Royaume de Hongrie (1920-1946)

Royaume de Hongrie (1920-1946)
Article principal : Royaume de Hongrie.

Royaume de Hongrie
Magyar Királyság Hongrois

1920 – 1946

Drapeau
Blason

Drapeau et armoiries

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Informations générales
Statut Monarchie constitutionnelle, Régence
(en 1944-1945 : dictature fasciste)
Capitale Budapest
Langue Hongrois
Monnaie Couronne hongroise, Pengő
Histoire et évènements
1er mars 1920 Élection de Miklós Horthy comme régent
4 juin 1920 Traité de Trianon
5 novembre 1921 Loi proclamant la déchéance définitive des Habsbourg
20 novembre 1940 Signature du Pacte tripartite
19 mars 1944 Entrée en Hongrie des troupes allemandes
septembre 1944 Entrée en Hongrie des troupes soviétiques
16 octobre 1944 Gouvernement du Parti des Croix fléchées
4 avril 1945 Départ des dernières troupes allemandes, occupation complète de la Hongrie par l'Union soviétique
1er février 1946 Dissolution officielle du Royaume, avec la création de la République hongroise
Régent
(1e) 1920-1944 Miklós Horthy
Chef de la Nation
(1e) 1944-1945 Ferenc Szálasi
Président du conseil des ministres
(1e) 1920-1921, 1939-1941 Pál Teleki
1921-1931 István Bethlen
1932-1936 Gyula Gömbös
1938-1939 Béla Imrédy
(De)1945-1946 Zoltán Tildy

Le Royaume de Hongrie était, de 1920 à 1946, le régime politique officiellement en vigueur en Hongrie. Restauré après une brève période républicaine composée de la République démocratique hongroise et du régime communiste de la République des conseils de Hongrie, le Royaume n'avait, durant cette période, de monarchique que le nom. La Hongrie avait en effet pour particularité d'être, de manière permanente, une Régence, ne reconnaissant plus la dynastie des Habsbourg-Lorraine : le pouvoir fut, jusqu'en 1944, assumé par le Régent Miklós Horthy.

Sommaire

La Restauration du Royaume

À l'issue de la Première Guerre mondiale, l'Autriche-Hongrie se disloque : Charles Ier d'Autriche, pour tenter de sauver la monarchie hongroise, nomme l'archiduc Joseph-Auguste de Habsbourg-Lorraine « homme du roi » en Hongrie. Mais dès le 30 octobre 1918, la révolution des Asters porte au pouvoir le comte Mihály Károlyi, qui proclame le 16 novembre suivant la République démocratique hongroise. En mars 1919, les communistes, alliés aux sociaux-démocrates, prennent le pouvoir et établissent la République des conseils de Hongrie, avec Béla Kun comme principal dirigeant. Un gouvernement contre-révolutionnaire, dirigé par Gyula Károlyi puis par Dezső Pattantyús-Ábrahám, est mis en place dans le sud du pays. Le régime communiste met en œuvre une politique de terreur rouge mais s'écroule dès le mois d'août 1919 face à l'avance des troupes du Royaume de Roumanie.

Gyula Peidl, dernier chef du gouvernement de la République des conseils, est renversé le 6 août : le monarchiste István Friedrich devient premier ministre tandis que l'archiduc Joseph-Auguste, mis en résidence surveillée par les communistes, est libéré et se proclame à nouveau régent. Mais, devant l'hostilité de l'Entente qui ne reconnaît ni la régence ni le gouvernement Friedrich, l'archiduc renonce à ses fonctions dès le 23 août. Avec le retrait des Roumains, Miklós Horthy, devenu ministre de la guerre du gouvernement contre-révolutionnaire, fait son entrée dans Budapest le 16 novembre 1919, à la tête de ses troupes. L'intérim à la tête de l'État est assuré par le chef du gouvernement Károly Huszár. Une politique de terreur blanche est menée à travers la Hongrie par des unités paramilitaires se réclamant de Horthy, qui s'en prennent de manière arbitraire aux révolutionnaires réels ou supposés, ainsi qu'aux Juifs, assimilés aux communistes. La Hongrie connaît une intense période de répression politique et de violences antisémites, sur laquelle Horthy, devenu l'homme fort du régime, ferme les yeux[1]. En 1920, le droit de vote est interdit aux Juifs.

