du nouveau comte lui permet d'éviter les pièges de l'alliance anglaise, tout en maintenant une coopération économique. La paix est signée avec l'Angleterre (1348), les tisserands sont matés à Gand (1349) et la soumission au roi de France cesse d'être automatique (refus de l'hommage, 1350). Malgré les ravages de la Peste noire (1348), trente années de prospérité économique (1349-1379) et de tranquillité politique et sociale s'écoulent alors sous son règne. Le comte réforme et modernise alors les institutions du comté, spécialisant les différentes composantes de son ancienne cour. Il négocie avec grand succès les deux mariages successifs de son héritière. Le second mariage de Marguerite de Male avec le nouveau duc de Bourgogne Philippe de Valois permet le Transport de Flandre, c'est-à-dire le retour de la Flandre gallicante au comté. L'Artois revient également au comte par jeu d'héritage (1382).

Les querelles de clochers se réveillent néanmoins violemment en 1380: les tisserands gantois reprennent leur tentative d'hégémonie et essaient de l'imposer à Bruges, nouvelle capitale du comte. C'est la longue, sanglante et compliquée révolte des Chaperons blancs (1380-1385), menée en partie par Philippe van Artevelde (le fils de Jacques). C'est à Philippe de Valois que revient d'écraser la révolte à Roosebeke (27 novembre 1382). Mais Gand résiste jusqu'après la mort de Louis II (1384).

L'époque bourguignonne et ses suites (1384-1555)

Les ducs de Bourgogne de la Maison de Valois (seconde Maison capétienne de Bourgogne) incorporent progressivement le comté au sein d'un vaste ensemble qui regroupe bientôt tous les "bas pays au bord de la mer"[124]. La Flandre y rayonne de son éclat économique et culturel. Louis XI abat la puissance bourguignonne, mais l'ensemble créé se transmet malgré les vicissitudes à la Maison d'Autriche. Charles Quint, natif de Gand, hérite des ambitions bourguignonnes et fédère une Flandre déclinante aux Dix-Sept Provinces.

L'éclat de l'époque bourguignonne : 1384-1470

La période pendant laquelle règnent les Valois de Bourgogne inaugure une nouvelle phase de l'histoire du comté de Flandre. En effet, les ducs-comtes de cette dynastie vont peu à peu agglomérer à leurs possessions un ensemble important de territoires, par mariages, héritages, captations d'héritages, force, népotisme ou achats. Outre l'Artois et la Flandre que Philippe le Hardi possède déjà du chef de sa femme (1384, 1405) Marguerite III, le Boulonnais (1416, 1419-1438), le Brabant et le Limbourg (1406, 1430), le Namurois (1421), le Comté de Hainaut, la Hollande, la Zélande et la Frise (1428, 1433), la Picardie (1435-1463, 1465-1477), le Luxembourg (1443) et la Gueldre (1472) entrent dans le domaine bourguignon. Le siège de l'évêché de Liège (1408-1482) et celui de Cambrai (1439-1479) sont aux mains d'alliés des Valois de Bourgogne. La Flandre se retrouve ainsi à la fin de la période au sein d'un ensemble qui, oubliés les deux Bourgognes et le rêve lotharingien de Charles le Téméraire, est géographiquement cohérent. Mais si la Flandre se fond peu à peu parmi les Pays de par-deçà, bientôt les Pays-Bas, elle en reste durant toute la période l'élément le plus important parce que le plus peuplé et le plus riche. De la Bourgogne, au début de la période, le centre de gravité du pouvoir ducal passe à la Flandre durant la période. Marie de Bourgogne cèdera la Bourgogne, mais gardera la Flandre et les Pays-Bas.

De fait Philippe le Hardi (1384-1404) et Jean Sans Peur (1405-1419) sont avant tout des princes français et agissent politiquement en France (régence de Charles VI, querelle des Armagnacs et des Bourguignons, conquête anglaise). Mais Philippe le Bon (1419-1467) (qui gouverne effectivement les provinces septentrionales à partir de 1413) et Charles le Téméraire (1467-1477) (qui gouverne effectivement à partir de 1465) résident en Flandre et, fait significatif, se font enterrer à Bruges. Leurs points communs sont qu'ils assurent une relative paix dans le comté, qu'ils ménagent les susceptibilités locales, tout en installant progressivement une administration d'état efficace, leur permettant d'établir un impôt constant qui finance leurs ambitions politiques. Dans ce but, ils visent, au moins pour les trois premiers, à la neutralité de leurs états.

