- Sondage d'opinion
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Un sondage d'opinion est une application de la technique des sondages à une population humaine visant à déterminer les opinions (ou les préférences) probables des individus la composant, à partir de l'étude d'un échantillon de cette population. Par métonymie, le mot sondage désigne également le document présentant les résultats de l'étude par sondage.
Les sondages d'opinion les plus connus du grand public sont réalisés par les instituts de sondage.
Le développement des sondages d'opinion est intimement lié à l'extension de l'usage de cette méthode en sciences humaines.
Histoire des sondages d'opinion
Les sondages d'opinion concernant les sujets politiques sont nés du développement de cette technique en marketing. Comme le souligne Loic Blondiaux[1], les entreprises des États-Unis ont été les premières à utiliser ces derniers afin de connaître les attentes supposées des consommateurs et augmenter leurs marchés. Progressivement, la frontière entre marketing et politique s'est effacée, et en 1936 le journaliste G.H. Gallup fonde l'American Institute of Public Opinion en vue de l’élection présidentielle.
En France, le sondage d'opinion appliqué à la politique est apparu en octobre 1938 par l'entreprise de Jean Stoetzel, qui a fondé l'IFOP (Institut Français d'Opinion Publique) qui conduit la première enquête d'opinion publique en France : « Faut-il mourir pour Dantzig ? » ; ces premiers sondages sont publiés en juin, juillet et août 1939 par la revue Sondages appartenant à l'Ifop, avant que la publication de sondages ne soit interdite par la censure[2].
Aujourd'hui encore, les Institut de sondages tirent l'essentiel de leur notoriété des sondages politiques, alors que ceux-ci représentent moins de 1% de leur chiffre d'affaires[3], l'essentiel de leur activité concernant les études marketing commandées par les entreprises.
À partir de la fin des années 1960, la place des sondages s'est considérablement accrue avec l'essor de la communication politique, ce qui a donné lieu à une loi réglementant la fabrication et la diffusion des sondages d'opinion en période électorale (loi no 77-808 du 19 juillet 1977, modifiée le 20 février 2002[4]). Le souci du législateur a été de protéger la libre détermination du corps électoral d'une influence démesurée des sondages en les interdisant la semaine précédant le scrutin (période ramenée à 1 jour depuis 2002) et en créant une autorité de régulation, la Commission des Sondages.
Malgré cette restriction de la liberté d'information, le nombre des sondages électoraux a considérablement augmenté, passant de 111 en 1981 à 293 pour la présidentielle 2007 (selon les rapports de la Commission des Sondages). Il demeure difficile de lier l'augmentation numérique à un « poids » croissant dans le débat politique, constatation relativement empirique. Certains auteurs critiques des sondages[réf. nécessaire] n'hésitent cependant pas à parler d'un coup de force opéré par les sondages. Patrick Champagne (Faire l'opinion, le nouveau jeu politique, Minuit, 1990) estime que des professions para politiques (sondeurs, journalistes, chercheurs) se sont emparées des sondages pour imposer leur vision du monde, en interprétant ce que veut le peuple.
Si les critiques des sondages d'opinion sont anciennes (Bourdieu assénant que « L'Opinion publique n'existe pas » dans un article de 1973 des Temps Modernes), l'échec des instituts à anticiper le succès de Jean-Marie Le Pen le 21 avril 2002 a fortement écorné leur crédibilité, tandis que l'impartialité des entreprises de sondages et marketing, détenues par de grands groupes financiers[5] proches des hommes politiques, est de plus en plus questionnée dans la société[6].
Méthodologie
Calcul d'erreur
En statistiques, le calcul d'erreur suppose un échantillonnage au hasard. Or, les sondages se font en général en considérant un panel dit représentatif. Ceci rend plus complexe le calcul d'erreur.
Dans le cas des sondages politiques, Jérôme Sainte-Marie, directeur de BVA Opinion, estime qu'ils accusent une erreur de 2 ou 3 %[7] voire peuvent même dépasser 6%, comme par exemple, les sondages relatifs à des élections primaires en France[8] en raison de la méthodologie et du faible nombre ou d'échantillons d'individus sondés. Les sondages politiques sont révélateurs de ces limites; ainsi, des résultats de plusieurs instituts portant sur un même domaine et sur la même période sont publiés, ce qui permet de les comparer voire de mettre en évidence certaines divergences ou contradictions sur une même question.
