Vlad III l'Empaleur

Vlad III l'Empaleur
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Vlad III l'Empaleur
Vlad Tepes 002.jpg
Vlad Țepeș portrait du XIVe siècle (château d'Ambras)

Titre
Prince de Valachie
1448, 1456 - 1462 puis 1476
Biographie
Dynastie Drăculea
Nom de naissance Vlad Țepeș
Date de naissance 14 novembre 1431
Lieu de naissance Târgoviște ou Sighișoara
Date de décès novembre ou décembre 1476 (à 45 ans)
Lieu de décès Bucarest
Père Vlad II le Dragon (Vlad Dracul)
Conjoint (1) ép. Ileana de Hunedoara-Nelipic, cousine de Matei Corvin, roi de Hongrie
(2) illég. fille de l'armas Dracea de Mănești

Le voïvode Vlad III Basarab, surnommé Țepeș (« l'Empaleur »), né fin novembre début décembre 1431 à Târgoviște ou, selon certains auteurs, à Schässbourg/Sighișoara - mort en décembre 1476 à Bucarest, a été prince de Valachie en 1448, puis de 1456 à 1462 et en 1476 et à inspiré la légende de Dracula.

Sommaire

Biographie

Contexte

Le contexte de la première moitié du XVe siècle est mouvementé : le Saint-Empire romain germanique et les pays chrétiens d'Europe de l'Ouest, en particulier les royaumes d'Autriche, de Hongrie et de Pologne sont sérieusement menacés par la poussée de l'Empire ottoman, lequel a déjà conquis les Balkans et encerclé Constantinople (la capitale ottomane est à Andrinople jusqu'en 1453). Réduit à sa capitale, à quelques îles de l'Égée, à Mistra et à Trébizonde, l'Empire byzantin vit ses dernières années avant la chute de Constantinople le 29 mai 1453. Les régions qui se situent entre les deux empires constituent le dernier rempart de la chrétienté (catholique et orthodoxe) contre les musulmans et sont le théâtre de batailles acharnées. Les sultans consolident leur contrôle sur les Balkans, balayant un à un les États chrétiens (Serbie, Bulgarie, despotat d'Épire, despotat de Dobrogée) et ne s'arrêtent qu'aux portes de Vienne (Autriche).

Dans cette période, la Valachie est une principauté qui résiste encore à la pression ottomane. Les relations entre la principauté roumaine et l'empire turc oscillent entre guerres et périodes de vassalité envers le Sultan ottoman, qui offre la paix moyennant le paiement d'un tribut. Cela durera jusqu'au milieu du XIXe siècle et la Valachie ne sera jamais une province turque, comme le représentent par erreur la plupart des ouvrages historiques modernes, mais restera une principauté autonome, gouvernée par un "Voïvode" élu par la noblesse (plus tard "Hospodar") assisté d'un "Sfat" (conseil, plus tard "Divan domnesc"). Elle avait une législation ("Pravila"), une armée ("Oastea"), une flotte sur le Danube ("Bolozanele") et un corps diplomatique ("Logofeții"). Le Voïvode étant élu, le trône était disputé, à l'époque de Vlad Țepeș, entre les familles cousines Basarab des Basarab-Dǎnescu et des Basarab-Drǎculescu. Alors que les Drǎculea négociaient la paix avec les Turcs, les Dǎnescu appellèrent les Hongrois pour les aider à combattre le Sultan.

