Élection présidentielle de 1974

Élection présidentielle de 1974

Élection présidentielle française de 1974

À la suite du décès du président Georges Pompidou, atteint de la maladie de Waldenström, le 2 avril 1974[1], une élection présidentielle anticipée était devenue nécessaire. Elle se tint les 5 et 19 mai 1974.

Ce scrutin, qui marqua le reflux du gaullisme, allait se conclure par linvestiture du plus jeune président de la Ve République, qui cultivait une image de modernité et de jeunesse : Valéry Giscard d'Estaing. Le second tour, qui lopposa au candidat de lUnion de la gauche, François Mitterrand, fut le plus serré de lhistoire de la Ve République, la victoire nétant finalement assurée à Valéry Giscard dEstaing que par 425 000 voix davance.

Cette élection fut aussi celle dun autre record : celui de la participation électorale. Avec 87,33 % de participation au second tour, ce fut le plus faible taux dabstention de toute lhistoire du suffrage universel en France.

Valéry Giscard dEstaing, élu président de la République avec 50,81 % des voix.

Sommaire

Les candidats

Dans la majorité, deux candidats

Le candidat de l'UDR, Jacques Chaban-Delmas

Au 24, quai de Béthune, Georges Pompidou meurt le 1er avril.

Jacques Chaban-Delmas, député-maire de Bordeaux, est âgé de 59 ans. Premier ministre de Georges Pompidou de 1969 à 1972, il peut incarner une fidélité au gaullisme qui ne se résout pas au passéismeil va reprendre sous forme de slogan de campagne le thème qui avait été déjà été le fil directeur de son passage à Matignon : la « Nouvelle société ».

Le 4 avril, deux jours à peine après le décès du président Pompidou, le jour même de linhumation, Jacques Chaban-Delmas déclare sa candidature. La dépêche de lAFP tombera sur les téléscripteurs à 16 heures 09, pendant quon prononce à lAssemblée léloge funèbre du défunt. Valéry Giscard d'Estaing ne manquera pas dexploiter à son profit cette maladroite précipitation[2].

Le fait est que Chaban-Delmas a de bonnes raisons de vouloir aller vite. Même si ses entreprises pour rassembler derrière lui le parti gaulliste ont porté leurs fruits les mois précédents (son proche Roger Frey a obtenu la présidence du groupe parlementaire, et il a pu pousser Alexandre Sanguinetti, un gaulliste « historique » critique envers le Président Pompidou au secrétariat général du parti), il sait que dautres ambitions peuvent le concurrencer au sein du mouvement gaulliste. Et cest en effet la cacophonie dans ce camp : Christian Fouchet, au nom de la fidélité absolue à de Gaulle a été le premier à se lancer dès le 3 avril[3], alors que, le 5 avril[4], cest linconstant Edgar Faure qui fait aussi connaître son intention de concourir. Mais le plus préjudiciable à Jacques Chaban-Delmas serait une candidature du Premier ministre en poste, Pierre Messmer, au nom de lhéritage du Président défunt, avec la légitimité que peut lui conférer sa fonction.

Jacques Chaban-Delmas, ancien Premier ministre.

Or un groupe « pompidolien » mené par le ministre de lIntérieur Jacques Chirac et deux conseillers du président Pompidou, Marie-France Garaud et Pierre Juillet, pousse en ce sens un Pierre Messmer conscient de son manque de charisme et peu enclin à se lancer dans la bataille. Ce dernier annonce le 9 avril son intention de se lancer si cela permet de faire lunité de la majorité, puis se retire le soir même après avoir constaté ne pas être suivi (sinon par Edgar Faure, qui en profite pour se retirer avec panache dun combat mal engagé pour lui). Jacques Chaban-Delmas, qui a obtenu le 7 avril le soutien du comité central et des groupes parlementaires de lUDR, est donc définitivement le candidat unique du parti gaulliste[5]. Il obtient également le soutien du petit Centre démocratie et progrès de Jacques Duhamel le 9 avril (un comité directeur approuve ce soutien par 35 voix contre 7 abstentions)[6]. Mais sa légitimité est minée par le trop-plein de candidatures déclarée au cours de la semaine.

La publication le 13 avril du « Manifeste des 43 », appel de 4 ministres et 39 parlementaires UDR ou proches de lUDR, sape encore sa candidature. Au-delà de la langue de bois du texte, une chose est claire : celui-ci ne mentionne pas le nom de Chaban-Delmas et désavoue donc la candidature que les signataires sont supposés soutenir.

Dès lors, le cours de la campagne de Chaban se résume à une dégringolade continue dans les sondages. Les coups bas dune partie de lUDR nexpliquent peut-être pas tout : plusieurs commentateurs[7] attribuent aussi léchec de Jacques Chaban-Delmas à son choix stratégique dune campagne axée sur des thèmes sociaux, qui effarouche la droite sans mordre sur lélectorat de François Mitterrand.

On peut signaler pour lanecdote une dernière maladresse tactique de Chaban, celle dinviter André Malraux à participer à son spot de campagne officielle. Celui-ci est très malade et lapparition de ce vieil homme qui tient un discours prophétique il invoque les mânes de Jules Ferry nest guère pour redresser limage du malheureux Chaban-Delmas[8].

Le candidat du « changement dans la continuité », Valéry Giscard d'Estaing

C'est depuis la mairie de Chamalières que Valéry Giscard dEstaing « regarde la France au fond des yeux ».

Valéry Giscard dEstaing, que les Français désignent familièrement sous le sigle de « VGE », est depuis déjà 1962 ministre de lÉconomie et des Finances (avec une interruption de trois ans). Il nen demeure pas moins, avec ses 48 ans, le plus jeune des trois candidats susceptibles de lemporter.

À lorigine membre dun parti à limage droitière, le CNIP dAntoine Pinay, Giscard a quitté ce mouvement en 1962 lorsque celui-ci est entré en conflit avec le président Charles de Gaulle. En 1966 il peut néanmoins manifester sa différence par rapport au gaullisme le plus orthodoxe en proclamant : « Nous sommes lélément centriste et européen de la majorité ». Sa formation politique, les Républicains Indépendants, devient d'ailleurs une force incontournable de la majorité, contrebalançant le poids de l'UDR dans la majorité. Osant se distinguer encore davantage en appelant à voter « non » au référendum du 27 avril 1969 et participant ainsi à la chute de De Gaulle, il nen est pas moins ministre de tous les gouvernements sous la présidence Pompidou.

Resté dans un silence décent pendant la période de deuil national, Giscard se lance en campagne le 8 avril. Cest de son fief provincial, la mairie de Chamalières (une petite ville de la banlieue de Clermont-Ferrand), quil en fait lannonce en déclarant vouloir « regarder la France au fond des yeux »[9].

Valéry Giscard dEstaing est dès le début de sa campagne capable de fédérer derrière son nom la quasi totalité des non-gaullistes de droite et de centre-droit (modérés du Centre démocrate de Jean Lecanuet). Il a désormais à faire campagne dans la situation a priori malaisée de ministre sortant[10] en incarnant le renouveau sans pour autant renier lhéritage ; pour exprimer cette ambivalence, il va réutiliser un slogan qui avait déjà été celui de Georges Pompidou en 1969 : « Le changement dans la continuité ».

Cest le 10 avril que le Centre démocrate apporte son soutien à la candidature giscardienne, à laquelle Jean Lecanuet sest rallié sans hésitation (un conseil politique extraordinaire approuve cette décision à 157 voix contre 84 et 7 abstentions)[11]. Du côté du minuscule Centre républicain, le parti centriste de Michel Durafour, on est également giscardien. En revanche le Centre national des indépendants et paysans dAntoine Pinay, qui nest plus que lombre de lui-même sous la direction de Camille Laurens, ne sera pas unanime à se ranger derrière son ancien membre, et adoptera une attitude variable dun département à lautre[12].

Valéry Giscard dEstaing va mener une campagne dimage extrêmement cohérente jusquau second tour, sans jamais infléchir sa stratégie : viser au centre. Bien caractéristique de ce positionnement est cette citation de son discours du meeting de Nantes du 1er mai : « La lutte est entre le centre et lextrême-gauche ».

Vis-à-vis de la candidature Chaban, la tactique est de lignorer. Aucun positionnement ne répond à ceux de son concurrent de la majorité. Dans la dernière semaine avant le premier tour, au vu des sondages qui lui assurent avoir vaincu ce premier obstacle, Valéry Giscard dEstaing peut soffrir le luxe de faire allusion à sa participation passée au « gouvernement Chaban-Delmas » comme si ce nom était celui dun honorable retraité[13].

Contre Mitterrand, il sagit de jouer sur la différence de génération. Lidée force de la campagne, cest quil sagit dun homme de la défunte Quatrième République[14]; on ironisera donc sur « lhomme du passé ». Le thème naturel de lanticommunisme, que les auditoires acquis des meeetings aiment à entendre, ne sera utilisé que précautionneusement : ce sont les seconds rôles qui sen chargent, Michel Poniatowski tout particulièrement, ou davantage encore les documents de campagne anonymes[15] Le candidat, qui doit apparaître comme un homme de rassemblement, se garde bien quant à lui de participer aux polémiques agressives.

Ce qui importe avant tout, cest de donner aux Français limage personnelle dun homme de tête et de cœur. Après cinq ans aux finances, le candidat a déjà forgé une image de technicien à lintelligence supérieure ; il sagit de capitaliser sur celle-ci en linfléchissant pour apparaître plus humain. Pendant la campagne, on verra donc VGE jouer de laccordéon ou au football[16], et cest dans la même logique que les enfants du candidat vont être utilisés dans la construction de limage de leur père (Jacinthe, âgée de treize ans, figure sur la grande affiche de campagne aux côtés de Valéry). Le candidat va aussi exploiter sa relative jeunesse : on se fera photographier aux commandes dun hélicoptère, et même torse nu dans les vestiaires à lissue de la petite démonstration footballistique. Enfin, dernier atout sur Mitterrand quil faut mettre en valeur, la reconnaissance internationale du candidat est mise en relief, tant bien même la politique étrangère est-elle presque absente des débats. Les photos des documents de campagne représentent le ministre-candidat aux côtés des grands de ce monde ; au meeting de Marseille du 27 avril deux phrases suffiront pour évoquer quon a fréquenté Richard Nixon, Leonid Brejnev, Konrad Adenauer et Willy Brandt[17].

Une fois passé le premier tour, les petits candidats de droite et du centre, Jean Royer, Jean-Marie Le Pen et Émile Muller appellent tous sans réserve leurs électeurs à se reporter sur Valéry Giscard dEstaing. Jacques Chaban-Delmas est un peu plus prudent verbalement dans un premier temps (il « confirme son opposition résolue à la candidature » de François Mitterrand), mais le 13 mai formalise plus nettement son appel à voter pour Valéry Giscard dEstaing[18]. On peut ajouter à ces soutiens celui désormais formalisé du CNIP et surtout celui du parti radical valoisien de Jean-Jacques Servan-Schreiber qui abandonne le 14 mai sa posture attentiste et se range dans le camp giscardien (par 70 pour, 18 contre et 1 abstention[19]).

Aucune rupture de style entre les deux tours. Tout au plus le candidat de la droite mettra-t-il un peu plus en valeur le thème de la « sécurité »[20], susceptible de séduire les derniers hésitants à droite sans effrayer le centre. Il rappelle aussi quil ne remettra en cause ni les institutions gaulliennes de la Ve République, ni la politique de défense. Mais ce nest pas lessentiel ; lobjectif reste le même : convaincre les derniers électeurs hésitants quil est un homme davenir face à lhomme du passé et de proposer aux Français un « changement sans risque »[21].

François Mitterrand, candidat de l'Union de la gauche

François Mitterrand, déjà candidat en 1965.

Alors âgé de 58 ans, François Mitterrand, député de la Nièvre, a déjà une longue expérience politique puisquil a été huit fois ministre et trois fois secrétaire dÉtat sous la Quatrième République, et quil a été le candidat unique de la Gauche à lélection présidentielle de 1965, mettant en ballottage Charles de Gaulle.

Depuis quil a pris le contrôle du nouveau parti socialiste au Congrès dÉpinay en 1971 puis signé le Programme commun de gouvernement avec le Parti communiste français et le petit Mouvement des radicaux de gauche, il est le leader incontesté de la gauche parlementaire et sa candidature simpose par elle-même.

Pendant les jours qui suivent le décès du Président Pompidou, François Mitterrand, fin tacticien, est injoignable. Il sait que ses relations avec le Parti communiste seront exploitées par ses adversaires et il joue de son savoir-faire politicien pour donner limage de la plus grande indépendance. Lorsque le 4 avril, il ne peut éviter de rencontrer brièvement le premier secrétaire du Parti communiste français Georges Marchais à lAssemblée nationale, dans le bureau de Gaston Defferre[22], il refuse fermement dentrer en pourparlers pour organiser son plan de campagne. Sensuit une demande écrite du leader communiste de solenniser par une déclaration commune des trois partis de gauche sa candidature, à laquelle il prend soin de ne pas répondre tout en chargeant le numéro deux du Parti Pierre Mauroy de renvoyer une réponse dilatoire. Après avoir joué sur les nerfs de ses partenaires sans rien céder, François Mitterrand peut ainsi procéder au lancement de sa candidature en homme libre[23].

Comme pour celle de Valéry Giscard d'Estaing, c'est le 8 avril que la candidature est mise sur orbite. Un Congrès extraordinaire du Parti socialiste est réuni salle de la Mutualité à Paris ; il désigne François Mitterrand comme candidat à lunanimité des 3748 mandats. Ce nest que dans un second temps que les autres partis de lUnion de la gauche sont invités à soutenir cette candidature par une déclaration commune[24].

