- Holodomor
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Le terme Holodomor (ukrainien : голодомо́р, littéralement « extermination par la faim ») désigne la grande famine qui eut lieu en Ukraine et dans le Kouban en 1932 et 1933 et qui fit, selon les estimations des historiens, entre 2,6[1] et 5 millions de victimes[2]. L'événement se produisit dans le contexte plus général des famines soviétiques de 1931-1933, mais le nombre particulièrement élevé de victimes et les caractéristiques de la famine ukrainienne lui confèrent sa spécificité[3].
Le Holodomor connaît un regain d'intérêt depuis quelques années, notamment depuis l'indépendance de l'Ukraine et l'ouverture des archives soviétiques[4],[5].
Si la responsabilité des autorités soviétiques dans la genèse et l'ampleur de la famine est aujourd'hui largement reconnue (à travers la collectivisation, les campagnes de « dékoulakisation », les réquisitions excessives de denrées alimentaires auprès des paysans et les limitations aux déplacements imposées en pleine famine), de nombreuses divergences d'analyse persistent entre historiens sur l'importance relatives des différents facteurs qui ont engendré la famine, ainsi que sur les visées réelles de Staline[6].
La question de savoir si le Holodomor constitue ou non un génocide reste âprement débattue. Fin 2006, l'Ukraine a officiellement qualifié le Holodomor de génocide, qualification reconnue par un certain nombre de pays dont les États-Unis. Le caractère génocidaire de cette famine est cependant contesté par le Kazakhstan et la Russie, qui argue notamment que l'Ukraine n'a pas été la seule république touchée[7], et n'est pas reconnu par l'ONU.
Pour le Parlement européen, le Holodomor est une famine provoquée, qu'il qualifie de « crime contre le peuple ukrainien et contre l'humanité[8] ». Le terme même de « Holodomor », qui semble avoir commencé à être employé à la fin des années 1970, suggère le caractère intentionnel de la famine[9].
Contexte
Pour consulter un article plus général, voir : Histoire de l'URSS sous Staline.Le « Grand tournant » de 1928 et la collectivisation
Articles détaillés : Collectivisation dans l'Union soviétique et Planification en URSS.En 1927, la Nouvelle politique économique (NEP) mise en place par les bolcheviks au lendemain de la guerre civile russe connaît une crise sans précédent. Les tensions croissantes entre le développement d'une économie capitaliste dans les campagnes et la permanence du secteur étatique se traduit par un phénomène de « ciseaux » entre les prix bas des produits agricoles et ceux, élevés, des biens industriels. Ces contradictions découragent les paysans de vendre leur surplus agricoles, conduisant à une crise d'approvisionnement de plus en plus profonde. Pour faire face à la situation, le pouvoir soviétique, alors dominé par la figure de Joseph Staline après une longue lutte politique contre l'Opposition de gauche trotskyste, est amené à mettre en place des mesures d'exception pour contraindre la paysannerie à céder ses surplus. Ces mesures — réquisitions forcées, répression des Koulaks et des négociants accusés de se livrer à la spéculation — sont insuffisantes pour enrayer la crise qui connaît de nouveaux développements en 1928-1929. Les principales agglomérations subissent d'importantes pénuries, tandis que l'Ukraine doit faire face à une grave disette pendant l'hiver 1928-1929[10].
Fin 1929, avec la politique du « Grand tournant », le pouvoir soviétique met en chantier le premier plan quinquennal afin de surmonter la crise de la NEP. Cette politique vise un développement rapide de l'industrie, financée par l'exportation de céréales. La hausse rapides des rendements agricoles exigée pour la réussite de ce plan est censée être obtenue par la collectivisation de l'agriculture soviétique. Cette collectivisation réorganise la production agricole en instaurant le kolkhoze comme unité de base. Elle implique l'expropriation du monde paysan et notamment des plus riches d'entre eux, les koulaks. Elle implique aussi la prise de contrôle directe de la production agricole par l'État et la possibilité de ponctionner toujours plus l'agriculture au profit du secteur industriel et urbain. Cette ponction se fait nécessairement au détriment des intérêts de l'ensemble de la paysannerie ; particulièrement dans les régions les plus fertiles qui font l'objet d'une ponction particulièrement lourde. La collectivisation s'accompagne d'une violente campagne contre les Koulaks qui s'étend rapidement à une partie de la paysannerie moyenne. En quelques mois, plusieurs centaines de milliers de paysans sont arrêtés, et plus de deux millions d'entre eux déportés[11],[12].
Pour mener à bien la collectivisation et contrer la résistance paysanne, des « brigades de choc » composées d'ouvriers et de komsomols — plus rarement de paysans pauvres — sont envoyées dans les campagnes où elles usent souvent de méthodes brutales pour achever leurs objectifs[13]. La collectivisation et la dékoulakisation dresse en effet violemment une partie de la paysannerie contre le pouvoir politique. De 1929 à 1931, une suite de manifestations et de révoltes — qui débouchent parfois sur de véritables insurrections armées comme au Kazakhstan ou dans le Caucase — rassemblent près de 2,5 millions de paysans selon les chiffres de l'OGPU, dont plus de 950 000 en Ukraine et 220 000 en Ciscaucasie[14]. En Ukraine, les foyers de révoltes sont si nombreux que près de 110 districts échappent au contrôle du pouvoir soviétique en février-mars 1930[15]. Les paysans insurgés, parfois réunis en conseils élus, exigent l'arrêt de la collectivisation et de la dékoulakisation et revendiquent parfois une « Ukraine indépendante »[16]
Face à une situation qui menace de dégénérer en guerre civile, Staline fait brusquement volte-face et publie le 2 mars 1930 dans la Pravda un article intitulé « Le vertige du succès »[17] rejetant sur les cadres locaux la responsabilité des violences et des « excès » de la collectivisation. Celle-ci est reportée à l'automne suivant et ses objectifs revues à la baisse. Au début des années 1930, l'épineuse question du partage des grains n'est donc pas réglée tandis que des troubles continuent d'agiter les campagnes, avec une intensité cependant amoindrie[Note 1].
Le début des années 1930 est marqué par l’aggravation de la Grande dépression, qui frappe les principales économies capitalistes. En dépit de son isolement relatif, l’Union soviétique subit les contrecoups de cette crise. En effet ses partenaires commerciaux, notamment la République de Weimar, mettent en œuvre des politiques protectionnistes qui se traduisent par une dégradation des termes de l'échange des produits agricoles pour l’État soviétique. Ainsi si en 1931 les exportations augmentent de 11% et les importations de 14% en termes réels, on constate en réalité que les exportations diminuent de 21,7% au taux de change nominal, tandis que les importations augmentent de 4,4%[18]. La réussite du plan, fondé sur l’importation de matériel industriel lui-même financé par la vente de matières premières sur les marchés étrangers, est dès lors menacée.
La situation de la RSS d'Ukraine au début des années 1930
À partir du début des années 1920, le nouveau régime met en place une politique d'« indigénisation » visant à renforcer le sentiment national dans les Républiques et parmi les différentes minorités composant l'Union soviétique. Cette politique, destinée à rompre avec l'héritage tsariste et à lier les groupes nationaux au nouveau pouvoir, se décline en plusieurs mesures. Des alphabets sont créés pour les différentes langues nationales, dont la diffusion est encouragée. Par ailleurs, les dirigeants généralisent la promotion d'« indigènes » aux postes de cadres politiques et dans les professions culturelles. Le 10 octobre 1920, Staline, alors commissaire aux Nationalités, publie ainsi un article dans la Pravda affirmant « qu'il est nécessaire que toutes les institutions soviétiques dans les régions frontalières - les tribunaux, les administration, les institutions économiques et celles des pouvoirs locaux (aussi bien que du parti) — soient composées dans la plus large mesure possible d'individus familiers des coutumes, des habitudes et du langage de la population locale. »[19] Enfin, les régions et les districts dans lesquels des minorités nationales sont majoritaires accèdent à une autonomie renforcée.