La Régence Horthy

Le 1er mars 1920, une assemblée générale élit « Régent du royaume » l'amiral Miklós Horthy, chef de l'armée nationale à peine sortie de la guerre civile contre les communistes.

La Hongrie doit accepter en 1920 le Traité de Trianon. Le découpage territorial avantage les pays de la Petite Entente (Tchécoslovaquie, Royaume de Roumanie, Royaume des Serbes, Croates et Slovènes) au détriment de la nouvelle Hongrie, qui laisse en dehors du territoire national de nombreuses minorités hongroises[2]. Par rapport à ses frontières d'avant-guerre, le territoire hongrois passe d'une superficie[3] de 290 000 km2 à 93 000 km2. Après Sándor Simonyi-Semadam, Pál Teleki devient premier ministre. Mais le Royaume connaît bientôt une crise politique en avril 1921, quand Charles Ier, ancien Empereur d'Autriche-Hongrie, tente de revendiquer le trône : il se voit refuser tout soutien par Horthy qui considère que la restauration des Habsbourg se heurterait à l'opposition des Alliés et de la Petite Entente, qui avait menacé d'envahir la Hongrie.

István Bethlen, premier ministre de 1921 à 1931.

István Bethlen devient premier ministre, mais le pouvoir doit affronter une nouvelle crise en octobre quand Charles tente un coup de force. L'ancien empereur proclame un gouvernement provisoire mais sa manœuvre échoue et il doit repartir en exil. Le 5 novembre, une loi proclame la déchéance définitive des Habsbourg, tout en conservant la monarchie comme forme officielle de gouvernement : la Hongrie devient, de manière définitive, un royaume sans roi (d'où le titre de régent)[4].

Le régime de Horthy mène une politique autoritaire. Le Royaume de Hongrie sous la régence n'est pas un régime de nature fasciste comme celui de Benito Mussolini et maintient le régime parlementaire et une sorte d'état de droit. Le régime, parfois qualifié de « semi-dictature »[5], est de tonalité antidémocratique et rétrograde. Les campagnes sont étroitement surveillées par la gendarmerie et les structures sociales rurales restent immuables dans un pays où l'agriculture reste prépondérante. Le royaume connait une vie parlementaire et des élections libres sont tenues, bien que leur régularité ne soit pas toujours garantie : le mode de scrutin exclut pratiquement l'alternance démocratique. L'aristocratie, qui domine l'armée et la classe politique, et les propriétaires terriens sont les principaux appuis sociaux du régime[6] La politique du régime comporte en outre de nets aspects antisémites[7]. Un numerus clausus limite l'accès des Juifs à l'Université.

Les pouvoirs de Horthy sont de même nature que ceux du roi de Hongrie[8] : il a toute latitude pour dissoudre le parlement et nommer le chef du gouvernement. La Hongrie s'oriente cependant au début vers un régime parlementaire, où le premier ministre conservateur István Bethlen joue un rôle de premier plan. La politique de Bethlen est un mélange d'ultra-conservatisme et de libéralisme : la franc-maçonnerie demeure interdite, mais le numerus clausus à l'égard des Juifs est atténué et une relative liberté de presse est garantie. Le Parti social-démocrate hongrois, pourtant lié au régime de la République des conseils, est à nouveau autorisé. Le Parti communiste de Hongrie demeure par contre interdit et ses militants clandestins sont emprisonnés, parfois condamnés à mort. La radio hongroise, qui commence ses émissions en 1925, bénéficie d'une vraie liberté de parole[9].