Entre temps la direction nationale du Parti socialiste unifié a décidé la veille 7 avril, comme le préconisait Michel Rocard, de se rallier à la candidature Mitterrand et de renoncer à présenter la candidature du syndicaliste Charles Piaget (à une majorité de 48 voix contre 35 et une abstention).

Enfin plusieurs syndicats professionnels apportent dans les jours qui suivent leur soutien à la candidature de François Mitterrand : en premier lieu la CGT et la CFDT, mais également la FEN et le MODEF.

La rose au poing fleurit sur tous les documents de campagne de François Mitterrand

Contrairement à VGE, Mitterrand na donc pas dadversaire à gérer dans son propre camp mais un partenaire, ce qui nest pas forcément plus facile. Les relations avec le PCF vont être bonnes pendant toute la durée de la campagne : le Parti communiste se bat sincèrement pour la victoire, acceptant avec une bonne volonté réelle de passer par les conditions du candidat de lUnion de la gauche[25]. Ainsi est-il entendu que la campagne des partis restera indépendante de celle du candidat ; les deux représentants du PCF admis en observateurs au siège de campagne, tour Montparnasse nont pas de bureau, ne figurent pas sur lorganigramme, et on leur demande même de garder secrète leur présence[26]. Lorsque le 16 avril Mitterrand annonce quen cas délection il choisira un Premier ministre socialiste, ses partenaires communistes se plaignent poliment de navoir pas été prévenus par avance de sa déclaration, mais ne manifestent pas une excessive irritation[27].

Tout comme Giscard, François Mitterrand est conscient que lélection se jouera au centre et sefforce donc dattirer à lui cette frange de lélectorat. Il se réfère le moins possible au « Programme commun » qui lie les partis de lUnion de la Gaucheou se borne à renvoyer aux « orientations » de ce programmeet, comme dailleurs son principal adversaire, évite la démagogie et se garde bien de formuler des promesses trop précises quant aux décisions quil prendrait, une fois élu.

Léquipe de François Mitterrand a fait appel à des sondeurs pour tester limage du candidat et la perception des thèmes de campagne par lopinion publique, et servir de base à lélaboration de la stratégie. Pour le premier tour, conscient dêtre en retard sur Giscard pour ce qui est de limage, on choisira dorienter tant que possible la campagne sur le terrain politique plutôt que personnel. Comme le principal adversaire est le ministre sortant de lÉconomie et des Finances, on laffaiblira en rappelant ses résultats, tout en se réfrénant des attaques contre sa personne : d limportance donnée aux thèmes de la hausse des prix et des inégalités sociales.

Pour le second tour, on apportera quelques inflexions : pour séduire les modérés, les problèmes sociaux seront évoqués sous la thématique de la « paix sociale » plutôt que celle des inégalités ; pour séduire les gaullistes on mettra en avance le thème de l’« indépendance nationale ». On se préoccupe davantage de construire une image concurrençant celle de Giscard : comme ce dernier on va mettre en avant lentourage familial. Enfin on se permettra un peu plus dagressivité envers le concurrent, dont il convient de casser limage consensuelle en le présentant comme un « homme de la droite » dans ce quelle a de plus rétrograde. On a identifié trois catégories délecteurs parmi lesquelles une marge de progression existe, et qui devront être séduites en priorité : les personnes âgées, les cadres, les femmes[28].

Après le 5 mai, les petits candidats de la gauche et de lécologie appellent tous les trois à soutenir François Mitterrand, en termes plus ou moins contournés mais sans ambiguïté : Arlette Laguiller déclare que « les voix de lextrême-gauche font partie des voix de la gauche », René Dumont « choisit lespoir en votant François Mitterrand, à titre personnel », Alain Krivine appelle à « battre la droite par tous les moyens »[29]. Sur le papier, en supposant les reports parfaits, François Mitterrand dispose donc de 47,3 % des suffrages. Si les reports se font suffisamment mal à droite, la victoire est possible. Les évolutions individuelles de gaullistes, même marginaux, sont dès lors de première importance : on note donc avec intérêt le ralliement à François Mitterrand des anciens ministres Jean-Marcel Jeanneney et Edgard Pisani ou danciens de la Résistance comme Jacques Debû-Bridel et Romain Gary, ou lappel à voter blanc lancé par le mouvement de jeunesse gaulliste, lUnion des jeunes pour le progrès. Un peu déçu semble-t-il à lissue du premier tour, François Mitterrand, dans les derniers jours, commence à croire à la possibilité dune victoire[30].

Restent neuf candidatures de témoignage

Un candidat dordre moral à droite, Jean Royer

Le maire de Tours, par ailleurs ministre des Postes et Télécommunications dans le gouvernement Messmer est âgé de 53 ans. Gaulliste convaincu sans être membre de lUDR, il est connu des Français pour son combat inlassable contre la pornographie, un thème qui nest pas marginal au début des années 1970 prolifère soudain le cinéma érotique[31]. Fameux pour ses arrêtés dinterdiction des films coquins dans sa bonne ville de Tours[32], Jean Royer lest aussi pour son passage récent au ministère du Commerce et de lArtisanat il est à lorigine dune loi qui porte son nom et qui limite le développement des grandes surfaces.

Cest sur ces thèmes réactionnaires et poujadistes quil va construire sa campagne ; il sy ajoute celui de lopposition catégorique à toute libéralisation de lavortement. Avec un tel programme, il nest pas surprenant que Jean Royer excite le sens de la formule des commentateurs : Franz-Olivier Giesbert y voit le « prophète solennel des boutiquiers et des dames de piété », le Nouvel Observateur un « Savonarole des boutiques », tandis que Libération décrit ainsi son positionnement : « Royer, cest lhomme politique de Pierre Bellemare et de Michel Sardou, un président qui sent la frite[33] ».

Dès ses premières décisions, Jean Royerqui cultive une image justifiée de totale rigueur moraleva se distinguer en ne faisant rien comme tout le monde, et ceci bien souvent parce que ces décisions sont autant derreurs grossières. Il commence par démissionner de son ministère (Valéry Giscard dEstaing se gardera bien den faire autant), estimant incompatible le statut de candidat et celui de ministre. Plus curieusement, il se refusera à toute déclaration avant le 19 avril date douverture de la campagne officielle[34]. La couleur de fond choisie pour son affiche de campagne est le marron foncé, et sa photo ny figure pas. Le candidat, qui ne supporte pas lavion, a loué un autorail de deux voitures et effectue ses déplacements à travers la France par ce moyen de transport ; de ce fait il ne peut de toute la campagne remettre les pieds à son quartier général, quil a eu de surcroît la fort peu judicieuse idée de baser à Tours et non à Paris comme tous ses concurrents. Enfin si les jeunes opposants à Jean Royer font tourner par leurs pitreries sa campagne à la pantalonnade, il nest pas pour autant aidé par sa propre épouse dont linterview sur Europe 1 contribue à rejeter sa candidature dans le registre du comique grivois[35].

Hélas pour Jean Royer, ce quon va retenir de sa campagne, cest surtout la perturbation de ses meetings par des opposants hilares, qui scandent « Royer, Pétain, même combat » et « Royer, puceau, le peuple aura ta peau »[36]. Sans service dordre digne de ce nom, le candidat ne peut quencaisser et fait lerreur de riposter vivement aux perturbateurs (ainsi à Nice : « Vous navez sans doute pas grand chose à faire de la journée, vous navez rien inventé »), les excitant encore davantage. Le sommet est atteint au meeting de Toulouse du 25 avril une jeune femme se dévêt et danse une demi-heure la poitrine nue, pour le plus grand bonheur des photographes de presse et des caméras de télévision[37]. Le 27 avril à Lyon, Royer confirme ne pas retirer sa candidature mais explique quil renonce aux réunions publiques pour se rabattre sur la radio et la télévision et les réunions sur invitation. Son score est très décevant, le capital de sympathie dont il disposait dans les premiers sondages ayant fondu au fur et à mesure de sa désastreuse campagne : avec 3,2 % des suffrages exprimés, il ne sera guère en mesure de peser sur le second tour.

La première femme candidate à la présidence, Arlette Laguiller

La jeune Arlette Laguillerelle a trente-quatre ansnest pas tout à fait inconnue du public, puisque sa formation politique Lutte Ouvrière la promue « porte-parole » du parti aux législatives de 1973, lors desquelles elle a recueilli dans une circonscription du XVIIIe arrondissement de Paris 2,47 % des suffrages exprimés.

Lorsque décède le président Pompidou, une grève initiée au Crédit lyonnais embrase le secteur bancaire depuis le 1er février. Permanente syndicale à Force ouvrière en charge de ce secteur, Arlette Laguiller est montée en ligne, sopposant à la CGT, et sest de nouveau trouvée sous les projecteurs des médias ; ainsi un reportage de Paris-Match la compare-t-elle le 23 mars à un autre syndicaliste fameux : « On lappelle la Piaget des banques en révolte[38] ».

Lorsque son parti la désigne pour le représenter à la candidature à la présidentielle[39], Arlette Laguiller est donc par ses actes en totale cohérence avec son discours : lobjectif dune candidature est avant tout déveiller la conscience révolutionnaire de la classe ouvrière et son programme est dabord de « donner une voix et un visage à tous ceux qui se taisent ». Si ses concurrents directs du Front communiste révolutionnaire peuvent fustiger dans Rouge son « électoralisme »[40], le pari est réussi : son résultat électoral, 2,33 % des suffrages exprimés, est des plus réjouissants pour un parti jusqualors peu médiatique. Sans doute, comme les études des transferts de voix le montrent (un quart des électeurs dArlette Laguiller déclare se reporter sur Valéry Giscard dEstaing au second tour), une partie non négligeable de son électorat a-t-il été motivé par la sympathie pour une femme du peuple et non par ses appels à la Révolution. Néanmoins, le parti trotskiste saura construire sur ce premier socle et « Arlette » mènera cinq autres candidatures consécutives qui séchelonneront jusquen 2007.

Le premier écologiste dans une présidentielle française, René Dumont

La nébuleuse écologiste, qui a vécu sous la présidence Pompidou une période dintense développement, est bien déterminée à manifester sa vitalité dans cette élection. On envisage une candidature de Philippe de Saint-Marc, qui préfère entreprendre un rapprochement avec Valéry Giscard d'Estaing, de Théodore Monod qui refuse sestimant trop âgé, du commandant Cousteau qui se récuse aussi. Cest finalement René Dumont, un agronome renommé retraité de soixante-dix ans, qui portera les couleurs de lécologie.

Sa campagne iconoclaste est très remarquée[41], le candidat se distinguant par son aspect vestimentaire (un fameux pull rouge), ses déplacements en vélo, ses formules qui détonent du discours politique traditionnel (« La voiture, ça pue, ça pollue et ça rend con[42] »). Son équipe sait inventer des « coups » médiatiques qui animent la très morne campagne officielle : le quartier général de campagne est installé sur un bateau-mouche, le candidat apporte à la télévision une pomme et un verre deau quil boit devant les téléspectateurs pour illustrer la crise écologique.

Le résultat nest pas à la hauteur des espoirs que lintérêt du public et des medias pour sa campagne novatrice pouvait permettre de nourrir. Le score obtenu (1,3 % des suffrages exprimés) déçoit[43].

Six autres candidats ne dépassent pas 1 % des bulletins exprimés

Cest le président du Front nationalun nouveau parti créé en 1972 —, Jean-Marie Le Pen, qui sera le porte-drapeau de la droite de la droite à cette élection, entamant une série de candidatures qui le mènera en 2002 jusquau second tour. Éclatée en plusieurs groupuscules en recomposition permanente, lextrême droite part divisée ; la tendance révolutionnaire issue dOrdre nouveau menée par Alain Robert et Pascal Gauchon et la tendance maurrassienne incarnée par François Brigneau se sont alliées au sein du groupe Faire front (matrice du futur Parti des forces nouvelles) qui concurrence sérieusement le jeune Front national et mise sur le soutien à Valéry Giscard dEstaing plutôt que sur une candidature autonome[44]. Enfin la présence de la très droitière candidature de Jean Royer (qui obtient lui-même le soutien de Jacques Isorni et de lassociation Pétain-Verdun, et est le candidat des cercles catholiques traditionalistes[45]) préjudicie aussi bien évidemment au candidat du Front national. Dans ces conditions, Jean-Marie Le Penqui centre sa campagne sur la lutte contre le communisme et les grèves, contre lavortement et pour la défense des retraitésobtient un score dérisoire (0,75 % des suffrages exprimés, à rapporter aux 5,27 % de Jean-Louis Tixier-Vignancour en 1965: pour la droite nationaliste, les années 1970 sont décidément une période difficile au niveau électoral.

Au centre, presque toutes les tendances se sont rapprochées de lun ou lautre des trois candidats principaux : le Mouvement des radicaux de gauche de Robert Fabre adhère depuis 1972 au programme commun de la gauche et soutient donc François Mitterrand ; le Centre Démocratie et Progrès de Jacques Duhamel et Joseph Fontanet soutient Jacques Chaban-Delmas ; cest Valéry Giscard dEstaing qui a le mieux réussi dans les appels de pieds aux centristes, puisque le Centre démocrate de Jean Lecanuet et le Centre républicain de Michel Durafour se rallient aussitôt à sa candidature, tandis que le parti radical valoisien, alors dirigé par Jean-Jacques Servan-Schreiber, le favorise en sous-main en réservant toutefois la déclaration de son soutien formel à laprès premier tour. Seul le petit Mouvement démocrate-socialiste de Max Lejeune et Émile Muller fait le choix de lautonomie. Cest donc le maire de Mulhouse, Émile Muller qui représente à ce scrutin une alternative centriste. Peu connu des Français, Émile Muller mène une campagne assez terne et voit sanctionnée par les urnes sa stratégie dautonomie, qui ne reçoit lappui que de 0,69 % des votants.