Les résultats de la politique d'Ukrainisation dans la presse écrite et l'édition (pourcentage des publications éditées en langue ukrainienne)[20] Année Quotidiens Revues Livres 1923-1924 37,5 32,4 31 1924-1925 38,7 44,6 40,2 1925-1926 60,2 53,5 43,7 1926-1927 60 65 48,9 1927-1928 63,5 66,4 54 La République socialiste soviétique d'Ukraine présente dans ce contexte une importance particulière. Il s'agit de la seconde République composant l'Union soviétique après la RSFS de Russie. De plus pendant la guerre civile russe, l'Ukraine avait connu l'émergence d'un puissant mouvement nationaliste aboutissant même brièvement à la formation d'une République populaire ukrainienne. Une attention spécifique est alors portée à l'application l'ukrainisation, variante locale de la politique d'indigénisation. De 1923 à 1925, une série de décrets sont institués dans le but de privilégier l'usage de l'ukrainien dans les écoles et les administrations[21].
Cette politique entraîne des protestations et des résistances de la part d'une fraction non négligeable des cadres du parti ukrainien (souvent russophones), tant et si bien que l'ukrainisation connaît peu de progrès jusqu'au milieu des années 1920. Nommé au poste de premier secrétaire du parti communiste en mars 1926, Lazare Kaganovitch s'attache alors à briser ces résistances tant et si bien que « l'indigénisation », relayée par des personnalités du parti communiste d'Ukraine attachés aux revendications nationalistes montre des avancements spectaculaires dans la seconde moitié des années 1920. Entre 1924 et 1931, le pourcentage d'étudiants ukrainiens dans les études supérieures passe de 30,5% à 56% à l'université et de 56,9% à 66% dans les instituts techniques[22].
La nouvelle donne économique et politique du début des années 1930 annonce cependant un tournant dans la politique des nationalités conduite par le régime soviétique. Les difficultés économiques et la collectivisation engendre des manifestations et des soulèvements particulièrement importants en Ukraine, dégénérant parfois en affrontements armés avec le régime. De plus les régions frontalières entre la RSS d'Ukraine et la RSFS de Russie (Oblasts de Kharkov et du Donetsk) sont à cette époque le théâtre de troubles entre les populations ukrainiennes et russes, situation résultante de l'absence de résolution au problème des frontières sur ces territoires où vivent mélangés plusieurs groupes nationaux. Sont ainsi posées les conditions d'une remise en cause de l'indigénisation, suspectée d'encourager les tendances séparatistes.
Régions de la RSFS de Russie frontalières à l'Ukraine en 1929 (population par nationalités) [23] Ukrainiens Ukrainiens en % de la population totale Russes Russes en % de la population totale Région de Koursk 346 344 57,4 248 996 41,3 Région de Voronej 970 028 65,9 499 595 33,9 Kraï du Caucase du Nord 1 669 634 54,9 950 729 31,3 Total 2 986 004 58,4 1 669 320 33,2 Cette situation est exacerbée dans un contexte international marqué par la multiplication des tensions avec la Pologne et le Japon impérial, qui conquiert la Mandchourie en décembre 1931 et menace dès lors les frontières de l’Union soviétique[Note 2]. La Pologne et le Japon, dont les services secrets entretiennent une étroite collaboration depuis le milieu des années 1920[24], encouragent alors les différents mouvements séparatistes en Union soviétique et financent plusieurs organisations d'émigrés ukrainiens, tout en facilitant leur infiltration dans la RSS d'Ukraine[25],[26]. Selon l'historien Hiroaki Kuromiya ces activités, bien connues de l'OGPU qui avait infiltré les organisations émigrées ukrainiennes, ne pouvaient que renforcer la paranoïa de Staline à l'égard de la paysannerie ukrainienne, perçue comme un terreau pour des éléments nationalistes et « contre-révolutionnaires »[27].
De 1929 à 1930, la République socialiste soviétique de Biélorussie, proche de l'Ukraine, est le théâtre d'une campagne tapageuse contre le « nationalisme biélorusse » qui aboutit à un arrêt brutal de l'indigénisation dans cette république. De nombreux intellectuels sont persécutés et le parti communiste biélorusse connaît une purge sans précédent[28]. Si la politique d'ukrainisation n'est pas remise en cause avant la fin 1932, de nombreux signes annoncent le tournant opéré par Staline sur la question nationale.
Déroulement de la famine de 1932-1933 en Ukraine
L'année 1931-1932 : crise des collectes et débuts de la famine
En Ukraine, l'État collecte 30 % de la production dès 1930, 41,5 % en 1931. Ces plans drastiques, combinés à une mauvaise récolte en 1931, conduisent l'Ukraine à un début de famine de mai à juillet 1932, pendant la période de « soudure » entre deux récoltes. Le 10 juin 1932, le chef du gouvernement ukrainien Tchoubar adresse une lettre à Staline et Molotov révélant que « Au moins cent districts (contre soixante et un en mai) ont besoin d'une aide alimentaire d'urgence (...). J'ai visité de nombreux villages et j'ai vu des personnes affamées partout. Les femmes étaient en train de pleurer, parfois même aussi les hommes. »[29] Face à cette situation, l'État ne réagit que tardivement et ne consent à envoyer que 107 000 tonnes d'aides alimentaires au printemps 1932, après que les premiers cas de famine ont été déclarés[30]. Ces décisions sont prises dans un contexte de pénurie généralisée en Union soviétique, causée par les décisions des dirigeants, qui ont largement surestimé la récolte de 1931-1932[31] et ont largement utilisés les grains réquisitionnés pour les besoins de l'industrie et des exportations. Dans les villes, les familles ouvrières ne survivent que grâce aux apports d'un système de rationnement au bord de la rupture[32]. Le Kazakhstan connaît dès 1931 une grave famine qui emporte près du tiers de la population kazakhe.
Face à l'aggravation de la crise, le pouvoir est amené à reculer provisoirement afin de garder le contrôle d'une situation qui menace la viabilité même de la prochaine récolte. Entre mai et juillet 1932, Staline prend une série de mesures qui marquent autant de concessions envers les paysans et qui seront parfois à l'époque désignées sous le nom de « nouvelle NEP »[33]. Le plan initial de collecte pour l'année 1932-1933, élaboré en décembre 1931, prévoyait un plan de collecte incroyable de 29,5 millions de tonnes pour l'ensemble de l'Union soviétique. En Ukraine, le plan était supérieur à celui de 1931 de plus de 30%. Le plan est revu en mai 1932 par le Politburo à 20,5 millions de tonnes pour l'ensemble de l'Union soviétique. En Ukraine, l'objectif est ramené à 4,75 millions de tonnes ce qui représente une diminution de 40% par rapport aux objectifs de 1931 et de 35% par rapport aux résultats de la collecte cette année là[34]. Le 10 mai 1932, un décret permet aux paysans de vendre leurs surplus sur les marchés kolhoziens[35]. La portée de ces mesures doit cependant être sérieusement relativisée. Ces décrets constituent une réponse d'urgence du pouvoir aux paysans dans une situation qui menace la survie du régime. Dans un télégramme envoyé le 10 juin 1932, Staline recommande même à Molotov d'utiliser la réduction des plans de collectes pour stimuler les paysans, mais de tenter d'en rester aux objectifs initiaux, avec « une exception pour les régions d'Ukraine qui ont particulièrement souffert. C'est indispensable non seulement du point de vue de la justice, mais vu la situation particulière de l'Ukraine, sa frontière commune avec la Pologne etc. »[36],[37].
