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Histoire de l'Éthiopie
Cet article fait partie de la série:
Histoire de l’ÉthiopieHistoire ancienne Pays de Pount (-3000 / -1000) D'mt (-800 / -700) Aksoum (-100 / Xe siècle) Liste des rois de D'mt Liste des rois d’Axoum Royaume d’Éthiopie Liste des rois d'Éthiopie Dynasties : Dynastie Zagwe Dynastie salomonide Histoire médiévale Période gondarienne Période des Masâfént Interaction avec les puissances coloniales Théodoros II (1855 / 1868) Yohannès IV (1872 / 1889) Ménélik II (1889 / 1913) Bataille d’Adoua (1896) XXe siècle Hailé Sélassié (1930 / 1974) Campagne d’Abyssinie (1935 / 1941) Résistance éthiopienne Campagne d’Afrique de l’Est (1941) Révolution éthiopienne (1974) Derg (1974 / 1991) Autres Liste des dirigeants d'Éthiopie
Chronologie de l'ÉthiopieL'Afrique en général, et l'Éthiopie plus particulièrement, se trouvent au cœur de l'histoire de l'humanité[1]. L’existence d’un royaume éthiopien au sud de l’Egypte est très tôt évoqué dans l’antiquité à la fois par les sources grecques et par les sources égyptiennes. Celui-ci se développe alors principalement dans ce qui constituera plus tard les régions amhara et tigréenne.
Le royaume d’Axoum, connu comme l’une des quatre puissances de l’époque, qui apparaît vers le Ier siècle, unifie les royaumes existants. Les sources historiographiques éthiopiennes deviennent alors disponibles par l’apparition du guèze.
La dynastie Zagwe prend le pouvoir au XIIème siècle et transporte la capitale vers Lalibela. Elle est suivie de la dynastie salomonienne qui lui succède à partir du XVème siècle. Le XIXème siècle est marqué par une lutte permanente pour la sauvegarde de l’indépendance du pays face aux ambitions des puissances coloniales, la victoire d’Adoua sous Menelik II met fin en 1896 à ces prétentions. L’Ethiopie s’étend alors plus au sud et prend la forme de l’Ethiopie moderne. Cette indépendance préservée caractérise l’Ethiopie au sein de l’Afrique actuelle.
Le XXème siècle est caractérisé par Hailé Sélassié, le dernier neguse negest, dont le règne traverse l’invasion mussolinienne, jusqu’à la révolution de 1974. Celle-ci est rapidement récupérée par la junte du Derg, puis par la dictature de Mengistu, conduisant à des années de guerre civile jusqu’en 1991, année de libération par le Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien.
Meles Zenawi, alors dirigeant du FDRPE, devient premier ministre suite à la libération et a été reconduit jusqu’à présent, malgré les contestations de l’opposition.
L'Éthiopie abrite les restes des plus anciens hominidés connus (entre autres, Dinknesh (ድንቅ ነሽ), appelée généralement « Lucy », âgée de 3,18 millions d'années, et Ardipithecus kadabba, un hominidé de 5,2 à 5,8 millions d'années) mais également les plus anciennes traces de l’homo sapiens moderne [2][3].
Aux origines de l’Éthiopie
Paléoanthropologie
Depuis le début des fouilles entreprises dans le pays dans les années 1960, l’Éthiopie témoigne d’un patrimoine paléontologique extrêmement riche qui génère encore de nos jours de nouvelles découvertes. L’Éthiopie, située sur la Vallée du grand rift, est ainsi avec le Tchad, où fut découvert Sahelanthropus tchadensis, alias Toumaï, vieux de 6 à 7 millions d’années, et le Kenya avec Orrorin tugenensis âgé de 6 millions d’années, l’un des pays où on retrouve les restes des plus anciens représentants de l’espèce humaine.
Le plus connu d’entre eux, Dinknesh, communément appelée Lucy, a été découverte le 30 novembre 1974 à Hadar sur les bords de la rivière Awash dans le cadre de l'International Afar Research Expedition, un projet regroupant une trentaine de chercheurs américains, français et éthiopiens. Daté de 3,2 millions d’années, Dinknesh appartient au genre Australopithecus afarensis, cousin du genre homo, il s’agit du premier fossile relativement complet qui ait été découvert pour une période aussi ancienne.
En février 2001, une équipe éthiopienne et américaine dirigée par les paléontologues Yohannes Hailé-Sélassié et Tim White annonce la découverte d’un hominidé âgé de 5,2 à 5,8 millions d'années. L'Ardipithecus kadabba (de l’Afar, ancêtre de base de la famille), considéré comme appartenant à la même espèce que Ardipithecus ramidus (de l’Afar Ardi, terre et ramid, racine)[4].. En janvier 2005, la revue ‘’Nature’’ présente la découverte de nouveaux représentants de l'espèce Ardipithecus kadabba au nord-est de l'Éthiopie par l’équipe de Sileshi Semaw (Université de l'Indiana) [5],[6]
En février 2005, une équipe de paléontologues éthiopiens et américains, co-dirigée par Bruce Latimer, directeur du Musée d’Histoire naturelle de Cleveland (États-Unis) et par le spécialiste éthiopien Yohannes Hailé-Sélassié, découvre des restes fossilisés d’un squelette âgé de 3,8 à 4 millions d’années aux alentours de la localité de Mille, dans la région de Afar, dans le nord-est de l’Éthiopie, qui pourrait être le plus vieux « bipède exclusif » jamais découvert[7].
En février 2005, Ian McDougal précise la datation de deux crânes baptisées Omo 1 et Omo 2 découverts en 1967 à Kibish, en Éthiopie. A partir des sédiments dans lesquels avaient été retrouvés ces crânes, ceux-ci ont été datés d'environ 195 000 ans, constituant ainsi les plus vieux ossements d'Homo sapiens découverts sur le globe. [8][9]
En février 2008, l’Éthiopie fourni pour la première fois le fossile d’un ancêtre des grands singes africains. Âgé de 10 millions d’années, Chororapithecus abyssinicus pourrait être un gorille primitif ou représenter une branche indépendante proche de celle des gorilles. La découverte a été réalisée dans la région de l’Afar par une équipe japonaise et éthiopienne. Gen Suwa (Université de Tokyo), Berhane Asfaw (Centre de recherche de la Vallée du Rift, Addis Abeba)[10]
L’une des découvertes les plus importantes est réalisée en juin 2003 par une équipe internationale dirigée par Tim White, F. Clark Howell (Berkeley, Californie), et Berhane Asfaw (Centre de recherche de la Vallée du Rift, Addis Abeba) : ceux-ci mettent à jour trois crânes considérés comme les plus anciens fossiles découverts jusqu’à ce jour, et les mieux préservés, du prédécesseur immédiat de l’homme moderne[2]. Le fossile est dénommé Homo sapiens idaltu (idaltu voulant dire "ancien" en langue Afar, région des fouilles). Daté de 154 000 ans, il constitue le plus vieux représentant de l'espèce Homo sapiens. La découverte est réalisée près du village de Herto, à 225 km au nord-est de la capitale éthiopienne Addis-Abeba. Berhane Asfaw, chercheur éthiopiende l’équipe, indique alors « Avec l’Homo sapiens idaltu, vous avez maintenant en Éthiopie la séquence entière de l’évolution humaine »[11], le journal American Scientist titre en décembre 2003 : « Nous sommes tous africains »[3]..
Dinknesh (ድንቅ ነሽ) et Ardipithecus kadabba, sont de nos jours exposés au musée national d'Addis-Abeba.
Préhistoire
Industrie lithique
C’est de l'Éthiopie que proviennent les plus anciens outils taillés connus à ce jour[12]: ils ont été découverts sur le site de Kada Gona, à Hadar (Éthiopie) dans des terrains datés de 2,3 à 2,6 millions d'années. Ces premiers outils sont des choppers, galets aménagés présentant un bord tranchant[13]
L'Oldowayen, caractérisé par une industrie lithique peu élaborée, laisse place à l’Acheuléen à partir d’environ 1,7 millions d’années. Celui-ci se caractérise par l'apparition de nouveaux outils, plus grands et plus élaborés, tels que les bifaces, les hachereaux ou les bolas. Ces nouvelles techniques apparaissent elles aussi pour la première fois en Afrique[13]. Parmi les sites de ces périodes on note ceux de Melka Kunture[15] et de Gadeb.
Sur le site de Melka Kunture, qui offre l'un des plus anciennes attestations de l'Homo erectus sur le continent africain[16], ont été retrouvés plusieurs milliers d'outils travaillés (grattoirs, rabots, pièces à encoches et outils denticulés). Des milliers d'obsidiennes ont également été retrouvées sur ces sites: la dénomination des ces outils viendrait de Obsius, un personnage de la Rome antique qui signala le premier la présence de cette roche en Éthiopie[17].
Art rupestre
Des découvertes archéologiques récentes montrent que les habitants de l'Éthiopie actuelle pratiquaient l'art rupestre vers 10,000 a. J.C[18].. De nombreuses peintures ont été retrouvées dans les régions d'Harage, Gamu-Gofa, du Tigré et en Érythrée. Certaines d'entre elles montrent la traite des vaches, l'utilisation d'arcs et de flèches, de lances et de boucliers. Le bétail, les chèvres, lions et éléphants y sont très représentés. L'agriculture, via la culture du teff, des graines de nyjer (graines de Niger) issu de Guizotia abyssinica et de la banane ensete (Edulis edule), sont cultivées avant 5000 av. J.C.. Les cultures de blé et d'orge, tout d'abord apparues en Asie Mineure et en Iran, sont introduites vers 6000 av. JC[19].. Des recherches menées près d'Axoum montrent que la labourage et la charrue étaient utilisés avant le début de l'ère chrétienne. Les pièces axoumites pré-chrétiennes représentent un épi de blé, accompagné du symbole pré-chrétien du Soleil et de la Lune.
La date de domestication du bétail est mal définie. Les peintures rupestres suggèrent que les moutons et les chèvres sont domestiqués avant 2000 av. J.C[20].
Le mégalithisme éthiopien
C'est dans la région du sud de l'Éthiopie que se trouve encore aujourd'hui la plus grande concentration de mégalithes de tout le continent africain[21]. Certaines de ces sépultures, ou dolmens, sont d'une grand ancienneté puisque certains remontent au dixième millénaire avant notre ère[21]. On en dénombre une centaine dans le Harar. D'autres plus récentes (premier millénaire de notre ère ) se comptent par milliers (un chiffre de 10,000 est avancé) dans le Shoa et le Sidamo. Les explorateurs étrangers connaissent ces monuments depuis la fin du XIXe siècle siècle (Antonio Cecchi (1878), Paul Soleillet (1882), François Azais(1920)). Les éthiopiens musulmans et chrétiens ignorent aujourd'hui leur origine.
Il semble que l'être humain soit souvent le centre de la représentation, lorsque le monument n'est pas lui-même anthropomorphe. La taille du monument varie de 1 à 8 mètres.
On distingue ainsi selon Francis Anfray: " des stèles anthropomorphes, des stèles à épées, des stèles à figuration composite, des stèles au masque, des monolithes phalloïdes, des pierres hémisphériques ou coniques, des stèles simples sans nulle figuration"[21]. On sait que la plus grande partie de ces mégalithes ont une signification funéraire, vraisemblablement érigés par un peuple d'agriculteurs[21].
L'une des régions les plus marquées par ce mégalithisme se trouve dans la région du Soddo, au sud d'Addis-Abeba, où quelques 160 sites archéologiques ont été découverts jusqu'à présent, celui de Tiya est l'un des plus importants. Il comprend 36 monuments, dont 32 stèles présentant une figuration sculptée faite d'épées et de symboles demeurés énigmatiques. Ces stèles témoignent d'une culture proto-historique d'Éthiopie que l'on n'a pas encore pu dater avec précision[21]: alors que les archéologues Azaïs et Chambard, découvreurs du site, proposent l’origine d'un culte néolithique par les ancêtres des Égyptiens[22],[23], une autre équipe d'archéologues français propose une datation entre le XIe et le XIIIe siècle[24], l'UNESCO ne proposant pas de datation officielle[25]. Le champ de stèle de Tiya est classé au patrimoine mondial de l’UNESCO[25].
Un des motifs récurrents du site est un symbole "ramifié" que l'on retrouve également sur les sites du Soddo, et les monolithes phalloïdes du Sidamo, plus au sud. Ce symbolisme élaboré n'a pu être expliqué[21].
L'antiquité éthiopienne
Les sources grecques
Il existe une confusion sur l'utilisation du mot Éthiopie dans la période antique et les temps modernes. Les Grecs anciens utilisaient le mot Αἰθιοπία / Aithiopía qui signifie « le pays des visages brûlés », de αἴθω / aíthô « brûler » et ὤψ / ốps, « visage », pour désigner les peuples vivant au sud de l'Égypte antique, en particulier dans la région aujourd’hui connue sous le nom de Nubie ; l'utilisation moderne en a déplacé la signification plus loin vers le sud sur les terres connues vers la fin du XIXe siècle et début du XXe siècle sous le nom d'Abyssinie. On sait aujourd'hui que dans la période antique le nom Éthiopie était employé pour désigner la région de la haute vallée du Nil du Sud de l'Égypte, également appelé Koush, qui au IVe siècle av. J.-C. fut envahie par les Axoumites, habitants des hautes montagnes du bord de la mer Rouge. La correspondance entre le royaume d'Aksoum et le nom de l’Éthiopie moderne remonte à la première moitié du IVe siècle, où l’inscription de la stèle d'Ezana en Guèze, alphabet sud arabique et grec traduisait « Habashat » (la source du nom Abyssiniae) par Aethiopia en grec.
En Grèce antique, les Éthiopiens (Africains du nord-est en général comprenant les Kouchites) étaient considérés comme un peuple sacré aimé des dieux. Homère évoque dans l'Iliade (I, 423) les Dieux de l'Olympe partis festoyer chez les « Éthiopiens sans reproche ». l'Éthiopide, l'une des épopées du Cycle troyen, narre les aventures du prince éthiopien Memnon, venu aider les Troyens. Memnon était considéré comme un des héros les plus nobles qui aient participé à la guerre de Troie et l’un des hommes le plus beau de son temps, surpassé à la guerre seulement par Achille. Selon une version du mythe, les dieux l'admiraient tellement qu'à sa mort, de l'épée d'Achille, ils décidèrent de lui accorder l'immortalité. Selon la mythologie grecque, les Éthiopiens ont acquis leur couleur de peau foncée lorsque le soleil s’est rapproché très près de leur terre.
