- Coup d'État
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Un coup d’État est un renversement du pouvoir par une personne investie d'une autorité, de façon illégale et souvent brutale[1]. On le distingue d'une révolution en ce que celle-ci est populaire. Le putsch est un coup d'État réalisé par la force des armes.
D'un point de vue historique, et y compris dans l'époque contemporaine, le coup d'État a été l'un des moyens les plus fréquemment utilisés pour accéder au pouvoir[2].
Sommaire
Vocabulaire
Le terme français de « coup d'État », en référence au coup d'État du 18 brumaire, a été repris tel quel en anglais, sans la majuscule au mot « État », de rigueur en français. Le mot putsch, d'origine suisse allemande, est équivalent et est communément utilisé en français, plus rarement en anglais qui utilise la formule française ou sa version abrégée, coup. Le terme putsch a été popularisé par les coups d'État manqués de 1920 et 1923 en Allemagne (putsch de Kapp et putsch de Munich). À partir de l'anglais, l'expression « coup d'État » est passée notamment en indonésien (kudeta) et en japonais (クーデター, kūdetā). Le terme pronunciamiento, repris de l'espagnol, désigne quant à lui soulèvements militaires d'une typologie différente. Dans cette langue l'expression golpe de Estado traduit littéralement « coup d'État ».
Techniques
Prise des organes centraux du pouvoir
Le secret, non seulement vis-à-vis de l'extérieur mais aussi vis-à-vis des autres comploteurs, constitue la première arme des putschistes, celle sans laquelle les meilleures préparations risquent de s'effondrer.
Ainsi, l'une des raisons de l'échec du putsch de Kapp à Berlin en 1920, fut-elle le manque de discrétion du général von Luttwitz, chef militaire de l'opération, qui alla présenter le soir du 10 mars un ultimatum aux gouvernants socialistes, et leur laissa 48 heures pour se retourner, avant de déclencher le putsch militaire annoncé, dans la nuit du 12 au 13 mars 1920.
C'est ainsi que, lors de la préparation du putsch du 8 novembre 1942 à Alger (destiné à permettre le succès de l'Opération Torch), le jeune chef des groupes d'action d'Alger, José Aboulker, refusa, bien qu'il lui fît confiance, de donner à Henri d'Astier de la Vigerie, responsable de la conjuration pour l'Afrique du Nord, les noms de ses chefs de groupes avant les deux derniers jours précédant l'action. Lorsque les patriotes passèrent à l'action, la surprise fut si totale que ces 400 civils mal armés, commandés par leurs officiers de réserve, réussirent à neutraliser, à eux seuls, le corps d'armée vichyste d'Alger. En effet, les autorités vichystes, libérées au bout de quelques heures, s'efforcèrent, sans même y parvenir, de reconquérir complètement la ville au lieu d'attaquer les forces alliées sur les plages. Si bien que ces dernières purent débarquer sans résistance, encercler Alger et capturer ce grand port intact le soir même du débarquement.
La technique de base du coup d'État consiste à s'emparer des organes centraux de l'État ou à les neutraliser, en occupant leurs lieux de fonctionnement qui sont aussi les lieux symboliques du pouvoir. C'est ainsi que procéda Napoléon Bonaparte, lors de son coup d'État du 18 brumaire. Disposant de l'appui de l'armée, il lui fallait contrôler le pouvoir civil. Or, sous le Directoire, la France disposait d'un exécutif tournant formé de 5 directeurs qui se succédaient, à tour de rôle, pendant des périodes limitées à quelques semaines, si bien qu'il ne suffisait pas de contrôler cet exécutif tournant, car la réalité du pouvoir civil résidait dans un parlement affaibli lui-même par sa division en deux chambres. C'est pourquoi Bonaparte, en accord avec deux directeurs, Emmanuel-Joseph Sieyès et Roger Ducos, se préoccupa surtout de disperser ce parlement, dont l'une des chambres, le Conseil des Cinq-Cents, était présidée par son frère Lucien Bonaparte. Mais au lieu d'annoncer brièvement sa prise de pouvoir aux parlementaires, Bonaparte trouva le moyen de s'égarer dans un discours ampoulé, et se fit assaillir par plusieurs élus. Si bien que le coup d'État ne fut sauvé que par son frère, qui ordonna aux grenadiers de rétablir l'ordre en dispersant les élus récalcitrants. Bonaparte constitua alors un Conseil exécutif de 3 membres composé de lui-même, de Siéyès et de Ducos, que le Conseil des Anciens transforma le lendemain en Commission consulaire exécutive.
