- Royaume de Roumanie
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Royaume de Roumanie
Regatul României Roumain1881 – 1947
Drapeau et armoiries
Le Royaume de Roumanie à son apogée en 1939
Informations générales Statut Monarchie constitutionnelle, Dictature (militaire, puis communiste) entre 1940 et 1947 Capitale Bucarest Langue Roumain Monnaie Leu roumain Roi (1e) 1866-1914 Charles Ier 1914-1927 Ferdinand Ier (De)1927-1930, 1940-1947 Michel Ier Premier ministre 1881-1889 Ion Brătianu 1909-1911, 1914-1918, 1922-1926, 1927 Ion I. C. Brătianu 1928-1930, 1932-1933, 1944 Iuliu Maniu 1940-1944 Ion Antonescu (De) 1945-1947 Petru Groza Entités précédentes :
Entités suivantes :
Le Royaume de Roumanie était une monarchie parlementaire, régime politique de la Roumanie de 1881 à 1947. Né (en tant que Principauté) de la guerre d'indépendance de Roumanie (1878), le Royaume disparaît après que le pays est entré dans la sphère d'influence de l'Union soviétique, au bout de deux ans et demi de régime communiste, pour laisser place à la République « populaire » roumaine.
Histoire
Article détaillé : Histoire de la Roumanie.La Roumanie est un État créé, dans un processus analogue à l'unité italienne, au cours du XIXe siècle à partir de la Valachie et de la Moldavie que se disputaient plus ou moins l'Empire ottoman (suzerain des deux principautés) et l'Empire de Russie (qui annexe la Moldavie orientale en 1812).
La monarchie y fut d'abord élective et autochtone, sous le règne du Prince Alexandre Jean Cuza (un boyard moldave) élu en 1859. Mais Cuza, franc-maçon et anticlérical, libère les Roms, accorde aux Juifs de Galicie et de Russie le droit d'immigrer et de commercer, sécularise les immenses domaines appartenant aux monastères, et envisage une réforme agraire. Cela inquiète les boyards conservateurs, qui le déposent en 1866 (il devra s'exiler). L'Assemblée choisit alors d'élire un monarque étranger, qui ne soit ni moldave, ni valaque, la monarchie devant devenir héréditaire selon le modèle occidental. Le choix se porte finalement sur Karl von Hohenzollern (branche cadette Hohenzollern-Sigmaringen), prince pauvre et disponible, prêt à tenter l'aventure, au point de descendre le Danube déguisé en simple marchand, alors que les Habsbourg, maîtres de l'Empire d'Autriche, sont opposés à sa candidature. En 1866, Karl devient ainsi prince régnant de Roumanie (et, à ce titre, vassal du Sultan ottoman), sous le nom de Carol Ier (Charles Ier).
L'indépendance du pays est reconnue au Congrès de Berlin en 1878, en même temps que celle de la Bulgarie. À la suite de la guerre d'indépendance contre les Ottomans, la Roumanie perd à nouveau le Bougeac mais acquiert les deux tiers de la Dobrogée ((ro) Dobrogea, (bg) Dobroudja) la Bulgarie recevant le dernier tiers. Sous l'impulsion du premier ministre Ion Brătianu, la Roumanie devient un royaume, Charles Ier étant couronné roi en mai 1881.
Le gouvernement de Brătianu, en place jusqu'en 1888, entreprend de moderniser le pays par une politique de grand travaux, établissant routes, canaux et chemins de fer. Le pays connaît néanmoins des débuts de troubles politiques avec le déclenchement, en 1907, d'une grande révolte des paysans pauvres contre le régime latifundiaire.
Le roi Charles Ier conclut avec l'Allemagne et l'Autriche-Hongrie une alliance secrète en 1883. Lors de la Première guerre balkanique, la Roumanie reste neutre, mais, lors de la Deuxième Guerre balkanique, elle attaque la Bulgarie et lui enlève la Dobroudja du Sud par le traité de Bucarest.
Première Guerre mondiale
Au début de la Première Guerre mondiale, le gouvernement roumain s'oppose à Charles Ier et refuse de faire jouer l'alliance avec l'Allemagne et l'Autriche-Hongrie. Le roi meurt quelques semaines plus tard, et son fils Ferdinand Ier lui succède. Ion I. C. Brătianu, chef du gouvernement, proclame d'abord la neutralité du Royaume, avant d'entamer des négociations qui aboutissent en 1916 au ralliement à l'Entente, les Alliés ayant promis à Brătianu la Transylvanie et la Bucovine (régions de l'Autriche-Hongrie à majorité roumanophone) comme prix du ralliement des Roumains.
Le 27 août 1916, la Roumanie déclare la guerre à l'Autriche-Hongrie et à l'Allemagne, mais au bout de trois mois, elle est défaite militairement. L'armée allemande occupe Bucarest le 6 décembre. De leur côté, les Bulgares occupent la Dobroudja. La révolution russe prive la Roumanie du soutien de l'Empire russe, et la laisse dans une situation sans issue : le 9 décembre 1917, elle doit conclure un armistice séparé avec les Empires centraux, le traité de Bucarest de 1918 l'amputant d'une partie de son territoire (notamment de la moitié sud de la Dobroudja, qui devient bulgare). En revanche, l'union, le 9 avril 1918, entre la Roumanie et la première République de Moldavie (proclamée le 27 octobre 1917 et indépendante le 14 décembre 1917) permet au royaume de Roumanie de sortir de sa défaite agrandi, mais ruiné et en proie à une épidémie de typhus.
Le royaume reçoit, toutefois, l'aide logistique de l'Entente, et notamment de la France, par l'entremise de l'armée Berthelot, et, le 31 octobre 1918, il dénonce le traité et repart en guerre contre les Empires centraux, bénéficiant au final de la victoire des Alliés.
Entre-Deux-Guerres
Source[1]
Au printemps 1919, les Bolcheviks russes à l'est et le gouvernement communiste hongrois de Béla Kun à l'ouest, engagent les hostilités contre la Roumanie. Soutenues et encadrées par l'armée Berthelot, les troupes roumaines, malgré quelques mutineries, repoussent les bolchéviks en Ukraine et pénètrent en Hongrie, où elles occupent bientôt Budapest, entraînant la fin du régime de Béla Kun.
La défaite des Empires centraux et l'effondrement de l'Empire russe permet aux roumanophones de Bessarabie, de Bucovine, de Transylvanie et de la moitié orientale du Banat de proclamer en 1918 leur union avec la Roumanie, union qui sera reconnue par les traités de Saint-Germain-en-Laye en 1919 et de Trianon en 1920: c'est la Grande Roumanie, dont la population est de 18 millions d'habitants (dont 14,5 millions de Roumains) contre 8 millions avant-guerre.