Des analyses génétiques récentes (2001) ont par ailleurs permis de mettre en évidence que les liens unissant la Grèce antique et l'Éthiopie sont relativement ancients même si leur origine est mal déterminée. Une équipe de chercheurs des universités de Madrid et de Skopje[26], se basant sur des analyses génétiques du système d'antigènes HLA ont ainsi démontré que "les populations grecques ont une forte proximité avec les populations sub-sahariennes éthiopiennes, qui les différencie es autres groupes méditerranéens. Les populations grecques et éthiopiennes sont porteurs d'allèles quasi-spécifiques (*0305,*0307, *0411, *0413, *0416, *0417, *0420, *1110, *1112, *1304 et *1310.). La proximité génétique des grecs avec les éthiopiens est plus forte qu'envers tous les autres groupes méditerranéens (...). L'époque à laquelle cette relation s'est fondée est ancienne mais incertaine, et peut être liée au déplacement des éthiopiens vivant dans l'Egypte ancienne."[27]
Les sources égyptiennes : le Pays de Pount
Les Égyptiens anciens étaient connaisseurs de myrrhe (originaire du Pays de Pount) dès les première et deuxième dynasties, ce qu'indique selon Richard Pankhurst[28] l'existence d’un commerce entre les deux pays dès les premières heures de l'Égypte antique. J.H. Breasted pose en principe que ce rapport commercial précoce aurait été réalisé en suivant la voie du Nil et de ses affluents (c'est-à-dire le Nil et l'Atbara) plutôt que par la mer Rouge. Les premiers enregistrements de l'activité éthiopienne viennent des commerçants égyptiens, aux environs de 3000 av. J.-C., qui se réfèrent aux terres du sud de la Nubie ou de Koush comme le Pays de Pount ou de Ta Néterou.
Le premier voyage connu au Pays de Pount a lieu au XVe siècle sous le règne du pharaon Sahourê de la Ve dynastie. L'expédition la plus célèbre néanmoins a lieu pendant le règne de la Reine Hatchepsout probablement aux alentours de 1495 av. J.-C., tels que le montrent les détails des fresques du sanctuaire de Deir el-Bahari de Thèbes détaillant l'expédition. Les inscriptions dépeignent un groupe de commerçants rapportant des « encens, myrrhe et cannelle, or, ivoire et ébène, plumes d'autruche, peaux de panthère et bois précieux et quelques babouins, cynocéphales sacrés du dieu Thot »[30]. Les informations détaillées sur ces deux nations sont clairsemées, et il existe de nombreuses théories au sujet de la localisation et la nature des relations qu'entretenaient ces deux peuples. Les Égyptiens appelaient le Pays de Pount « Ta Néterou.», signifiant la "Terre des Dieux", qu'ils considéraient comme la Terre de leurs origines[31].
La conquête de l'Ethiopie par les pharaons de la XVIIIe dynastie est consignée sur les pylônes du temple de Karnak. Parmi les 47 villes éthiopiennes consignées, on trouve notamment Adoua et Adulis, le port du futur royaume d'Axoum, mais aucune mention d'Axoum à cette époque[32]. Les traductions des hiéroglyphes de Karnak montrent notamment que l'Ethiopie était à cette époque divisée en 3 régions : Berberata, au nord, Tekrau (Tigré) au centre et Arem (Amhrara) au sud, qui sont proches des divisions persistantes de nos jours en Éthiopie.[32]
L’Encyclopædia Britannica de 1911 indique que les liens entre l'Égypte et l'Éthiopie remontent dès la vingt-deuxième dynastie des pharaons d'Égypte, et qu'à partir du règne de Piânkhy, pharaon de la vingt-cinquième dynastie, de temps à autre les deux pays étaient placés sous la même autorité ; la capitale de ces deux empires était alors située dans le nord du Soudan moderne, à Napata.
Certains indices laissent à penser que les relations entre l’Égypte et l’Éthiopie aient pu s’inverser quelques siècles plus tard: une équipe de l’université de Hambourg a mis en évidence en mai 2008, l’apparition d’un culte de Sothis en Éthiopie avant le 6e siècle, ainsi que les caractéristiques d’un culte d’Osiris pratiqué vers 600 av. J.-C[33]..
Le Royaume de D'mt
Vers 800 av. J.-C. le royaume de D'mt apparaît en Éthiopie, localisé autour de Yeha (considéré comme étant la capitale) au nord de l’Éthiopie[34]. Le royaume semble avoir eu des relations très étroites avec le royaume sabéen du Yémen. Les seules inscriptions connues des rois de D'mt incluent des références aux rois régnant à la même époque au royaume sabéen. Le royaume de D'mt a développé des procédés d'irrigation, utilisait des charrues, cultivait le millet, et travaillait déjà le fer pour forger ses propres outils et ses armes. Les restes d'un temple important datant d’environ 700 avant J-C ont été préservés à Yeha[35], près d'Aksoum. La transition de D'mt au royaume d'Aksoum reste encore aujourd’hui assez peu comprise[36].
Le Royaume d'Aksoum
Article détaillé : Royaume d'Aksoum.Le premier véritable empire de grande puissance à apparaître en Éthiopie fut celui d'Aksoum au Ier siècle. Il fut parmi les nombreux royaumes à succéder à D'mt et réussit à unir les royaumes du plateau éthiopien du Nord qui étaient apparus au Ier siècle av. J.-C. Les bases du royaume furent posées sur les hauts plateaux du Nord et s’étendirent à partir de là vers le Sud. Le prophète Mani, figure religieuse Perse, citait à cette époque Aksoum comme une des quatre grandes puissances de son temps avec l’empire romain, la Perse, et la Chine.
Les origines du royaume d'Aksoum sont encore aujourd’hui peu connues, et les experts ont à ce sujet différentes interprétations. Même l’identité du premier roi connu est contestée : si C. Conti Rossini propose que Zoskales d'Axoum, mentionné dans Le Périple de la mer Érythrée, peut être identifié avec un certain Za Haqle identifié parmi la liste des rois éthiopiens (hypothèse reprise par de nombreux historiens ultérieurs tels que Yuri M. Kobishchanov[37] et Sergew Hable Sellasie), G.W.B. Huntingford pense que Zoskales était seulement un personnage secondaire dont l'autorité se serait limitée à Adulis, et que l'identification de Conti Rossini ne peut être justifiée[38].
Située dans le nord-est de l’Éthiopie et de l’Érythrée actuelles, Axoum était fortement impliquée dans le commerce avec l’Inde et le bassin méditerranéen, en particulier l’empire romain (plus tard byzantin).
Axoum est mentionnée dès le Ier siècle dans le Le Périple de la mer Érythrée comme ayant une activité commerciale importante, exportant l’ivoire dans tout le monde antique, des écailles de tortues, de l’or et des émeraudes, important de la soie et des épices, notamment à travers son port principal situé à Adulis.
"From that place to the city of the people called Auxumites there is a five days' journey more; to that place all the ivory is brought from the country beyond the Nile through the district called Cyeneum, and thence to Adulis." Périple de la mer Érythrée, Chap.4
L’accès d’Axoum à la mer Rouge et au Nil lui offre de nombreux débouchés maritimes pour profiter du marché entre les différentes régions africaines (Nubie), arabes (Yémen) et les états indiens. Au IIIe siècle Axoum s’étend sur la péninsule arabe au-delà de la mer Rouge, et vers 350, conquiert le royaume de Koush.
L’importance du marché axoumite fait preuve de nombreuses attestations archéologiques: des pièces axoumites ont été découvertes dans de nombreuses parties du sud-ouest indien, alors que de la monnaie kouchane indienne fut retrouvée au monastère de Debré Damo dans le nord-ouest de l’Éthiopie[39]. Les contacts à travers l’Océan indien trouveront écho un siècle plus tard, lorsque le prêtre d’Adulis Moses, se rendra en Inde en compagnie d'un prêtre copte d’Égypte afin d’étudier la philosophie Brahmane, ou lorsque le roi Kaleb fera appel à des navires notamment indiens pour mener sa campagne au Yémen.[39]
À son apogée, Axoum contrôle le nord de l’Éthiopie actuelle, l’Érythrée, le nord du Soudan, le sud égyptien, Djibouti, la partie occidentale du Somaliland, le Yémen et le sud de l’Arabie saoudite, totalisant un empire de 1.25 million de km²[41].
Ce qui caractérise incontestablement cet empire est la pratique de l'écriture. Cet alphabet spécifique, appelé Ge’ez, se modifiera par la suite en introduisant des voyelles devenant un alphasyllabaire. D'autre part, les obélisques géants marquant les tombes (chambres souterraines) des rois ou de nobles restent les plus célèbres empreintes du royaume.
Des inscriptions trouvées en Arabie méridionale célèbrent des victoires contre GDRT (« Gadarat »), décrit en tant que "nagashi de Habashat [ c.-à-d. Abyssinia ] et d'Axum." D'autres inscriptions ont été employées pour dater GDRT (interprété comme représentant un mot Ge'ez tel que Gadarat, Gedur, Gadurat ou Gedara) autour du début du IIIe siècle. Un sceptre en bronze a été découvert à Atsbi Dera avec une inscription mentionnant l'"GDR d'Axoum". Des pièces de monnaie à l’effigie du roi ont commencé à être frappées sous le roi Endubis vers la fin du IIIe siècle.
Le christianisme est introduit dans le pays par Frumentius, fait premier évêque de l'Éthiopie par saint Athanasius d'Alexandrie vers 330. Frumentius convertit Ezana, qui a laissé plusieurs inscriptions détaillant son règne avant et après sa conversion. Une inscription trouvée à Axoum, déclare qu'il conquit la nation du Bogos dont il est rentré victorieux, grâce au soutien de son père, le dieu Mars. Des inscriptions postérieures montrent l'attachement grandissant d'Ezana pour le christianisme, confirmé par la modification des pièces de monnaie, passant des motifs du disque solaire et du croissant lunaire au signe de la croix.
L’hégémonie qu’exercait le roi Ezana sur ses voisins, est enregistrée sur une inscription (Inscription d’Ezana).Des inscriptions en Ge’ez découvertes à Méroé attestent d’une campagne menée par le royaume axoumite soit sous Ezana, ou l’un de ses prédécesseurs comme Ousanas. Les expéditions d'Ezana au royaume de Koush à Méroé au Soudan ont pu être responsables de sa chute, bien qu’il existe des signes indiquant que le royaume était déjà entré dans une période de déclin. Suite à l'agrandissement de l'empire sous Ezana, Axoum partageait des frontières avec la province romaine de l'Égypte.
Il s'avèrerait au vu des faibles indices à disposition que cette nouvelle religion ne jouissait à ses débuts que d'une influence limitée. Vers la fin du Ve siècle un groupe de moines connu sous le nom des « Neuf Saints » s'établit dans le pays. À partir de cette époque le monachisme sera présent parmi la population ce qui ne sera pas sans conséquence par la suite.
En 523, le roi juif Dhu Nuwas prend le pouvoir au Yémen et, annonçant sa volonté de persécuter tous les chrétiens, il commence par attaquer une garnison Axoumite à Zafar, brûlant les églises de la ville. Il attaque alors le bastion chrétien de Najran, abattant les chrétiens réticents à la conversion. L'empereur Justin Ier de l'Empire romain d'Orient demande alors l’aide de son ami chrétien, Kaleb d'Axoum, pour combattre le roi yéménite. Vers 525, Kaleb défait Dhu Nuwas, envahit son royaume et désigne alors Sumyafa' Ashwa' vice-roi d'Himyar.
L'historien Procope indique qu’après cinq ans, Abraha dépose le vice-roi et se fait couronner roi (histoires 1.20). Malgré plusieurs tentatives d’invasions infructueuses par la mer Rouge, Kaleb ne réussit pas à déposer Abraha, et dut se résigner à la situation ; ce fut la dernière fois que les armées éthiopiennes sortirent d'Afrique jusqu'à la guerre de Corée du XXe siècle à laquelle ont participé plusieurs unités. Par la suite, Kaleb abdique en faveur de son fils Wa'zeb et se retire dans un monastère où il finira ses jours. Abraha conclut alors un traité de paix avec le successeur de Kaleb reconnaissant sa supériorité. En dépit de cet évènement, c'est sous le règne d'Ezana et de Kaleb que le royaume atteint son apogée, tirant bénéfice d’importantes relations commerciales, se prolongeant alors jusqu’en Inde et Ceylan, et en communication constante avec l'empire byzantin.Les informations sur le royaume d'Aksoum deviennent de plus en plus éparses à partir de cette époque. Le dernier roi connu pour avoir fait battre monnaie se nomme Armah, dont les pièces portent l'effigie des conquêtes persanes de Jérusalem en 614. Une tradition musulmane indique que celui-ci, connu sous le nom de nedjaschi Ashama ibn Abjar dans la littérature arabe, offrit l'asile au royaume d'Axoum aux musulmans fuyant les persécutions de la Mecque pendant la vie de Mahomet. L'Éthiopie a donc été le tout premier pays d'accueil de l’islam. Un hadith coranique affirme que Mahomet recommande alors aux siens de ne jamais attaquer l'Éthiopie à moins d’être attaqués par celle-ci.
La fin du royaume d'Aksoum est au moins aussi mystérieuse que son commencement. Par manque d’indices détaillés, la chute du royaume a été attribuée à une période de sécheresse persistante, le déboisement, la peste, une variation dans les routes du commerce réduisant l'importance de la mer Rouge ou une combinaison de ces facteurs. En fait avec l'avènement de l'islam, Aksoum perd à la fois ses possessions yéménites et son commerce extérieur[42]. Karl W. Butzer propose que l’environnement ait pu jouer un rôle important à la fin d’Axoum, ou ce serait moins le fait des relations commerciales se réduisant après 700, que l’appauvrissement des sols lié à une agriculture intensive combinée à une diminution des précipitations, qui expliquerait le déplacement du centre du pouvoir vers les terres plus fertiles et humides du centre de l’Éthiopie[43].. Munro-Foin cite l'historien musulman Abu Ja'far al-Khwarazmi/Kharazmi, qui écrit en 833, que la capitale "du royaume de Habash" était alors Jarma. Il est également possible que Jarma ne soit un autre nom d'Axoum tiré du guèze girma ('remarquable'). Pour d'autres une nouvelle capitale Kubar aurait été fondé plus au sud[44]. Ceci laisserait à penser que la capitale se serait alors déplacée vers un nouvel emplacement, jusqu’alors inconnu[45].
Le Moyen Âge éthiopien
Les Zagwé
Article détaillé : Dynastie Zagwe.Sous le patriarche copte du Caire Côme III (921-933), le métropolite d’Éthiopie Pétros doit intervenir dans la succession de l’empereur décédé. Deux moines coptes, venus du Monastère Saint-Antoine en Égypte, montent contre lui une imposture ; ils provoquent le renversement de la succession réglée par Pétros et l’un des religieux se fait, au moyen de lettres factices, reconnaître comme Abouna à sa place. Les faits ne sont connus en Égypte que beaucoup plus tard : le Patriarcat lance alors des excommunications et s’abstient, pendant de longues années, d’envoyer un nouvel archevêque en Éthiopie. Le pays, jusque-là prospère, sombre dans les calamités : au milieu du Xe siècle, la reine Agäw, Gudit (La Merveilleuse, ou Esato, La Monstrueuse) souveraine d’une population judaïsée du Damot, brûle les églises, dévaste les terres, détruit Aksoum de font en comble, et pourchasse le souverain, qui voyant un signe de la colère de Dieu, demande au Patriarche du Caire Philothée (979-1003), par l’intermédiaire des Nubiens, un nouveau métropolite. Il demande de l’aide et la levée de l’interdit contre son pays et contre son peuple. Les traditions disent que les malheurs cessèrent après la venue de ce dernier.
