- Pierre Orts
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Pierre Orts Pierre Orts en 1934 à TintangeNaissance 3 novembre 1872
Bruxelles, BelgiqueDécès 12 juin 1958 (à 85 ans)
Tintange BelgiqueNationalité belge Pays de résidence , , Diplôme Doctorat en droit
(université libre de Bruxelles)Profession avocat Activité principale diplomate Autres activités professeur à l'université libre de Bruxelles,
administrateur de sociétés diversesAscendants Louis Orts & Anna Nauts Conjoint Georgina Peltzer Enfant six Famille 3 demi-frères et 2 deux demi-sœurs,
petit-fils d'Auguste OrtsPierre Orts (Bruxelles, 3 novembre 1872 - Tintange, 12 juin 1958) est un diplomate belge, entre 1898 et 1920, très actif sur le théâtre africain.
Résumé de sa carrière
Docteur en droit de l'université libre de Bruxelles (1896), conseiller juridique auprès du gouvernement siamois (1896-1898), commissaire du Roi de Siam (1897-1898), attaché de Légation (Bruxelles, 1898), Secrétaire de Légation (Bruxelles, 1899), puis à Paris (1900-1905), Mis à la disposition du roi qui le nomme chef de cabinet du département de l’Intérieur de l’État indépendant du Congo (1905-1908), détaché par le ministère des Affaires étrangères auprès du ministre des Colonies, comme Agent de liaison entre les deux Départements (1908), conseiller de Légation (1911), secrétaire du ministère des Colonies (1914-1917) auprès du gouvernement en exil à Sainte-Adresse (Le Havre), secrétaire de la Commission chargée d’enquêter sur les violations du droit des gens, commises par les armées allemandes en Belgique (1914-1918), conseiller diplomatique du ministère des Colonies (1917), envoyé extraordinaire de S.M. le roi des Belges et ministre plénipotentiaire (à partir de 1917), secrétaire général du ministère des Affaires étrangères (1917-1920), plénipotentiaire belge à la conférence de la Paix (Paris, 1919), signataire des Accords Orts-Milner accordant à la Belgique le mandat et la tutelle sur le Ruanda et l’Urundi (1919), président du Comité diplomatique (31 juillet 1919); membre (puis président) de la Commission permanente des mandats de la Société des Nations (Genève, 1921-1940), fondateur et président de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge du Congo (1925-1957), professeur ordinaire à l'université libre de Bruxelles (1929-1940), Président du Crédit Foncier Africain (1932-1950), ambassadeur extraordinaire à Berne (Suisse, 1934), haut commissaire à la Défense de la Population Civile pour le Luxembourg au lendemain de la bataille des Ardennes (1945), membre de la Délégation belge à la Commission Préparatoire de l’Organisation des Nations unies et à la première Assemblée Générale de l’ONU (Londres, 1945 et 1946), administrateur et président (après 1920) de nombreuses entreprises belges (la Brufina, Electrobel, Peltzer & Fils, etc.) et coloniales (la Simétain dont il était le fondateur, le Comptoir Congolais du Café, etc.) ainsi que diverses sociétés du monde associatif.
Ses origines
Pierre Orts est né à Bruxelles, le 3 novembre 1872, du premier mariage (1871) de Louis Orts (1842-1891, avocat près la Cour de Cassation) avec Anna Nauts (1847-1873). Celle-ci décédant à 25 ans, deux mois après la naissance de son fils, c'est la seconde épouse de Louis Orts (mariage en 1876), Emilie Van Volxem (1850-1929, fille de Jules Van Volxem, bourgmestre de Laeken, et jeune veuve avec une fille posthume du jeune Dr Henri de Rasse terrassé à 25 ans en 1870 par le typhus sur le champ de bataille de Sedan) qui élèvera Pierre et lui donnera encore trois demi-frères et deux demi-sœurs Orts, en plus de sa fille née Henriette de Rasse (1871-1947).
Petit-fils du juriste, historien, professeur, échevin, ministre d'État libéral Auguste Orts (1814-1880), Pierre est le sixième Orts de père en fils à faire des études de droit. C'était depuis longtemps devenu une tradition familiale qui avait débuté un certain 5 avril 1720 lorsque son ancêtre, un autre Pierre Orts (1696–1768, arrière-grand-père d'Auguste), fut, ce jour-là, diplômé en droit de l'ancienne université de Louvain et nommé, la même année, avocat au Conseil Souverain du Brabant dont il deviendra par la suite conseiller ordinaire, fonction que son fils, Engelbert-Pierre (1743–1831), assumera également jusqu'à sa nomination comme Conseiller au Grand Conseil de Malines.
Ses débuts : au Siam à 24 ans (1896-1898)
Promu docteur en droit de l'université libre de Bruxelles, il prête serment comme avocat en juillet 1896 et se destine à la magistrature. La même année, il rejoint la mission belge Rolin-Jaequemyns au Siam (actuelle Thaïlande) en qualité de conseiller juridique du gouvernement siamois, poste pour lequel il avait sollicité sa nomination avant même d'avoir terminé son droit. L'éminent "Conseiller Général du Gouvernement Siamois" Gustave Rolin-Jaequemyns (1835-1902), juriste de haute compétence et fin diplomate, y exerçait les plus hautes fonctions de l'État siamois en contrôlant tous les départements ministériels (1891-1901) et plus particulièrement la Justice avec l'appui d'une équipe de jeunes juristes belges chargés de surveiller et de diriger les tribunaux siamois. Ayant attaché le jeune Orts (24 ans) à son Cabinet, celui-ci fut appelé à arbitrer des différends survenus entre les Siamois et des expatriés, notamment des Français et un vice-consul des États-Unis.
Il fut également chargé, en qualité de Commissaire du Roi de Siam, de visiter les 4 ou 5 petits États laotiens vassaux (dont Chiangmai était le chef-lieu) afin d'y vérifier leur degré d'allégeance envers le roi de Siam. En fait, cette mission revint à convaincre, avec doigté et une infinie persuasion, un à un de ces roitelets, la plupart imbus de leur position, de raffermir leurs liens avec leur suzerain, en faisant miroiter à chacun les innombrables avantages qu'en tirerait son petit peuple. Cette expédition qui dura des mois, conduisit Orts à parcourir tout le pays au Nord de Bangkok par Chiangmai et Luang Prabang, en usant de tous les moyens de transport disponibles : remonter la Ménam (actuelle Chao Phraya) en bateau à rames, voyager à dos d'éléphant (sa caravane en compta jusqu'à 20) sur 300 km, à cheval, sur char à bœufs, et même à pied, avant de descendre le Mékong en pirogue, de rapide en rapide, et enfin, pour regagner Bangkok, 100 km de chemin de fer. Cette intrépide mission s'avéra un succès qui devait contribuer à forger l'unité de la future Thaïlande, sauf que, suite à l'extension coloniale de l'Indochine française, celle-ci devra, peu après, reculer sa frontière orientale dont émergera l'actuel Laos indépendant. Orts participa également à la rédaction de la Constitution du Siam, une œuvre purement belge. Jusqu'à ce jour, Rolin-Jaequemyns et Pierre Orts semblent avoir laissé un inaliénable souvenir dans ce pays, à en croire les témoignages récents de sympathie de l'État thaïlandais envers leurs descendants respectifs.
