Attila

Attila
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Attila
Atilla fléau de dieu.jpg
Plaquette en bronze représentant Attila (musée du Louvre).

Titre
Roi des Huns
434453
Prédécesseur Bleda et Ruga
Successeur Ellac
Biographie
Titre complet Roi des Huns
Date de naissance v. 400
Date de décès 453
Lieu de décès Vallée de Tisza (Hongrie)
Père Moundzouk

Attila, né autour de 400, mort en 453[1],[2] peut-être dans la région de la Tisza[réf. nécessaire], est le roi des Huns de 434 à 453, selon l'historiographie romaine, régnant sur un empire s'étendant de l'Europe centrale à l'Asie.

Sommaire

Introduction

Les sources

L'historiographie d'Attila se trouve face à une difficulté majeure : elle ne dispose que de sources écrites grecques et latines, émanant d'ennemis des Huns.

Ses contemporains ont laissé de nombreux témoignages à son sujet, mais il n'en demeure que des fragments[3]. Le plus important est celui de Priscus, diplomate et historien de langue grecque. Plus qu'un témoin, c'est un acteur de l'époque d'Attila : il est membre de l'ambassade de Théodose II à la cour du roi des Huns en 449. Il est l'auteur de huit livres d'une Histoire couvrant une période allant de 434 à 452, dont il ne reste aujourd'hui que des fragments[4]. Bien que Priscus soit évidemment partial de par ses fonctions, son témoignage est une source primaire majeure et il est le seul à avoir donné une description physique d'Attila.

Attila est aussi évoqué dans les œuvres d'historiens du VIe siècle. Jordanès, historien de langue latine, Goth (ou Alain) d'origine, est l'auteur d'un livre sur l'histoire des Goths (De origine actibusque Getarum) qui constitue l'autre grande source concernant l'empire hunnique et ses voisins. Sa vision reflète celle de son peuple et de la postérité d'Attila un siècle après sa mort. Marcellinus Comes, chancelier de Justinien, est une source précieuse concernant les relations des Huns avec l'empire romain d'Orient[5].

De nombreuses sources ecclésiastiques contiennent des informations utiles bien qu'éparses, parfois difficiles à authentifier et déformées par les moines copistes du VIe siècle au XVIIe siècle. Les chroniqueurs hongrois du XIIe siècle, considérant les Huns comme des ancêtres glorieux, ont repris des éléments historiques et ajoutés à sa légende[6].

La littérature et la transmission du savoir des Huns étaient uniquement orales, à travers les épopées et les poèmes chantés qui se transmettaient de génération en génération[7]. Cette tradition orale nous a été transmises indirectement par les littératures nordiques et germaniques des peuples voisins : Attila est le personnage central de plusieurs « cycles héroïques » couchés par écrit entre le IXe siècle et le XIIIe siècle : Eddas, sagas et Chanson des Nibelungen[6],[7].

L'archéologie fournit des détails sur le mode de vie, l'art et les techniques guerrières des Huns ; il reste quelques traces de batailles ou de sièges, mais en 2011 la tombe d'Attila et l'emplacement de sa capitale n'ont toujours pas été localisés[8].

L'Europe à la fin du IVe siècle et au début du Ve

L'arrivée des Huns

Au moment de la naissance d'Attila, les Huns sont arrivés depuis peu en Europe[9]. Ils sont très mobiles, leurs archers à cheval ont acquis une réputation d'invincibilité et les peuples germaniques semblent impuissants face à ces nouvelles tactiques[10]. L'arrivée des Huns en Europe est à l'origine de grands mouvements de population, qui perturbent l'Empire romain, dont les frontières sont établies sur le Rhin et le Danube. Après avoir traversé la Volga vers 370 et annexé le territoire des Alains, les Huns s'attaquent aux Goths, localisés entre le Don et le Danube.

Les migrations des peuples germaniques

Les Huns soumettent une bonne partie des Ostrogoths[11], qui jouent ensuite un rôle important dans l'empire hunnique. En revanche, les Wisigoths[12] cherchent à leur échapper : en 376, un grand nombre d'entre eux traversent le Danube pour se mettre à l'abri, avec l'accord des autorités romaines ; mais à la suite de diverses péripéties, l'armée conduite par l'empereur Valens est vaincue par les Wisigoths à Andrinople en 378 et Valens est tué[13]. Par la suite, les Wisigoths sont une source de problèmes récurrents pour l'Empire (sac de Rome en 410, établissement des Wisigoths en Aquitaine en 418).