À titre d'exemple, les résultats comparés des sondages des différents organismes à la même période pour l'élection présidentielle française de 2007 sont significatifs :
Estimation des sondages (en %) pour l'élection présidentielle de 2007 entre le 13 et le 20 février 2007[7] Institut Candidat Nicolas Sarkozy Ségolène Royal Indécis François Bayrou Jean-Marie Le Pen IFOP 32,5 25,5 16 11 Institut CSA 28 29 17 14 BVA 33 26 21 15 10 LH2 33 25 19 14 13 TNS-Sofres 33 26 18 13 12 Moyenne 31,9 26,3 19,3 15 12 Écart type 1,4 1,4 1,2 1,4 1,4 Si l'on considère un intervalle de confiance de 95 %, il faut multiplier les écarts types par 2,8 (3,2 pour les indécis)[9], soit une erreur entre 3,5 et 4,5 points. Si maintenant on fait figurer les intervalles d'erreur, on obtient :
Synthèse des sondages (en %) pour l'élection présidentielle de 2007 entre le 13 et le 20 février 2007 Nicolas Sarkozy Ségolène Royal Indécis François Bayrou Jean-Marie Le Pen Moyenne 31,9 26,3 19,3 15 12 Intervalle d'erreur 27–36 22–30 15–24 11–19 8–16 L'insuffisance des échantillons
La représentativité des échantillons sur lesquels s'appuient bon nombre de sondages publiés dans les médias sont l'objet de vives discussions. Cette question est particulièrement importante dans les cas où les chiffres sont très serrés.
Ces dernières années, il est apparu qu'environ 50% de la population ne peut pas être sondée car soit elle a seulement un téléphone portable (surtout pour les jeunes), soit parce qu'elle n'est pas présente chez elle aux heures où les sondeurs appellent[10].
Aujourd'hui un certain retour à la base du sondage de certains instituts qui privilégient la qualité de l'échantillonnage sur les calculs statistiques qui multiplient les marges d'erreur. Ainsi, des études média peuvent comprendre 75 000 interviews (pour la radio). D'autres, peuvent travailler sur des échantillons composés de 50 000 interviews téléphoniques avec des questionnaires qui croisent des données média avec des données de consommation et de fréquentation.
En effet l'insuffisance d'individus d'un échantillon ne peut garantir la véracité des résultats proposés par le sondage. L'idéal, comme le mentionne E. Jeanne ([11], janvier 2008), est de sonder le maximum de personnes pour apporter la meilleure qualité et donc de réduire les marges d'erreur. Nous pouvons aussi remarquer que le désintéressement de la population face aux sondages ne facilite pas le travail des instituts réalisant les études (IPSOS, TNS Sofres, IFOP, MY-GLOBE, BVA, ...).
Les questions sur la méthode des quotas
Aujourd'hui, chaque vote national donne naissance à un grand nombre de sondages et de commentaires sur ceux-ci. Ces commentaires portent fréquemment sur des fluctuations d'un ou deux pour cent. Comme aucun sondage, quelle que soit la technique utilisée , ne peut donner des résultats exacts, le citoyen est en droit de se demander quelle confiance il peut accorder à de telles fluctuations et aux commentaires qu'elles suscitent.
Si la technique aléatoire était utilisée, le calcul des intervalles de confiance montrerait que des fluctuations aussi faibles doivent inciter à une grande prudence dans leur interprétation. D'autre part il est indiscutable que la méthode des quotas ne satisfait pas la condition rigoureuse d'indépendance à la base des sondages aléatoires, ce qui exigerait en principe d'autres approches de sa précision.
Face à ce problème, la position exprimée systématiquement à l'occasion des campagnes électorales tient en deux points : le calcul des intervalles de confiance est inapplicable et – cela demanderait un minimum de justifications – la méthode des quotas est plus précise que la méthode aléatoire.
Une autre position, plus rarement exprimée, se trouve par exemple sur le site internet d'Ipsos : si on veut fournir une indication sur la validité d'un sondage, on est bien obligé d'utiliser ce qui existe, tout en sachant que ce n'est qu'une approximation.
