- Alphasyllabaire
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Un alphasyllabaire ou abugida (du ge'ez አቡጊዳ, abouguida) est un ensemble de signes utilisés pour représenter les phonèmes d'une langue. Situé à mi-chemin entre un syllabaire et un alphabet, il consiste en des signes représentant des syllabes dotées d'une voyelle par défaut et d'autres signes, souvent annexes, modifiant, remplaçant ou supprimant cette voyelle par défaut.
Sommaire
Théorie
On peut expliquer ce principe de fonctionnement par un exemple fictif : soit un graphème consonantique donné dans un alphasyllabaire, noté K. Ce graphème se lit normalement comme une syllabe composée d'une consonne (ici /k/) suivie de la voyelle par défaut (dans notre exemple, un /a/). Si l'on veut écrire /ka/, il suffit donc d'un signe unique K. Pour écrire /ki/, cependant, il faudra recourir à un signe annexe ajouté au graphème K : K + i. Pour écrire /k/ seul (dans un groupe de consonnes, par exemple, en fin de mot…), un troisième signe est nécessaire, qui note l'absence de la voyelle par défaut (signé représenté dans notre exemple par *) : K + *. Un tel signe est souvent nommé halant (nom sanskrit qu'il porte dans les écritures de l'Inde) ou ─ moins probant ─ tueur (traduction de halant, peut-être par allusion au fait que ce signe "tue", c'est-à-dire fait disparaître, la voyelle qui suit normalement la consonne) et l'on dit que la consonne est « dévoyellée ». Enfin, pour écrire /i/ sans le support d'une consonne, il faut un quatrième signe, celui d'un /i/ indépendant (noté İ dans notre exemple). Si l'on récapitule :
- K = /ka/ ;
- Ki = /ki/ ;
- K* = /k/ (donc, pour écrire /kma/, il faut passer par K*M) ;
- İK = /ika/ ;
- İK* = /ik/ ;
- İKi = /iki/, etc.
Au final, il faut quatre signes différents (K, i, * et İ) là où, dans un alphabet, trois sont nécessaires (k, a et i).
Parfois, le découpage des caractères ne correspond pas au découpage syllabique français. Par exemple, quand r précède une autre consonne d'un groupement de consonnes en devanagari, il est écrit avec les autres consonnes du groupement, dans le même caractère. Le français placerait ce r- en tant que -r final dans la syllabe précédente, et d’autres cas dans les écritures brahmiques indiennes existent pour les glissements de consonnes commençant par l-.
Exemple en devanāgarī
On peut illustrer ce mode de fonctionnement par les mêmes exemples écrits dans un alphasyllabaire comme la devanāgarī :
- K = /ka/ = ;
- Ki = /ki/ =
- K* = /k/ = (avec le signe de halant souscrit)
- K*M = /kma/ = ;
- İK = /ika/ = ;
- İK* = /ik/ = ;
- İKi = /iki/ = , etc.
On note au passage plusieurs traits caractéristiques des alphasyllabaires :
- les voyelles suivant une consonne sont réellement traitées comme des diacritiques, d'où un placement ne suivant pas forcément l'ordre de lecture ; ainsi, Ki s'écrit en fait i+K, avec , qu'on ne confond pas avec İK grâce à l'utilisation de la voyelle indépendante ;
- la consonne dévoyellée K, comme c'est le cas pour de nombreuses autres, prend une forme particulière quand elle est directement suivie d'une consonne (ici dans K*M) : . On dit qu'elle a la forme conjointe et le halant n'est pas noté ; ailleurs, elle est marquée simplement par le halant : .
Liste d'alphasyllabaires
Beaucoup d'alphasyllabaires dérivent d'écritures utilisées dans les langues de l'Inde (comme la brāhmī ou la devanāgarī), et c'est dans cette région du globe qu'on trouve le plus d'alphasyllabaires différents :
- le méroïtique, langue éteinte non encore déchiffrée, semble utiliser un alphasyllabaire dérivé des hiéroglyphes égyptiens ;
- le guèze, alphasyllabaire de la langue éthiopienne éteinte du même nom, dont de légères modifications servent à noter un certain nombre de langues modernes d'Éthiopie et d'Érythrée notamment l'amharique et le tigrinya. Ses quatre premiers signes ont par ailleurs servi à former le terme « abugida » ;
- le mandombe, alphasyllabaire négro-africain;
- la brāhmī, prototype d'un nombre considérable d'alphasyllabaires utilisés en Inde et en Asie du Sud ;
- le grantha notait autrefois le sanskrit ;
- la devanāgarī, descendante de la brāhmī, servant à écrire entre autres le sanskrit, le pāli, l'hindī moderne, etc. ;
- l'alphasyllabaire du kannara, descendant de la brāhmī ;
- le malayāḷaṃ utilise un alphasyllabaire descendant là encore de la brāhmī ;
- l'oṛiya, l'un des nombreux descendants de la brāhmī ;
- le gurmukhī sert à noter le penjābi ;
- le gujarātī utilise un alphasyllabaire dérivé de la devanāgarī ;
- le tamiḻ, dérivé de la brāhmī ;
- le tĕlugu, dérivé de la brāhmī ;
- le cingalais possède un alphasyllabaire ;
- l'écriture du bengālī, basé sur la brāhmī ;
- l'écriture phags-pa ;
- le tibétain utilise un alphasyllabaire basé sur la devanāgarī ;
- le taï-le ;
- le tagbanoua, dérivé de la brāhmī ;
- l'écriture javanaise, dont l'alphasyllabaire est appelé hanacaraka, et sa variante balinaise, l'alphabet balinais ;
- l'alphabet laotien, descendant lui aussi de la brāhmī ;
- l'alphabet khmer, descendant de la brāhmī ;
- l'alphabet thaï, probable descendant de l'alphabet khmer ;
- l'ahom, langue thaï éteinte, utilisait un alphasyllabaire probablement dérivé de la brāhmī ;
- le birman utilise un alphasyllabaire dérivé de la devanāgarī ;
- le baybayin, écriture pré-coloniale du tagalog ;
- l'alphabet batak dans le nord de Sumatra ;
- l'alphabet rejang dans le sud de Sumatra ;
- l'alphabet rencong dans le sud de Sumatra ;
- l’écriture Yi moderne est un alphasyllabaire, issu d’une simplification de l'écriture yi classique (une écriture idéographique, apparemment non liée à celle du chinois) et qui aurait inspiré l'alphabet hangul du coréen) ;
- les syllabaires autochtones canadiens sont en fait des alphasyllabaires ;
- l'inuktitut possède un alphasyllabaire dérivé des syllabaires autochtones canadiens.
Voir aussi
Liens internes
- Écriture
- Syllabaire
- Abjad
- Alphabet
- Logogramme
- Sinogramme
- Signes diacritiques
- Translittération
- Classement alphabétique
- Caractères spéciaux
Liens externes
- (en) Omniglot, liste d'alphasyllabaires
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