En 1930, la population atteint 8 688 000 habitants dont 92 % de Magyars[10] et 5,5 % d'Allemands. Les deux tiers de la population sont catholiques, 27 % protestants, 2,8 % uniates et orthodoxes et 5,1 % juifs. 3 227 000 Magyars vivent dans les pays voisins[11]. L'agriculture occupe près de la moitié de la population active, l'industrie et les mines à peu près le quart. Budapest compte un million d'habitants. Malgré des efforts d'industrialisation, la performance économique de la Hongrie demeure l'une des plus faibles d'Europe, du fait notamment de l'état médiocre de l'agriculture. Dans les années 1930, le revenu moyen par habitant équivaut à environ 70 % de la moyenne européenne[12].

Bethlen obtient l'entrée de la Hongrie à la Société des Nations et milite pour la révision du traité de Trianon, qui a fait de la Hongrie une grande perdante du conflit mondial. Le « révisionnisme », également qualifié d'irrédentisme, est l'un des principaux courants de la vie politique hongroise, comptant également parmi ses champions l'ancien premier ministre Pál Teleki.

Gömbös et le virage à droite (1932-1936)

La Grande Dépression qui se manifeste par une baisse de niveau de vie, entraine la forte progression de l'extrême-droite dans la vie politique. Elle provoque également le départ de Bethlen souhaité tant par les sociaux-démocrates que par l'extrême-droite. En 1932, le Régent Miklós Horthy nomme Gyula Gömbös premier ministre. Ce dernier infléchit la politique de la Hongrie vers une coopération plus étroite avec l'Allemagne tout en conduisant une politique de Magyarisation vis-à-vis des minorités ethniques qui peuplaient encore la Hongrie. Le traité économique que Gömbös signe avec l'Allemagne sort la Hongrie de la grande dépression, mais la rend complètement dépendante de l'Allemagne, tant sur le plan des matières premières que des marchés. La répression vis-à-vis des communistes s'accroit: 2 communistes sont exécutés en 1932.

Aux élections de 1935, le Parti de l'unité nationale remporte 170 sièges sur 245, laissant 25 sièges au Parti des petits propriétaires, 14 aux Chrétiens sociaux, 11 au Parti social-démocrate et quelques miettes aux libéraux et à la droite.

Gömbös recommande un certain nombre de réformes : un système de Parti unique, la révision du Traité de Trianon et le retrait de la Hongrie de la SDN. Cependant, le parlement dominé par une majorité de partisans de István Bethlen et la pression des créanciers de la Hongrie l'empêchent de réaliser son programme et le poussent à mettre en œuvre une politique économique et financière relativement conventionnelle pour faire face à la crise. Les élections législatives de 1935 donnent à Gömbös une majorité plus confortable, lui permettant de placer ses partisans dans les ministères clé. En septembre 1936, il informe les Allemands de son intention de mettre en place en Hongrie un régime à parti unique, similaire à celui des Nazis, mais il meurt en octobre, avant d'avoir pu réaliser ses projets.

Vers l'alliance avec l'Allemagne

À partir de l'Anschluss des 12-13 mars 1938, le Reich allemand devient la puissance dominante dans la région, mais c'est en partie par intérêt nationaliste que la Hongrie va pratiquer un alignement sur la politique allemande. La Hongrie s'appuie en effet sur l'Allemagne pour vider progressivement le Traité du Trianon de sa substance. En 1938, elle dénonce ouvertement les clauses du traité qui limitait les effectifs de l'armée. Hitler fait alors des promesses de restituer les territoires perdus et il use de menaces d'interventions militaires et de pressions économiques pour encourager les Hongrois à soutenir la politique nazie, notamment les mesures d'exclusion vis-à-vis des Juifs.