L'avancée des Huns met d'autres peuples en mouvements, en particulier ceux qui envahissent la Gaule en 407 : les Vandales qui s'empareront de l'Afrique romaine en 429, les Burgondes qui s'installent dans la région de Worms, les Suèves, qui atteindront la Gallaecia au nord-ouest de l'Espagne.

L'Empire romain

Au IVe siècle, depuis le règne de Dioclétien, l'empire romain est souvent gouverné par deux empereurs, et depuis Constantin, divisé entre trois préfectures du prétoire : Gaule, Italie et Orient. À la mort de Valens, en 378, son successeur à la tête de l'Empire d'Orient est Théodose ; à sa mort en 395, ses deux fils, Honorius et Arcadius deviennent empereurs d'Occident (capitale : en général, Ravenne) et d'Orient (capitale : Constantinople). Du vivant d'Attila, malgré quelques différends, les deux Empires romains restent unis sous la direction de la famille des Théodosiens [14], avec Théodose II, successeur d'Arcadius en 408, et Valentinien III, successeur d'Honorius en 425 sous la régence de sa mère Galla Placidia.

L'empire hunnique avant Attila

L'empire hunnique s'étend alors sur un vaste territoire aux frontières floues, déterminées par l’assujettissement d'une constellation de peuples plus ou moins autonomes. Certains sont assimilés, beaucoup conservent leurs rois, d'autres sont simplement tributaires ou reconnaissent la suzeraineté théorique du roi des Huns mais restent indépendants[15]. Bien que les Huns soient indirectement la source des problèmes des Romains, les rapports entre les deux empires peuvent être cordiaux : les seconds utilisent les premiers comme mercenaires contre les Germains. Ils échangent des ambassades et des otages, cette alliance dure de 401 à 450 et permet aux Romains de remporter de nombreux succès militaires[16]. Les Huns considèrent que les Romains leurs versent des tributs tandis que ceux-ci préfèrent considérer qu'ils leurs octroient des subsides contre des services rendus. Lorsque Attila devient adulte sous le règne de son oncle Ruga, les Huns sont devenus une grande puissance au point que l'ancien patriarche de Constantinople Nestorius en vient à déplorer la situation : « Ils sont devenus les maîtres et les Romains les esclaves »[17].

Dans les années 420, les rois des Huns sont Octar (mort vers 430) et Rugila (mort en 434), frères de Moundzouk, le père d'Attila et de Bleda, qui succèdent à Rugila. L'historien hongrois contemporain István Bóna estime probable que Moundzouk a régné avant Octar et Rugila[18] mais aucune source ne l'atteste[19].

Biographie

La date de naissance d'Attila n'est pas connue de façon précise. Le journaliste et romancier Eric Deschodt et l'écrivain Hermann Schreiber avancent la date de 395[20],[21], mais l'historien Iaroslav Lebedynsky et l'archéologue Katalin Esch préfèrent la situer de façon plus approximative entre la dernière décennie du IVe siècle et la première du Ve siècle[19].

Origines familiales et enfance

Il est le fils de Moundzouk[22], frère des rois Octar et Ruga, qui ont régné conjointement sur les Huns[23] [24]. Sa famille est donc de noble extraction, mais les historiens ne savent pas si elle est une ancienne dynastie royale.

Même s'ils sont en voie de sédentarisation depuis leur arrivée en Europe, les Huns sont des « pasteurs guerriers »[25] se nourrissant essentiellement de viande et de lait, attachés au bétail et aux chevaux. Attila reçoit donc une éducation de cavalier et d'archer[26]. Comme d'autres enfants de son peuple, sa tête est ligaturée par des bandages de façon à obtenir une déformation du crâne, pratique esthétique ou spirituelle[27],[28]. Sa langue maternelle est le hunnique, apparenté aux langues turques, mais comme il fait partie de la classe dirigeante, il apprend aussi la langue des Goths[27].

Par ailleurs, il parle couramment le latin et le grec ; quand devenu roi il fait le siège de Rome, il parlera en latin avec le Pape[29]. Il apprend ces langues alors qu'il séjourne comme otage d'honneur à la cour impériale[réf. nécessaire]. Il a aussi pu rencontrer des otages romains : notamment le jeune Aetius.