En 1447, le père de Vlad, Vlad II "Dracul" ("le Dragon", surnom dû au fait qu'il était membre de l'ordre anti-ottoman du Dragon, en latin Societas Draconistrarum), conclut une paix avec les Ottomans. Étant en guerre contre les Turcs, Iancu de Hunedoara (hongrois: János Hunyadi français: Jean Huniade), voïvode de Transylvanie et gouverneur de Hongrie depuis 1446, entreprend en novembre de la même année, en partant de Brașov, une expédition punitive contre Vlad II, considéré traître à la Societas Draconistrarum. Vlad II est capturé et tué à Bǎlteni, avec son premier fils Mircea cel Tânăr (Mircea II le Jeune). Parvenu à Târgoviște, Iancu de Hunedoara se proclame le 4 décembre 1447 « voïvode des régions transalpines » (c'est-à-dire, pour lui, « au-delà des Alpes de Transylvanie », en Valachie). Ce titre lui permet de faire élire au trône de la Valachie un des Dǎnești, le fils de Dan II, Vladislav II: les Drǎculești sont alors évincés du pouvoir.

Son vrai nom

Vlad est issu de la dynastie princière des Basarab, à l'origine du toponyme Bessarabie (qui désigna initialement la Valachie avant de désigner une partie de la Moldavie). Le premier représentant marquant est Basarab le Grand qui délivra le pays de la vassalité hongroise. Selon les historiens Mihnea Berindei et Matei Cazacu, ce nom pourrait être couman (signifiant « père sévère »). Selon l'historien Pierre Năsturel, ce Besserem-Bem des chroniques turques pourrait être une déformation de Bessarion-Ban (« Ban » étant un titre hongrois de vassalité équivalent à « marche » et ayant donné le nom du Banat).

Jeunesse

Selon une tradition fréquemment citée, Vlad Țepeș serait né à Sighișoara, ville médiévale de Transylvanie en 1431 où son père éxilé a séjourné de 1431 à 1435 et où l'on montre encore sa maison natale [1] . Mais les historiens roumains n'ont pas de certitudes à ce sujet : la plupart soulignent que Sighișoara était alors la ville saxonne de Schässbourg et non une cité roumaine, et que les voïvodes valaques naissaient et grandissaient en général à Târgoviște, capitale et cour princière de la Valachie. Le seul bâtiment historique que l'on peut rapporter avec certitude au règne de Vlad, est la tour de Chindia à Târgoviște. Selon l'historien Lucian Boia, une aile de l'une de l'ancienne citadelle de Bucarest ("Curtea Veche") fut également érigée par Vlad Țepeș (d'ailleurs son buste marque l'endroit) et témoigne de sa présence dans l'actuelle capitale de la Roumanie. La seule partie de sa jeunesse qui est corroborée par des textes sont les premières années passées à la cour de son père, Vlad Dracul.

En 1442, Vlad Țepeș est envoyé comme otage au sultan Mourad II, avec son jeune frère Radu cel Frumos (Radu le Beau) ; il est retenu à Andrinople jusqu'en 1448, et son frère jusqu'en 1462. Cette période de captivité dorée chez les Turcs a joué un rôle important dans la montée au pouvoir de Vlad. Probablement s'est-t-il fait durant cette période des relations utiles à son ambition, et à son désir de revanche contre les Dǎnești. En sa qualité d'otage princier, il avait certains privilèges tel que celui de pouvoir étudier, correspondre, disposer de pages et de serviteurs. Le supplice du pal était encore inconnu à cette époque chez les chrétiens, mais était l'apanage des Ottomans : on peut raisonnablement penser que "Draculea" a découvert ce supplice durant son séjour à Andrinople.

La lutte pour le trône

En 1448, profitant de l'absence de Vladislav, éloigné de Târgoviște par les combats de la seconde bataille de Kosovo contre les Turcs, Vlad III Țepeș rentre d'Andrinople avec une troupe de cavalerie turque et un contingent de troupes prêtées par le pacha Mustafa Hassan, et pour s'emparer du trône. Mais Vladislav le chasse dès son retour, deux mois plus tard (octobre-novembre 1448), et Vlad doit s'exiler en Moldavie où règne Bogdan II Mușat. Là, il se lie d'amitié avec le futur Ștefan cel Mare (Étienne III le Grand).