En 1935, un parti fasciste, les Croix Fléchées avait été créé par Ferenc Szálasi. Kálmán Darányi, le successeur de Gömbös donne des gages à la fois aux Nazis et aux Hongrois antisémites en promulguant les premières Lois Juives qui instaurent des quotas limitant le nombre des Juifs à 20 % dans certaines professions, mais ces lois sont considérées comme insuffisantes par les Nazis et les Hongrois les plus extrémistes, et lorsque Darányi démissionne en mai 1938, il est remplacé par Béla Imrédy.

Les démarches d'Imrédy pour améliorer les relations diplomatiques avec le Royaume-Uni sont très mal vues par l'Allemagne et l'Italie. Mis en garde par l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne (Anschluss), Imrédy réalise qu'il ne peut pas prendre le risque de s'aliéner l'Allemagne et l'Italie et dans le courant de l'automne 1938, sa politique étrangère prend un tournant pro-allemand et pro-italien[13]

Afin d'asseoir son pouvoir sur la droite hongroise, Imrédy stoppe la montée et la puissance des Croix Fléchées et dissout leur parti, mais il propose une réorientation politique sur des bases totalitaires et prépare un projet de nouvelles lois anti-juives plus sévères que les premières. Les adversaires d'Imrédy obtiennent alors sa démission en février 1939 en dévoilant des documents qui prouvent que son grand-père était Juif, mais le nouveau gouvernement dirigé par Pál Teleki approuve les Secondes lois juives qui diminuent les quotas de Juifs autorisés dans les diverses professions. Les nouvelles lois définissent les Juifs comme une race et non plus comme une simple religion. Les Juifs qui s'étaient convertis au christianisme sont donc concernés par le statut juif.

Aux élections de juin 1939, l'opinion publique hongroise opère un tel glissement vers l'extrême-droite que les électeurs placent les Croix Fléchées en seconde place.

L'engrenage vers la guerre

Les Arbitrages de Vienne

La Hongrie en 1920 et en 1941
Article détaillé : Arbitrages de Vienne.

L'Allemagne nazie et l'Italie fasciste soutiennent les revendications hongroises concernant la récupération des territoires que le Traité du Trianon leur avait fait perdre.

Une guerre avec la Tchécoslovaquie est évitée par le Premier arbitrage de Vienne signé le 2 novembre 1938. La Hongrie récupère la lisière méridionale de la Slovaquie que l'on appelle aussi Haute-Hongrie et une partie de la Ruthénie subcarpatique où se trouvait la minorité hongroise de Tchécoslovaquie. Hitler promet également de rendre à la Hongrie des territoires situés en Slovaquie en échange d'une alliance militaire. Horthy refuse tout en continuant à réclamer une révision territoriale selon des frontières ethniques.

En mars 1939, lorsque la Tchécoslovaquie est dissoute[14], la Hongrie occupe le reste de la Ruthénie subcarpatique et reconnaît la nouvelle Slovaquie indépendante créée par l'Allemagne, mais les rivalités territoriales avec ce dernier état dégénèrent vite en mars en bref conflit armé. À l'issue de cette « Guerre Slovaquo-Hongroise » (également connue sous le nom de Petite Guerre), la Hongrie ne récupère que la lisière orientale de la Slovaquie.

En septembre 1940, c'est une guerre avec le Royaume de Roumanie qui est évitée par le Deuxième arbitrage de Vienne. La moitié Nord de la Transylvanie est récupérée par la Hongrie. Il s'agit d'une région de 43 492 km2, peuplée de 2 578 100 habitants dont la moitié est magyare.

En octobre 1940, Hitler inaugure une politique d'équilibre entre la Roumanie et la Hongrie qu'il poursuivra jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il n'y aura pas de guerre entre les deux pays. À l'issue des deux arbitrages de Vienne, 2 300 000 Magyars des territoires séparés se retrouvent au sein de la Hongrie. Pour beaucoup de Magyars, le bilan est grisant, les injustices du traité du Trianon sont réparées[15].