Philippe le Hardi installe à Lille un Conseil permanent pour les Pays de par-deçà, sur le modèle du conseil créé par Louis de Male. Philippe le Bon refonde complètement sa haute administration. Il place sous une même juridiction Flandre et Brabant et crée pour la Flandre une chambre des comptes à Lille, parallèle à celles de Bruxelles et de Dijon. Les premiers États-Généraux des Pays-Bas sont réunis en 1464. Charles le Téméraire va plus loin encore en instituant une cour suprême de justice pour toutes ses possessions (Parlement de Malines) et une chambre des comptes unique, à Malines. Depuis 1468, l'appel au Parlement de Paris pour la Flandre a été supprimé, rendant de fait le comté féodalement indépendant du royaume (accord arraché à Louis XI à Péronne).

Malgré les épidémies de peste, les famines locales (1400-1401, 1410-1411, 1425-1426, 1432-1433, 1438-1439…) et les destructions liées à la guerre, le pays se repeuple. Les historiens estiment la population du comté à 600 000 habitants en 1469. Gand dépasse 50 000 habitants, Bruges 40 000, Lille 20 000 et Ypres comme Douai avoisinent 10 000 âmes[125]. Économiquement, les villes flamandes connaissent leur chant du cygne. Les comtes-ducs stabilisent un tant soit peu la monnaie (création du ‘gros’ de Flandre par Philippe II en 1390 ; dévalué en 1418, il est réévalué par Philippe III en 1433 ; prescription d’une frappe identique de la monnaie dans tous les ateliers en 1434). L’industrie textile traditionnelle, de plus en plus concurrencée par l’Angleterre notamment, est remplacée progressivement, en particulier à Bruges, par celle de l’art, du luxe, de la banque et des finances. Le siège de la ligue hanséatique rétabli dans cette ville en 1392, le retour des marchands gênois en 1397, les privilèges accordés aux marchands étrangers (portugais, castillans, français) assurent, malgré deux départs momentanés de la Hanse (1436-1438 et 1451-1457) et le rapide développement d’Anvers et d’Amsterdam, la position de Bruges comme centre international de commerce jusque dans les années 1480.

L’effervescence politique des villes, qui causera à terme leur ruine, continue ponctuellement cependant. Suivant l’exemple de Liège, Anvers (1434), Bruges (1436-1438) et Gand (1452-1453) connaissent des révoltes, réprimées sans ménagement par Philippe le Bon. Ce dernier, fortement marqué par l’assassinat de son père (1419) a d’abord repris sa politique pro-anglaise, allant jusqu’à reconnaître l’accession d’Henri V d'Angleterre au trône de France. Mais l’affaiblissement de l’Angleterre durant la minorité d’Henri VI et les reconquêtes de Charles VII le conduisent à établir la paix avec son cousin Valois. Le traité d’Arras 1435 voit la rupture avec l’Angleterre, mauvais allié financier, l’indépendance vassalique personnelle avec le monarque français et l’acquisition des villes de la Somme et de Boulogne (seule Tournai reste dans le giron royal). Cela entraîne inévitablement des troubles en Flandre (siège infructueux de Calais par les flamando-bourguignons, attaques anglaises en Flandre maritime, révoltes de Bruges et de Gand déjà évoquées). Malgré cela, Philippe le Bon réussit à maintenir la neutralité de ses états. Les approvisionnements anglais, suspendus en 1435, sont rétablis et la situation revient à la normale dès 1439.

Le rapide déclin : 1470-1482

Les comtés de Flandre, d'Artois et de Hainaut en 1477

La politique moins prudente de Charles le Téméraire engendre une guerre ouverte avec Louis XI (3 décembre 1470). La Flandre subit directement l'étouffement économique orchestré par le roi de France: interdiction de l'exportation de blé vers les états de Par Deça, attaques par les corsaires français des bateaux flamands de pêche au hareng, forte taxation des marchandises venant des états bourguignons... Disettes et crise économique se conjuguèrent et frappèrent de plein fouet la Flandre. En cherchant d'autres débouchés économiques dans le bassin rhénan, Charles II trouve la mort devant Nancy (7 janvier 1477).