Orts évoquera Rolin-Jaequemyns en ces termes : "Il me communiqua son culte du Droit, m'apprit la méthode dans le travail, me donna le goût de la clarté dans l'exposé et de la précision. L'apprentissage que je fis à ses côtés de la politique internationale développa l'intérêt que je n'ai cessé d'y porter. [...] "Je lui en ai gardé une profonde reconnaissance, comme de l'accueil paternel que je reçus de lui et de Madame Rolin-Jaequemyns, l'admirable compagne de sa vie [qui] suivait avec intelligence et un intérêt passionné les travaux de son mari..."
L'accès à la magistrature lui est fermé (1898)
De retour à Bruxelles deux ans plus tard, fort de ses diplômes, de l'expérience acquise au Siam et du parrainage de deux éminents magistrats, Pierre Orts pose sa candidature, lors de la rentrée judiciaire de 1898, à la fonction de Substitut du Procureur du Roi. En vain. « Ayant accédé au pouvoir en 1884, le parti clérical avait inauguré le régime le plus sectaire que connut notre pays », écrira-t-il plus tard. « Quiconque avait la réputation de n’être point du même bord que les hommes au pouvoir se voyait interdire l’accès de n’importe quelle fonction publique. Mon nom suffisait à me classer parmi les réprouvés. Tout au long des trente années où ce parti régna en maître – c’est-à-dire pendant toute ma jeunesse – je fus de ces Belges qui, dans leur propre pays, connurent la condition de citoyen de seconde zone ».
Il embrasse alors la Carrière (1898)
Dès lors, Orts se tourne vers la diplomatie et, la même année, sous l’intervention de Léopold II, « étranger aux calculs des factions » et ayant encore "son mot à dire quant au choix des diplomates", il est nommé Attaché de Légation le 3 décembre 1898.
Peu de temps plus tard, il se fiance puis se marie à Verviers le 30 novembre 1899 avec Georgina Peltzer (1876-1963), fille de l'industriel lainier (verviétois) et sénateur libéral (protestant), Auguste Peltzer (1831-1893). De cette union naîtront 6 enfants qui seront élevés dans la religion protestante. Parmi lesquels, l'aîné, Louis Orts (1900-1985), volontaire de guerre à 16 ans (1916), qui sera le septième Orts de père en fils à avoir fait son droit, et Frédéric Orts (1907-1983) qui épousa Marguerite Anspach (1908-2005), arrière-petite-fille de Jules Anspach, bourgmestre de Bruxelles. Pierre et Georgina auront 17 petits-enfants. Pierre, quoique baptisé catholique, adhérera peu à peu à la religion de son épouse, sans toutefois la pratiquer et, c'est ainsi, qu'au crépuscule de sa vie, il demandera pour ses funérailles un office protestant.
Un profil de diplomate
Saisissant la chance de cette nomination et profitant des moments libres que lui offre sa charge de jeune "Attaché", il se remet aux études, mais en privé, afin de se former à la "Carrière" dont il gravira tous les échelons (en passant un à un les examens avec brio) pour un parcours d'une richesse rare par lequel, peu à peu, il deviendra la cheville ouvrière des grands moments de l'Histoire de son pays. Dans ses Mémoires, Paul Hymans (1865-1941), son ministre aux Affaires étrangères de 1918 à 1920, dira de lui : « C'est un homme d'une pièce, un cerveau clair, incapable d'une faiblesse et que conduit impérieusement le sens du devoir et du bien public ».
Orts œuvrera plus souvent à l'ombre des grands que dans la lumière des hémicycles tonitruants. En effet, s'il était d'opinion libérale et, hostile au cléricalisme, il n'était nullement homme de parti et, à ce titre, son nom ne figura jamais sur une liste électorale. Fonctionnaire voué au Service public, "homme de Cabinet", comme il avait coutume de se désigner, il s'avérera également un homme de contact parlant couramment l'anglais et l'allemand, pourvu de capacités hors-pair d'analyse et de synthèse, et surtout, il sera un redoutable négociateur, doté d'un don inné de convaincre (seule qualité qu'il se reconnaissait). C'est ainsi qu'il affectionnait la quiétude du cabinet ministériel, entouré des archives coloniales et des Affaires étrangères, des livres d'histoire et d'un fonds très complet de cartes géographiques. C'est dans cette atmosphère, propice à la réflexion et soutenu par une documentation inépuisable, qu'il préparait la stratégie du lendemain devant conduire les débats vers la prise des grandes décisions. Doté d'une solide culture gréco-latine, empreint des écrits d'Émile Banning (haut fonctionnaire et historien liégeois bien connu) et féru d'histoire où il puisait souvent son inspiration, il n'hésitait cependant pas à consulter des experts dans les domaines qui lui étaient étrangers, pour fixer son choix, en 1914-1918, sur tel type d'hydravion et telle mitrailleuse destinés à la campagne africaine de la Belgique.
C'est pour ses éminentes qualités de négociateur que le roi et la plupart de ses ministres de tutelle, tels Jules Renkin, Charles de Broqueville et Paul Hymans, prirent l'habitude d'inviter Orts à participer directement aux débats autour des tables de négociations internationales et à y exposer ses vues sur la situation du moment ainsi que sur la position à adopter par la Belgique. Il le fit toujours avec une élégante simplicité, dûment documenté, illustrant ses exposés de cartes et schémas clairs qui avaient la vertu de convaincre mais aussi de clouer le bec à toute manœuvre dilatoire. Hymans dira encore de lui à propos de sa participation en 1919 à la Conférence de la Paix à Paris: "Je fus aidé et stimulé par M. Pierre Orts, dont l'esprit synthétique, systématique et implacablement logique poussait à des solutions catégoriques. [...] Il dominait [au sein de la délégation belge] par l'ampleur de sa vision, le ressort moral, un don puissant de synthèse et de construction. Son labeur fut immense."