Vers 960, la princesse Gudit échafauda un plan d’assassinat des membres de la famille royale afin de s’approprier le pouvoir. Selon certaines légendes, pendant le meurtre, un nouveau-né héritier de la dynastie axoumite fut protégé par certains croyants et emmené au Shoa où son ascendance fut reconnu, alors que Gudit règne pendant 40 ans sur le reste du royaume, et transmet la couronne à ses descendants.
Aksoum est détruite à la fin du Xe siècle. Le souverain éthiopien qui succède à la reine Gudit serait un usurpateur, qui n’appartient pas à la dynastie légitime. La seule certitude est qu’il ne réside plus à Aksoum.
Au siècle suivant, le dernier descendant de Gudit fut renversé par un seigneur Agaw du nom de Mara Takla Haymanot, fondateur de la dynastie Zagwe et mariée à une descendante d’un monarque axoumite. L'apogée de cette dynastie fut atteint lors du règne du roi Lalibela, Gabra Masqel, pendant lequel les onze églises de Lalibela furent taillées dans la pierre.
En 1270, une nouvelle dynastie s'établit sur les hautes terres éthiopiennes avec le règne de Yekounno Amlak qui déposa le dernier roi Zagwe et épousa l'une de ses filles. Selon certaines légendes la nouvelle dynastie était alors constituée d'héritiers des monarques axoumites, reconstituant ainsi la continuité de la dynastie Salomonienne (le royaume étant ainsi rendu à la lignée royale biblique).
Le début de la dynastie salomonienne
Sous la dynastie solomonienne, on distingue trois grandes provinces en Éthiopie : le Tigré (au Nord), l'Amhara (au centre) et Choa (au sud). Le gouvernement, ou plutôt l'autorité suprême, siège généralement dans l’Amhara ou le Choa, dont le dirigeant, prend le titre de Negusse Negest. Ce titre est une extension considérable du titre du dirigeant, basée sur la reconnaissance de son ascendance directe du roi Salomon et de la reine de Saba ; il est inutile de signaler que dans beaucoup, sinon la plupart des cas, cette reconnaissance s’est souvent faite plus par la force que la pureté véritable de la lignée.
Vers la fin du XVe siècle des missions portugaises commencent à avoir lieu en l'Éthiopie. Issues d'une vieille croyance ayant longtemps régné en Europe sur l'existence d'un royaume chrétien en Extrême-Orient, diverses expéditions européennes étaient parties à la recherche du royaume chrétien du prêtre Jean. Parmi les membres de l'expédition se trouve notamment Pêro da Covilhã, qui arrive en Éthiopie en 1490, et, croyant avoir enfin atteint le célèbre royaume, présente au negusä nägäst, une lettre du roi du Portugal, adressée au prêtre Jean.
Pêro da Covilhã reste dans le pays, mais en 1507 un Arménien du nom de Matthew envoyé par l'empereur au roi du Portugal vient lui demander son aide pour repousser les musulmans. En 1520 une flotte portugaise, entre dans la mer Rouge conformément à cette demande, une ambassade portugaise rend visite au Negusse Negest Dawit II, et s’établit en Éthiopie pendant environ six ans. Parmi cette délégation se trouve le père Francisco Alvarez, qui écrira l'une des premières historiographies éthiopiennes à destination de l'Europe. Cette description s’arrête en 1527, début des campagnes d’Ahmed Gran.
Les guerres d’Ahmed Grañ (1527-1543)
Article détaillé : Guerre Adal-Éthiopie.De 1528 et 1540 une armées musulmane dirigée par l’Imam Ahmed ben Ibrahim al-Ghasi, dit Ahmed Gran, « le gaucher », pénètre l'Éthiopie du sud au sud-est du pays. Ahmed Gran, originaire du Harar (voir Histoire de la Somalie) avait essentiellement réussi à unir les peuples de l’Ogaden, et s'était doté d’une cavalerie d'Afars, d’Hararis et de Somalis qu’il se lance dans ses conquêtes.
Gran remporte la bataille de Chimberra Couré le 18 mars 1528. En deux ans, il contrôle les trois quarts du pays. Après 5 années, devenu sultan de Harar, il achève la conquête de l’Abyssinie, à l’exception de quelques régions montagneuses où s'est réfugié le négus.
C’est dans ces conditions que Dawit II lance un appel à l’intention des portugais. Jean Bermudes, un des membres de la mission de 1520 demeuré en Éthiopie après le départ de l'ambassade est envoyé à Lisbonne. Une armée de 600 soldats dirigée par Christophe de Gama débarque en Éthiopie en 1541 et rejoint les troupes éthiopiennes.
Les premières confrontations en 1542 sont victorieuses, mais à la bataille de Wofla le 28 août 1542, Ahmed Gran, soutenu par les Turcs, remporte la victoire, capture Christophe de Gama, qui sera décapité. Le 21 février 1543, s’engage la bataille de Wayna Daga à Zantara, Ahmed Gran y trouvera la mort arquebusé par le portugais Pédro Léon. Berhanou Abebe, historien éthiopien, écrit notamment à propos de cette période : « Ainsi prend fin le deuxième cycle des grands migrations que l’on a souvent interprétées comme un affrontement islamo-chrétien. De part et d’autres, les chroniques du temps sont l’œuvre des clercs et des lettrés, frottés de religion. Ils tendent à imposer à tout bout de champ le schéma explicatif de leur idéologie, alors qu’en vérité, le motif le plus fort qui aura prévalu dans le conflit larvé entre 2 systèmes complémentaires (production-circulation) est essentiellement économique »[47].
Au cours de ces évènements, un désaccord commença à apparaître entre l'empereur et Jean Bermudes du Portugal. Celui-ci exigea au nom de l’alliance ethio-portugaise, la conversion de l’empereur au catholicisme. L'empereur refusa, et Bermudes fut chassé du pays.
La guerre civile (1557-1633)
Article détaillé : Sousnéyos.Des jésuites arrivent en Éthiopie dès 1557. Sarsa Dengel tolère la présence des jésuites à Fremona, près d’Adoua. Au début du XVIIe siècle, le père Paez arrive à Fremona, habile et diplomate, il gagne la confiance de la cour et du roi. Sousnéyos, couronné à Aksoum en 1608, décide en 1613 de tenir la promesse qu’il considère que ses prédécesseurs ont fait de se rallier à l’Église latine lors de l’intervention portugaise de 1541. Malgré les opposants qui tentent de le faire excommunier publiquement par l’Abouna, Sousnéyos persiste et commence par interdire l’observation du shabbat.
En 1621, Sousnéyos se confesse auprès du père jésuite Paez, faisant ainsi profession de catholicisme. Puis il fait proclamer la religion romaine à Aksoum où le grand majordome lit l’édit impérial en présence des grands, dont beaucoup sont déjà convertis.
Le patriarche Alfonso Mendes, qui a succédé à André d’Oviedo, impose des mesures immédiates et intransigeantes : re-baptême des chrétiens éthiopiens, re-consécration des églises dont les Arches (les tabots traditionnels), sont bannis. Il fait abandonner sans transition la liturgie guèze pour la messe en latin que nul ne comprend, et renoncer au culte des saints éthiopiens, dont parfois les restes sont déterrés et jetés hors des sanctuaires. Des sanctions terribles (langue coupée, bûcher ou pendaison), frappent ceux qui se rebellent, provoquant en retour une révolte générale.
En 1632, la rébellion contre la religion romaine imposée en 1621 devient guerre civile.
Sous les ordres de Mélkas-Christos, une armée, constituée surtout de montagnards du Lasta, marche contre les troupes impériales, qui connaissent d’abord un échec: les soldats veulent bien sauver l’empire, mais refusent de défendre la religion étrangère et la décision du roi[48]. Sousnéyos cède, et les troupes impériales écrasent les vingt-cinq mille révoltés à Ouaïna-Dega. La bataille fait huit mille victimes. C’est notamment à cette époque troublée et dans ce contexte, que le philosophe éthiopien Zara Yaqob écrira dans ses méditations :
« Les Fang nous disent : « Notre foi est la vraie, la votre ne l’est pas ». Nous leur disons : « Il n’en est pas ainsi, votre foi est fausse, la nôtre est la vraie. ». Si nous demandons la même chose aux juifs et aux mahométans et aux juifs, ils revendiqueront la même vérité, et qui peut être juge pour ce genre d’argument ? Pas un seul être humain ne peut être juge : car tous les hommes sont demandeurs et défendeurs entre eux - Enquête sur la foi et la prière»[49].
Sousnéyos abdique alors en faveur de son fils Fazilidas le 14 juin 1632 et rétablit la religion nationale. Fazilidas expulse les jésuites en 1633.
La période gondarienne (1632-1769)
Jusqu’à cette période, la monarchie vivait de façon itinérante, stratégie parfaitement adaptée à un moyen de d’attaque et de défense. La période de troubles durant laquelle Fazilidas est porté au pouvoir, qui fait suite aux incursions d’Ahmed Gran et à la guerre civile qui a suivi, l’amène à rechercher une sécurité renforcée. Dès sa prise de pouvoir, Fazilidas se met à construire une capitale moderne pour l'époque.
Suite à l’expulsion des jésuites et des portugais du pays, de nombreux indiens qui les avaient accompagné s’établissent en Éthiopie. Un ambassadeur Yéménite, Hasan Ibn Ahmad Al Haymi qui visite l’Éthiopie en 1648, rapporte que le plus important des palais, le Fasil Gemb, est « une des constructions les plus prodigieuses, qui vaille admiration, une des plus saisissantes merveilles »[39]. Il ajoute que c’est à « un Indien » que Fazilidas a demandé la réalisation de ce palais. Cette affirmation a été confirmée indépendamment par le voyageur James Bruce au 18e siècle qui note que « le palais a été construit par des massons indiens ». Les relations entre l’Éthiopie et l’Inde à travers l'Océan Indien, sont en effet récurrentes dans l’histoire éthiopienne et remontent jusqu’à l’époque axoumite[50]. Néanmoins on retrouve dans la construction de ses palais et autour du Gondar une architecture typiquement éthiopienne dans l’édifice asymétrique (à forme de lion) qui se retrouve du palais de Fazilidas à l’entrée de l’église Debré Berhan Sélassié. L’architecture du Gondar fait donc preuve d’un syncrétisme unique au pays.
Les châteaux du Gondar sont construits sur un terrain de 7 ha de superficie, clôturé par une enceinte de 2 km de circonférence accessible par 12 portes fortifiées : le Fassil Ghébbi. Outre les châteaux royaux, l’enceinte contient entre outre des écuries, un sauna alimenté par un système hydraulique, une salle où était testée différentes qualités de mortier, et une cage aux lions où les empereurs faisaient enfermer des lions d’Abyssinie capturés, signe de prestige de l’Empereur.
Gondar sera un important centre religieux, administratif et commercial dès sa fondation en 1635. Jusqu'en 1855, la ville est un lieu d'enseignement des arts: de la peinture, de la danse et de la musique traditionnelle[51].
Les empereurs suivants Fazilidas développeront les lieux en y faisant chacun construire de nouveaux édifices ou palais au sein de la même enceinte: son fils Yohannes Ier y fera construire une bibliothèque à deux étages dédiée à la théologie, Iyassou Ier son propre palais, Dawit II et Bakaffa de nouveaux palais et un centre de documentation historique. Une des plus importantes églises du pays, l'église Debré Berhan Sélassié (Église de la Trinité), est aussi construite à cette époque par Iyassou Ier à l’extérieur de l’enceinte, dans la ville de Gondar. Fazilidas fait construire pour sa retraite, à l’extérieur de l’enceinte, l’édifice connu sous le nom de bain de Fazilidas, palais entouré d’une piscine, où se déroulent encore aujourd’hui les fêtes de Timkat.
De nombreux empereurs de cette période se font enterrer sur les îles du Lac Tana, au sud de Gondar. On y trouve notamment les tombeaux de Dawit Ier, Zara Yacoub, Zè Denguel et Fasiladès, ainsi que de l'évangélisateur du royaume d'Aksoum, Frumence d'Aksoum.
C’est sous l’effet des tyrans locaux que Gondar finira par se désagréger[52]
Le Zamana-Mesafent (1769-1853)
Article détaillé : Période des Masâfént.Certains historiens prennent la date de la mort d’Iyasou et le déclin du prestige de l’empire qui l’a suivi, comme date du début de la période du Zemena Mesafent (ou l’"Ère des princes"), une période de désordre où le pouvoir monarchique perd de son emprise au profit des chefs de guerre locaux. Les nobles en étaient venus à abuser de leur position en se désignant comme empereur et en se perdant en querelles internes dans des luttes de succession : à la mort de l’empereur Théophilos entre autres, les nobles redoutèrent que le cycle de violence qui avait caractérisé son règne et celui de Takla Haïmanot ne se poursuivent si un membre de la dynastie salomonienne en venait à être désigné. Ils désignèrent donc l’un des leurs Yostos au titre de Negusä nägäst – dont le règne sera de courte durée. Iyasu II accède au trône alors enfant. Sa mère, l’impératrice Mentewab assura la régence, tout comme celle-ci le fera aussi pour son petit-fils Yoas. Mentewab se fait couronner elle-même codirigeante en 1730, devenant la première femme à accéder au pouvoir de cette manière dans l’Histoire de l’Éthiopie. Iyasou II donnait une priorité absolue à sa mère lui laissant toutes prérogatives en tant que codirigeante couronnée. La tentative de Mentewab de renforcer les liens entre la monarchie et les Oromos en arrangeant le mariage de son fils avec la fille du peuple Oromo fut cependant un échec. accéder au pouvoir de cette manière dans l’Histoire de l’Éthiopie. Iyasou II épouse Wubit, qui sera éclipsée du pouvoir par la mère d’Iyasou. Wubit attend donc l’accession au trône de son fils pour revendiquer sa part du pouvoir détenu depuis si longtemps par Mentewab et sa famille du Qwara. Lorsque Iyoas accède au trône suite à la mort accidentelle de son père, les aristocrates du Gondar furent stupéfaits de voir que le jeune roi maîtrisait mieux la langue oromo que l’amharique, et qu’il avait ainsi tendance à favoriser les parents Yejju de sa mère sur ceux Qwarans de sa grand-mère. Une fois adulte, Iyoas accrut les faveurs accordées aux Oromos. À la mort du Ras Amhara, il tenta de désigner son oncle Lubo gouverneur de cette province, mais la contestation populaire qui en a résulté conduisit son conseiller Walda Nul à le convaincre de changer d’avis.
La tentative de Mentewab de garder le pouvoir à la mort de son fils en 1755 déclencha un conflit avec Wubit (Welete Bersabe), qui pensait alors qu’il était à son tour d’assurer la régence de son propre fils Yoas. Le conflit entre ces deux reines amena Mentewab à invoquer les Qwaran et ses forces au Gondar pour la soutenir. Wubit répondit de manière identique en invoquant les Yejju Oromos et les forces considérables du Yejju. Le différend entre l’impératrice et la mère de l’empereur était alors sur le point de déboucher en conflit armé. Ras Mikael Sehul fut convoqué en tant que médiateur entre les deux camps. Il réussit à manœuvrer habilement mettant à l’écart les deux reines et leurs supporters respectifs, et se proposant lui-même à l’accession au trône.