Le règne de Bleda et Attila

L'avènement d'Attila et de Bleda (434)

En 434, Ruga meurt et ses neveux Bleda, l'aîné[réf. nécessaire], et Attila deviennent rois. La succession ne s'est sans doute pas faite facilement, car des Huns de haut rang s'enfuient alors à Constantinople, parmi lesquels deux membres de la famille royale, Mamas et Atakam, peut-être d'autres neveux ou même les fils de Ruga[17].

Les relations avec l'Empire romain d'Orient

De 435 à 440, le règne de Bleda est marqué par le succès des Huns face à l'Empire romain d'Orient, un succès surtout diplomatique car la politique de Bleda à l'égard des Romains est pacifique. Bleda obtient un doublement du tribut versé par l'empire romain d'Orient et la promesse impériale de ne plus s'allier avec les Barbares ennemis des Huns, c'est-à-dire les peuples germaniques restés indépendants. Durant cette période, les Huns étendent leur empire jusqu'aux Alpes, au Rhin et à la Vistule[réf. nécessaire].

Pourtant, dès 440, lors de l'invasion de l'Arménie romaine par les Perses sassanides, qui détourne momentanément l'attention de Constantinople des Huns, Bleda attaque l'empire romain d'Orient. À ce moment, Attila n'aide son frère qu'en dernier recours, ayant entamé de son côté des pourparlers avec l'Empire. Il ne le fait sans doute que pour éviter d'être lésé sur le partage du butin[réf. nécessaire]. La politique séparée d'Attila, lors de la guerre de 441-442, s'explique peut-être aussi par sa volonté de négocier avec les Romains la remise des princes héritiers huns réfugiés dans l'empire à la mort de Ruga et qui auraient hérité du royaume en cas de décès de son frère[réf. nécessaire].

Attila seul roi des Huns (445)

Aire dominée par les Huns vers 450.

Fin 444 ou début 445, Bleda meurt. Il aurait mené une vie très dissolue et aurait succombé aux excès de boisson dont il était un fervent adepte. On a suggéré qu'une intervention d'Attila a eu lieu, mais aucun élément de preuve ne le confirme. Les auteurs de l'époque n'en font pas état, même si s'est fait jour une certaine propagande[réf. nécessaire] visant à discréditer Attila aux yeux de Rome et des autres peuples hunniques.

Attila devient donc le seul roi des Huns. Dès son accession au pouvoir, ses alliés germaniques l'auraient influencé en encourageant la propension qu'il avait de se croire destiné à régner sur l'univers tout entier. Ainsi, avec le concours d'une vache et de son gardien, ils découvrent pour Attila l'épée du dieu de la guerre, Mars, pointant hors de terre[réf. nécessaire]. Or, dans le processus qui va mener les Huns à acquérir plus de puissance, Attila se trouve rapidement contraint à de nouvelles guerres pour récompenser et surtout conserver l'alliance des Germains.

Reprise de la guerre contre l'Empire romain

Depuis la cuvette danubienne où il est solidement installé, Attila menace alors l'empire romain.

Dès 445-446, il s'empare de la totalité de la province romaine occidentale de Pannonie-Savie (le reste de la Pannonie étant déjà tenu par les Huns). Pour maintenir la fiction d'une administration romaine, il est nommé maître de la milice par l'empereur Valentinien III.

Mais, le 27 janvier 447, un tremblement de terre détruit une grande partie de la muraille théodosienne de Constantinople et provoque une famine importante. Cette faiblesse de l'empire romain d'Orient permet à l'empire romain d'Occident d'être momentanément épargné par les visées d'Attila.

L'échec face à l’empire romain d’Orient (447-450)

Attila, profitant de l'événement, jette son armée sur l'empire romain d'Orient. Il s'y embourbe. L'empire ne paie plus son tribut et les versements des sommes précédemment dues sont interrompus. Les négociations de paix durent plusieurs années, sans aucun bénéfice pour les Huns. Au moment où elles allaient aboutir, les tributs versés par l'Orient se tarissent définitivement. L'empereur Théodose II meurt dans un accident de cheval et le « parti des bleus » (parti des sénateurs et des aristocrates) triomphe : or il est farouchement opposé à l'idée d'acheter la paix avec les barbares.