À Paris (1900-1905)
– 1899-1905 : Passant avec brio les deux examens diplomatiques d’admission au grade de Secrétaire de Légation de 2e classe (1899), puis de 1re classe (1903), Orts est désigné entre-temps (janvier 1900) pour la Légation de Belgique à Paris (1900-1905). Dans "Souvenirs de ma Carrière" (1938, document inédit), il évoque cette époque en ces termes: "La politique [étrangère] de la Belgique consistait à n’en pas avoir. Ses représentants auprès des Puissances étrangères tenaient pour règle élémentaire de s’abstenir de tout avis personnel sur les événements du moment".
Le crépuscule de l'Etat Indépendant du Congo (1905-1908)
– Février 1905 : Il est mis à la disposition du Roi (Léopold II) qui le nomme Chef de Cabinet du Département de l’Intérieur de l’État indépendant du Congo (1905-1908). A ce titre, Pierre Orts se retrouve d'emblée au cœur de la polémique sur les excès lamentables commis au Congo par l'administration léopoldienne. Il en dira notamment ceci : "Compte tenu des exagérations calculées en vue de soulever l’indignation du gros public – la légende des « mains coupées » fut forgée de toutes pièces pour les besoins de la polémique – les abus n’en étaient pas moins patents et inexcusables. L’enquête menée en 1905 par la Commission présidée par l’Avocat général à la Cour de Cassation de Belgique, Edmond Janssens, tourna contre l’État indépendant qui l’avait lui-même instaurée." Ce qui devait conduire la Belgique à annexer le Congo en été 1908. Avant même ce tournant historique, dès qu'il en eut l'opportunité, Orts s'employa avec ses collègues du Département à redresser la situation intérieure lamentable de la colonie.
Les débuts précaires du Congo belge (1908-1913)
Selon les termes de la Charte coloniale promulguée en octobre 1908, le ministre des Affaires étrangères a dans ses attributions les relations de la Belgique avec les Puissances étrangères au sujet de la Colonie. Pour avoir été durant trois années "Chef de Cabinet de l’Intérieur de l’État indépendant du Congo", Orts se trouva, au moment de l’annexion, être le seul parmi les agents diplomatiques qui fut au fait des problèmes africains. C'est ainsi qu'il fut détaché par le ministère des Affaires étrangères auprès du ministre des Colonies, Jules Renkin, comme Agent de liaison entre les deux Départements. De fil en aiguille, il devint le bras droit du remarquable ministre Renkin qui devait assumer cette charge de 1908 à 1918! Celui-ci chargea Orts de toutes les affaires diplomatiques, faisant de lui "une sorte de ministre des Affaires étrangères du Congo" sous son autorité (O. Louwers, 1958). Alors que tout devait séparer le catholique Renkin du Libéral Orts, opposés dès l’enfance par l’éducation familiale et l’école, Renkin associa Orts "intimement à ses travaux" (Paul Hymans, 1938).
Le "Congo belge" était à peine né que les grandes Puissances coloniales voisines (l'Allemagne, l'Angleterre, la France), profitant du discrédit de la Belgique, récemment éclaboussée sur la scène internationale, cherchèrent, dès 1909, à grignoter çà et là des portions de territoire de la jeune colonie, encore en pleine réorganisation; leur stratégie consistait à pénétrer militairement sur le territoire congolais afin d'y créer une situation de fait. Orts devait réagir aussitôt, en dépit des atermoiements d'un entourage politique (hormis le ministre) soucieux de ménager les grandes Puissances. Aussi, faisant preuve d'une grande clairvoyance et d'un patriotisme à toute épreuve, Renkin lui donna carte blanche, ainsi d'ailleurs qu'il s'en remettra maintes fois à lui tout au long des neuf années que dura leur inébranlable collaboration.
– Février 1910 : Orts est nommé Secrétaire de la Commission pour la Fixation des Frontières belge, allemande et britannique dans la Région des Grands Lacs africains. A ce titre, avec la plus grande fermeté, il contrecarra avec succès, chacune des prétentions de l'Allemagne et de l'Angleterre sur les zones frontalières du Congo belge. Sur le terrain, dès 1909, il avait diligenté la Force publique dirigée par le commandant Olsen pour repousser l'incursion d'un détachement britannique venu de l'Ouganda. Mais, face à l'inébranlable Olsen qui les avait défié de devoir « lui passer sur le corps pour entrer au Congo », les intrus se replièrent derrière la frontière, sans tirer un seul coup de feu !
Sur le plan diplomatique, au sein de la Commission réunie à Bruxelles du 8 février au 14 mai 1910, Pierre Orts amena les émissaires anglais et allemands à reconnaître les frontières existantes, à quelques détails près, telles qu'elles perdurent encore aujourd'hui, à savoir selon le principe des limites naturelles (lacs, cours d'eau, crêtes de plissements montagneux), plutôt que de se calquer sur le 30e méridien, cher aux Anglais. En ce sens, Orts obtint des Anglais que le Congo dispose de la rive ouest du Lac Albert (alors totalement anglais) et que les Allemands renoncent à l'île Idjwi sur le Lac Kivu. L'accord fut ainsi conclu. Si les Allemands devaient repartir de Bruxelles avec une « raideur » toute prussienne, entre les Anglais et les Belges, par contre, ayant eu tout le loisir durant ces trois mois de négociations de se découvrir des affinités, la glace fut rompue après quelques séances. Des liens d'amitié et d'estime mutuelle se nouèrent et amenèrent finalement Orts à les recevoir à dîner chez lui. « Ils purent se rendre compte du milieu et de ce que les gens auxquels ils avaient affaire n’avaient rien du négrier. Les relations personnelles ainsi nouées influèrent heureusement sur la suite des rapports officiels des deux gouvernements » (allusion à la guerre toute proche) devait noter Pierre Orts qui ajoutera que ces longues tractations avaient été sa « première expérience du métier de diplomate ».
– Septembre 1911 : Il est promu au grade de Conseiller de Légation.
La Guerre 1914-1918 et la campagne africaine de la Force publique
– Juillet-août 1914 : Pierre Orts, qui était parti en vacances à la mi-juillet 1914 en Alsace (qui, rappelons-le, appartenait alors à l'Allemagne), à un moment où la tension internationale consécutive à l'assassinat de Sarajevo était retombée, faillit se laisser surprendre par la guerre lorsque, vers la fin juillet, revenant par le col du Donon, d'une randonnée de plusieurs jours en forêt, il tomba, dans une auberge de Schirmeck (Bas-Rhin), sur un numéro du très officieux Strassbürger Post qui reproduisait en première page la réponse serbe à un ultimatum autrichien dont il n'avait pas eu connaissance. Il entrevit immédiatement le déroulement possible des événements: l'étendue du conflit, la Belgique envahie tandis que les hostilités pouvaient s’étendre à l’Afrique. Il y avait urgence à "mettre le Congo en état de défense, prévoir toutes les éventualités, sans exclure celle où les communications viendraient à être rompues entre la Métropole et la Colonie" écrira-t-il. Le 28, il était de retour à Bruxelles. En 5 jours, le Congo fut "paré": "des fonds furent mis à la disposition du gouverneur général, le ravitaillement organisé par des navires venant de New York, les troupes alertées, les autorités coloniales avisées de la position à observer par la Colonie vis-à-vis des belligérants." notera-t-il encore.
