Principauté de Transylvanie

Principauté de Transylvanie
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Transylvanie

XIe siècle – 1867

Blason

armoiries

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La principauté de Transylvanie (en jaune) dans la région de Transylvanie actuelle (en jaune et brun)

Informations générales
Statut principauté
Démographie
Population Roumains : 80 %
Hongrois : 7 %
Roms : 0,5 %
Allemands : moins de 0,5 %
Sicules : moins de 7,5 %
Histoire et évènements
XIe siècle vassale du royaume médiéval de Hongrie
1224 invasion des Tatars
1438 Unio Trium Nationum
1541 vassale de l’Empire ottoman
1690 archiduché de l’Empire d’Autriche
1867 directement rattachée à la Hongrie
1er décembre 1918 rattachée à la Roumanie
1940-1945 partagée entre la Hongrie et la Roumanie, puis entièrement rendue à cette dernière

Entités suivantes :

La principauté de Transylvanie (en roumain Ardeal, en hongrois Erdély et en allemand Siebenbürgen), peuplée à l'origine par les Daces, s'est développée au Moyen Âge dans l'obédience du royaume de Hongrie, jusqu'en 1526. Le territoire de la principauté de Transylvanie a varié dans le temps : son cœur historique correspond à une région située au cœur de la Transylvanie actuelle, en Roumanie.

Sommaire

Origines du nom

Comme la toponymie, ses diverses appellations (et leurs origines supposées) témoignent de la présence millénaire sur ce territoire de populations de langues latine (Roumains), finno-ougrienne (Hongrois, Sicules), ou germanique (Saxons):

Par ailleurs, Ion Maiorescu notait dans L.R. von Heufler: Österreich und seine Kronländer (L'Autriche et ses pays de la Couronne), que « Ardeal » viendrait du celte, car si l'on en croit l'introduction par Leibnitz[1] ardal avait en celtique le même sens que le mot roumain țară (pays). Or les Scordisques (peuple celte) s'étaient installés en Transylvanie parmi les Daces (Thraces du nord).

Arde pourrait aussi dériver directement de l'indo-européen, avec le sens de « forêt » (voir la forêt d’Arden (en) en Angleterre, et la forêt belge d’Ardenne).

Histoire

Avant la formation de la principauté

Article détaillé : Origine des roumanophones.
Article détaillé : Magyars.
Médaille frappée par les Romains à l'occasion de la fondation de la province de Dacie.

Antiquité

La région était, dans l'Antiquité, le centre politique du royaume des Daces, les Thraces du nord, avec comme capitale Sarmizegetusa. En 106, elle est conquise par l'empereur romain Trajan (Marcus Ulpius Nerva Traianus) et devient la province de Dacia Felix, avec pour capitale Ulpia Traiana Sarmizegetusa. Cette province romaine ne correspondait que partiellement aux limites de la future Transylvanie du Moyen Âge.

Après le départ des Romains en 271, la région entre dans une longue période de « diète documentaire » pour les historiens, car les sources écrites se raréfient comme partout en Europe. Néanmoins, une présence chrétienne est bien attestée à partir du IVe siècle, tandis que toponymie et linguistique montrent une longue cohabitation de populations d'origines diverses.

À partir du IVe siècle, s’y succédèrent les Huns (des turcophones), les Gépides (des germains), les Avars puis les Bulgares (autres turcophones) et les Slaves). Un exemple connu pour l’archéologie du temps des grandes migrations est constitué par les tombes gépides d'Apahida.

Controverses sur l'Antiquité tardive et le haut Moyen Âge

Les canesats ou valachies du XIIIe siècle en Transylvanie (rose), Maramureș (bleu), Satu Mare (vert), Sălaj, Bihor et Zărand (jaune) et Banat (violet)
Carte hongroise du XIX-ème siècle illustrant la conquête de la Transylvanie par les Magyars
Carte hongroise de la Hongrie et ses vassaux au XIIe siècle
Carte hongroise de la Hongrie et ses vassaux au XIIIe siècle - la Transylvanie et la Marmatie en rose, les Sicules en orange, les Saxons en vert pâle.

Sources :[2].

La « diète documentaire » concernant les années 271-1100 est appelée « siècles obscurs » par les historiens hongrois et allemands, et « âge pastoral » par les historiens roumains. L'archéologie montre que le pays était peuplé et que le christianisme y était présent, mais quelles langues y parlait-on ? La toponymie laisse penser que différentes ethnies y ont cohabité entre le IIIe et le Xe siècle siècle. S’y succédèrent des Huns (confédération à dominante turcophone), des Gépides (germanophones), des Avars (autre confédération turcophone), des Slaves (slavonophones), des Bulgares (confédération à composantes iranienne et turque), des Iasses (Alains iranophones)… Un exemple connu pour l’archéologie du temps des grandes migrations est constitué par les tombes gépides d'Apahida. Quant aux populations romanisées autochtones, Eutrope écrit qu'elles s'étaient repliées au sud du Danube et c'est la thèse adoptée par l'historiographie hongroise moderne ; les historiens roumains en revanche affirment que ces populations ont au moins partiellement persisté, en se basant sur la linguistique (si l'aroumain a évolué au contact direct de la langue grecque, le roumain pour sa part a reçu ses mots grecs par l'intermédiaire bulgare, ce qui semble indiquer qu'il s'est développé au nord du Danube) et sur la toponymie.

Mais avec les revendications roumaines et les réfutations austro-hongroises des XIXe et XXe siècles, deux histoires antagonistes de la Transylvanie se sont construites.

  • La thèse roumaine, développée par des historiens comme Alexandru Dimitrie Xenopol ou Iorga, affirme la permanence d'une population latinophone nombreuse en Transylvanie depuis la Dacie romaine à nos jours. C'est le « sédentarisme ». Il admet la présence d'autres populations au milieu des roumanophones (germaniques, slaves, turcophones) et s'appuie sur l'archéologie[3].
  • La thèse austro-hongroise, et plus tard germano-hongroise, développée par Robert Rössler, affirme la disparition des latinophones après les 170 ans de présence romaine, et leur retour après mille ans d'absence, à l'appel des rois de Hongrie, depuis la Macédoine où ces latinophones ont survécu. C'est le « migrationnisme », pour qui les Roumains descendent des Aroumains. Il s'appuie sur les récits d'Eutrope et certaines données toponymiques et linguistiques[4].