Lextrême gauche trotskyste part divisée. Outre la candidature dArlette Laguiller déjà évoquée plus haut, Alain Krivine, le leader du Front communiste révolutionnaire est pour proposer une alternative révolutionnaire. Son parti a dabord envisagé le soutien à une « candidature de luttes » du syndicaliste autogestionnaire Charles Piaget puis, celle-ci ne se concrétisant pas, fait le choix de la candidature autonome en préférant finalement Alain Krivine malgré ses origines « bourgeoises » à louvrier André Fichaut. Malgré la forte notoriété acquise par sa participation aux événements de mai 1968 puis sa candidature de 1969, son échec est retentissant : 0,36 % des suffrages, deux fois moins de voix quà la présidentielle précédente et surtout six fois moins que lautre candidate trotskyste Arlette Laguiller[46].

Enfin trois autres candidatsle royaliste « de gauche » Bertrand Renouvin pour la Nouvelle Action royaliste, et les deux « fédéralistes européens » Jean-Claude Sebag (Mouvement fédéraliste européen) et Guy Héraud (Parti fédéraliste européen)— se singularisent surtout pour avoir obtenu les trois scores les plus faibles de tous les temps à une élection présidentielle française au suffrage universel, tant en nombre de voix quen pourcentage des exprimés[47].

Candidats malheureux à la candidature

À ces douze candidats on doit ajouter un certain nombre de personnalités qui ont manifesté leur intention de concourir mais nont soit pas rempli les conditions juridiques exigées des candidats, soit manifesté leur intention dans le seul but de recueillir des "signatures" destinées à d'autre candidats ou possibles candidats. Il s'agit de:[48]

Nom Commentaire
Robert-Élie Azoulay Président du parti libéral français
Stéphane Baumont Secrétaire général du comité pour le développement du sport scolaire et universitaire
Jean-François Besson Directeur de société
Marie Bonnafous « féministe et pacifiste »
Jean-Marc Bourquin Militant LCR à Saint-Denis (93)
Alain Bousquet -
Jean-Pierre Brissaud Extrême gauche
Jean-Paul Carteron Avocat
Jacques Deschanel Restaurateur
Léopold Elbazé Avocat
Michel Fayolas Président du Comité des rentiers viagers
Dominique Gallet -
Maurice Gardet Candidat de « la joie de vivre en France »
Gisèle Guisette Environnementaliste
M. Henninot Candidat de « la classe moyenne »
Henri Jannès Rassemblement des usagers et contribuables
Djellali Kamel En soutien aux 37 travailleurs immigrés en grève de la faim rue Dulong pour exiger leur régularisation[49]
Robert Lafont Régionaliste occitan
Huguette Leforestier Féministe
Michel Prigent Jeune démocrate
Georges Rico -
André Roustan Président du Parti communiste révolutionnaire (marxiste-léniniste), maoïste
M. Salkazanov « Ambassadeur des étoiles »
Jean-Louis Savignet Pour une « monarchie républicaine »
Toussaint Védèche Ancien maire de Laviolle, défenseur des communes rurales
Georges Wambergue « Pacifiste et visionnaire »

Péripéties

Du rififi chez les gaullistes

Comme on la dit plus haut, le camp gaulliste nest pas uni derrière Jacques Chaban-Delmas. Un groupe mené par Jacques Chirac, Pierre Juillet et Marie-France Garaud conspire pour torpiller sa candidature[50].

Certains commentateurs, en premier lieu, attribuent des intentions malveillantes au ministre de lIntérieur dans son choix des dates du scrutin. Alors que la législation électorale lui laissait le choix entre deux dates, il a proposé au conseil des ministres la plus tardive ; peut-être parce quil pense quune campagne longue est plus à même de voir seffondrer les intentions de vote pour Chaban.

En revanche, il ne fait guère de doute que les pressions de ce groupe ont concouru à lépisode Messmer du 9 avril. Poussé par ses amis à assurer une relève pompidolienne, Pierre Messmer annonce dans la matinée[51] léventualité de sa candidature dans des termes soigneusement pesés :

« Devant la situation créée par plusieurs candidatures de la majorité de Georges Pompidou, en raison du risque que cela fait courir à la France, je me suis résolu à me présenter aux suffrages des Français si ces candidats se retirent. Je le leur demande »

Edgar Faure, qui a compris dès les premiers sondages quil va dans le mur, profite de loccasion pour retirer sa candidature à 11 heures 30 ; Christian Fouchet fait savoir à 12 heures 45 quil maintient la sienne.

La balle est alors dans le camp des deux principaux candidats. Jacques Chaban-Delmas rend visite au Premier ministre à lHôtel Matignon vers quinze heures. Lentretien ne dure que trois minutesle maire de Bordeaux se maintient.

Après que son rival sest ainsi prononcé, loccasion est alors trop belle pour VGE de se donner limage dun candidat dunion : à 16 heures 30, son secrétariat produit un communiqué rappelant quil est :

« prêt à s'effacer devant le premier Ministre nommé par le président Pompidou. »

La manœuvre a réussi, le ballon dessai Messmer na rien changé, si ce nestmais cest essentieldans la perception des candidatures par lopinion publique. Il ne reste plus quau premier Ministre quà se retirer :

« Les conditions n'étant pas réunies, j'ai décidé de ne pas poser ma candidature à la Présidence de la République. Ma décision est irrévocable. »

Nouvelle attaque contre la candidature Chaban, le 13 avril en soirée est diffusé un appel dit « Manifeste des 43 » signé de quatre ministres (Jacques Chirac, Jean-Philippe Lecat, Jean Taittinger et Olivier Stirn), trente-trois parlementaires UDR et six parlementaires divers droite. Écrit dans un style particulièrement insipide, ce « manifeste » (qui sera publié le lendemain 14 avril, jour de Pâques, par le Journal du dimanche) rappelle les principes de la philosophie politique gaullienne et salue la démarche de rassemblement de Pierre Messmer ; les signataires concluent ainsi :

« En conséquence, ils arrêteront ensemble et en conscience une position concertée en faveur de la solution qui leur paraîtra le mieux assurer le respect de ces principes en faisant échec à toute candidature socialo-communiste, qui remettrait en cause l'avenir de la France et le bonheur des Français. »

Le nom de Chaban-Delmas nest nulle part cité. Les observateurs de la vie politique ne sy trompent pas : cest un coup de poignard dans le dos[52] rédigé en termes diplomatiques, et une opération à peine camouflée de soutien à Valéry Giscard dEstaing[53]. À Beaune, Jean-Philippe Lecat ira jusquà créer et présider simultanément deux comités de soutien, l'un à Chaban et lun à Giscard[54].

Nouvelle manifestation du pouvoir de nuisance du ministère de lIntérieur, France-Soir publié le 20 avril un sondage réalisé par les Renseignements Généraux qui montre VGE prendre une avance définitive sur Chaban. Les observateurs encore ne sy trompent pas : il doit y avoir du Chirac derrière[55].

Le 21 avril, dernière avanie, Pierre Messmer reprend la parole pour préciser son soutien à la candidature Chaban en précisant agir « par discipline ». On peut imaginer soutien plus enthousiaste.

Quel jeu joue Moscou ?

De qui Léonid Brejnev souhaite-t-il lélection ?

Alors que les États-Unis dAmérique ont veillé à garder la plus stricte neutralité dans cette campagne, conscients que tout geste à lappui ou en défaveur dun candidat serait totalement contre-productif, lambassadeur dUnion soviétique à Paris, Stephan Tchervonenko, rend une visite très publique à Valéry Giscard dEstaing le 7 mai, deux jours après le premier tour, sous le prétexte de faire avancer divers dossiers concernant la coopération économique franco-soviétique.

Que signifie ce geste ? Une première interprétation littérale est dy voir un soutien implicite de lUnion Soviétique au candidat de la majorité qui reste en lice pour le second tour : une fois éliminé le gaulliste Chaban-Delmas, sans doute le candidat préféré de Moscou[56], on préfèrera Giscard à Mitterrand, soupçonné de trop datlantisme[57].

Mais, réaction inattendue, le bureau politique du Parti communiste français publie dès le lendemain 8 mai un communiqué désapprouvant cette immixtion dans la campagne. On peut de fait sinterroger sur les motivations réelles de Stephan Tchervonenko ; sans dailleurs pouvoir exclure la simple gaffe (après tout le même Stephan Tchervonenko a déjeuné avec François Mitterrand dans les premiers jours davril), lhypothèse dun geste à lintention des communistes français plutôt que de lopinion publique, dans une période de relatives tensions entre le PCF et le PCUS ne peut être exclue[58].

Dernier épisode le 17 mai un fonctionnaire de second plan de lambassade soviétique réagit avec vivacité à des propos anti-communistes du lieutenant de VGE, Michel Poniatowski, propos qui avaient auparavant suscité une protestation du PCF dune virulence un peu disproportionnée. La presse couvre abondamment lincident apparemment mineur ; il est vrai que lambassade sest donné la peine de contacter téléphoniquement les rédactions pour leur souligner lémission du communiqué. Selon la lecture des diplomates américains, il pourrait sagir dune concession soviétique au mécontentement des communistes français, faite en geste dapaisement des tensions suscitées par la visite du 7 mai[59].

Le débat télévisé du second tour

Le sigle de l'ORTF surplombe la table du débat

Cest une des grandes nouveautés de ce scrutin : les deux candidats du second tour ont accepté de saffronter en un duel télévisé en direct, comme on fait aux États-Unis dAmérique. Voilà qui est plus excitant que la morne campagne officielle chacun monologue derrière la même table nue. Le jour venu, le 10 mai, ce sont 20 à 25 millions de téléspectateurs, près de la moitié des Français, qui vont assister à la joute télédiffusée sur les deux chaînes de lORTF et sur une douzaine de télévisions européennes. Le débat est également retransmis sur France Inter et les radios périphériques.

Pourtant il y a déjà eu des premières ce mois davril, lorsque les candidats se sont affrontés sur les radios périphériques. Aucun candidat ne la clairement emporté sur un autre dans ces débats, généralement courtois et policés, même si par instants lun ou lautre a su montrer son sens de la répartie (ainsi le 25 avril sur Europe 1, François Mitterrand : « Vous avez été onze ans ministre » et Valéry Giscard dEstaing : « Et vous vous lavez été onze fois, je les ai comptées ».)

On négocie avec âpreté les conditions du ou des débats ; au début on envisagerait den proposer deux aux spectateurs, mais VGE refuse un débat trop proche du scrutin. Il ny en aura donc quun, un vendredi soir, dont la réalisation sera confiée à Roger Benamou. Mitterrand, plutôt réticent au débat télévisé, négocie la non-intervention totale des animateurs et la disposition des caméras. Un tirage au sort préalable à la retransmission donne la parole en premier à Giscard dEstaing, étant entendu que Mitterrand aura ainsi le privilège de conclure le débat.

Il est entendu que les deux animateurs, les journalistes Alain Duhamel et Jacqueline Baudrier nauront quun rôle technique ; ils sont pour rappeler aux candidats ils en sont de leur temps de parole, pas pour orienter le débat. Le choix des sujets est laissé à la libre appréciation des protagonistes qui vont sinvectiver à coup de questions/réponses sur le bilan du gouvernement actuel dont VGE est le ministre des finances et sur les projets davenir, notamment du programme commun de la gauche. Prévus sur une durée totale dune heure trente, le débat est quelque peu prolongé par commun accord pour finir au bout de deux heures.

Aucun des adversaires ne gagnera par KO. Chacun affirme un style, Valéry Giscard dEstaing cultivant son image de premier de la classe qui connaît les dossiers mieux que François Mitterrand et qui reproche à son adversaire dêtre lhomme du passé. François Mitterrand veut se montrer au-dessus de la mêlée en affectant une ironie détachée quand parle son adversaire, pour par instants senflammer avec passion, comme lorsquil défend sa volonté de faire participer les communistes à son prochain gouvernement ou lorsquil défend certains aspects du programme dunion de la gauche.

Finalement ce quon retiendra du débat trente ans après, cest la « petite phrase improvisée » par Valéry Giscard dEstaing : « Monsieur Mitterrand, vous n'avez pas le monopole du cœur ». Cest elle que citeront les commentateurs de limmédiat pour conclure que VGE a marqué quelques points. Mais des observateurs plus au fait des techniques de communication font des remarques plus techniques : Giscard a su mieux que Mitterrand réagir par des mimiques aux propos de son adversaire, prendre la parole pour de courtes interventions, et attirer ainsi la caméra sur lui, donnant une image plus vivante, plus réactive. François Mitterrand en tirera une leçon pour 1981 il exigera la présence de deux réalisateurs désignés par les deux candidats, et fera âprement négocier lorganisation des plans de coupe ou de réaction[60].

Un sondage Sofres réalisé le lendemain enregistre une soudaine mais ténue hausse des intentions de vote pour Valéry Giscard dEstaing (elles progressent à 51,5 %) qui reviennent à 50 % dans les jours qui suivent. Effet du débat ou marge derreur des estimations ? Cet affrontement télévisé ne semble pas avoir eu un effet significatif sur lopinion publique, bien que les suffrages très serrés et la très courte campagne électorale font penser que le débat aura forcément influencé certains électeurs qui ont pu faire la différence lors du décompte final.

