Figure de styles

Figure de styles

Figure de style

Cupidon est dans ce tableau l'allégorie de la liaison entre Vénus et Mars.

Une figure de style (du latin figura : « dessin d’un objet », par extension sa « forme ») est un procédé d'expression qui s’écarte de l’usage minimal de la langue et donne une expressivité particulière au propos. On parle également de figure de rhétorique ; certains auteurs établissent des distinctions dans la portée des deux expressions, mais l'usage courant en fait des synonymes.

Si les figures de style sont l'une des caractéristiques des textes qualifiés de « littéraires », elles sont cependant d'un emploi commun dans la langue quotidienne écrite ou orale, du moins pour certaines d'entre elles, comme l'illustrent les métaphores injurieuses bien connues du Capitaine Haddock. Elles mettent en jeu le sens des mots (figures de substitution comme la métaphore ou la litote, figures d'opposition comme l'antithèse ou l'oxymore…), leur sonorité (allitération, paronomase…) ou leur ordre dans la phrase (Anaphore (rhétorique), gradation…).

Les figures de style constituent un vaste ensemble complexe de procédés variés et à l'étude délicate : les spécialistes ont identifié, depuis l'Antiquité gréco-romaine, des centaines de figures de style et leur ont attribué des noms savants, et la linguistique moderne a renouvelé l'étude de ces procédés d'écriture en introduisant des critères nouveaux. Les mécanismes des figures de style peuvent aussi s'appliquer à des fonctionnements divers de l'esprit humain comme le montrent par exemple les représentations imagées en psychanalyse ou certaines créations artistiques.

On trouvera une présentation des figures de style les plus connues dans la partie « Typologie » de l'article (rubrique 2.1) et un relevé exhaustif dans la page spécifique :

Article détaillé : Liste des figures de style.

Sommaire

Définition

Principe

L'auteur, du latin auctor, auctoris, est, étymologiquement, « celui qui augmente, qui fait avancer »[1] et l'apport de l'écrivain provient pour partie de son style, c'est-à-dire de l'ensemble des moyens d'expression qu'il utilise dans son propos et qui traduisent sa personnalité ; ce que résume la formule célèbre de Buffon : « Le style est l'homme même[2] ». Cette manière d'écrire propre se fonde en particulier sur l'utilisation des figures de style qui sont des écarts par rapport à la langue commune. On peut par exemple repérer deux figures de style dans l'expression célèbre de Gérard de Nerval « Le soleil noir de la Mélancolie » : un oxymore (ou oxymoron) qui réunit deux mots aux connotations contraires (« soleil » et « noir ») et une métaphore (analogie entre « soleil noir » et « mélancolie »), qui permettent au lecteur de percevoir la sensibilité de l'auteur et son univers mental, marqué, ici, par l'étrangeté et le mal de vivre.

Dénomination

L'expression « figure de style » est elle-même la réunion de deux tropes, comme l'explique Henri Suhamy : « L’expression 'figure de style' est un ensemble de deux figures de style accolées, une métaphore et une métonymie : le 'style' était jadis un poinçon pour graver des caractères dans la cire, donc dire 'style' au lieu d’écriture est une métonymie (l’outil à la place de l’usage) ; figure vient de 'figura', « dessin », donc il y a dérivation de sens, métaphore, car on passe d’une idée à sa représentation. »[3]

L'usage commun confond « figures de style » et « figures de rhétorique » mais certains auteurs établissent une distinction entre les deux. Ainsi, dans son ouvrage Éléments de rhétorique, Olivier Reboul distingue les figures de rhétorique, qui jouent un « rôle persuasif » et qui forment une classe de procédés fonctionnels, des figures autres dites non-rhétoriques et qui peuvent être « poétiques, humoristiques et lexicales »[4]. Ce qui rejoint la distinction académique qui sépare les figures de rhétorique, visant la persuasion, des figures stylistiques, visant l'« ornement du discours »[5].

Emploi

L'article restera cependant dans une approche globale de ces procédés d'écriture, qui mettent en jeu l'« effort » du locuteur — pour constituer la figure, son intention stylistique en somme —, et l'« effet » sur l'interlocuteur — qui fait appel à sa sensibilité[6]. On définira donc les figures de style comme un sous-ensemble de la stylistique, constitué par des écarts par rapport à l'usage commun de la langue, un emploi remarquable des mots et de leur agencement ; elles concernent ainsi un rapport particulier entre le « signifiant » et le « signifié ». Les figures de style sont cependant présentes constamment, même dans l'expression prosaïque (par exemple la métonymie journalistique : L'Élysée a fait savoir…), et elles le sont encore davantage dans la langue orale, qui cherche à retenir l'attention du récepteur et qui use des procédés d'ironie, des jeux de mots, des clichés, de locutions figées ou de raccourcis de langage.