Les polémiques entre ces deux écoles d'histoire militante ont rendu toute l'histoire roumaine controversée et ont occulté la recherche purement scientifique. Compte tenu du bilinguisme et du caractère non-nationaliste des identités avant le XIXe siècle, il est difficile de faire une comptabilité fiable par nationalités avant 1780 : le fait de savoir s'il y avait une majorité hongroise ou roumaine avant 1700 en Transylvanie reste, actuellement, objet de polémiques nationalistes entre historiens hongrois et roumains. Ces controverses et cette occultation aboutissent dans les atlas historiques actuels à ignorer toute présence latinophone entre l'an 271 et le XIVe siècle dans le bassin du bas-Danube et les Balkans, ce qui est à la fois inexact et absurde : puisque les Roumains et les Aroumains actuels existent, c'est que des populations romanisées ont évidemment survécu à la disparition de l'Empire romain.

Les résultats des recherches scientifiques semblent indiquer que depuis 1500 ans, les latinophones, les slavophones et les autres ont vécu étroitement mêlés sur un territoire beaucoup plus vaste que la Transylvanie, allant de l'Adriatique à la Mer Noire et de l'actuelle Ukraine au centre de l'actuelle Grèce. Les données scientifiques (notamment toponymiques et linguistiques) indique que les latinophones étaient, à la manière des Romanches, des Ladins, des Frioulans, des Istriens et des Dalmates, localement majoritaires autour de certains massifs montagneux tels que les chaînes Dinariques, le Pinde, les Balkans occidentaux, le massif du Bihor, les Carpates et le Macin. Dans les plaines entourant ces massifs, la population était majoritairement slave : de l'osmose entre romanophones et slavophones sont issus les Roumains actuels et une partie des Serbes, des Bulgares et des Hongrois actuels, tandis que les Aroumains ont au contraire très peu subi d'influences slaves : les historiens peuvent être nationalistes, le passé ne l'est pas. Par exemple, la bourgade de Săvădisla/Szent-László vient du slave Sveti Vladislav (saint Ladislas), tandis que le pays de Târnava a en roumain un nom slave et en hongrois un nom d'origine finno-ougrienne (Küküllő) (signifiant respectivement « épineux » et « prunier »). Les noms des montagnes (Pietrosu, Găina, Codru, Pleșu, Căpățâna, etc.) sont presque tous d'origine latine, comme la rivière Arieș (en hongrois Aranyos) qui tire son nom du latin Aureus: orpailleur; les noms de beaucoup d'autres rivières sont hérités de l'antiquité. Néanmoins, les noms finno-ougriens dominent le long de ces mêmes fleuves et dans les plaines, ce qui montre que les populations magyares étaient préférentiellement implantées le long des cours d'eau et dans les zones de végétation ouverte. De leur côté les Valaques (comme on appelait alors les latinophones) dominaient sur les piémonts (dans les romanies populaires de Marmatie, Oaș, Crasna, Sălaj, Lăpuș, Năsăud, Gurghiu, Toplița, Vlăhița, Bihor, Zărand, Moților, Caraș, Vâlcu, Montana, Hațeg, Petroșani, Amlaș, Cibin, Făgăraș et Bârsa) où ils s'adonnaient à l'élevage extensif, surtout ovin (c'était encore le mode de vie traditionnel de la plupart des Roumains transylvains au XIXe siècle).

Quoi qu'il en soit, et quelles qu'aient été les évolutions et les migrations des différentes populations, la Transylvanie a toujours été pluri-ethnique, et les controverses sont en voie d'apaisement, car elles découlaient moins de recherches scientifiques, que d'enjeux politiques, à une époque (fin du XIXe siècle et début du XXe siècle) où le « droit du plus ancien occupant » pouvait encore légitimer l'appartenance d'un territoire disputé. Depuis que la Hongrie et la Roumanie sont toutes deux dans l'Union européenne et que la frontière entre les deux pays est ouverte, la recherche scientifique se trouve de plus en plus dégagée des enjeux politiques[5].

Du fin du VIe siècle au début du Xe siècle, la future Transylvanie est en tout cas une mosaïque de « canesats » locaux slaves et roumains, appelés « Sklavinies » ou « Valachies », placés sous les dominations successives, mais plutôt nominales des Avars et des Bulgares. « Canesatus » dans les chroniques traduit le mot slave kniaz: « prince ». Ces petits duchés étaient dirigés par des « ispans ou « joupans », ou par des « boyards ». Outre le pastoralisme, ils tirent leurs ressources du commerce du bois, du sel et de l'or des Carpates, comme en témoignent les objets et les monnaies trouvées dans les tombes. L'habitat est dispersé, mais en cas d'invasion, les habitants mettent leurs biens à l'abri dans leurs « posadas » (mot roumain désignant d'étroits passages fortifiés par des palissades en bois entourant des clairières cachées au cœur des forêts), grimpent sur les hauteurs et de là, harcèlent et bombardent les envahisseurs de flèches, rochers et billes de bois[6].

La principauté de Transylvanie

Le voïvodat vassal de la couronne hongroise (XIeXVe siècle)

À partir du XIe siècle, les Magyars, peuple parlant une langue du groupe finno-ougrien venu nord de la Mer Noire (pays d'Etelköz) et installés à la place des Avars au centre du bassin danubien, étendent progressivement leur emprise jusqu'aux chaîne des Carpates, y compris sur les montagnes de l'Est (massif du Bihor), puis sur ce qui devient alors la Transylvanie (Erdély en hongrois, littéralement : « pays au-delà des forêts »). Ils évincent les Bulgares de ces régions et soumettent les populations locales majoritairement slaves et valaques : le slavon bulgare reste néanmoins la langue officielle de la noblesse et de l'église (orthodoxe) de Transylvanie, qui relève du patriarcat orthodoxe d'Ohrid, et plus précisément du patriarcat de Peć et de l'éparchie de Turnu-Severin. Lors du schisme de 1054 les Magyars, appelés « Hongres » ou « Hongrois » par confusion avec leurs alliés Onoghours, adoptent majoritairement la forme catholique du christianisme : l'évêché catholique d'Alba Iulia est fondé au XIe siècle, pour contrer l'orthodoxie de la population. La population slave et valaque est progressivement magyarisée, et passe au catholicisme. Par alliances, par mariages ou par la force, les « canesats » sont intégrés au système féodal hongrois : certains deviennent des banats, d'autres sont rattachés aux comtés (megye) hongrois, d'autres encore sont organisés en voïvodats comme la Marmatie et la Transylvanie. La noblesse slave ou roumaine est progressivement magyarisée, notamment par passage au catholicisme.