L'adhésion au pacte tripartite

À la suite des arbitrages de Vienne, la Hongrie est amenée à payer le prix de son alliance en multipliant les gestes amicaux vis-à-vis de son puissant allié. En octobre 1940, elle autorise l'armée allemande à traverser le pays pour le passage vers la Roumanie[15].

Le 20 novembre 1940, sous la pression allemande, le premier ministre hongrois Pál Teleki signe le pacte tripartite et la Hongrie devient donc alliée de l'Allemagne, de l'Italie et du Japon. En principe cet accord ne comporte pas l'obligation d'entrer dans les conflits en cours, mais seulement le devoir d'assistance en cas d'agression de la part d'un État non-belligérant.

L'invasion de la Yougoslavie

Article détaillé : Invasion de la Yougoslavie.

En décembre 1940, Pál Teleki signe également un « traité d'amitié éternelle » avec le Royaume de Yougoslavie. Quelques mois après, des officiers de l'armée yougoslave obtiennent du roi Pierre II le renvoi du régent, le Prince Paul qui avait été l'artisan du rapprochement avec l'Allemagne. Ce revirement pousse Hitler à l'invasion de la Yougoslavie pour laquelle il demande l'aide de la Hongrie. En échange de ce soutien, il promet de rattacher quelques territoires yougoslaves à la Hongrie. Incapable de s'opposer aux exigences de l'Allemagne, Teleki se suicide. Il est alors remplacé par László Bárdossy.

Quelques jours après la mort de Teleki, la Luftwaffe bombarde Belgrade sans avertissement et les troupes allemandes envahissent la Yougoslavie. Horthy déploie la troisième armée hongroise sur la Voïvodine, dont elle occupe les districts de Baranja, Bačka, Medjumurje et Prekmurje. Une minorité magyare importante habitait la Voïvodine. L'occupation de la Voïvodine entre 1940 et 1944 sera le théâtre de nombreuses atrocités perpétrées contre les populations serbes, juives et rom.

La guerre contre l'URSS aux côtés des Allemands

Lorsque les troupes allemandes pénètrent en URSS, le 22 juin 1941, la Hongrie ne participe pas directement aux opérations et d'ailleurs, Hitler n'avait pas exprimé de demande en ce sens. Cependant, de nombreux dirigeants politiques hongrois étaient partisans d'une participation à cette guerre pour qu'une éventuelle révision des frontières de la Transylvanie ne se fasse pas au bénéfice de la seule Roumanie. De fait, le prétendu bombardement de Košice par les Soviétiques fournit le prétexte à l'entrée en guerre de la Hongrie à la fin du mois de juin. La Hongrie déclare la guerre à l'URSS le 27 juin.

À partir du 1er juillet 1941, quelques milliers de soldats hongrois regroupés dans l'unité d'élite de l'armée hongroise Gyorshadtest attaquent la 12e armée soviétique et participent aux côtés des Allemands à la bataille d'Uman au cours de laquelle vingt divisions soviétiques sont mises hors de combat. Au total, ce sont 200 000 hommes que la Hongrie engage sur le Front de l'Est, intégrés pour la plupart au sein de la deuxième armée. Ces hommes sont assistés par 50 000 « auxiliaires » juifs sans armes et sans équipement d'hiver. 20 000 d'entre eux y laisseront leurs vies[16].

En juillet 1941, le gouvernement hongrois déporte vers l'Ukraine, occupée par les Allemands, quelque 20 000 Juifs de Ruthénie subcarpatique, prise à la Tchécoslovaquie en 1939. La plupart d'entre eux sont assassinés par des détachements d'Einsatzgruppen à Kamenets-Podolski[17].