N'ayant pu soumettre l'Orient faute de pouvoir prendre Constantinople, Attila retourne dans le jeu diplomatique de l'Occident en 450.

Les négociations relatives à l'Augusta Honoria (450)

Honoria, sœur de l'empereur Valentinien III, est Augusta[30] depuis 426.

Vers 440, Honoria avait envoyé sa bague à Attila pour lui demander de l'aide[réf. nécessaire]. Quelque dix ans plus tard, Attila feint de prendre l'affaire au sérieux et accepte le bijou comme « dot », avant de demander la Gaule en tant qu'héritage impérial dû à sa « fiancée ».

Mais Honoria est exilée à Constantinople où on lui fait épouser un sénateur.

Attila propose alors aux Romains de s'attaquer aux Wisigoths qui affaiblissent l'empire en Gaule, et parallèlement aux Wisigoths de se partager l'empire.[réf. nécessaire]

À l'automne 450, Attila entre en guerre contre l'empire romain d'Occident.

L’échec de l'invasion de la Gaule (451)

Articles détaillés : Grandes invasions et invasions barbares.
Itinéraires probables des Huns lorsqu'ils ont envahi la Gaule, montrant le destin des villes principales dans leur chemin.

À la tête d'une armée coalisée hunno-germanique, Attila se lance au printemps 451 dans une campagne contre la Gaule. Son armée réunit des Gépides (les plus nombreux), des Ostrogoths, dirigés par trois rois frères dont le père du futur Théodoric Ier (Théodoric le Grand)), des Skires, des Suèves, des Alamans, des Hérules, des Thuringes, des Francs, des Burgondes, des Alains et des Sarmates. Elle est majoritairement germanique et les Huns n'en composent qu'une infime partie. Les tactiques qui ont précédemment fait leur succès contre les « civilisés » ne sont donc plus à l'ordre du jour.

Le 7 avril, Attila brûle Metz.

Il se heurte ensuite à une forte résistance, d'abord à Paris sous l'impulsion de sainte Geneviève, puis à Orléans, à l'instigation de l'évêque, Aignan d'Orléans, avec l'appui de l'armée d'Aetius.

À Orléans, où il compte franchir la Loire, Attila doit combattre les Wisigoths de Théodoric Ier et les légions romaines d'Aetius, en réalité composées de soldats issus des peuples établis en Gaule à cette époque : Alains, Francs, Burgondes, Sarmates, Saxons, Lètes (colons barbares), Armoricains et même des Bretons venus d'outre-Manche

Moins d'une quinzaine de jours après Orléans, Attila est tenu en échec lors de la bataille des champs Catalauniques. Certains auteurs localisent cette bataille à cinq milles romains (7,5 km) de Troyes en un lieu appelé campus mauriacus, champs mauriaques. D'autres, plus anciens, la situent près de Châlons-en-Champagne, l'antique Catalaunum d'où dérive l'épithète attribué aux « champs Catalauniques », à l'emplacement de l'oppidum gaulois de La Cheppe, improprement appelé « le camp d'Attila ».

Cette défaite marque la fin de son incursion en Gaule romaine. Cependant, même si les Huns sont contraints à se replier au-delà du Rhin, elle ne représente qu'un échec mineur face à l'Empire. Le potentiel militaire d'Attila n'est pas sérieusement entamé alors que son principal adversaire voit ses forces se disperser aussitôt l'affrontement terminé.

L'invasion de l'Italie (452)

Au printemps 452, il reprend l'offensive en Italie. Son armée prend Aquilée, Padoue, Vérone, Milan, Pavie puis se dirige vers Rome. Aetius ne parvient qu'avec peine à le maintenir au nord du . L'empereur Valentinien III décide alors de négocier.

Conduite par le pape Léon Ier, par le préfet Trigetius qui a déjà traité avec les Vandales de Genséric, et par le consul Aviennus, une délégation romaine obtient une trêve. Le pape parle avec Attila toute la nuit sans que personne ne puisse pénétrer dans la tente du roi. Personne ne sait ce que les deux hommes se sont dit, mais le lendemain Attila repart vers le nord.

Il est cependant probable que le revirement d'Attila soit dû à la rançon[réf. nécessaire] versée par Rome et à l'intervention militaire de Marcien.