La chute de Constantinople aux mains des Turcs en 1453 change la donne : les chrétiens doivent faire feu de tout bois et Iancu de Hunedoara, qui part défendre Belgrade contre les assauts ottomans, confie à Vlad Țepeș une armée pour défendre le sud de la Transylvanie. Mais Vlad en profite, avec l'aide de boyards de Munténie, pour reprendre le trône de Valachie : il écrase et tue Vladislav II au combat en août 1456. Il règne ensuite pendant six ans, consolidant son pouvoir en centralisant l'autorité, de la même façon que Matei Ier Corvin le Juste en Hongrie (Matthias Corvin) ou Louis XI en France. Il élimine sans pitié tous les boyards qui pouvaient la déstabiliser. Il s'appuie sur le petit peuple, qui l'adule, et établit un régime de terreur dans l'aristocratie, de telle façon que tous le redoutent et le craignent.

Inflexible et droit

Vlad est inflexible lorsqu'il s'agit d'honnêteté et d'ordre. La plus petite infraction, du mensonge jusqu'au crime, pouvait être punie de mort (la légende dit « du pal », mais toutes les forêts du pays n'y auraient pas suffi). En fait, Vlad n'a empalé que quelques personnages, mais de haut rang : c'est ce qui a frappé les imaginations et lui a valu son surnom de Țepeș/Empaleur. Il cherche à combattre la corruption et l'intrigue en s'appuyant sur l'"Oastea domnească", l'armée princière, recrutée parmi les paysans libres. Sûr de l'efficacité de son système, Vlad place un jour une coupe en or en plein milieu de la place centrale de Târgoviște. Les voyageurs assoiffés auront le droit de se servir de la coupe, mais elle doit rester en place. Selon les sources historiques, celle-ci ne fut jamais dérobée, et resta à sa place tout le temps du règne de Vlad.

Représentation tirée des chroniques de Brodoc montrant Vlad Țepeș dînant devant des exécutions par empalement.

Il dirige aussi sa vengeance contre les boyards responsables de la mort de son père et de son frère Mircea. Le dimanche de Pâques 1459, il arrête toutes les familles de boyards qui faisaient la fête à la cour princière. Après avoir empalé quelques chefs des grandes familles, il oblige les autres à marcher une centaine de kilomètres, sur un difficile chemin de chèvres. Il ne permet pas aux survivants de se reposer à leur arrivée, il leur ordonne immédiatement de construire une forteresse sur les ruines d'un ancien avant-poste, avec vue sur la rivière. Le chantier dure des mois et beaucoup meurent. Vlad crée une nouvelle noblesse d'armes parmi ses paysans, et réussit à se faire construire rapidement une forteresse avec l'ancienne. La légende dit que ce serait le château de Bran, mais celui-ci ne se situe pas en Valachie, mais en Transylvanie, et si ses fondations sont bien antérieures au règne de Vlad (elles datent de l'Ordre Teutonique, cantonné là entre 1211 et 1242), les murailles actuelles sont postérieures, datant des Habsbourg. La véritable forteresse de Vlad est identifiée aujourd'hui aux ruines de la citadelle de Poenari sur l'Argeș, en Valachie.

En 1457, les marchands saxons de Transylvanie de Sibiu et de Brașov essaient de le remplacer par un « prêtre des Roumains », identifié comme étant le futur souverain Vlad IV Călugărul (Vlad IV le Moine), qui leur promet des avantages douaniers. Les commerçants de Brașov choisissent un autre prétendant, Dan III Dănicu, le frère de Vladislav II. Vlad franchit alors les Carpates et, une fois en Transylvanie, punit ses ennemis, jusqu'au moment où Matei Corvin de Hongrie, fils de Iancu de Hunedoara, intervient en négociant un accord, ce qui montre les limites de l'indépendance du pouvoir de Vlad Țepeș, même sur ses terres, en face du pouvoir hongrois. Dan III, soutenu par Matei, passe les Carpates depuis Brașov vers la Valachie, où il est pris et exécuté par Vlad le 22 avril 1460. Les représailles envers les marchands saxons de Transylvanie établis en Valachie sont alors terribles, et, bien qu'aucun n'ait été empalé, Vlad acquiert ainsi sa réputation de monstre auprès des Occidentaux.