Après la Première Guerre mondiale, la réforme agraire et les réformes démocratiques des années 1921-1923 consacrent l'émergence d'une démocratie parlementaire où beaucoup reste à faire, mais où le vote n'est plus censitaire, où les femmes votent (vingt ans avant les Françaises) et où la citoyenneté n'est plus conditionnée par la religion ou la langue maternelle : une quart de la population est constituée de minorités, notamment magyares, allemandes, juives et tsiganes[2]. Les britanniques et les français investissent, et les débuts de l'exploitation du pétrole et de l'industrialisation, offrent à la Roumanie une situation économique relativement florissante (du moins par rapport aux pays voisins). L'existence de la Grande Roumanie constitue cependant une pierre d'achoppement dans les rapports avec l'Union soviétique, qui ne reconnaît pas le rattachement de la République de Moldavie de 1918 et avec qui des relations diplomatiques ne sont établies qu'en 1924. En Transylvanie et dans le Banat, le royaume doit gérer le problème des minorités hongroises et allemandes (en majorité aristocratiques, bourgeoises, citadines et cultivées au milieu des masses paysannes roumaines, qui bénéficient de la réforme agraire, d'où des tensions sociales et ethniques). La naturalisation des Juifs originaires de Galicie et de Russie, parlant allemand, yiddish ou russe (non-roumanophones), déplaît aux cercles conservateurs chrétiens et/ou nationalistes : la politique roumaine dans l'entre-deux-guerres est essentiellement guidée par la recherche du statu quo constitutionnel et territorial, face aux revendications des minorités, des nationalistes, et des pays voisins comme la Hongrie ou l'URSS.
Pour garantir sa position dans la région et se prémunir de toute nouvelle menace hongroise, la Roumanie constitue en 1920 la Petite Entente avec la Tchécoslovaquie et le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes (futur Royaume de Yougoslavie). Cette alliance est renforcée par le soutien de la France, de la Grande-Bretagne et de l'Italie.
La monarchie roumaine est cependant secouée de troubles dynastiques. En 1925, le prince héritier Carol ayant renoncé à ses droits à la couronne pour suivre sa maîtresse, son fils Michel est désigné comme futur roi et accède au trône deux ans plus tard, devenant Michel Ier (ou Mihai Ier), à l'âge de six ans.
La société roumaine demeure cependant assez inégalitaire, ce qui favorise l'apparition de mouvements visant à abolir l'ordre démocratique, tels que le Parti communiste roumain (en 1922, déclaré illégal en 1924) et la Garde de fer nationaliste et antisémite (en 1927). La vie politique est marquée par une certaine instabilité, le Parti libéral de Ion I. C. Brătianu usant d'une loi électorale sur mesure pour contrer les progrès de l'opposition, menée par le Parti paysan de Iuliu Maniu. Il y a en Roumanie un net clivage entre d'un côté la paysannerie, majoritaire (79% de ruraux), conservatrice mais modérée, très largement roumanophone et attachée à la petite propriété et à ses modes de production traditionnels, que le parti paysan entend représenter, et de l'autre côté les minorités (généralement de catégories sociales supérieures, à l'exception des Roms) et les citadins, minoritaires eux aussi, occidentalisés, très divers socialement, et dont les jeunes générations sont tentées soit par la social-démocratie laïque (opposée au conservatisme rural), soit par des idéologies radicales (marxisme athée ou nationalisme chrétien). En décembre 1928, le parti paysan obtient finalement une victoire électorale décisive et Iuliu Maniu devient chef du gouvernement. En 1930, avec son soutien et contre l'avis du conseil de régence, le père du roi revient en Roumanie et obtient l'abrogation de son acte d'abdication, devenant le roi Charles II (ou Carol II), tandis que Michel redevient prince héritier[3].
Remportant ses premiers succès électoraux à partir de 1932, la Garde de fer, nationaliste, chrétienne intégriste et xénophobe, recrute surtout chez les jeunes, aussi bien en milieu rural que citadin. Elle s'organise en "nids" (copiés sur les "cellules" du P.C.) dont les membres sont des "Légionnaires", et multiplie les campagnes d'agitation. Le roi Charles II y répond par des arrestations et des emprisonnements parmi les "Légionnaires" (le nom officiel du mouvement est Légion de l'Archange Michel; Garde de Fer est une déformation de Zgarda de Fier: la "Grille en Fer", sobriquet populaire de son emblème représentant trois javelots verticaux disposés sur trois javelots horizontaux). En décembre 1933, des Légionnaires assassinent le premier ministre Ion Duca, et se livrent à diverses violences, notamment contre des universitaires (la "légion" exige un numerus clausus contre les juifs dans les facultés), des francs-maçons et des journalistes démocrates. La crise économique aidant, en 1937, la Garde de fer obtient 16 % des voix. Le 28 décembre 1937, dans le but de désamorcer ce processus, le roi nomme premier ministre le nationaliste xénophobe et antisémite Octavian Goga qui, durant son bref ministère (jusqu'au 10 février 1938), promulgue des lois raciales restreignant l'accès des juifs et autres minoritaires à l'université et à la citoyenneté roumaine[4].
La période carliste
La situation se détériore après l'Anschluss de mars 1938. L'influence dans la région de l'Allemagne nazie ne cesse de progresser : le parti nazi de la minorité allemande, dirigé par Andreas Schmidt, et la Garde de Fer n'hésitent plus à commettre des pogroms et à assassiner en plein jour des universitaires, des parlementaires et des ministres réputés juifs, francs-maçons ou simplement partisans de l'ordre démocratique[4].
Charles II (Carol II) abolit alors ce qui restait de la démocratie parlementaire, et se dote des pleins pouvoirs (période dite de la dictature carliste, mars 1938) puis, tout en cherchant à apaiser l'Allemagne par une garantie de livraison du pétrole roumain, signe avec la France et le Royaume-Uni, le 13 mai 1939, un accord garantissent les frontières et indépendance de la Roumanie. Le roi lance la gendarmerie dans une véritable guerre civile contre les nazis et la Garde de fer, dont le fondateur, Corneliu Zelea Codreanu, est arrêté, emprisonné et exécuté [1].