Il semble qu'il soit possible de renforcer un peu cette position. En effet c'est l'indépendance des réponses, difficile à assurer dans un sondage à l'échelle de la France, qui permettrait le calcul des intervalles de confiance. À l'opposé, on peut imaginer un sondage à prétentions nationales effectué dans un seul quartier, ou une seule entreprise ; celui-ci donnerait évidemment des résultats sans signification pour le pays parce qu'il y aurait probablement de forts liens entre les différentes réponses. La méthode des quotas, en contraignant les enquêteurs à interroger des personnes appartenant à divers milieux, brise un grand nombre de ces liens et ne peut que rapprocher ce type de sondage du sondage aléatoire, sans qu'on puisse mesurer la distance qui existe entre les deux.
Les corrections des résultats bruts des enquêtes
Les statisticiens, notamment en matière de sondages politiques opèrent un grand nombre de corrections des données obtenues. Par exemple, les données CVS, corrigées des variations saisonnières, tentent de corriger les effets dus à la saisonnalité du phénomène mesuré. Si certains sont particulièrement évidents --une forte baisse de l'activité économique en août n'est pas le signe d'un effondrement économique-- d'autres en revanche sont plus sujets à caution. En matière de sondages électoraux par exemple, on corrigera certains décalages entre déclaration et réalité des votes passés effectifs. On observe par exemple un décalage entre les déclarations d'intention de vote Front National et les votes réels (plus nombreux), car les votants de ce parti ont honte de leurs opinions. Les statisticiens mesurent cet écart et le reportent pour les mesures suivantes afin de donner un chiffre plus représentatif de la réalité, c'est ce que l'on nomme le "redressement des résultats bruts". Les détracteurs des sondages considèrent que l'on sort ici de la stricte mesure des déclarations d'intention de vote pour donner un chiffre ayant la prétention d'indiquer ce que les électeurs comptent faire en réalité, d'autant plus qu'aucun institut ne publie les pourcentages réellement exprimés ou leur multiplicateur[12]. Outre le fait que de très nombreuses corrections s'appliquent lourdement à certains chiffres au point que certains les considèrent comme totalement dénaturés[réf. nécessaire], les effets de structure qui sont à l'origine de ces corrections sont eux-mêmes susceptibles de changer. Le sondage ne devient plus alors l'enjeu véritable dans la mesure où sa représentativité est subordonnée à la connaissance de ces effets de structure qui avant toute chose deviennent discriminants.
La formulation des questions
La formulation de la question peut influencer les réponses.
Une étude menée sur trois sondages effectués au moment du bombardement de la Libye par l'armée américaine en 1986 a par exemple révélé des décalages considérables de réponse en fonction de l'intitulé de la question, certaines étaient particulièrement abstraites citant « l'action américaine contre Kadhafi » alors que de l'autre côté un magazine parlait de l'armée américaine, de bombardements et nommait les villes touchées. Avec la plus abstraite des formulations, l'évènement recueillait 60% d'assentiments, la formulation intermédiaire 50%, la formulation la plus précise 40 %.
Ce décalage ne pose pas de problème si l'on conserve à l'esprit que les sondages mesurent une réponse à une question et non pas la réalité d'une opinion dans la population. Aux yeux de leurs détracteurs, la confusion apparait pourtant particulièrement fréquente et très volontiers entretenue par ceux qui commandent les sondages et qui peuvent même choisir de ne pas les publier si les résultats ne correspondent pas à ce qu'ils veulent démontrer.
Il s'avère, dans la réalité du terrain, que plus une question est longue, comprend beaucoup de mots, plusieurs phrases, moins elle est comprise, et donc plus le résultat est sujet à caution. Alors que quasiment tous les interviewés comprennent facilement des questions courtes. Autre point intéressant : les questions interronégatives, qui embrouillent à souhait l'interviewé. Ces deux cas permettent de faire augmenter le taux de 'NSP' (ne se prononcent pas) sur une question.
L'interprétation et la construction de l'objet
Les sondages reposent sur une déformation et une réduction de l'information, les réponses devant trouver leur place dans une grille préétablie, les sondeurs sont amenés à interpréter une parole en fonction de la grille. Établir des questions fermées est considéré par certains comme équivalent à demander aux sondés de choisir des réponses prépensées à des questions que d'autres se posent. La simplicité des énoncés ne peut pas faire l'économie de la complexité des questions abordées bien au contraire.