Dans cette vanité, le crâne est le symbole de la mort et les objets renversés sont la métaphore du décès.

Cet écart par rapport à la « norme » induit cependant des limites d'acceptabilité pour une figure de style. En effet, si la figure s'écarte trop de la norme elle tombe dans le registre des solécismes (faute de grammaire ne respectant pas les propriétés de l'axe syntagmatique). Mais le sens est aussi une limite : en effet la phrase peut être grammaticalement correcte mais asémantique (sans sens). L'expression poétique « inventant » — au sens propre du mot poésie — des formes, elle échappe cependant à ces restrictions. Certains textes surréalistes l'illustrent parfaitement, tel ce vers tiré du poème Les gorges froides de Robert Desnos : « À la poste d'hier tu télégraphieras... ». C'est également le cas de l'anacoluthe comme dans la dernière strophe de L'Albatros de Charles Baudelaire : « Exilé sur le sol au milieu des huées // Ses ailes de géant l'empêchent de marcher ».

Reste que pour évaluer une figure par rapport à cette norme, il faudrait définir « un degré zéro de l'écriture  » (Roland Barthes) et de l'usage linguistique, ce qui n'est pas possible puisque chaque locuteur teinte son propos de sa subjectivité propre.

C'est dans les textes littéraires qu'on rencontre plus particulièrement les figures de style employées pour leur fonction esthétique et leur effet sur le « signifié » : chaque genre possède ses figures spécifiques ou favorites. Les romans usent de procédés descriptifs ou allusifs comme l'analepse ou la digression, la poésie privilégie des figures jouant sur les sonorités (allitération, homéotéleute) ou les images (métaphore, personnification) alors que l’art dramatique du théâtre utilise quant à lui des figures mimant les tournures orales ou permettant de moduler l'intensité de l'action. Cependant beaucoup de figures de style sont transverses à tous les genres et à toutes les périodes.

Fonction

Sculpture de la cathédrale de Laon, représentant la Rhétorique

Les figures de style apportent un enrichissement du signifié par l'originalité formelle qu'elles présentent.

Elles ont par exemple une force suggestive remarquable dans le cas de la métaphore (« Ma femme aux cheveux de savane », André Breton — à comparer avec l'expression informative : ma femme a des cheveux châtains) comme elles peuvent frapper l'esprit par le raccourci que constitue l'association des contraires dans l'oxymore (« Le superflu, chose très nécessaire […] », Voltaire) ou produire un effet comique avec le zeugme (« On devrait faire l'amour et la poussière », Zazie). D'autres figures peuvent créer l'émotion du lecteur par l'effet d'insistance produit comme dans l'anaphore (« Paris ! Paris outragée ! Paris brisée ! Paris martyrisée ! mais Paris libérée ! », De Gaulle) ou le jeu sur les sonorités dans l'allitération (« Les crachats rouges de la mitraille », Rimbaud) . Dans d'autres cas, l'intérêt sera plus purement esthétique comme dans la reprise juxtaposée de l'anadiplose (« Comme le champ semé en verdure foisonne, // De verdure se hausse en tuyau verdissant, // Du tuyau se hérisse en épi florissant […] », Du Bellay).

Ainsi, les figures de style sont à mettre sur le même plan que d'autres caractéristiques linguistiques comme les procédés de rythme (période poétique, cadence dans la prose…), les procédés de la syntaxe (choix du type de coordination/ subordination…), les procédés sémantiques et logiques (syllogisme, tautologie, champs sémantiques…) ou les procédés de versification (rime, synérèse/diérèse…)

Typologie et classement

La classification des figures de style est complexe et les diverses approches toujours contestables. Le chapitre Historique montrera les approches successives depuis l'Antiquité et les différents critères mis en avant. Par exemple pour la rhétorique, les figures relèvent des topoi discursifs alors que pour la stylistique, une figure se fonde sur un usage et sur un mécanisme mais aussi sur l'effet produit.