L'année 1932-1933
La récolte de 1932
Les débuts de la campagne des collectes
En dépit des mesures prises par le régime, la campagne des collectes de 1932 se déroule avec énormément de difficultés et les brigades de réquisition ne parviennent pas à atteindre les objectifs fixés, tandis que les dirigeants locaux appellent à de nouvelles réductions du plan pour répondre à la médiocrité de la récolte. Le régime revient alors rapidement sur les concessions lâchées aux paysans en mai. Des brigades de choc sont recrutées au sein des komsomols et des communistes des villes[38],[39]. Le 7 août 1932 est promulguée une loi connue sous le nom de « loi des épis » qui permet de condamner à dix ans de camp ou à la peine de mort « tout vol ou dilapidation de la propriété socialiste ». De juin 1932 à décembre 1933, 125 000 personnes sont condamnées, dont 5 400 à la peine capitale, certaines pour avoir volé quelques épis de blé ou de seigle dans les champs.
Malgré ces mesures répressives, les objectifs de la collecte dans les principales régions céréalières sont loin d'être atteints si bien que le bureau politique doit envoyer en Ukraine et dans le Caucase du Nord des commissions extraordinaires présidées respectivement par Viatcheslav Molotov et Lazare Kaganovitch pour mettre au pas les structures locales du Parti. En dépit de la brutalité avec laquelle agit la commission présidée par Molotov, celle-ci autorise alors des réductions conséquentes du niveau de réquisition exigé dans plusieurs régions ukrainiennes[40],[41].
Lors d'une réunion des secrétaires de district du parti, une résolution est prise qui illustre l'état d'esprit de la commission : « à la suite de l'échec particulièrement honteux du plan de collecte des céréales, obliger les organisations locales du Parti à casser le sabotage organisé par les éléments koulaks contre-révolutionnaires, anéantir la résistance des communistes ruraux et des présidents de kolkhoze qui ont pris la tête de ce sabotage[39] ».
De novembre 1932 à février 1933
Au cours du mois de novembre 1932, 5 000 communistes ruraux et 15 000 kolkhoziens sont arrêtés dans le Caucase du Nord. À partir de décembre, ce sont des villages entiers qui sont déportés, appelés « colons spéciaux ». Pour l'administration du Goulag, l'arrivée de déportés qui étaient de 71 000 en 1932 passe à 231 000 en 1933. Mais les objectifs de la collecte ne sont toujours pas atteints, et l'étape suivante consiste à réquisitionner tous les stocks, y compris ceux prévus pour les semences, ce qui revient affamer les paysans. Le Politburo met en place dans chaque district des commissions spéciales (les troïki) sur le modèle de celles dirigées par Molotov et Kaganovich, chargées de veiller à l'application des réquisitions et d'appliquer la peine de mort contre les paysans récalcitrants[42],[43].
En Ukraine, les communistes locaux d'un rang hiérarchique élevé ont beau plaider la nature contre-productive d'une telle politique qui ne permet pas d'assurer la production de l'année suivante, Molotov reste inflexible. La famine atteint alors un tel niveau que les paysans quittent les villages et tentent de partir vers les villes. Une circulaire du 22 janvier 1933 ordonne aux autorités locales et au Guépéou d'interdire « par tous les moyens les départs massifs des paysans d'Ukraine ». De nombreux barrages sont installés par l'armée sur les routes d'Ukraine afin d'empêcher l'exode de paysans fuyant la famine. Au cours du seul mois de février 1933, 220 000 personnes sont arrêtées sur la base de ce décret et 190 000 d'entre elles réexpédiées dans leurs villages, condamnées à mourir de faim[44].
La campagne de réquisition s'accompagne d'une vague de terreur. Le parti communiste ukrainien est épuré. Plusieurs milliers de ses cadres, accusés de favoriser les sentiments nationalistes, sont exécutés ou déportés. La répression vise particulièrement les fonctionnaires locaux qui avaient pris l'initiative de distribuer du blé aux familles paysannes affamées[45].
Printemps et été 1933
C'est au printemps 1933 que la mortalité atteint les plus hauts sommets. À la faim s'ajoute le typhus. Au total, en Ukraine, les morts se comptent par millions, alors même que l'URSS exporte près de 3,3 millions de tonnes de céréales entre 1932 et 1933[46]. Dans le même temps, à la différence du régime impérial au XIXe siècle ou des bolcheviks au cours de la famine de 1921-1922, les dirigeants soviétiques dissimulent la catastrophe au reste du monde. Édouard Herriot, alors président du conseil en France, accrédite cette mystification à la suite d'une visite en Ukraine contrôlée de bout en bout par les autorités, et va jusqu'à décrire dans son livre Orient : « Un magnifique bétail collectif, de la race rouge allemande [...]. Les récoltes décidément sont admirables, on ne sait où loger les blés. »[47]
Devant la menace de déstabilisation que fait courir la famine à l'Ukraine et à l'ensemble de l'URSS, les autorités centrales prennent très tardivement des mesures pour limiter l'ampleur de la catastrophe. Entre janvier et juin 1933, une trentaine de résolutions sont prises pour venir en aide aux régions les plus touchées par la famine. Au total, 320 000 tonnes de grains sont envoyées[48], la distribution s'opérant « sur une base de classe »[49]. Les ouvriers, les paysans pauvres travaillant dans les kolkhozes et les familles dont au moins un membre appartient à l'armée rouge sont les premiers bénéficiaires de ces aides, tandis que les directives excluent « les koulaks, les contre-révolutionnaires et les parasites »[49]. Les villes bénéficient davantage de ces aides, alors que les campagnes sont nettement plus touchées par la famine.
Sortie de crise
Bilan de la famine
Taux de mortalité mensuel pour 1000 habitants dans les zones rurales d'Ukraine selon les archives des services de registre des décès et des naissances (ZAGS)[50] Mois 1932 1933 Évolution de l'indice janvier 15,11 22,36 +48 % février 18,07 35,52 +97 % mars 20,58 72,41 +252 % avril 23 103,5 +350 % mai 24,11 145,06 +502 % juin 27,36 196,16 +617 % juillet 25,20 133,04 +428 % août 22,91 43,72 +91 % septembre 21,39 23,26 +9 % octobre 22,42 13,11 -42 % novembre 19,07 11,57 -39 % décembre 16,59 12,54 -24 % À la fin 1933, au terme de la famine, l'Ukraine apparaît comme une des régions les plus touchées par le désastre. Le taux de mortalité annuel pour mille habitants dans les campagnes passe de 100 en 1926 à 188,6 en 1933 dans l'ensemble de l'URSS, mais atteint 367,7 en Ukraine cette même année[51]. En 2000, les statistiques portent encore la trace de cette catastrophe démographique[52]. Nicolas Werth distingue la « zone de la faim » du reste de l'URSS où, pourtant, écrit-il, les pertes démographiques ne furent pas négligeables : par exemple, la région de Moscou où la mortalité augmente de 50 % entre janvier et juin 1933. L'Ukraine fait partie de la « zone de la faim », mais proportionnellement d'autres régions ont été tout autant touchées : les contrées cosaques du Kouban et du Don, peuplées majoritairement d'Ukrainiens, ainsi que la région de Stavropol, la basse et la moyenne Volga[39]. La population kazakhe a proportionnellement encore plus souffert de la famine, puisque le taux de mortalité a atteint de 33 à 38 % de la population[53]. Bien que la famine ait laissé des stigmates profonds dans la démographie de l'Ukraine, la sortie de crise est extrêmement rapide après 1933. En Ukraine, l'espérance de vie fut même plus élevée après qu'avant la crise, alors qu'elle ne remonte que progressivement dans le reste de l'URSS[54].