Mikael se positionna rapidement en tant que leader du camp amharico-tigréen, dans cette lutte. Le règne d’Iyaos devint ainsi celui de la confrontation entre le puissant Ras Mikael Sehul et les parents Oromo d’Iyaos. Au fur et à mesure qu’Iyaos favorisait des leaders Oromo tels que Fasil, ces relations avec Mikael Sehul se détériorèrent. Celui-ci en vint à déposer l’empereur Iyaos le 7 mai 1769, et une semaine plus tard, le fit assassiner. Bien que les circonstances de sa mort restent contradictoires, le résultat était clair pour tous : pour la première fois dans l’Histoire de l’Éthiopie, un Empereur avait quitté le trône par un autre moyen que la mort naturelle, la mort au cours d’une bataille ou une abdication volontaire. Mikael Sehul avait ainsi radicalement corrompu la puissance impériale, qui, à partir de ce point, fut de plus en plus aux mains des hauts placés parmi la noblesse quand ce ne étaient pas des membres de l’armée. Cet événement est le point de départ de ce qui est appelé, l’Ère des princes, Zamana-Mesafent. Un grand-oncle âgé et infirme du prince assassiné fut initialement placé sur le trône en tant qu’empereur Yohannès II. Ras Mikael le fait rapidement assassiner, et le très jeune Tekle Haymanot II accède ainsi au trône.
L’instabilité du pouvoir continuera tout au long du XVIIIe siècle, durant lequel les dirigeants les plus importants d’Éthiopie se nomment Dawit III du Gondar (qui meurt le 18 mai 1721), Amha Iyasus du Choa qui consolida le royaume et fonda Ankober, et Takla Guiorguis d’Amhara, qui est resté célèbre pour avoir accédé six fois au trône et avoir été déposé six fois. Les premières années du XIXe siècle furent troublées par des luttes féroces entre Ras Gugsa du Begemder, et Ras Wolde Selassie du Tigray, pour la place de l’empereur Egwale Syon. Wolde Selassie finit par remporter la victoire et dirigea pratiquement tout le pays jusqu’à sa mort en 1816 à l’âge de 80 ans. Dejazmach Sabagadis d’Agame s’empara du pouvoir par la force en 1817 et devint seigneur de guerre du Tigré.
La fin de l’ère médiévale : de Théodoros II à Yohannes IV
Sous les empereurs Théodoros II (1855 - 1868), Yohannès IV (1872 - 1889), et Ménélik II(1889 - 1913), le royaume commença à émerger de son isolement médiéval.
L’empereur Théodoros II (ou Théodore) II né sous le nom de Lij Kassa au Qouara, un petit district de l’Amhara occidentale, en 1818. Son père était un petit chef local, et l’un de ses oncles, Dejazmach Kinfu, était gouverneur des provinces du Démbéya, Qouara et Chelga, entre le Lac Tana et la frontière au nord-ouest.
Kassa perd ses droits de succession à la mort de Kinfu, étant alors un jeune garçon. Après avoir reçu une éducation traditionnelle dans un monastère local, il prit la tête d’un groupe de pillards qui sillonnèrent le pays dans une existence digne de Robin des Bois. Le récit de ses exploits devinrent rapidement célèbre, et sa petite bande grandit rapidement en taille jusqu’à former une véritable armée.
Il fut alors remarqué par le régent alors en place, le ras Ali II d'Hédjou, et sa mère l’impératrice Menen Liben Amede (femme de l’empereur Yohannes III, marionnette du ras Ali). De façon à se rallier Kassa, le ras Ali et l’impératrice arrangèrent son mariage avec la fille d’Ali, et, à la mort de son oncle Kinfu, il fut désigné chef du Kwara et de tout le Dembea sous le titre de Dejazmatch. Il s’enquit alors de conquérir le reste des divisions du pays, le Godjam, le Tigré et le Choa, qui restaient alors insoumises. Les relations avec sa belle famille (père et grand-mère) se détériorèrent alors rapidement, dégénérant en conflit armé contre eux et leurs suivants. Kassa finit par remporter gain de cause.
Le 11 février 1855, Kassa déposa le dernier des empereurs Gondariens, et fut couronné negusa nagast d’Éthiopie sous le nom de Théodoros II. Il s’élance alors bientôt à la conquête du Choa à la tête d’une grande armée.
Au Choa, le roi Haile Melekot, descendant de Meridazmach Asfa Wossen, s’oppose à lui. Des rivalités de pouvoir commencent à émerger au Choa, et après une attaque désespérée et de faible envergure contre Théodoros à Dabra Berhan, Haile Melekot décède de maladie (en novembre 1855), désignant dans ses derniers soupirs son fils alors âgé de 11 ans à sa succession, sous le nom de Negus Sahle Maryam (le futur empereur Ménélik II).
Darge, frère de Haile Melekot, et Ato Bezabih, un noble du Choa, prirent en charge le jeune prince. Mais après une lutte sévère contre Angeda, le Choa dut se résigner à capituler. Sahle Maryam fut confié à l’empereur, emmené au Gondar, et fut élevé au service de Théodoros, dans une détention confortable à la forteresse de Maqdala. Par la suite, Théodoros s’attacha alors à moderniser et centraliser la structure législative et administrative du royaume, contre l’avis et la résistance de ses gouverneurs. Sahle Maryam du Choa se maria à la fille de Théodoros II, Alitash.
En 1865, Sahle Maryam s’échappe de Maqdala, abandonnant sa femme, et arrive au Choa, où il est acclamé en tant que négus.
Lorsque la Reine Victoria, à la tête de l’Empire britannique refusa de répondre à une lettre de l’empereur Théodoros II, d’Éthiopie. Théodoros considéra cela comme une insulte, et emprisonna plusieurs résidents britanniques, dont le consul alors en place. L’empire anglais lance alors une véritable expédition de 13 000 soldats (dont 4 000 Européens) sous les ordres de Sir Robert Napier, qui est alors envoyé de Bombay en Éthiopie.
Au cours de la bataille finale du 10 avril 1868 à Arogué, une pluie diluvienne mis hors d’état les fusils à mèche de l’armée éthiopienne [53] comme le signale l’historien britannique McKelvie, tournant ainsi rapidement à l’avantage des britanniques pourtant épuisés par les conditions de l’expédition jusqu’à la forteresse de Maqdala.
Les Éthiopiens furent vaincus, et Maqdala (aujourd’hui connue en Éthiopie sous le nom d’Amba Mariam) tombe le 13 avril 1868. Lorsque l’Empereur apprend que la porte de Maqdala était tombée, il préfère se donner la mort, se tirant en pleine bouche, que de se rendre. Sir Robert Napier fou de rage, ordonne le mettre le feu à Maqdala et à la bibliothèque impériale. La prise de Maqdala fait alors l’objet d’un véritable pillage, au cours duquel des objets d’une valeur historiques inestimable en plus de la bibliothèque incendiée, ainsi que d’autres attributs du clergé disparaissent[54]. Certains de ces objets n’ont toujours pas, à ce jour, été rendus à l’Éthiopie, malgré les nombreuses réclamations[55].
À la mort de Théodoros, de nombreux sujets du Choa, parmi lesquels le ras Darge, furent libérés, et le jeune Negus du Choa commença à prendre de l’importance après ses victoires lors de quelques brèves campagnes contre les princes du Nord. Son ambition fut de courte durée, puisque le Ras Kassai du Tigré accéda au titre impérial en 1872, se proclamant negusa nagast sous le nom de Yohannès IV. Sahle Maryam, futur empereur Ménélik II, fut alors forcé de reconnaître sa légitimité.
L’interaction avec les puissances coloniales
Le règne de Yohannès IV
Yohannès IV arrive au pouvoir dans un contact de grande instabilité suite à la mort de Théodoros. L’ensemble de son règne sera marqué par sa volonté de défendre l’empire des multiples agressions extérieures, à une époque où les puissances coloniales s’emparent du reste du continent africain et menacent l’empire éthiopien. L’ouverture du canal de Suez rendant le contrôle de la région d’une importance stratégique.
En 1872, le khédive d’Égypte installe comme gouverneur à Massaoua, un aventurier suisse nommé Werner Münzinger, occupe rapidement Asmara, Kérén et le nord de l’Éthiopie qu’il proclame province de l’Égypte.
Durant l’année 1875, l’Égypte lance trois campagnes d’envergure contre l’empire éthiopien. En septembre, l’ex-colonel danois Ahrendrup accompagné de 4 000 soldats égyptiens lance une offensive au nord d’Adoua : l’opération est un carnage pour l’armée égyptienne. En octobre, Raouf Pacha s’attaque au Harar et s’y installe, il en sera chassé en 1884 grâce aux Anglais remettant le pouvoir à l’émir Abdoullahi. En décembre, le suisse Münzinger et ses troupes sont massacrés par les Afars dans le Haoussa.
En mars 1876, a lieu « l’un des combats les plus importants pour la sauvegarde de l’indépendance éthiopienne »[56] : les troupes éthiopiennes infligent deux défaites consécutives aux troupes égyptiennes qui comptaient 16 000 hommes, près de Gura (7-9 mars 1876).
En 1878, cherchant à mettre fin aux ambitions de son rival le plus puissant, Ménélik II, alors Ras du Choa, Yohannès IV se dirige vers le Choa. Le conflit armé est évité et le traité de Fitché est signé le 20 mars 1878, où Ménélik II renonce au titre de negusa nagast.
Sur les bords de la mer Rouge, le port d’Assab, est acheté par une compagnie italienne à un sultan local, en 1870. Après avoir acquis de plus en plus de terres entre 1879 et 1880, l’ensemble finit par être acheté par le gouvernement italien en 1882. La même année, le comte Pietro Antonelli est envoyé au Choa de façon à améliorer les prospections de la colonie en concluant des traités avec Ménélik II, alors ras de la province et le sultan d’Aussa. Le 5 février 1882, les Italiens débarquent à Massaoua, en Érythrée, et bloquent la côte. Les Britanniques occupent Zeïla et Berbera. La France s’installe à Djibouti et à Tadjourah. L'année suivante, l’Éthiopie conquiert l’Aroussi et le Ouolléga.
Ras Alula, chef de l’Asmara, défait les Italiens à Dogali en janvier 1887. Ras Tekle-Haïmanot remporte la bataille contre les derviches soudanais et incendie Matamma. Six mois plus tard, une armée soudanaise de 60,000 hommes enfonce les troupes de Tekle Haïmanot au Godjam et envahit Gondar qu’elle saccage et brûle en massacrant ses habitants. Le ras Ménélik est victorieux à Tchalénko. Ses forces massacrent 11 000 soldats et s’emparent de quelques canons Krupp, annexent le Harrar et l’Iloubabor. Ménélik y installe son cousin le ras Makonnén.
En 1888, Le négus Yohannès IV lance une grande offensive contre les mahdistes. Les Éthiopiens remportent la bataille de Metamma contre une armée de 70.000 hommes le 9 mars 1889.
Frappé d’une balle au cours de la bataille, Yohannès IV mourra le lendemain de la victoire.
Ménélik II et la bataille d'Adoua
À l’annonce de la mort de Yohannès IV, Ménélik II du Choa, se fait proclamer Ménélik II d’Éthiopie, et reçoit la soumission des provinces du Begemder, du Godjam, des Oromos, et du Tigré.
Le 2 mai de cette même année, l’empereur Ménélik signe le traité de Wuchale avec les italiens, leur accordant une région du nord de l’Éthiopie, qui sera plus tard connue sous le nom d’Érythrée et une partie du Tigré, en échange de 30000 fusils, munitions et canons[57].. Le traité allait s’avérer être un tournant décisif dans les relations entre Ménélik et l’Italie. En effet, l’article XVII qui était l’article le plus important du traité prêta à contestation. Selon la version amharique, l’Éthiopie pouvait recourir aux autorités italiennes si elle voulait entrer en relation avec d’autres pays. Dans la version italienne, le recours à l’Italie était obligatoire.
De plus s’appuyant sur la version italienne, l’Italie prétendit établir un protectorat en Éthiopie. Les italiens occupèrent alors la ville d’Adoua pour soutenir leurs prétentions et firent savoir au ras Mangacha qui était également gouverneur de la province du Tigré et fils de Yohannès IV qu’ils ne se retireraient pas tant que Ménélik n’aurait pas accepté leur interprétation du traité de Wuchalé[58].
Menelik refusa de céder à la manipulation et dénonça le traité de Wuchalé le 12 février 1893.
L’Érythrée rentre en guerre contre l’Italie en décembre 1894. Les Italiens attaquent le ras Mangacha et commencent à s’emparer d’une grande partie de la province du Tigré. Les Éthiopiens reprennent l’avantage, notamment à Amba-Alagué, où le fiaourari Guébéyéhou Abba Gora fait remporter la victoire à son armée au prix de sa vie, et à Maqalé, après un siège de la ville occupée par les Italiens.
Le premier ministre italien M. Crispi, s’en prenant au général, indique qu’il « voulait une victoire authentique, c’est-à-dire sans équivoque !». Les Italiens décident de passer à l’offensive à Adoua, le 1er mars 1896.
S'engage alors la bataille d’Adoua, considéré comme « l’un des évènements les plus importants de l’histoire de Afrique moderne » [59], « une des quatre batailles majeures dont l’histoire de l’Éthiopie se souvienne » [60].
L’armée italienne comptait alors « 18 000 hommes dont 4 000 auxiliaires recrutés sur les territoires occupés. »[52] Se dirigeant vers les cols de Rebi Arrienni et Kidané-Mehret où ils pensaient trouver l’armée éthiopienne, les italiens sont pris par surprise par « 40 à 50 000 Éthiopiens (informés de leur déplacement) là où ils les attendaient le moins »[52]. À l'erreur fondamentale de sous-estimer leur adverse, les troupes italiennes ajoutent une mauvaise connaissance du terrain et des erreurs stratégiques qui leur seront fatales [61].
Carlo Conti Rossini indique que les pertes italiennes s’élèvent à « 289 officiers, 4 600 soldats blancs, un millier d’Érythréens(…) Immense sacrifice pour une armée qui ne comptait que 16 500 hommes »[62] Dès le lendemain, les répercussions sont immenses. La victoire d’Adoua a un sens déterminant aussi bien pour l’Éthiopie elle-même, en faisant définitivement l’un des seuls pays non colonisé d’Afrique, que pour le reste du monde. À une époque où toute l’Afrique est aux mains du colonialisme européen, la bataille d’Adoua commence à sonner la fin d’une ère et un évènement « prémonitoire » comme le dit l’historien Berhanou Abebe. « Pour les peuples qui combattront le colonialisme et les militants qui se battront pour la liberté en Afrique, dans les Caraïbes et dans le reste du Tiers monde, Adoua pose les bases de la négritude, du mouvement panafricaniste et des mouvements pour les droits civiques aux États-Unis » [63] qui y puiseront inspiration.
Un traité de paix est conclu à Addis-Abeba le 26 octobre, 1896, qui reconnaît « l’indépendance absolue et sans réserves » de l’Éthiopie. Indiquant que l’Éthiopie pouvait étendre ses frontières au sud et à l'est, doublant la superficie de l'Empire. L’Italie de son côté est confortée sur ses possessions érythréennes qui mènera à l’un des problèmes majeurs pour l’Éthiopie. Les années qui suivent la victoire d'Adoua sont caractérisées par une relative paix de l'Empire. Du point de vue intérieur, Menelik accorde à la même époque, une première concession à une compagnie ferroviaire française à partir des côtes djiboutiennes, en 1894. La ligne s’étend jusqu’à Dire Dawa, à la fin de l’année 1902. Ce choix fera d’Addis-Abeba et de Djibouti un axe central dans l’économie éthiopienne.