Le vote outre-mer

Les symboles des candidats représentés sur les bulletins utilisés outre-mer

Les luttes dinfluence pour contrôler les votes dans quelques territoires doutre mer (Territoire des Afars et des Issas, Comores notamment) sont moins suivies des médias, mais les observateurs avertisles candidats notamment, mais aussi le Président par intérim Alain Poher ou lambassadeur des États-Unissavent bien que ces territoires peuvent être un enjeu essentiel dans un scrutin qui sannonce serré.

Dans La Paille et le grain, publié en 1975, François Mitterrand pose crûment le problème : à Djibouti, Ali Aref contrôle 30 000 voix, aux Comores Ahmed Abdallah environ 70 000[61]. On peut légitimement avoir quelques réticences à prendre pour argent comptant les allégations dun candidat malheureux, mais force est de considérer que les plus hautes autorités de lÉtat ont les mêmes inquiétudes : Alain Poher fera connaître en privé à plusieurs personnalités le souci que lui inspirent ces manœuvres[62].

Jacques Foccart, avec un sens certain de lellipse, est assez transparent à ce sujet dans son journal : « Je vois Ahmed Abdallah, assez longuement. Pour les Comores, cela va marcher » (en date du 9 avril) ; « Je vois Pascal, qui soccupe des questions de finances dans les DOM-TOM pour le compte de Chaban » (en date du 22 avril) ; on lira aussi la relation dun coup de téléphone reçu de VGE le 8 mai au matin, suivi laprès-midi dun rendez-vous au sujet des TOM avec Victor Chapot, trésorier des Républicains indépendants, Foccart concluant la narration de sa journée en spécifiant que « cest réglé » avec Aref et Abdallah. Mitterrand, pour sa part, prétend quAbdallah lui a directement rapporté avoir négocié en tête-à-tête avec Giscard d'Estaing lapport des voix sous son contrôle en échange de lindépendance des Comores[63].

Cest dans ce contexte quon peut apprécier un incident à la limite du juridique et du politique. La Commission Nationale de Contrôleun organisme composé de cinq magistrats, et dont le rôle est de veiller à limpartialité de lÉtat dans la campagneayant décidé denvoyer des observateurs outre-mer[64], il sensuit un conflit de compétences entre celle-ci et le Conseil constitutionnel, qui proteste contre cette initiative[65].

Il convient tout de même de préciser que, hors les trois territoires très sous-développés des Comores, des Afars et des Issas et de Wallis-et-Futuna, les résultats du second tour outre-mer ne divergent pas de façon patente de ceux de métropole et que François Mitterrand lemporte même à la Réunion et en Polynésie française.

En tout état de cause, ce ne seront pas les territoires doutre-mer qui feront la différence : même si les comportements pointés par ces quelques observateurs ont pu influer sur une centaine de milliers de voix, on est nettement en dessous de lécart qui séparera in fine les deux candidats, et Valéry Giscard dEstaing est également victorieux sur la seule France métropolitaine, de 350 000 voix environ.

Giscard et Mitterrand : deux campagnes

Les observateurs notent en 1974 la pénétration des techniques issues de la publicité dans la conception des campagnes électorales[66]. Il faut tout de même prendre garde : les mêmes références étaient citées en 1965, notamment pour décrire la campagne de Jean Lecanuet. On est dans une logique de progression lente du marketing politique sur un long terme et il ny a pas de rupture nette en 1974, sauf peut-être sur quelques points précis, notamment lirruption remarquée des sondages dans la campagne[67].

Les locaux

Léquipe de Valéry Giscard dEstaing sinstalle dans un immeuble de bureaux, au 41, rue de la Bienfaisance, dans le VIIIe arrondissement de Paris, non loin de léglise Saint-Augustin.

Pour sa part, François Mitterrand jette son dévolu sur un étage de la tour Montparnasse, sur la rive gauchepour la petite histoire on notera dailleurs que ces locaux avaient initialement été réservés par Edgar Faure, qui les a libérés en renonçant le 9 avril à sa candidature.

Les équipes de campagne

Le 41 rue de la Bienfaisance est le siège de campagne de Valéry Giscard dEstaing.

Du côté de léquipe giscardienne, un rôle tout particulier est en premier lieu confié au ministre de la Santé Michel Poniatowski. Hors organigramme, il est le proche lieutenant du candidat, celui qui doit être consulté sur toutes les questions importantes. Au même niveau, le numéro un de léquipe de la rue de la Bienfaisance est Michel dOrnano, qui en dirige la réflexion politique assisté dune équipe rapprochée de trois collaborateurs : Jacques Dominati (par ailleurs chargé de la campagne en région parisienne), Jean-Pierre Soisson (pour la campagne en province et outre-mer) et Roger Chinaud à lorganisation générale. Pour lassister, une « cellule idées » est animée par Christian Bonnet et Jean Serisé, tandis que Lionel Stoléru soccupe des sondages.

Sur le plan de lorganisation matérielle, Roger Chinaud est spécifiquement en charge des réunions publiques. Trait remarquable de la campagne giscardienne, les services axés sur la communication sont confiés à des techniciens et non à des politiques : un service de relations avec la presse est dirigé par Maurice Dalinval, mais cest surtout au niveau de la cellule de préparation des documents de propagande que VGE a fait un choix remarquable : cest un publicitaire professionnel, Jacques Hintzy de lagence Havas Conseil qui a la charge de ce secteur.

En revanche la tâche très politique du service dordre des réunions doit revenir à un homme de confiance. Cest Hubert Bassot qui en est responsable. Cet ancien de lAlgérie française va savoir utiliser les services des groupes de combat de lextrême-droite. La direction effective du service dordre est confiée à un ancien « dur » de lOAS, Pierre Sergent qui, selon Jacques Berne, partagerait même le bureau de Michel dOrnano[68] Les nervis qui veillent au grain dans les meetings se font remarquer par des violences dont la presse de gauche fait ses choux gras ; ainsi notamment dans les deux meetings bretons du 24 avril : à Rennes un perturbateur doit être hospitalisé sans connaissance, à Brest un médecin handicapé (il est paralysé dun bras) qui a pris verbalement la défense dun perturbateur tabassé est lui-même roué de coups et jeté au sol depuis un escalieril devra être hospitalisé pour une quadruple fracture de lavant-bras[69]. Le Figaro, qui il est vrai roule plutôt pour Chaban, peut écrire dans ses colonnes sous la plume de Patrice Delage : « Lextrême-droite assure la sécurité de M. Giscard dEstaing et de ses meetings. Il fallait le dire ».

Chez François Mitterrand, on citera les noms dAndré Rousselet, en charge des finances et de la coordination générale épaulé par Georges Beauchamp à la coordination et Pierre Joxe au financement, de Georges Dayan aux contacts politiques, de Louis Mermaz à laction départementale, de Charles Hernu aux relations avec les élus, de Jacques-Antoine Gau à celles avec les parlementaires, de Paul Legatte à la documentation, de Georges Fillioud aux contacts avec la presse. Cest lavocat Robert Badinter qui représente le candidat auprès de la Commission Nationale de Contrôle. Le poste sensible de la gestion des meetings et de leur service dordre échoit à Joseph Franceschi. Jean-Pierre Cot et Pierre Guidoni conduisent lanalyse politique.

Pour la conception du matériel de propagande, François Mitterrand nest pas allé aussi loin que Valéry Giscard dEstaing et na pas fait appel à un professionnel du marketing politique ; toutefois il na pas lui non plus confié cette responsabilité à un politique, puisque cest Claude Perdriel, le directeur général du Nouvel Observateur qui en a la tâche. Celui-ci aura néanmoins à justifier ses choix auprès des « politiques » qui lentourent et on lui laisse sans doute moins la bride libre quà son homologue du camp den face.

Les partis ne sont pas représentés en tant que tels. Toutefois Claude Estier, formellement pour représenter le journal l'Unité est de fait le contact auprès du Parti socialiste, tandis que deux représentants communistes (dont François Hincker) sont admis tour Montparnasse, mais sans bureau et hors organigramme.

Enfin deux autres personnalités participent activement à la campagne également hors structures. Jacques Attali dabord, sous le pseudonyme de Simon Ther, représente personnellement le candidat dans les négociations difficiles (avec le PSU, mais aussi pour prendre des contacts secrets avec le gouvernement allemand en vue de prévenir déventuelles spéculations contre le franc)[70]. Enfin un ami personnel du candidat, François de Grossouvre le suit « comme une ombre » et est pour lui « tout à la fois confident, garde du corps et médecin »[71]

Slogans et « petites phrases »

Il y a dabord les slogans brefs, ceux quon inscrit au-dessus des tribunes, et pour Giscard sur les tee-shirts. Pour François Mitterrand, cest « Mitterrand Président ». On est plus original à droite avec « Giscard à la barre », qui laissera un souvenir durable.

Puis il y a les slogans utilisés sur les affiches officielles. Au premier tour, on raconte une anecdote instructive sur la campagne de François Mitterrand : alors que Claude Perdriel a suggéré dutiliser la formule percutante « Changez la France avec François Mitterrand », les politiques de la campagne le lui auraient refusé pour y préférer le lourd : « La seule idée de la droite, garder le pouvoir. Mon premier projet, vous le rendre[72] ». Sur les affiches de VGE, on lira simplement : « Un vrai Président ».

Au second tour, la coïncidence des slogans sur les affiches apposées côte-à-côte est presque cocasse : « Un Président pour tous les Français » pour Mitterrand voisine avec « Le Président de tous les Français » pour Giscard.

Enfin sur le plan des « petites phrases », à long terme, cest Giscard qui laura emporté, puisque deux de ses formulations restent longtemps dans la mémoire collective : le « regarder la France au fond des yeux » de sa déclaration de candidature et bien sûr le fameux « Monsieur Mitterrand, vous navez pas le monopole du cœur » du débat télévisé de second tour.

Chacun ses fleurs

Pour Valéry Giscard dEstaing, deux fleurs sont mises côte à côte pour évoquer le « changement dans la continuité » : le myosotis, symbole de fidélité, et le muguet, fleur du renouveau. Le 1er mai cest Johnny Hallyday en personne qui vient, devant les objectifs des photographes, offrir le muguet traditionnel à Anne-Aymone[73].

Du côté de François Mitterrand, pas de surprise : la rose, emblème de son parti, est aussi lemblème de sa campagne. À la fin de chacun de ses meetings, tandis que l'Internationale retentit, le candidat prend une rose et la brandit[74].

Innovations : les tee-shirts de Giscard et les caravanes de Mitterrand

Un gadget inventé par léquipe giscardienne a laissé un souvenir durable:[75] les tee-shirts qui affichent le slogan « Giscard à la barre » et que portent ses jeunes supporters dans les meetings. Il ny a pas que le menu fretin pour porter ces tee-shirts : Brigitte Bardot elle-même en revêt ses formes généreuses, et sera dailleurs priée par le président de son bureau de vote à Saint-Tropez daller se changer avant deffectuer son devoir électoralsous lœil des photographes de presse[76].

À gauche, pas dinnovations aussi mémorables. On sessaie bien à lancer des « caravanes » sur le modèle de celles qui sillonnent les plages lété à fins publicitaires, qui vont parcourir entre les deux tours les départements les experts électoraux ont décelé des réserves de voix plus abondantes. Lune visite la côte Atlantique, lautre les villes moyennes à une centaine de kilomètres de Paris. Plus remarquable est lutilisation dans la campagne de Mitterrand dun mailing, initiative novatrice à lépoque : pour appeler à dons, on va prospecter spécifiquement les cadres supérieurs connus des fichiers détenus par le Nouvel Observateur, que Claude Perdriel met à la disposition du candidat.

Enfin on sefforce daccumuler les soutiens de personnalités fameuses. Il ny a pas que Brigitte Bardot à être sollicitée pour une campagne. Comme jamais, les deux candidats du second tour ont cherché à rassembler des signatures de soutien, parmi les écrivains et les acteurs (pour Giscard Marcel Jouhandeau ou Louis de Funès, pour Mitterrand Vladimir Jankélévitch ou Françoise Sagan), mais aussi parmi le show-business (Stone et Charden ou Sylvie Vartan derrière Giscard, Serge Reggiani et Dalida avec Mitterrand)[77].

Budgets de campagne

Aucune information publique crédible nest disponible sur ce sujet ; on sait bien quà cette époque lessentiel du financement politique est occulte, et les quelques sources qui ont cherché à reconstituer le coût réel des campagnes obtiennent des résultats qui varient du tout au tout. Enfin à peu près rien nest accessible au public qui permette danalyser lorigine des recettes des candidats.

Entre les deux tours, François Mitterrand publie un compte de campagne sommaire, qui ferait apparaître un budget inférieur à 3 millions de francs[78]. Même une observatrice qui ne fait pas mystère de sa sympathie pour ce candidat, Sylvie Colliard, ne peut être dupe ; elle estime pour sa part le coût réel de la campagne du candidat de la gauche à 7 millions environ. Jacques Berne, qui a eu connaissance de cette estimation, évalue pour sa part le budget de VGE à peu près au double, soit à 15 millions de francs[79].

Dautres analystes ne voient pas le même ordre de grandeur : Jacques Gerstlé[80] estime la campagne de chacun des finalistes du second tour à 40 millions de francs ; cest aussi lestimation de lhebdomadaire Valeurs actuelles[81]. Christian Garbar, qui a suivi la campagne bien plus réduite de Jean Royer a obtenu des collaborateurs de ce candidat une estimation du coût de celle-ci à 2 millions de francs (et il laisse entendre quil y a aussi une certaine sous-estimation) ; on a dès lors peine à juger vraisemblables les estimations modérées de Sylvie Colliard et même de Jacques Berne[82].

