- Pastoralisme
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Le pastoralisme décrit la relation interdépendante entre les éleveurs, leurs troupeaux de ruminants et leur biotope.
Cette relation débute il y a environ 10 000 ans avec la domestication de certains animaux à l'instinct grégaire.
Économiquement et socialement très important dans les sociétés rurales ou primitives, le pastoralisme a décliné dans le monde occidental avec l'exode rural et l'agriculture industrielle. En France, l'activité pastorale a existé au XIXe siècle dans les régions de grande culture. Aujourd'hui, elle se confine essentiellement aux zones d'accès difficile où les grandes cultures n'ont pas leur place.
Une des spécificités du pastoralisme est la transhumance, qui voit le déplacement ou le transport du bétail de la plaine à la montagne au printemps et de la montagne à la plaine en automne. Les zones d'altitude où le bétail pâture à la belle saison sont dites alpages dans le Massif Alpin, montagnes dans le Massif Central et estives dans le Massif Pyrénéen.
Le pastoralisme en zone de montagne connaît un recul continu[1], la pression du tourisme conduit beaucoup d’éleveurs à se tourner vers des activités touristiques, plus lucratives. Paradoxalement, c’est le pastoralisme qui représente l’un des attraits touristiques majeurs de ces régions.
Sommaire
Un système extensif
Article détaillé : Élevage extensif.L'élevage pastoral hérite de traditions très anciennes de valorisation des terres et des pâturages qui tient compte des cycles saisonniers et des contraintes climatiques. Bien que ce mode d'élevage suppose une grande mobilité du bétail et de ceux qui s'en occupent, il est très lié à un espace géographique. Il suit généralement des parcours fixes ou prévisibles.
L'élevage pastoral est un système extensif, où les troupeaux pâturent sur de grandes étendues. Les troupeaux sont déplacés suivant les saisons pour laisser à la végétation le temps de repousser et pour aller chercher ailleurs l'herbe nécessaire à la nourriture des animaux. Il suppose de composer avec des paysans sédentaires qui partagent leurs terres avec les éleveurs pastoraux dans les périodes où elles ne sont pas en culture. Ce partage se fait selon des modalités très variées (location, échange, solidarité mécanique, division du travail, vente...) par le monde et les époques. Le passage du bétail permet au cultivateur de bénéficier d'une fertilisation partielle des terres par les déjections animales.
Le passage des troupeaux est la source de nombreux conflits territoriaux, qui à certaines époques et dans certains endroit du monde, peut prendre des allures guerrières. L'Afrique connaît encore, à l'heure actuelle, des conflits extrêmement brutaux entre éleveurs et agriculteurs qui se disputent la terre dans des régions en proie à la désertification ou à une forte pression foncière.
Le passage des troupeaux a aussi été le moment où s'échangeaient des informations de diverses natures, notamment politiques, où se nouaient des alliances, des accords commerciaux. Aujourd'hui, dans les pays occidentaux européens, notamment en France, l'élevage pastoral représente un porte-drapeau de la tradition, un événement touristique et patrimonial en soit.
Les pratiques pastorales
En montagne, les bergers gèrent la ressource fourragère en déplaçant le cheptel tout au long de l’année.
- D'octobre à juin, les troupeaux séjournent au point le plus bas de l’exploitation.
- Au printemps, les bêtes sont conduites dans les zones intermédiaires de moyenne montagne, de 1000 à 1 500 m.
- En été, les troupeaux montent aux estives, au delà de 1 500 m d’altitude, pour regagner la moyenne montagne à l’automne et retourner à l’exploitation pour l’hiver.
L’évolution du pastoralisme
Le recul du pastoralisme induit une modification des pratiques. Dans les Pyrénées, le déplacement des troupeaux se fait de plus en plus directement de l’exploitation de la vallée à l’estive. Les troupeaux, moins nombreux, n’ont plus besoin de gérer les herbages aussi finement que par le passé. La zone intermédiaire, escarpée et plus pentue, est alors abandonnée au profit des zones plus dégagées de la vallée et de l’estive. C’est pourtant cette zone qui est la plus sensible car elle s’enfriche beaucoup plus vite que les prairies d’estive, endormies par la neige[2].
Les conséquences environnementales et sociales
L’abandon des zones intermédiaires conduit à leur fermeture progressive. Contrairement à une opinion répandue, le retour du boisement sauvage ne conduit pas à une réapparition de la forêt initiale.
On voit au contraire taillis et broussailles reconquérir ces sites abandonnés par les troupeaux. Les bergers disent: la montagne est salie. Cette évolution est difficilement réversible car les bêtes refusent de pacager sur des prairies embroussaillées, l’herbe y est moins abondante et l’ombre inquiète les animaux.