Le bilan exact de la famine ukrainienne divise les chercheurs et a fait l'objet d'estimations très variables. Plusieurs difficultés expliquent ces divergences. La première vient du traitement des sources statistiques soviétiques des années 1930, souvent falsifiées et entachées d'erreurs méthodologiques. Le recensement de janvier 1937, qui donnait une estimation de la population soviétique inférieure de six millions à celle officiellement avancée par les autorités, a notamment fait l'objet d'une censure de la part du pouvoir avant d'être remplacé par un nouveau recensement artificiellement réévalué en 1939[55]. Une autre source statistique disponible est constituée par les archives des administrations locales chargées de l'enregistrement des décès. Ainsi, les données des Archives de la Fédération de Russie donnent les chiffres suivants de mortalité en Ukraine (sans inclure la population d'origine ukrainienne hors Ukraine et en incluant la population non-ukrainienne de l'Ukraine) : 668 000 personnes pour 1932 et 2,1 millions pour 1933, au total : environs 2,8 millions de morts, incluant la mort naturelle mais n'incluant pas la mort des nourrissons de moins d'un an[56]. Il est néanmoins reconnus que ces chiffres sont largement sous-évaluées en raison des graves difficultés auxquelles étaient confrontés les fonctionnaires chargées du dénombrement en période de famine[57]. À ce problème de traitement des archives s'ajoute la nécessité de distinguer le bilan de la famine en tant que telle de l'ensemble des pertes démographiques qu'ont connues l'Ukraine et le reste de l'Union soviétique entre la fin des années 1920 et le début de la Seconde Guerre mondiale, notamment d'autres désastres comme la dékoulakisation et des Grandes Purges des années 1930. Enfin, l'ensemble de l'URSS a connu de profonds bouleversements aux cours d'une période qui fut marquée par un mouvement sans précédent d'industrialisation et d'urbanisation[58]. Tandis que 18 millions de personnes ont été envoyées au Goulag sous la dictature de Staline[59], des peuples entiers ont été déportés (Allemands de la Volga, Tchétchènes, Tatars de Crimée...) et plusieurs républiques — dont l'Ukraine — ont fait l'objet d'une politique délibérée de russification. Ces évènements ont rendu particulièrement complexe l'analyse des données démographiques de la période.
Dans The Harvest of Sorrow, paru en 1986, l'historien britannique Robert Conquest évalue à 5 millions le nombre de victimes ukrainiennes de la famine, pour un total de 7 millions de morts dans l'ensemble de l'URSS, estimation que l'auteur juge « modérée »[60]. Robert Conquest fonde notamment son bilan sur l'écart constaté entre les projections démographiques des statisticiens soviétiques dans les années 1920 et les recensements des années 1930, en essayant de prendre en compte l'impact de la dékoulakisation et les mouvements de populations entre l'Ukraine et le reste de l'Union soviétique, tout en soulignant la difficulté de l'exercice d'évaluation. Il note que les estimations officieuses des responsables soviétiques variaient elles mêmes entre 4,5 et 10 millions de morts[61] et estime que le nombre de victimes ukrainiennes représente 19 % de la population d'Ukraine et 80 % de l'ensemble des personnes tuées par la famine entre 1931 et 1933.
Plusieurs auteurs ont avancé des bilans plus lourds que celui retenu par Robert Conquest. L'historien américain James Mace a estimé à 7,5 millions le nombre de morts ukrainiens dus à la famine[62]. En se contentant de reprendre les écarts entre les projections démographiques des années 1920 et les chiffres du recensement de 1937, certains auteurs ukrainiens ont avancé des chiffres fantaisistes, atteignant jusqu'à 15 millions de victimes[63]. L'Ukraine a officiellement retenu une fourchette de 7 à 10 millions de morts, estimation reprise telle quelle par l'ONU[64]. Le Conseil de sécurité d'Ukraine estime pour sa part qu'Holodomor a fait 3,941 millions de morts[65].
À l'inverse, depuis les années 1990 et l'ouverture des archives soviétiques, d'autres estimations tendent à revoir à la baisse le nombre de victimes. Dans un ouvrage paru en 2004, Stephen Wheatcroft et Robert W. Davies ont critiqué la méthodologie de Robert Conquest pour aboutir à un bilan nettement moins lourd de la famine, estimé à 4,5 millions sur l'ensemble du territoire soviétique, dont 3-3,5 millions de morts en Ukraine[66]. L'historien ukrainien Stalislav Kulchytsky, travaillant à partir des archives soviétiques récemment ouvertes, avance prudemment le chiffre de 3,3 millions de victimes dans la RSS d'Ukraine, pour une fourchette plus sure de 3-3,5 millions de morts[67]. En évaluant le nombre de victimes de la famine en Ukraine entre 3,5 et 3,8 millions, auxquelles elle ajoute les morts de la région du Kouban, les paysans ayant fui l'Ukraine et les millions d'Ukrainiens « russifiés » après décembre 1932, Andrea Graziosi estime que la « population ethnique ukrainienne » a diminué de 20 à 25 %[68]. Un collectif de démographes français et ukrainiens a récemment donné, sur la base de méthodes statistiques complexes, un bilan de 2,6 millions de morts en Ukraine lors de la famine[69]. Selon John-Paul Himka, professeur d'histoire à l'université de Toronto, l'ensemble des études démographiques menées à la suite de l'ouverture des archives soviétiques donnent un bilan amoindri de la famine, situé dans une fourchette comprise entre 2,5 et 3,5 millions de morts[70].
Enfin, de nombreuses estimations intermédiaires ont été retenues, souvent comprises entre 4 et 5 millions de morts[39],[63],[71].
Controverse sur le qualificatif de génocide
Arguments des partisans de la thèse du génocide
Le concept de génocide et la position de Raphaël Lemkin
À titre de référence, l'article 6 du statut de la Cour pénale internationale définit le génocide comme « l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel »[72] et notamment la « soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ». Certains historiens appliquent cette définition au Holodomor[73],[74],[75].
Raphaël Lemkin, juriste juif polonais réfugié en 1941 aux États-Unis, qui a inventé, en 1943, le terme et le concept de génocide et qui l'a fait valoir d’abord au Tribunal de Nuremberg puis à l’ONU en 1948, a traité explicitement dans ses différents écrits Holodomor comme un génocide. Selon Lemkin, la condition d'un génocide n’est pas seulement l’expression d’une volonté affirmée de détruire un groupe mais surtout la mise en place d’une organisation pour ce faire. Il assimila au génocide la destruction « culturelle » d’un groupe (atteinte à la langue, aux coutumes, à la religion spécifique, aux croyances locales etc.). Ces idées n'ont cependant pas été acceptées dans leur intégralité par les instances internationales qui ont préféré garder la définition plus étroite, fondée sur la destruction (élimination de masse) immédiate d'un groupe ethnique, plutôt que celle de ses fondations essentielles. Le texte de la Convention de 1948 sur la répression du génocide voit, entre autres, le terme de « classes » supprimé à la demande de l’Union soviétique. Cette modification marque un recul par rapport au texte de l'acte d'accusation des principaux criminels de guerre à Nuremberg.