Outre les Magyars, les nouveaux seigneurs Hongrois sédentarisent dans la partie orientale de la Transylvanie, le long des Carpates orientales, des mercenaires, les Sicules (en hongrois székelyek, en roumain secui, en allemand Szekler), colons aux origines incertaines (finno-ougriennes ? turques ? mongoles ?). Ce peuple d'hommes libres de langue hongroise devient lui aussi catholique, et prend en charge la garde des frontières.

Du XIe siècle au début du XVIe siècle, la Transylvanie est une principauté dotée de ses propres institutions et lois, autonome par rapport au royaume de Hongrie mais vassale de celui-ci. Le prince régnant, portant le titre de voïvode de Transylvanie, élu par la diète du voïvodat, n'est pas nommé par le roi de Hongrie, mais est un membre de droit de la haute noblesse hongroise. Le prince le plus connu est Jean Huniade (en roumain Iancu de Hunedoara, en hongrois Hunyadi János) (d'origine roumaine par son père), vainqueur de la bataille de Belgrade (Nándorfehérvár) en 1456, contre les Ottomans, et père du roi Matthias Ier de Hongrie (en hongrois Hunyadi Mátyás, en roumain Matei Corvin).

Après l'invasion tatare de 1223, les rois de Hongrie étendent en Transylvanie le système des comitats (vármegye en hongrois, megieşuri en roumain) et, pour développer les mines, font appel à des colons allemands (appelés Saxons, même s'ils ne viennent pas tous de Saxe : environ 10 % étaient de parler une langue néo-latine, Wallons et Lorrains, comme en témoignent les appellations « wallen »). Leurs privilèges et droits sont consignés en 1224 dans le diplôme « Andreanum »). Ils s'installent sur des terres royales (« Fundus Regius ») où selon la légende ils fondent sept cités (d'où le nom allemand de Siebenbürgen de la Transylvanie). Ils consolident leurs privilèges, qui seront abolis en 1867, en même temps que la Principauté de Transylvanie qui fut alors rattachée au Royaume de Hongrie, au sein de la double monarchie Austro-Hongroise.

Église paroissiale saxonne à Sibiu (en allemand Hermannstadt).

Jusqu'en 1366, la Transylvanie a connu une organisation politique où, outre l'aristocratie magyare, les Saxons, les Sicules et les Valaques (Roumains) étaient représentés à la Diète (Universis nobilibus, Saxonibus, Syculis et Olachis). Ils formaient ensemble un Tiers état (congregatio generalis) pouvant proposer et voter des reglements, et être délégués pour prendre des mesures exécutives concernant l'ordre public, les relations entre groupes ethniques et confréries professionnelles, voire les questions militaires. Les « canesats » valaques de Transylvanie avaient initialement été organisés en « vlachföldok »: communautés territoriales nommées par eux « țări » (du latin terra). Les historiens roumains les définissent comme des « Romanies populaires » ou « Valachies ». À mesure que l'aristocratie roumaine (les boyards), sommée de renoncer à l'orthodoxie ou de partir, se magyarisait ou quittait le pays vers la Valachie et la Moldavie au-delà des Carpates, les țări transylvaines furent tour à tour intégrées aux comitats hongrois et aux fiefs saxons, durant les XIIIe et XIVe siècles[7], pp. 13 à 19. :

  • Țara Pădurenilor (pays des forestiers)
  • Țara Lăpușului (pays de Lăpuș)
  • Țara Năsăudului (en allemand Nösnerland)
  • Țara Gurghiului (pays du Gurghiu)
  • Țara Vlăhiței (pays de Vlăhița qui veut dire « petite Valachie »)
  • Țara Bârsei (en allemand Burzenland, fief de l'ordre Teutonique de 1211 à 1225)
  • Țara Făgărașului (pays de Făgăraș)
  • Țara Hațegului (pays de (Hațeg) et
  • Țara Moților (pays des Moțs).

Il y avait également des « vlachföldok » hors de la principauté de Transylvanie proprement dite, en Hongrie orientale (« Partium »):

  • Țara Maramureșului (pays du (Maramureș), d'où sont partis les voïvodes fondateurs de la Moldavie)
  • Țara Bihorului (pays du Bihor) dit aussi Țara Crișurilor (pays des Criș) et
  • Țara Zărandului (pays du Zărand).

Mais en 1366, par l'Édit de Turda, le roi Louis Ier de Hongrie redéfinit l'accessibilité à la congregatio generalis et à la Diète, désormais conditionnée par l'appartenance à l'Église catholique romaine. Bien que l'édit ne le mentionne pas ouvertement, cela en exclut la majorité orthodoxe, c'est-à-dire la majorité des Transylvains. La noblesse roumaine doit se convertir (et se magyariser) ou s'exiler (en Moldavie et Valachie), et la fin des « țări » ou « vlachföldok » abandonnés par cette noblesse, place les Valaques orthodoxes en situation de servage, de soumission. Après les jacqueries de Bobâlna en 1437 le raidissement des Ordres et des privilégiés aboutit en 1438 à la constitution de l’« Unio Trium Nationum », qui fige la société transylvaine dans un ordre social foncièrement inégalitaire que la jacquerie de Gheorghe Doja/Dózsa György en 1514 ne parvient pas à ébranler, et qui perdurera jusqu'au XVIIIe siècle et à la Révolution transylvaine de 1784. Dans cet ordre social, seuls les catholiques (Hongrois, Sicules et Saxons) sont reconnus comme « nations » par l'« Unio Trium Nationum ».