La mort soudaine du Téméraire rend ouvert le conflit avec Louis XI: le roi de France, qui s'empare de l'Artois et de la Bourgogne et dont les troupes pénètrent en Hainaut, menace directement la Flandre. L'héritière de Charles, Marie de Bourgogne (1477-1482) doit céder aux forces décentralisatrices de ses territoires pour maintenir sa légitimité: elle accorde aux États-Généraux de Gand le Grand Privilège (11 février 1477) supprimant notamment le Parlement de Malines, et crée un Grand Conseil dans lequel la Flandre a quatre représentants (sur vingt-cinq). Elle octroie de nombreuses chartes (dont trois à Bruges, une à Ypres) et rend de nombreux pouvoirs aux Trois Membres de Flandre, après avoir déchu le Franc de Bruges du titre. Les métiers urbains trouvent leur revanche sur le patriciat. Marie ne peut cependant empêcher Bruges de se révolter et d'exécuter sauvagement les anciens symboles du centralisme bourguignons que sont les chanceliers Hugonet et Humbercourt (3 avril 1477).

Marie épouse en hâte l'archiduc Maximilien d'Autriche donnant ainsi un bras armé à ses états. L'archiduc contient l'avance française, repoussant notamment une attaque sur Audenarde et Ypres (mai 1478) et remportant, avec les milices communales flamandes, la victoire de Guinegatte (7 août 1479). La guerre aggravée par les rudes conditions climatiques (l'hiver 1479-1480 est particulièrement rigoureux) engendre la famine (1480). Le blé, désormais importé de Prusse par la Hanse via le port de Bruges, est très cher et les navires sont sous la menace constante des corsaires français. Le manque d'argent de Marie et de Maximilien les oblige à majorer de moitié le cours des monnaies d'or (1478)[126]. Devant les difficultés économiques, les villes rechignent de plus en plus à accorder leur aide financière. Aussi la mort accidentelle de Marie (27 mars 1482), oblige-t-elle Maximilien à conclure avec la France le traité d'Arras (23 décembre 1482), négocié partiellement directement entre Gand et Louis XI. Maximilien abandonne l'Artois, mais préserve l'intégrité de la Flandre, seigneuries de Lille, Douai et Orchies comprises.

Vers Dix-Sept provinces indépendantes : 1482-1555

Article détaillé : Dix-Sept Provinces.

L'archiduc, désigné tuteur de ses enfants par Marie de Bourgogne sur son lit de mort, n'obtient des États qu'une mainbournie réduite. C'est leur fils Philippe le Beau (Philippe IV en Flandre) qui est intrônisé comte de Flandre (1483-1506) en janvier 1483 (il transmettra le titre à son fils Charles Quint et par lui aux Habsbourg d'Espagne, puis d'Autriche). Les villes flamandes tentent de s'opposer à la dissolution du comté dans une entité plus vaste (Pays-Bas, bientôt empire des Habsbourg) par une rigidité réactionnaire et souvent violente: Maximilien est ainsi prisonnier des Brugeois au début 1488, et obligé de cautionner le bain de sang auquel il assiste. Ces événements sont symptômatiques du déclin irrémédiable de la Flandre depuis la fin du règne de Charles le Téméraire. Crise économique majeure, hausse des prix, destruction des campagnes, catastrophes naturelles (famines, ensablement du Zwin), ces facteurs sont aggravés par le conservatisme borné des guildes et l'arrogance politique de Gand qui se met à dos les autres provinces. La clientèle économique, les élites politiques et culturelles se déplacent vers Anvers ou le Brabant (Malines, Bruxelles), fuyant le rigorisme et les violences. La défense de leurs privilèges, désormais sans contenu, est un combat d'arrière-garde pour les villes. En 1491 le chef gantois Coppenholle est exécuté. Maximilien devenu empereur (1493), Philippe le Beau entame son règne personnel (1494-1506) en restreignant considérablement les concessions de 1477: il rétablit notamment le Franc de Bruges comme quatrième Membre de Flandre, contrebalançant ainsi le pouvoir des villes. En 1496 un traité (Intercursus Magnus) assainit le commerce avec l'Angleterre. Le Parlement de Malines est rétabli en 1504.