Le 2 août, sa tâche était terminée. « Ce soir-là, à 18h50 précises, relate-t-il, je sortais du ministère lorsque, sous la voûte d’entrée, je me heurtai au ministre d’Allemagne, comte von Below-Saleske. Il me connaissait. Je le saluai. Comme nous nous croisions, je fus frappé de l’étrangeté de son apparence, du teint violent de son visage, de l’égarement qui se marquait dans son regard. L’idée me traversa l’esprit que l’homme allait perpétrer un mauvais coup. Je me retournai : il gravissait en courant le perron de l’hôtel du ministre. M. von Below serrait dans sa poche l’ultimatum allemand. Quelques instants plus tard, il le remettait entre les mains du ministre belge des Affaires étrangères, M. Davignon. »
Dès l'entrée en guerre, Pierre Orts devient, sous l'égide du ministre Jules Renkin secrétaire du ministère des Colonies. Sous la pression de l'offensive allemande, le 17 août, il accompagne le gouvernement dans son repli à Anvers. Peu avant, le gouvernement avait nommé Orts également Secrétaire de la commission, instituée au début de l'invasion, chargée d’enquêter sur les violations du droit des gens, commises par les armées allemandes en Belgique.
– Septembre 1914 : Cette fonction lui valut d’être témoin de certains épisodes des opérations militaires sous Anvers. Notamment à Aerschot (actuel Aarschot), le 11 septembre, depuis un poste d'observation surélevé (un moulin), il assista au combat dans la vaste plaine en contrebas et, profondément ému, il dut constater la supériorité de feu du front allemand face aux lignes de fantassins belges qui subissaient coup sur coup, tombant stoïquement sous les projectiles et reculant, inexorablement, victimes de leur armement démodé depuis longtemps.
– Octobre 1914 : Le 7 octobre, l'armée belge, usée par deux mois de campagne n'est plus en mesure de mener une contre-offensive et passe sur la rive gauche de l'Escaut. Winston Churchill, alors Premier Lord de l’Amirauté britannique, avait envoyé à Anvers le 4, mais trop tard, 2.000 fusiliers marins, puis encore 8.000. Tandis que le Gouvernement rejoint Ostende par la route, les fonctionnaires, dont Orts, s'y rendent par mer avec les archives et les codes, dans la nuit du 7 au 8, sous un clair de lune se reflétant sur les eaux du fleuve, spectacle paisible qui contrastait avec le tonnerre ininterrompu des canons aux abords d'Anvers. Le 13 octobre, Orts et ses collègues s'embarquent à Ostende pour Le Havre où, dans la jolie banlieue de Sainte-Adresse, située sur la rive droite de la rade du Havre et donnant sur la mer, le Gouvernement belge installera ses quartiers pour quatre ans. Le roi Albert et la reine Élisabeth, qui ont failli être capturés par l'ennemi, se replient sur la nouvelle ligne de front établie sur l'Yser et prennent résidence à La Panne. Comme on le sait, tandis le Roi, chef de l'Armée, passera la guerre au front, inspectant quotidiennement les lignes de défense et encourageant ses troupes, la Reine assumera les fonctions d'infirmière auprès du médecin-chirurgien Antoine Depage qui opérait les soldats blessés à l'Hôpital Océan.
La guerre frappe le Congo belge le 15 août 1914 lorsque les troupes allemandes stationnées au nord de l'Afrique orientale allemande bombardent des villages situés au Congo belge et s'emparent de l'île d'Idjwi sur le lac Kivu. Le 22 août, sur le lac Tanganyika, le vapeur belge Alexandre Delcommune est attaqué par le navire de guerre allemand SMS Hedwig von Wissmann dans le port d'Albertville et forcé de s'échouer sur le rivage. À l’époque, il était le seul navire allié sur le lac qui, armé d'un canon de 76 mm et d'une mitrailleuse, constituait une menace pour les Allemands. Plus tard, il est néanmoins réparé, réarmé et rebaptisé Vengeur par les Britanniques avant de reprendre du service.
La force navale de la troupe de protection de l'Afrique orientale qui est basée sur la rive orientale du lac Tanganyika, à Kigoma, soit à proximité du chemin de fer partant du port d'Ujiji vers le port de Dar es Salam sur l'Océan Indien, verrouille toute entrée possible, via le lac Tanganyika, de troupes belgo-britanniques vers le centre de l'Afrique orientale allemande.A peine installé à Sainte-Adresse, Orts réagit rapidement, d'autant que la colonie se trouve à des mois de bateau des ports libres alliés et le télégraphe, encore peu performant, est, à l'époque, le seul moyen de communication. Faisant la navette entre Sainte-Adresse, le Roi à La Panne et Londres, il orchestre la campagne africaine des troupes de la Force publique dans l’Est-africain allemand en concertation avec l'Angleterre[réf. nécessaire] (ce qui ne se fit pas sans malentendus et tiraillements) et c'est d'ailleurs à Londres qu'il fera le tour des marchands d'armement à la recherche notamment de fusils, de mitrailleuses et d'hydravions, ainsi que des munitions ad hoc[réf. nécessaire], les précédentes étant depuis longtemps obsolètes, voire dangereuses pour leurs servants[réf. nécessaire].
– 1915 : Entre-temps, ne cessant d'accroître et de perfectionner sa flotte sur le lac Tanganyika, l'Allemagne dispose à partir de juin 1915, en plus du SMS Hedwig von Wissmann et du SMS Kingani, de la canonnière SMS Graf von Götzen de 1 575 tonnes[1] et, à partir de mars 1916, du remorqueur SMS Wami[2].