La principauté indépendante (XVIeXVIIe siècle)

Le prince de Transylvanie Gabriel Bethlen (en hongrois Bethlen Gábor) en 1620
Fortifications de Sibiu

L'irruption des turcs Ottomans dans le bassin danubien et le désastre hongrois de Mohács (1526), provoquent la désintégration de la Hongrie médiévale, après près de dix ans de lutte contre les turcs et de batailles dynastiques entre les Zapolya, les Jagellon et les Habsbourg pour le trône de Hongrie. Tandis que la Hongrie centrale devient un pachalik ottoman en 1541, les Habsbourg d'Autriche s'emparent de la Hongrie occidentale et de la Hongrie du Nord (en partie l'actuelle Slovaquie), dite Hongrie royale, tandis que la Transylvanie est donnée à Jean Ier Zapolya par la paix de Nagyvárad, en 1538. Mais deux ans plus tard, le roi meurt, laisse un trône convoité par le Saint-Empire entre les mains de son fils Jean II de Hongrie, qu’on s’empresse d’élire roi, sous régence de sa femme Isabelle et de son conseiller Giorgio Martinuzzi.

Soliman n'abandonne pas ses ambitions de conquête : quinze ans après Mohács il renvoie ses armées en Hongrie, qui pénètrent jusqu’à Buda, sans pour autant manifester de volonté de gouverner par lui-même : il souhaite laisser la Transylvanie jusqu’au fleuve Tisza à Jean II, contre 10.000 Florints d’impôt par an. Le Parlement transylvain accepte ces conditions et élève Jean-Sigismond au titre de prince de Transylvanie, retirant ainsi tout droit aux Habsbourg. Bien que nominalement, le statut de Voïvodat soit maintenu, on parle dès lors non plus de voïvodat, mais de principauté de Transylvanie, la différence étant que voïvode est un office, tandis que prince est un titre de noblesse, et c'est bien ce que seront désormais ses souverains. La Transylvanie voit alors son territoire agrandi, incluant la Marmatie, l'est de la Hongrie et de l'actuelle Slovaquie (Partium).

Cependant en 1546, le sultan demande la remise de deux châteaux se trouvant à l’ouest de la Transylvanie, et Martinuzzi (György Fráter en hongrois), concluant à la volonté toujours vive de conquête Sultan ottoman, entre en négociations avec le souverain de la Hongrie royale, le roi Ferdinand Ier de Habsbourg - futur empereur Ferdinand Ier du Saint-Empire - ce qui aboutit en 1549 à la Convention de Nyirbator, reconnaissant les droits de Ferdinand sur la Transylvanie en échange de la sécurité de celle-ci. En apprenant les clauses de ce traité secret, la reine mère se rapproche du Sultan et lui dénonce le « traître moine », demandant en échange la sécurité de son fils et son accession au trône de « roi de la Transylvanie ».

Mais la Transylvanie de ne deviendra pas un royaume : une guerre se déclenche et la reine mère perd face aux armées des Habsbourgs. Elle se voit obligée de démissionner avec son fils. Ferdinand réunit donc une grande partie de la Hongrie, et le voïvodat de Transylvanie devient une principauté indépendante avec à sa tête Martinuzzi nommé prince par Ferdinand, la guerre avec les turcs étant suspendue diplomatiquement. Cependant, le 16 décembre 1551 Ferdinand fait assassiner Martinuzzi, dont il craignait les velléités d'indépendance, ce qui a pour effet de remettre les Ottomans dans la course. Au début 1552, le Sultan remet la reine mère Isabelle et son fils sur le trône de Transylvanie, l’empereur affaibli ne pouvant riposter. Le 12 mars 1556, le Parlement transylvain se décide à entériner ce règne, tandis que l’empereur Ferdinand, dans une lettre au sultan, énonçait la remise de la Transylvanie à Jean Sigismond. Dorénavant la Transylvanie est une monarchie quasi-indépendante, mais qui doit accepter, comme avant elle la Valachie et la Moldavie, le statut de vassale de l'Empire ottoman. Vassale ne signifie pourtant pas annexée, et c'est pourquoi les cartes qui montrent la Transylvanie, la Valachie et la Moldavie comme territoires ottomans, sont fausses. En effet les elles gardent leur statut d'états chrétiens autonomes, leurs armées, leurs institutions, leurs lois et leurs ambassadeurs. Le traité de Speyer, du 10 mars 1571, signé par l’empereur Maximilien II et le prince, entérinait cette position de la Transylvanie.

La Transylvanie est donc une Principauté élective dirigée par un prince hongrois (dont les prestigieuses familles Bethlen ou Báthory), et où les pouvoirs de la diète sont réels. Les « valaques » en sont exclus : ils sont orthodoxes. Lors de la Réforme, alors que la Contre-Réforme sévit en France et dans les possessions des Habsbourg (Autriche, Bohême, Hongrie royale), la Diète transylvaine, par l'édit de tolérance de 1568, passe en majorité au protestantisme, soit luthérien (adopté par les Saxons), soit calviniste (adopté par une partie des Magyars et des Szeklers occidentaux), soit unitarien (adopté par une partie des Magyars). Dans cet édit de tolérance transylvain, ces quatre confessions (professées par les aristocrates, les bourgeois et les fermiers libres, magyarophones ou germanophones) sont déclarées « acceptées » (receptæ), alors que la foi orthodoxe (professée par les serfs roumanophones) est seulement « tolérée » (tolerata). Du point de vue des Magyars et des Saxons, c'est un Âge d'Or de la Transylvanie au XVIIe siècle, mais du point de vue de la paysannerie valaque orthodoxe, c'est un âge obscur (même si les clivages ethnico-religieux n'ont pas la même valeur à cette époque que de nos jours). Pendant toute cette période, la plupart du temps, les voïvodes de Transylvanie, comme ceux de Moldavie et Valachie, jouent double jeu : ils paient un tribut aux Ottomans tout en reconnaissant, à plusieurs reprises, l'autorité lointaine des Habsbourg.