La défaite d'Adoua ne met néanmoins pas fin aux ambitions des puissances coloniales qui à défaut d'occupation du pays opteront pour un choix de pénétration économique. Le 13 décembre 1906 est signé à Londres un accord entre la France, l'Angleterre et l'Italie qui, tout en reconnaissant l'indépendance de l'Éthiopie dans ses premiers articles, traduit de l'autre côté cette nouvelle orientation politique de l'Europe: en cas d'évènements intérieurs à l'Éthiopie, les puissances coloniales s'attribuent elles-mêmes des "sphères d'influences"[64]. Sir John Harrington, représentant anglais en Éthiopie, fait "campagne pour remettre la construction de la voie ferrée entre les mains d'une compagnie internationale", par ailleurs si "le chemin de fer restera français, les intérêts étrangers sont officiellement reconnus dans son administration" qui se doit de comprendre un anglais, un italien et un représentant de Ménélik"[65]. Pour De Marinis, député italien, il s'agit d'enfermer l'Éthiopie dans "un cercle de fer" au moyen d'une "politique pacifique de conquête"[66].
Victime d'une première crise d'apoplexie la même année, la seconde en 1908 mettra fin aux activités de l'empereur.
L'Éthiopie au début du XXe siècle
Iyassou et la succession de Ménélik
Entre temps, conscient de la crise de succession qui se préparait, Ménélik II avait désigné son petit-fils ledj Iyassou à sa succession, en 1907. Mais l'impératrice Taytu tente, en vain, de s'arroger le pouvoir, dans un contexte d'affaiblissement d'un empereur devenu malade. Le conseil des ministre met fin à l'incertitude en 1909 en écartant Taytu et Iyassou est porté au pouvoir à la mort de Ménélik II en décembre 1913, sans être jamais couronné.
À peine a-t-il accédé au trône que le jeune prince agace rapidement la noblesse éthiopienne, attachée à sa culture chrétienne. Plus encore, son rapprochement avec la Turquie ottomane inquiète Anglais et Français en ce début de Première Guerre mondiale. En 1915, Iyassou offre un drapeau éthiopien orné d’inscriptions musulmanes, symbolisant le serment qu'il fait aux Éthiopiens musulmans d'amener l'égalité religieuse au sein de l'Empire. Plus généralement Iyasou cherche à donner aux musulmans un droit de complète égalité religieuse. Il rompt aussi la tradition en attribuant des responsabilités à de jeunes intellectuels non issus du rang des notables. Ses ambitions, ainsi que son goût pour "le vin, la musique et les femmes" déplaisent aux notables de l'empire éthiopien. Par ailleurs, les pays de l'Entente (France, Royaume-Uni, Italie), inquiets du positionnement du jeune souverain (notamment son opposition à l'accord tripartite et sa politique anticolonialiste en soutien aux Somalis et Afars) exercent des pressions sur le conseil des ministres.
Ainsi, le 27 septembre 1916 (jour de Meskel, fête religieuse éthiopienne), l'évêque d'Éthiopie, l'abuna Mattéwos, cède à la demande des notables conservateurs et autorise la noblesse à rompre le testament de Ménélik II : Iyassou est écarté du pouvoir et toute personne le soutenant, menacée d'excommunication.
Une guerre civile s'ensuivit lors de laquelle, avec l'appui français notamment, les partisans du coup d'État repoussent les attaques de Ras Mikaél, père d'Iyassou, fait prisonnier peu après. Iyassou, en fuite dans le nord-est du pays, est capturé en 1921 seulement.
À la suite du coup d'État, Zaouditou, fille de Ménélik II, est proclamée impératrice, et Ras Tafari Makonnen comme héritier du trône. En cette période d'occupation coloniale du reste du continent, Zaouditou est ainsi la première femme chef d'État d’un pays indépendant.L'impératrice Zaouditou (1917-1930)
Zaouditou est couronnée Negiste Negest, Reine des Rois, le 11 février 1917. Au fur et à mesure de son règne, des différences de plus en plus grandes finissent par apparaître avec son héritier désigné, Tafari Makonnen.
Tafari cherche à "moderniser" le pays croyant en la nécessité de s'ouvrir vers les Alliés pour pouvoir faire survivre le pays. Il est soutenu dans cette voie par les jeunes de la noblesse. Un collège moderne, Tafari Makonnen, une imprimerie et un hebdomadaire diffusant la voie du pouvoir[67] sont créés à cette époque.
Zaouditou a, elle, une vision plus conservatrice. Veillant à la mémoire de son père, Ménélik II, et croyant en la nécessité de préserver avant tout la tradition éthiopienne, elle reçoit un très fort soutien de l'Église éthiopienne. Zaouditou s'occupe ainsi principalement des activités religieuses, en faisant construire de nombreuses églises, et se détourne peu à peu des activités purement politiques, en laissant un pouvoir accru à Tafari sur ces sujets.
L'Éthiopie entre ainsi, sous l'impulsion de Tafari Makonnen, à la Société des Nations le 28 décembre 1923. Tafari s'emploie à consolider les relations internationales afin de préserver l'indépendance du pays. Pour les conservateurs, il s'agit d'une aliénation de l'empire. Plusieurs tentatives, venant notamment de ces conservateurs, ont lieu pour écarter Tafari du pouvoir, mais finissent par échouer. En 1930, Gougsa Wollé, époux de Zaouditou, mène une rébellion dans le Bégemeder, espérant mettre fin à la régence C'est la bataille de Qwara. Il est battu et trouve la mort à Antchim le 31 mars 1930.
Deux jours plus tard, le 2 avril, Zaouditou s'éteint. Selon la croyance populaire, Zaouditou est morte du choc et du chagrin de la mort de son époux, pour d'autres, elle était alors agonisante et il est peu probable qu'elle ait été informée du sort de son époux, pour d'autres enfin elle fut alors empoisonnée par son médecin grec [68]. Les spéculations sur la cause de sa mort continuent encore de nos jours.
Hailé Sélassié (1930-1974)
La première phase du règne
Tafari Makonnen est couronné negusä nägast zä-'Ityopp'ya, Roi des Rois d'Éthiopie, Haïlé Sellassié Ier (Force de la Trinité) le 2 novembre 1930. Le couronnement a lieu à la cathédrale Saint-Georges d'Addis-Abeba, en présence de représentants officiels venus du monde entier, ce qui lui donne très rapidement une envergure internationale.
La première constitution éthiopienne est introduite le 16 juillet 1931[69]. Elle met en place un système parlementaire à deux chambres. L'empereur et les notables gardent un contrôle total sur le Parlement dont ils désignent les députés, néanmoins une transition vers des principes démocratiques est envisagée "jusqu'à ce que le peuple soit à même de les élire lui-même" (art. 32)[70]. La succession au trône y est limitée à la succession d'Hailé Sélassié, ce qui marque un point de controverse avec les autres dynasties princières, notamment les princes du Tigré et le cousin de l'Empereur, lui-même, le Ras Kassa Haile Darge.
Le 12 octobre 1931, une nouvelle banque nationale est créée remplaçant la Bank of Abyssinia créée en 1906 par Ménélik II, et provoque une crise économique. Profitant de la contestation les dignitaires du régime montent un complot autour du Ras Haïlu, fils de Tekle_Haïmanot_du_Godjam, afin de faire évader Iyassou et le faire remonter sur le trône. Le plan échoue et Iyassou est capturé. Conscient de la contestation qui l'entoure, Hailé Sélassié procède à des purges au sein de tous les dirigeants régionaux au profit de personnes de confiance, menant de fait à une véritable centralisation de l'empire.
Durant les années qui suivent, une véritable modernisation de l'empire éthiopien suit son cours, avec apparition de l'aviation (premiers pilotes éthiopiens et un atelier de montage), développement du réseau routier, mise en circulation du papier-monnaie en 1933, création de nombreuses écoles en province, du cinéma[71].
La guerre italo-éthiopienne (1935-1941)
Origine et déclenchement du conflit
Les visées de l’Italie sur l’Éthiopie répondent à plusieurs besoins: d’une part développer le faible empire colonial dont l’Italie dispose alors (Libye, l'Érythrée et la Somalie) qui provoque un retard économique lié au manque de matières premières, mais aussi venger l'humiliation subie à la Adoua que l’Italie garde en mémoire. La présence de l’Éthiopie à la Société des Nations est considéré comme un affront à la politique raciale et fasciste, que Mussolini juge « indigne de figurer parmi les peuples civilisés»[72]
La succession d’évènements qui mènera à l’invasion fasciste est déclenchée par l’incident de Walwal. Prétexte qui sera qualifié par Hailé Sélassié, en 1936, dans son discours d’ « Appel à la Société des Nations » de « provocation évidente »[73]: en novembre 1934, des patrouilles frontières éthiopiennes escortant une commission frontalière anglo-éthiopienne protestent contre l’incursion italienne créé par la construction d’un poste italien en rupture avec le traité éthio-italien de 1928. Début décembre, un conflit éclate où 150 éthiopiens et 50 italiens trouvent la mort. L’incident conduit au déclenchement d’une crise à la Société des Nations.
L’Angleterre et la France, soucieux de conserver l’Italie comme allié contre l’Allemagne, ne décident de prendre aucun mesure pour décourager le développement militaire italien. L’Italie commence ainsi à accumuler ses troupes aux frontières éthiopiennes, en Érythrée et dans le Somaliland italien, et consolide contractuellement le soutien des grandes puissances.
Le 16 janvier, Mussolini prend la direction du ministère des colonies.
Le 17 mars, l’Éthiopie présente un nouveau recours, faisant appel à l'article XV de l'organisation.
Le 2 octobre, Mussolini annonce la déclaration de guerre à l'Éthiopie. En attaquant ce pays, membre de la Société des Nations, Mussolini viole l'article XVI de l'organisation.
Alors que le Pape Pie XI tient des propos ambigus au cours des années de l’invasion de l’Éthiopie par les troupes fascistes, ses prêtres se montrent beaucoup moins équivoques en soutenant ouvertement les forces italiennes. Le fascisme clérical se développe alors en Italie[74].
Le 18 novembre, l'Italie est frappée par les sanctions économiques de la Société des Nations, en riposte l'Italie met en œuvre des programmes économiques autarciques. Les sanctions se montrent en fait inefficaces, puisque de nombreux pays les ayant voté officiellement maintiennent de bons rapports avec l'Italie en l'approvisionnant en matières premières. L'Allemagne nazie est un de ceux-ci.
Le déclenchement de l’invasion de l’Éthiopie marque ainsi deux tournants sur le plan international : elle est le point de départ du rapprochement entre Mussolini et Hitler, et elle décrédibilise la Société des Nations en marquant, selon les mots de Stanley Baldwin, Premier ministre du Royaume-Uni, à la Chambre des communes (Royaume-Uni)e 23 juin 1936, son « échec total » à la « sécurité collective ».
L’invasion musolinienne (1935-1936)
Devant le conflit devenant imminent, l’empereur Haïlé Selassié décrète une mobilisation générale. Son armée est composée d’environ 500 000 hommes, dont beaucoup ne sont souvent armés que de lances et de boucliers. Seuls quelques soldats disposent encore d’armes modernes, dont certains fusils usagés datant d’avant 1900[75]. Un embargo sur les armes, imposé en 1918 par les trois puissances coloniales limitrophes (France, Angletterre et Italie), avait en effet fortement limité depuis près de 20 ans l'armement de l'empire. Soucieux de s’assurer la victoire, Benito Mussolini triple les moyens en hommes : en mai 1936, presque un demi-million d'hommes est engagé sur le théâtre des opérations dont 87 000 askari, 492 tankettes, 18 932 véhicules et 350 avions. Dans l'arsenal à disposition des Italiens, il y a aussi des armes chimiques et bactériologiques interdites par la convention de Genève: 60 000 grenades à l'arsine pour l'artillerie, 1 000 tonnes de bombes à ypérite pour l'aéronautique et 270 tonnes de produits chimiques agressifs pour l'emploi tactique [76].
Le 2 octobre 1935, l'offensive est déclenchée.
Dès le début des opérations, le 3 octobre, Mussolini prend la direction des opérations et envoie presque quotidiennement des ordres radiotélégraphiés à ses généraux présents sur le champ de bataille. Parmi ses ordres, ceux relatifs à l'emploi des armes chimiques[77],[78].
Le 6 octobre, Adoua, ville symbole de l’humiliation italienne, tombe.
Le 9 janvier, Mussolini autorise la guerre totale avec ces paroles:
« J'autorise Votre Excellence à employer tous les moyens de guerre, je dis tous, qu'ils soient aériens comme de terre. Décision maximum. »— Télégramme secret de Mussolini à Pietro Badoglio [79]
Les bombardements chimiques d'artillerie et par avions se poursuivent aussi bien sur le front Nord (jusqu'au 29 mars 1936) que sur le front Sud (jusqu'au 27 avril), employant un total de 350 tonnes d'armes chimiques. Dans ce contexte, fin janvier, malgré l'emploi massif d'armes chimiques, les armées italiennes du front Nord sont en graves difficultés (harcelé par les troupes du ras Kassa, Badoglio est sur le point d'ordonner l'évacuation de Mékélé). La conduite d'une vraie politique d'extermination envers les Éthiopiens ne se limite pas à l'emploi des armes chimiques mais est conduite avec d'autres moyens, comme l'ordre de ne pas respecter les marquages de la Croix rouge ennemie ce qui conduit à la destruction d'au moins 17 hôpitaux (dont un suédois) et installations médicales éthiopiennes ou par l'emploi de troupes askari (libyens de religion musulmane) contre les armées et la population chrétienne d’Éthiopie. Les membres de la Croix Rouge auprès des troupes éthiopiennes rapportent y être délibérément visés par les troupes musoliniennes[80]
De l'autre côté, les troupes du négus, moins nombreuses et moins bien armées, résistèrent parfois héroïquement, comme à May Chaw ou Amba Alagi.
Le 5 mai 1936, après sept mois de conflit, Addis-Abeba tombe. Le 9 mai la victoire est proclamée par Mussolini.
L'empereur Haïlé Selassié, après une décision majoritaire du Conseil impérial, prend le chemin de l'exil vers l'Angleterre afin de sauvegarder le gouvernement national.
Il lance à Genève un appel à la Société des Nations le 27 juin 1936 devant ses pays membres. Dans son discours, Hailé Sélassié dénonce les agissements de l’occupant comme des actes « barbares », et met en garde la communauté internationale contre les conséquences à venir de leurs positions, déclarant notamment :
« J’ai décidé de venir en personne, témoin du crime commis à l’encontre de mon peuple, afin de donner à l’Europe un avertissement face au destin qui l’attend, si elle s’incline aujourd’hui devant les actes accomplis »— Hailé Sélassié, « Appel à la Société des Nations », 27 juin 1936 [81]
« Je déclare à la face du monde entier que l’Empereur, le gouvernement, et le peuple d’Éthiopie ne s’inclineront pas devant la force, qu’ils maintiennent leur revendication d’utiliser tous les moyens en leur pouvoir afin d’assurer le triomphe de leurs droits et le respect de l’alliance »— Hailé Sélassié, « Appel à la Société des Nations », 27 juin 1936[82]
Malgré les mises en garde de l'Empereur devant le danger fasciste que laisse apparaître cette guerre, la Société des Nations se contente de décréter des sanctions économiques jamais entrées en application.