La fin du règne

Entre temps, en effet, les troupes de Marcien, nouvel empereur d'Orient, ont franchi le Danube et menacent le cœur de l'empire hunnique. Aussi Attila revient-il en Pannonie, puis consacre ses derniers efforts à raffermir ses frontières orientales, notamment dans le Caucase[réf. nécessaire], en vue de futures campagnes contre Marcien.

Mais, au printemps 453, il meurt subitement, après un festin donné à sa cour lors de ses noces avec une nouvelle épouse nommée Ildico, ce qui pourrait être une version hunnisée du nom d'une princesse franque « Hildegonde » ou d'une princesse bactriane capturée lors de la dernière incursion au Caucase.[réf. nécessaire]

Selon l'historien Jordanès[31], la cause du décès est « une perte de sang » qui s'écoule malencontreusement dans les voies respiratoires et les obstrue (Attila avait abondamment bu ce soir là[réf. nécessaire]). Ildico est retrouvée au matin, prostrée près du cadavre du roi.

Selon le même auteur, Attila est honoré de funérailles royales et est inhumé dans un triple cercueil d'or, d'argent et de fer, en un lieu tenu secret (les esclaves participant aux travaux de sépulture sont tués).

Sa succession dégénère en conflit entre les fils , dont les principaux sont Ellac, Dengizich et Ernakh, et petits-fils d'Attila. La bataille de la Nedao en 454 entraîne la dislocation de son empire. Les tribus hunniques se désunissent et reprennent pour chefs des membres de leurs aristocraties.

Son second nommé Oreste aura pour fils Romulus Augustule, le dernier empereur romain d'Occident, ironie qui montre que les campagnes d'Attila n'étaient pas uniquement des incursions sans autre objectif que la dévastation. La terreur était un moyen de dissuasion pour imposer sa puissance politique.

Points particuliers

Le nom d'Attila

Le nom sous lequel Attila est connu aujourd'hui nous vient des Germains qui l'ont transmis aux Romains qui l'ont à leur tour transcrit en grec et en latin. Dans sa propre langue, le hunnique, son nom devait être proche phonétiquement mais probablement avec un sens différent[32]. Attila est un diminutif du gotique atta[33] signifiant « père »[34]. Pour les Goths, voisins, vassaux ou esclaves des Huns, Attila est donc le « Petit père ». Ils reproduisaient ainsi dans leur propre langue un son qui avait une autre signification en hunnique. Celle-ci ne peut faire l'objet que d'hypothèses à partir de racines turques, comme at « cheval » et son dérivé atliğ « cavalier » ou at- « flèche » qui donne le même dérivé atliğ « illustre »[35].

Descriptions d'Attila

Les sources anciennes ne parlent d'Attila que lorsqu'il devient roi, ce n'est donc à partir de ce moment que l'on peut dresser son portrait[19].

« Sa taille était courte, sa poitrine large, sa tête très grosse. De petits yeux, la barbe clairsemée, les cheveux grisonnants, le nez aplati, le teint mat, il reproduisait ainsi les caractéristiques de son origine. »

— Jordanès, Histoire des Goths, XXXV.

Cette description permet de dresser une image assez précise d'Attila, aucune image de son visage n'a été retrouvée. Les représentations, peintures, gravures et monnaies datent du Moyen Âge et de la Renaissance et sont fantaisistes[36].

L'ambassadeur romain Priscus est surpris de son apparence simple, sans bijoux ni vêtements de luxe, il mange dans de la vaisselle de bois alors que ses invités sont servis dans de la vaisselle d'or[37]. Cette simplicité est aux antipodes du cérémonial à la cour de Rome ou de Constantinople où l'empereur vit dans un luxe ostentatoire et fait l'objet d'une vénération. Cette austérité dans l'apparence est bien entendu calculée de façon à impressionner ses visiteurs par un effet de contraste[28].

Mariages et descendance d'Attila

L'image d'Attila du Ve siècle à aujourd'hui

L'historiographie

Fête d'Attila, par le peintre hongrois Mór Than.

Attila est surtout connu dans l'historiographie et dans la tradition chrétienne occidentale pour avoir été le « fléau de Dieu[38] » et le « dévastateur de la province d'Europe[39] », ce qui lui a conféré une image des plus sombres.