Carol II refuse de participer au dépeçage de la Tchécoslovaquie alors que l'Axe lui offrait la Marmatie du nord ou Ruthénie, et, lorsqu'en application du Pacte germano-soviétique, l'Allemagne nazie et l'URSS envahissent la Pologne, la Roumanie, neutre, garantit le droit d'asile aux membres du gouvernement et aux divisions polonaises en fuite. Le Service maritime roumain les transporte à Alexandrie où ces forces rejoignent les forces britanniques. Le 21 septembre 1939, le premier ministre Armand Călinescu qui avait décapité en mai 1939 la Garde de fer en arrêtant plusieurs de ses dirigeants, est assassiné par des "Légionnaires" aux ordres de Horia Sima, successeur de Codreanu. Armand Călinescu, francophile et anglophile tout comme le ministre des Affaires étrangères Grigore Gafencu, était soupçonné de vouloir engager la Roumanie dans la guerre aux côtés des Alliés. Le roi Charles II s'efforce de maintenir encore sa politique pendant quelques mois, mais la défaite militaire de la France et la situation très précaire de la Grande-Bretagne rendent très théoriques les assurances que ces deux pays avaient faites à la Roumanie[4].
A peine la France a-t-elle signé l'armistice, que l'URSS lance un ultimatum à la Roumanie le 26 juin 1940. Suivant le Pacte germano-soviétique, le gouvernement de Joseph Staline exige de l'ambassadeur roumain à Moscou, Gersh Davidescu, la cession de la Bessarabie et de la Bucovine du nord sous peine d'envahir la Roumanie, et l'ambassadeur allemand à Bucarest conseille vivement à Carol II d'obtempérer [5]. Le 28 juin 1940, l'URSS occupe la Bessarabie et la Bucovine du nord. Les deux tiers de la Bessarabie et une parcelle de territoires appartenant déjà à l'URSS forment alors la République soviétique socialiste moldave. La Bucovine du nord, le canton de Herța, la Bessarabie du nord et le Bougeac) sont incorporés à l'Ukraine.
Pour éviter le sort de la Pologne voisine, rayée de la carte de l'Europe par l'Allemagne nazie et l'URSS, Charles II, le 4 juillet 1940 remplace ses ministres anglophiles et francophiles par le gouvernement d'Ion Gigurtu (premier ministre du 4 juillet au 4 septembre 1940), qui déclare adhérer loyalement à la politique de l'Allemagne nazie[6], et laisser Adolf Hitler arbitrer le conflit territorial entre la Roumanie et la Hongrie au sujet de la Transylvanie[7],[8]. Gigurtu déclare à la radio: La Roumanie doit consentir à des sacrifices territoriaux pour démontrer la fiabilité de son adhésion à l'Axe[9]. Le cabinet Gigurtu comprenait même un ministre de la Garde de Fer: son chef Horia Sima, successeur de Codreanu. Fin août 1940, lors d'une rencontre avec Hitler, Gigurtu approuve en effet « l'arbitrage » de Hitler[10],[11],[12], et la Roumanie, se soumettant au "Second arbitrage de Vienne", cède le 30 août 1940 la Transylvanie du nord à la Royaume de Hongrie, et, le 7 septembre 1940, par les Accords de Craiova, rend la Dobroudja du Sud à la Bulgarie. Ces pertes territoriales représentent plus d'un tiers de la Grande Roumanie, mais Gigurtu estime que c'est le prix à payer pour ne pas subir le sort de la Pologne.
Mais ce « prix de la paix » précipite la chute du roi : la Garde de fer de Horia Sima et le général Ion Antonescu s'unissent pour un coup d'État qui aboutit à l'abdication et à l'exil de Carol II au profit de son fils de 19 ans Mihai Ier, qui redevient donc roi.
Le régime Antonescu et l'entrée dans la Seconde Guerre mondiale
La Garde de fer et Antonescu établissent un régime totalitaire désigné du nom d’État national légionnaire qui va inéluctablement pencher du côté de forces de l'Axe et de leur politique. Une fois au pouvoir, la Garde de Fer renforce la législation antisémite promulguée par les gouvernements de Octavian Goga et Ion Gigurtu et met également en place une autre législation dirigée contre les commerçants et hommes d'affaires grecs et arméniens, qui sera surtout appliquée de façon à ce que les fonctionnaires roumains puissent toucher de gros pots-de-vin. Les syndicats et les associations ont été interdits à la fin de l'année 1940.
L'opinion n'est pas acquise au régime, des maquis se mettent en place, et le 8 octobre 1940, officiellement à la demande de la Roumanie, les troupes allemandes franchissent la frontière roumaine. Quelques semaines plus tard, en novembre 1940, la Roumanie adhère à l'Axe. Quant aux effectifs de la Wehrmacht stationnés en Roumanie, ils seront bientôt plus de 500 000, qui contrôlent les voies de communication, les puits de pétrole, et se mettent à pied d'œuvre pour attaquer l'URSS [5]. Le 27 novembre 1940, pour venger l'assassinat de Codreanu. Parmi ces victimes, des les Légionnaires de la Garde de fer assassinent journalistes, francs-maçons, des juifs, 64 anciens ministres, députés et intellectuels démocrates détenus à la prison de Jilava (près de Bucarest) ainsi que l'historien et ancien premier ministre Nicolae Iorga et Virgil Madgearu, ancien ministre de l'économie.
Pour être en mesure de reconquérir la Bessarabie, Antonescu accepte d'engager son pays plus avant dans la collaboration avec le Reich. Mais après les assassinats et le pogrom du 27 novembre, Antonescu, estimant que la Garde de Fer est en train de dresser l'opinion contre le régime, dissout le service d'ordre de la Garde et fait juger et exécuter les assassins de Iorga. Le 20 janvier 1941, la Garde de Fer tente de s'emparer du pouvoir par un coup d'État doublé d'un nouveau pogrom à Bucarest (130 victimes), mais Antonescu réplique, des coups de feu sont échangés, et au bout de quatre jours d'affrontements, la "Légion", qui a perdu plusieurs centaines de membres, est contrainte de quitter le gouvernement. Sima et beaucoup d'autres "Légionnaires" trouvent asile en Allemagne alors que 3 000 autres sont emprisonnés. En mars, Antonescu, qui s'auto-proclame Pétain roumain, se fait plébisciter et obtient 2 millions de oui contre 3 360 non[13].
Le terme de Régime Antonescu fait référence aussi bien à Ion Antonescu qu'à son vice-président du Conseil et ministre des affaires étrangères, Mihai Antonescu (homonyme sans lien de parenté).