La télévision

La télévision nest plus une nouveauté, et tous les candidats savent bien que le choix de lélecteur dépendra pour une bonne part de leurs prestations dans la petite lucarne. Valéry Giscard dEstaing semble toutefois davantage avoir misé sur ce média que son adversaire : il expose à son équipe de campagne[83] ses priorités : « ce qui compte, cest le style du candidat à la télévision ».

On a évoqué plus haut le débat du second tour, événement marquant de la campagne ; on citera ici quelques données intéressantes concernant les émissions de la campagne officielle:[84] tout en cultivant son image de « grosse tête », on peut constater que Valéry Giscard dEstaing est le candidat qui a le mieux compris que la communication à une très large audience exige dêtre simple pour être clair. Quoique parlant plus vite que François Mitterrand (115 mots à la minute contre 99) il nutilise sur lensemble des émissions que 1247 mots différents, contre 1611 pour son adversaire.

Cette intéressante étude a également noté la différence dusage des pronoms entre les trois candidats principaux : chez Giscard cest le « Je » qui domine (73 % des utilisations dun pronom personnel), contre le « Vous » chez Chaban (49 %) et, de façon bien moins nette, le « Nous » pour Mitterrand (à 32 %).

Du bon usage de sa famille

encore, cest Valéry Giscard dEstaing qui innove en choisissant dexposer aux projecteurs ses quatre enfants, qui forment une pièce importante du système que monte léquipe giscardienne pour construire limage du candidat. Ainsi sa fille Jacinthe figure-t-elle à ses côtés sur lune des grandes affiches de sa campagne[85] tandis que laînée Valérie-Anne, étudiante à Sciences Po, est particulièrement active dans léquipe de campagne et présente dans les pages photo des magazines. La jeune Jacinthe, qui na que treize ans, sera même présentée au public au meeting de Poitiers du 11 mai.

François Mitterrand, semble-t-il, traîne un peu des pieds pour suivre la même voie. Il se résout après le premier tour à faire quelques concessions au nouveau goût du jour. Son épouse Danielle viendra donc à ses côtés se présenter aux Français lors du premier spot de la campagne officielle pour le second tour, et cest la photo en grand format de la famille Mitterrand, avec ses enfants Gilbert et Jean-Christophesans oublier le chienposant devant la maison de campagne de Soustons qui occupera la place dhonneur en première page du document de campagne imprimé à plusieurs millions dexemplaires pour le second tour.

Aspects juridiques

Fronton du Palais-Royal, siège le Conseil constitutionnel

Lélection présidentielle de 1974 donne lieu à un contentieux relativement peu abondant, et nest pas à lorigine de décisions juridictionnelles particulièrement remarquées.

Elle offre néanmoins au Conseil constitutionnel loccasion de réaffirmer sa compétence pour constater la vacance de la Présidence de la République. Comme il lavait fait à loccasion de la démission du général de Gaulle[86], le Conseil se réunit et fait publier une déclaration constatative[87].

Le Conseil réaffirme en outre sa jurisprudence Ducatel c/ Krivine du 17 mai 1969[88] et admet la recevabilité de réclamations dirigées contre la liste des candidats. Ainsi, dans une décision répondant à une réclamation du candidat maoïste André Roustan il réaffirme linéligibilité des faillis judiciaires[89]; il confirme par ailleurs sur réclamation du candidat régionaliste Robert Lafont que celui-ci na pas reçu cent présentations valides : parmi les cent quatorze signatures dont il se targue, dix-huit proviennent délus qui ont parrainé plusieurs candidats[90]. Dans cette dernière décision, les commentateurs notent un léger infléchissement de jurisprudence : alors quen 1969 en cas de présentation multiple par un même signataire, le Conseil constitutionnel avait retenu la première présentation reçue[91], il considère désormais la totalité des présentations émanant dun même élu comme nulles.

Dans la même logique, le Conseil constitutionnel admet la recevabilité dune réclamation de François Mitterrand contre la liste des symboles attribués aux candidats (il conteste lattribution de la croix de Lorraine à Jacques Chaban-Delmas), tout en la rejetant sur le fond[92].

Pour sa part, la Commission Nationale de Contrôle, outre ses interventions dans la campagne outre-mer relatées plus haut, prend quelques initiatives intéressantes dans le cadre de sa mission de contrôle de la campagne télévisée. Elle autorise le débat du second tour en direct (alors que les émissions de la campagne officielle sont en différé, et font lobjet dun examen avant diffusion) ; dans le cadre de la campagne officielle, sans censurer strictement aucun message programmé par tel ou tel candidat, elle « recommande » à Arlette Laguiller de modifier une formulation sur la « domination coloniale » outre-mer ; elle refuse à Alain Krivine et à Guy Héraud la participation à leurs spots de personnalités nayant pas la nationalité française[93].

On remarque davantage les décisions de proclamation des résultats des deux tours de scrutin. Alors quen 1965 et 1969 le Conseil constitutionnel sétait borné à faire état de « rectifications derreurs matérielles » ou de « redressements jugé[s] nécessaires », il détaille désormais des « annulations » de suffrages, qui concernent deux bureaux au premier tour, et treize au second (cinq totalement, huit partiellement) en exposant par quelles irrégularités le scrutin a été vicié dans chacune des communes concernées[94].

Enfin le Conseil prend une initiative plus singulière, quil répètera à partir de 1988 à chaque scrutin présidentiel, et étendra ensuite aux référendums et élections parlementaires : il rend publique une déclaration du 24 mai 1974 (non publiée au Journal Officiel mais reprise dans le Recueil des décisions édité par le Conseil) il suggère aux pouvoirs publics diverses réformes qui lui paraissent utiles pour garantir la régularité du scrutin[95]. Si certaines sont techniques (lobligation denvoyer les signatures de présentation des candidats sur des « formulaires officiels »), lune au moins est plus directement politique puisque le Conseil recommande daugmenter le nombre de présentations requises pour autoriser une candidature. La plupart de ses suggestions seront suivies, par voie de révision constitutionnelle ou de loi organique, et à partir de 1981 ce seront cinq cents signatures délus qui seront nécessaires pour figurer sur la liste des candidats à lélection présidentielle.

Les sondages

La banalisation des sondages est une des ruptures les plus marquantes de cette élection par rapport au passé. Cest presque quotidiennement que la presse publie des pronostics de résultats à lintention de ses lecteurs-citoyens ; on en lira les conclusions ci-dessous. Comme on le voit, tant au premier tour quau second les prédictions se sont révélées très proches du verdict des urnes ; en conséquence la confiance en la scientificité et la fiabilité des sondages est forte à la sortie de la campagne et les commentateurs les utilisent sans émettre de doutes sur les éclairages quils peuvent offrir.

Certains journaux, notamment Le Nouvel Observateur, à la pointe pour linformation sérieuse mais distrayante, tentent de briser la monotonie de ces listes de prévisions en publiant des sondages plus spécialisés. Pour cet hebdomadaire de gauche, la Sofres étudiera les reports entre candidats dun tour à lautre, ou lattitude des Français devant la campagne télévisée.

Enfin, invisibles du public, dautres sondages éclairent les candidats et les aident à affiner leur stratégie en fonction des réactions de lélectorat. Dans léquipe Giscard, Lionel Stoléru gère une « cellule sondages » ; dans léquipe Mitterrand on commandera deux études détaillées[96] pour apprécier les atouts et les points faibles du candidat. Même Jean Royer, avec un budget de campagne dun autre ordre, commandera une étude pour construire son positionnement.

Deux incidents vont tous deux impliquer le quotidien populaire France-Soir. Le premier concerne la publication surprenante par ce journal, le 20 avril[97] dun sondage émanant des Renseignements généraux. Bien quil ne fasse pas état pour le premier tour dune chute des intentions de vote pour Chaban significativement plus forte que ceux quon a pu lire les jours précédents, ce sondage marque un tournant : dans les estimations de second tour, il donne Mitterrand gagnant contre Chaban mais perdant contre Giscard. Plusieurs auteurs voient dans cette fuite bien opportune la patte de Jacques Chirac.

Deuxième incident : la non-publication par France-Soir de son sondage du 17 avril, avant-veille du scrutin, dont les résultats auraient figurer dans lédition du lendemain. Le Président du Sénat, Alain Poher, qui assure lintérim de la Présidence de la République, prend linitiative décrire personnellement au directeur général du quotidien, Henri Amouroux, pour lui demander de renoncer à cette publication en raison de linfluence quelle pourrait avoir sur la sincérité du scrutin. France-Soir défèrera à la demande du Président par intérim et ne publiera les résultats de lenquête quun an plus tard, le 18 mai 1975. Alain Poher avait tort de craindre une manipulation : le sondage prévoyait un match nul entre les deux candidats du second tour.

Le rôle des sondages dans la campagne fait lobjet dinnombrables commentaires[98], le Conseil constitutionnel sen fera lécho dans sa « déclaration » du 24 mai et suggèrera linstauration dun « véritable statut de la pratique des sondages dopinion en période électorale ». Une loi[99] viendra en 1977 donner suite à cette suggestion et encadrer désormais la publication de sondages électoraux dont la publication sera désormais interdite dans la semaine précédant chaque tour de scrutin.

On trouvera ci-dessous les résultats des sondages préélectoraux publiés par la presse[100] Les sondages commandés à lIFOP étaient publiés par France-Soir et Le Point, ceux commandés à la Sofres par Le Figaro et ceux commandés à Publimétrie par LAurore. On y a adjoint un sondage sur les reports de voix entre les deux tours, publié par Le Nouvel Observateur et réalisé par la Sofres[101].

Sondages préalables au premier tour

Mitterrand Giscard Chaban Royer
9 avril - Sofres 36 % 27 % 26 % -
9 avril - IFOP 40 % 27 % 29 % -
11-13 avril - Publimétrie 43 % 27 % 24 % -
12-16 avril - Sofres 40 % 28 % 26 % 5 %
16 avril - IFOP 41 % 27 % 25 % 5 %
18 avril - IFOP 42 % 25 % 23 % 5 %
18-19 avril - Ministère de lIntérieur 43 % 26 % 23 % 6 %
19-20 avril - Publimétrie 44 % 24 % 19 % 7 %
22 avril - Sofres 42 % 28 % 24 % 4 %
22 avril - IFOP 41 % 26 % 23 % 6 %
23-24 avril - IFOP 42 % 31 % 18 % 3 %
25-26 avril - Publimétrie 43 % 31 % 17 % 4 %
29 avril - IFOP 42 % 31 % 18 % 3 %
29-30 avril - Sofres 44 % 31 % 17 % 3 %
30 avril-1er mai - Publimétrie 43 % 30 % 17 % 3 %
2-3 mai - IFOP 45 % 30 % 15 % 3,5 %
Résultats du premier tour 43,2 % 32,6 % 15,1 % 3,2 %

Sondages entre les deux tours

Giscard Mitterrand
6 mai - Publimétrie 50,4 % 49,6 %
6-7 mai - Sofres 51 % 49 %
7 mai - IFOP 51 % 49 %
7-8 mai - Publimétrie 49 % 51 %
9 mai - IFOP 50 % 50 %
11 mai - Sofres 51,5 % 48,5 %
13 mai - IFOP 50 % 50 %
14 mai - Sofres 51 % 49 %
14-15 mai - Publimétrie 51 % 49 %
17 mai - IFOP 50 % 50 %
Résultats du second tour 50,8 % 49,2 %

Étude du report des voix entre les deux tours

Électeurs de Chaban Électeurs de Royer Électeurs de Laguiller
Report sur Giscard 83 % 80 % 24 %
Report sur Mitterrand 11 % 10 % 68 %
Abstention ou pas de réponse 6 % 10 % 8 %

Les résultats

Premier tour, le 5 mai 1974

Nombre  % Inscrits  % Votants
Inscrits 30 602 953 100,00
Abstentions   4 827 210 15,77
Votants 25 775 743 84,23
Blancs ou nuls     237 107 0,92
Exprimés 25 538 636 99,08
Majorité absolue 12 769 319

Candidat % Suffrages
François Mitterrand (Parti socialiste, soutenu par le PCF et le MRG) 43,25% 11 044 373
Valéry Giscard d'Estaing (RI, soutenu par le Centre démocrate et le Centre républicain) 32,60% 8 326 774
Jacques Chaban-Delmas (Union des démocrates pour la République, soutenu par le CDP) 13,60% 3 857 728
Jean Royer (Divers droite conservatrice) 03,22% 810 540
Arlette Laguiller (Lutte ouvrière) 02,33% 595 247
René Dumont (Écologiste) 01,32% 337 800
Jean-Marie Le Pen (Front national) 0,75% 190 921
Émile Muller (Mouvement démocrate-socialiste de France) 0,69% 176 279
Alain Krivine (Front communiste révolutionnaire) 0,37% 93 990
Bertrand Renouvin (Nouvelle Action royaliste) 0,17% 43 722
Jean-Claude Sebag (Mouvement fédéraliste européen) 0,16% 42 007
Guy Héraud (Parti fédéraliste européen) 0,08% 19 255

Second tour, le 19 mai 1974

Nombre  % Inscrits  % Votants
Inscrits 30 600 775 100,00
Abstentions   3 876 180 12,67
Votants 26 724 595 87,33
Blancs ou nuls     356 786 1,34
Exprimés 26 367 807 98,66

Valéry Giscard d'Estaing (RI) 50,81% 13 396 203
François Mitterrand (PS) 49,19% 12 971 604


Les résultats du premier tour par département tels que publiés au Journal officiel :
De Ain à Manche
Les résultats du premier tour par département :
De Marne à Val-dOise et outre-mer
Les résultats du second tour par département :
De Ain à Meurthe-et-Moselle
Les résultats du second tour par département :
De Meuse à Val-dOise et outre-mer

Ainsi à lissue du premier tour, François Mitterrand et les trois candidats dextrême gauche et écologiste totalisent-ils 47,3 % des suffrages, Valéry Giscard dEstaing et les quatre candidats qui se désistent en sa faveur en réunissant 52,3 %. Selon Jean-Jacques Becker, la gauche est en léger recul par rapport à ses performances de lélection législative de 1973[102].

