- Campagne d'Afrique de l'Est (Seconde Guerre mondiale)
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La Campagne d'Afrique de l'Est est une série de batailles de la Seconde Guerre mondiale entre les Alliés et l'Empire italien. La plus grande partie des troupes alliés était issue du Commonwealth, notamment d'Inde, d'Afrique du Sud, de Rhodésie, du Nigéria et du Ghana. Elles étaient renforcées par les résistants éthiopiens, des soldats des Forces françaises libres et des Forces belges libres.
Sommaire
Contexte politique
Le 9 mai 1936, Benito Mussolini proclama l’empire d’Afrique orientale italienne, formé des colonies italiennes d’Érythrée et de Somalie ainsi que de l’Éthiopie, occupée depuis peu par l’Italie à l’issue de la seconde guerre italo-éthiopienne.
Le 10 juin 1940, lorsque Mussolini entra en guerre aux côtés de l’Allemagne contre la Grande-Bretagne et la France, les forces italiennes stationnées en Afrique devinrent une menace contre les voies d’approvisionnement des Britanniques le long de la mer Rouge et à travers le canal de Suez. En septembre, Mussolini attaque l’Égypte à partir de la Libye. En décembre, la Grande-Bretagne lance une contre-offensive et reprend la Cyrénaïque en janvier-février 1941. L’Afrikakorps intervient à la demande de l’Italie. Cette dernière reprend une partie la Cyrénaïque avec l’aide de l’Allemagne. En 1942, une deuxième offensive italo-allemande en Cyrénaïque fait tomber Benghazi, puis El-Gazala, et enfin Tobrouk. Les troupes de l’Axe franchissent la frontière égyptienne le 28 juin mais sont arrêtées deux jours plus tard à El-Alamein par le général Montgomery.
Le général britannique Archibald Wavell, commandant en chef au Moyen-Orient, disposait de 86 000 hommes dispersés entre l’Égypte, la Palestine, le Soudan, la Somalie britannique et le Kenya. Conscient de sa vulnérabilité, il s’efforça de lancer des attaques ponctuelles sur les principaux postes italiens afin de gagner du temps, doublées de raids agressifs. Il reçut des renforts de Grande-Bretagne et du Commonwealth à partir de juillet 1940. En attendant, il devait impérativement trouver des alliés sur place. L’empereur Hailé Sélassié Ier, en exil en Angleterre après avoir été détrôné par l’Italie en 1936, lui assura son soutien. Le 13 juin, il fut exfiltré vers Alexandrie, puis vers Khartoum, où il rencontra le lieutenant-général William Platt pour discuter de la libération de l’Éthiopie.
À la fin octobre 1940, Anthony Eden, secrétaire aux Affaires étrangères de Grande-Bretagne, réunit à Khartoum l’empereur Sélassié, le général sud-africain Jan Smuts, Wavell, Platt ainsi que le lieutenant-général Cunningham. Ils adoptèrent le plan général d’attaque, qui faisait également appel aux troupes irrégulières éthiopiennes. Le mois suivant, les cryptologues de Bletchley Park parvinrent à casser le code de l’Armée royale italienne, puis le Bureau combiné du Moyen-Orient cassa celui des forces aériennes. Cela donna un avantage considérable aux britanniques, puisqu’ils auraient désormais connaissance de toutes les instructions reçues par les armées italiennes dès leur émission.
Forces en présences
Forces italiennes
Armée de terre italienne
Amédée II, duc d’Aoste, gouverneur général de l’Afrique orientale italienne et vice-roi d’Éthiopie, disposait de 250 000 à 280 000 hommes.
- L’infanterie régulière comptait 10 000 Italiens et 110 000 indigènes.
- La cavalerie se composait d'environ 50 000 cavaliers, dont seulement quelques milliers d’Italiens.
- L'artillerie comptait 400 pièces d’artillerie et des blindés légers ou chenillettes.
À ces forces régulières, s'ajoutait des milices et des troupes autochtones sans formation :
- 50 000 soldats irréguliers appelés Bandas dont seuls les officiers étaient italiens.
- 20 000 Chemises noires[1].
- 8 huit légions de travailleurs de 4 000 hommes chacune.
L’ensemble des forces terrestres italiennes étaient équipées d’environ
- 3 300 mitrailleuses,
- 24 tanks M11/39,
- un grand nombre de chenillettes L3/35,
- 126 véhicules blindés et
- 813 pièces d’artillerie.
Le fusil le plus commun était le Carcano M91.