En août 1941, László Bardossy promulgue la « Troisième loi juive » qui interdit aux non-Juifs le mariage et les relations sexuelles avec des Juifs. Six mois après le massacre de Kamenets-Podolski, en représailles d'actes de résistance, les troupes hongroises massacrent 3 000 otages serbes et juifs en Yougoslavie, près de Novi Sad.

Mécontent de l'alliance de plus en plus étroite avec l'Allemagne, Miklos Horthy pousse Bárdossy à la démission et le remplace par Miklós Kállay, un vieux conservateur qui avait participé au gouvernement d'Istvan Bethlen. Kállay poursuit la politique de Bárdossy d'alliance avec l'Allemagne contre l'Armée rouge, mais en même temps, il entre secrètement en contact avec les Alliés occidentaux.

Lors de la bataille de Stalingrad, la seconde armée hongroise subit de terribles pertes. La percée soviétique sur le Don coupa en deux les unités hongroises. Peu après la chute de Stalingrad, en janvier 1943, la seconde armée hongroise avait pratiquement cessé d'exister comme une unité militaire.

L'occupation par les troupes allemandes

L'invasion de la Hongrie

Les négociations secrètes avec les Britanniques et les Américains se poursuivent mais Hitler finit par être informé du double-jeu de Kállay. Craignant que la Hongrie ne conclue une paix séparée, il décide d'occuper la Hongrie en mars 1944 (Opération Margarethe). Horthy reste en résidence surveillée dans un château alors qu'un chaud partisan des Nazis, Döme Sztójay, devient premier ministre sous la tutelle du gouverneur militaire allemand Edmund Weesenmayer. Kállay ne réussit pas à organiser la résistance. La mise au pas est effectuée dans tous les secteurs : armée, presse, etc. jusqu'à la direction de l'Opéra. Mais l'administration hongroise reste sous le contrôle d'un gouvernement hongrois qui dépend toujours du régent Horthy. Le fonctionnement sans accroc de cette administration, de la police et de l'armée permet aux Allemands de limiter à quelque 50 000 hommes les unités d'occupation[18].

Mise en œuvre de la Shoah

Arrestations de Juifs à Budapest

Sous le gouvernement de Kállay, les Juifs étaient victimes de persécutions économiques et politiques, mais une large partie d'entre eux, notamment ceux de Budapest n'était pas concernée par la solution finale. En fait, sans doute influencé par sa famille et ses amis, particulièrement Bethlen[19], Horthy n'avait pas cédé aux pressions nazies de procéder à la solution finale. Après mars 1944, et l'occupation de la Hongrie par les Allemands, il est mis sous résidence surveillée alors que le colonel SS Adolf Eichmann met en place des déportations massives de Juifs vers les camps de la mort. Entre le 15 mai et le 9 juillet, près de 440 000 Juifs sont déportés, en très grande majorité vers Auschwitz[20]. C'est dans ce contexte qu'a lieu le sauvetage, aux circonstances plus tard controversées, de 1 684 Juifs par les négociations menées par Rudolf Kastner avec les SS.

Dès le 12 mars, un conseil juif est mis en place, et le 7 avril, l’étoile jaune, préalable aux déportations, est rendue obligatoire, à l'instigation d'Eichmann: en province, notamment en Ruthénie, rapidement des rafles sont effectuées et les Juifs sont regroupés dans des ghettos[21]. En outre, dès le mois de mai, les Juifs des provinces sont rapidement déportés vers Auschwitz; ils sont tous gazés à leur arrivée, des déportés ont laissé des souvenirs de la crémation des corps[22].