L'entrée en guerre sur le front Est
Le 22 juin 1941, l'Allemagne attaque l'URSS sur un large front. Le nom de code de cette offensive est "opération Barbarossa". Dans cette offensive, le régime Antonescu est aux côtés de l'Allemagne, mais une division (la Division Vladimirescu), avec deux unités de la flotte et quelques aviateurs, combattront du côté Allié. Au total, 473 000 soldats roumains sont engagés contre l'URSS[13] au sein de la troisième et de la quatrième armée roumaine. Parmi les forces de l'Axe, il s'agit du contingent le plus fourni après celui de l'Allemagne. Les troupes roumaines traversent le Prut et, aux côtés des Allemands, récupèrent la Bessarabie puis prennent Odessa et Sébastopol [5]. Les Roumains prennent une part essentielle dans le siège d'Odessa qui se termine le 14 octobre 1941 par l'évacuation de la ville par l'Armée rouge. La Roumanie occupe la Podolie, territoire soviétique immédiatement à l'est du Dniestr, c'est-à-dire à l'est de la Moldavie, région appelée par les Roumains "Transnistrie", et après la bataille d'Odessa, cette ville est à son tour occupée. Cette région, que le régime Antonescu se prépare à annexer en cas de victoire, devient une terre de déportation pour les juifs, les roms, les résistants et les autres indésirables roumains, où l'armée se livre à des massacres qui s'ajoutent au froid et aux épidémies (dysenterie, typhus) : le nombre des victimes sera estimé, au procès d'Ion Antonescu, à 400 000 dont 293 000 juifs.
Les armées roumaines s'enfoncent plus profondément en URSS au cours des années 1941 et 1942 avant de subir aux côtés des Allemands, le désastre de la Bataille de Stalingrad. En novembre 1942, le général roumain le plus important de la période : Petre Dumitrescu, commandant de la IIIe armée roumaine, bénéficie un moment de la mise à disposition par les Allemands de leur VIe armée pour lui permettre de résister à une offensive soviétique. Le gouvernement Antonescu considérait comme inévitable une guerre avec la Hongrie au sujet de la Transylvanie, mais en février 1943, l'armée roumaine est décimée à Stalingrad et doit se mettre en retraite aux côtés de son allié allemand. Elle perdra, au cours de cette campagne, plus de 220 000 hommes[5].
Relations avec les Allemands et les Alliés
Antonescu avait rendu visite à Hitler le 22 novembre 1940, après son accession au pouvoir. Hitler l'avait alors informé de ses intentions vis-à-vis de l'URSS, ce qui explique l'état de préparation des troupes roumaines lors de l'opération Barbarossa. Lors d'une autre visite à Hitler, le 12 juin 1941, Antonescu avait déclaré qu'il pouvait compter sur l'appui de l'armée pour récupérer les territoires cédés par Carol II, et que l'Allemagne pourrait compter sur le Roumanie lorsqu'il s'agirait d'attaquer l'URSS. Ceci n'exprimait pas les sentiments de l'ensemble de la population, mais certainement ceux des dirigeants. En même temps, Antonescu espérait une guerre unilatérale contre l'URSS seule, et espérait ne pas rompre ses relations diplomatiques avec les Alliés. De fait, ceux-ci attendirent six mois avant de déclarer la guerre à la Roumanie : six mois pendant lesquels les juifs roumains purent encore obtenir des visas pour la Palestine et se sauver via la Turquie ou l'Égypte, en passant en train par la Bulgarie ou en bateau par la Mer Noire et la Méditerranée. Après que les Alliés eurent déclaré la guerre (12 décembre 1941), les juifs roumains devinrent des citoyens ennemis, et l'émigration devint difficile (voir Tragédie du Struma). À partir de cette date, Antonescu chargea son ambassadeur Frederic Nanu à Stockholm, de maintenir le contact avec les Anglo-Américains, mais ceux-ci ne répondirent pas à ses avances. De son côté, l'opposition démocratique chargea secrètement le prince Barbu Știrbei d'une semblable mission à Ankara, sans plus de succès. À Bucarest, le véritable pouvoir appartenait à l'ambassadeur allemand à Bucarest, Manfred Von Killinger et au représentant du RSHA Gustav Richter. Par l'intermédiaire de son ami d'enfance Wilhelm Filderman (président des confédérations juives de Roumanie), Antonescu proposa aux organisations sionistes de laisser partir les juifs roumains moyennant dix dollars par personne[5],[14]. Les Alliés s'y opposèrent, refusant de voir financer un dictateur fasciste et un ennemi.
La France avait cédé les parts que le gouvernement français détenait dans l'industrie pétrolière roumaine aux Allemands pour payer sa dette de guerre: Antonescu proposa à ceux-ci de les céder à la Roumanie en échange des produits livrés au Reich[15], car la plupart des produits livrés à l'Allemagne n'avaient reçu aucune compensation financière. Hitler refusa, et il s'ensuivit une inflation spectaculaire.
Le bombardement de la Roumanie
Depuis l'accord économique signé par Carol II en mars 1939, la Roumanie avait été un important fournisseur de pétrole du Troisième Reich, ainsi que de céréales et de produits manufacturés. C'est la raison pour laquelle elle devient à partir de 1943 la cible de bombardements aériens de la part des Alliés. D'après Geoffrey Regan [16], l'opération Tidal Wave (Raz-de-Marée), en août 1943 est l'une des plus importante jamais menée par l'USAAF, ancêtre de l'US Air Force : le 1er août 1943, 178 bombardiers B-24 Liberators décollent de Benghazi en Libye pour effectuer une rotation de 3800 kilomètres et attaquer les raffineries construites près des champs de pétrole de Ploiești. Les Allemands ayant réussi depuis plusieurs semaines à intercepter et à décoder des messages relatifs à cette opération, les bombardiers ont à faire face à une riposte vigoureuse de la part de la Luftwaffe et seuls 88 bombardiers peuvent regagner leur base. Les dégâts causés peuvent être réparés rapidement et la production pétrolière retrouve en quelques semaines son niveau antérieur. Les nombreux aviateurs américains abattus seront en partie sauvés par la résistance et exfiltrés vers la Turquie, grâce aux efforts coordonnés du capitaine d'aviation Bâzu Cantacuzène et du colonel américain Gunn.
Il faudra attendre 1944 pour que des bombardements massifs menés à partir de l'Italie (Foggia) endommagent sérieusement le complexe pétrolier roumain. Bucarest, également, est sévèrement bombardé les 14 et 15 avril 1944 à la fois par l'USAAF et le Royal Air Force.
La Shoah en Roumanie
Article détaillé : Persécution et extermination des Juifs en Roumanie.En décembre 1930, un recensement dénombrait 756 930 Juifs. Parmi eux, 420 000 habitent des régions qui sont cédés en 1940 à l'URSS, à la Hongrie ou à la Bulgarie, alors que 329 000 habitent des régions qui sont conservées par la Roumanie à cette date [17].