Les Britanniques voulant réagir contre cette évolution acheminent jusqu’au lac Tanganyika, par mer, puis par rail et par route, deux petits croiseurs à moteur à essence, les HMS Mimi et HMS Toutou[3] armés, chacun, d'un canon Hotchkiss à tir rapide de 47 mm et d'une mitrailleuse Maxim. Avec l'aide de deux bateaux belges, la vedette rapide Netta[4] et la péniche Mosselback (surnommée aussi la Dix-tonne)[5], elles capturent, le 26 décembre 1915 le remorqueur allemand SMS Kingani que les Anglais rebaptisent, après réparation et aménagement, HMS Fifi. Le 9 février 1916, le Mimi et le Fifi interceptent le SMS Hedwig von Wissman. Le deuxième tir du Fifi atteint le bateau allemand à la coque, provoquant une voie d'eau tandis que le troisième tir atteint la salle des machines et tuent sept marins. Ordre est donné d'abandonner le bateau et de le saborder. Les survivants sont capturés et amenés à Albertville.
– 1916 : En dépit de leurs pertes, les Allemands constituent toujours une réelle menace sur la navigation du lac Tanganyika où opèrent plusieurs de leurs barges armées mais surtout la canonnière Graf von Gotzen. Depuis le 18 avril 1916, la Force publique est présente dans la région mais limite ses opérations à des patrouilles frontalières.
Suite aux approvisionnements organisés par Orts, les Belges acheminent 4 hydravions monocoques de type Short Type 827, en pièces détachées, par la mer jusque Matadi et ensuite sur 2 000 km à travers le Congo jusqu’à Mtoa (nord de Albertville) sur le lac Tanganyika qu’ils atteignent en mai 1916. Le 12 juin 1916, l’un d’eux attaque enfin le Graf von Gotzen dans le port de Kigoma et le bombarde. Le bateau est atteint au gaillard d'arrière par une des deux bombes de 65 livres. Les canonniers allemands n’ont pu riposter car leurs pièces d’artillerie, prévues pour des cibles côtières ou navales, ne s’élevaient pas selon un angle suffisant pour menacer nos avions, ce que Albert Ier et le ministre Renkin n’ignoraient pas, suite à l’étude de faisabilité diligentée un an auparavant par Orts auprès d'ingénieurs militaires compétents[réf. nécessaire]. Le 28 juillet suivant, la vedette rapide Netta surprend le Graf von Götzen et le Wami (un remorqueur) face à l'embouchure de la Malagarasi. La canonnière allemande, qui n'est plus armée que par une mitrailleuse Maxim[6], refuse le combat et tente de s'échapper avant de se saborder à hauteur de la cale de la chaufferie. L'équipage tente de s’enfuir grâce au remorqueur mais celui-ci est coulé par la vedette belge[7].
Entre-temps, la Force publique reprend l’île Idjwi aux Allemands. Sa « brigade sud » commandée par le lieutenant-colonel Frédérick Olsen capture Usumbura le 6 juin, le 27, le 2e régiment de cette « brigade sud » occupe Kigoma abandonnée par ses défenseurs et, le 29, le terminal des chemins de fer allemands (Tanganjikabahn) sur le lac Tanganyika à Ujiji. Dès lors, les Belgo-britanniques ont le contrôle total du lac, ce qui permet à leurs troupes de faire mouvement avec comme objectif, pour la Force publique, le centre administratif et maillon important des chemins de fer allemands de Tabora. Après 9 jours de combats, la localité tombe le 19 septembre 1916[8], moyennant cependant des pertes subies lors des batailles de Kato et de Lulanguru (où d'ailleurs existe encore un cimetière militaire où reposent les soldats tombés au feu[réf. nécessaire]). Les Belges remportent cette victoire sans l'aide des Britanniques empêtrés dans des problèmes logistiques dans le nord-est. Les Britanniques, par peur d'une possible prétention des Belges sur la colonie allemande, demande alors à ceux-ci de rentrer au Congo Belge et de préserver la sécurité au Ruanda-Urundi. C'est ainsi qu'ils occupent et administrent 20 % de la colonie allemande (soit ~54 000 km2) jusqu'au traité de Versailles en 1919.
Les Britanniques qui ont beaucoup de mal à neutraliser l'armée de von Lettow-Vorbeck finissent par demander l'aide de la Belgique et le renfort des troupes de la Force publique qui, sous le commandement du lieutenant-colonel Armand Huyghé, prennent Mahenge (au sud-est de la colonie allemande) le 9 octobre 1917, refoulant les dernières troupes allemandes au Mozambique.– 1917 : Pierre Orts est successivement nommé conseiller diplomatique du ministère des Colonies (février), envoyé extraordinaire de S.M. le Roi et ministre plénipotentiaire (août); il est mis ensuite à la disposition du ministre des Affaires Étrangères, f.f. de Secrétaire Général (août).
Orts relate dans ses "Souvenirs..." qu'à partir du début de 1917, le Roi prit l’habitude de l'appeler à La Panne , et, aussi longtemps que dura la guerre, il ne se passa guère de mois sans qu’une ou deux fois il n’y fût convoqué: "J’y étais conduit par une puissante automobile militaire. Le voyage par Fécamp, Eu, Abbeville, Montreuil, Saint-Omer prenait une dizaine d’heures. A La Panne, je descendais dans une villa dépendant de l’Hôpital Océan que dirigeait le chirurgien Antoine Depage où nous comptions, parmi les infirmières et le personnel médical et administratif, nombre de parents et d’amis. Ces voyages apportaient une diversion dans mon existence sédentaire. Rien n’était plus réconfortant que l’atmosphère dans laquelle on baignait à La Panne".
Lors de la démission du ministre des Affaires étrangères Charles de Broqueville en juillet 1917, Orts déclinera cependant le poste de ministre, préférant le laisser à Paul Hymans qui avait été pressenti en même temps que lui. Il s'en explique ainsi : « Le [motif] plus puissant – qui au premier mot fixa ma détermination – tenait à la conviction que dans l’état de nos mœurs publiques, seul l’homme politique a quelque chance de résister à l’usure rapide des réputations et de l’autorité personnelle qu’entraîne l’exercice du pouvoir, et cela pour la raison qu’il possède dans son parti un allié tenu par le lien de la solidarité. Investi de la fonction ministérielle, le fonctionnaire n’en reste pas moins un isolé. Il est livré sans soutien aux retours offensifs des ambitions déçues et aux intrigues de couloir. [...] Toute autre considération mise à part, j’aurais pu me décider à tâter du pouvoir si j’avais eu quelque espoir de le détenir assez longtemps pour assurer le triomphe d’idées qui me tenaient à cœur. L’événement montra qu’il eut fallu raisonnablement escompter un terme de trois ans, celui qui nous séparait de la signature du traité de paix ».
– Septembre 1918 :[Quoi ?]
– 18 novembre 1918 :[Quoi ?]
– Décembre 1918 : nommé Secrétaire Général (d'abord ad intérim) du Ministère des Affaires Etrangères présidé par Paul Hymans.