On trouvera par commodité un aperçu des figures de style les plus connues dans la boîte déroulante ci-dessous :

Typologie « scolaire »

Les typologies fournies par les travaux classiques ou par les manuels se caractérisent par leur grande hétérogénéité. Ils s'accordent cependant le plus souvent sur certains regroupements à partir des procédés utilisés, en distinguant des figures qui jouent sur le sens des mots (figures de substitution et d'analogie, figures d’insistance, figures d’opposition, figures d’amplification/atténuation), leur ordre dans la phrase (figure de syntaxe), leur sonorité ou le rapport au discours. Cette classification est surtout employée en didactique, pour l'enseignement des figures de style les plus employées, notamment dans l'exercice du commentaire composé.

Tropes et non-tropes

Aujourd'hui encore subsiste pour certains auteurs la distinction entre les tropes et les non-tropes (figures où aucun « changement de sens » ne semble apparaître) :

Les tropes 
Les tropes (du grec trepô : verbe « tourner », par extension « ce qui change de sens ») rassemblent un panel assez restreint de figures, qui constituent néanmoins des structures fondamentales du discours telles la métaphore et la métonymie.
Les non-tropes 
Définis de manière négative, par opposition à la catégorie des tropes, la classe des non-tropes regroupe la majeure partie des figures existantes et connues habituellement.

On peut reproduire le classement de Patrick Bacry qui la sous-divise en[7] :

catégorie de figures figures concernées
figures de construction prolepse, anacoluthe, parenthèse, imitation, asyndète, hypallage, énallage, ellipse, zeugme, apposition, épithète d'ornement, amphibologie
figures de la ressemblance personnification, allégorie, prosopopée
figures du voisinage métonymie, synecdoque, antonomase, périphrase, euphémisme, pléonasme, hendiadys et syllepse parmi les plus importantes
figures de l'ordre des mots inversion, chiasme, parallélisme, hyperbate, palindrome
figures du lexique composées de :
figures du contenu sémantique litote, antiphrase, astéisme, hyperbole, tautologie, lapalissade, lieu commun, cliché, amphigouri
figures de l'organisation du discours prétérition, réticence, suspension, digression, épiphonème, épiphrase, correction, palinodie, hypotypose, citation, paraphrase, parodie

Patrick Bacry, mais aussi Bernard Dupriez ou Michel Pougeoise, proposent de les classer au moyen d'une grille multi-critères combinant :

  1. la nature de la figure (ce qui la fait) ;
  2. la condition de son apparition (son repérage dans le discours) ;
  3. l'effet qu'elle produit enfin.

Autres classements proposés par l'analyse linguistique moderne

Une approche plus complète (par exemple pour la grammaire générative et combinatoire) est développée dans un article propre :

Article détaillé : Liste des figures de style.

Par niveau

De façon générale, le discours est un ensemble de mots qui peut être étudié sous divers points de vue. Il se compose d’un ensemble de niveaux linguistiques décomposables dans l’absolu, entretenant des relations morpho-syntaxiques (les règles de grammaire) et sémantiques (contexte) : le mot, le groupe de mots (syntagme), la phrase (ou proposition), le texte. Si ce découpage fait débat, il reste le plus admis. Les figures peuvent être définies, dans leurs mécanismes et leurs effets, selon le ou les niveau(x) où elles évoluent :

  1. les figures du signifiant opéreraient sur le mot, le phonème ou le morphème, au niveau minimal donc ; cas de la paronomase, de l’épenthèse, l’aphérèse, la syncope
  2. les figures syntaxiques opéreraient sur les groupes de mots et syntagmes, au niveau dit « phrastique » (de la phrase) ; c’est le cas de l’épanorthose, du parallélisme, de l’ellipse
  3. les figures sémantiques opéreraient sur le sens intra-linguistique (présent dans le texte), dans des relations d’images ; c’est le cas de l’oxymore, de l’hypallage et de la métonymie
  4. les figures référentielles opéreraient sur le contexte extra-linguistique (hors le texte), dans des relations d’images également, souvent par décalage ; cas de l’ironie, de la litote

Ces quatre niveaux permettent, par croisement d’avec les deux axes précédents déterminant la nature des figures (présentes/absentes), d’obtenir un effet particulier, par un mécanisme particulier, signifiant un sens particulier : une figure de style.