Mais il ne suffit pas de s'emparer des organes centraux de l'État. Il faut aussi arrêter les gouvernants, faute de quoi il sera loisible à ceux-ci d'organiser une riposte. C'est ce qui advint à Berlin, en 1920, où les ministres socialistes, avertis à l'avance, par l'ultimatum du chef militaire des putschistes, prirent le large avant l'arrivée du corps franc Ehrhardt. Après quoi, une fois réfugiés en province, ils appelèrent avec succès la population à une grève générale dont le succès leur permit de reprendre le pouvoir.
Régularisation des prises de pouvoir
À l'occasion d'un coup d'État, un « vide » constitutionnel et institutionnel apparaît. Il est donc nécessaire, généralement, de régulariser ce vide en créant une nouvelle Constitution, permettant ainsi l'exercice d'un nouveau pouvoir constituant originaire.
C'est ainsi que la Commission consulaire exécutive présidée par Bonaparte présenta, le 22 frimaire, son projet de constitution consulaire aux deux Conseils des Anciens et des Cinq-Cents qui l'entérinèrent, faisant ainsi rentrer le nouveau régime dans la légalité. La prise de pouvoir de De Gaulle en 1958, qui s'apparente sous certains aspects à un coup d'État, a conclu à la création de la Constitution de 1958, en vigueur en France.
Une autre solution de régularisation d'un coup d'État peut être trouvée par un plébiscite, comme ceux de Napoléon III, ou par des élections. Ainsi, leur action politique se retrouve légitimée a posteriori. Toutefois, cette solution se déroule souvent après l'établissement d'une nouvelle Constitution, de manière autoritaire, sans recours au suffrage universel et au principe démocratique.
Nouvelles cibles des coups d'État modernes
À la prise des bâtiments publics, sièges des organes du pouvoir, s'est ajouté la prise de contrôle des médias : la presse lors du coup d'État du 2 décembre 1851 en France, la radio, dont la détention peut permettre de donner à la population des informations propres à décourager toute tentative de riposte au coup d'État, puis la télévision.
En outre dans la période moderne, les auteurs de coups d'État ont pris l'habitude de couper ou d'accaparer les moyens de communication (téléphone, télégraphe), les arsenaux, les gares, etc. Mais le contrôle des communications téléphoniques joua surtout un rôle essentiel, lors du putsch du 8 novembre 1942 à Alger. En coupant le réseau téléphonique normal d'Alger, l'état-major rebelle, qui s'était installé au Commissariat central, prit le contrôle du réseau officiel, seul maintenu en service. Ainsi put-il suivre de là l'occupation des points stratégiques par les résistants entre 0 h 30 et 1 heure du matin, et garda-t-il ensuite le contact avec leurs chefs de groupe pendant toute l'opération. Mais surtout, c'est par ce réseau officiel, rendu seul utilisable, que les chefs de la résistance reçurent les appels alarmés des personnalités vichystes, réveillées par le duel d'artillerie du port survenu vers 3 heures du matin. Les résistants les convoquèrent alors au Commissariat central en leur faisant croire qu'on les y attendait pour organiser la résistance aux Alliés. Ainsi, pour la première fois dans l'histoire, les personnalités hostiles à un coup d'État vinrent-elles d'elles-mêmes se faire arrêter par les putschistes : Il en fut ainsi, notamment, de l'adjoint du gouverneur-général de l'Algérie Ettori, qui, la veille partisan arrogant et acharné de la collaboration, se répandit soudain en supplications et en sanglots.
Auteurs de coups d'État
Les coups d'État sont habituellement effectués par des militaires contre des gouvernants civils, par exemple Augusto Pinochet au Chili.
Les putschs effectués par des civils ont généralement échoué, comme le coup tenté par Adolf Hitler à Munich en 1923. Il y a au moins une exception, celle du Putsch du 8 novembre 1942 à Alger, mais les 400 civils algérois, commandés par un étudiant de 22 ans, José Aboulker, furent soutenus par des officiers de réserve et quelques officiers d'active, comme les colonels Jousse et Baril.