Le comte, souverain des Pays-Bas, s'il est encore présent en Flandre, hérite en 1504 par mariage de la couronne de Castille et meurt dans son nouveau royaume (1506). Son fils Charles, le futur Charles Quint, né à Gand, reste présent dans les Pays-Bas, sous la conduite de sa tante Marguerite d'Autriche; mais il cumule bientôt tout l'héritage de ses ancêtres: il quitte les Pays-Bas pour l'Espagne en 1517 et devient empereur germanique en 1519. Entre 1517 et 1555 Charles de Gand, ne séjourne que dix ans dans les Pays-Bas, même s'il reste ataviquement bourguignon. Il laisse sa tante Marguerite d'Autriche (1517-1530), puis sa sœur Marie de Hongrie gouverner les Pays-Bas. Il intervient néanmoins personnellement pour écraser la dernière révolte de Gand 1539, provoquée essentiellement par la misère, les débuts du protestantisme et le refus d'un nouvel impôt. L'exécution inique de Liévin Pyn illustre l'insurrection, que Charles réprime impitoyablement: outre l'exécution des principaux meneurs, la Concession caroline (1540) abolit définitivement les privilèges de la commune et les fossés de Gand sont comblés. Néanmoins, le creusement du canal entre Gand et l'Escaut oriental est initié dès 1547.

En 1526 le traité de Madrid abolit la vassalité de la Flandre vis à vis de la France, qui abandonne également Tournai, conquise en 1520. Le dernier lien, vassalique, du comté à la France est brisé mais comme le traité n'est pas ratifié par la France, il faut attendre 1559 (traités du Cateau-Cambrésis) pour que cela devienne officiel. Le comté est intégré aux Dix-Sept Provinces du Cercle de Bourgogne par Charles Quint en 1548. Le comté est ainsi formellement rattaché au Saint-Empire (en 1559 officiellement, donc), mais, comme les autres provinces, avec une vassalité réduite à l'extrême. La Pragmatique Sanction de 1549 règle et simplifie la procédure de succession dans les provinces. Aussi le fils de Charles, Philippe II d'Espagne succède-t-il à son père lors de son abdication en 1555. Ce prince est espagnol et ne connaît ni la Flandre, ni les Pays-Bas.

Les souverains "étrangers" (1555-1795)

Le Comté de Flandre dans les Pays-Bas (1559-1608).

Les querelles religieuses et la morgue de Philippe II d'Espagne font éclater l'unité des Dix-Sept Provinces (proclamation de l'indépendance des Provinces-Unies, 1581). La guerre ruine la Flandre qui étouffe bientôt sous la domination espagnole, au sein des Pays-Bas du Sud (Pays-Bas espagnols), et la Contre-Réforme. Le sud du comté est reconquis par Louis XIV alors que le reste finit par passer à l'Autriche (Pays-Bas autrichiens, 1714). Le comté disparaît formellement dans la tourmente de la Révolution française.

Une ère sanglante de troubles et de guerres : 1555-1585

La morgue et l’intransigeance bornée de Philippe II d'Espagne (si peu Philippe V de Flandre) précipitera les Pays-Bas à la catastrophe humaine et finalement à la scission des Provinces en deux entités politiquement et religieusement séparées. Le comté de Flandre sera touché de plein fouet par le terrible conflit, mêlant guerre d’indépendance, guerre religieuse et guerre civile.

L’Inquisition que les élites locales ont modérée sous le règne précédent, devient forcenée sous le règne de Philippe. À la suite de la Bulle papale de 1559, la vieille structure épiscopale datant de l’époque franque est actualisée. Alors que le comté relevait jusqu’alors de trois évêchés au moins (celui de Thérouanne pour Ypres et le sud-ouest, celui de Cambrai pour l’est et celui de Tournai pour le cœur du comté), un seul évêque installé à Bruges régit maintenant l’ensemble du territoire. Mais cette amélioration renforce la mainmise espagnole et l’acharnement contre les hérétiques au catholicisme romain. De nombreuses élites urbaines sont devenus protestantes. Le luthéranisme est apparu dès après 1517, grâce à l’imprimerie et au fort contexte humaniste de la région. Les Anabaptistes se sont développés par la suite, mais depuis les années 1550, le calvinisme domine le mouvement protestant.