D'après la Commission Wiesel[18],[19], la Roumanie présente le cas d'un État qui s'est impliqué directement, sans pression des Allemands, dans des massacres et dans l'organisation de camps de concentration, provoquant la destruction ou l'expulsion de près de la moitié de sa population juive d'avant-guerre, et qui cependant se désolidarise du projet d'extermination nazi et refuse en 1942 de participer à la déportation des Juifs roumains vers les camps d'extermination allemands, ce qui explique que 53% de la population juive a survécu à la période de la guerre.
Les nazis vont exercer des pressions pour que politique du régime Antonescu envers la population juive soit conforme aux grandes lignes de la Solution finale, c'est-à-dire, clairement, à partir de 1942, l'extermination systématique des Juifs. Mais la le régime Antonescu qui avait massacré par lui-même tant de juifs en Bessarabie, en Bucovine et en Transnistrie, fait alors preuve de réticences. A la fin de l'année 1941, le SS Gustav Richter, et Radu Leca, plénipotentiaire roumain pour les affaires juives, avaient obtenu de Mihai Antonescu la création d'un conseil juif fantoche : Centrala Evreilor din Romania ("Centrale des juifs de Roumanie"), mais parallèlement, Wilhelm Filderman et la confédération des sociétés juives de Roumanie continuent d'exercer leurs activités et organisent des secours pour les juifs de Transnistrie[20]. La corruption se nourrit de la spoliation des juifs sous toutes ses formes. Même après la chute de la Garde de fer, le régime Antonescu, toujours allié de l'Allemagne nazie, poursuit la politique de persécution et de massacre des juifs et, dans une moindre mesure, des roms. À partir de 1943 on met en place le travail forcé, imposé aux juifs dans la voirie et les terrassements. 40 000 hommes sont affectés à des travaux journaliers près de leur résidence. Ils doivent se présenter le matin avec pelles et pioches et souvent, apporter leur déjeuner. 26 000 juifs peuvent acheter leur exemption [21].
En novembre 1941, l'ambassade allemande à Bucarest obtient que la Roumanie se désintéresse du sort des juifs roumains en Allemagne, mais dans le « protektorat » de Bohême-Moravie et dans les autres pays conquis, les consuls roumains continuent d'élever des protestations et d'intervenir lorsque les juifs de nationalité roumaine sont menacés. En juillet 1942, l'ambassade roumaine à Berlin fait remarquer que les Juifs hongrois d'Allemagne ne sont pas déportés, et que la Roumanie peut difficilement accepter que les Juifs roumains soient plus mal traités que ceux de la Hongrie[22]. Toujours en juillet 1942, à la grande joie d'Adolf Eichmann, chef du RSHA, les nazis semblent avoir obtenu tous les accords pour procéder à la déportation des Juifs roumains présents dans le district de Lublin en Pologne occupée, et en août, Radu Leca est à Berlin pour parapher l'accord, mais il est mal reçu et va dès lors s'employer à retarder l'opération. Peut-être aussi a-t-il été soudoyé pour cela[23].
Le caractère définitif du revirement roumain n'apparait aux Allemands qu'à partir de décembre 1942 quand ils apprennent qu'Antonescu envisage d'autoriser de 75 000 à 80 000 juifs à émigrer en Palestine moyennant une forte indemnité [24]. Contrairement aux autres pays de l'Europe du centre et de l'Est où une grande partie des juifs ont été dirigés vers les camps d'extermination, 53 % des juifs roumains survivront donc à la guerre, malgré les diverses persécutions auxquelles ils sont soumis : travail forcé, spoliation et lois d'exclusion. La commission Wiesel résume ainsi cette situation complexe: " De tous les alliés de l'Allemagne nazie, la Roumanie avait la plus forte communauté juive et porte donc la responsabilité de la mort de plus de juifs que n'importe quel pays autre que l'Allemagne elle-même... Iasi, Odessa, Bogdanovka, Domanovka et Petchora par exemple comptent parmi les massacres les plus hideux commis contre les juifs au cours de la Shoah. La Roumanie a commis un génocide contre les Juifs. Le fait que des juifs aient survécu dans certaines parties de la Roumanie ne doit pas masquer cette réalité."
Il existe aujourd'hui trois interprétations de ces faits. Les auteurs décrivent tous les mêmes faits, mais ceux qui les ont eux-mêmes vécus, tels Matatias Carp[25], Raul Hilberg[26], Marius Mircu[27] ou Raul Rubsel[28] les décrivent comme un hiatus d'inhumanité, une paranthèse monstrueuse dans l'histoire du peuple roumain. A l'encontre de cette position, les historiens Carol Iancu (français, Université de Montpellier) et Radu Ioanid (américain)[29] parmi quelques autres, affirment que les courants xénophobes et antisémites qui ont abouti aux crimes, font partie intégrante de l'identité roumaine, rejoints en cela par les survivants de la Garde de Fer[30]. Enfin Florin Constantiniu dans son Histoire sincère de la Roumanie et le rapport final de la Commission internationale sur le Shoah en Roumanie validé le 11 novembre 2004 par le parlement roumain, ne se prononcent pas sur cette question, mais soulignent que la disparition de la démocratie et la légitimation de la violence ont rendu ces crimes possibles, et que la violence ainsi déchaînée d'abord contre les juifs et les roms, a sévi ensuite, sous un autre régime, jusqu'au 22 décembre 1989 au détriment de l'ensemble du peuple roumain.
« Yad Vashem » étant inconnu dans les pays de l'est pendant la période communiste (1946-1990), la plupart des « justes » moururent sans apprendre son existence et seuls 139 Roumains (dont 60 citoyens roumains et 79 citoyens moldaves), ont été, comme Traian Popovici, identifiés par l'État d'Israël.
La guerre sur le sol roumain
À partir de février 1943 et de la vaste contre-offensive soviétique qui débute à Stalingrad, il devient clair que le vent a tourné aux dépens des Forces de l'Axe. En 1944, à la suite des dépenses de guerre et des bombardements alliés, l'économie roumaine est au plus mal. Les ressentiments contre la lourdeur de l'occupation allemande vont en grandissant, remplissent les maquis et sont partagés même par ceux qui avaient été les plus chauds partisans de l'alliance avec l'Allemagne et de l'entrée en guerre.