Le sondeur et son client, s'il participe activement à l'élaboration du questionnaire, prennent l'initiative de définir eux-mêmes la problématique du sujet pour ensuite demander au sondé de choisir dans ce cadre strictement délimité l'option qui lui convient le mieux. Cette maîtrise de la problématique, que l'on désigne par la notion de construction de l'objet, apparait aux critiques des sondages comme une excellente méthode pour obtenir des résultats correspondant à ses propres attentes.
On constate également qu'il y a un biais vers le "oui". Les sondés n'ayant pas trop d'opinion sur une question mais trouvant qu'il est dans leur rôle de se prononcer auront plus tendance à répondre oui que non.
Le statut social du sondage
Cette critique, émanant le plus souvent des sociologues, concerne plus particulièrement le rôle des sondages dans le fonctionnement de la société. Abondamment utilisés par les médias, les sondages constituent un miroir, peut-être déformant, pour la société qui au travers de questions simples et de chiffres ronds se donne une représentation d'elle-même.
Les sondés ont le sentiment de participer à la mesure de la réalité sociale. Ils perçoivent le sondage comme légitime pour lui-même plus que pour la question qu'il soulève. Répondre à un sondage constitue une participation à une institution de fait dans laquelle le sondé trouve la gratification d'être celui qui pour une fois va déterminer la réalité sociale. Il n'est dès lors plus très important de posséder effectivement un avis formé sur la question, l'acte de répondre l'emporte sur le sens de la réponse. Notre exemple précédent illustre bien comment trois échantillons a priori représentatifs parviennent à exprimer des réponses différentes et même opposées sur un même sujet. On peut en déduire qu'une partie des réponses est une réaction à une stimulation instantanée, plutôt que le reflet d'une opinion préexistante fruit des convictions et de la réflexion des individus sur un sujet particulier. Le sondage mesure donc pour une partie non négligeable de l'échantillon son propre effet sur les sondés.
Dès lors, considérant que la définition de la problématique, tant par le choix des sujets abordés que par la formulation des questions, appartient au sondeur, la construction du débat échappe à la société civile (associations, syndicats, intellectuels) qui possède une opinion formée sur un sujet et aux représentants élus pour échoir à des groupes de presse (dont les propriétaires viennent aujourd'hui souvent d'autres métiers) et des chaînes de télévision (exemple : Bouygues propriétaire de Tf1).
La personnification de l'opinion publique
Le sondage, en suivant le modèle du référendum a permis de construire une notion d'opinion publique qui demeure une construction idéologique attribuant une et une seule opinion à une société perçue comme un phénomène simple et unifié. Elle n'est pourtant pas une personne, elle est constituée de structures, de groupes aux compétences et aux connaissances variées. La capacité de construire une opinion, de connaître un sujet n'est pas uniformément répartie dans la population. Le sondage donne pourtant une forme prédéfinie à la question et place toutes les opinions sur un pied d'égalité.
Le sondage et la notion d'opinion publique qu'il permet d'établir constituent au final un outil de pouvoir qui permet de couper court au débat. Le principe de la démocratie représentative n'est pas de faire trancher une question par les votants mais de leur faire trancher dans un débat mené par des représentants, des experts, des militants représentant les positions majoritaires mais aussi minoritaires. En lui donnant forme par le mécanisme de la construction de l'objet préalablement décrit, le sondage permet de faire l'économie du débat grâce à cette notion artificielle d'opinion publique qui apparaît nécessairement légitime parce qu'elle imite le modèle du référendum.
En bref, les sciences humaines sont divisées sur la notion d'opinion publique, depuis leurs origines. Pas moins d'une cinquantaine de définitions en ont déjà été données, dont certaines ne pourront jamais être conciliées avec d'autres. Donc, il est illusoire de croire qu'il existe une opinion publique simple et établie, ce que pourtant prétendent faire les instituts de sondage.