Participation à la Conférence de la Paix de Paris
– 18 janvier 1919 - août 1919 : nommé Plénipotentiaire belge à la Conférence de la Paix pour la Révision des Traités de 1839. A ce titre, Orts devint l'un des adjoints les plus proches de Paul Hymans, Chef de la Délégation belge, notamment dans les négociations et la prise des grandes décisions; selon Hymans: "M. Orts, mon collaborateur immédiat et le plus intime [...] était tantôt à Bruxelles, dirigeant le Département pendant mon absence, tantôt auprès de moi à Paris. Dans le contact de ce robuste cerveau, je trouvai du réconfort, un stimulant, une source d'inspiration."
La Belgique, en dépit de sa conduite héroïque tout au long de la guerre, de ses campagnes victorieuses en Afrique (Kamerun allemand et Est-africain allemand) et des sacrifices consentis, fut d'emblée, dès l'ouverture de la Conférence, reléguée par les Quatre Grands (Grande-Bretagne, France, Italie, États-Unis) dans la catégorie des "Etats à intérêts limités" l'excluant de facto des principaux débats, notamment ceux concernant les dommages de guerre et les compensations territoriales! C'était plus que ne pouvaient en supporter Hymans et Orts. Albert Ier, soucieux de l'état de délabrement du pays et de la précarité de sa population meurtrie après quatre années d'occupation et de privations, se rendit en avril à Paris pour intervenir personnellement auprès des Alliés. Hymans et Orts le rejoignirent à son hôtel pour le préparer à affronter l'intransigeant Clemenceau qui ne céda finalement que sur les dommages de guerre, ce qui valut à la Belgique d'être mis soudain en tête de liste des pays à bénéficier de dommages de guerre. A ce sujet, Orts écrira à propos d'Hymans: "Il révéla en cette circonstance une fermeté de caractère que ses adversaires lui ont parfois déniée. C’est à lui – à lui seul – que l’on dut la priorité belge sur les réparations imposées à l’Allemagne et la remise de nos dettes vis-à-vis des Alliés". Et ces dommages furent effectivement versés par l'Allemagne vaincue, ce qui ne fut pas le cas de toutes les nations touchées par la guerre.
Il fallut dépenser une énergie colossale pour que la Belgique puisse se faire entendre sur les autres sujets qui la tenait à cœur: la révision des Traités de 1839 avec les Pays-Bas, les compensations territoriales et redressement de frontières, particulièrement au Congo. C'est ainsi que, dans les coulisses de la Conférence, par le traité Orts-Milner (qui sera signé en codicille au Traité de Versailles, en août 1919), au bout de 3 semaines de pourparlers, Orts obtient pour la Belgique, de la Grande-Bretagne pour son effort de guerre en Afrique, le mandat du Ruanda (actuel Rwanda) et de l’Urundi (actuel Burundi) ainsi que d’importants avantages économiques, notamment la franchise douanière sur les marchandises transitant entre Dar-es-Salaam et Kigoma et de facilités dans les communications (par route, rail et air) pour sa colonie avec l’Océan Indien. Le Traité de Versailles est signé le 28 juin 1919. Un mois plus tard, Orts est nommé Président du Comité diplomatique. (à suivre)
Déchargé de ses fonctions à sa demande (1920)
– Fin 1919 : Déçu par les résultats de l’illustre Traité, notamment suite au refus des Quatre Grands de réviser les Traités de 1839 dans le but de prémunir la Belgique d’une nouvelle invasion allemande par les Pays-Bas (un refus qu'Orts considère comme un échec personnel), pressentant aussi que les conditions déraisonnables du Traité ne pouvaient que susciter une profonde rancœur du côté allemand et, par là même, devenir le germe d'un nouveau conflit, sa santé s'en trouva gravement ébranlée. Durant plusieurs mois, il perdra même temporairement la vue.
N'entrevoyant plus en quoi il pouvait encore se rendre utile dans un Gouvernement, toujours aussi dépourvu de politique étrangère, qui s'était replongé dans les querelles partisanes au détriment des intérêts suprêmes de la nation, il sollicite alors auprès du Roi d’être déchargé de ses fonctions, requête que le Souverain, qui avait si souvent sollicité ses conseils de 1917 à 1919 (près de trente audiences royales privées), lui accordera, à contre cœur, douze mois plus tard, en décembre 1920. Non sans avoir tenté plusieurs fois de le retenir. Alors qu'Orts venait de tomber malade et avait dû s'aliter, le Souverain écrivit à son épouse en ces termes (extrait): "Dernièrement, au cours d’un long entretien, j’ai fait tous mes efforts pour le décider à rester au Ministère des Affaires étrangères, mais combien plus efficaces seraient mes efforts si vous consentiez à y joindre les vôtres. J’ai la conviction profonde que la collaboration de votre mari à l’action du Gouvernement est absolument indispensable. Il possède une science complète de nos affaires diplomatiques, il apporte dans son travail un sens éclairé des réalités, une continuité de vues, une ferveur patriotique, une probité qui ne pourraient se trouver au même degré chez aucun autre" (lettre datée de Laeken, 21 décembre 1919).
Ses activités internationales hors-cadre du Service public (1921-1946)
En congé illimité du Service public belge, il sera autorisé à porter le titre de son grade: celui d'Envoyé extraordinaire de S.M. le Roi et Ministre plénipotentiaire. Dès lors, très recherché par les conseils d'administration d’entreprises et le monde associatif pour ses qualités de fin juriste et d'habile négociateur, il entrera dans les affaires non sans continuer à œuvrer, comme on le verra, pour l'amélioration des conditions de vie et de santé des populations colonisées (Croix-Rouge du Congo, Commission Permanente des Mandats de la SDN) et pour contribuer aux efforts de paix dans le monde (SDN et ONU) jusqu'au delà de la Seconde Guerre mondiale.
– 1921-1940 : Il est élu à Genève Membre de la Commission Permanente des Mandats de la Société des Nations. En fait, il est nommé le 22 février 1921 par la toute jeune Commission pour y représenter la Belgique (et non le Gouvernement belge) et il sera réélu, mandat sur mandat, durant 20 ans, devenant ainsi en 1940 le seul membre dont la nomination remontât à l’époque de sa création. Ses membres y siégeaient à titre personnel, non point revêtus de la qualité de représentants de leurs gouvernements respectifs, ni à leur service, ni rémunérés par ceux-ci. Mais la pratique s’écartait partiellement de la règle : si les membres de la Commission étaient nommés par le Conseil, le choix de ce dernier se portait invariablement sur le candidat présenté par son gouvernement.