Les premières exactions de la Révolte des gueux, qui va déboucher sur la Guerre de Quatre-vingts ans, ont lieu en Flandre : les calvinistes iconoclastes saccagent les premiers édifices religieux en août 1566 : l’église St-Laurent à Steenvoorde, le monastère de St-Antoine à Bailleul, puis des dizaines d’églises autour de Poperinge, Bergues-Saint-Winoc, Cassel avant Anvers et Gand. La Flandre, plus vulnérable géographiquement que la Zélande ou la Hollande, subit de plein fouet la terrible répression du duc d’Albe (exécution du comte d’Egmont conseiller d’état de Flandre et du comte de Hornes, 1568) : les élites protestantes qui ne sont pas massacrées prennent la fuite. Le commerce et l’industrie sont cette fois ruinés pour un long moment. Le massacre de la Saint-Barthélémy en France (1572) déçoit les espoirs de Guillaume d'Orange de reprendre la Flandre. Les mutineries sanglantes des soldats espagnols impayés (Furie espagnole à Anvers), le rappel du duc d’Albe (1574), et la mort de son successeur (1576) permettent aux États de proclamer la Pacification de Gand et de s’unir contre les Espagnols (5 novembre 1576).

Mais les fanatismes religieux sont trop exacerbés. Gand, puis Ypres et Bruges sont devenues des républiques théocratiques calvinistes sur le modèle genevois. Les églises de leurs environs ont été systématiquement pillées. Aussi, après la défaite de Gembloux devant Alexandre Farnèse (1578), les régiments wallons catholiques battus attaquent-ils les calvinistes flamands, pourtant leurs compatriotes. L’Union d’Arras regroupe en janvier 1579 les provinces du sud à dominance catholique, ainsi que Douai, qui se reconnaissent fidèles au monarque espagnol. L’Union d’Utrecht au nord, protestante, lui répond ; Bruges, Gand, Ypres, Tournai, Anvers… s’y associent. C’est la guerre civile et la fin des Dix-Sept Provinces.

La Flandre, à la géographie si plane, ne peut se maintenir dans les Provinces-Unies, auto-proclamées indépendantes en 1581: une à une les villes tombent dans les mains du duc de Parme : Tournai en novembre 1581, Audenarde en juillet 1582, Ypres en janvier 1583, Bruges en mai 1584, Gand enfin en septembre de la même année. Vers 1585 après la chute (et la ruine) d’Anvers, sans aide des états du nord, la Flandre entre définitivement dans l’ère espagnole.

La période espagnole : 1585-1714

Les Espagnols noyautent dès lors tous les niveaux de l'administration, sans jamais s'implanter. La vigueur de la Flandre s'anéantit dans la Contre-Réforme. Privée de son commerce par le refus de l'Espagne de l'associer à celui des Indes, et par la fermeture de l'estuaire de l'Escaut par les Provinces Unies, le comté devient une coquille vide dont la structure subsistera néanmoins jusqu'à la fin du dix-huitième siècle.

Les Pays-Bas méridionaux deviennent après le traité des Pyrénées en 1659 un état tampon entre les ambitions françaises et les Provinces Unies, qui ont oublié très vite toute idée de réunification. La Flandre subit les guerres quasi incessantes entre les puissances européennes. Louis XIV s'empare graduellement du sud du comté (Tournai, Douai, Armentières, Lille, Bergues, Furnes en 1668 à la Paix d'Aix-la-Chapelle, Courtrai, Audenarde entre 1668 et 1678, Cassel, Ypres en 1678 au traité de Nimègue), avant de refluer partiellement. L'administration royale crée alors la Province de Flandre, regroupant ces conquêtes, incluant également le Cambrésis et la partie sud de l'ancien comté de Hainaut[réf. nécessaire]. La Flandre reste dévastée par les campagnes de l'armée française (1642-1658, 1661-1668, 1673-1678, 1689-1697, 1700-1705).

La Guerre de Succession d'Espagne voit le retrait limité de la France (perte d'Ypres et de Poperinge) et l'administration du territoire par les Anglo-néerlandais (1705-1714) jusqu'au traité d'Utrecht qui place les Pays-Bas méridionaux sous le contrôle autrichien.