La Roumanie devient une cible pour les bombardiers américains de la 15th USAAF, qui visent les raffineries de pétrole de Ploiești[31]. Alors que les Juifs déportés en Transnistrie (une partie de l'Ukraine occupée par la Roumanie) meurent de froid, de faim et d'épidémies, l'armée de son côté enregistre d'énormes pertes sur le front de l'Est, où la Convention de Genève ne s'applique pas et où règne, des deux côtés, une inhumanité totale. Le Conseil national de la Résistance, secrètement formé par le jeune roi Michel Ier de Roumanie (Mihai ) et par les leaders des anciens partis démocratiques, tente de négocier en Suède (par l'ambassadeur Frederic Nanu et son agent Neagu Djuvara) et en Turquie (par le prince Barbu Știrbei, descendant de son homologue) un changement d'alliance au profit des Alliés, et demande un débarquement anglo-américain dans les Balkans. Mais malgré le Premier ministre britannique Winston Churchill, qui prône un débarquement dans les Balkans pour prévenir leur soviétisation, le président américain Franklin Delano Roosevelt s'en tient aux plans prévus de débarquement dans le midi de la France.
En mars 1944, l'Armée Rouge parvient sur le Dniestr, pénètre en Roumanie et le front se stabilise devant Iași et Chișinău. En mai 1944, la bataille de Târgu Frumos, en Moldavie, laisse présager un désastre militaire.
Le renversement d'Antonescu et la guerre aux côtés des Alliés
La résistance
Article détaillé : Résistance en Roumanie pendant la Seconde Guerre mondiale.À l'encontre de la politique d'Ion Antonescu, il y eut des citoyens roumains qui, avec humanité et courage, en exposant leurs vies, ont résisté. Le sentiment anti-allemand était resté très vif tant chez les civils que les militaires, suite à la dureté de l'occupation allemande pendant la Première guerre mondiale, et au fait que depuis son arrivée en Roumanie en octobre 1940, la Wehrmacht s'y comportait en pays conquis, multipliant les réquisitions, bien que le régime Antonescu fût l'allié du Reich. Dans ce contexte, des maquis de résistance se forment, les divisions „Tudor Vladimirescu” et „Horia-Cloșca-Crișan” se constituent du côté allié, et les humanistes du Service maritime roumain feront tourner tout au long de la guerre les paquebots Transilvania, Medeea, Impăratul Traian et Dacia, ainsi qu'une douzaine de navires plus petits entre Constanza et Istanbul, sauvant plus de 60 000 proscrits et persécutés. Quelques centaines périrent à cause des torpilles soviétiques ou du refus des autorités turques de les laisser débarquer (tragédie du Struma)[32]. De juin 1941 à août 1944, 86 000 condamnations en cour martiale sont prononcées pour refus d’obéissance, pour avoir fourni des armes aux maquis et/ou pour tentative de passage aux Alliés[33]. Comme en France, l'attaque contre l'URSS a fait sortir le P.C. de l’expectative et lui fait rejoindre l’opposition au fascisme. Dès 1941, Joseph Goebbels rapporte dans son journal personnel : « Antonescu est au gouvernement avec l'aide des francs-maçons et des ennemis de l'Allemagne. Nos minorités [allemandes en Transylvanie] ont la vie dure. Le Reich a fait un tel effort pour rien. » (19 février 1941).
La guerre aux côtés des Alliés
Les divisions „Vladimirescu” et „Horia-Cloșca-Crișan” furent l’équivalent roumain de la division française Leclerc et combattirent en URSS contre les nazis. Elles grossirent pendant la campagne de l'armée roumaine contre l'URSS (Juin 1941-Août 1944) d'un grand nombre de déserteurs et de prisonniers roumains faits par l'Armée rouge[34]. La division „Vladimirescu” (6.000 hommes à sa constitution, 19.000 à la fin de la guerre, surtout des ruraux) a été commandées par les généraux Nicolae Cambrea et Iacob Teclu : elle fut surtout placée en face de divisions nazies ou hongroises et utilisée au combat direct. La division „Horia-Cloșca-Crișan” (5.000 hommes à la fin de la guerre, surtout des citadins) a été commandée par le général Mihail Lascăr, qui s'était rendu et joint aux soviétiques à Stalingrad : elle fut surtout utilisée face aux unités de l'armée roumaine sous les ordres du régime Antonescu, en infiltration et propagande pour tenter (et souvent réussir, surtout pendant et après Stalingrad) de rallier les soldats à la cause Alliée. Après avoir reculé vers l'est devant les forces de l'Axe jusque dans le Caucase, elles ont avancé vers l'ouest jusqu'à la fin de la guerre, atteignant en Slovaquie les monts Tatra. Le choix, pour les prisonniers roumains faits par les Soviétiques, entre la captivité en Sibérie et l'engagement dans les divisions „Vladimirescu” ou „Horia-Cloșca-Crișan”, a déterminé un grand nombre d'entre eux à choisir la seconde option, même s'ils n'avaient pas de convictions politiques arrêtées. Au sein des ces divisions, il leur était d'ailleurs donné une éducation politique de gauche sous les auspices des commissaires politiques membres du PCR : le colonel Mircea Haupt pour la division „Vladimirescu” et le colonel Walter Roman (ancien des brigades internationales en Espagne et père du premier ministre roumain Petre Roman) pour la division „Horia-Cloșca-Crișan”. Après la guerre, le 9 février 1946, 58 officiers de ces deux divisions reçurent l'ordre soviétique de la „Victoire”[35].
Nommé le 5 septembre 1940 par Décret Royal du roi Charles II, le 23 août 1944 Ion Antonescu fut arrêté et destitué par un autre Décret Royal, celui du roi Michel Ier), qui nomme le général Constantin Sănătescu Premier ministre. Le roi Mihai Ier et le Conseil national de la résistance proposent à l'ambassadeur allemand Manfred von Killinger que les forces allemandes présentes sur le sol roumain se rendent sans combats. Von Killinger refuse et la Roumanie, désormais gouvernée par le général Sănătescu déclare la guerre à l'Axe, engageant 397 000 hommes contre l'Allemagne et la Hongrie. Le front se déplace de 700 km vers l'ouest et le sud en moins d'une semaine. Parmi les forces alliées, il s'agit du quatrième contingent le plus fourni après ceux de l'URSS, des États-Unis et du Royaume-Uni. Du moins, sur le front (qui se déplace de 1 000 km vers l'ouest en deux semaines), car dans les chancelleries, les réponses de l'URSS, des États-Unis et du Royaume-Uni se font attendre jusqu'au 12 septembre 1944, et les Alliés continuent à considérer la Roumanie comme un pays ennemi. Pendant la durée des négociations (trois semaines), la Wehrmacht comme l'Armée rouge se considèrent en terrain ennemi ou en territoire occupé, et pratiquent le pillage et le viol systématiques. Bucarest et Ploiești subissent des bombardements tantôt allemands, tantôt américains. Durant ces trois semaines, l'armée roumaine, qui subit la contre-attaque allemande, continue à être attaquée par l'Armée rouge, bien qu'elle ait reçu l'ordre de ne pas se défendre. Les Soviétiques s'emparent de nombreux armements et continuent à faire des prisonniers, tout comme les Allemands. Les raffineries et Bucarest sont bombardés, selon les jours, aussi bien par les bombardiers lourds américains venus de Foggia, que par les Stukas allemands basés à Băneasa, au nord de Bucarest et par les Antonov soviétiques venus de Moldavie[36]. Pendant cette période, 140 000 soldats roumains, qui combattaient contre la Wehrmacht, sont faits prisonniers par l'Armée Rouge. Environ 80 000 s'enrôlent dans les divisions „Vladimirescu” ou „Horia-Cloșca-Crișan” ; les autres sont emmenés en Sibérie (d'où environ 28 000 reviendront après la guerre). Selon des estimations d'historiens occidentaux, l'entrée en guerre de la Roumanie aux côtés des Alliés a permis d'éviter la mort de centaines de dizaines de milliers de soldats russes et a accéléré la fin de la Seconde Guerre mondiale de six mois[37].
