- Jacques Foccart
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Jacques Foccart Nom de naissance Jacques Koch-Foccart Naissance 31 août 1913
Ambrières-le-GrandDécès 19 mars 1997
ParisDistinctions Légion d'honneur Jacques Koch-Foccart (31 août 1913, Ambrières-le-Grand, aujourd'hui Ambrières-les-Vallées, Mayenne – 19 mars 1997, Paris), dit Jacques Foccart, est un conseiller politique français, secrétaire général de l'Élysée aux affaires africaines et malgaches de 1960 à 1974. Il a été un personnage central dans la création de la Françafrique.
Sommaire
Biographie
Origines et enfance
Jacques Foccart est le fils d'Elmire de Courtemanche, une créole guadeloupéenne de Gourbeyre (Guadeloupe), et de Guillaume Koch-Foccart, qui devint maire de cette dernière commune. Le jeune Jacques a six ans lorsqu'il quitte la Guadeloupe avec ses parents. Il conservera toujours des liens forts avec cette colonie devenue département d'Outre-mer.
La Seconde Guerre mondiale
- Démobilisé après l'armistice de juin 1940, Foccart fonde avec un associé une importante affaire d'exploitation de bois à Rânes (Orne), qui fera des affaires avec l'organisation Todt (allemande) qui le suspectera d'escroquerie en 1943 puis libéré sous caution[1].
- Il prend contact avec la Résistance en 1942 sur sa terre natale. Après des faits de résistance en Mayenne, il rejoint les services secrets de la France Libre à Londres (c'est-à-dire le Bureau central de renseignements et d'action (BCRA)) où il est enregistré sous le nom de Binot[2].
- En août 1943, Foccart monte son propre réseau de résistance pour le compte du BCRA. Très actif, courageux, il devient rapidement le responsable de la Résistance pour les quatre départements de l'Orne, de la Mayenne, de la Sarthe et du Calvados.
Le 27 avril 1944, il franchit sous les balles un barrage de la Feldgendarmerie dans l'Orne. Son adjoint, Roger Le Guerney, est tué en le protégeant de son corps. Au moment du débarquement de Normandie, il est chargé du plan « Tortue »[3], mais le commandant Mazeline, chef départemental des FFI de l'Orne, à ce titre chargé à ce niveau du plan Tortue, qualifie l'action de Foccart de fantomatique dans Clandestinité. Les ordres de mission établis pendant cette période par le BCRA établissent cependant la réalité de son action.
- Il est en octobre 1944 en Angleterre comme lieutenant-colonel car il a rejoint les services spéciaux alliés. Il monte l'opération Viacarage[4].
- Son nom est évoqué par le SRPJ de Rouen en 1953 comme étant lié à deux énigmes criminelles, l'affaire François Van Aerden à Rânes et l'affaire Emile Buffon à Joué-du-Plain en 1944.
- À la Libération de Paris, Jacques Foccart intègre les services secrets de l'État : la Direction Générale des Études et Recherches (DGER), futur Service de Documentation Éxtérieure et de Contre-Espionnage (SDECE) dirigés par Jacques Soustelle, un gaulliste historique.
L'homme politique
Il est avant tout un des hommes de confiance du Général de Gaulle, plus chargé de missions politiques essentielles et délicates que de représentations politiques et électives formelles.
Il est néanmoins membre du conseil national, puis secrétaire général adjoint, puis secrétaire général en 1954 du RPF sous la IVe République en remplacement de Louis Terrenoire, où il travaille très activement au retour du chef de la France libre au pouvoir.
Monsieur Afrique
Le contexte : la stratégie politique de la France et du bloc occidental
Avec l'indépendance de l'Algérie en 1962, la France perd l'exploitation du pétrole saharien. Charles de Gaulle, pour qui il n'y a pas de grande puissance sans indépendance énergétique, décide donc de se tourner vers les pays de l'ancien Empire colonial français en Afrique, qui regorgent de richesses minières et pétrolières. L'exploitation de ces ressources, qui s'effectue sur des cycles longs de 5 à 10 ans entre la découverte des gisements et la mise en service de l'exploitation, requiert dans les pays concernés une authentique stabilité politique si bien qu'est décidée une politique de soutien très active aux dirigeants particulièrement francophiles et dociles de ces pays devenus indépendants de la France en 1960.