La période autrichienne et la fin du comté : 1714-1795

La paix d'Utrecht (1713) donne les Pays-Bas méridionaux à l'Autriche de Charles VI. Ils doivent cependant assurer le financement du maintien de garnisons hollandaises dans les villes flamandes de Furnes, Ypres, Knokke, Warneton, Menin, Tournai et Termonde. La paix se maintient jusqu'en 1744, date où la France occupe à nouveau le pays (1744-1748). La situation économique s'améliore quelque peu. Marie-Thérèse (1744-1780) et Joseph II (1780-1790) tentent de réduire la puissance sclérosante des guildes. Joseph II fait démanteler les forteresses tenues par les Hollandais, qu'il chasse de Flandre (1782).

Les réformes radicales de l'Empereur sont brutales et imposées par le haut. Le comté, comme les autres structures administratives, est supprimé (1er janvier 1787), rétabli (30 mai 1787), supprimé de nouveau (17 décembre 1787) et les Autrichiens sont finalement chassés (révolution brabançonne). En 1790, lors de la première réunion des États-Généraux depuis 1632, le comté intègre les éphémères États-Belgiques-Unis proclamés à cette occasion. Mais, dès la fin 1790, l'Autriche occupe à nouveau le territoire.

Le glas définitif du comté sonne en 1795, date à laquelle, après la guerre (1792-1794) et la conquête (1794), il est transformé (hors Tournai, rattaché au département de Jemmapes) en deux départements français: l'Escaut et l'Yser, prototypes des futures provinces belges de Flandre-Orientale et de Flandre-Occidentale, créées en 1814 au sein du royaume des Pays-Bas et intégrées à la Belgique en 1830.

Titulature et statut

D'or au lion de sable armé et lampassé de gueules

Pairie

Le comte de Flandre était l'un des six pairs laïcs primitifs du Royaume de France (les pairs laïcs à l'avènement d'Hugues Capet en juillet 987).

Après le détachement officiel de la Flandre du royaume de France en 1559 (et même depuis les pertes de suzeraineté successives de 1435 — dispense d'hommage du comte de Flandre-duc de Bourgogne pour ses domaines français (alors que Charles-Quint, comte de Flandre, rend quand même le dernier hommage au Roi de France en 1515) — de 1468 — fin de l'appel au Parlement de Paris — et de 1526traité de Madrid non ratifié et concessions de François Ier), les sacres des Rois de France ont continué de se dérouler en affectant à l'un des plus grands personnages du royaume le rôle du comte de Flandre (voir référence sur la page dédiée : Le sacre des rois de France). Cet aspect du cérémonial du sacre s'est poursuivi après la reconquête par Louis XIV d'une partie de l'ancien comté de Flandre, bien que les terres recouvrées fassent partie du domaine royal, sans plus relever d'un comte particulier.

Autres titres

Deux comtes de Flandre eurent le titre de régent de France : le premier, Baudouin V, fut tuteur en 1060 de Philippe Ier, son neveu ; le second, Philippe d'Alsace, fils de Thierry d'Alsace, eut la tutelle de Philippe Auguste. Un autre comte, Baudouin IX, fut empereur de Constantinople (1204).