Les auteurs des coups d'État appartiennent le plus souvent, eux-mêmes, à l'appareil d'État, comme ce fût le cas de Siéyès, Paul Barras et Bonaparte. Certains coups d'État ont été organisés en Afrique par des individus soupçonnés de travailler pour les services secrets d'anciennes puissances coloniales, comme Bob Denard, afin de mettre en place un gouvernement qui leur soit plus favorable.
Accueil réservé aux coups d'État
Pour que les résultats du coup d'État soient acquis, il est préférable qu'ils annoncent qu’ils vont répondre aux vœux de la majorité de l'opinion publique et qu'ils soient compatibles avec le contexte international.
Accueil de l'opinion publique
Le coup d'État de Bonaparte le 18 brumaire répondait à la volonté de la majorité des Français, qui, lassés des agitations révolutionnaires en tous genres, souhaitaient un rétablissement durable de l'ordre, et auprès desquels Bonaparte jouissait d'une forte popularité.
Le putsch des Généraux d'avril 1961, perpétré par quatre généraux connus, bénéficiait lui aussi de l'appui d'une partie de l'opinion locale, car les Français, consultés précédemment par Charles de Gaulle sur l'autodétermination de l'Algérie, s'étaient prononcés massivement en faveur de sa politique. En outre, dans les forces d'Afrique du Nord elles-mêmes, les soldats du contingent métropolitain qui disposaient de nombreuses radios portatives, reçurent directement l'appel prononcé par de Gaulle contre les généraux et refusèrent de suivre leurs supérieurs dans la rébellion.
En sens inverse, le putsch de 1942, à Alger également, a été accompli certes en accord avec la majorité des Français de métropole devenus non-collaborationnistes, mais aussi en partie contre l'opinion locale, en majorité pétainiste sinon collaborationniste[réf. souhaitée]. Le coup n'en a pas moins réussi grâce au contexte international.
Contexte international
Le succès du coup d'État dépend aussi du contexte international : les pays voisins peuvent être favorables ou non à leur entreprise et y réagir ou non militairement.
C'est pourquoi l'un des premiers actes des auteurs modernes de coup d'État est d'affirmer que tous les accords internationaux seront respectés.
Le putsch du 8 novembre 1942, déclenché contre les aspirations du milieu local, n'a réussi que grâce au contexte international, c’est-à-dire celui de l'opération Torch, sur le point de se produire, ce dont les comploteurs étaient informés depuis quelques jours. Par contre le contexte international était résolument méconnu par les dirigeants vichystes, comme l'ont démontré les réactions de Darlan, qui, désinformé par son propre service de renseignements de la marine, estimait impossible que les États-Unis d’Amérique disposent, avant un an, des vaisseaux nécessaires à une telle intervention. De même, à Rabat, le général Charles Noguès, lorsqu'il fut encerclé par le général Émile Béthouart, dans la nuit du 8 novembre 1942, téléphona à l'amiral Frix Michelier pour l'interroger sur la menace d'un débarquement allié : ce dernier, connu pour son caractère borné et ses sympathies envers l'Axe, lui certifia que Béthouard était un menteur et qu'aucun débarquement n'était en cours, ni possible, car si cela était, le service de renseignements de la marine, qui aurait selon lui été informé de la moindre sortie d'un bateau de pêche du port de New York, le lui aurait appris. De même, à Alger, le colonel Jacquin, ancien attaché militaire à Washington avait-il certifié à l'état-major de Juin que les forces des États-Unis étaient inaptes à intervenir pour longtemps hors du continent américain.
Le coup d'État communiste de Prague en 1948 n'a pu intervenir que parce que la Tchécoslovaquie était située dans la zone d'influence soviétique, où les armées occidentales s'interdisaient d'intervenir.
Liste de coups d'État
Cette liste ne recense que les coups d'État et non les révolutions ou insurrections. Les coups d’État ayant échoué sont représentés en vert.