L'occupation et la résistance éthiopienne (1936-1941)
Articles détaillés : Occupation italienne de l'Abyssinie et Résistance éthiopienne.La période d’occupation italienne est marquée par la violence de l'occupant et par l'échec de la politique de colonisation. Le développement des mouvements de résistance éthiopiens, ainsi que la violence elle-même qui nourrit en retour la résistance, sont autant d’éléments participant de cet échec
Le 9 mai 1936, Benito Mussolini proclame néanmoins l'Empire italien et le roi d'Italie Victor-Emmanuel III, nouvel empereur d'Éthiopie, cette proclamation est, selon les mots de John H. Spence, une "façade vaniteuse"[83] qui tente de masquer la véritable situation puisque, selon Paul B. Henze, "aucune région d’Éthiopie ne fut entièrement sous le contrôle italien"[84].
La violence avec laquelle est menée l’occupation culmine dans plusieurs épisodes tragiques qui symbolisent encore aujourd’hui cette période en faisant chacun l’objet d’un monument commémoratif présent de nos jours à Addis Abeba.
- Le massacre de Graziani tout d’abord, où suite à la tentative d’assassinat du leader de l’occupation par deux jeunes érythréens, les fascistes procèdent au massacre de civils dans la capitale où près de 30,000 personnes trouve la mort en à peine trois jours[85]. Après cet incident, Graziani est remplacé par Amédée II de Savoie-Aoste le 21 décembre 1937.
- Le massacre de Debre-Libanos, le 20 mai 1937, où plus de 300 prêtres sont fusillés en quelques jours.
- Enfin la mort de l’Abouna Pétros, devenu martyr de la résistance éthiopienne.
Tout au long de cette période, la violence est aggravée lorsqu'il s'agit de lutter contre les mouvements de résistance. Un télégramme de Mussolini daté du 5 juin, ordonne notamment de « fusiller tous les résistants fait prisonnier »[86]. Le gaz moutarde continue d’être employé et les exécutions sommaires de prisonniers se multiplient.
Un mouvement de résistance prend forme dès 1936 et lance durant la saison des pluies plusieurs offensives et reprendre la capitale, Addis Abeba : le 28 juillet, un des jeunes chefs du Choa Dajazmach Abarra Kasa, lance l’assaut du nord-ouest, mais est repoussé par l’artillerie aérienne ; le 26 août, Dejazmach Balcha Safo, lance un assaut du sud-ouest, repoussé de la même manière. Après la saison des pluies, les italiens reprennent l’offensive et continuant de mener des campagnes de bombardement et de gazage de villages, dans le Shoa, le Lasta, Charchar, Yergalam, entre autres[87].
Les offensives reprennent durant la saison des pluies de l’été 1937, dans le Lasta dirigé par Dajazmach Haïlu Kabada, et dans le Godjam dirigé par Dajazmach Mangasha et Belay Zalaka[88]. Tout comme lors de l’invasion du pays, Mussolini ordonne à nouveau à Graziani d’« utiliser tous les moyens possibles, y compris les armes chimiques », cette fois ci pour écraser la résistance[88]. Graziani se révèle malgré tout incapable de mettre fin à l’insurrection dans le Shoa, et ouvre des négociations de paix avec le leader, Ras Ababa Aragay. Les forces italiennes repartent à l’offensive après les pluies.
Les principaux mouvements de résistance se condensent dans le Shoa, le Begemder et le Godjam. Peu de temps après sa prise de fonction, le général Ugo Cavallero, admet que de « large parties » du Shoa et de l’Amhara sont entrés en rébellion, et que des « poches de résistances persistent dans le sud-ouest, en ayant « le soutien complet » de la population qui était prête à les joindre.
Le chef fasciste Arcanovaldo Bonacorsi reconnaît dès 1939 que l’empire se trouve partout dans « un état de rébellion latent », qui peut avoir :
« son dénouement tragique lorsque la guerre éclatera avec nos ennemis. Si un détachement anglais ou français était amené à entré en un point, il n’aurait besoin que de peu ou d’aucune troupe puisqu’ils trouveraient alors un vaste nombre d’Abyssins prêt à les rejoindre et à faire battre en retraite nos forces. »— Arcanovaldo Bonacorsi, mai 1939[89]
En 1939, année du déclenchement de la guerre en Europe, la situation d’impasse dans laquelle se trouve l’Italie ne fait que s’accentuer. D’un côté les italiens échouent à mettre fin à la résistance, de l'autre les éthiopiens sont eux aussi incapable de pénétrer les lignes ennemies.
La campagne d'Afrique de l'Est et la libération (1941)
Article détaillé : Campagne d'Afrique de l'Est (Seconde Guerre mondiale).La campagne qui mène à la libération de l’Éthiopie s’inscrit dans le cadre plus général de la campagne de libération de l’Afrique de l’Est qui débute le 13 juin 1940.
À la fin octobre 1940, Anthony Eden, secrétaire aux Affaires étrangères de Grande-Bretagne, réunit à Khartoum l’empereur Sélassié, le général sud-africain Jan Smuts, Wavell, Platt ainsi que le lieutenant-général Cunningham. Ils adoptèrent le plan général d’attaque, qui faisait également appel aux troupes irrégulières éthiopiennes.
L'Abyssinie est libérée le 5 mai 1941 (date célébrée depuis comme le ‘’Jour de la Victoire’’) : l'Empereur Hailé Sélassié revient à Addis Abeba avec le soutien des Britanniques. Suite à la signature du Traité de Paris de 1947, l'Italie doit verser 25 millions de dollars de réparation. Les estimations éthiopiennes sont dans les faits 12 fois supérieures[90] On dénombre au final sur cette période :
- 300 000 personnes mortes de privations à la suite de la destruction de leurs villages,
- 275 000 morts au combat,
- 78 500 patriotes tués pendant l'occupation,
- 35 000 personnes mortes dans des camps de concentration,
- 30 000 civils tués lors du massacre de Graziani en février 1937,
- 24 000 patriotes exécutés par des juridictions sommaires,
- 17 800 femmes et enfants tués par les bombardements.
Au total, ces cinq années auront causé la mort de 760 300 personnes[90]
L’Addis Zemen (1941-1974)
La réorganisation intérieure de l'empire
Les premières années de reconstruction voient se succéder de nombreuses réformes conduisant à de nettes améliorations sociales et économiques dans le pays.
Du point de vue législatif, un journal officiel, la Négarit Gazeta est créé le 30 mars 1942. Une loi sur l'abolition de l'esclavage parait le 27 août 1942. Le parlement rouvre le 2 novembre 1942. Le 30 novembre une loi donne la mainmise du gouvernement sur les revenus de l'Église.
On observe également durant ces années de très nettes améliorations de la santé publique [91] (augmentation du nombre d'hôpitaux, progrès de la médecine), du système éducatif (on compte 36 fois plus d'écoles mmodernes en 1955 qu'en 1930), des infrastructures (construction de routes, télécommunications). Le Collège Universitaire d'Addis Abeba ouvre le 27 janvier 1951.
Une nouvelle monnaie, le birr éthiopien est créé en 1945 et remplace le Thaler Marie-Thérèse d'Autriche. Les exportation passent de 37 millions de birr en 1946 à 169 millions en 1954, essentiellement due à la production de café multipliée par 10. Le budget passe de 1 million de dolar avant-guerre à 100 millions en 1955; la circulation monétaire de 80 millions en 1946 à 220 millions en 1954[92].
En 1955, date du Jubilé du couronnement de l'Empereur, une révision de la Constitution de 1931 est adoptée. Les députés sont élus au suffrage universel, mais les partis politiques restent interdits. Dans les faits, cette révision consolide le caractère absolutiste du pouvoir.
Les relations internationales
Haïlé Sélassié entame dès la libération une ouverture du pays à l'international dans l'idée "d'assimiler les nouvelles idées du progrès sans se départir de sa propre culture"[93]. Cette approche lui offre très vite une stature internationale.
L'empereur renouvele sa confiance dans l'idée de sécurité collective en dépit de l'agression de 1936, et l'Éthiopie adhère à la Charte des Nations Unies en 1945.
L'ouverture à l'international conduit dés 1951 au soution de l'Éthiopie à la guerre de Corée en échange d'une assistance militaire américaine. celle-ci conduit à la formation de trois batailons éthiopiens et à la création d'Ethiopian Airlines. En échange de quoi, la base américaine de Qagnew, du nom du contingent éthiopien ayant servit en Corée, est créée en Érythrée.
L'Éthiopie participe activement au mouvement des non-alignés à partir de la conférence de Bandung en 1955 et joue un rôle de premier plan pour attirer dans cette coalition les États africains sortit du colonialisme[94].
De 1960 à 1964, l'Éthiopie fournit une brigade de casques bleus destinée au maintien de l'ordre et à l'évacuation des Belges durant la crise congolaise.
Le développement des troubles
Le problème somalien
Le traité anglo-éthiopien de 1942 arrive à échéance en septembre 1944. L'Éthiopie exige un respect des conditions du traité soit l'évacuation du Haud et du Territoire Réservé par les britanniques cherchent à retenir ces régions pour des raisons stratégiques. Ceux-ci sont finalement placés sous administration britannique jusqu'en 1948.
Le Territoire Réservé est rendu en 1948, mais Ernest Bevin, secrétaire d'État aux affaires étrangères de l'Angleterre, se montre réticent à rendre le Haud et concoit l'idée dune Grande Somalie, comprenant la Somalie britannique, italienne, et l'Ogaden éthiopien. Cette idée est reprise par lemouvement de libération somalien en 1955 lorsque le Haud est rendu à l'Éthiopie.
Le problème érythréen
Deux Mémorandum éthiopiens, l'un à la Conférence de Londres de 1945, le second à la Conférence de la Paix à Paris en 1946, exposent les arguments historiques, économiques et stratégiques de la complémentarité de l'Éthiopie avec l'Érythrée[95]. Les grandes puissances de l'époque, incapables d'aboutir à un consensus s'en réfèrent aux Nations Unies qui adoptent la résolution 289, le 21 novembre 1949, établissant une commission pour l'Érythrée. Celle-ci recommande suivant la résolution 390, la constitution d'une entité séparée rattachée par voie fédérale à l'Éthiopie.
Le 17 octobre 1952 est créée la férération Éthio-Érythréenne.
Le 14 novembre 1962, l'assemblée érythréenne vote sa dissolution et la réunion de l'Érythrée à l'Éthiopie.
L'accès à la mer dont bénéficie le pays facilite le développement économique dans les années d'après-guerre et l'ouverture internationale[96].
Néanmoins la réunion des deux entités exacerbent les revendications des mouvements séparatistes, le Djabha (Front de Libération Érythréen) et le Cha'abiya (Front populaire de libération de l'Érythrée). L'historien éthiopien Berhanou Abebe note à cet égard que les grandes puissances de l'époque ne se montrent pas non plus favorablement disposés à cette union : "le parti unioniste représentait la force politique organisée le plus efficacement et qu'il ne reçut aucune organisation extérieure d'aucune sort.(...) Le déploiement de de forces extérieures contre les intérêtes éthiopiens en Érythrée indique, de surcroît, ques les principales puissances occidentales n'étaient pas favorablement disposées à l'égard des revendications unionistes"[97].
Les troubles intérieurs
Les tensions internes éclipsées par l'euphorie de la libération ne tardent pas à refaire surface. Une première tentiative d'assassinat de l'empereur a lieu par le blatta Tekkelé. Une autre a lieu le 5 juillet 1951, fomentée par le dejazmach Negache Bezabbeh, petit-fils de Téklé Haymanot.
Le 14 décembre 1960, un putsch est mené par le commandant en chef de la Garde Impériale, le général Menguistu Neway, instigé par son frère Guermamé formé aux États-Unis[98]. Les insurgés emprisonnent les notables au Palais, les exterminent et forment un gouvernement sous l'égide du Prince Asfa Wossen. L'empereur rentre d'urgence d'une visite officielle au Brésil, les auteurs du putsch sont tués ou capturés.
Des révoltes paysannes commencent à voir le jour dans les années 1960 en opposition au système de taxation des revenus agricoles. C'est notamment le cas dans la région du Balé en 1963, où le conflit est exacerbé par la superposition des revendications du Front de libération de la Somalie occidentale. La région est placée sous garde de la 4e division en 1966. Une autre révolte se produit dans le Godjam en 1968, et fait l'objet d'une intervention militaire dénoncée pour sa violence. L'armée finit par se retirer.
En 1965, un mouvement en faveur d'une réforme agraire prend le leitmotiv de marèt larachou ("la terre au cultivateur")[99]
La révolution éthiopienne (1974) et la dictature (1975-1991)
Article détaillé : Révolution éthiopienne.La révolution de février (Yekakit 66)
Au début des années 1970, une famine de très large ampleur ravage la région du Wollo, Celle-ci trouve plusieurs raisons: d'une part une succession de saisons excessivement sèches depuis 1970, d'autre part une distribution des terres héritière d'un système féodal très défavorable aux paysans de ces provinces (un quart des possessions du Wollo, région très fertile, appartiennent à des propriétaires absentéistes[100]), aggravée par l'exploitation économique à orientation capitaliste du pays (la plupart des pâturages des plaines du Danakil sont converties en plantations de coton[100] ). Le régime tente très vite de masquer la situation, un rapport préparé à l'automne 1972 par le ministère de l'agriculture et la FAO (Commission de l'alimentation et de l'agriculture des Nations Unies) sur la situation est même passé sous silence avec la complicité de l’agence [101].
Le 17 avril, les étudiants manifestent et ouvrent les yeux du pays sur l'ampleur de la situation, une répartition des terres plus juste fait partie des premières revendications. Des heurts violents les opposent à la police. Le 28 avril, l'empereur décide de lever la censure imposée jusque là aux médias sur ce sujet: un nouveau gouverneur est nommé dans le Wollo, des ravitaillements sont envisagés. Néanmoins le gouvernement continue à minimiser l'ampleur de la situation[102]. L'empereur admet finalement son incapacité à gérer la situation et fait appel à l'aide internationale, les pertes humaines sont estimées à 200 000 personnes.
Les professeurs, universitaires et intellectuels sont au premier rang de la contestation qui se prépare: ceux-ci entendent s'opposer à une réforme du secteur de l'éducation basée sur un rapport gouvernemental intitulé "Report of the Education Sector Review": celui-ci préconise entre autres de limiter l'éducation aux stricts besoins économiques du pays et de conserver la part infime d'étudiants accédant au cursus secondaire: pour beaucoup ce rapport condamne la jeunesse à l'illettrisme et au statut de prolétaire, par ailleurs les enfants des classes dirigeantes ne sont pas concernés par ces réformes. Les étudiants sont les premiers à manifester le 14 février, et font face à une riposte armée de la police. Le 18 février les professeurs accompagnés des conducteurs de taxis, qui entendent protester contre une hausse de 50% du prix du carburant, bloquent la capitale. De nombreuses attaques contre les propriétés de la classe dirigeante ont lieu[103].