Pierre Bourdieu a pointé ce danger dans un article de 1973 intitulé L'opinion publique n'existe pas. À sa suite, Patrick Champagne aborde la question, notamment dans son ouvrage de 1990 : Faire l'opinion. Selon ces auteurs, l'"opinion publique" telle qu'issue d'un sondage d'opinion n'est, le plus souvent, qu'un "artefact résultant de l'addition mécanique de réponses qui se présentent comme formellement identiques". Ils mettent en exergue l'absence de réflexion, dans le chef des "instituts" de sondages (appellation parfois galvaudée) sur la définition de l'opinion publique, malgré le conditionnement idéologique qui peut en découler. Loïc Blondiaux exprime cela en parlant "d'OPA sur la notion d'opinion publique"[13].
L'honnêteté des réponses
La critique des sondages montre que les réponses apportées par les sondés ne présentent aucune garantie de véracité[14]. L'importance apportée au sondage paraît donc démesurée en comparaison de la fiabilité des réponses. Plusieurs phénomènes peuvent concourir pour donner des réponses absurdes :
- Les sondés n'ont pas d'idées formées sur les questions qu'on leur pose et ils répondent au hasard, simplement pour le privilège d'être sondé.
- Les sondés trouvent le questionnaire trop long, s'ennuient, pensent à autre chose et répondent au plus vite pour abréger l'exercice.
- Les sondés répondent en fonction des idées qui circulent dans leur entourage proche, suivant l'avis d'un leader d'opinion plutôt que leur propre expérience. Le phénomène déborde de la stricte question de l'opinion puisqu'il n'est pas rare qu'un sondé rapporte le comportement de quelqu'un de sa famille alors que c'est lui qui est interrogé (C'est pour prévenir ce phénomène que les questions commencent très souvent par vous, personnellement).
- Les sondés anticipent le résultat du sondage et répondent en fonction des résultats qu'ils aimeraient voir publiés.
- Les sondés n'assument pas face au sondeur la réalité de leur opinion ou de leur pratique et préfèrent déclarer quelque chose de plus consensuel.
On peut en outre citer des cas de manipulation pure et simple, comme par exemple la chaîne de télévision de Silvio Berlusconi qui à ses débuts, avait envoyé des employés sillonner les campagnes pour retrouver les ménages équipés des boîtiers d'audimat afin de les soudoyer pour qu'ils laissent leur télévision allumée toute la journée sur la nouvelle chaîne alors qu'ils étaient au travail. Cela lui a permis d'accroître ses mesures d'audience et donc ses recettes publicitaires.[réf. nécessaire] Ces importants moyens contribuant au succès réel de la chaîne.
Le recueil de l'information par les sociétés de sondage (qui se parent abusivement du titre d'institut) est sujet à caution. Ainsi, lorsque l'interviewé répond "je ne sais pas" il est alors sollicité avec insistance car l'enquêteur a pour consigne de "relancer" l'interviewé par une phrase type (d'après vous/vous avez bien une petite idée/etc...). Tout pourcentage obtenu résulte donc d'une addition où toutes les réponses ont la même valeur, qu'elles soient directes et données initialement ou qu'elles soient obtenues en forçant l'interviewé, réponses forcées qui accroissent la marge d'erreur.
La volatilité des réponses
En France, il existe un délai précédant une élection pendant lequel les sondages ne peuvent pas être publiés afin d'éviter que la publication du sondage ne vienne perturber le choix, en conscience, du candidat à élire. Ce délai fixé à une semaine par la loi de 1977 a été réduit à un jour (le samedi précédant le scrutin) en 2002.
L'exemple des sondages électoraux qui ont l'avantage de pouvoir faire l'objet d'une vérification montre que les déclarations sont susceptibles de connaître de fortes évolutions. Il met en lumière la fragilité de chiffres qui sont souvent considérés comme des indicateurs fiables d'une réalité sociale solide.
Qui plus est ces sondages électoraux, contrairement aux autres sondages aux méthodes plus éprouvées, se passent quasiment exclusivement au téléphone fixe. Or certains sondés se sont désabonnés pour ne garder que le téléphone portable[réf. nécessaire], d'autres ne sont guère joignables ou sur liste rouge ce qui induit un biais supplémentaire.