C'est ainsi qu'Attila, roi d'un des peuples les plus puissants de son temps, est devenu aux yeux des Européens occidentaux l'image emblématique du souverain-guerrier nomade asiatique, se confondant dans l'imaginaire populaire avec les traits que l'on prêtera plus tard à Gengis Khan : sanguinaire, aimant la guerre et les pillages par dessus tout, cruel et rusé.

Cette image a été propagée par des anecdotes sur les Huns et sur Attila, notamment celle dans laquelle, amené par sa monture favorite,Balamer, guidée par le vent jusqu'à l'épée de Tengri, Attila aurait dit : « Là où mon cheval passe, l'herbe trépasse. », phrase qui a longtemps été un lieu commun en France.

Or, cette vision est en grande partie inexacte : non seulement les Huns d'Attila étaient un peuple turc[réf. nécessaire] qui accueillait de nombreux Germains en son sein, à tel point que ces derniers étaient largement majoritaires dans la coalition qui l'assistait lors de la bataille des champs Catalauniques, mais aussi la cour d'Attila était sans doute l'une des plus raffinées de son temps, ayant repris nombre d'usages romains. On sait qu'Attila maîtrisait parfaitement le latin et même le grec qu'il avait appris du temps où il était otage d'honneur à la cour romaine.

Il entretenait de plus un entourage d'érudits et d'artisans dont la plupart étaient issus des terres d'empire, et ses plus proches collaborateurs étaient d'origine romaine ou grecque (Oreste, Onégèse, Edecon, Constant...).

Cependant, l'époque à laquelle vécut Attila, celle des Grandes Invasions, son opposition au général Flavius Aetius, surnommé le dernier des Romains, et l'origine de son peuple ont frappé l'imaginaire collectif et contribué à faire d'Attila la figure stéréotypée du barbare s'opposant à la civilisation, ce qui ressort des nombreux films ou œuvres dans lesquels il apparaît.

Cependant, on ne trouve pas la même vision dans tous les pays. On peut remarquer que le nom d'Attila est utilisé comme prénom en Hongrie et en Turquie, où il est toujours très populaire. En Allemagne, le prénom d'Etzel est aussi utilisé. Il est clair qu'en France, en revanche, Attila serait un prénom un peu incongru.

La littérature légendaire du Moyen Âge ; le Chant des Nibelungen

La légende des Nibelungen

Durant le Haut Moyen Âge s'élaborent un certain nombre de légendes à partir de faits historiques et de données mythiques. Un des faits historiques est probablement la défaite subie vers 437 entre Metz et Toul par les Burgondes, du roi Gondicaire, alors installés dans la région de Worms, face à l'armée d'Aetius, statutairement romaine, mais dont la quasi totalité des soldats et des officiers sont des Barbares, et notamment des Huns (Aetius est lui-même un demi-Barbare ; par ailleurs, c'est manifestement un « ami des Huns », et probablement un ami d'Attila). Historiquement, Attila ne joue aucun rôle dans cette affaire. Mais de la défaite de 437, la légende fait une destruction des Burgondes du roi Gunther[40] par les Huns, à la cour d'Attila en Pannonie.

Cette légende est connue grâce à des récits scandinaves (eddas, sagas) et surtout par l'élaboration littéraire allemande du XIIIe siècle, le Chant des Nibelungen (Das Nibelungenlied).

Récits scandinaves
Article détaillé : Völsunga saga.

La Völsunga saga est un récit islandais du XIIIe siècle dont les principaux personnages sont : Sigmundr (Sigmund), Sigurdr (Siegfried) et Atli (Attila).

Attila dans le Chant des Nibelungen
Article détaillé : Chant des Nibelungen.

Le récit repose sur le mariage de Gunther, roi des Burgondes, avec Brunhilde, princesse islandaise, et de Siegfried, fils de Sigmund, roi de Xanten en Nederlande, avec Kriemhilde, soeur de Gunther. A la suite de diverses péripéties impliquant Brunhilde, Siegfried est assassiné par un Burgonde, Hagen, avec l'assentiment de Gunther. Kriemhilde est résolue à se venger, mais masque d'abord ses intention et accepte d'épouser Attila/Etzel, roi des Huns. Le mariage a lieu a Vienne, puis les époux se rendent à Etzelbourg, où ils ont un enfant, Ortlieb. Dix ans après, Kriemhilde invite Gunther et les Burgondes à Etzelbourg ; cela se termine par un massacre où périssent les Burgondes et un grand nombre de Huns.