Plusieurs politologues se sont penchés sur les résultats détaillés et ont étudié les transferts de voix entre les deux tours. Avec beaucoup dassurance, Lucien Boucharenc et Jean Charlot pensent pouvoir affirmer que les électeurs de droite de la législative de 1973 se sont abstenus à 13 % au premier tour de la présidentielle alors que ceux de gauche nont déserté les urnes quà raison de 4,5 %[103]. Selon eux, la victoire de Giscard sexpliquerait par la mobilisation de cette réserve dabstentionnistes : dans leur lecture, parmi le million de nouveaux électeurs venus participer au second tour en ayant négligé le premier, les deux tiers environ auraient choisi Valéry Giscard dEstaing. Par dautres méthodes, Alain Lancelot estime que parmi ces abstentionnistes repentis, il y en aurait cinq sur huit qui auraient choisi le président élu[104]. Dans les deux cas de figure, les reports gaullistes auraient été suffisamment imparfaits pour que, sans ce renfort de dernière minute, on eût été extrêmement proche dune victoire de François Mitterrand.

Analyse géographique

Laissant pour le second tour lexamen des votes pour Valéry Giscard dEstaing et François Mitterrand, on examinera dabord les cartes des voix obtenues au premier tour par Jean Royer et Jacques Chaban-Delmas, (cartes qui sont toutes deux disponibles en ligne, tant la carte concernant Royer que la carte concernant Chaban (pour cette dernière la cartographie décrit précisément le poids relatif des votes Chaban parmi les votes pour la majorité)[105].

Pour Royer, ce qui frappe, cest le caractère totalement localisé de ses rares succès. Malgré son score très médiocre, le candidat parvient à obtenir 33,8 % des suffrages exprimés dans son fief dIndre-et-Loire. Dans les départements voisins, les scores restent très honorables, particulièrement dans les terres très catholiques de lAnjou. Ailleurs il ny a plus que des miettes

Pour le vote Chaban, on constate de façon évidente un même phénomène de baronnie locale. En métropole, Jacques Chaban-Delmas ne dépasse Valéry Giscard dEstaing que dans sa base électorale de Gironde et dans trois départements limitrophes : les Landes, la Dordogne et la Charente auxquels il faut ajouter la Corse (il est en revanche en tête des deux candidats de la majorité dans tous les départements et territoires doutre-mer). Si on descend un peu plus bas dans les scores, jusquaux zones il dépasse les 30 % des voix de droite, on distingue clairement dune part le midi languedocien et dautre part les régions situées au nord de Paris. En région parisienne ses meilleurs scores sont obtenus dans les banlieues populaires autour de Saint-Denis. Il nest pas simple de savoir si on doit lire dans cette géographie le maintien dun « noyau dur du gaullisme »[106]; ce qui est indéniable cest que ces régions sont toutes des régions favorables à la gauche : sauf exceptions localisées, les endroits le score de Chaban est honorable au premier tour, ce sont des endroits François Mitterrand sera en tête au second tour[107].

Le vote pour Arlette Laguiller obéit lui à une bien curieuse géographie[108]. Ce nest pas du tout dans les départements ouvriers que la candidate de la classe ouvrière réalise ses meilleurs scores (sur les 19 départements elle réalise des scores supérieurs à 3 % des exprimés, il ny en a que 3 dans le tiers nord du pays), mais dans les zones rurales les plus dévitalisées, selon une grande tache qui recouvre le Massif central et en déborde sur les campagnes du Berry au nord, ou du midi toulousain au sud, se riant dailleurs des déterminismes politiques traditionnels de ces pays : ses deux meilleurs scores, elle les obtient dans la rouge Creuse (4,15 %) et dans le très conservateur Cantal (4,03 %).

Enfin le tropisme pour René Dumont est à lest : les bons scores se trouvent en Alsace, en Franche-Comté, en Rhône-Alpes (du moins à lest du Rhône (3,6 %).

Les résultats du second tour en France métropolitaine

Au second tour[109], on retrouve une France divisée selon un schéma qui rejoint celui des élections de la Quatrième République : le Nord et le Sud sont favorables à la gaucheavec quelques bastions de droite qui sy intercalent dans les Pyrénées-Atlantiques, les Alpes et la CorselOuest et lEst votent nettement à droite, tandis que le Massif central se divise entre les deux camps selon des traditions politiques départementales bien installées et lagglomération parisienne répartit ses suffrages sur une base sociologique, les quartiers populaires votant à gauche et les quartiers bourgeois à droite.

Ce qui doit dabord être notémais que lon constatait déjà aux législatives de 1973—, cest la reconquête du Nord-Pas-de-Calais, de la Picardie et des Ardennes par la gauche. Le gaullisme avait nettement séduit ces départements ouvriers, le Parti socialiste et dans une moindre mesure son allié communiste vont bénéficier de son reflux.

Deux tendances longues apparaissent moins directement sur la carte ci-contre, car les départements quelles concernent nont en général pas encore basculé, mais nen sont pas moins très perceptibles si on compare les résultats du scrutin à ceux de la présidentielle de 1965 voire aux législatives de 1973. La première est la poursuite du recul de la gauche sur la côte méditerranéenne et en Provence, gigantesque si on se réfère à 1946 (jusquà -16 % dans le Var) mais qui est sensible en plusieurs départements (Bouches-du-Rhône, Pyrénées-Orientales, Corse) même en prenant 1973 pour référence. La seconde est au contraire la progression de la gauche dans les centres urbains de lOuest : si les cartes dressées à léchelle départementale font encore apparaître une droite dominante presque partout dans cette région, les grands centres urbains de Nantes, Rennes, Caen votent de moins en moins comme les campagnes environnantes et la domination de la droite sur ces régions va pouvoir être mise en cause à terme ; le basculement est déjà apparent en Seine-Maritime qui à partir de cette élection rentre durablement dans la famille des départements favorables à la gauche.

Enfin on mentionnera une autre clé danalyse géographique des votes[110] qui est la différenciation entre le vote urbain et le vote rural : Valéry Giscard dEstaing lemporte à 55 % dans les agglomérations de moins de 20 000 habitants, alors que sur celles de plus de 100 000 (hors région parisienne) cest Mitterrand qui est gagnant à 56 %. Sur lensemble de lagglomération parisienne, les candidats sont à peu près à égalité.

Analyse socioprofessionnelle

Une étude détaillée de la Sofres (cest un sondage postélectoral effectué du 20 au 22 mai) permet den savoir plus sur le profil des électorats des deux candidats présents au second tour[111].

Giscard Mitterrand
Inactifs 55 % 45 %
Agriculteurs 70 % 30 %
Cadres supérieurs 63 % 37 %
Commerçants et artisans 61 % 39 %
Cadres moyens et employés 48 % 52 %
Ouvriers 33 % 67 %
Giscard Mitterrand
Catholiques pratiquants réguliers 80 % 20 %
Catholiques pratiquants non réguliers 48 % 52 %
Catholiques non pratiquants 28 % 72 %
Autres religions 46 % 54 %
Sans religion 18 % 82 %
Giscard Mitterrand
Plus de 65 ans 61 % 39 %
Entre 50 et 64 ans 53 % 47 %
Entre 35 et 49 ans 51 % 49 %
Entre 21 et 34 ans 42 % 58 %
Giscard Mitterrand
Femmes 53 % 47 %
Hommes 48 % 52 %

Ces tableaux parlent deux-mêmes : on le constate, quel que soit le mode dapproche retenu, des clivages très marqués séparent les électorats de Valéry Giscard dEstaing et de François Mitterrand. Les tranches de population favorables à la gauche correspondent très nettement au salariat à faibles ou moyens revenus. La répartition en fonction des classes dâge est également impressionnante : on est dautant plus giscardien quon est vieux. Enfin le clivage religieux est le plus fortement marqué : on le voit, en 1974 le catholicisme est loin davoir cessé dimprégner en profondeur la société française et les pratiquants sont encore assez nombreux pour être la partie de lélectorat dont le vote est décisif.

Chronologie de la campagne électorale

  • 2 avril : décès du Président Pompidou
  • 4 avril : inhumation dans lintimité à Orvilliers. Éloge funèbre du Président Pompidou à lAssemblée nationale. Jacques Chaban-Delmas déclare sa candidature
  • 5 avril : Edgar Faure annonce sa candidature
  • 6 avril : cérémonie dhommage solennel à Georges Pompidou à Notre-Dame
  • 7 avril : le Comité Central et les groupes parlementaires de lUDR apportent leur soutien à Jacques Chaban-Delmas
  • 8 avril : établissement du décret de convocation des électeurs. Valéry Giscard dEstaing déclare sa candidature. La candidature de François Mitterrand est approuvée à lunanimité par un Congrès extraordinaire du Parti socialiste, puis fait lobjet dune déclaration commune des partis de la gauche.
  • 9 avril : Pierre Messmer annonce léventualité de sa candidature, Edgar Faure se retire
  • 11 avril : déclaration de candidature de Jean Royer
  • 14 avril : publication du « Manifeste des 43 » dans Le Journal du dimanche
  • 17 avril : un débat radiodiffusé oppose Jacques Chaban-Delmas et François Mitterrand sur Europe 1
  • 18 avril : la liste des candidats est arrêtée par le Conseil constitutionnel
  • 21 avril : Pierre Messmer exprime son soutien «par discipline» à Jacques Chaban-Delmas
  • 24 avril : André Malraux participe à un spot télévisé de la campagne officielle en soutien de Jacques Chaban-Delmas
  • 25 avril : débat radiodiffusé entre Valéry Giscard dEstaing et François Mitterrand sur Europe 1. Meeting unitaire de soutien à François Mitterrand au Parc des expositions de la porte de Versailles
  • 2 mai : débat radiodiffusé entre Valéry Giscard dEstaing et François Mitterrand sur RTL
  • 3 mai : débat radiodiffusé entre Jacques Chaban-Delmas et François Mitterrand sur RTL
  • 5 mai : premier tour
  • 7 mai : proclamation officielle des résultats du premier tour. Lambassadeur dUnion soviétique rend ostensiblement visite à Valéry Giscard dEstaing
  • 10 mai : un débat télévisé oppose Valéry Giscard dEstaing et François Mitterrand, suivi par plus de 20 millions de téléspectateurs
  • 16 mai : grand meeting parisien de Valéry Giscard dEstaing, au Parc des Expositions de la porte de Versailles
  • 19 mai : second tour
  • 24 mai : proclamation des résultats de lélection et début du mandat du Président élu
  • 27 mai : cérémonie dinvestiture du Président élu et nomination du nouveau Premier ministre, Jacques Chirac.