Contre les Turcs

Début 1462, Vlad se sent plus fort, et la participation que lui promet Matei Corvin en personne à une expédition contre les Turcs l'enhardit jusqu'à briser son alliance avec les Ottomans. Il lance alors une campagne contre les Turcs sur le Danube, tuant plus de 30 000 hommes. Vlad perd alors l'allégeance de son frère Radu cel Frumos (Radu le Beau) et provoque la colère du sultan Mehmed II, fils de Mourad, lorsqu'il refuse d'accéder à la demande des émissaires turcs de payer le tribut au sultan. Lorsque les émissaires du souverain ottoman refusent d'ôter leurs turbans face à lui, il les leur fait clouer sur le crâne. Quand le sultan apprend l'exécution de ses émissaires, il décide d'envahir la Valachie, qu'il souhaite transformer en province turque. Il procède à l'invasion avec une armée trois fois plus importante que celle de Vlad. L'aide hongroise tardant à se manifester, Vlad Țepeș doit se résoudre à se retirer à Târgoviște, à brûler ses propres villages, et à empoisonner les sources sur sa route, de façon à ne plus rien laisser à boire et à manger à l'armée turque. Il livre plusieurs escarmouches dont la plus célèbre est l'attaque de nuit du 17 juin 1462[2].

Lorsque le sultan arrive à Târgoviște, il est confronté à une vision d'épouvante : sur des centaines de pals, les corps de nombreux officiers turcs prisonniers sont dressés, une scène terrifiante qui fut surnommée « la Forêt des Pals » et qui, elle aussi, marqua les imaginations. Mehmed II préfère laisser sa place au combat à Radu cel Frumos (Radu le Beau), le jeune frère de Vlad, candidat des Turcs pour le trône de Valachie. À la tête de l'armée turque et d'une partie de l'"Oastea domnească" qu'il convainc de rejoindre son camp, Radu III poursuit son frère jusqu'à la forteresse de Poenari. D'après la légende, la femme de Vlad, qui voulut s'échapper, trouva la mort en tombant du haut de la falaise que la forteresse surplombe (une scène exploitée par Francis Ford Coppola dans son film Dracula). Vlad, lui, réussit à s'échapper du siège de Poenari en empruntant un passage secret à travers la montagne. Radu le Beau monte sur le trône de Valachie le 15 août 1462.

Prisonnier en Hongrie

Vlad retourne alors en Transylvanie pour rencontrer Matei Corvin qui, pense-t-il, arrive à Brașov pour se porter à son secours. Mais ses excès lui ont déjà aliéné ses alliances, et les autorités locales de Brașov qui reconnaissent Radu comme souverain depuis deux mois, achèvent de convaincre Matei Corvin d'arrêter Vlad Țepeș (arrestation effectuée par un chef hussite connu, Jan Jiskra, en novembre 1462). Vlad est maintenu prisonnier à Buda, capitale de la Hongrie, aujourd'hui Budapest) pendant douze ans ; une fois libéré, il retourne en Valachie et s'installe à Bucarest qui, à l'époque, n'était qu'une petite bourgade parmi d'autres. Selon de nombreuses sources, c'est l'arrivée de Vlad et troisième règne qui auraient fait prospérer la ville. Selon ces mêmes sources, le prince de Valachie aurait lui-même fait de Bucarest la capitale de la principauté.

Une fin tragique

En 1476, Vlad est reconnu à nouveau comme prince de Valachie, mais il ne jouit que peu de temps de son troisième règne. Il meurt au combat à la fin du mois de décembre 1476 à Bucarest[3]. Le corps de Vlad Țepeș est décapité et sa tête envoyée au sultan qui la pique sur un pieu comme preuve de sa mort. Vlad Țepeș est enterré au monastère de Snagov, sur une île proche de la capitale roumaine. Selon le célèbre historien Constantin Rezachevici, ce tombeau pourrait être situé sur la localité du monastère de Comana[4].