Le 23 février une diminution du prix du pétrole est décrétée et la réforme de l'éducation reportée indéfiniment. Les associations universitaires refusent néanmoins de mettre fin au mouvement.
Les étudiants trouvent alors une nouvelle forme de communication à travers le tract: de nombreuses publications clandestines fleurissent à cette époque à Addis Abeba, faisant appel à toutes les classes sociales (ouvriers, paysans, étudiants) mais aussi aux soldats, dont les universitaires sont conscients qu'ils menacent le mouvement révolutionnaire.(un tract dénonce par exemple les "ministres et généraux qui s'enrichissent sur le dos du soldat", un autre demandant "d'écraser le gouvernement qui ne profite qu'à un petit nombre"). Simultanément, le gouvernement accorde des augmentations de salaire aux militaires et policiers.
Le 27 février le premier ministre Aklilu Habte-Wold démissionne. La haute aristocratie en profite pour reprendre le contrôle et Endalkachew Makonnen est nommé premier ministre.
La première mesure du nouveau cabinet consiste à accroître la solde des soldats et des officiers : en dépit de quelques agitations, la quasi-totalité des soldats prête allégeance au nouveau gouvernement et disperse une manifestation le 1er mars 1974.
Néanmoins la grève des professeurs ne faiblit pas. L'Association des professeurs d'Universités Éthiopiens se joint au mouvement et publie un document intégrant les demandes des différents groupes sociaux, visant à clarifier les raisons du soulèvement populaire et à les transformer en objectifs politiques, celui-ci sert de programme immédiat au mouvement: celui-ci ne se limite plus simplement à des revendications économiques mais demande des changement socio-économiques et politiques radicaux en dénonçant l'oligarchie et la répartition des terres comme les causes fondamentales des maux de la nation. La démocratie, une nouvelle constitution, une presse libre, une réforme de la répartition des terres, des libertés civiles font parties des revendications premières.
De son côté, l'union des syndicats éthiopiens CELU menace le premier ministre de grève générale si une liste de 16 points qu'elle présente n'est pas respectée. Celle-ci inclut les demandes d'un nouveau code du travail, d'un salaire minimum, de sécurité de l'emploi, de retraites, d'une augmentation des salaires, etc. Le CELU dénonce aussi la réforme de l'éducation comme visant à séparer les enfants de riches de ceux des pauvres, se déclare solidaire des professeurs, demande l'éducation gratuite pour tous et dénonce la répartition inégales des terres comme l'un des principaux maux du pays. La première grève générale dans l'histoire de l'Éthiopie à lieu le 7 mars.
L'Association des journalistes éthiopiens se joint au mouvement et demande la levée de la censure imposée à la presse le 5 mars. les premiers bilans de la famine dans le Wollo commencent à apparaître et provoquent la consternation.
Hailé Sélassié réalise quelques concessions, Le 22 avril le ministre de la défense menace de réprimer toute manifestation et s'autorise à répondre "par tous les moyens nécessaires pour arriver à ses fins"[104].
La révolution de l’armée
Face à un mouvement populaire d'ambition révolutionnaire touchant tous les secteurs de la société, le régime ne peut plus compter que sur ses forces armées. Pourtant les simples soldats partagent de nombreuses revendications avec la population éthiopienne, notamment sur la répartition des terres. Le régime compte sur un changement des têtes de l'armée, mais de nombreuses mutineries ont déjà lieu opposant soldats et officiers (2nde division en Érythrée, 3ème division au Harar, 4ème division à Bale). Fin avril, un comité de représentants élus comprenant tous les échelons de l'armée se met en place sous le nom de Comité de Coordination des Forces armées, plus connu sous le nom de Dergue (Comité en Amharique). Les ambitions du Dergue sont initialement confuses: il rend initialement allégeance à l'Empereur, effectue les arrestations ordonnées par le régime, et condamne les manifestations populaires progressistes[105].
Le 26 juin, des membres du parlement se présentent au quartier général de la 4e division pour demander la libération de ministres retenus prisonniers par des soldats suite à une mutinerie. Au lieu de la libération, ceux-ci commencent une nouvelle vague d'arrestation : aristocrates, dignitaires du régime, officiers militaires, juges, bureaucrates et le guide religieux de l'Empereur. De là les arrestations ne prendront pas fin avant que tous les dirigeants de l'ancien régime ne soient emprisonnés.
Le Dergue présente alors sa propre liste de revendications au Premier Ministre. Celle-ci ne clarifie pas sa direction qui reste assez confuse à cette époque, sans soulever de revendication particulièrement radicale: incluant son slogan "Ethiopia Tikdem" (Éthiopie d'abord) et la promotion du tourisme, cette confusion est révélatrice, comme le note John Markasis, de l'incertitude du Dergue à cette époque sur sa capacité à assumer le pouvoir[106]. Le Dergue pousse le premier ministre à présenter sa démission le 22 juillet. Il est remplacé par le ministre du Commerce et de l'Industrie, Mikael Imru, ce qui signe encore une fois la confusion de l'idéologie du Dergue (Mikael Imru est fils de Ras Imru, cousin d'Hailé Sélassié).
Les intellectuels et universitaires éthiopiens continuent parallèlement leur offensive. Leurs revendications sont présentées de manière claire et concise à la population à travers une presse clandestine multiple qui trouve une très large diffusion: les intellectuels enrichissent l'amharique d'un vocabulaire entièrement nouveau adapté à la lutte des classes, dénonçant aussi bien le pouvoir qualifié de premier responsable ("Qui est plus responsable que lui?"[107], "C'est par la tête que le poisson pourrit"[108]), que la naïveté politique du Dergue (critiquant entre autres son slogan "Éthiopie d'abord" [109]). L'abolition du régime féodal et l'indépendance face au capitalisme étranger sont définis comme les seules bases possibles d'un changement radical[110], . Le Dergue est dénoncé comme non représentatif ni du peuple ni des forces armées éthiopiennes[111],
Dans un premier temps le Dergue masque sa confusion en reprenant ainsi le vocabulaire et les revendications des intellectuels. En août, il se saisit de la première des demandes : la déposition d'Hailé Sélassié. Le 12 septembre, l'annonce de sa déposition est faite dans tout le pays.
Les soldats n'ont alors plus d'hésitation à réclamer le pouvoir et à supprimer toute opposition. Le Dergue assure le rôle de chef d'État, la constitution suspendue, le parlement dissout. Le nouveau gouvernement interdit toute opposition au principe du "Ethiopia Tikdem", et se refuse à toute alliance avec aucun autre groupe populaire: la prise de pouvoir est ainsi très vite perçue dans la population et particulièrement chez les intellectuels comme une trahison de la révolution du peuple[112].
La presse attaque très vite les prétentions du Dergue à être représentatif du mouvement qui l'a porté [113]. Le congrès annuel du CELU le 15-17 septembre demande la démission du gouvernement militaire et son remplacement par un gouvernement populaire incluant des représentant des ouvriers, des paysans, des étudiants, des commerçants, des soldats et des femmes. Le Dergue répond en demandant au CELU de retirer leur proposition. Le 18 septembre, les étudiants éthiopiens bravent une parade militaire et manifestent leur solidarité avec les travailleurs. Le Dergue qualifiant les étudiants d'"immatures" et se dit près à les écraser. Les dirigeants du CELU sont arrêtés le 23 septembre.
Le Dergue fait aussi face à des tensions internes, certains militaires demandant la réélection de leurs dirigeants. Le Dergue fait arrêter ses opposants, dans une confrontation avec des ingénieurs de l'Armée certains soldats sont tués à Addis Abeba le 7 octobre. Le Dergue inclut les intellectuels radicaux comme des "ennemis au progrès et de la nation"[114].
La question érythréenne ouvre un second front contre le régime du Dergue: réclamant l'indépendance par le biais des deux principaux mouvements de libération (ELF et EPLF), le Dergue, contre l'avis de ses experts, est convaincu qu'aucun compromis n'est possible et se dit déterminé à une solution militaire. Dans la nuit du 23 novembre, le général Aman expert de la question érythréenne pour le régime du Dergue qui préconisait un règlement pacifique du conflit, est assassiné à son domicile. La même nuit 59 prisonniers sont exécutés, incluant les deux précédents premiers ministres et des officiers militaires opposés au Dergue. Cette date marque un tournant dans le régime, la presse qualifie ouvertement le régime du Dergue de "fasciste", les intellectuels dénoncent la politique de répression et sa gestion de l'Érythrée sans équivoque.
La bataille d'Asmara pour l'Érythrée dans la première semaine de février 1975 achève de polariser la population érythréenne: les récits des atrocités commises par les troupes du Dergue choquent les populations, les deux mouvements de libération ELF et EPLF s'unissent contre le régime.
La dictature militaire (1975-1991)
Article détaillé : Guerre civile éthiopienne.Le PMAC et les années de contradictions (1975-1976)
Suite à l'assassinat du Général Aman Andom en novembre 1974, la position de président du Conseil Administratif Militaire Provisoire (PMAC) est occupée par le Brigadier Général Tafari Benti. Dépourvu d'initiative il est très vite éclipsé par les deux vice-présidents du régime.
Le premier d'entre eux, Mengistu Hailé Mariam, est d'un niveau d'éducation limité, il possède une personnalité très forte et gagne le soutien des éléments les moins éduqués au sein du Dergue. Ses ambitions personnelles l'opposent très vite aux officiers plus éduqués du Dergue qui rejettent ses solutions radicales[115].Atfanu Abate est le second vice-président du Dergue. Membre fondateur du Dergue, il est longtemps considéré comme l'un des plus sérieux rivaux de Mengistu. Les éliminations brutales qui suivront ne lui laisseront pas l'occasion de le distancer.
Le président et ses deux vice-présidents deviennent les membres les plus connus du régime. Les portraits du trio sont présents sur toutes les couvertures de presse durant les années 1975 et 1976. L'organisation et le fonctionnement interne du Derg est très longtemps resté dans l'ombre. On sait à travers les déclarations du général Aman, avant son assassinat, que le Dergue comptait 120 membres à ses débuts, pour arriver à moins de 40 membres au début 1977 suite aux nombreuses purges menées au sein de la Junte.
Malgré le changement de régime, l'aide militaire américaine vers l'Éthiopie de faiblit pas : Washington réagit très peu à la nationalisation des investissement étrangers dans le pays et considère favorablement les demandes d'assistance militaire de la part du Dergue, les experts américains considérant que "cette très longue relation avec le pays vaut la peine d'être préservée"[116]. "Nous recevons en même temps des livres marxistes imprimés en Chine, et des armes modernes fabriquées aux États-Unis" cite Le Monde daté du 7 juin 1975[117]
Arrivé au pouvoir suite à un soulèvement populaire, le Derg (ou Dergue) ne pouvait espérer se maintenir durablement sans compromis avec les aspirations premières du mouvement. L'année 1975 cristallise ces contradictions. Le Dergue espère ainsi gagner le support de la paysannerie, remettre les ouvriers au travail et neutraliser les intellectuels radicaux.
En janvier et février 1975 une première vague de nationalisation est brutalement annoncée. Dans la déclaration de politique économique de février 1975 une économie en 3 tiers est envisagée : un secteur réservé à l'État, un secteur conjoint État-privé (secteurs minier, forage, tourisme) réservé au secteur que le pays ne peut espérer développer sans investissements étrangers, et un secteur privé assez large. Le secteur de l'État s'accroît ainsi de près de 30,000 postes.
Sur la question de la répartition des terres, le Dergue proclame la réforme le 4 mars 1975[118]: toutes les terres rurales deviennent les propriétés collectives de l'État, la répartition entre propriétaire et locataire est abolie, le transfert de terres interdit. Aucune compensation n'est accordée aux anciens propriétaires. Le système médiéval est ainsi définitivement enterré. À l'occasion de cette réforme, ont lieu à Addis Abeba et dans de nombreuses autres villes du pays les plus grandes manifestations et les plus enthousiastes de l'histoire du pays[119].
En fait ce plan avait été envisagé bien avant la chute de l'Empereur et dès septembre 1974, les étudiants et le corps enseignant avaient déjà commencé à parcourir les campagnes afin d'expliquer les principes du "progrès par la co-opération", promouvoir l'enseignement, l'éducation à l'agriculture, les soins, les conditions sanitaires et l'organisation communautaire. Ceux-ci s'opposent initialement à la proposition du régime vue comme une simple récupération et un moyen que se trouve le régime pour s'offrir un répit face à la contestation du peuple[120]. Le Dergue entame une campagne d'intimidation interdisant d'emploi futur tout étudiant qui se refuserait à participer à la campagne du régime. La campagne est lancée officiellement le 21 décembre 1974, impliquant 60.000 étudiants et universitaires.
Profitant de cette campagne de nombreux étudiants dans le sud poussent les paysans à l'auto-organisation et l'auto-gouvernance, de nombreux heurts ont lieux entre la police et les militants, nombre d'entre eux sont arrêtés et emprisonnés à Addis-Abeba.
Alors que le régime tente de récupérer la sympathie des paysans, la situation des ouvriers urbains n'est quasiment pas améliorée par la nouvelle législation du travail promulguée en décembre 1975. Celle-ci ne propose ni salaire minimum, ni aucune mesure de sécurité sociale.
Le Dergue commence alors à s'attaquer à l'existence même des syndicats en développant de nouvelles structures concurrentes appelées "comités de travailleurs". Les syndiqués sont soumis à une campagne d'intimidation de la part des managers et des "Apôtres du changement", des représentants du Dergue dépêchés dans chaque entreprise afin de promouvoir la "philosophie du régime". Tous les employés sont forcés d'assister deux fois par semaine à une session d'éducation politique afin de s'imprégner du credo officiel.
Le Dergue ordonne la suspension du CELU jusqu'aux élections du prochain congrès; le Dergue espère pouvoir y en prendre le contrôle et tourner le CELU à son avantage. Les dirigeants actuels sont emprisonnés. Au nouveau congrès de juin, le CELU adopte une longue liste de résolutions critiquant la politique du régime sur de nombreux points, les demandes de salaire minimum et de sécurité sociale sont réitérées, la solidarité avec les paysans et les forces progressives urbaines affirmée.
Ayant été incapable de manipuler le CELU, le Dergue met fin à l'activité de l'organisation et retient prisonnier ses représentants. Le 25 septembre, des membres des forces de sécurité ouvrent le feu sur des personnes distribuant des tracts du CELU à l'aéroport d'Addis Abeba, causant plusieurs morts. L'état d'urgence est déclaré, de larges vagues d'arrestations emprisonnent ouvriers syndiqués, intellectuels et étudiants.
Le durcissement du régime : la dictature (1976-1987)
Ayant épuisé les reformes socio-économiques inspirés du mouvement populaire, le Dergue se montre non seulement incapable de concevoir de nouvelles mesures dans les mois suivant, mais voit aussi resurgir avec d'autant plus de force l'une des premières revendications du mouvement: celle d'un gouvernement du peuple. Parallèlement le Dergue suit une transformation interne clarifiant la nature du régime: la plupart des membres sont décimés au cours de purges violentes ramenant le pouvoir dans les mains d'une clique de plus en plus réduite.