L'opéra de Wagner : il n'inclut pas le personnage d'Attila

La légende et le Chant des Nibelungen sont repris au XIXe siècle par Richard Wagner dans son cycle L'Anneau du NibelungUNIQ157ec0bf1aad6512-nowiki-000000CE-QINU41UNIQ157ec0bf1aad6512-nowiki-000000CF-QINU, mais si on retrouve Siegfried, Gunther et Brunhilde, Wagner laisse de côté Kriemhilde, Attila et les Huns, donnant à cette œuvre une dimension beaucoup plus mythologique, puisque les Dieux (Wotan, etc.) y jouent un rôle essentiel.

Autres récits médiévaux impliquant Attila

La Thidrekssaga, dont le personnage principal est Thidrek de Vérone (Diderich von Bern en allemand), un avatar de Théodoric le Grand ; Attila y apparaît sous le nom d'Attilius.

Littérature classique et opéra

Pierre Corneille (1667)

Attila est une des dernières tragédies de Corneille<ref>Il y en aura quatre autres jusqu'en 1674, notamment Tite et Bérénice.</ref>.

La faiblesse de cette pièce par rapport à ses grands chefs-d’œuvre suscite le commentaire suivant de Nicolas Boileau (la précédente tragédie de Corneille avait pour titre Agésilas) :

« Après l'Agésilas, hélas !
Mais après l'Attila, holà ! »

Boileau reproche en particulier à Corneille sa mise en scène de la mort d'Attila : d'une hémorragie peu tragique (saignement de nez) qui survient au milieu de la tragédie.

Zacharias Werner (1809) et Giuseppe Verdi (1846)

Zacharias Werner, écrivain autrichien, écrit en Attila, König der Hunnen (Attila, roi des Huns) sur les dernières années de sa vie. Cette pièce est à l'origine d'un opéra de Verdi, Attila sur un livret de Temistocle Solera.

Romans historiques

Tibor Fonyodi (hu), écrivain hongrois né en 1965, écrit en hongrois un roman qui semble n'avoir été publié que dans sa traduction française : Le Chamane d'Attila[42].

Inspiré par les travaux récents des historiens, ce roman dépeint la civilisation des Huns de manière nouvelle. Il souligne le rôle fondamental de la spiritualité dans leur culture, une civilisation au vrai sens du terme, dont les Hongrois sont les héritiers et qui est encore sans doute celle des peuples vivants dans les steppes eurasiennes aujourd'hui. L'auteur a déclaré dans une interview[réf. nécessaire] que son but, avec Le Chamane d'Attila, était d'écrire un roman de fantasy, une sorte de Seigneur des anneaux puisant dans la mythologie des Huns.

Les arts contemporains

Cinéma et télévision

Bande dessinée

Musique

  • 2010 : « Attila » de Danton Eeprom, Album Yes Is More, Infine

Bibliographie

Sources anciennes

Ouvrages contemporains

  • Maurice Bouvier-Ajam, Attila, le fléau de Dieu, Tallandier, 1982 , 486 p.
  • Wess Roberts, Attila, secrets de leadership, First, Paris, 1989, 154 p. [ISBN 2-87691-081-0]. Traduit de l'américain.
  • Philippe Guillaume, Attila, le fléau de Dieu, Editions France-Empire, Paris, 1994, 226 p. [ISBN 2-7048-0744-2]
  • Roger Caratini, Attila, Hachette, coll. « Hachette Littérature », Paris, 2000, 284 p., [ISBN 2-01-235516-1]
  • István Bóna (trad. Katalin Escher), Les Huns : Le Grand Empire barbare d'Europe, Errance, 2002 . Traduit du hongrois A hunok és nagykirályaik
  • Eric Deschodt, Attila, Editions Gallimard, coll. Folio, 2006, 258 p. [ISBN 2-07-030903-7]
  • Grigori Tomski, Attila et Aetius, Editions du Jipto, Boulogne-Billancourt, 2005, 115 p. [ISBN 2-35175-013-6][43]
  • Katalin Escher et Iaroslav Lebedynsky, Le dossier Attila, Errance, 2007 
  • Michel Rouche, Attila : La violence nomade, Fayard, 2009 
  • Iaroslav Lebedynsky, La campagne d'Attila en Gaule, Lemme éditeur, 2011 
  • John Man, Attila le Hun, L'Ecole des Loisirs, Paris, 2011, 356 p. [ISBN 978-2-211-20163-6]. Traduit de l'anglais.