Sa tombe

La réalité des faits est loin du cercueil dans un crypte gothique entourée de montagnes. Le « tombeau » de Vlad Țepeș est censé se situer en plaine, au bord d'un lac aux rives fleuries, au monastère de Snagov, à une vingtaine de kilomètres au nord de Bucarest. Mais des études récentes ont montré que ce « tombeau » ne contient que quelques ossements de chevaux fossiles, datés du Néolithique, et ne correspondent pas aux vrais restes du prince valaque. D'après le livre de Radu Florescu et Raymond McNally À la Recherche de Dracula, il y a deux autres tombes à Snagov : la première à l'entrée de la chapelle du monastère et la seconde au pied de l'autel. On s'accorde généralement à dire que c'est la seconde qui devait contenir le corps (décapité) de Vlad. En 1932, une mission archéologique roumaine ouvrit cette tombe et n'y trouva que des fragments d'ossements humains, mâchonnés par des bêtes. L'autre tombe fut également ouverte. L'équipe d'archéologues y découvrit un squelette d'homme très friable et privé de sa tête, une épée, une médaille de l'Ordre du Dragon, une couronne, les restes d'une cape pourpre et une bague de femme, cousue à l'intérieur de ce qui fut autrefois la manche d'une vêtement (tradition d'amour courtois très répandue en Europe à la fin du Moyen Âge) : l'inventaire du Musée d'Histoire et d'Archéologie de Bucarest, et des photos, en témoignent.

Le monastère de Snagov est orthodoxe, or Vlad avait abjuré sa foi orthodoxe et s'était converti au catholicisme pour pouvoir bénéficier du soutien de Matei Corvin afin de remonter sur le trône. Il était donc considéré comme un hérétique par les moines orthodoxes, qui auraient mis son corps en terre, et non dans cette tombe. Un hérétique, mais baptisé orthodoxe et de sang princier : on aurait pu lui accorder de reposer dans la chapelle, mais à l'entrée, les fidèles et les moines marchant alors sur sa tombe chaque jour en signe de contrition pour lui.

Avec l'avènement de la génétique, on s'intéressa de nouveau au corps trouvé à l'entrée de la chapelle en 1932 pour tenter de l'authentifier en comparant son ADN à celui des descendants de Vlad III encore en vie. Mais entre-temps, le Musée d'Histoire et d'Archéologie de Bucarest, ainsi que ses réserves, ont déménagé plusieurs fois, subi des bombardements et des incendies, et la malle contenant les restes de Snagov reste à ce jour introuvable. Il est possible aussi qu'elle ait été volée.

Surnoms et légendes

Vlad Basarab a eu de nombreux surnoms : Țepeș (« l'Empaleur » en roumain), Drăculea (« Dragonneau » en roumain, d'où Dracula - son père Vlad II le Dragon ayant été membre de l'Ordre du Dragon). Son personnage "vampirisé" en a eu bien davantage: Nosferatu (qui provient probablement du roumain Nesuferitu: l'innommable, de démon), mais aussi Kalles, Ibnes, en turc Suzgeç ou Kaziglu Bey, en allemand Gotveren...

Vlad Țepeș connaît déjà une célébrité importante de son vivant, répandue surtout par ses ennemis : les marchands saxons de Transylvanie, et Matei Ier Corvin le Juste, le roi de Hongrie, qui l'ont fait passer pour un souverain cruel qui empale ses ennemis. Selon leurs dires, il aurait empalé dit-on des centaines de milliers d'hommes, et en particulier, les négociants allemands de Transylvanie, les membres de la vieille noblesse, tous ceux qui se dressaient contre lui, ainsi que les prisonniers turcs.