La Commission des Mandats, organe de la SDN issue du traité de Versailles, avait pour tâche de contrôler la bonne application de l’administration des territoires placés sous les mandats de la Grande-Bretagne, de la France et de la Belgique. La Commission tenait deux cessions ordinaires, au printemps et en automne, chacune d’une durée de quinze jours à trois semaines. Elle eut trois sessions extraordinaires dont l'une à Rome. C'est ainsi que de 1921 à 1940, Orts siégea au total à Genève l’équivalent de près de deux années et demi. En 1936, la Commission l'élira président.
– 1928 et 1933 : Orts est chargé de missions d'inspection en Afrique de l'Est et au Congo Belge pour le compte de la Commission Permanente des Mandats. A l’issue de son premier voyage, il dénonce publiquement, en présence du Roi, les excès commis par le colonisateur au Congo, notamment à propos du recrutement à outrance de la main d’œuvre africaine et des conditions de travail inacceptables qui sont non sans rappeler les errements de l'époque léopoldienne. Dépourvu d'un quelconque mandat officiel belge, il obtient néanmoins du Souverain l’envoi d’une commission d’enquête qui portera ses fruits dans une série de domaines touchant à l’amélioration sensible des conditions de vie et de travail des Africains dans les colonies belges. Il continuera dans celles-ci à y exercer sa vigilance comme mandataire de la SDN, mais aussi au travers de ses fonctions (voir plus loin) de président de la Croix-Rouge du Congo (1926-1957) et de président du Crédit foncier africain (1932-1950).
– 1934 : Au décès d’Albert Ier, Pierre Orts est nommé par le roi Léopold III ambassadeur extraordinaire à Berne (Suisse), pour une mission de quelques jours.
– 1929-1940 : Il est nommé Professeur ordinaire de l’Université libre de Bruxelles (1929-1940): il y dispensera deux cours, l’un sur le Régime économique du Congo belge, l’autre sur les Problèmes actuels de Politique internationale.
– 1936-1940 : Orts est élu président de la Commission permanente des Mandats et, à ce titre, il assumera également la charge de Représentant de la Commission devant le Conseil de la Société des Nations.
– Janvier - juin 1945 : Nommé le 13 janvier par le Régent (Charles de Belgique) Haut Commissaire à la Défense de la Population Civile pour le Luxembourg (la province belge), mission au cours de laquelle, basé à Arlon, il organisera avec diligence les secours à la population civile durement touchée durant la Bataille des Ardennes (décembre 1944-janvier 1945) et planifiera la reconstruction de la province, tâche qu'il mènera bien au delà du 30 juin, date officielle de la fin de son mandat.
Ses dernières activités sur la scène internationale (à 73 et 78 ans)
– Novembre 1945 - février 1946 : A 73 ans, Pierre Orts participe aux premiers travaux de l'ONU en qualité de Membre de la Délégation belge à la Commission Préparatoire de l’Organisation des Nations unies (Londres) et, peu après, encore comme Membre de la Délégation belge à la Première Assemblée Générale de l’Organisation des Nations Unies (Londres) où le ministre belge Paul-Henri Spaak assumait la présidence de l'Assemblée. Ces deux cessions de l'ONU, espacées d'une vingtaine de jours, ont totalisé 6 semaines de travaux. (à suivre)
– 1950 : Orts effectue sa dernière mission au Congo belge (à 78 ans) en qualité de Président du Crédit Foncier Africain.
Quelques autres activités
– 1903 : Secrétaire du Commissariat Général du Gouvernement à l’Exposition de Liège.
– 1925 : Fonde la Croix-Rouge du Congo qu'il présidera jusque 1957.
– 1932 : Président du Crédit Foncier Africain jusqu'en 1950.
– 1957 : Inaugure, un an avant sa mort, le Centre Paul Hymans à Bruxelles qui deviendra par la suite, le Centre Jean Gol.
– 1921-1958 : De ses activités dans les domaines des affaires et du monde associatif, peu d'archives subsistent dans ses papiers car les documents concernant les administrateurs sont, en toute logique, conservés au siège même de ces sociétés où ils exercèrent leurs activités : un travail d'investigation en perspective pour d'éventuels historiens en herbe! Des quelques témoignages verbaux et écrits retrouvés dans la presse et les bulletins périodiques des entreprises belges, le nom de Pierre Orts n'y a laissé que des louanges d'assiduité et d'efficacité. Le conseil d'administration d'une des associations sans but lucratif dont il fut président du conseil, lui rend l'hommage posthume en ces termes: "Depuis douze ans [de 1946 jusqu'à sa mort], il n'a cessé de lui [l'a.s.b.l.] consacrer le meilleur de son temps. Jamais depuis que l'Association a repris la publication de la Revue, il n'a manqué d'assister à une seule des réunions du Conseil. Toujours, il a su trouver la solution aux difficultés qui se sont, de temps à autre, présentées. L'évolution des choses a prouvé que ses propositions, adoptées à l'unanimité, étaient spécialement opportunes." (1958). C'est ainsi qu'il se consacra à l'Union Chrétienne des Jeunes Gens (Y.M.C.A) en faisant partie de son Conseil financier.
Pierre Orts est décédé dans sa 86e année, le 12 juin 1958, en sa propriété de Tintange (Ardenne). Son épouse lui survivra cinq ans. Tous deux reposent sous l'ombrage d'une futaie de vieux hêtres à Tintange. Le 19 juin 1958, un service religieux à sa mémoire est célébré en l'Église protestante de Bruxelles, communauté bruxelloise dont il était membre. Selon les dernières volontés du défunt, cet office fut accompagné du Requiem de Mozart.
Bibliographie
Les principaux écrits (plusieurs encore inédits) de Pierre Orts se rapportant au présent article :
- Incidents divers et différends entre le Siam et la France (inédit) - Papiers Orts: Pierre Orts (pièce n°424: 1 liasse) - Archives générales du Royaume, Bruxelles, document daté de Bangkok, 1897.
- Notice historique des relations entre le Siam et la France (depuis le XVIIe siècle) (inédit) – Ibidem (pièce n°422: 1 dossier) - Archives générales du Royaume, Bruxelles, 1905.
- Mon séjour au Siam (inédit en français) – Ibidem (pièce n°414: 1 dossier; à ce jour, il existe une version française, une version anglaise et une publication en thaï) - Archives générales du Royaume (version française), Bruxelles, 1938.
- Le système des mandats de la Société des Nations – Revue de l’Université libre de Bruxelles, Année 1926-1927, Bruxelles, 1927, vol. 32, pp. 494-524 – Texte d’une conférence donnée au palais des Académies, à Bruxelles, le 14 février 1927, en présence de S.A.R. le Duc de Brabant, sous les auspices de la section coloniale de l’Union belge pour la Société des Nations.