Expositions et colloques

  • Jean-Yves Marin, Attila : les influences danubiennes dans l'ouest de l'Europe au Ve siècle, Musée du Château, Caen, 1990, 206 p. Notice BnF. Exposition
  • Attila dans la réalité historique, la littérature et les beaux-arts, Université de Picardie, Amiens, 2003, 85 p. [ISBN 2-901121-97-7]. Actes du colloque de Saint-Riquier, décembre 2002

Voir aussi

Articles connexes

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Liens externes

Notes et références

  1. A. Christian Van Gorder, Muslim-Christian Relations in Central Asia, (Central Asian Studies Series), Taylor et Francis, 2008, p. 406
  2. Finley Hooper, Roman realities, Wayne State University Press, 1979, p. 538
  3. Escher 2007, p. 25
  4. Rouche 2009, p. 413
  5. Escher 2007, p. 30
  6. a et b Escher 2007, p. 32
  7. a et b Rouche 2009, p. 354
  8. Escher 2007, p. 33-37
  9. Bona 2002, p. 15
  10. Rouche 2009, p. 133-151
  11. Qu'il faudrait plus correctement nommer, à ce moment : Greuthungues.
  12. Ou plutôt : Thervingues.
  13. Rouche 2009, p. 100
  14. Lebedynsky 2011, p. 13
  15. Rouche 2011, p. 11
  16. Rouche 2009, p. 111
  17. a et b Rouche 2009, p. 128
  18. Bona 2002, p. 38
  19. a, b et c Escher 2007, p. 40
  20. Eric Deschodt, p. 24
  21. (de) Die Hunnen : Attila probt den Untergang, Econ Verlag, 1976 , p. 314
  22. Jordanès, XXXV
  23. La diarchie est récurrente chez ce peuple sans que les historiens sachent si c'était coutumier, institutionnel ou occasionnel
  24. Escher 2007, p. 80
  25. Rouche 2009, p. 259
  26. Bona 2002, p. 30
  27. a et b Bona 2002, p. 26
  28. a et b Escher 2007, p. 62
  29. Attila sur www.tatoufaux.com
  30. L'expression « co-impératrice » utilisée précédemment n'est pas très satisfaisante, d'autant plus que l'empire est gouverné par Galla Placidia (mère de Valentinien et Honoria) plus que par l'empereur.
  31. Getica, chapitre XLIX
  32. (en) Otto Maenchen-Helfen, The World of the Huns: Studies in Their History and Culture, University of California Press, 1973 [lire en ligne], p. chapitre 9.4 
  33. Escher 2007, p. 57
  34. On peut remarquer que ata signifie aussi "père" en turc, comme cela est bien connu par le surnom de Mustapha Kemal : Atatürk, "père des Turcs". Les mots slaves signifiant "père", comme otets (oтец) en russe, ojciec (prononcé [oïtsiets]) en polonais, viennent du turc. Il paraît donc curieux que atta soit un mot gotique.
  35. Escher 2007, p. 59
  36. Rouche 2009, p. 224
  37. Priscus, Histoire, fragment VIII, Relation de l'ambassade de Maximin
  38. Flagellum Dei, en latin : Augustin, La Cité de Dieu, 1, 8.
  39. Europae orbator provinciae, en latin : Comte Marcellin, Chronique, 454, 1.
  40. L'identification de Gunther avec Gondicaire est justifiée par la parenté des leurs noms, d'autant plus que ce phénomène concerne d'autres personnages.
  41. Les Nibelungen sont des guerriers légendaires qui détiennent un trésor gardé par le nain Albéric, qui est « le Nibelung » de l'opéra de Wagner.
  42. Tibor Fonyodi, Le Chamane d'Attila, traduit du hongrois, Editions Pygmalion, Paris, 2005, 409 p. (ISBN 2-85704-833-5). Cf notice BnF
  43. Cf. Notice BnF


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