Mais, oubliée avec sa mort, cette mauvaise réputation, consignée dans les documents et les gravures d'époque, s'est repropagée avec la diffusion du personnage de Dracula, inventé par Bram Stoker pour son roman en 1897. Ce roman ne se fonde pourtant pas sur la réalité du règne de Vlad Țepeș : c'est une fiction censée se dérouler en Transylvanie et au Royaume-Uni au XIXe siècle. Néanmoins, en raison du succès de cette fiction, Vlad Țepeș est assimilé au personnage de Dracula qui a été immortalisé par Stoker sous la forme d'un vampire buvant le sang de ses victimes. L'image de la Transylvanie, et de la Roumanie, par le biais du roman de Stoker, est maintenant associée pour longtemps au comte vampire Dracula, dont le nom est celui du Diable, et qui recouvre la mémoire de Vlad Țepeș.

Origines de la légende

Sa vie est connue grâce aux sources écrites qui relatent les faits et gestes de Vlad III, prince de Valachie au milieu du XVe siècle.

Selon certaines de ces sources, Vlad Țepeș aurait été un monstre de cruauté, une brute qui aimait répandre le sang, le feu, la mort partout, et ses victimes se seraient comptées en milliers, en dizaines ou en centaines de milliers. Cette légende trouve ses sources dans la haine et le ressentiment de ses adversaires, les marchands saxons et les boyards de Valachie, qui ont toujours lutté pour conserver leurs privilèges dans ces régions. La diffusion d'écrits inspirés par cette version en Europe a été fortement encouragée par Matei Corvin, roi de Hongrie, qui cherchait à justifier son changement d'attitude : après avoir soutenu Vlad dans ses actions contre les Turcs, il soutint son frère Radu III le Beau (Radu cel Frumos), qui était le candidat des Ottomans et chef des armées ottomanes, alors que Vlad était vaincu et demandait de l'aide, seul à Brașov. Il valait mieux faire passer Vlad pour un monstre incontrôlable.

Au début du XIXe siècle, cette thèse a été relancée par la publication en allemand des Histoires de la Moldavie et de la Valachie de Johann Christian Engel, qui présente Vlad Țepeș comme un tyran sanguinaire.

Mais selon les chroniqueurs orientaux,

« Vlad Țepeș était un chef qui utilisait la terreur pour se faire respecter de ses ennemis, un adversaire redoutable et respectable. On peut citer A. Bonfini ou L. Chalcocondyle, ainsi que l'auteur anonyme des Histoires slavonnes, qui ont de l'admiration pour ce voïvode autoritaire mais juste, qui a utilisé toutes les méthodes pour consolider un pouvoir central, et pour faire régner l'ordre sur ses territoires. »

Libelle de 1462 représentant Vlad Țepeș

En réalité, telle qu'elle est corroborée par les sources primaires, Vlad Țepeș a persécuté les boyards valaques au profit du « vil » peuple pour asseoir son pouvoir, et, pour financer ses campagnes militaires, il a augmenté les droits de douane des marchands saxons de Transylvanie en Valachie. Ce sont ceux-ci qui, au moyen de gravures sur bois et de libelles reproduits à des centaines d'exemplaires, l'ont pour la première fois représenté en vampire sanguinaire se repaissant de chair humaine et buvant du sang, attablé devant une forêt de pals. Selon leurs libelles, Vlad aurait systématiquement fait écorcher, bouillir, décapiter, aveugler, étrangler, pendre, brûler, frire, clouer, enterrer vivants, mutiler atrocement et bien sûr empaler tous ses contradicteurs.