Environ 70% des troupes italiennes étaient composées d'autochtones, en particuliers des askaris originaires d’Afrique de l’Est. Les Érythréens des bataillons du Corps royal des troupes coloniales faisaient partie des meilleures unités italiennes d’Afrique orientale. Mais la plupart des autres soldats, mal formés et mal équipés, avaient été recrutés uniquement pour le maintien de l’ordre dans les colonies.
Les éthiopiens, recrutés pendant la brève occupation italienne, désertèrent en nombre dès le début des combats.
Ces forces étaient réparties en quatre secteurs :- Secteur Nord : Érythrée sous les ordres du général Luigi Frusci
- 13 brigades et 5 bataillons d’infanterie coloniale,
- 8 bataillons de Chemises Noires,
- 1 bataillon d’infanterie italienne,
- 2 escadrons et 2 compagnies de Bandas[2],
- 2 unités de garnison,
- 3 batteries d’artillerie.
- Secteur Est : Abyssinie et Somalie Italienne[3] sous les ordres du général Guglielmo Nasi
- 2 divisions d’infanterie,
- 40e Division d'infanterie Chasseurs d'Afrique,
- 65e Division d'infanterie Grenadiers de Savoie,
- 1 compagnie d’infanterie motorisée,
- 8 brigades et 4 bataillons d’infanterie coloniale,
- 7 escadrons de cavalerie coloniale régulière,
- 14 escadrons et 4 compagnies de Bandas,
- 1 compagnie motorisée de reconnaissance équipée principalement de Fiat 611,
- 2 compagnies blindées L3/35,
- 2 compagnies blindées M11/39,
- 7 batteries d’artillerie .
- 2 divisions d’infanterie,
- Secteur Sud : Abyssinie[4] sous les ordres du général Pietro Gazzera
- 8 brigades et un bataillon d’infanterie coloniale,
- 4 escadrons et 4 compagnies de Bandas,
- 1 compagnie de cavalerie coloniale régulière,
- 1 compagnie de cavalerie italienne.
- Secteur du Jubaland : En Somalie Italienne[5] sous les ordres du général Carlo De Simone
- 3 brigades et 7 bataillons d’infanterie coloniale,
- 2 bataillons de Bandas.
Les Italiens et leurs troupes rencontrèrent deux problèmes majeurs.
Premièrement, leur isolement géographique rendait difficile l’envoi de renforts et d’approvisionnement, ce qui les amena à manquer de munitions.
Deuxièmement, ils étaient démunis face à des maladies endémiques de la région, en particulier la malaria – on estime que près d’un quart des hommes défendant Amba Alagi durant le siège d’avril 1941 souffraient de la malaria, y compris le commandant Amédée II. Ce dernier décéda de la tuberculose le 3 mars 1942, alors qu’il était détenu par les Britanniques.
Armée de l’air italienne
En juin 1940, l’armée de l’air italienne en Afrique orientale disposait de 200 à 300 avions de combat :
Les pilotes jouissaient d’un bon niveau d’entraînement, mais ils manquèrent cruellement de ravitaillement en fuel, munitions et pièces de rechange.
Flotte italienne
La Regia Marina maintenait une présence en mer Rouge, principalement basée dans le port de Massawa en Érythrée, mais aussi à Mogadiscio et à Assab.
La flotte de la mer Rouge comprenait :
- sept destroyers organisés en deux escadres,
- cinq torpilleurs MTB et
- huit sous-marins organisés en deux escadres.
La flotte italienne menaçait les convois alliés ralliant la mer Rouge depuis le golfe d’Aden. Mais leurs opportunités d’attaque en mer Rouge s’envolèrent au fur à mesure que les stocks de fuel à Massawa diminuaient.
Forces Britannique et du Commonwealth
Armées de terre de Grande-Bretagne et du Commonwealth
Initialement, les troupes de Grande-Bretagne et du Commonwealth en Afrique de l’Est étaient composées de 30 000 hommes sous le commandement :
- du Major-général William Platt au Soudan,
- du Major-général Douglas P. Dickinson puis de Alan Cunningham en Afrique orientale britannique et
- du Lieutenant-Colonel Arthur Reginald Chater en Somalie britannique.
En fort sous-nombre face aux Italiens, ils étaient légèrement mieux équipés et disposaient de voies d’accès pour recevoir des renforts et du ravitaillement.
- Soudan
Le 10 juin 1940, avant l’arrivée de la 4e division d'infanterie indienne et de la 5e division d'infanterie indienne, William Platt n’avait que trois bataillons d’infanterie et les Sudan Defence Force (Forces de défense du Soudan) pour tout le territoire soudanais.