Fiabilité du résultat
En France, la polémique la plus importante concernant les sondages a eu lieu suite à leur incapacité à prévoir le résultat du 1er tour de l'élection présidentielle de 2002. Toutes les enquêtes d'opinion, y compris celles menées la semaine précédent le scrutin, prévoyaient sans ambiguïté un second tour[réf. nécessaire] opposant Lionel Jospin à Jacques Chirac[15]. Finalement, c'est Jean-Marie Le Pen, et non pas Lionel Jospin qui a accédé au second tour. L'argument généralement avancé par les sondeurs est que les sondages sont une "photographie" de l'opinion, et non pas un outil de prédiction. On peut s'interroger sur la portée d'un tel argument quand seulement 4 jours séparent le sondage de l'élection elle-même et qu'aucun événement notable ne s'est produit pendant cette période susceptible d'interagir sur l'opinion des gens.
Ceci renvoie à la discussion contenue dans Les questions sur la méthode des quotas. Les états-majors des candidats avaient, du moins faut-il l'espérer, plus conscience de l'incertitude sur les résultats que la presse qui les publiait et, par conséquent, le lecteur moyen. On peut noter ici que les cabinets politiques des partis principaux, l'Élysée, l'Intérieur et Matignon ont des contrats leur fournissant des données par l'étude des variations et la discussion plus approfondie et élargie avec le panel contacté par tous les moyens. Ainsi Lionel Jospin aurait été prévenu de la montée de Jean-Marie Le Pen mais aurait refusé de changer sa campagne et montrer son affaiblissement[16].
Les législatives de 2007 ont montré la difficulté pour les entreprises de sondages de donner des estimations fiables lorsque le terrain d'études n'est pas national[17]. Les enquêteurs réalisent leurs sondages par rapport au débat politique national et aux leaders des partis politiques alors que ces élections obéissent à d'autres logiques plus locales. Enfin, la multiplication du nombre des terrains (il y a 577 circonscriptions pour une élection législative, contre 1 seule pour la présidentielle) augmente les marges d'erreur.
Mise en cause des patrons des instituts de sondages
Certaines voix de divers bords politiques s'élèvent[réf. nécessaire] pour soupçonner une connivence entre les patrons des instituts de sondages, qui favoriseraient le score de leurs amis, et/ou de leurs plus gros clients. François Bayrou a, par exemple, raillé les instituts qui le plaçaient en dessous de Jean-Marie Le Pen le 20 avril 2007, alors qu'il a fait 8 points de plus (18,5% contre 10,5%) le soir du 1er tour, le 22 avril 2007. La semaine précédant le deuxième tour de l'élection présidentielle de 2007, Les instituts officiels donnent tous Nicolas Sarkozy gagnant avec entre 5 et 9 points d'écart avec Ségolène Royal, Alors qu'un petit institut, 3C Études, pratiquant la même méthode des quotas, aussi sérieusement, donne Nicolas Sarkozy à égalité avec Ségolène Royal[18].
L'entrepreneur Vincent Bolloré, ami proche du Président Sarkozy, détient désormais l'intégralité du capital de CSA-TMO[19] tandis que l'actuelle présidente du MEDEF, Laurence Parisot, était présidente de l'IFOP. Plus généralement, ces dernières années ont été marquées par un mouvement de concentration des instituts de sondages, désormais détenus par de grands groupes financiers ou publicitaires[20].
Dans ce contexte, et devant l'impressionnante croissance du nombre de sondages publiés, un site indépendant a été créé afin de faire la pédagogie des enquêtes d'opinion en faisant appel aux professionnels des instituts de sondages, aux politologues ainsi qu'aux acteurs économiques et politiques[21]
Bibliographie
- Jacques Desabie : Théorie et pratique des sondages, Dunod, 1966
- Pierre Bourdieu, « L'opinion publique n'existe pas », in Temps modernes, 29 (318), janv. 73 : 1292-1309
- Alain Girard, Jean Stoetzel : Les sondages d’opinion publique, PUF, 1979
- Pierre Bourdieu, « Les sondages, une science sans savant », p. 217-224 in : Choses dites, Paris : Ed. de Minuit, 1987, 229 p. ; 22 cm, (Le sens commun), (ISBN 2-7073-1122-7)
- Clairin, R. et Ph. Brion (1997), Manuel de sondages, CEPED, 2e édition
- Patrick Champagne, Faire l'opinion. Le nouveau jeu politique, Paris, Éditions de Minuit, 1990
- Hélène Meynaud, Denis Duclos, Les sondages d’opinion, La découverte, 2007 (4e édition.)