Dans quelle mesure Vlad a-t-il vraiment usé de ces cruels procédés ? Rien ne corrobore qu'il les ait davantage pratiqués que ses contemporains, mais il l'a fait de manière à frapper les esprits, en osant martyriser non seulement des criminels ou des voleurs, mais aussi des aristocrates comploteurs ou des marchands étrangers jugés malhonnêtes en 1457, en 1459 et en 1460, et surtout, un ambassadeur turc, Hamza Pacha, et son chambellan Thomas Katavolinos, qui avaient tenté de s'emparer de lui par ruse en 1461. Cela conduisit à une nouvelle guerre contre l'Empire ottoman mais surtout, inspira à toutes les cours d'Europe un sentiment d'horreur à l'égard de Vlad.

Ce sont quelques-uns de ces libelles qui, parvenus à la Royal Library et au British Museum de Londres où ils se trouvent toujours, ont pu tomber sous les yeux de l'écrivain Bram Stoker et lui ont fourni une partie des idées grâce auxquelles il forgea son personnage de Dracula.

Ascendants

Descendants véritables et fantaisistes

Il était marié légitimement à Ileana de Hunedoara-Nelipic, cousine de Matei Corvin, roi de Hongrie. Dans cette branche, tous ses descendants ont porté le nom de Basarab : son fils Vlad, ses petit-fils Vlad de Sinesti et Ion de Sinesti, son arrière-petit-fils Ioan de Band.

Sa descendance, issue de son union avec Jusztina Szilagyi (Iustina Sălăgeanu) est plus connue et a régné sur la Valachie :

Vlad Țepeș a eu trois épouses successives : Justina Szilagyi (Iustina Sălăgeanu, mère de Mihnea Ier), Cneajna Bathory de Transylvanie (ce qui permet aux exégètes de supputer des parentés avec la terrible Erzsébet Báthory) et Ileana de Hunedoara-Nelipic.

Mihnea (« Le Mauvais ») eut avec Voica, une fille, Ruxandra Basarab, et avec Smaranda Szapolya, un fils : Mircea IV Miloș. Ce fils eut deux fils : Miloș Vodă (mort en 1577) et Petru Șchiopul (Le Boiteux) (mort en 1594).

Petru Șchiopul eut aussi trois successives : Maria Gronitz, avec qui il eut un fils : Mircea V, Irène « la Gitane » et Maria Aroisali. Sa fille Maria Basarab, épousa Peter Bornemisza de Kapolna. Ils eurent à leur tour une fille, Zsuzsanna (Suzanne) Bornemisza de Kapolna qui, avec son mari Gaspar Kendeffy de Malomviz (ou Malmoliz), ont été des ascendants direct de la famille royale de Windsor[6].

Si les descendants réels sont fort discrets, peu nombreux, et se trouvent parmi les familles de boyards roumains décimées par le communisme ou dispersées par l'exil, en revanche de nombreuses familles françaises revendiquent aujourd'hui une ascendance remontant à Vlad Țepeș, dont :

  • la princesse Caradja, d'origine grecque, qui vivait à Paris (et qui a vendu ses « droits au nom de Dracula » à un brocanteur berlinois qui a ouvert un « Dracula-Land » en Allemagne) ;
  • la famille française Bellery, dont le dernier descendant actuel est Gwénaël Bellery, qui use du titre de Comte de Transylvanie (ce que Vlad Țepeș n'a jamais été, et qui d'ailleurs n'existe pas : il y avait un voïvode de Transylvanie, titre ultérieurement transformé en Grand-duc, et une multitude de comtes (magyars et non roumains) nommés d'après leurs domaines locaux (et non de Transylvanie, la Transylvanie n'étant pas un comté) ;
  • la famille Czorna-Koudinoff qui en raison de son patronyme Czorna ou Cherna (russe/polonais) signifiant « noir » ou « sombre », se revendiquent, de par leur nom, descendants de Radu Negru (« le noir » en roumain, 9e Voïvode de Valachie) : ses représentants actuels sont Nadège et Mishka-Olivier Ortega-Koudinoff ; en fait cette famille de Cosaques du Don fournissait des chevaux à l'armée russe pendant la période impériale dans la petite ville de Vioshanskaya, et ses ancêtres vivaient fort loin de la Roumanie.