- Le Congo en 1928 – Etablissements Généraux d’Imprimerie, Bruxelles, 1930, plaquette, 30 pp.
- L’état de la santé publique au Congo et le problème de la main-d’œuvre indigène (précédé de 2 pages introductives sur les abus du recrutement de la main-d’œuvre au Congo signées par le vicaire apostolique du Haut-Congo, V. Roelens) – Le Flambeau, Bruxelles, février 1929, n°2, pp. 131-161 – Texte d’une conférence donnée par P. Orts au palais des Beaux-Arts, à Bruxelles, en présence de S.M. le roi, le 3 décembre 1928.
- Mission en qualité d'Ambassadeur extraordinaire pour notifier au Conseil fédéral de la Confédération helvétique le décès du roi Albert et de l'avènement au trône du roi Léopold III (inédit) - Papiers Orts: Pierre Orts (pièce n°436: 1 dossier) - Archives générales du Royaume, Bruxelles, 1934.
- The Claim for Colonies: a Belgian view – International Affairs, 1937, vol. XVI, pp. 201-221.
- Le problème colonial au point de vue international – La Dépêche Coloniale belge et l’Essor colonial et maritime, Bruxelles, 3 décembre 1938, n°955, 4 pp.; et dans La Revue catholique des Idées et des Faits, Louvain, 1938, n°38, pp. 1-6.
- La Charte de San Francisco. Un tournant de la colonisation – La Revue Coloniale belge, Bruxelles, juin 1946, n°16, pp. 1-8.
- Rapport Général sur l’activité du Haut Commissariat à la Défense de la Population Civile – Bruxelles, 1945, 144 pp., atlas de 5 cartes hors-texte : Rapport particulier de P. Orts pour le Luxembourg (pp. 90-124) et cosignataire des Conclusions et Suggestions (pp. 133-139).
- Souvenirs de ma Carrière (rédigé de 1938 à 1947) - Document original dactylographié, inédit (216 pp. en format papier ministre + 16 annexes numérotées de I à XVI): document retranscrit intégralement, sauf les annexes, sur traitement de texte en 159 pp. à partir de l'Exemplaire N°4, devant servir de référence, selon P. Orts, car le plus complet des quatre existants (Tintange, mars 2006).
Références principales
- Revue de Droit International, 1902, n°6, p. 63 (à propos de cas d'arbritages au Siam).
- Gazette Pourquoi Pas ? (Editorial) – M. Pierre Orts – Bruxelles, 1919, n°277 (21 novembre 1919), pp. 787-788 (portrait de Pierre Orts en couverture).
- Annuaire Diplomatique et Consulaire – Onzième année, Bruxelles, 1921, p. 180.
- Convention Orts-Milner accordant à la Belgique le protectorat sur le Ruanda-Urundi, 1919. Révision 1923 - Papiers Orts: Pierre Orts (pièce n°434: 1 liasse contenant 4 brochures britanniques) - Archives générales du Royaume, Bruxelles, 1923-1924.
- Pierre Daye – La Croix-Rouge du Congo – Le Soir, 24 juin 1925, p.1.
- Ganshof van der Meersch, W. - Orts, P.C.A.R., dans Biographie belge d'Outremer, Bruxelles, 1968, tome VII, fasc. A, col. 367-380.
- Octave Louwers – Pierre Orts, colonial – La Revue coloniale belge, Bruxelles, 1949, n°84, pp. 206-207, 2 figs (photographie in-texto de Pierre Orts).
- Marie-Anne Dolez – ORTS – Une famille bruxelloise de gens de robe – Tablettes du Brabant, 1956, Tome I, pp. 34 à 36.
- Paul Hymans – Mémoires – Publiés par Frans van Kalken et John Bartier – Inst. de Sociologie Solvay (ULB), Bruxelles, 1958, 2 tomes, 1079 pp.
- Octave Louwers – Hommage à Pierre Orts (3 novembre 1872-12 juin 1958) – Bulletin de l’Académie royale des Sciences Coloniales (Classe des Sciences morales et politiques, 14 juillet 1958), Bruxelles, 1958, vol. IV, n°4, pp. 909-920.
- A. Lederer – De Kongolese Weermacht en de Belgische Operaties in Afrika tijdens de Twee Wereldoorlogende ("L'Armée congolaise et les Opérations belges en Afrique pendant les deux Guerres mondiales") – Bruxelles, 1966.
- Académie royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique – ORTS (Pierre – Charles – Auguste – Raphaël) – Bibliographie nationale, Bruxelles, 1968, tome 34, fasc. 2, pp. 627-634.
- Marie-Rose Thielemans – Inventaire des Papiers Orts – Pierre Orts (pièces n°388 à 555) - Archives générales du Royaume, Bruxelles, 1973, pp. 27-39 et Table Onomastique, pp. 43-58.
- Hugh Robert Boudin - Histoire des Unions Chrétiennes de Jeunes Gens (Y.M.C.A.) en Belgique, Flavion-Florenne, 1983.
- Hugh Robert Boudin - ORTS, Pierre Charles Auguste Raphaël (1872-1857), dans De Léopold Ier à Jean Rey. Les Protestants en Belgique de 1839 à 1989, Bruxelles, 1990, p.85.
- Ingeborg Vijgen - Koloniale zaken op de agenda van de Volkenbond nieuwe regels voor hetzelfde spel? – Ervaringen van Pierre Orts in Genève, in Peter van Kemseke red. - Diplomatiek Cultuur (329 pp.), Universitaire Pers Leuven, Leuven, 2000, pp. 185-202.
Notes et références
- (fr) lire en ligne] Composante marine des forces armées belges, fiche technique du Graf von Götzen [
- (fr) lire en ligne] Composante marine des forces armées belges, fiche technique du Wami [
- (fr) lire en ligne] Composante marine des forces armées belges, fiche technique des Mimi et Toutou [
- (fr) lire en ligne] Composante marine des forces armées belges, fiche technique de la Netta [
- (fr) lire en ligne] Composante marine des forces armées belges, fiche technique de la Mosselback [
- von Lettow-Vorbeck, dès début juillet 1916, a fait retirer les canons et transporter ceux-ci vers Tabora.
- (fr) lire en ligne] marinebelge.be, mission du 28 juillet 1916 de la Netta [
- À titre anecdotique, il y a lieu d'ajouter que le drapeau belge, en guise d'hommage aux services rendus, flottera au centre de Tabora durant un demi-siècle, jusqu'au-delà de la décolonisation du protectorat du Tanganyika.[réf. nécessaire]
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