Par effets

On peut ranger les figures de style par les types d'effets qu'elles produisent chez l'interlocuteur, en quatre classes :

  1. l’attention : par un écart à la norme, la figure frappe l'interlocuteur, c'est le cas de l'inversion par exemple.
  2. l’imitation : imitation d'un contenu d'un texte par la forme qui lui est donné (c'est la notion d'harmonie imitative), par exemple dans l'allitération.
  3. la connotation : (étymologie : « notations accompagnatrices » d'un mot) enrichit le sens par polysémie, comme dans le cas des tropes. Par ailleurs, la majeure partie des figures existantes induisent ce type d'effet.
  4. les catachrèses : certaines figures ne recherchent aucun effet, car l'écart à la norme sur lequel elles reposent est tout simplement accepté par l'usage. C'est le cas de certaines métonymies reconnues, et de métaphores devenues clichés comme l'expression devenue incontournable « Les ailes de l'avion » reposant à l'origine sur une métaphore. Les catachrèses enrichissent ainsi la langue, à partir d'un emploi qui était alors figure de style mais devenu normatif.

Pluralisme des acceptions

Le mécanisme de formation des figures de style étant délicat à conceptualiser, il existe de nombreuses définitions de la notion. L'article en retiendra donc trois :

  • « Effet de signification produit par une construction particulière de la langue qui s'écarte de l'usage le plus courant ; les figures de style peuvent modifier le sens des mots, modifier l'ordre des mots de la phrase etc. »[8].
  • « Les figures de style sont des procédés d’écriture employés pour frapper l’esprit du lecteur en créant un effet particulier »[9].
  • « La figure est une forme typique de relation non linguistique entre des éléments discursifs »[10].

Ce pluralisme des définitions conduit à des typologies différentes et variées (voir ci-après). Néanmoins ces trois définitions permettent de mettre en lumière les trois traits définitoires de la notion :

  1. l’effet produit et recherché par l’émetteur sur le récepteur (réception) ;
  2. le procédé mis en œuvre (technique) participant d’un style esthétique (notons que l’oral est également concerné) ;
  3. et enfin la relation non linguistique (sémantique).

En stylistique, une figure de style est une opération de transformation, soit sur la forme soit sur l’idée portant soit sur un mot, sur des mots ou groupes de mots — on parle alors de figure microstructurale —, soit sur une phrase entière ou sur un ensemble de phrases — on parle alors de figure macrostructurale[11]. De ce constat découlent deux éléments à prendre en compte pour cerner le champ linguistique des figures : d’une part (les axes) et le niveau discursif concerné (morphème, lexème ou textuel).

Figures microstructurales et macrostructurales

Certaines figures, dites macrostructurales sont souvent formées de figures plus mineures : l'ironie, qui est une figure difficile à classer [note 1], par exemple ou encore l'allégorie, l'hypotypose, le solécisme, etc et conduisent à des effets de réception variés et complexes (de l'ordre du comique, du tragique, de l'emphatique, ou de l'ironique par exemple). Les figures microstructurales, elles, réalisent des effets localisés et subtils.

On peut représenter leur distribution au sein du discours sous la forme d'un spectre se complexifiant :

Des figures très techniques comme les tropes ou le chiasme par exemple peuvent constituer des figures plus complexes, s'étendant sur des phrases entières, comme l'hypotypose, figure caractéristique qui peut concerner une dizaine de figures « mineures ».

La figure de style opère sur deux axes linguistiques

On peut se représenter les opérations aboutissant à la formation de figures et d’effets de sens en les positionnant sur un double axe qui est constitutif de la langue (décrit par Ferdinand de Saussure puis par Roman Jakobson[12],[13]) :

  • l’axe syntagmatique (figures in praesentia) : matérialise les éléments discursifs co-présents dans un discours (exemple : un mot est répété, un mot est mis en comparaison, etc.). Ici deux ou plusieurs objets se désignent dans les strictes limites de la syntaxe et selon des règles de morphologie, de phonétique, de lexicologie et de grammaticalité (de sens). Cet axe décrit des figures que l’on donne comme étant in praesentia (présentent linguistiquement). L’appel fait par ces opérations à l’univers symbolique et extra-linguistique est très faible, l’image est contenue dans la phrase.

Bacry résume la propriété de cet axe en partant du point de vue du producteur d'énoncé : « À chaque moment d'une phrase donnée le locuteur (...) opère un choix parmi tous les vocables qui peuvent s'accorder avec la syntaxe de [la] phrase »[14].