La première des pressions exercées par la junte reste l'opposition populaire dirigée par les intellectuels, les ouvriers et les étudiants. La campagne de propagande basée sur l'envoi massif des étudiants dans les campagnes prend fin au début de 1976, du fait de l'hostilité de plus en plus grande des universitaires face au gouvernement militaire. Ils sont remplacés, comme les professeurs, par des militaires et des sympathisants du régime, le Dergue prenant des mesures sévères contre leurs prédécesseurs: un nombre indéterminé de ces militants universitaire est tué dans des heurts avec les autorités, beaucoup sont emprisonnés, des centaines traversent les frontières pour se réfugier à l'étranger.
La campagne prend fin officiellement en juillet 1976.
En décembre 1976, une délégation éthiopienne se rend à Moscou et signe un accord d'assistance militaire avec l'Union soviétique. En avril, l'Éthiopie résilie son accord d'assistance militaire avec les États-Unis et expulse les forces militaires basées en Éthiopie (base de Kagnew). En juillet 1977, la Somalie de Siad Barre attaque l'Éthiopie pour soutenir les indépendantistes de la province d'Ogaden. Le conflit voit la défaite de la Somalie en mars 1978.
Les années sous Mengistu sont marquées par un gouvernement totalitaire et la militarisation du pays financée par l'URSS et Cuba. En 1977 et 1978, des milliers de personnes suspectées d'être des ennemis du Derg sont torturées ou tuées. Lorsque les corps ne sont pas abandonnés aux hyènes, les familles doivent payer la balle qui a servi à l'exécution. Cette période est nommée la « terreur rouge ». Les slogans annoncent : « Pour un révolutionnaire abattu, mille contre-révolutionnaires exécutés ». 30 000 étudiants sont mis en prison et 5 000 sont tués en une seule semaine[121].
La guerre civile provoque l'abandon et la destruction des cultures et détourne une part importante des énergies et crédits vers les opérations militaires. En 1979, une famine importante touche le Nord du pays du Wollo à l'Érythrée. À cette occasion, le régime entame une politique de déplacements forcés, dite de "villagisation". Cette politique obéit à plusieurs objectifs : les autorités poussent d'une part les paysans à abandonner les zones sinistrées -pour cause de famine ou de guérilla- pour les transférer dans les régions du Sud plus clémentes et plus sures, de l'autre ces déplacement diminuent les capacités de regroupements dans les régions du Nord hostiles au régime. Cette politique est conduite à une plus grand échelle, lors de la famine de 1984-1986 : d'octobre 1984 à mai 1986, 2 800 000 personnes sont déplacées.
En 1984, le Parti des travailleurs d'Éthiopie (PTE) est créé, et le 1er février 1987, une nouvelle Constitution suivant le style soviétique est soumise à un référendum. Celle-ci est officiellement approuvée par 81 % des votants, et en suivant la Constitution, le pays est renommé « République démocratique populaire d'Éthiopie » le 10 septembre 1987. Mengistu devient président.
La chute du régime (1988-1991)
En mai 1988, l'état d'urgence est proclamé dans le Tigré et en Érythrée.
En 1989, le FDRPE se rapproche d'Addis Abeba. Suite à un coup d'état manqué contre Mengistu, celui-ci fait assassiner de nombreux gradés. Après la chute de l'Union soviétique au début des années 1990, le régime ne reçoit plus d'aide du camp communiste ce qui conduit à son affaiblissement. En 1991, Mengistu annonce l'abandon de l'économie marxiste. En février, le Front populaire de libération de l'Érythrée (FPLE) attaque et conquiert Massaoua, sur la mer Rouge. En mars et avril 1991, le FPLE contrôle les provinces du nord-ouest. Le 21 mai, Mengistu quitte l'Éthiopie pour finir au Zimbabwe, accueilli par Mugabe. Le FDRPE entre à Addis Abeba la semaine suivante. La date est devenue jour de fête nationale. Le FPLE s'empare d'Asmara et d'autres villes éthiopiennes.
Le régime soutenu par l'URSS, aura provoqué la mort de dizaines de milliers de personnes (entre 50 000 et 350 000 selon les estimations[122] : répression de l'opposition, épuration de l'armée et campagnes de « villagisation » ont été très meurtrières pendant la dictature de Mengistu.
La première démocratie (1991-aujourd'hui)
L'établissement de la démocratie
En juillet 1991, un gouvernement de transition du FDRPE dirigé par Meles Zenawi, leader du Front de libération des peuples du Tigré, est mis en place. Les partis politiques sont autorisés.
En avril 1993, l'Érythrée devient indépendante par référendum avec 99,8% de votes positifs. Le 24 mai 1993, l'Érythrée déclare son indépendance.
Les premières élections démocratiques ont lieu en mai 1995, Meles Zenawi devient premier ministre et Negasso Gidada, un Oromo, président.
En août 1995, la République Démocratique Fédérale d'Éthiopie est proclamée.
La Guerre Érythrée-Éthiopie
Article détaillé : Guerre Érythrée-Éthiopie.Entre 1998 et 2000, une guerre éclate avec le nouvel État à cause de différends territoriaux mineurs. Celle-ci fait plus de 80 000 morts. Une Force de maintien de la paix des Nations unies est depuis présente sur la frontière commune.
Les élections de mai 2005
L'intervention en Somalie
En décembre 2006, estimant la sécurité du pays menacée, les troupes éthiopiennes, avec le soutien actif des États-Unis, pénètrent en Somalie, afin de chasser les troupes des tribunaux islamiques, hostiles à l'Éthiopie. La campagne est officiellement achevée en moins d'une semaine, et permet au gouvernement somalien de transition d'accéder au pouvoir. Plusieurs milliers de soldats éthiopiens occupent depuis la Somalie et participent aux combats, en particulier dans Mogadiscio. Alors que l'Éthiopie avait annoncé un retrait de son armée au début février 2007, elle est aujourd'hui embourbée et confrontée à des soulèvements armés et des attentats[123].
La situation politique aujourd'hui
À l'intérieur de ses frontières, l'Éthiopie est également confrontée à deux rebellions armées : le Front de libération Oromo et le Front national de libération de l'Ogaden, qui ont redoublé d'activité en 2007.
Birtukan Mideksa, dirigeante du principal parti d’opposition l’Unité pour la démocratie et la justice (UDJ), est arrêtée le 28 décembre 2008. Cette arrestation fait suite à une réunion publique en Suède à laquelle participait Birtukan Mideksa où elle s'exprimait sur les conditions de sa libération en 2006, et y expliquait notamment que la grâce qu'on lui avait accordée il y a un an était le résultats de tractations politiques et non pas une faveur du gouvernement[124]. Des responsables du gouvernement éthiopien ont considéré que ses propos valait négation de sa demande de grâce. Le ministère de la Justice émet une déclaration annulant la grâce qui lui avait été octroyée et rétablissant la peine de réclusion à perpétuité prononcée à l’origine[125]. Elle est incarcérée à la prison de Kaliti, à la périphérie d’Addis-Abeba[126].
Le 16 avril 2009, a lieu la première grande manifestation politique depuis la violente répression de 2005[127], limitée à 250 personnes par le gouvernement[128] à Addis Abeba, afin d'obtenir la mise en liberté du leader de l'opposition.
Annexes
Notes et références
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- ↑ Pour une étude complète, étude systématique des armes chimiques pendant la période 1935-1940 sur le font Éthiopien, voir Angelo Del Boca, I gas id Mussolini, Il fascismo e la guerra d'Etiopia, Editori Riuniti, Roma, 1996.
- ↑ Angelo Del Boca, Italiani, brava gente? Un mito duro a morire, Neri Pozza Editore, Vicenza, 2005, ISBN 88-545-0013-5, pag. 196.
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- ↑ Ibid.
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- ↑ Lire sur le site Afrique en Ligne [lire en ligne]
- ↑ Lire sur le site d'Amnesty international [lire en ligne]
- ↑ Ecouter sur RFI, le 15 février 2009 [lire en ligne]
- ↑ Dépêche AFP du 16 avril 2009, « Ethiopian opposition stages rare protest » [lire en ligne]
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Bibliographie
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- Richard Pankhurst, Historic images of Ethiopia, Shama books, Addis Abeba, 2005 (ISBN 9-9944-0015-0);
- Étienne Bernand, Abraham Johannes Drewes, Roger Schneider, Francis Anfray, Recueil des inscriptions de l'Éthiopie des périodes pré-axoumite et axoumite, Académie des inscriptions et belles-lettres, De Boccard, 1991 (ASIN B0000EAFWP) ;[lire en ligne]
- David W. Philipson, Aksum: an archaelogical introduction and guide, The British Institute in Eastern Africa, Nairobi, 2003 (ISBN 1-872566-197);
- Stuart Munro-Hay, Aksum: An African Civilisation of Late Antiquity, Edinburgh University Press, septembre 1992 (ISBN 0748602097) [lire en ligne]
- Marie-Laure Derat, "Le domaine des rois éthiopiens (1270-1527). Espace, pouvoir et monachisme", Publications de la Sorbonne, 2003.
- Hervé Pennec, "Des Jésuites au Royaume du Prêtre Jean (Éthiopie), Paris, Gulbenkian, 2003.
- Claire Bosc-Tiessé, "Les îles de la mémoire. Fabrique des images et écriture de l'histoire dans les églises du lac Tana, Éthiopie, XVIIe -XVIIIe s.", Paris, Publications de la Sorbonne, 2008.
- John Markasis et Nega Ayele, Class and Revolution in Ethiopia, Addis Abeba, Shama Books, 1978 (ISBN 99944-0-008-8);
- John Young, Peasant Revolution in Ethiopia: The Tigray People's Liberation Front, 1975-1991 (African Studies) , Cambridge University Press, 1993 (ISBN 0521591988);[lire en ligne]
Vidéographie
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- (en) Fascist Legacy, Ken Kirby, Royaume-Uni, 1989, documentaire 2x50min [lire en ligne] [vidéo] Fascist Legacy sur YouTube.
Documentation historique
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- Jean de Giffre de Rechac, Les estranges evenemens du voyage de Son Altesse, le serenissime prince Zaga-Christ d'Éthiopie, Hachette, Paris, 1635, disponible sur Gallica, BNF
- James Bruce, Jean-Henri Castéra, Charles-Joseph Panckoucke, Pierre Plassan, Voyage en Nubie et en Abyssinie entrepris pour découvrir les sources du Nil, Paris, 1791 [lire en ligne]
- Arnauld Michel d'Abaddie (1815-1894?), Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie, Tome Ier, Paris, 1868, [lire en ligne], [lire en ligne]
- Dr. Henri Blanc (1831-1911), Ma captivité en Abyssinie sous l'empereur Théodoros - avec des détails sur l'Empereur Theodros, sa vie, ses mœurs, son peuple, son pays, traduit de l'anglais par Madame Arbousse-Bastide [lire en ligne]
- Louis Reybaud, Voyage dans l’Abyssinie méridionale, Revue des Deux Mondes, tome 27, Paris, 1841, [lire en ligne], [lire en ligne]
- Pierre Victor Ad. Ferret, Joseph Germain Galinier Voyage en Abyssinie dans les provinces du Tigré, du Samen et de l'Amhara, Paris, 1847 [lire en ligne]
- Pierre Trémaux Voyage en Éthiopie, au Soudan oriental et dans la Nigritie, Paris, 1863 [lire en ligne]
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- (en) Discours prononcés par l'empereur Hailé Sélassié Ier (1936, 1940, 1963) [lire en ligne]
Articles
- (en) Liste des essais et publications du Dr. Richard Pankhurst sur l'histoire de l'Éthiopie
- (fr) Art rupestre et Néolithique de l'Éthiopie. Découvertes récentes, Didier Bouakaze-Khan, Benoît Poisblaud, Annales d'Éthiopie, 2000, Vol. 16, Num. 16, p. 39-53 [lire en ligne]
- (fr) Les origines de l'Éthiopie par Francis Anfray, ancien directeur de la Mission française d'archéologie en Éthiopie.
- (en) A Brief History of Trade and Business in Ethiopia from Ancient to Modern Times, Dr. Richard Pankhurst, 1999: ensemble de 2 articles publiés dans le quotidien éthiopien Addis Tribune sur l'histoire du commerce en Éthiopie des premières relations avec l'Égypte ancienne jusqu'à la création de l'OUA
- (en) Ethiopia Across the Red Sea and Indian Ocean, Dr. Richard Pankhurst, 1999: ensemble de 3 articles publiés dans le quotidien éthiopien Addis Tribune sur les relations entre l'Éthiopie et les pays de l'Océan Indien pendant les périodes antiques et le début de l'ère médiévale, en particulier avec l'Inde
- (en) The development of urbanism in the northern Horn of Africa in ancientand medieval times (c. 4000 BC–AD 1500), Rodolfo Fattovich, Urban Origins in Eastern Africa Conference, Mombasa, Kenya, 1993
- (fr) Naissance d'une nation : l'Éthiopie de Théodore à Haylä Sellasé par Michel Perret, maître de conférence honoraire à l'INALCO, 2002
- (fr) L'islam, l'Église orthodoxe et le nationalisme oromo en Éthiopie, Cahiers d'études africaines, 165, 2002 par Abbas Haji Gnamo, Centre for International and Security Studies/Glendon College, York University, Toronto.
- (fr) Le christianisme éthiopien par Stéphane Ancel, historien, 2002
- (fr) L'utopie éthiopienne contemporaine par Alain Gascon, professeur des universités à l'Institut français de géopolitique de Paris 8, 2003
- (en) A History of Early Twentieth Century Ethiopia, Dr. Richard Pankhurst, 1997: ensemble de 20 articles publiés dans le quotidien éthiopien Addis Tribune résumant l'Histoire de l'Éthiopie du début du XXe siècle jusqu'aux années 1960
- (fr) Les ambulances à Croix-Rouge du CICR sous les gaz en Éthiopie, Bernard Bridel, Le Temps, 2003 [lire en ligne]
- (en) History of Northern Ethiopia – and the Establishment of the Italian Colony or Eritrea, Dr. Richard Pankhurst, 1999: article publié dans le quotidien éthiopien Addis Tribune montrant l'attachement historique de l'Érythrée à l'Éthiopie
- (fr) La saga sanglante du "Négus rouge, Jean-Philippe Rémy, Le Monde web, 23/05/2006 [lire en ligne]
- (fr) La révolution éthiopienne, une véritable révolution. par Mohamed Abdelmajid, Les Nouvelles d'Addis, 1999
Liens externes
- (en) Histoire de l'Éthiopie sur le site ethiopianhistory.com
- (en) Étude de pays : l'Éthiopie - Chapître 1 - Situation historique par John W. Turner sur le site de la Librairie du Congrès américain
- (fr) Annales d'Éthiopie revue internationale consacrées aux recherches menés prioritairement par les chercheurs français et éthiopiens en archéologie et en histoire (numéros accessible en ligne sur la période 1955-2005)
- (fr) Chronologie de la Révolution éthiopienne par Mohamed Abdelmajid, Les Nouvelles d'Addis
- (fr) Bibliographie de la Révolution éthiopienne, Les Nouvelles d'Addis
Voir aussi
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