Cette volonté politique forte est confortée par le souhait des pays de l'OTAN, dans le cadre de la Guerre froide, de barrer la route de l'Afrique au communisme. Ainsi la France est investie implicitement du rôle de « gendarme de l'Afrique », en échange de quoi son activisme énergétique particulièrement autoritaire est toléré.
La mise en œuvre de la stratégie de la France en Afrique
Dès 1952, Jacques Foccart est coopté par le groupe sénatorial gaulliste pour participer à l'Union française, censée gérer les rapports de la France avec ses colonies. En 1953, il accompagne de Gaulle dans un périple africain durant lequel il fait la connaissance à Abidjan d'Houphouët-Boigny.
Il revient aux affaires en 1958, en étant nommé par de Gaulle au poste de conseiller technique à l'Hôtel Matignon, chargé des affaires africaines[5].
Il s'affirme alors comme l'indispensable « Monsieur Afrique » du Gaullisme, homme de l'ombre du Général puis de Georges Pompidou, chargé avec Pierre Guillaumat, autre homme de base du gaullisme et PDG d'Elf d'organiser la politique africaine de la France.
Il orchestre avec efficacité et sans états d'âme le soutien des uns et la déstabilisation des autres, fort de moyens humains et financiers considérables. Il a en effet la haute main sur l'activité tant des services secrets que la diplomatie française en Afrique et peut compter sur les libéralités d'Elf. Il s'impose alors comme l'unique et exclusive courroie de transmission entre les chefs d'états français et africains à partir de 1964 au point qu'on a pu dire qu'il était, après de Gaulle, l'homme le plus influent de la Ve République[réf. nécessaire].
Il établit le Gabon, eldorado pétrolier de l'époque, comme pierre angulaire de la politique africaine de la France. Dans un premier temps, le président Léon Mba est ainsi activement aidé à structurer son administration, avant d'être ré-installé au pouvoir après un coup d'État militaire, puis entouré d'une garde présidentielle avant d'être invité à se doter d'un vice-président « prometteur », Omar Bongo.
Il est également considéré comme l'instigateur de conspirations et coups d'État dans les autres pays de l'ancien Empire colonial français en Afrique[6]. En Guinée, il appuie les opposants de Sékou Touré ; au Bénin, il rétablit Émile Derlin Zinsou ; au Congo-Kinshasa, il soutient le maréchal Mobutu. Il est également dès 1967 un acteur important du concours apporté par la France aux sécessionistes biafrais du Nigéria, par livraisons d'armes et mercenaires interposés (dont Bob Denard et Jean Kay).
Les méthodes et « réseaux Foccart »
Les méthodes de Jacques Foccart s'avèrent extrêmement directives et expéditives, visant à rendre les Chefs d'États dépendants de la France pour exercer et se maintenir au pouvoir. À l'instar des mouvements de Résistance dont il fut un acteur majeur, il met en place une structure centralisée et cloisonnée, de façon à en rester l'unique ordonnateur. Cette organisation en réseau est une organisation de terrain, entièrement tournée vers l'efficacité opérationnelle.
Ces réseaux sont à la fois des réseaux de renseignement et d'action. Concernant l'information, ils puisent naturellement dans les rangs des services de renseignement des services secrets et de la diplomatie, mais aussi dans ceux des hommes d'affaires et notables œuvrant localement (les « correspondants »). Pour l'action, aux côtés des services actions des services secrets sont fréquemment mobilisés des mercenaires.