- Jean de Legge, Sondages et démocratie, Flamarion, coll. « Dominos », 1998.
- Loïc Blondiaux, La fabrique d’opinion, Seuil, 1998.
- Roland Cayrol,Sondage mode d’emploi, Presse Science-Po, 2000.
- Jean-Marc Lech, Sondages privés, Stock, 2001.
- Jean-Louis Loubet del Bayle, Méthodes des Sciences Sociales, L'Harmattan, 2001
- Emmanuel Kessler, La folie des sondeurs, Denoël, 2002.
- Gilles Dower, Peut-on croire les sondages ?, Éditions du Pommier,2002.
- Jacques Antoine, Histoire des sondages, Odile Jacob, 2005
- Ardilly, P. (2006), Les techniques de sondage, Technip (2e édition)
- Alain Garrigou, L’ivresse des sondages, La découverte, 2006.
- Nicolas Jallot, Manipulation de l’opinion – ce sont les sondages qui le disent…, Stock, 2007.
- Emmanuel Rivière, Nicolas Hubé, Faut-il croire les sondages ?, Prométhée, coll. Pour ou contre ?, Bordeaux, 2008 (ISBN 978-2-916623-04-7)
- Joëlle Zask,L'opinion publique et son double; livre 1, L'opinion sondée, L'Harmattan, coll. La philosophie en commun, 1999
- Yves H. Philoleau,Quelle alternative scientifique à l'imprécision des sondages, Blog de l'Intelligence Economique, Les Echos, 2011
Notes et références
- Loïc Blondiaux, La Fabrique de l’opinion, Une histoire sociale des sondages, coll. Science politique, Seuil, 1998
- ISBN 2-7242-8021-0). Henri Amouroux, Le peuple du désastre, 1939-1940. Éditions Robert Laffont, S.A., Paris, 1976. Page 123. (
- [1] Édouard Lecerf (TNS Sofres) et Jérôme Sainte-Marie (CSA) dans l'émission Ligne j@une du 9 mars 2011 sur www.arretsurimages.net
- Loi - Commission des sondages (électoraux, opinion)
- www.tns-sofres.com
- critique des sondages sur www.sondonslessondages.org
- Jean-Dominique Merchet, Paul Quinot, Libération, 27 février 2007 L'élection dans le miroir des sondages,
- (fr) « Primaire: zéro électeur écolo dans le sondage Libération–Viavoice ? Possible... », Marianne, 12 juillet 2011
- variable aléatoire réelle suivant une loi normale, on peut déterminer l'intervalle de confiance grâce à la loi de Student si l'on estime que la mesure de l'opinion est une
- Le français des sondages : l'abonné au téléphone fixe de plus de 34 ans appartenant aux catégories supérieures vivant en métropole
- www.my-globe.org - Site d'opinions / Opinions all over the World
- L'entreprise tunisienne 3C Études publie ses données brutes et ses redressements peu scientifiques
- BLONDIAUX, Loïc, "Ce que les sondages font à l'opinion publique", Politix, 1997, vol. 10, n° 37, pp. 117-136
- Denis Duclos, Les sondages d’opinion, La découverte, 2007 (4e édition.) Hélène Meynaud,
- Voir par exemple le site tns-sofres
- (France culture 20/03/2007 La suite dans les idées: "Les sondages")
- LEGISLATIVES 2007 : LES PROUESSES DE CSA ! sur sls.hautetfort.com. Consulté le 21 novembre 2010. [PDF]
- 3c-etudes
- Roland Cayrol cède ses parts à Bolloré
- Le Figaro, "Mouvements de concentration des instituts de sondages", 15 Octobre 2007
- www.delitsdopinion.com
Voir aussi
Articles connexes
- Technique des sondages
- L'intelligence sociale
- Les sondages en sciences humaines.
- Bibliographie pour les méthodologies pratiques en sociologie
Liens externes
- Cours de Conception et administration de questionnaires pour les sondages
- La Commission des Sondages, chargée du contrôle des instituts
- Sondons les Sondages!, association de réflexion sur les sondages
- Syntec- Études Marketing et Opinion, syndicat regroupant les instituts de sondages
- Fiche de lecture sur l'histoire des sondages
Wikimedia Foundation. 2010.