Partisans de la thèse
De nombreux chercheurs, en particulier ukrainiens ou proche du milieu des émigrés ukrainiens américains[76], soutiennent que cette famine est un génocide car elle résulterait de la volonté délibérée de Joseph Staline de détruire la nation ukrainienne comme ensemble politique et entité propre, en s'attaquant à sa racine et à ses représentants les plus nombreux, les paysans ukrainiens répartis sur les territoires de l'Ukraine et du Kouban. Parmi les historiens qui défendent la thèse du génocide, on compte notamment Robert Conquest, professeur à l'Université Stanford[77], James E. Mace ancien chercheur (décédé en 2004) au Harvard Ukrainian Research Institute[78], Roman Serbyn, professeur à l'UQAM[79], Stanislav Kulchitsky directeur de l'Institut d'Histoire d'Ukraine, Yuri Chapoval, membre de l'Académie des sciences d’Ukraine[80], ou en France Nicolas Werth, directeur de recherche au CNRS et chercheur à l'IHTP[81].
Les partisans de la thèse du génocide soulignent qu'un zèle particulier dans les réquisitions des vivres auprès des paysans ukrainiens qui montraient une démotivation pour la collectivisation stalinienne fut appliqué par les escadrons de la « Commission extraordinaire pour la réquisition du blé » (TchKhK) dirigée par Viatcheslav Molotov en novembre 1932. Ce zèle allait jusqu'aux confiscations complètes de la récolte (natoural'nyï chtraf) des paysans qui ne coopéraient pas[82]. Molotov n'hésite pas à se rendre en personne dans l'Ukraine affamée par l'Holodomor pour inciter les communistes défaillants à rester fermes vis-à-vis des paysans révoltés et décimés par la faim.
Avec le décret du 27 décembre 1932 sur les passeports pour les citadins et les cachets de résidence[83], le régime stalinien a installé un système limitant drastiquement les migrations des populations des paysans (dépourvus des passeports internes) vers les villes (où un tel passeport avec un tampon de résidence fixe était exigé). Dans la Russie impériale, même après l'abolition du servage, les déplacements des paysans étaient déjà compliqués, l'introduction par la collectivisation stalinienne des règlements en jours-travail (troudodni) et l'obligation d'obtenir une autorisation du comité du village pour un déplacement de courte durée rendait les migrations des paysans encore plus problématiques. De plus, il fut légalement interdit de porter secours et assistance aux koulaks qui pouvaient déambuler dans les villes.
En plus des mesures restrictives des déplacements applicables dans toute l'URSS, une directive du Conseil des Commissaires du peuple et du Comité central du PC pansoviétique des bolcheviks datée du 22 janvier 1933 « Sur le départ illégal de paysans au-delà des limites de leur région de résidence et sur l'obligation de leur reconduction par la force vers leurs anciens lieux de résidence » était spécifiquement dirigée contre les déplacements des paysans de l'Ukraine et du Kouban[84]. Cependant, plus tard, son effet fut étendu au krai de la Volga du sud, majoritairement peuplé de Russes[85].
Malgré ces mesures, un flot de paysans affamés avait pu affluer au nord pour se réfugier en Biélorussie, relativement épargnée par la famine[86].
Les historiens Andrea Graziosi et Dominique Negrel se sont posé la question si Holodomor relevait du génocide ou pas et si oui, pourquoi. Suite à une analyse minutieuse de plusieurs sources historicographiques, ils penchent finalement pour la thèse du génocide, tout en soulignant que, contrairement à l'Holocauste juif, la famine ukrainienne n'était pas au départ voulue, planifiée ou organisée par Moscou et que les Russes, eux aussi, ont souffert de cette famine. Selon les auteurs, les dirigeants du parti communiste (y compris ukrainiens) avec Staline en tête ont plutôt tiré parti de la famine causée par leurs propres erreurs, pour faire une leçon à la paysannerie ukrainienne et à toute la population ukrainienne à travers elle. À partir de l'automne de 1932, les autorités ont pris des mesures politiques répressives ayant provoqué la mortalité de masse, ce qui constitue, selon les auteurs, un génocide[87].
Sceptique sur la validité de la thèse du génocide lors de la rédaction de Le Livre noir du communisme, Nicolas Werth explique dans une interview au journal Le Monde, suite à l'exhumation des lettres de Staline, l'évolution de sa position : « Est-ce un génocide ? Plutôt oui. Par rapport aux autres famines qui ont touché l'Union soviétique, celle-ci se distingue par la volonté d'éradiquer le nationalisme et de punir les paysans. Elle a été volontairement aggravée. Il y a une spécificité[88] ».
Arguments des adversaires de la thèse du génocide
La thèse du génocide a été critiquée par un grand nombre d'historiens, notamment Stephen G. Wheatcroft, professeur à l'université de Melbourne, Robert W. Davies, professeur émérite à l'université de Birmingham[89], Terry Martin, professeur à l'université Harvard[90], Hiroaki Kuromiya, professeur à l'université d'Indiana[91], Mark B. Tauger, professeur associé à l'Université de Virginie-Occidentale[92], Lynne Viola, professeure à l'université de Toronto[93], D'ann R. Penner, professeur à l'Université de Memphis, Orlando Figes, professeur au Birkbeck College de Londres[94], Alec Nove, professeur à l'Université de Glasgow (décédé en 1994)[95], Viktor Kondrashin, enseignant à l'Université d'État de Penza[96], ou en France Alain Blum, directeur de recherche de l’INED et directeur d’études associé à l’EHESS[97].
Viktor Kondrashin[98], argue que plusieurs millions de Russes et de Kazakhs ont également péri durant cette période[99]. Les recensements soviétiques avant et après la famine auraient démontré des baisses de population proportionnellement égales voire supérieures dans certains régions russes et kazakhes par rapport à l'Ukraine[100]. De plus, une autre grande famine, celle de 1921, provoquée, elle aussi, par les réquisitions et les répressions des bolcheviks pendant la période dite du « communisme de guerre », avait entraîné la mort de 3 millions de paysans, majoritairement russes, vivant sur la Volga. Plusieurs chercheurs russes indiquent les similitudes des méthodes répressives ayant amené à ces deux grandes famines, ainsi qu'à celle de 1946-1947[101]. Même avant l'avènement du régime communiste, la Russie (et l'Ukraine qui en faisait partie) ont connu plusieurs autres famines meurtrières : celle de 1891 qui a touché 40 millions de personnes et en a tué 2 millions, celle de 1900-1903 qui en a tué 3 millions, celle de 1911 - 2 millions de personnes[102]. Cependant, une des différences fondamentales réside dans le fait que les autres famines, y compris celle de 1921, n'ont jamais été masquées, contrairement à la famine de 1932-33, ce qui avait permis d'acheminer de l'aide internationale à leurs victimes.
Les analystes qui rejettent le terme de génocide et le caractère intentionnel de la famine insistent sur l'origine non-ethnique de la tragédie résultant de la politique pan-soviétique de collectivisation forcée des paysans soviétiques, de réquisitions excessives de leurs récoltes et de la dékoulakisation. Pour eux, il n'existerait pas de directive prouvée qui ordonnerait une action ciblée des autorités soviétiques contre la nation ukrainienne dans son ensemble, mais plutôt contre une classe sociale, les paysans aisés, dits les koulaks.