Une fois l'armistice signé, l'armée roumaine est mise sous commandement soviétique, lance ses offensives contre la Hongrie et progresse jusqu'en Slovaquie. Du 24 août 1944 au 6 mars 1945, les institutions démocratiques tentent de se remettre en place sous le gouvernement Rădescu, alors que l'Armée rouge laisse deux divisions la Roumanie et s'y comporte comme en pays ennemi, vivant de réquisitions, occupant tous les services publics, les centres de production industriels et les sites militaires, et contrôlant tous les déplacements.
L'Union Soviétique n'a nulle raison de ménager la Roumanie : le 10 octobre 1944 à Moscou, tandis que l'armée roumaine combat aux côtés des Alliés en Transylvanie, en Hongrie et en Tchécoslovaquie, Winston Churchill et Staline s'entendent sur le devenir des pays balkaniques après la chute du Troisième Reich allemand : la Roumanie et la Bulgarie (où les communistes étaient très peu nombreux, quelques milliers) font partie de la zone d'influence soviétique, alors que la Grèce (où l'ELAS était le mouvement de résistance le plus important, ayant largement contribué à libérer le pays) fait partie de la zone d'influence britannique [39].
Le roi Mihai Ier et le Conseil national de la Résistance ne parviennent pas, comme ils l'espéraient, à suivre l'exemple de Charles de Gaulle ni à faire oublier le régime Antonescu (pourtant parvenu au pouvoir par un coup d'État, et non par un vote du parlement) : l'accord d’armistice du 12 septembre 1944 traite clairement la Roumanie en ennemie. Si son article 14 prévoit que ce seront des tribunaux roumains qui jugeront les criminels de guerre, son article 18, lui, stipule que " Le gouvernement roumain devra se soumettre à la commission de contrôle alliée..."... en pratique soviétique.
Les conséquences de la guerre en Bessarabie
La Bessarabie, ayant changé de mains trois fois au cours de la guerre, et où le front s'est trouvé de mars à août 1944, est la région qui en a démographiquement le plus souffert. Selon les rapports des ministres Krouglov et Béria à Staline, exhumés par l'historien Nikolai Bougai[40], et selon les données des recensements, de 1940 à 1950 la région a perdu un tiers de sa population, passant de 3 200 000 personnes selon le recensement roumain de 1938, à 2 229 000 selon le recensement soviétique de 1950.
Donc 971 000 personnes ont disparu en 10 ans :
- 140 000 Allemands de Bessarabie ont été déportés en juillet 1940 vers l'Allemagne en application du Pacte germano-soviétique
- 120 000 Moldaves (en majorité roumanophones, mais aussi des "Russes blancs") ont été déportés par les soviétiques entre le 28 juin 1940 et le 22 juin 1941 (dans la seule nuit du 13 juin 1941 - 13 470 familles, comprenant 22648 personnes, dont approximativement 2/3 de femmes et enfants)[41];
- 230 000 Juifs ont été soit massacrés par le régime du maréchal Ion Antonescu, soit ont fui vers l'URSS et ne sont jamais revenus, qu'ils s'y soient établis ou qu'ils y aient été rattrapés par la Wehrmacht et tués par les Einsatzgruppen;
- 250 000 Moldaves roumanophones ont été déportés par les soviétiques entre 1944 et 1948 ;
- 150 000 personnes sont mortes entre 1946 et 1947 à la suite de la famine provoquée par les réquisitions soviétiques alors qu'on était en période de mauvaises récoltes (politique déjà appliquée en Ukraine voisine dans les années 1920-1930 (Holodomor).
- 11 324 familles sont déplacées de force hors de Moldavie le 6 juillet 1949 (environ 81 000 personnes), en majorité sur critère religieux ("vieux-croyants", églises néo-protestantes, catholiques).
En 1950 de tous ces "indésirables" ou "nuisibles" déportés hors du pays, 49 000 étaient encore en vie sur les lieux de leur déportation (toujours dans Bougaï)[40].
Les conséquences de la guerre
Les deux Antonescu sont jugés et exécutés en 1946. L'ambassadeur allemand von Killinger s'est, pour sa part, suicidé en 1944.
En 1947, le traité de Paris non seulement ne compte pas la Roumanie (comme la France) parmi les vainqueurs, mais ne lui ne reconnaît même pas le statut de "co-belligérant" accordé à des pays comme la Turquie ou le Venezuela, qui ne sont intervenus contre l'Allemagne qu'à un mois ou 15 jours de la fin. Toutefois, sa contribution du côté allié (et le fait que le gouvernement fasciste hongrois de Ferenc Szálasi soit resté fidèle à l'Axe) lui vaut le retour de la Transylvanie du nord. A l'est, par contre, la Bessarabie et la Bucovine du nord sont évidemment attribuées à l'URSS. La Roumanie sort ainsi de la guerre diminuée de près de 60 000 km2 et de 4 millions d'habitants, dont 3 devenus citoyens soviétiques ou bulgares, et 1 million morts (y compris les 320 000 à 360 000 juifs).
La prise de pouvoir par les communistes et la fin de la monarchie
Dans ce qui reste de la Roumanie, l'occupation soviétique conduit à un coup d'État communiste le 6 mars 1945. Le gouvernement militaire intérimaire est remplacé, sous la pression de l'Union soviétique, par un gouvernement de coalition dirigé par le sympathisant communiste Petru Groza. Le 19 novembre 1946, les élections donnent la majorité à la coalition gouvernementale. Dans le nouveau gouvernement Groza, les communistes se voient attribuer la plupart des postes-clés. Dans les mois qui suivent, le Parti communiste roumain s'emploie à diviser les sociaux-démocrates, puis à liquider l'opposition. Le Parti national paysan est interdit en juillet et son chef, l'ancien premier ministre Iuliu Maniu, emprisonné. Le pays devient dans les faits une « monarchie communiste », jusqu'à l'abdication du roi Mihai Ier le 30 décembre 1947 et à la proclamation de la République populaire roumaine.