Après la mort de Jean Sigismond le 14 mars 1571, Étienne Báthory est élu voïvode de Transylvanie. Le sultan agrée cette décision, considérant Bathory comme le successeur légitime de Jean Sigismond, mais ordonnant une collaboration diplomatique étroite entre le prince Báthory et le bey de Buda, premier fonctionnaire du sultan en Hongrie. Mais en 1575, la noblesse polonaise demande à Báthory, fiancé à Anne, la sœur de Sigismond II Auguste, d’accéder au trône de Pologne, et celui-ci accepte, laissant la Transylvanie à son frère Christophe. Suivront les voïvodes Sigismond Ier Báthory, obligé de démissionner en 1596 après une défaite contre les turcs, un bref passage de Rodolphe II, qui sera renvoyé par la noblesse en 1601, noblesse qui rappellera Sigismond, qui abdiquera de nouveau en 1602, suite à une nouvelle défaite, contre le Saint-Empire cette fois. Cette fois c’est Étienne II Bocskai, ancien conseiller des Báthory, qui est élu voïvode de la Transylvanie en 1605, puis prince de Hongrie, mais il n'accepte ni le titre du roi de Hongrie ni la couronne de la main de l’Empire Ottoman.

Il faut enfin mentionner, pour cette période, la brève conquête de la Transylvanie entre novembre 1599 et août 1600 par le voïvode de Valachie Michel le Brave (Mihai Viteazul), condottiere au service de l'empereur Habsbourg de Vienne mais agissant ensuite pour son compte personnel et unissant brièvement la Transylvanie à la Valachie et à la Moldavie : cet épisode, relativement mineur à l'époque, a été considéré par les historiens roumains, à partir de l'âge romantique (XIXe siècle), comme une « prémonition » de la formation de la Roumanie actuelle. Cependant aucun élément factuel ne permet d'étayer cette thèse : Michel n'a aucune action émancipatrice pour les paysans transylvains de langue roumaine lors de sa brève conquête, et pire encore, c'est lui qui a légalisé le servage en Valachie même.

A l’arrivée au pouvoir de Gábor Báthory, le sultan renonça au tribut annuel pour un sur trois ans. Gábor engage des pourparlers avec l’empereur pour une alliance contre les turcs, mais son conseiller, Gabriel Bethlen, en informe le sultan qui lui cède en 1613 le droit de déposer le monarque. Le 21 octobre 1613, le diete transylvain, convoqué par le sultan, élit Bethlen prince. Il fut un prince protestant, qui désirait unifier les contrées protestantes contre l’absolutisme catholique des Habsbourg. En 1619, il s’engage dans la guerre de Trente Ans aux côtés de la Bohême, rejoints en 1626, grâce à son mariage avec Catherine de Brandebourg, par les Pays-Bas, le Danemark et la Pologne. Il meurt en 1629 et le candidat pas soutenu mais finalement accepté par les turcs, Georges Ier Rákóczi, lui succède, continuant sa lutte contre Ferdinand, qui meurt en 1637, la guerre de Trente Ans entrant alors dans sa dernière période, un conflit entre Allemands et Français, alliés de Rákóczi. Ce dernier demande en 1643, en contrepartie d’une alliance militaire non souhaitée par le sultan, une protection militaire de la France et de la Suède, sans désir de possession de la Hongrie et de la Transylvanie. Un accord secret entre Louis XIV et le prince Rákóczi complète en 1645 ces données.

Le sultan voit cependant d’un mauvais œil ce prince qui devient trop puissant et possède de grands alliés : il interdit au prince de continuer dans ses volontés militaires. En décembre 1645, le prince obéit et retire ses troupes de la Moravie, signant la paix à Linz avec Ferdinand III, mettant fin à la participation de la Hongrie et de la Transylvanie dans la guerre de Trente Ans. En 1648, à la paix de Westphalie qui met fin à la Guerre de Trente Ans, ils agissent comme puissance souveraine participant aux négociations. C'est en 1699 que cette souveraineté prend fin, lorsque les Habsbourg conquièrent la Transylvanie et en font un archiduché intégré à leur empire, mais un archiduché réduit à son territoire d'avant 1526.

La Transylvanie sous les Habsbourg d'Autriche (1690-1867)

Iohann Haller, gouverneur de la Transylvanie en 1750.
Miklos Barabas : Famille roumaine descendant au marché, 1844
Première édition du Supplex Libellus Valachorum Transsilvaniae, œuvre majeure des Lumières transylvaines (ro), publié à Cluj en 1791.

À partir de 1688-1690, la Transylvanie, désormais archiduché et ramenée à ses limites d'avant 1526, passe sous le contrôle de l'empire des Habsbourg qui vient de conquérir le bassin danubien après 150 ans d'occupation ottomane. L'empereur Léopold s'engage à reconnaître l'autonomie transylvaine (Diploma Leopoldinum) mais il met en place un gouverneur, entouré d'un Conseil (Gubernium), chargé de le représenter personnellement dans ce qui devient, peu à peu, une simple province de son Empire. La religion catholique reprend une place importante et en 1698 une partie des orthodoxes, las des discrimination s dont ils sont l'objet, acceptent de reconnaître l'autorité du Pape (église grecque-catholique de Transylvanie). Les gréco-catholiques de Transylvanie ouvriront des écoles et seront le moteur de l'émancipation des Roumains, développant un esprit de résistance qui les fera interdire et persécuter entre 1946 et 1989 lors de la période communiste.

C'est aux XVIIe et XVIIIe siècles, sous l'influence de l'esprit des Lumières, que commencent à se développer les consciences nationales modernes[8]. Quoi qu'il en soit, les élites gréco-catholiques de langue roumaine souffrent de n'avoir aucune participation au pouvoir[9]. À la fin du XVIIIe siècle, un embryon de bourgeoisie roumaine est néanmoins formé, et ses revendications sont formulées par les penseurs de l'École transylvaine (ro). Entre 1784 et 1792, ils réclament la reconnaissance des Roumains comme « Quatrième nation » en Transylvanie, notamment dans le révolution transylvaine de 1784 échoue, mais les Habsbourg se rendent compte qu'il faut « lâcher du lest » et Joseph II, imprégné par l'esprit des Lumières, mène entre 1781 et 1787 des réformes audacieuses: suppression du servage, démantèlement des privilèges des Ordres (hongrois, sicule, saxon) issus du Moyen Âge. Mais, refusées par l'aristocratie magyare, ces réformes sont annulées en 1790, dans le contexte de la Révolution française qui effraie toutes les cours impériales d'Europe.