Les techniques modernes de transport du fourrage (usage du tracteur permettant de plus longues distances de transport), le désenclavement des zones d'exploitation (routes et pistes), le nombre plus important de bêtes dans les troupeaux (granges devenues trop petites) et la conditionnalité (sanitaire et bien-être animal : problèmes d'ouvertures, de lumière naturelle, stabulation, etc.) ont conduit à l'abandon des granges qui sont transformées en maisons d'habitations, gîtes ou résidences secondaires.
Les conséquences environnementales ne sont pas négligeables.
- La plus visible est la modification des paysages ancestraux de la montagne, avec une densification de la zone de moyenne montagne qui étouffe progressivement les villages, accentuant la pression menaçante de la forêt et dégradant l’équilibre visuel des paysages.
- L’absence de l’entretien assuré par les troupeaux entraîne une fragilisation du milieu : réduction de la diversité végétale et animale (et non l’inverse comme on le suppose à tort en constatant un retour à l’état sauvage d’un paysage), car les espèces vivant dans un milieu ouvert disparaissent[3]
- Les zones fermées et embroussaillées sont plus vulnérables aux incendies, les risques d’avalanches y sont également plus nombreux[réf. nécessaire].
- Certaines voies d’accès aux parcs draille, chemin creux, trop peu utilisées par le bétail et manquant d'entretien, deviennent impraticables et disparaissent dans la végétation.
Le maintien du pastoralisme
Les communautés locales ont compris l’intérêt du maintien de l’activité pastorale.
- Celle-ci permet de conserver des emplois locaux dans des zones peu urbanisées et rarement industrialisées.
- Elle conserve la qualité du paysage avec en corollaire la conservation de son attrait touristique.
- Elle assure un entretien continu qui évite les investissements lourds engendrés par les sinistres.
Cette prise de conscience a conduit à des mesures diverses selon les besoins des massifs :
- Rénovation et mise à disposition des cabanes pastorales.
- Réhabilitation des granges.
- Projets collectifs de débroussaillage.
- Contrats de gestion et soutien financier des agriculteurs qui assurent le débroussaillage et l’entretien des prairies de fauche[4].
- Organisation de l’héliportage du matériel des bergers jusqu'aux estives.
Cas particuliers
À propos du pastoralisme dans le sud-est de la France.
L'enfrichement des zones de montagne n'est pas dû à la seule diminution du nombre de troupeaux, mais bien de façon très générale à la déprise agricole. Il se fait qu'actuellement le pastoralisme est un des derniers modes d'exploitation agricole de montagne en France.
L'histoire de la déprise agricole et de l'enfrichement dont il est question ici doit être analysée à l'échelle des deux derniers siècles. Henri Mendras résumait l'histoire de la ruralité à un combat entre forêt et agriculture[5]. De son côté Marc Bloch[6] montrait que l'alternance entre, d'un côté l'enfrichement et l'avancée de la forêt et, d'un autre côté, la reprise agricole, était fortement liée à l'évolution démographique.
Durant la période contemporaine, la pression politique, administrative et économique vers une concentration de l'élevage (réduction du nombre de troupeaux et augmentation de leur taille), a considérablement modifié les pratiques pastorales de l'après-guerre. Le modèle extensif se conserve cependant, puisque des troupeaux de 600 à 2000 brebis continuent de paître sur des grandes étendues et la stabulation est toujours marginale.
On constate aussi depuis la fin des années 1990, et depuis la réapparition du loup, une sous-utilisation des pâturages alpins éloignés des infrastructures et la surexploitation des pâturages proches. Ceci par l'incitation à l'utilisation de mesures de protection des troupeaux qui prévoient le regroupement des troupeaux la nuit à proximité des cabanes.
À propos du pastoralisme dans les Pyrénées.
Le pastoralisme dans les Pyrénées n'est pas unifié. C'est une mosaïque de coutumes, de méthodes d'élevage, de cultures très diversifiées d'un bout à l'autre de la chaîne et du Nord au Sud. Le Pays basque n'est pas comparable à la Catalogne, lesquels sont encore très différents de la Bigorre ou de l'Aragon.
Cette diversité peut être très importante d'une vallée à l'autre selon que l'on fait du fromage (brebis laitière) ou non (brebis à viande), telle ou telle espèce de brebis, de caprins, de bovins ou d'équidés, etc.
Le pastoralisme est aussi fonction des équipement des estives — avec ou sans cabane permettant le logement d'un berger — de l'existence ou non de parcs de contention, du désenclavement, etc.
À propos du pastoralisme urbain.