Ainsi, Stephen Wheatcroft et Robert W. Davies[89] soutiennent que la famine a été une conséquence accidentelle de politiques mal conçues et que l'Ukraine a particulièrement souffert pour des raisons démographiques[103]. Selon ces historiens, il ne s'agit donc pas d'une famine volontairement provoquée par les dirigeants soviétiques pour réprimer le nationalisme ukrainien.
La même thèse est défendue par John Arch Getty, professeur à l'université de Californie à Los Angeles, pour qui « les victimes de famines causées par la stupidité et l'incompétence d'un régime » ne peuvent pas être mises sur le même plan que « le gazage délibéré des juifs »[104]. Pour sa part, l'historien Arno Joseph Mayer estime « qu'en définitive, la pleine responsabilité de ce drame revient à Staline et à ses partisans qui s'obstinèrent à aller de l'avant [...] aveuglés par leur volonté d'industrialiser rapidement le pays et d'améliorer ses capacités militaires, ainsi que par l'exaspération que leur inspiraient les moujiks. » Cependant, il note que « dans la mesure où leur violence relevait de la terreur répressive, et malgré le recours aux boucs émissaires et aux rumeurs de complot, elle fut essentiellement instrumentale. On imagine mal que Staline ait organisé délibérément un génocide de la paysannerie ukrainienne en particulier, pour couper court au nationalisme naissant de cette province. En fait la famine irlandaise de la deuxième moitié des années 1840 [...] constitue un parallèle beaucoup plus proche que le judéocide des années 1940. »[105] Parlant de 4 millions de morts en Ukraine et de 7 millions dans l'ensemble de l'URSS, Jean-Jacques Marie rejette également la thèse du génocide[106].
Interprétations officielles récentes d'Holodomor
Reconnaissance ukrainienne du génocide
Les commémorations de la famine en Ukraine ont débuté dès la fin des années 1980, avant la chute de l'Union soviétique. Celles-ci sont poursuivies et encouragées sous la présidence de Leonid Koutchma.
L'arrivée d'un nouvel ordre politique suivant la Révolution orange à l'automne 2006 s'accompagne d'un renforcement des pratiques commémoratives officielles et des démarches visant à faire reconnaître juridiquement le Holodomor comme un génocide, tant sur le plan national qu'international.
Le 28 novembre 2006, le Parlement ukrainien vote la qualification de génocide pour la grande famine, en rendant sa contestation passible de poursuites légales[107]. L'argument est que l'Ukraine, principalement les paysans ukrainiens, ainsi que les cosaques de Kouban qui sont les descendants des cosaques zaporogues ukrainiens déportés à la fin du XVIIIe siècle par l'impératrice Catherine II de Russie à la suite de leur ultime révolte contre l'Empire Russe, auraient été soumis à un régime spécifiquement sévère par rapport aux autres parties de l'URSS[108]
Le 13 janvier 2010, la Cour d'appel d'Ukraine confirme les conclusions faites par les juges d'instruction du Service de sécurité d'Ukraine selon lesquelles les dirigeants du régime bolchevique se sont rendus coupables de « génocide du peuple ukrainien en 1932-1933 ». Parmi les accusés figurent Joseph Staline et plusieurs autres hauts dirigeants soviétiques et ukrainiens : Viatcheslav Molotov, Lazare Kaganovitch, Pavel Postychev, Stanislav Kossior (premier Secrétaire du PC d'Ukraine), Vlas Tchoubar (chef du gouvernement ukrainien), et Mendel Khataïevich (secrétaire du Comité central du PC d'Ukraine)[65].
Selon l'ancien président ukrainien Viktor Iouchtchenko, Holodomor n'avait pas de « cause naturelle », il avait été planifié par les autorités soviétiques dans le cadre du programme de collectivisation des terres et de confiscation des grains, pour tuer les "aspirations nationales" des Ukrainiens, dont 92 % vivaient dans les villages. Le traitement simultané des questions nationale et paysanne constitue, selon lui, à la particularité de l'Holodomor, entre fin 1932 et l'été 1933[109].
Cependant la victoire de Viktor Ianoukovytch a marqué un nouveau revirement dans la politique mémorielle de l'Ukraine. Le nouveau président ukrainien, contrairement à son prédécesseur, ne considère pas le Holodomor comme génocide, arguant, tout comme la Russie et le Kazakhstan, que c'était une « tragédie partagée » par tous les peuples de l'Union soviétique[110].
Reconnaissance de génocide dans d'autres pays
À ce jour (2011), 24 pays ont reconnu Holodomor comme génocide :
Déclaration de la Douma russe
La Douma d'État russe, dans sa déclaration du 2 avril 2008 commémorant les 75 ans de la « grande famine des années 1930 sur le territoire de l'URSS »[158], parle d'une terrible tragédie ayant coûté la vie aux 7 millions de personnes dans une grande partie de l'Union soviétique et accuse sans équivoque le régime stalinien en tant que son principal responsable. Elle présente la collectivisation forcée, la politique d'anéantissement des petits propriétaires agricoles et l'industrialisation accélérée comme les principales causes de cette famine. La déclaration fait l'emphase sur le caractère multinational de la tragédie sans pour autant entrer dans un débat ouvert sur le qualificatif de l'Holodomor.
Déclaration des Nations-Unies
Le 10 novembre 2003, une déclaration aux Nations Unies en lien avec le 70e anniversaire de la « grande famine en Ukraine de 1932-1933 » rappelle le devoir de mémoire envers les victimes, qu'elles soient ukrainiennes, russes, kazakhes ou d'une autre nationalité[159]. Ni l'ONU ni aucun des organismes mis en place par l'ONU ou ayant fonctionné sous son égide n'a cependant placé l'Holodomor parmi les quatre génocides répertoriés du XXe siècle.
Le 31 octobre 2008, la Fédération russe a mis son veto à la demande de célébration du 75e anniversaire d'Holodomor porté à l'ordre du jour de l'Assemblée générale de l'ONU[160].
Résolution du Parlement européen
Le Parlement européen reconnaît Holodomor en Ukraine comme « un crime effroyable perpétré contre le peuple ukrainien et contre l'humanité » sans pour autant lui donner une qualification de « génocide »[161].
La résolution fait ainsi une « déclaration au peuple ukrainien, et notamment aux survivants de l'Holodomor qui sont toujours en vie, ainsi qu'aux familles et aux proches des victimes ». La résolution « condamne fermement ces actes commis contre la population rurale d'Ukraine, caractérisés par une extermination et des violations massives des droits de l'homme et des libertés ». Le Parlement exprime ensuite sa « sympathie à l'égard du peuple ukrainien victime de cette tragédie, et rend hommage à ceux qui sont décédés en conséquence de la famine artificielle de 1932-1933 ». D'après la résolution adoptée par le Parlement Européen, la famine de l'Holodomor de 1932-1933 « a été planifiée de manière cynique et cruelle par le régime stalinien pour imposer la politique soviétique de collectivisation de l'agriculture contre la volonté de la population rurale d'Ukraine. »
Les députés pensent que « la commémoration des crimes contre l'humanité perpétrés au cours de l'histoire de l'Europe devrait permettre d'éviter la répétition de crimes semblables à l'avenir » et soulignent que « l'intégration européenne se fonde sur la volonté de surmonter les évènements tragiques du XXe siècle et que cette réconciliation avec une histoire difficile ne dénote en rien un sentiment de culpabilité collective, mais qu'elle constitue une base solide sur laquelle il sera possible de construire un avenir européen commun fondé sur des valeurs communes. »
Les députés invitent enfin les États issus de l'éclatement de l'Union soviétique à « permettre un libre accès aux archives relatives à la grande famine d'Ukraine de 1932-1933, qui pourront être ainsi examinées en profondeur afin que toutes les causes et conséquences de l'Holodomor soient révélées et étudiées en détails[162]. »
Résolution de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe
En décembre 2009, la commission de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe pour les questions politiques a rejeté tous les amendements contenant la mention du génocide, proposés par la délégation ukrainienne, dans son rapport sur Holodomor[163]. Le rapport sur la « Commémoration des victimes de la Grande Famine (Holodomor) en ex-URSS » a été présenté par un groupe des démocrates européens le 1er mars 2010[164].