Afrique
Amérique
Asie et Océanie
Année Pays Auteur Cible Notes 1936 Japon Kodoha Hirohito Tentative de coup d'État de la part de la faction ultra-nationaliste de l'Armée impériale japonaise, la Kodoha, connu sous le nom de Incident du 26-Février 1943 Thaïlande 1952 Indonésie A. H. Nasution Soekarno Tentative de coup d'État de la part du chef d'état-major de l'armée de terre indonésienne, le général A. H. Nasution connu sous le nom de Affaire du 17 octobre 1952 en Indonésie 1954 Yanaon (Inde) Dadala Raphael Ramanayya George Sala Coup d'État connu sous le nom de Coup d'État de Yanaon 1961 Corée du Sud Park Chung-hee Yun Po-sun 1965 Indonésie Groupes de soldats (lieutenant-colonel Oentoeng) Conseil des généraux (Soeharto) "mouvement du 30 septembre 1965" que l'armée attribuera au Parti communiste indonésien, donnant le prétexte à sa dissolution et au massacre de 500 000 à 1 million de personnes 1966 Indonésie Soeharto Soekarno "Ordre du 11 mars" par lequel le général Soeharto considère que le président Soekarno lui a transféré le pouvoir 1970 Syrie Hafez el-Assad Noureddine al-Atassi 1970 Japon Tatenokai Gouvernement japonais Le Tatenokai mené par Yukio Mishima tente de renverser le gouvernement en place, après avoir sequestré le commandant en chef de la Force terrestre d'autodéfense japonaise. Devant l'échec du putsch, Yukio Mishima et Masakatsu Morita, un autre membre du Tatenokai, se suicident par seppuku. 1970 Oman Qabus ibn Said Saïd ibn Taimour 1973 Thaïlande Étudiants Armée (Thanom Kittikachorn) Suites aux manifestations massives exigeant la fin du régime militaire, le général Thanom Kittikachorn répond avec force. Cette intervention violente du régime militaire a incité le roi Rama IX à faire sa première intervention dans la politique thaïlandaise en retirant son appui au régime militaire 1978 Afghanistan Nour Mohammad Taraki Mohammed Daoud Khan 1979 Corée du Sud Kim Jaegyu Park Chung-hee 1987 Fidji Sitiveni Rabuka Timoci Bavadra Deux coups d'État successifs, en mai et octobre, menés par le colonel Sitiveni Rabuka, reversent le gouvernement démocratique du premier ministre Timoci Bavadra et aboutissent à l'abolition de la monarchie en faveur d'une république 2000 Fidji George Speight Mahendra Chaudhry Coup d'État de mai 2000 : L'homme d'affaires George Speight renverse et prend en otage le gouvernement démocratique du premier ministre Mahendra Chaudhry. L’armée dirigée par Frank Bainimarama impose alors la loi martiale et, malgré des tentatives de mutineries, rétablit l’ordre. Speight est arrêté et condamné. 2006 Thaïlande Sonthi Boonyaratglin Thaksin Shinawatra Coup d'État du 19 septembre 2006 en Thaïlande qui a renversé le premier ministre Thaksin Shinawatra 2006 Fidji Frank Bainimarama Laisenia Qarase Coup d'État de décembre 2006 : Le commodore Frank Bainimarama renverse le gouvernement démocratique du premier ministre Laisenia Qarase. Il s'agit du quatrième coup d'État aux Fidji en dix-neuf ans. Europe
Notes et références
- Voir le Cornu et le lexique de droit constitutionnel de MM Avril et Gicquel
- (es) Javier Fernández López, Miltares contra el Estado, Madrid, Taurus, 2003, 1re éd., 303 p. (ISBN 84-306-0495-2), p. 245. Il remarque ainsi que « en 1980, plus de la moitié des gouvernements du monde l'étaient devenus grâce à ce procédé. »
Voir aussi
Bibliographie
- Curzio Malaparte, Technique du coup d'État (1re édition française en 1931), Paris, Éd. 10/18, 1964
- Donald J. Goodspeed, Six coups d'État, Paris, Éd. Arthaud, 1963
- Edward Luttwak, Le Coup d'État : manuel pratique, Paris, Éd. Robert Laffont, 1969
- "A l'heure du coup d'état", Parlement(s), Revue d'histoire politique, n°12, 2009 (disponible sur le portail Cairn).
Articles connexes
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