Ces réformes qui mettaient les Roumains à égalité avec les autres « nations » reconnues de Transylvanie, sont un électrochoc pour les Hongrois de Transylvanie, nobles mais aussi bourgeois, qui commencent à réclamer l'abolition de l'Archiduché et le rattachement de la Transylvanie (Unió) à la « Grande Hongrie » comprenant également le Royaume de Croatie-Slavonie. Les Sicules, de langue hongroise, s'identifient, eux aussi, de plus en plus, à la « cause nationale » Hongroise. À partir de cette époque, la Transylvanie va de plus en plus devenir l'enjeu des luttes nationales et les revendications identitaires, dont elle n'est toujours pas complètement sortie au début du XXIe siècle. En 1848, le nationalisme romantique du « Printemps des peuples » qui lutte pour la liberté et la démocratie contre les tyrans souverains, révèle vite ses limites et ses naïvetés en Europe centrale, et particulièrement en Transylvanie, où les révolutions hongroise et roumaine de 1848 échouent après s'être opposées l'une à l'autre.

Avram Iancu

En Transylvanie, la situation en 1848 est particulière car les révolutionnaires hongrois de Lajos Kossuth, profondément jacobins, ont repris à leur compte les revendications des partisans de la « Grande Hongrie » et décidé la suppression de la diète transylvaine ; de plus, ils veulent faire du magyar la seule langue de la future Hongrie révolutionnaire. Dans ce projet, les non-magyars de Transylvanie n'ont aucune chance de voir aboutir leurs revendications. En conséquence, si une minorité de germanophones et de roumanophones, moins attachés à leur culture, adhère au programme de Kossuth lors des diètes de Cluj/Kolozsvár et de Debrecen, la majorité s'en détache. Les Saxons regardent de plus en plus vers l'Allemagne qui cherche, à Francfort, les voies de son unification. Quant aux Roumains, rassemblés sous la bannière d'Avram Iancu lors de la grande assemblée de Blaj le 15 mai 1848, ils forment un corps de volontaires.

L'armée de Kossuth réagit par des tirs sans sommation, mais les volontaires roumains, montagnards aguerris par une vie de privations et experts en pièges et embuscades, la repoussent par deux fois dans le massif du Bihor, à Abrud et à Mărișel (dans les mêmes terroirs où la révolution transylvaine de 1784 avait tenu en échec les hussards magyars 64 ans plus tôt). Parmi les leaders de cette révolution, qui reprennent à peu de choses près les revendications du Supplex libellus valachorum de 1784 et des 36 points du Parti de la nation de Moldavie, on note la présence d'Alexandru Papiu Ilarian, d'Ioan Axente Sever, de Simion Balint, de Simion Bărnuțiu, d'Ioan Buteanu, de Petru Dobra, Timotei Cipariu, Ioan Dragoș, Ioan Sterca-Șuluțiu et David Urs de Margina.

La 29 mai 1848, à Cluj, a lieu une réunion exceptionnelle de la diète transylvaine. Le système électoral censitaire fait que la majorité roumanophone du pays (70 % de la population) y est très peu représentée (sur 300 députés, il y a 273 magyars, 24 germanophones et seulement 3 roumanophones). La majorité des députés, des magyars ralliés à Kossuth, proclame l'annexion de la Transylvanie à la Hongrie, au grand dam des roumanophones, mais aussi des Saxons et d'une partie des Széklers. Même le grand poète hongrois Sándor Petőfi, lui-même transylvain, prit parti contre cette décision.

Le divorce était définitivement consommé entre les révolutionnaires hongrois d'un côté, et les roumains, les Saxons et les Croates de l'autre. Les efforts de Nicolae Bălcescu, médiateur missionné par le gouvernement révolutionnaire de Valachie, qui alla voir Kossuth lui-même à Budapest (la conversation eut lieu en français), n'aboutirent à rien. Une partie de l'armée magyare en était encore à réprimer les roumains en Transylvanie, alors qu'à l'appel des Habsbourg soucieux de reconstituer leur empire, les troupes russes du Tzar envahissaient déjà la Hongrie révolutionnaire, conformément aux traités de la Sainte Alliance. Résultat : la révolution hongroise fut écrasée à la bataille de Șiria (près d'Arad) en 1849. Lajos Kossuth, leader de la révolution hongroise, doit s'exiler après le martyre de treize de ses généraux à Arad le 6 octobre 1849. De son côté Avram Iancu sombra dans la dépression, cessa de plaider, adopta un comportement excentrique (il parcourait les villages en jouant des airs de flûte), fut radié du barreau, refusa une décoration offerte par le jeune empereur François-Joseph en visite en Transylvanie (pour le remercier d'avoir combattu Kossuth) et fit un tel scandale face au souverain, qu'il fut considéré fou et chassé manu militari. Aux yeux des nationalistes hongrois, les Roumains ont « trahi la cause révolutionnaire »... et inversement[10],[11],[12].

Suit une courte période de transition dite du néo-absolutisme autrichien : l'archiduché de Transylvanie, dont l'autonomie fut rétablie pour encore 19 ans (elle fut définitivement abolie en 1867), devient de facto une coquille vide, dissoute dans un système répressif et bureaucratique, qui n'en poursuit pas moins les réformes de modernisation de 1848-1849 (fin du servage, modernisation des codes juridiques). Dans les années 1860 l'Autriche subit plusieurs graves défaites en Italie puis à Sadowa en 1866, et l'empereur François-Joseph doit relâcher la pression sur les nationalités. Une diète transylvaine se réunit à Sibiu où, pour la première fois, les Roumains sont représentés, et vote l'usage à égalité des trois langues, roumaine, hongroise et allemande dans l'administration (1863-1864). Un projet est présenté à l'empereur: l'Autriche, comme l'Allemagne, deviendrait une fédération de sept monarchies dont il serait le roi ou l'archiduc: Autriche, Bohême-Moravie, Galicie-et-Lodomérie, Hongrie, Croatie-Slavonie, Transylvanie, Dalmatie. Mais, pour ne pas contrarier les magnats d'Autriche et de Hongrie, l'empereur choisit de ne faire reposer l'équilibre de l'Empire que sur un pacte avec les seuls Hongrois : c'est le Compromis de 1867 qui fonde l'Autriche-Hongrie. Pour sa part, la Transylvanie est intégrée dans la « Grande-Hongrie ».