Mais le 8 juillet, Horthy, soumis à une forte pression nationale et internationale, sans doute influencé par son entourage, mais aussi, peut-être parce qu'il se sent plus concerné par le sort des Juifs de Budapest, assimilés, que par celui des Juifs de province et des Galiciens, décide de stopper les déportations. Il reste à ce moment-là 230 000 Juifs à Budapest. La moitié sera sauvée en grande partie grâce à ce sursaut d'honneur de la part du régent[19]. Cependant, les déportations continuent, plus discrètes, moins visible jusqu'au lendemain[23].
Dans le même temps, le sauvetage des Juifs de Hongrie se trouve au centre de nombreuses négociations, entre Eichmann, les organisations juives et les alliés occidentaux, dans le cadre d'un troc, mais les Allemands se servent de ces négociations, véritable jeu de dupes, pour remettre en cause l'alliance contre le Reich[24]. Dans le même temps, des transports de Juifs hongrois, soumis à rançon dans des circonstances troubles, sont organisés vers la Suisse via Bergen-Belsen (tous ceux qui en bénéficièrent parvinrent effectivement en Suisse à la fin de l'été)[25].
En août 1944, Horthy remplace Sztójay par le général anti-fasciste Géza Lakatos. Le ministre de l'Intérieur de Lakatos, Béla Horváth, donne l'ordre aux gendarmes d'empêcher la déportation de tout citoyen hongrois.

Prise de pouvoir par les fascistes hongrois

En septembre 1944, les forces soviétiques franchissent la frontière hongroise. Le 15 octobre, Horthy annonce la signature d'un armistice avec l'URSS, mais l'armée hongroise ignore l'armistice. Les Allemands, qui ont à ce moment un million d'hommes dans les Balkans dont la retraite pourrait être coupée, lancent alors l’opération Panzerfaust: un commando allemand s'empare du fils de Horthy, forçant ainsi le père à abroger l'armistice, à dissoudre le gouvernement Lakatos et à nommer premier ministre le chef des Croix fléchées, Ferenc Szálasi. Horthy abdique et Szálasi devient le 16 octobre premier ministre du « Gouvernement d'unité nationale », avec le soutien d'une partie importante de l'armée[26]. Les Croix Fléchées maintiennent cependant la monarchie comme forme officielle de gouvernement, le nom officiel du pays demeurant Royaume de Hongrie[27],[28]. Le 3 novembre, Szálasi est nommé Chef de l'État avec le titre de « Chef de la Nation » (Nemzetvezető). Dès le 17 octobre, le général Béla Miklós, chef de la première armée hongroise et hostile à l'alliance avec l'Allemagne, prend contact avec les Soviétiques et s'exprime à la radio, appelant les troupes hongroises à la défection.

La guerre sur le sol hongrois

Article détaillé : Bataille de Budapest.

Le nouveau régime reprend la déportation de Juifs, mais perd rapidement le contrôle de son territoire avec l'avance des troupes soviétiques. Dès la fin décembre 1944, la bataille de Budapest commence. Le 22 décembre, une assemblée provisoire réunie à Debrecen élit un gouvernement rival dirigé par Béla Miklós : soutenu par les Soviétiques, ce contre-gouvernement dispute à celui de Ferenc Szálasi la souveraineté sur le pays et gagne bientôt du terrain. Le contrôle effectif du régime fasciste hongrois se réduit progressivement à un quart du territoire (gouvernement de Veszprem)[29].

Le siège de la capitale se termine avec la reddition de la ville, le 13 février 1945. Les dernières troupes allemandes évacuent le pays le 4 avril. Les débris de la troisième armée hongroise sont anéantis entre le 16 et le 25 mars 1945. Quelques pro-nazis comme Szálasi se sont enfuis avec l'armée allemande.

Fin du Royaume et conséquences de la guerre

Avec la fin du régime des Croix fléchées, la Hongrie connaît une période de transition, avec les gouvernements provisoires de Béla Miklós, puis de Zoltán Tildy. Un Haut conseil national, composé de représentants des diverses tendances politiques, est mis en place dès janvier 1945 pour assurer collectivement la tête de l'État. Ernö Gerö, représentant du Parti communiste hongrois, en fait partie. À l'hiver 1945 ont lieu des élections, qui voient la défaite des communistes. Zoltán Tildy forme en novembre un gouvernement de coalition. Le leader communiste Mátyás Rákosi intègre le conseil en décembre. Le 1er février 1946, la monarchie hongroise cesse officiellement d'exister avec la proclamation de la nouvelle République.