Ses autres missions
En plus de l'Afrique, il est chargé par de Gaulle à la fois du suivi des services secrets et des élections, et en particulier des investitures durant les années 1960. Pendant les campagnes électorales, il fut accusé à plusieurs reprises d'utiliser barbouzes et blousons noirs contre les candidats de gauche. En 1969, pendant le bref passage d'Alain Poher à l'Élysée, une commode qui permettait d'enregistrer les autres pièces du palais fut découverte. L'affaire fut dévoilée par le Canard enchaîné et connue sous le nom de commode à Foccart[7].
Il fut le cofondateur du Service d'action civique (SAC), service d'ordre du mouvement gaulliste. Il est aussi à l'origine de la création de l'union nationale inter-universitaire (UNI), mouvement universitaire créé à la suite de mai 68.
Le Président Jacques Chirac lui remet la médaille de Grand Officier de l'Ordre de la Légion d'Honneur en 1995.
L'évolution de la Françafrique
Ce système d'influence de la France en Afrique, appelé couramment « Françafrique » par ses détracteurs - terme emprunté à Houphouët-Boigny, repris par François-Xavier Verschave dans son ouvrage La Françafrique, le plus long scandale de la République -, qu'il a fondé puis profondément installé, est encore en vigueur aujourd'hui, même si le rapport de forces s'est sensiblement équilibré du fait de la fin de la Guerre froide. Il a en effet été poursuivi sous les présidences successives de Valéry Giscard d'Estaing, François Mitterrand[8] Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy[9], chacun confirmant l'existence même de la cellule africaine de l'Élysée, indépendante des autorités du Premier ministre et du ministère des Affaires étrangères et confiant le pilotage de celle-ci à un proche.
Anecdotes et détails
- Ses opposants racontent que deux bureaux se faisaient face au gouvernement : le bureau du Premier ministre pour la métropole, et celui de Foccart pour la Françafrique.
- Il reçoit régulièrement les chefs d'États africains « amis » soit dans son appartement rue de Prony, dans le XVIIe arrondissement de Paris, soit dans la « case à fétiches », sous les combles de sa villa Charlotte à Luzarches.
Notes et références
- comme souligné dans le documentaire biographique L'homme qui dirigeait l'Afrique
- Neuilly-sur-Seine, où il a habité référence au Boulevard Bineau, de
- Son but est de ralentir par des attentats l'acheminement des blindés allemands vers le front de Normandie.
- Son unité est connue sous l'acronyme SAARF. Son objectif est la libération des camps de prisonniers et de concentration : la plupart des hommes ayant participé sur le terrain à cette mission périlleuse y laisseront la vie.
- Afrique : chaque mercredi, il reçoit le général Paul Grossin, directeur du Sdece, pour lui transmettre sur ce dossier les consignes de l'Élysée. Dès lors, il dirige les services secrets pour tout ce qui concerne l'
- Ben Barka, en 1965, avec la fameuse formule répétée à l'audience : Foccart est au parfum[réf. nécessaire]. Il n'est pas un « coup » ayant eu lieu en Afrique qui ne lui ait été attribué, jusqu'à l'assassinat de
- 4 juin 1969, on peut lire en surbandeau L'histoire de la commode à Foccart, qui renvoie à la page 2, où il est question de la découverte de ladite commode. Le journal ajoute : « Cette découverte a eu l'avantage de mettre en évidence un petit fait qui en dit long : les propos tenus dans les propres bureaux de De Gaulle étaient écoutés et enregistrés par Foccart ». Foccart porte plainte contre le journal, relevant entre autres « les insinuations malveillantes lancées contre lui de manière épisodique, le présentant comme le chef d'une police parallèle, ou comme l'éminence grise du chef de l'État ... » Durant dix semaines, le Canard instruira à l'avance le procès de Foccart, avec une page d'enquête et d'échos chaque semaine. Fin janvier 1970, le Tribunal de grande instance de Paris se déclare incompétent et condamne Foccart aux dépens, au motif que Le Canard avait attaqué Foccart, homme public, sur la manière dont il exerçait ses fonctions, et que c'était Foccart privé qui s'estimait diffamé. Le 4 novembre 1970, la cour d'appel le déboute. En première page du Canard enchaîné du