De nouveaux besoins émergent pour la gestion écologique et différentiée de certains éléments des trames vertes et bleues, y compris en zone urbaine et dans d'autres zones écologiquement fragmentées où la circulation de troupeaux d'un site isolé à l'autre peut remplir une certaine fonction de « corridor ambulant »[7]. Les animaux transportent dans leurs poils, tube digestif, sous leurs sabots, etc. des propagules et graines qui peuvent ainsi circuler de manière plus proche de la nature[7]. Certains exploitants louent ainsi des troupeaux à des collectivités territoriales ou à des conservatoires chargés de gérer les milieux.[8]. Le berger ou gardien de troupeau formé peut aussi contribuer à limiter l'extension d'espèces invasives ou évaluer la biodiversité sur les sites pâturés. En milieu urbain, il peut aussi communiquer avec le public pour expliquer cette stratégie environnementale nouvelle, qui peut aussi s'inscrire dans les recommandations de la FAO de restaurer une certaines agriculture urbaine.
Annexes
Articles connexes
- Aas: Le Pastoralisme dans un village de la Vallée d'Ossau
- Orri Installations d'estive en Ariège et dans les Pyrénées-Orientales
- Cortal Grandes bergeries de pierre dans le Conflent (Pyrénées-Orientales)
- Développement durable
- Montagne
- Transhumance
- Broutard
- Pelouse calcaire
- Système agro-pastoral dans les Landes de Gascogne
- Association foncière pastorale
Liens externes
- CERPAM (Centre d'études et de réalisations pastorales Alpes - Méditerranée)
- Espace Pastoralisme de l'Institut de l'Elevage
- Association À Pas de loup (des volontaires pour la nature)
- Association Française de Pastoralisme
Sources et bibliographie
- M. Bloch, Les caractères originaux de l’histoire rurale française, tome 1, A. Colin, Paris, 1964 (1931).
- Coulet & Coste, In : D. Musset (dir.), Histoire et actualité de la transhumance en Provence, Les Alpes de Lumière, no 95-96, Mane, 1986.
- Coulet & Coste, In : J.-Cl. Duclos, et A. Pitte (dir.), L'homme et le mouton dans l'espace de la transhumance, Musée dauphinois et Glénat, Grenoble, 1994.
- J.-P. Darre, L’invention des pratiques dans l’agriculture, Karthala, Paris, 1996.
- C. Daubenton, Extrait de l’instruction pour les bergers et les propriétaires de troupeaux, Imprimerie Didot Jeune, Paris, an 3e de la République. 1ère Édition 1792.
- G. Duby (dir.), Histoire de la France rurale. La fin de la France paysanne depuis 1914, Seuil, Paris, 1977.
- L. Girard (dir.), Aux côtés des bergers et des loups, Association À pas de loup, des volontaires pour la nature, Dieulefit, 2007.
- M. Jollivet & H. Mendras (dir.), Les collectivités rurales françaises. Tome I, Armand Colin, Paris, 1971.
- M. Jollivet (dir.), Les collectivités rurales françaises, Sociétés paysannes ou lutte de classes au village. Tome II, Armand Colin, Paris, 1974.
- G. Ravis-Giordani, Bergers corses. Les communautés villageoises du Niolu, Edisud, Aix-en-Provence, 1983.
- T. Sclafert, A propos du déboisement dans les Alpes du sud, Les annales de la géographie, SEDES, 1933.
- T. Sclafert, Culture en Haute Provence. Déboisement et pâturage au Moyen Âge, SEVPEN, Paris, 1959.
- Empreintes – Journal du Parc national des Pyrénées, no 15, août 2004.
- Grazzia Borrini-Feyerabend et al, Sharing Power, CENESTA/IUCN, 2006 (ouvrage largement consacré à l'histoire du pastoralisme nomade dans le monde, examinant les modalités de sa survie).
Notes et références
- En 2000, il restait dans les Pyrénées 6018 exploitations, soit une réduction de 20% depuis 1998.
- Il faut 15 jours pour faucher manuellement un hectare en zone intermédiaire.
- Les paysages deviennent de plus en plus homogènes alors que c’est la complexité de la structure paysagère et l’organisation des formations végétales en mosaïque qui permettent de maintenir cette richesse de diversité biologique.
- Cette méthode, fréquente dans les cantons des montagnes suisses, est également expérimentée par le Parc National de Pyrénées.
- Henri Mendras, La fin des paysans, 1984 (1re édition en 1967).
- Marc Bloch, Les caractères originaux de l’histoire rurale française, tome 1, A. Colin, Paris, 1964 (1931).
- Elevage extensif biologique Puerto evita,
- Chiens de bergers et moutons à La Gorgue sur la zone inondable de la friche Madeleine jeudi 30.06.2011, 05:16 - La Voix du Nord
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