En signant le Traité de Paris, en 1947, la Hongrie perd à nouveau tous les territoires qu'elle avait récupérés entre 1938 et 1941. Pas plus les Alliés occidentaux que l'Union soviétique ne voulaient prendre en considération le moindre changement par rapport aux frontières d'avant 1938. « Les décisions de l'arbitrage de Vienne du 2 novembre 1938 sont déclarées nulles et non avenues », stipule la Traité de paix avec la Hongrie. La moitié de la minorité allemande, soit 240 000 personnes, est déplacée en Allemagne en 1946-48, en même temps qu'un échange forcé de population est effectué entre la Hongrie et la Tchécoslovaquie. L'URSS annexe la Ruthénie subcarpatique qui fait maintenant partie de l'Ukraine.

Notes et références

  1. Molnar, p.338-339
  2. Jean Bérenger, article Hongrie, in Encyclopedia Universalis, 2000
  3. Molnar, p.339
  4. Molnar, p.341
  5. Gordon Martel, A companion to Europe: 1900-1945, Blackwell Publishing Ltd, 2005, p. 315
  6. Molnar, p.344
  7. Molnar, p.343
  8. Denis Sinor, History of Hungary, Woking and London: George Allen and Unwin Ltd, p. 289
  9. Molnar, p.346
  10. Dans cet article, le terme Magyar désigne, comme dans le livre de Miklós Molnar (Voir Bibliographie: Molnar, 2004), une ethnie caractérisée par la langue magyare, et qui se différencie d'autres ethnies, par exemple allemande, serbe, roumaine vivant dans le même espace géographique, alors que le terme de Hongrois désigne plutôt les habitants de la Hongrie telle qu'elle est définie à une période historique donnée.
  11. Molnar, p.347
  12. Molnar, p.348-349
  13. John F. Montgomery, Hungary: The Unwilling Satellite. Devin-Adair Company, New York, 1947. reéd. Simon Publications, 2002.
  14. Voir Accords de Munich et Tchécoslovaquie pendant la Seconde Guerre mondiale
  15. a et b Molnar, p.364
  16. Molnar, p.366
  17. Mémorial de la Shoah, Encyclopédie de la Shoah, La Hongrie avant l'occupation allemande
  18. Molnar, p. 370
  19. a et b Molnar, p.374
  20. Mémorial de la Shoah, Encyclopédie de la Shoah, La Hongrie après l'occupation allemande
  21. Saul Friedlander, les Années d'extermination, p.752.
  22. Saul Friedlander, les Années d'extermination, p.754.
  23. Saul Friedlander, les Années d'extermination, p.754.
  24. Saul Friedlander, les Années d'extermination, p.763.
  25. Saul Friedlander, les Années d'extermination, p.764.
  26. Saul Friedlander, les années d'extermination, p.783
  27. Budapesti Közlöny, 17 October 1944
  28. Hivatalos Közlöny, 27 January 1945
  29. Stanley G. Payne, A history of fascism, 1914-1945, Routledge, 1996, page 419

Annexes

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Bibliographie

  • Saul Friedländer, Les Années d'extermination. L'Allemagne nazie et les Juifs. 1939-1945, Seuil, collection L'Univers Historique, Paris, 2008, ISBN 978-2-02-020282-4
  • Miklós Molnar, Histoire de la Hongrie, Perrin, 2004, ISBN 978-2-262-02238-9 (Première édition française: Armand Colin, 1980)
  • La Hongrie dans la 2e GM, article de Javier ROMERO paru dans Vae Victis n°77 (novembre-décembre 2007), Editions Histoire & Collections.

Articles connexes

Liens externes


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