Notes

  1. Certaines sources évoquent la maladie de Kahler. Pour ce qui est de la date du décès, on signalera que le journaliste dinvestigation Philippe Madelin (dans Jacques Chirac, une biographie, Flammarion, 2002 (ISBN 2080680056), p. 262) affirme avoir reçu le 5 juillet 2001 de Pierre Messmer une confidence selon laquelle Georges Pompidou serait en réalité décédé pendant le week-end (sans doute le 31 mars) dans sa résidence secondaire dOrvilliers. Sa dépouille mortuaire aurait été transportée à Paris, le décès étant gardé secret jusquau mardi.
  2. Voir René Rémond p. 680. Marie-France Garaud attribue à « un gaulliste » la perfidie suivante : « ce fut comme sil avait sauté à pieds joints sur le cercueil de Pompidou » (La fête des fous, Plon, 2006 (ISBN 2259202594), p. 103). Dans plusieurs meetings en province de Valéry Giscard dEstaing, un des animateurs noublie pas doffrir à lintention de ses supporters une allusion appuyée à la faute de Chaban-Delmas : ainsi Jean Lecanuet à Rouen le 22 avril : « Lorsque lévènement sest produit, Valéry Giscard dEstaing sest tenu sur la réserve. Il ne sest pas précipité sur le pouvoir », Michel d'Ornano à Montpellier le 26 avril : « La candidature a été faite avec la décence quil convenait », Pierre Baudis à Toulouse le 29 avril : « Vous avez commencé votre campagne quand elle devait être commencée » (cités par Jacques Berne, p. 30 et André Laurens, p. 109).
  3. Cest du moins cette date que fournissent André Laurens, p. 59 et Jean-Jacques Becker, p. 18. (Arthur Conte, p. 258 et Patrick Girard, p. 50 évoquent le 5 avril)
  4. Même si au moins deux sources (Arthur Conte p. 258 et Jacques Berne p. 17) évoquent le 4Jacques Berne précisant même « à 17 heures 58 » —, Jean-Jacques Becker p.18, René Rémond p. 681, Patrick Girard p. 50 et André Laurens p.60 évoquent le 5 avril, André Laurens précisant même quEdgar Faure comptait initialement se lancer le 4, et a au dernier moment retardé dun jour son annonce à la demande expresse de Pierre Messmer. Selon Patrick et Philippe Chastenet, p. 460, Edgar Faure aurait toutefois annoncé « officieusement » sa candidature le 4 à 18 heures.
  5. Christian Fouchet jette léponge le 15 avril, cf. Becker p. 18.
  6. Ces données sont fournies par Jacques Berne, p. 105
  7. Jean-Jacques Becker, p. 23 ou Jean Charlot, p. 249. Jean Charlot note que leffondrement de Chaban dans les sondages est tout particulièrement perceptible dans les catégories sociales en principe les plus attachées à la majorité : femmes, personnes âgées, inactifs et ruraux. Patrick et Philippe Chastenet, p. 470 évoquent des propos ironiques tenus par Arlette Laguiller dans un de ses meetings : « Encore deux ou trois sondages en baisse et on va retrouver ces messieurs de lUDR en train de chanter l'Internationale. »[réfnécessaire]
  8. Vous pouvez consulter sur votre ordinateur ce spot télévisé, André Malraux prophétise « lutilisation permanente de la télévision et de lordinateur », spot disponible en lignesur le site de lInstitut national de laudiovisuel. Selon Patrick et Philippe Chastenet, p. 468, Chaban aurait plus tard fait la confidence suivante sur cette calamiteuse prestation : « Jentendais mes voix tomber comme des pièces dans une machine à sous ».
  9. [Petite phrase de Valéry Giscard d'Estaing "Je voudrais regarder la France au fond des yeux", JT 20H, ORTF - 16/04/1974 - 00h00m11s [1] ina.fr], source : INA.
  10. Après son élection, Raymond Aron pourra noter dans Le Figaro du 22 mai : « Que le ministre des Finances de Georges Pompidou ait pu gagner en une phase dinflation accélérée, sans rien offrir dautre quune collection de promesses et la prolongation de sa propre gestion par collaborateurs interposés, me paraît proprement stupéfiant, admirable » (cité par Sylvie Colliard).
  11. Chiffres cités par Jacques Berne p. 108
  12. Jacques Berne, La Campagne présidentielle de Valéry Giscard dEstaing en 1974, p. 105 à 111.
  13. Ce procédé a été souligné par Jacques Berne, p. 48.
  14. François Mitterrand a été 11 fois ministre dans plusieurs gouvernements sous la Quatrième République
  15. Quelques spécimens assez amusants sont reproduits en annexe de louvrage de Sylvie Colliard.
  16. Un résumé de quelques lignes de la campagne disponible sur le site web de la BBC ne manque pas de mentionner ces anecdotes, si révélatrices de la tonalité de la campagne giscardienne.
  17. Cet extrait du discours est mentionné par André Laurens p. 104.
  18. Dans un premier temps, Chaban fait savoir que « Dans limmédiat, la présence du Parti communiste autour de Mitterrand comme les dangers du programme commun [le] conduisent à confirmer [son] opposition résolue à cette candidature » ; dans un second temps il déclare : « Monsieur Mitterrand ayant pris des risques insupportables en sassociant avec le Parti communiste comment faire échec à cette candidature sinon en votant pour M. Giscard dEstaing » (cité par Chastenet p. 471-472).
  19. Voir Jacques Berne p. 110 pour ces chiffres.
  20. Selon Jacques Berne, p. 129.
  21. Voir le débat d'entre-deux-tours [2]
  22. Le lieu de la rencontre est précisé par André Laurens, p. 139.
  23. Cet épisode est relaté par Franz-Olivier Giesbert p. 373-376, par Thomas Hoffnung, p. 217-218 et par Jean Lacouture, p. 378-379.
  24. André Laurens (p. 140) détaille par le menu la procédure formelle autour de la candidature Mitterrand, la qualifiant de « jésuitique » : dans un premier temps le 4 avril à 17 heures 15, le MRG propose « au nom des parlementaires radicaux » la candidature de François Mitterrand, appel auquel répondent favorablement les parlementaires communistestrois minutes plus tard seulement, leur appel nengageant en principe en rien le Parti communiste français. Puis cest le seul Parti socialiste qui désigne son candidat ; une fois que celui-ci a solennellement accepté lhonneur qui lui est fait, on réunit le Comité Central du PCF qui entérine le choix de son partenaire.
  25. Cest du moins la lecture de la majorité des commentateurs. Jean Lacouture, p. 400-401 se démarque de lopinion majoritaire et met en doute la sincérité communiste.
  26. Selon lun dentre eux, François Hincker, dans Le parti communiste au carrefour, Albin Michel, 1981 (ISBN 2226012613), p. 123-124 (source non consultée mais citée par Jean-Jacques Becker p. 17).
  27. Voir Franz-Olivier Giesbert, p. 382-383. F.-O. Giesbert donne aussi lidentité de celui que François Mitterrand avait choisi pour être son Premier ministre : çaurait été Gaston Defferre.
  28. La stratégie de campagne de François Mitterrand est analysée assez finement et précisément par Sylvie Colliard, p. 84-85.
  29. Tout cela selon Arthur Conte, p. 265.
  30. Selon le témoignage de Franz-Olivier Giesbert, p 394.
  31. Voir par exemple Lionel Trelis, La censure cinématographique en France, mémoire soutenu à lIEP de Lyon, 2001 disponible en ligne qui rappelle que : « En 1973, sur 514 films distribués, 120 sont classés dans la catégorie fourre-tout « érotique » par lhebdomadaire de programmes Pariscope. Maurice Druon, ministre de la culture, a beau être lauteur du roman Les Rois maudits dont ladaptation est alors diffusée à la télévision, et lun des personnages se fait occire par intromission anale dune pièce de métal chauffée à blanc, le romancier-ministre-académicien penche pour la répression. »
  32. En fait, comme le rappelle Christian Garbar dans son excellente et minutieuse étude de la campagne Royer, il y a eu peu de décisions formelles : un arrêté municipal du 15 mai 1971 a interdit aux Tourangeaux le spectacle du film Je veux un homme et un arrêté municipal du 8 octobre 1971 a réservé à ceux âgés de plus de 21 ans lentrée à la salle qui projette Je suis une nymphomane, les arrêtés étant tous deux motivés par « un caractère aigu damoralité et de mise en valeur des sentiments de perversion susceptibles de provoquer des troubles parmi de nombreux spectateurs ». Lessentiel de la « censure » sopère par négociations avec les exploitants de salles.
  33. La formule de F.-O. Giesbert figure p. 377 du livre cité en sources ; celles du Nouvel Observateur est du numéro du 21 avril 1974, celle de Libération du numéro du 17 avril (citées par Christian Garbar).
  34. Il se borne à émettre un communiqué il précise : « Je respecterai en effet scrupuleusement les règles constitutionnelles, et ne ferai aucune déclaration de fond avant que la campagne soit officiellement engagée », cité par Christian Garbar p. 100.
  35. Le 22 avril, au journaliste qui lui demande si selon elle une jeune fille doit arriver vierge au mariage, madame Royer répond longuement : « Pourquoi pas ? Je trouve cela très beau. Ce serait encore plus beau si le mari létait aussi. À condition, bien sûr, quil narrive pas au mariage à lâge de 30 ans. Ce ne serait plus normal, mais enfin cela prouverait quil aurait été capable de se dominer et de respecter les jeunes filles quil a fréquentées ». Cité par Christian Garbar, p. 106.
  36. Daprès Arthur Conte, p. 261. Christian Garbar, p. 105-106, recense tout un florilège de lazzis : « Royer au Vatican », « Royer à Pigalle », « Royer-Pinochet », « Royer-Pinocchio », « Royer Président, le sexe au pouvoir », « Une seule solution : la masturbation ».
  37. Voir Christian Garbar, p. 106. La fameuse paire de seins qui sest invitée au meeting de Jean Royer est disponible en ligne sur le site de lInstitut National de lAudiovisuel.
  38. Il semble exister assez peu de sources indépendantes sur les campagnes dArlette Laguiller (on pourra se référer à ses deux autobiographies). Ce paragraphe doit surtout à louvrage assez polémique de François Koch.
  39. Dans son ouvrage dentretiens avec Christophe Bourseiller paru en 2002 (La véritable histoire de Lutte ouvrière, Denoël, 2003, (ISBN 2207254224), p. 296), le chef historique de Lutte ouvrière, Robert Barcia dit « Hardy » affirme quune autre candidature, celle dune « camarade qui travaillait chez Roussel » avait également été envisagée, mais quon avait finalement préféré Arlette Laguiller à celle de cette militante au motif que cette dernière « avait fait quelques études universitaires », et était donc moins à même de représenter la classe ouvrière.
  40. Ces critiques sont rapportées par Jean-Paul Salles, p. 148.
  41. Ainsi dans son journal, Jacques Foccart, pourtant bien éloigné de lécologie, note-t-il quil a trouvé ce candidat « rigolo », p. 609.
  42. Lors de sa campagne en Bretagne, vidéo disponible en ligne sur le site de lInstitut national de laudiovisuel.
  43. Le paragraphe consacré à René Dumont est pour lessentiel issu de Roger Cans, p. 150-155.
  44. Voir Pascal Perrineau, p. 244-246. Sur les relations de VGE et lextrême droite, voir aussi Berne, p. 70-72.
  45. Soutien mentionné par Christian Garbar, p. 118.
  46. Ce paragraphe est pour lessentiel issu de létude de Jean-Paul Salles.
  47. Interrogé par Frédéric-Joël Guilledoux trente ans plus tard pour louvrage Tous candidats !, Fayard, 2006 (ISBN 2213629307), p. 221, Jean-Claude Sebag avouera avoir maintenu une double candidature avec son « ami » Guy Héraud malgré la similitude de leurs projets, dans le seul but de doubler leur temps de parole télévisé.
  48. La plupart des noms figurant ici sont issus dun télégramme diplomatique de lambassadeur des États-Unis à Paris en date du 18 avril 1974 ; ceux dont la qualité nest pas précisée sont énumérés dans le mémoire de Jacques Berne, p. 18.
  49. Sur ce candidat et sur la grève de la faim de la rue Dulong, voir [3], [4] et [5] (sources web consultées le 5 décembre 2006).
  50. Ainsi, le 9 avril, Jacques Foccart note dans son journal que le directeur général de la police nationale, quil vient de rencontrer, lui a dit que son ministre Jacques Chirac est « complètement cinglé » et veut « faire battre Chaban à tout prix »
  51. À onze heures selon Patrick Girard, à neuf heures 11 selon Jacques Berne.
  52. André Laurens, p. 67, attribue lexpression « coup de poignard dans le dos » à Chaban lui-même.
  53. Dans leur Valéry Giscard dEstaing, Balland, 1997, (ISBN 2715811349), Frédéric Abadie et Jean-Pierre Corcelette attribuent la paternité de lopération à Maurice Herzog.
  54. Ce double comité de soutien est évoqué par Patrick Girard, p. 56.
  55. Selon Patrick Girard, p.56, le président du Conseil constitutionnel Roger Frey proteste formellement auprès du premier Ministre, et reçoit en réponse un coup de téléphone insolent de Jacques Chirac.
  56. Jean Lacouture signale que Stephan Tchervonenko aurait fait discrètement passer à Alain Peyrefitte le message du soutien soviétique à la candidature Chaban, p. 399-400 (témoignage recueilli auprès dAlain Peyrefitte) ; pour lambassadeur des États-Unis (télégramme diplomatique du 9 mai), ce soutien est un « secret de Polichinelle » (open secret).
  57. Voir notamment sur ce point larticle dIsabelle Lebreton-Falézan.
  58. Cest une piste de lecture que proposent tant Thomas Hoffnung que lambassadeur américain.
  59. Voir le télégramme diplomatique du 17 mai.
  60. Sur ce débat et son analyse technique, voir larticle de Christian Delporte. Lanalyse quen fournit François Mitterrand lui-même (La paille et le grain p. 269-272) nest pas dépourvue dintérêt.
  61. Les pages 276 et 277 de La paille et le grain sont consacrées au vote outre-mer.
  62. Jacques Foccart rapporte dans son journal à deux reprises avoir été mis en garde par Alain Poher (le 24 avril et le 14 mai) ; la préoccupation du Président Poher transparaît aussi dans un télégramme diplomatique de lambassadeur des États-Unis daté du 15 mai, qui apporte un éclairage intéressant sur lenvoi dobservateurs outre-mer, initié selon cette source par Alain Poher lui-même.
  63. Il précise même dans Ma part de vérité que cette entrevue aurait eu lieu le 11 mai au domicile dAndré Rousselet (source non consultée mais citée par Jean-Claude Guillebaud, Les confettis de lEmpire, Seuil, 1976 (ISBN 2020043874).
  64. Sur ferme suggestion du Président Poher ; larticle de Pierre Avril, p. 1113, qui sappuie sur Le Monde du 18 avril, précise que le Président par intérim a demandé au gouvernement de mettre à la disposition de la Commission Nationale de Contrôle 20 à 30 magistrats pour veiller à la sincérité du scrutin outre-mer. Les pouvoirs de la Commission expirant avec la campagne, lavant-veille du scrutin, ces magistrats seraient le jour même du vote les « représentants personnels » de M. Poher (toujours selon Pierre Avril, p. 1121).
  65. Voir le document 7-414 dans Didier Maus, Textes et documents sur la pratique institutionnelle de la Ve République, La Documentation française, 1982 ou en annexe à larticle de Pierre Avril p. 1125-1126.
  66. Ainsi lambassadeur des États-Unis évoque-t-il dans un télégramme au Département dÉtat en date du 16 mai les incontournables références au duel entre Kennedy à Nixon de 1960
  67. Les informations dont la source nest pas précisée dans toute cette section proviennent du mémoire de Sylvie Colliard, pour celles qui concernent la campagne de François Mitterrand ou du mémoire de Jacques Berne pour la campagne de Valéry Giscard dEstaing.
  68. Voir les pages 72-73 de louvrage de Jacques Berne sur la question très polémique du rôle de lextrême-droite dans la campagne de VGE. Les affirmations de lauteur sont à prendre avec prudence, celui-ci signalant que léquipe giscardienne les dément, avec quelque mollesse tout de même : ladjoint de Hubert Bassot, Jean-Jacques Réal assure que le rôle de Pierre Sergent na été que marginal, ou que la plupart des gros bras du service dordre étaient bénévoles.
  69. La mésaventure du docteur Jean-Pierre Mahé est relatée par le Nouvel Observateur du 13 mai, cité par Jacques Berne.
  70. Le rôle de Jacques Attali est détaillé par Franz-Olivier Giesbert, p. 379.
  71. Ces formules sont de Sylvie Colliard, p. 55
  72. Voir page 68 dans Colliard.
  73. Lanecdote est signalée par Jacques Berne, p.83.
  74. Selon Sylvie Colliard, p. 29.
  75. Encore le 15 novembre 2006 on lit dans La Croix (interviewant une ancienne militante giscardienne, article disponible en ligne: « “Nous portions le tee-shirt « Giscard à la barre »”, se souvient-elle avec nostalgie ».
  76. Paris-Match no 1308, 1er juin 1974 (non consulté).
  77. Pour ces noms, voir Franz-Olivier Giesbert p. 393
  78. Pour aider à linterprétation des données de cette section, rappelons que 3 millions de francs de 1974 équivalent approximativement à 2 millions deuros en 2006 compte tenu de linflation.
  79. Les analyse budgétaires se trouvent p. 96 dans le mémoire de Sylvie Colliard et p. 75 dans celui de Jacques Berne
  80. Cité par Sylvie Colliard, qui renvoie à son ouvrage sur La communication politique p. 55
  81. Cité par Christian Garbar, p. 134-136
  82. Un autre exercice intéressant est de reprendre le coût publié de la campagne de Jacques Chirac en 1995, la première élection présidentielle les comptes des campagnes sont publics : 120 millions de francs de 1995, cela équivaut à 32 millions de francs de 1974 et va donc dans le sens des estimations « hautes ».
  83. Propos tenus à Charles-Noël Henry et cités par Michel Bassi et André Campana p. 157 (source non consultée mais évoquée par Sylvie Colliard p. 60).
  84. Ces données sont issues de larticle (non consulté) de Monica Charlot et Isabelle Croizard mentionné en bibliographie, et ont été reprises par Sylvie Colliard p. 63.
  85. Michel Poniatowski, dans Conduire le changement p. 47 (source non consultée mais citée par Jacques Berne p. 77) témoigne que cette idée, due à Giscard lui-même, a été imposée à léquipe marketing qui y était défavorable.
  86. Déclaration du 28 avril 1969 du conseil constitutionnel suite à la démission du Général de Gaulle, Président de la République.
  87. Déclaration du 3 Avril 1974 du conseil constitutionnel constatant la vacance de la Présidence de la République.
  88. Décision Ducatel c/ Krivine du 17 mai 1969.
  89. Décision André Roustan du 21 avril 1974
  90. Décision Robert Lafont du 21 avril 1974.
  91. Décision Pierre Sidos du 17 mai 1969.
  92. Décision Mitterrand c/Chaban-Delmas. du 25 avril 1974
  93. Ces anecdotes sont signalées par Pierre Avril, p. 1116-1117.
  94. Déclaration du 7 mai 1974 relative aux résultats du premier tour de scrutin et Proclamation des résultats de lélection du Président de la République du 24 mai 1974.
  95. Pierre Avril, p. 1107, révèle que de telles observations avaient déjà été rédigées en 1965 puis 1969 mais non rendues publiqueset navaient eu aucun effet. La nouveauté est donc dans la publication. Ces observations peuvent être consultées en annexe à larticle de Pierre Avril, p. 1127-1128.
  96. Des informations très précises sur les études réalisées pour François Mitterrand sont fournies dans le mémoire de Sylvie Colliard p. 82-83.
  97. Nous avons repris cette information de Patrick Girard, p. 56. Les Chastenet, p. 466, font eux état dune publication dans Le Journal du dimanche du 21 avril ; selon eux le sondage mettrait Giscard à 31 % et Chaban à 18 %.
  98. Sylvie Colliard renvoie notamment à un point de vue de Marcel Bleustein-Blanchet publié dans Le Monde du 23 mai et intitulé : « Faut-il supprimer les sondages ? »
  99. La loi no 77-808 du 19 juillet 1977 « relative à la publication et à la diffusion de certains sondages dopinion »
  100. Tous ces résultats proviennent du mémoire de Sylvie Colliard, qui renvoie au numéro 1-2 de 1974 de la revue Sondages et au numéro du 5-6 mai du Monde.
  101. Ce sondage sur les reports de voix entre les deux tours est cité dans le mémoire de Jacques Berne, p. 116. Jacques Berne mentionne aussi un sondage IFOP qui indiquerait que 80 % des électeurs de Jean Royer et 91 % des électeurs de Jacques Chaban-Delmas se rabattent sur VGE.
  102. Voir p. 27 de louvrage de Jean-Jacques Becker. Jean-Claude Colliard, cité par Sylvie Colliard, ferait la même analyse dans un numéro de La Nouvelle Revue Socialiste consacré à un bilan de lélection.
  103. Voir page 1213 de leur article ; ces chiffres sont également cités par Jean Charlot dans sa notice à l'Universalia p. 249. On peut quand même être un peu perplexe à la lecture des techniques danalyse numérique matricielle utilisées pour prétendre résoudre un système de 17 équations à 72 inconnues.
  104. Dans son article cité en référence bibliographique p. 955 (non consulté mais cité par André Laurens, p. 165).
  105. Les deux cartes étant extraites de la très riche analyse consacrée par Colette Ysmal et al. à la structuration de ces votes.
  106. Voir larticle de Colette Ysmal et al. p. 242-243, qui cite également lanalyse dAlain Lancelot qui interprète comme un « résidu » le vote Chaban-Delmas.
  107. Ces exceptions locales se rencontrent un baron du gaullisme bien implanté la soutenu, comme à La Baule chez Olivier Guichard, à Saint-Malo-Dinard avec Yvon Bourges, à Troyes chez Robert Galley, à Provins avec Alain Peyrefitte ou dans les vallées savoyardes du centriste Joseph Fontanet).
  108. Les observations sur la répartition des votes Laguiller et Dumont sont issues de larticle de Jacques Ozouf, qui publie une cartographie des résultats de ces candidats, p. 23.
  109. Cette analyse du second tour doit beaucoup à larticle de Nicolas Denis cité en référence.
  110. Les données mentionnées ici proviennent de louvrage dAndré Laurens, p. 155.
  111. Ses résultats ont été publiés par Le Nouvel Observateur dans son numéro 500 du 10 juin et sont repris dans louvrage de François Bon.