La légende contemporaine : Dracula

Pour consulter un article plus général, voir : Dracula.

On ne sait pas exactement pourquoi Bram Stoker a pris, pour nommer et situer son personnage de fiction, le nom et le contexte d'un prince de Valachie du XVe siècle. Quelques-uns ont proposé l'idée que Stoker aurait rencontré un professeur hongrois de l'Université de Budapest, Hermann Vamberger (Arminius Vambery dans le roman), et il est possible qu'il ait pu avoir des informations sur Vlad Țepeș par cet érudit, ou par des libelles anti-Vlad, ou encore par les Histoires de la Moldavie et de la Valachie de Johann Christian Engel, consultés à la Royal Library. Le fait que dans le roman de 1897, le Dr Abraham Van Helsing mentionne son ami Arminius comme source de ses connaissances sur Vlad Țepeș, semble être en faveur de cette hypothèse. De même, le seul lien réel entre le Vlad Țepeș historique (1431-1476) et le mythe littéraire moderne du vampire est le livre de Stoker ; Bram Stoker s'est servi des sources populaires, de détails historiques et de quelques expériences de sa vie personnelle pour donner la vie à une créature complexe. D'autre part, les adversaires politiques principaux de Vlad - les Saxons de Transylvanie - se sont servi du sens de diable du mot roumain drac pour jeter le discrédit sur la réputation du prince. En effet, ils auraient pu associer les deux sens du mot roumain, dragon et diable pour expliquer une relation plus étroite entre Vlad Țepeș et les vampires.

Liens externes

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Bibliographie

  • Academia Română (Académie Roumaine), Istoria Românilor vol.IV (Histoire des Roumains), Bucarest, Editura Enciclopedicǎ, 2001.
  • Denis Buican, Dracula de Vlad l'Empaleur à Staline et Ceaușescu, La Garenne-Colombes, Éditions de l'Espace européen, 1991.
  • Denis Buican, Les Métamorphoses de Dracula. L'histoire et la légende, Paris, Le Félin, 1993.
  • Matei Cazacu, Histoire du prince Dracula, Paris-Genève, Droz, (1988) et Taillandier (2004) (ISBN 2847341439).
  • Constantin Dobrilă, Entre Dracula et Ceaucescu. La tyrannie chez les Roumains, Bucarest, Institut culturel roumain, 2006.
  • Raymond McNally & Radu Florescu, A la recherche de Dracula, l'histoire, la légende, le mythe, Robert Laffont Paris, 1973
  • Jean Nouzille, La Moldavie - Histoire tragique d'une région européenne, Paris, Ed. Belier, 2004 (ISBN 2952001219)

Voir aussi

Notes et références

  1. Mircea Goga La Roumane. Culture et civilisation P.U.P.S (Paris 2007) p. 223
  2. (en) Dracula: Prince of many faces - His life and his times, Little, Brown and Company, 2003 (ISBN 978-0-316-28656-5), p. 145-147 
  3. ou au début de janvier 1477 selon certaines sources
  4. Constantin Rezachevici "Unde a fost mormântul lui Vlad Tepes?" (II), Magazin Istoric, nr.3, 2002, p. 41).
  5. Références généalogiques
  6. En fait seulement deux épouses de Petru Șchiopul sont attestées : une grecque, Maria Amiralis, et Irina Botezata mère de son fils unique Ștefaniță mort sans descendant


Précédé par
Vladislav II de Valachie (Vladislav)
Prince
1448
Suivi par
Vladislav II de Valachie (Vladislav)]
Précédé par
Vladislav II de Valachie (Vladislav)
Prince
1456-1462
Suivi par
Radu III le Beau (Radu cel Frumos)
Précédé par
Basarab III Laiotă cel Bătrân
Prince
1475-1476
Suivi par
Basarab III Laiotă cel Bătrân


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