- Elf, une Afrique sous influence, Fabrizio Calvi, Jean-Michel Meurice, Laurence Dequay, 2000
- Samuël Foutoyet, Nicolas Sarkozy ou la Françafrique décomplexée, Tribord, 2009
Œuvres
- Jacques Foccart, Foccart parle, entretiens avec Philippe Gaillard, Fayard-Jeune Afrique
- tome I, 1995, 500 pp., ISBN 2213594198
- tome II, 1997, 523 pp., ISBN 2213594988
- Jacques Foccart, Journal de l'Élysée, Fayard-Jeune Afrique
- tome 1 : Tous les soirs avec de Gaulle (1965-1967), 1997, 813 pp. ISBN 2213595658
- tome 2 : Le Général en mai (1968-1969), 1998, ISBN 2213600570
- tome 3 : Dans les bottes du Général, (1969-1971), 1999, 787 pp., ISBN 2213603162
- tome 4 : La France pompidolienne (1971-1972), 2000, ISBN 2213605807
- tome 5 : La Fin du gaullisme (1973-1974), 2001
Bibliographie
- Antoine Glaser et Stephen Smith, Ces messieurs d'Afrique, deux vol., Paris, Calmann-Lévy, 1994 et 1997
- Robert Bourgi, Le général de Gaulle et l'Afrique noire, 1940-1969, Paris, Librairie générale de droit et jurisprudence / Nouvelles Éditions africaines, collection « Bibliothèque africaine et malgache », tome XXXIII, 1980.
- D.G. Lavroff (sous la direction de), La politique africaine du général de Gaulle et l'Afrique noire (1958-1969), Actes du Colloque organisé par le Centre bordelais d'études africaines, le Centre d'étude d'Afrique noire et l'Institut Charles de Gaulle, Bordeaux, 19-20 octobre 1979, Paris, Éditions A. Pedone, série « Afrique noire », tome 10, 1980.
- Pierre Péan :
- Affaires africaines, Paris, Fayard, 1983 (sur les relations franco-gabonaises)
- L'Homme de l'ombre, Paris, Fayard, 1990 (unique biographie de Jacques Foccart)
- Chairoff Patrice, Dossier b ... comme barbouzes, Éditions Alain Moreau, 1975.
- Faure Claude, Aux Services de la République. Du BCRA à la DGSE, Paris, Fayard, 2004.
- Rapport de la commission d'enquête sur les activités du Service d'Action Civique, 2 tomes, Éditions Alain Moreau, 1982.
- Maurice Robert, Maurice Robert, « Ministre de l'Afrique ». Entretiens avec André Renault, Paris, Le Seuil, 2004.
- Florence Hachez-Leroy (dir.), « Jacques Foccart, entre France et Afrique », Cahiers du Centre de Recherches Historiques, Paris, CRH-EHESS, n° 30, octobre 2002, 200 p.
- François Audigier :
- « Les réseaux Foccart en Outre-Mer à la fin de la IVe République, une étude de cas : le capitaine de gendarmerie mobile Dargelos », in Outre-Mers, revue d’histoire, n°358-359, 1er semestre 2008, p. 59-75.
- « Le SAC de 1968 à 1974, une officine de renseignement politique ? », in Sébastien Laurent (dir.), Politiques du renseignement, Pessac, Presses Universitaires de Bordeaux, 2009, p. 109-136.
- Frédéric Turpin, « Jacques Foccart et le secrétariat général pour les Affaires africaines et malgaches », Histoire@Politique, 2/2009 (n° 08), p. 85-85.
- Frédéric Turpin, De Gaulle, Pompidou et l'Afrique : décoloniser et coopérer (1958-1974), Paris, Les Indes savantes, 2010.
- Jean-François Miniac (préf. Alain Lambert), Les Grandes Affaires criminelles de l'Orne, Paris, Éditions de Borée, coll. « Les Grandes Affaires criminelles », 2008, 336 p. (ISBN 978-2-84494-814-4).
Sur l'affaire Van Aerden et l'affaire Émile Buffon.
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