- Kenya
Au Kenya, les King's African Rifles étaient composés de deux brigades, une pour la défense de la côte et la seconde pour l’intérieur, auxquelles vinrent s’ajouter deux nouvelles en juillet. Des renforts arrivèrent d’Afrique du Sud à Mombassa et à la fin de l’année 1940, 27 000 sud-africains servaient en Afrique de l’Est.
Deux brigades arrivèrent également depuis la Côte-de-l'Or et le Nigeria.
- Somalie
Au Somaliland britannique, le Somaliland Camel Corps comptait 1 465 hommes pour défendre la compagnie, dont un bataillon du régiment de Rhodésie du Nord.
Dès la fin 1940, la France libre mit un escadron de spahis à la disposition des Britanniques, puis au début 1941, la brigade française libre d'Orient.
Armées de l’air britannique et du Commonwealth
Les Britanniques et autres membres du Commonwealth n’avaient qu’une centaine d’avions en Afrique orientale, dispersés entre le Soudan et le Kenya. Leur équipement de base était moins performant que celui des Italiens, mais ils étaient mieux approvisionnés.
Flotte britannique
Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, l’océan Indien était considéré comme un lac britannique, entouré de possessions de la Couronne.
Une bonne partie des ressources de la Grande-Bretagne devaient le traverser :
- pétrole du golfe Persique,
- caoutchouc de Malaisie,
- thé indien,
- vivres d’Australie et de Nouvelle-Zélande.
En temps de guerre, la Grande-Bretagne devait pouvoir compter sur la loyauté et la force défensive australienne et néo-zélandaise.
En dépit de cela, la Royal Navy avait tendance à y reléguer ses vieilles unités, considérant ses bases en Chine et en Extrême-Orient comme des sources de renforts pour d’autres champs de bataille.
Même en cas de grave danger, la Flotte orientale n’était dotée que de vieilles unités jugées trop lentes ou trop vulnérables pour servir dans l’Atlantique ou en Méditerranée.
Forces belges du Congo
Les forces belge d'Afrique sont commandées par le général-major Gilliaert.
Elles comptent 15 000 hommes et 20 000 porteurs (voir plus bas le récit de la campagne).
Résistants éthiopiens
Article détaillé : Résistance éthiopienne.Les résistants éthiopiens, surnommés les Patriotes, furent un élément central de la reconquête de l’Éthiopie. Wavell y plaçait beaucoup d’espoir, tandis que Platt doutait que Sélassié disposât du soutien du peuple.
Le major Orde Charles Wingate, qui avait passé cinq ans au sein de la Force de défense du Soudan, présenta son plan d’action en Éthiopie à Wavell en décembre 1940.
Le plan comprenait la formation d’une petite force régulière sous son commandement, devant servir de fer de lance en vue d’opérations militaires à Godjam.
Baptisée Force Gédéon d’après le personnage biblique du même nom, elle était composée du bataillon frontalier de la Force de défense du Soudan et du 2e bataillon éthiopien, équipés de 3 mortiers et de 15 000 chameaux.
Bien que formellement investi du commandement le 6 février 1941, Wingate en avait déjà pris la tête pour marcher vers Godjam en janvier. Il ne rencontra pas beaucoup d’obstacles en route, les Italiens ne contrôlant guère l’Éthiopie que sur le papier.
Les forces patriotes investirent rapidement les provinces de Godjam, Choa, Gimma, Galla-Sidama et Harage.
Premiers mouvements
À partir de juin 1940, les Italiens testent la détermination des forces britanniques et du Commonwealth, le long des frontières du Soudan et du Kenya ainsi que dans la mer Rouge.
Le 13 juin 1940, 3 bombardiers italiens Caproni bombardent la base aérienne rhodésienne de Wajir, au Kenya tuant 4 soldats et en blessant 11, détruisant 2 avions Hawker Hart et incendiant une réserve importante de carburant. Les 14 et 15 juin, les Italiens visitèrent régulièrement la base aérienne de Wajir.
Le 17 juin 1940, les Rhodésiens ripostent et mènent un raid avec le King's African Rifles (KAR), sur El Wak un avant-poste italien situé dans le désert à la frontière du Kenya et de la Somalie italienne, à 150 km environ au nord-est de Wajir. Les Rhodésiens bombardent et incendient les huttes de boue et de chaume et harcèlent les troupes ennemies. Puis les troupes se dirigent vers Moyale à la frontière du Kenya et de l'Éthiopie ou se concentrent les efforts italiens. En liaison avec la South African Air Force, les Rhodésiens entreprennent une reconnaissance et des bombardements dans cette région contestée.
Les victoires belges
Depuis que l'Italie a déclaré la guerre à la Belgique pour se conformer à la politique de l'Allemagne, les troupes belges du Congo sont pleinement en mesure de participer au conflit africain des Anglais et des Français contre l'Italie sous le commandement du général-major Gilliaert.