Rois de Roumanie
- Charles Ier (1881-1914)
- Ferdinand Ier (1914-1927)
- Michel Ier (premier règne, 1927-1930)
- Charles II (1930-1940)
- Michel Ier (second règne, 1940-1947)
Sources de l'article
Les sections de cet article consacrés à la Seconde Guerre mondiale sont en partie une traduction de l'article de la Wikipedia en langue anglaise Romania during World War II.
Bibliographie
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- Grigore Gafenco, Préliminaires de la guerre à l'Est, Paris, Egloff, 1944 ;
- Nicolette Frank, La Roumanie dans l’engrenage, Elsevier-Sequoia, Paris 1977 ;
- Ștefan Lache & Gheorghe Țuțui, La Roumanie à la Conférence de la Paix, 1946. Dacia, Cluj 1978 ;
- Paul Quinlan, Clash over Romania : British and American policies toward Romania 1938-1947, American-Romanian Academy of Arts and Sciences, Oakland 1977.
- Matatias Carp, Cartea Neagra : le livre noir de la destruction des Juifs de Roumanie, 1940-1944, traduit du roumain par Alexandra Laignel-Lavastine, Denoël, 2009
Notes et références
- Robert Philippot, article "Roumanie" in Encyclopedia Universalis", édition 2002
- Florin Constantiniu, Une histoire sincère du peuple roumain, Bucarest, ed. Univers Enciclopedic, 2002, 561 p.
- Florin Constantiniu, Une histoire sincère du peuple roumain, Bucarest, ed. Univers Enciclopedic, 2002.
- Antonin Snejdarek, Casimira Mazurowa-Château, La nouvelle Europe Centrale, Imprimerie nationale, 1986, p.41-43
- La Roumanie pendant la Seconde Guerre mondiale Ronald D. Bachman, Romania: A Country Study. Washington: GPO for the Library of Congress, 1989. en:
- (en)NYT 5 Iulie 1940, NYT 7 Iulie 1940, NYT 30 Iulie 1940,NYT 9 August 1940
- (fr)Le Figaro, 6 Iulie 1940 p.2
- (fr)Le Figaro 9 Iulie 1940, p.1
- (fr)Le Figaro, 9 August 1940, (en) NYT, 9 August 1940
- (ro)Florin Constantiniu : Între Hitler și Stalin; România și pactul Ribbentrop - Molotov, Bucarest, Danubius, 1991.
- (ro)Florin Constantiniu : Hitler, Stalin și România - România și geneza Operațiunii „Barbarossa”, Bucarest, Univers Enciclopedic, 2002
- (fr)Le Figaro 31 August 1940, 1 Septembrie 1940, Le Figaro 23 August 1940
- Quid, édition 2000
- Ceaușescu aussi reprendra cette politique, en exigeant d'Israël, de l'Allemagne et de la Grèce des "indemnités" pour laisser partir les roumains d'origine juive, allemande ou grecque ; il fera également payer les adoptants occidentaux d'orphelins roumains.
- Werner Rings, Life with the ennemy, 1979, traduit en anglais 1982, ed. Weidenfeld and Nicholson, p.39
- ISBN 0-85112-607-3 Geoffrey Regan, The Guinness Book of Flying BlundersGuinness Books, 1996
- Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, Gallimard, collection Folio, 2006, TII, p.1408
- Ion Iliescu a mis sur pied une commission d'enquête présidée par Elie Wiesel pour faire le jour sur l'histoire de la persécution et l'extermination des juifs sous le régime Antonescu : selon les conclusions de cette commission, les 47% manquants (près de 380 000 personnes) avaient soit émigré vers la Palestine directement de Roumanie (environ 80 000 personnes, grâce à l'association Aliyah présidée par Eugène Meissner et Samuel Leibovici), soit sont devenus hongrois par la cession de la Transylvanie du nord à la Hongrie Horthyste (130 000 personnes dont 120 000 furent déportés vers l'Allemagne), soit sont devenus soviétiques par la cession à l'URSS des territoires où ils vivaient (240 000 personnes: lors de l' Opération Barbarossa la plupart de ces personnes, ainsi que d'autres juifs roumains déportés par les autorités roumaines en Transnistrie y furent tuées (environ 100 000 personnes); à cela il faut ajouter environ 40 000 autres juifs roumains devenus soviétiques qui s'étaient enfuis vers l'est lors de l'attaque germano-roumaine, et qui furent rattrapés par les Einsatzgruppen et tués en Ukraine. Au total, parmi les 380 000 personnes manquantes, il y aurait 250 000 victimes et de 130 000 déplacés ou émigrés. En 1952, selon Raul Hilberg La destruction des juifs d'Europe, seuls 53% des juifs roumains de 1938 (près de 800 000 personnes) y vivaient encore. En 2003, le président de la Roumanie
- [1] en: International Commission on the Holocaust in Romania (Commission Wiesel), Final Report of the International Commission on the Holocaust in Romania,Yad Vashem (The Holocaust Martyrs' and Heroes' Remembrance Authority), 2004,
- Hilberg, TII, p.1453-55
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- Ziarul Financiar, 23 iunie 2006 - Războiul din Est Articles du journal Ziua ("Le Jour") n° 3723 du vendredi 8 sept. 2006, du Jurnalul Național du mardi 5 déc. 2006, et du Ziarul Financiar du 23 juin 2006 sur
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- Projet de partage des Balkans sur Herodote.net André Larané,
- Nikolaï Théodorovitch Bougaï: Informations des rapports de Béria et de Krouglov à Staline, éd. de l'Acad. de sciences de Moldavie nr. 1, Chișinău, 1991 (Н.Ф. Бугай «Выселение произвести по распоряжению Берии…» О депортации населения из Молдавской ССР в 40-50- е годы – Исторические науки в Молдавии. № 1. Кишинев, 1991. 1.0), Déportation des peuples de Biélorussie, Ukraine et Moldavie, éd. Dittmar Dahlmann et Gerhard Hirschfeld, Essen, Allemagne, 1999, p. 567-581 (Депортация народов из Украины, Белоруссии и Молдавии : Лагеря, принудительный труд и депортация. Германия. Эссен. 1999. 1.3)
- Nikolaï Th. Bougaï: K voprosu o deportacii narodov SSSR v 30-40ch godach. - ISSSR (1989)
Bibliographie
Voir aussi
Liens externes
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