Sources, bibliographie complémentaire et filmographie

Sources

Livres

  • Jean-Jacques Becker et Pascal Ory, Crises et alternances 1974-2000, Seuil, 2002 (ISBN 2020524392)
  • Jacques Berne, La Campagne présidentielle de Valéry Giscard dEstaing en 1974, Presses universitaires de France, Paris, 1981, 208 p. (ISBN 2130370667)
  • François Bon, Les Élections en France. Histoire et sociologie, Seuil, 1978, (ISBN 2020048000)
  • Roger Cans, Petite histoire du mouvement écolo en France, Delachaux et Niestlé, 2006 (ISBN 2603014129)
  • Patrick et Philippe Chastenet, Jacques Chaban-Delmas, Seuil, 1991 (ISBN 2020135353)
  • Sylvie Colliard, La Campagne présidentielle de François Mitterrand en 1974, Presses universitaires de France, Paris, 1979, 232 p. (ISBN 2130359469)
  • Arthur Conte, Les Présidents de la Ve République, Le Pré aux Clercs, 1985 (ISBN 2714418295)
  • Loïc Favoreu, Loïc Philip, André Roux, Les Grandes Décisions du Conseil constitutionnel, Dalloz-Sirey, 2005 (13e édition) (ISBN 2247063020)
  • Jacques Foccart, La Fin du gaullisme - Journal de lÉlysée (t. 5), 1973-74, Fayard/Jeune Afrique, 2001 (ISBN 2213607966)
  • Christian Garbar, Jean Royer 1974 : objectif Élysée, Blois, Le Clairmirouère du temps, 1981
  • Franz-Olivier Giesbert, François Mitterrand ou la Tentation de lhistoire, Seuil, coll. «Points Actuels», 1990 (ISBN 202012093)
  • Patrick Girard, Chirac, petits meurtres en famille, LArchipel, 2003 (ISBN 2841875385)
  • Thomas Hoffnung, Georges Marchais, linconnu du Parti communiste français, LArchipel, 2001 (ISBN 2841873196)
  • François Koch, La Vraie Nature dArlette - Contre-enquête, Seuil, 1999 (ISBN 2020370581)
  • Jean Lacouture, Mitterrand, une histoire de Français, t.1 Les risques de lescalade, Seuil 1998 (ISBN 2020881772)
  • André Laurens, Dune France à lautre, Gallimard, 1974, numéro dédition 19 660
  • François Mitterrand, La Paille et le grain, Flammarion, 1975 (ISBN 2080800019)
  • Pascal Perrineau, « Le Front national : 1972-1994 », dans Michel Winock (dir.), Histoire de lextrême-droite en France, Points Seuil 1994 (ISBN 2020232006)
  • René Rémond, Notre siècle, Fayard, édition de poche, 1991 (ISBN 2253063894)
  • Jean-Paul Salles, La Ligue communiste révolutionnaire (1968-1981: Instrument du Grand Soir ou lieu dapprentissage ?, Presses Universitaires de Rennes, 2005 (ISBN 2753501947)

Articles

  • Pierre Avril, « Aspects juridiques de lélection présidentielle des 5 et 19 mai 1974 », dans Revue de droit public, 1974-4, p. 1103-1135
  • Lucien Boucharenc et Jean Charlot, « Létude des transferts électoraux », dans Revue française de science politique, 1974-6, p. 1205-1217 [lire en ligne]
  • Jean Charlot, « France - Lélection présidentielle » dans Universalia 1975 - Les événements, les hommes, les problèmes en 1974, Encyclopaedia Universalis, 1975 (ISBN 2852293013)
  • Christian Delporte, « Image, politique et communication sous la Ve République » dans Vingtième Siècle. Revue dhistoire, no 72 (2001/4), Presses de Sciences Po (ISBN 2724628977) [lire en ligne]
  • Nicolas Denis, « Du 5 mai 1946 au 19 mai 1974 », dans Revue Française de Science Politique, 1974-5, p. 893-910 [lire en ligne]
  • Isabelle Lebreton-Falézan, « Dimensions internationales des campagnes présidentielles sous la Ve République », contribution présentée le 8 janvier 2000 dans le cadre dun colloque organisé à lUniversité Paris X-Nanterre par le Laboratoire danalyse des systèmes politiques (LASP) de lUFR de Science politique, Annuaire français de relations internationales, 2001 [lire en ligne]
  • Jacques Ozouf, « Lélection présidentielle de mai 1974 », dans Esprit, septembre 1974, p. 14-37
  • Colette Ysmal, Daniel Boy, Gérard Grunberg et Béatrice Moine-Roy, « Lélection présidentielle de mai 1974 : la redistribution des électeurs de droite », dans Revue française de science politique, 1975-2, p. 222-258 [lire en ligne]

Autres sources

  • La banque de données des télégrammes diplomatiques américains permet daccéder à des informations utiles
  • Les archives filmées de lInstitut National de lAudiovisuel sont également précieuses, notamment en ce quelles recèlent lintégralité des émissions de la campagne officielle du premier tour, ainsi que le débat télévisé du second tour.

Bibliographie complémentaire

Livres

  • Michel Bassi et André Campana, Le grand tournoi. Naissance de la VIe République, Grasset, 1974, 212 p
  • Pierre Bréchon (dir.) Les élections présidentielles en France. Quarante ans dhistoire politique, La Documentation française, 2002
  • Michel Cardoze et Jean Le Lagadec 49 %. Naissance dune majorité, Éditions Sociales, 1974
  • Michèle Cotta, La VIe République, Flammarion, 1974, 208 p.
  • François Goguel, Chroniques électorales. Les scrutins politiques en France de 1945 à nos jours, t. 3, Presses de Sciences Po, 1983 (ISBN 2724604784)

Articles

Le périodique Le Monde - Dossiers et documents a consacré en 1974 un numéro à lélection présidentielle qui venait de se dérouler.

  • Monica Charlot et Isabelle Croizard, « Le discours télévisé des principaux candidats à la Présidence de la République en 1974 », dans Projet no 88, sept.-oct. 1974
  • Élisabeth Dupoirier, « Radiographie dune élection », dans Frontière, juin 1974
  • Jean-Paul Gourevitch, « Approche sémiologique dune élection présidentielle », dans Études, juillet 1974
  • Alain Lancelot, « La relève et le sursis, analyse des résultats de lélection présidentielle de mai 74 », dans Projet no 88, sept.-oct. 1974
  • François Platone et Élisabeth Dupoirier, « Une nouvelle étape dans le déclin dusocial-centrisme” », dans Revue Française de Science Politique, 1974-6, p. 1173-1204 [lire en ligne]
  • Jean Ranger, « Présidentielles. Logique dune évolution », dans Politique aujourdhui, juin 1974

Filmographie

  • La campagne électorale de Valéry Giscard dEstaing a fait lobjet dun documentaire de Raymond Depardon rattachable à lécole du cinéma direct, diffusé sous le titre de 1974, une partie de campagne (le titre originellement choisi par le réalisateur étant 50,81 %). Ce film na été distribué quen 2002, Valéry Giscard dEstaing sétant jusqualors opposé à la représentation publique du documentaire.

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