Dans la nuit du 5 au 6 février 1941, une colonne de 15 000 hommes des troupes du Congo belge accompagnée par 20 000 porteurs franchit un pont sur la Dungu sous les ordres du colonel Edmond Van der Mersch et entame son offensive contre les Italiens d'Afrique orientale[6] La stratégie globale a été arrètée par le général-major Gilliaert en accord avec l'état-major des forces anglo-françaises qui combattent au nord de l'Abyssinie. Pour ceux-ci et pour les forces venues du Congo belge, il s'agit de prendre l'armée italienne en tenaille. Un autre but est simultanément assigné aux troupes de Van der Mersch : protéger la voie du Cap au Caire, colonne vertébrale de l'Empire britannique en Afrique.
L'attaque belge oblige les Italiens à diviser leurs troupes en envoyant des forces au sud. Mais la vitesse d'exécution belge conduit à la victoire d'Asosa, obtenue le 12 mars par un coup de main qui surprend tellement les Italiens qu'elle entraîne leur retraite du territoire des Beni-Shanguls, ce qui permet la jonction belge avec une colonne britannique venant d'Afodu.
Ensuite, sur les rives de la rivière Baro, l'offensive doit affronter un glacis fortifié défendant Gambela. Des avions italiens venus de Saïo exécutent un bombardement, mais sans effet, et les combats contre les forces coloniales du Duce se soldent par une victoire ponctuée par une charge à la baïonnette des soldats congolais commandés par un officier — un nommé De Coster — qui se souvenait des grandes charges de 1914-1918. À la faveur de la nuit, les Italiens se retirent de Gambela.
Des combats auront lieu sur les bords de la rivière Bortaï, les 14 et 15 avril. Les forces ennemies ont une supériorité écrasante et attaquent par deux côtés, tentant un encerclement. C'est là que les mitrailleuses commandées par un sous-officier congolais vont contribuer à la victoire. C'est le futur général Bobozo (qui sauvera l'armée congolaise d'un désastre en 1962) qui contribue ainsi à la retraite italienne.
Finalement, c'est la victoire de Saïo. Dès le 2 juillet, l'état-major belge lance une attaque qu'il veut décisive car il a enfin reçu une artillerie composée de canons Saint-Chamon. De plus, des avions de la force aérienne sud-africaine assurent la supériorité aérienne contre une aviation italienne manifestement dépassée. Ils bombardent la ville de Saïo tandis que l'artillerie belge entre en jeu. L'ennemi se débande et la bataille se termine par la reddition de 15 000 hommes avec toutes sortes de matériel.
La fin de cette campagne victorieuse est marquée par une scène qui stupéfie les Belges : ils constatent que leurs ennemis sont commandés par un général italien d'origine belge et qui en porte bien la marque puisqu'il s'appelle Van den Heuvel. En sa compagnie, des gradés italiens qui, n'ayant pu brûler leurs drapeaux (comme il est d'usage en cas de défaite quand on veut empêcher l'ennemi de s'en faire des trophées), les ont lacérés pour en accrocher les morceaux à leurs uniformes, espérant que les lois de la guerre empêcheront les Belges de porter la main sur eux pour s'en emparer. Cet espoir fut respecté, personne ne voulant ajouter le ridicule aux misères de la guerre.
Pour les vainqueurs, la campagne d'Abyssinie avait un air de revanche des malheurs de 1940. Ils s'en allèrent alors au Soudan, en Égypte et, plus tard, en Birmanie, mais non sans avoir d'abord convoyé 15 000 prisonniers dont 9 généraux italiens, 370 officiers de grades supérieurs, 2 575 gradés et soldats italiens, 3 500 militaires érythréens et Gallas plus des milliers de porteurs. À quoi s'ajoutait un énorme butin en matériel comprenant des autos blindées, une imposante artillerie et 20 tonnes d'équipements médicaux et radios[7].
Liens internes
Notes, sources et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « East African Campaign (World War II) » (voir la liste des auteurs)
- Milice volontaire pour la sécurité nationale Milizia Volontaria per la Sicurezza Nazionale (MVSN), en français
- cavalerie coloniale irrégulière
- Somalie française et britannique Le long de la frontière avec la
- Jimma Secteur de
- Kenya Frontière avec le
- Philippe Brousmiche, Bortaï : Campagne d'Abyssinie - 1941, Paris, L'Harmattan, 2011, 302 p. (ISBN 978-2-29613-069-2).
Il s'agit d'une nouvelle édition.
- Archives du Musée royal de l'Armée et d'Histoire militaire de Bruxelles
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