Voir aussi

Notes

  1. Léon Vanderkindere, La Formation territoriale des principautés belges au Moyen Âge, vol. I, H. Lamertin, Bruxelles, 1902 (réimpr. 1981), p. 35 
  2. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 36-37.
  3. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 36.
  4. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 37-38.
  5. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 43-44.
  6. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 38.
  7. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 38-39.
  8. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 39.
  9. a  et b Léon Vanderkindere, op. cit., p. 45.
  10. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 45-46.
  11. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 46-47.
  12. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 49.
  13. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 52.
  14. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 54.
  15. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 54.
  16. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 55.
  17. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 55.
  18. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 56.
  19. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 56.
  20. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 58-59.
  21. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 59.
  22. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 59.
  23. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 60.
  24. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 83-84.
  25. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 79-80.
  26. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 80.
  27. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 80-81.
  28. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 81.
  29. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 81.
  30. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 82.
  31. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 84.
  32. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 88.
  33. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 88.
  34. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 89.
  35. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 89.
  36. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 89-90.
  37. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 90.
  38. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 92.
  39. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 94.
  40. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 96.
  41. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 100.
  42. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 100.
  43. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 101.
  44. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 101.
  45. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 102.
  46. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 103.
  47. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 103.
  48. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 104.
  49. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 104.
  50. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 105.
  51. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 104.
  52. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 105-106.
  53. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 106-107.
  54. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 108.
  55. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 108-109.
  56. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 109.
  57. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 111.
  58. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 111.
  59. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 111-112.
  60. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 113.
  61. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 117.
  62. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 118.
  63. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 119-121.
  64. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 120.
  65. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 120.
  66. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 121.
  67. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 121.
  68. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 122.
  69. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 122-123.
  70. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 151-152.
  71. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 152.
  72. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 152-153.
  73. Platelle, L'essor des principautés, chapitre III, in Histoire des Provinces Françaises du Nord, tome 2.
  74. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 153.
  75. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 153.
  76. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 153.
  77. Pour les événements liés à l'assassinat de Charles le Bon et à l'avènement de Thierry d'Alsace, lire le récit d'un témoin de l'époque, Galbert de Bruges, auteur de Le meurtre de Charles le Bon, réédité en 1978 par Fonds Mercator s.a. Anvers ISBN 90 6153 0989.
  78. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 153-154.
  79. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 167-168.
  80. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 168.
  81. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 168.
  82. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 169.
  83. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 169-170.
  84. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 170.
  85. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 170.
  86. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 170-171.
  87. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 171.
  88. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 171.
  89. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 171-172.
  90. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 172.
  91. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 172-173.
  92. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 173.
  93. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 173-174.
  94. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 174-175.
  95. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 175-176.
  96. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 176.
  97. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 176-177.
  98. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 178.
  99. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 178.
  100. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 178-179.
  101. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 179.
  102. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 183.
  103. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 183-184.
  104. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 184.
  105. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 187.
  106. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 188-189.
  107. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 189-190.
  108. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 190.
  109. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 191.
  110. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 191.
  111. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 191-192.
  112. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 192.
  113. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 193.
  114. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 193.
  115. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 193-194.
  116. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 194.
  117. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 194-195.
  118. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 195.
  119. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 195-196.
  120. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 196-197.
  121. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 197.
  122. Léon Vanderkindere, op. cit., p. 197-198.
  123. Platelle, L'essor des principautés, chapitre II, in Histoire des Provinces Françaises du Nord, tome 2.
  124. Georges-Henri Dumont (Conservateur honoraire aux Musées royaux d'Art et d'Histoire de Belgique), Histoire de la Belgique, Le Cri 2000, p. 138
  125. d'après Platelle, Henri : ibid., chapitre IX
  126. Dumont, Georges-Henri: Marie de Bourgogne, chapitre XI.

Sources et bibliographie

  • Carson, Patricia: Miroir de la Flandre, Éditions Lannoo, Tielt, 1973 révision 1991; ISBN 90 209 2714 0
  • De Cant Geneviève: Jeanne et Marguerite de Constantinople, Éditions Racine, Bruxelles, 1995; ISBN 2-87386-044-8
  • Douxchamps Cécile et José: Nos dynastes médiévaux, Wepion-Namur 1996, José Douxchamps, éditeur; ISBN 29600078-1-6
  • Dumont Georges-Henri: Histoire de la Belgique, Histoire/le cri, Bruxelles 1977, ISBN 2-87106-182-3
  • Dumont Georges-Henri: Marie de Bourgogne, Fayard 1982, ISBN 2-213-01197-4
  • Geirnaert Noël et Vandamme Ludo: Bruges: two thousands years of history, Stichting Kunstboek bvba, Bruges, 1996; ISBN 90-74377-46-7
  • Le Glay Edward: Histoire des comtes de Flandre jusqu'à l'avènement de la Maison de Bourgogne, Comptoir des Imprimeurs-unis, Paris, MDCCCXLIII
  • Lestocquoy Jean, Histoire de la Flandre et de l'Artois, Presses universitaires de France, Paris 1949
  • Platelle Henri et Clauzel Denis: Histoire des provinces françaises du Nord, 2. Des principautés à l'empire de Charles Quint (900-1519), Westhoek-Éditions Éditions des Beffrois, 1989; ISBN 2-87789-004-X
  • « Comté de Flandre », dans Marie-Nicolas Bouillet et Alexis Chassang [sous la dir. de], Dictionnaire universel d’histoire et de géographie, 1878 [détail des éditions]  (Wikisource)

Liens externes

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