Après l'abolition de la Principauté

En Autriche-Hongrie

Après 1867, les Hongrois ont carte blanche pour réorganiser la partie de l'Empire qui leur est dévolue (Transleithanie) : ils construisent le projet de la « Grande Hongrie unitaire ». En Autriche-Hongrie, la Principauté de Transylvanie, rattachée à la Hongrie, disparaît définitivement des cartes et des institutions, pour ne subsister que comme titulature des Habsbourg en tant que rois de Hongrie (1867-1918). Le territoire hongrois ainsi agrandi est découpé en « comitats » (megyek) uniformes (1876). La diète de Szeben, renvoyée par l'empereur dès 1865, est remplacée par une diète à Kolozsvár qui s'auto dissout (1868). Le Parlement est désormais à Budapest.

Après une première période plutôt conciliatrice[13], le gouvernement hongrois mène en Transylvanie une politique de magyarisation de plus en plus poussée et agressive (elle culmine en 1907 avec la Loi scolaire Apponyi) dans une province constituée, à l'époque, d'environ 55 % de Roumains, 10 % de Saxons et 35 % de Hongrois. Cette politique aboutit à un effet contraire à celui recherché : les manifestations identitaires tant roumaines que saxonnes se renforcent. Les associations nationales de tout type (sport, arts, culture, banque) se multiplient, comme partout en Europe centrale.

Autonomistes roumains de Transylvanie en 1894, à l'occasion d'un procès intenté contre eux pour trahison par l'État hongrois (Procès du Memorandum).

Du côté roumain, après une période de boycott (dite « passiviste » : 1867-1902), une élite politique déterminée se forme au début du XXe siècle (Iuliu Maniu, Vaida-Voievod (ro)) qui oblige le gouvernement hongrois (István Tisza) à négocier à deux reprises en 1910 et en 1913-1914. En outre, l'unification de la Valachie et de la Moldavie en un seul État de Roumanie (autonome en 1859, indépendant en 1878) est un message fort pour les Roumains de Transylvanie, même si l'on ne peut parler de véritable irrédentisme, car l'unionisme roumain ne touche guère que les élites. Quant aux Saxons qui ont perdu leurs privilèges en 1867, ils choisissent majoritairement la voie du compromis avec Budapest (1890) mais, forts de leur avance économique et sociale, ils développent des stratégies de résistance à la magyarisation et, déçus par Vienne, regardent de plus en plus vers Berlin, où ils envoient leurs enfants faire leurs études universitaires.

Pendant la Grande guerre, la Transylvanie va devenir l'objet des tractations et des convoitises entre puissances. Le pays concerné en premier chef est le Royaume de Roumanie. Dans les mouvements unionistes roumains, depuis les années 1880-1890, la revendication du rattachement de la Transylvanie, volontiers qualifiée de « troisième pays roumain » (avec la Valachie et la Moldavie), est devenue un leitmotiv. Le jeune royaume roumain, allié à la Triplice et gouverné par un roi allemand (Hohenzollern) qui ne peut guère laisser libre cours à de telles ambitions. La donne change à partir de 1913 (Deuxième guerre balkanique). Au début de la Première Guerre mondiale, la monarchie roumaine reste prudemment neutre, négociant avec les deux camps. Farouchement francophile, son opinion la pousse, néanmoins, à une alliance avec la France, le Royaume-Uni et l'Empire de Russie contre l'Autriche-Hongrie, pour libérer les « frères transylvains opprimés » (et qui l'étaient en effet culturellement, mais bénéficiaient d'un niveau de vie et d'instruction supérieur aux Moldaves et aux Valaques).

Le 27 août 1916, le Royaume de Roumanie déclare la guerre à l'Autriche-Hongrie et les troupes roumaines entrent en Transylvanie, mais après quelques semaines de combats et quelques victoires (prise de Brașov), la contre-offensive allemande les repousse au-delà des cols des Carpates. La Roumanie est envahie par les Allemands, les Austro-hongrois et les Bulgares. Malgré sa résistance à Mărășești (le « Verdun roumain ») durant l'année 1917, en fin de compte la défection russe et l'épuisement des ressources la contraignent à la capitulation en mai 1918 (traité de Bucarest).

En Transylvanie, de nouvelles associations ultranationalistes hongroises font la chasse aux Roumains, considérés comme « tous traîtres », et le gouvernement mène une politique de colonisation rurale anti-roumaine. Les écoles roumaines sont fermées. Certains dirigeants et militants roumains transylvains passent clandestinement dans la petite partie de la Roumanie restée non occupée par les Puissances centrales et forment une « Légion de volontaires transylvains » incorporée dans l'armée roumaine (juin 1917). À l'automne 1918, quand l'Autriche-Hongrie s'effondre, les Roumains de Transylvanie proclament logiquement l'Union de la Transylvanie à la Roumanie (Assemblée d'Alba Iulia, 1er décembre 1918, actuellement fête nationale de la Roumanie). Les représentants saxons valident l'union le 15 décembre 1918 à Mediaș, les hongrois quant à eux s'y opposent le 22 décembre de la même année. Les Transylvains roumains leur donnent des garanties pour le respect de leurs droits (ces garanties seront inégalement respectées par la suite : plutôt bien durant la démocratie parlementaire de 1921 à 1938, plutôt moins durant les périodes de dictature de 1938 à 1989, malgré l'établissement, par le régime communiste, d'une « région autonome hongroise » dans l'ouest de la Transylvanie entre 1947 et 1968).

En Roumanie

À la suite de la victoire des Alliés en 1918, les assemblées territoriales de la Transylvanie, de la Bucovine et de la Bessarabie votent leur rattachement à la Roumanie dont la population passe ainsi de 8 millions à 18 millions d'habitants. L'unification de cette « Grande Roumanie » est reconnue (sauf par les Soviétiques) au traité de Saint-Germain-en-Laye (1919).