Les propositions françaises de reconnaissance du génocide ukrainien
En France, en novembre 2006, le député conservateur (UMP) Christian Vanneste a déposé une proposition de loi relative à la reconnaissance du génocide ukrainien[165]. Au titre de la nouvelle législature, il dépose à nouveau la proposition de loi le 9 octobre 2007[165], proposition cosignée par plus de trente députés centristes et conservateurs.
Notes et références
Notes
- Nicolas Werth, « Les résistances paysannes à la collectivisation forcée en URSS », La Terreur et le désarroi. Staline et son système, Perrin, Paris, 2007,, p. 81. L'OGPU compte encore environ 2000 manifestations de masse et 7500 actes terroristes en 1931 et 1932, dont environ 60% en Ukraine et dans le Caucase du Nord. Les principaux éléments déclencheurs n'en sont pas alors la collectivisation mais les campagnes de collecte et les difficultés alimentaires. Voir
- « Sur la question de savoir si le Japon doit déclarer la guerre à l’Union soviétique, je considère qu’il est nécessaire que le Japon soit prêt à déclarer la guerre à n’importe quel moment et à adopter une politique inflexible vis-à-vis de l’Union soviétique. L'objectif essentiel de cette guerre ne consiste pas tant à protéger le Japon du communisme que de s'emparer de l'extrême-Orient et de la Sibérie orientale », Hiroaki Kuromiya, « The Soviet Famine of 1932–1933 Reconsidered », Europe-Asia Studies, vol. 60, n° 4, juin 2008, p. 670. Un télégramme de l’ambassadeur du Japon à Moscou envoyé le 19 décembre 1931 à l’État-major japonais basé à Tokyo et intercepté par les services de renseignement soviétiques illustre ainsi les visées expansionnistes japonaises :
Références
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- Robert Conquest, Sanglantes Moissons. La collectivisation des terres en URSS, Éd.Robert Laffont, Paris, 1995 ((en) The Harvest of Sorrow: Soviet Collectivization and the Terror-Famine, New-York, 1986), p. 331.
- Andrea Graziosi « Comme cela devrait être clair désormais, nous avons affaire à ce qu’il serait plus correct d’appeler, au niveau soviétique, les famines de 1931-1933 qui eurent naturellement des causes communes et un arrière-plan comparable, mais qui comprennent au moins deux phénomènes dont l’importance est aussi grande que leurs différences : la famine kazakhe avec les épidémies de 1931-1933 et le Holodomor ukrainien et du Kouban (une région du Caucase du Nord appartenant à la République russe mais alors peuplée principalement d’Ukrainiens) de fin 1932 au début 1933. », "Les famines soviétiques de 1931-1933 et le Holodomor ukrainien" [PDF], Cahiers du monde russe, n° 46/3, 2005. Par exemple pour l'historien italien
- La famine de 1933 en Ukraine : du tabou au totem, Comité de vigilance face aux usages publics de l'histoire, 23 octobre 2008 Selon Eric Aunoble, « De la présidence Koutchma au régime « orange », il y a continuité et renforcement de la politique étatique de valorisation du Holodomor », politique qui vise en partie à « conjurer politiquement la menace russe et le danger rouge »,
- « The August 1991 coup in Moscow and the shift of the authorities in Ukraine to a pro-independence stance radically changed the political climate in Ukraine. The ruling former Communist elite adopted many of the symbols of the Ukrainian national movement (the blue-and-yellow flag) and elements of the Ukrainian national historical vision, including the view of the Famine. », Frank E. Sysyn, The Famine of 1932-33 in the Discussion of Russian-Ukrainian Relations, The Harriman Review, vol. 15, juin 2005.
- « The disagreements concerning the causation of the famine is not so much concerned with the individual factors that caused the famine, but with their relative importance and how they influenced the concrete situation in certain locations at certain times. Most analyses fail to appreciate the complex buildup of the crisis into the famine and the separate factors that affected the separate stages. », « Toward explaining Soviet Famine of 1931-3: political and natural factors in perspective », Food and Foodways, 2004, p. 126. Selon Stephen Wheatcroft,
- « L'Holodomor de 1932-1933, une tragédie partagée », RIA Novosti 25 novembre 2008
- Commémoration du Holodomor, la famine artificiellement provoquée en Ukraine (1932-1933), texte adopté le jeudi 23 octobre 2008 par le Parlement européen.
- « Le terme a été créé par la fusion des mots holod (en ukrainien, la faim, la famine) et moryty , tuer (par privations), affamer, épuiser ; ce qui met donc l’accent sur l’aspect intentionnel, à la différence du terme plus neutre de holod (golod en russe). Il semble qu’il ait été créé par les immigrés ukrainiens aux \'Etats-Univs et au Canada, la première trace écrite remontant à 1978, dans The Ukrainian Holocaust of 1933, de Vasyl Hryshko. », Andrea Graziosi, [PDF] Les famines soviétiques de 1931-1933 et le Holodomor ukrainien, Cahiers du monde russe, n° 46/3, 2005.
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- Nicolas Werth, « Les résistances paysannes à la collectivisation forcée en URSS », La Terreur et le désarroi. Staline et son système, Perrin, Paris, 2007, p. 75.
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- Nicolas Werth, « Les résistances paysannes à la collectivisation forcée en URSS », Ibid., 2007, p. 77.
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- Hiroaki Kuromiya et Andrzej Peplonski, « The Great Terror : Polish-Japanese Connections », Ibid., 2009.
- Hiroaki Kuromiya, « The Soviet Famine of 1932–1933 Reconsidered », Ibid., p. 672-673.
- (en) « Terror and Policy Reversal in Belorussia » in Terry Martin, The Affirmative Action Empire..., p. 260-269. Voir sur ce point
- Case Study: The Great Ukrainian Famine of 1932-33, 18 avril 2008. Nicolas Werth,
- (en) Stephen G. Wheatcroft, Robert W. Davies, The Years of Hunger, p. 119.
- Le plan de collecte de 1931-1932 était fondé sur une récolte prévue de 98,6 millions de tonnes. La récolte sera après coup évaluée à 69,5 millions de tonnes par le commissariat à l'agriculture, tandis que des travaux contemporains suggèrent que la récolte réelle a probablement été comprise entre 57 et 65 millions de tonnes. En Ukraine, l'État parviendra finalement à réquisitionner 7,25 millions de tonnes de céréales pour un plan initial de 8 millions de tonnes. Voir Stephen G. Wheatcroft, Robert W. Davies, The Years of Hunger, p. 448 et 476.