Une commission interalliée présidée par le géographe français Emmanuel de Martonne trace la nouvelle frontière entre la Hongrie et la Roumanie, qui est jusqu'à ce jour la frontière occidentale de la Transylvanie roumaine. Cette question des frontières, évidemment considérée par la Hongrie comme un résultat injuste, installe pour longtemps un contentieux avec la Hongrie, qui s’aggrave au printemps 1919 lorsque le gouvernement bolchevique hongrois de Béla Kun tente de reprendre la Transylvanie. Ce gouvernement est vaincu par une coalition comprenant l'armée roumaine encadrée par les officiers français de la mission Berthelot. Les franco-roumains occupent Budapest le 6 août 1919 et remettront le pouvoir à l'amiral Miklós Horthy, qui mènera la répression anti-communiste et sera régent du Royaume de Hongrie jusqu'en 1944. Le traité de Trianon (1920) attribuera finalement la Transylvanie et la moitié orientale du Banat à la Roumanie, ainsi que divers territoires de la Hongrie orientale (« Partium »). Au sein de la Roumanie, la Transylvanie n'a pas plus d'existence politique qu'elle n'en avait au sein de la Hongrie depuis 1867, et, comme sous les Habsbourg d'Autriche, elle n'existe qu'en tant que titulature, cette fois des Hohenzollern de Roumanie. La titulature disparaîtra à son tour avec la monarchie roumaine, en 1948.

En août 1940, l'amiral Horthy obtient de Hitler un arbitrage qui oblige la Roumanie à céder à la Hongrie la moitié nord de la Transylvanie, mais en août 1944 la Roumanie déclare la guerre à l'Axe, reprend la Transylvanie du nord et rejoint ainsi les Alliés, qui, au Traité de paix de Paris, lui en reconnaissent la possession.

La légende de Dracula

La légende de « Dracula » est liée à la Transylvanie. Mais quoi que puissent en dire certains guides et agences de tourisme, les deux Vlad, « Dracul » et « Tsepes  » (le dragon et l'empaleur) étaient Voévodes de Valachie, et non de Transylvanie. Vlad II Dracul (le dragon), de la dynastie des Basarab, était ainsi surnommé parce que le roi de Hongrie Sigismond de Luxembourg l'avait adoubé chevalier de l'Ordre du Dragon Ourobore, voué à la lutte contre les Turcs ottomans. Vlad III Tsepes (l'empaleur), son fils, devait son surnom à une transgression de l'immunité diplomatique : il avait empalé un ambassadeur turc, Hamza Bey, et son secrétaire Thomas Catavolinos, parce que ceux-ci avaient cherché à l'empoisonner. Vlad "Tsepes" ayant augmenté les droits de douane en Valachie des marchands Saxons de Brașov, ceux-ci publièrent contre lui (Gutenberg venait d'inventer l'imprimerie en Europe) des gravures le traitant de monstre et de vampire, ou le montrant devant une forêt de pals : il y figurait sous le surnom de "Dracula". Au XIXe siècle, l'écrivain irlandais Bram Stoker eut connaissance de ces gravures par son correspondant austro-hongrois Hermann Vamberger, et y puisa le titre de son fameux roman, où Vamberger figure sous le nom d'Arminius Vambery, et où figurent aussi des éléments de biologie sud-américaine (les chauves-souris vampires Desmodus rotundus). "Dracula" n'est pas une légende transylvaine, mais une légende romantique de l'époque victorienne, dont l'action se situe en Transylvanie…

Notes

  1. de la Collectanea etymologica, Hannoverae 1717, « Celtica », page 90.
  2. Mátyás Unger, Történelmi Atlasz, Vállalat, Budapest 1989, ISBN 963-351-422-3CM et A. Drăgoescu (éd.) Transilvania, istoria României, 2 vol., Cluj, 1997-99
  3. A. Drăgoescu (éd.),Transilvania, istoria României, 2 vol., Cluj, 1997-99.
  4. Mátyás Unger, Történelmi Atlasz, Vállalat, Budapest 1989, ISBN 963-351-422-3CM
  5. Florin Constantiniu, Une histoire sincère du peuple roumain, éd. Enciclopedica, Bucarest 2006
  6. Thurocz: Chronica Hungarorum, 1486, in A. Drăgoescu (éd.) Transilvania, op. cit.
  7. Mátyás Unger, Történelmi Atlasz, Vállalat, Budapest 1989, ISBN 963-351-422-3CM
  8. . Compte tenu du bilinguisme et du caractère non nationaliste de ces consciences nationales avant le XXe siècle, il est difficile de faire une comptabilité fiable par nationalités avant 1780 : le fait de savoir s'il y avait une majorité hongroise ou roumaine avant 1700 en Transylvanie reste, actuellement, objet de polémiques nationalistes entre historiens hongrois et roumains. Mais ces polémiques n'ont aucun intérêt scientifique. Tout ce que la toponyme révèle, c'est que les Hongrois dominaient dans les plaines et le long des grands fleuves, tandis que les Roumains dominaient dans les piémonts (pays de Marmatie, Oaș, Crasna, Sălaj, Lăpuș, Năsăud, Gurghiu, Toplița, Vlăhița, Bihor, Zărand, Moților, Caraș, Vâlcu, Montana, Hațeg, Petroșani, Amlaș, Cibin, Făgăraș et Bârsa).
  9. comme le montre l'argumentaire de l'évêque grecque-catholique roumanophone Micu Klein au milieu du XVIIIe siècle.
  10. Ioan Chindriș, Uitații prefecți ai munților (Les préfets oubliés des montagnes)
  11. Gelu Neamțu, Les magyars et les roumains révolutionnaires en 1848 en Transylvanie
  12. Istoriografia revoluției române de la 1848-1849 din Transilvania en roumain
  13. Loi Eötvös (hu) sur les nationalités de 1868.

Bibliographie

  • Béla Köpeczi (dir.), History of Transylvania, 3 vol., Boulder, East European Monographs, 2001-2002. (Traduction anglaise d'un ouvrage célèbre, très documenté et précis mais contesté car restant attaché au « point de vue hongrois » sur la question. Il est paru en 1986 en Hongrie. Il existe une version abrégée en français disponible sur internet : Histoire de la Transylvanie, Budapest, Akademiai Kiadó, 1992).
  • A. Dragoescu (éd.),Transilvania, istoria României, 2 vol., Cluj, 1997-99. (Ces volumes collectifs en roumain se veulent une réplique aux trois volumes dirigés par Köpeczi).
  • Jean Nouzille, La Transylvanie, Strasbourg, Revue d’Europe Centrale, 1993.
  • Harald Roth, Kleine Geschichte Siebenbürgens, Köln, Böhlau Verlag, 1996. (Ouvrage bref mais qui s'efforce de garder l'équilibre entre les points de vues polémiques roumains et hongrois).

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