- Jean-Paul Depretto, Les ouvriers en URSS, 1928-1941, Institut d'Études slaves, 1997, p. 255-261. Voir
- (en) Stephen G. WHeatcroft et Robert W. Davies, Crisis and Progress in the Soviet Economy, Palgrave, 1994, p. 201-228 Voir
- Stephen G. Wheatcroft, Robert W. Davies, The Years of Hunger, p. 476.
- Georges Sokoloff, « La guerre paysanne de Joseph Staline » in, 1933, l'année noire. Témoignages sur la famine en Ukraine, Albin Michel, 2000, p.37.
- (ru) N. A. Ivnitskii, « Golod 1932-1933 godov : kto vinovat ? », in Afanassév, Soud'by Rossiiskiogo krest'yanstva, Moscou, 1996, p. 338.
- Georges Sokoloff, « La guerre paysanne de Joseph Staline », Ibid., p.38.
- Robert Conquest, Sanglantes moissons, Robert Laffont, 1985, rééd. coll. « Bouquins » 1995. Titre anglais : The Harvest of Sorrow.
- Nicolas Werth, « Un État contre son peuple, violences, répressions, terreurs en Union soviétique », dans Le Livre noir du Communisme, Robert Laffont, 1997 , pp. 178-188.
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- Nicolas Werth, Case Study: The Great Ukrainian Famine of 1932-33 , avril 2008
- Opinion: Legal classification of Holodomor 1932-1933 in Ukraine and in Kuban as a crime against humanity and genocide, septembre 2008. Yevhen Zakharov,
- Andrea Graziosi, « Les famines soviétiques de 1931-1933 et le Holodomor ukrainien », Cahiers du monde russe, Vol. 46 2005/3, p. 467.
- Andrea Graziosi, ibid., p. 467.
- L'URSS a exporté 4,79 millions de tonnes de céréales en 1931, 1,61 million en 1932 et 1,68 million en 1933. Nicolas Werth, « La grande famine ukrainienne de 1932-1933 », in La terreur et le désarroi; Staline et son système, p. 130. Cependant, Mark Tauger note que « seulement » 300 000 tonnes ont été exportées au cours des six premiers mois de 1933 et que l'essentiel des exportations au cours de cette années ont eu lieu après la famine, à la suite de la nouvelle récolte, Mark Tauger, « Le livre noir du communisme on the Soviet Famine of 1932-1933 », p. 5.
- Alain Blum, Naître, vivre et mourir en URSS, Payot, réed. 2004, p. 100. Édouard Herriot, Orient, Paris Hachette, 1934. Cité par
- (en) [PDF] Stalin, Grain Stocks and the Famine of 1932-1933, Stephen Wheatcroft, Robert Davies, Mark Tauger, Slavic review, volume 54, 1995.
- Case Study: The Great Ukrainian Famine of 1932-33 Nicolas Werth,
- Statistiques compilées sur le site Famine Web par Stephen Wheatcroft.
- Andrea Graziosi, Ibid., p. 461.
- XXe siècle », Les Cahiers de l'INED, n° 152, 2003. Voir aussi France Meslé, Gilles Pison, Jacques Vallin, « France-Ukraine : Des jumeaux démographiques que l'histoire a séparée », Population et Sociétés, n° 413, juin 2005. France Meslé, Jacques Vallin, « Mortalité et causes de décès en Ukraine au
- Andrea Graziosi, Ibid., p. 461.
- Alain Blum, Naître, vivre et mourir en URSS, Payot, Paris, 2004, p. 105.
- Robert Conquest, « Le bilan des pertes » in Sanglantes Moissons..., p. 323-324.
- et causes de décès en Ukraine au XXe siècle Archives de la Russie - госархив РФ 9479 Оп.1. Д.89 Л. 205, 216, cité par France Meslé, Jacques Vallin dans
- A Note on Demographic Data as an Indicator of the Tragedy of the Soviet Village, 12 septembre 2000. Voir Stephen G. Wheatcroft,
- Sheila Fitzpatrick, Le Stalinisme au quotidien. La Russie soviétique dans les années 30, Flammarion, 2002, p. 75-76. Entre 1928 et 1933, la part des habitants des villes est passée de 18 % à 32 % de la population soviétique, tandis que 25 millions de paysans étaient chassés des campagnes,
- Anne Applebaum, Goulag : Une histoire, 2005, p. 9.
- Robert Conquest, « Le bilan des pertes » in Sanglantes Moissons..., p. 331.
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- « Our view of Stalin and the famine is close to that of Robert Conquest, who would earlier have been considered the champion of the argument that Stalin had intentionally caused the famine and had acted in a genocidal manner. In 2003, Dr Conquest wrote to us explaining that he does not hold the view that "Stalin purposely incited the 1933 famine. No. What I argue is that with resulting famine imminent, he could have prevented it, but put ‘Soviet interest’ other than feeding the starving first—thus consciously abetting it" », The Years of Hunger, Palgrave Macmillan, 2004, p. 441, n. 145. Voir Robert Conquest, La Grande Terreur, précédé des Sanglantes moissons : Les purges staliniennes des années 30, Robert Laffont, 1995. Néanmoins, dans une lettre adressée à Stephen G. Wheatcroft et Robert W. Davies, Robert Conquest a ultérieurement pris ses distances avec la thèse de « l'intentionnalité » de la famine développée dans son livre
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- « This is one matter on which one must disagree with Conquest. It is what could be called the Ukrainian aspect. That the majority of those who died in famine where Ukrainian peasants is not in dispute. But did they die because they were peasants, or because they were Ukrainian? As Conquest himself points out, the largest number of victims proportionately were in fact Kazakhs, and no one has attributed this to Stalin's anti Kazakhs views... Yes the Ukrainian countryside suffered terribly. But Conquest seems prone to accept the Ukrainian nationalist myth. », Alec Nove, "When the Head is Off", The New Republic, 3 novembre 1986, p. 37.
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Voir aussi
Bibliographie
Livres
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- (ru) Archives ouvertes par le gouvernement russe sur les famines soviétiques de 1931-1933.
- (en) (ru) [PDF]Famine in the USSR, 1929-1937 : New Documentary Evidences recueil d'archives sur les famines soviétiques de 1929-1934.
- (en) The Great Famine in Ukraine: The Holodomor and Its Consequences, 1933 to the Present, conférence internationale tenue à Harvard les 17-18 novembre 2008 (vidéos des interventions).
- (en) The scale and causes of the 1931-33 famine and whether the Holodomor should be classified as a genocide, conférence et débat contradictoire tenus à l'université de Melbourne le 21 mars 2009 (vidéo des interventions).
- (en)Soviet Archives : The Years of Hunger, par Stephen G. WHeatcroft, Université de Warwick. Recueil de statistiques sur les récoltes, les collectes et la crise de mortalité dans les différentes régions d'Union soviétique entre 1931 et 1933.
- (en) Statistiques régionales sur la mortalité et la natalité pendant la période de famine (carte interactive).
- (en) Dossier consacré au Holodomor par le Congrès mondial ukrainien.
- (en) Harvest of Despair,documentaire réalisé par le Ukrainian Famine Research Committee.
- (en) Famine 33, un film de Olès Yantchouk sur la famine en Ukraine.
Nombre de pays ayant reconnu le Holodomor comme génocide Ukraine Andorre, Argentine, Australie, Brésil, Canada, Chili, Colombie, Équateur, Espagne, Estonie, États-Unis, Géorgie, Hongrie, Italie,
Lettonie, Lituanie, Mexique, Paraguay, Pérou, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Ukraine, Vatican
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