  • l’axe paradigmatique (figures in absentia) : matérialise des éléments ne faisant plus référence au discours mais à tout ce qu’il y a autour : univers énonciatif, contexte, sentiments partagés, symboles… Ici la figure établit des relations fortes entre des éléments présents dans le discours (mot, groupe de mots, phonèmes, morphèmes) et des éléments absents de celui-ci. Le récepteur doit donc se représenter cette référence manquante, qui lui demande de mettre en œuvre son univers mental et des connaissances partagées. Cet axe décrit des figures dites in abstentia, virtuelles, contextuelles. L’image est ici la plus forte possible alors que la contrainte morpho-syntaxique est relâchée. Les tropes représentent les figures opérant exclusivement sur cet axe.

Il existe des figures mixtes, opérant sur les deux axes, comme la métaphore ou la métonymie, qui ont un statut à part.

La figure de style opère sur différents niveaux du discours

De façon générale, le discours est un ensemble de mots qui peut être étudié sous divers points de vue. Il se compose d’un ensemble de niveaux linguistiques décomposables dans l’absolu, entretenant des relations morpho-syntaxiques (les règles de grammaire) et sémantiques (contexte) : le mot, le groupe de mots (syntagme), la phrase (ou proposition), le texte. Si ce découpage fait débat, il reste le plus admis. Les figures peuvent être définies, dans leurs mécanismes et leurs effets, selon le ou les niveau(x) où elles évoluent :

  • les figures du signifiant opéreraient sur le mot, le phonème ou le morphème, au niveau minimal donc ; c'tes le cas de la paronomase, de l’épenthèse, l’aphérèse, la syncope
  • les figures syntaxiques opéreraient sur les groupes de mots et syntagmes, au niveau dit « phrastique » (de la phrase) ; c’est le cas de l’épanorthose, du parallélisme, de l’ellipse
  • les figures sémantiques opéreraient sur le sens intra-linguistique (présent dans le texte), dans des relations d’images ; c’est le cas de l’oxymore, de l’hypallage et de la métonymie
  • les figures référentielles opéreraient sur le contexte extra-linguistique (hors le texte), dans des relations d’images également, souvent par décalage ; c'est le cas de l’ironie, de la litote

Ces quatre niveaux permettent, par croisement d’avec les deux axes précédents déterminant la nature des figures (présentes/absentes), d’obtenir un effet particulier, par un mécanisme particulier, signifiant un sens particulier : une figure de style. Une approche par la grammaire générative et combinatoire serait davantage technique ; il est ainsi inutile d'en faire référence ici, chaque figure faisant l’objet d’un cas particulier.

Les figures opèrent sur quatre signes linguistiques

Le calligramme est une figure de style transformant les graphèmes, en les disposant selon un dessin.

Les transformation des figures de style interviennent enfin sur quatre signes linguistiques :

nature du signe linguistique correspondance niveau d'opération
graphème lettres de l'alphabet, lettres étrangères, lettres inconnues axe syntagmatique seul
phonème accents, sons, syllabes, voyelles et consonnes, groupes vocaliques et consonantiques, pieds versifiés axe syntagmatique et phonétique
morphème mots, groupes de mots, particules et conjonctions, codes typographiques, ponctuation, étymologie axes paradigmatique et syntagmatique
sème connotation, polysémie, lexique, vocable, antonymie, synonymie, champs sémantiques axe paradigmatique seul

Néanmoins il s'agit ici mois d'un critère de définition-puisqu'on exclue de fait l'effet et l'intention- que d'une façon de les repérer ou de révéler à quel niveau du discours les figures de style interviennent.

Les tableaux disponibles au chapitre Typologie et classement (dans la boîte déroulante) classent « les figures de style les plus connues » selon qu'elles jouent sur le sens des mots, leur ordre dans la phrase, leur sonorité, la syntaxe de la phrase ou le rapport au discours, en se référant à ces trois critères.

Cette classification est surtout employée en pédagogie, pour l'enseignement didactique des figures de style les plus employées, notamment dans l'exercice du commentaire composé[15],[16].

Figures limites

En dehors de ce mode de classement existent des figures de style aux propriétés et à la nature inclassables. Souvent définies comme des procédés elles forment un ensemble quasi infini, combinant :

  • les spécificités d'écriture d'un auteur (son style) ;
  • des « contraintes » oulipiennes, du nom de l'Ouvroir de Littérature Potentielle, qui sont des figures sans effet et sans but, mais qui entrent dans le manifeste esthétique du mouvement (telles l'anagramme ou le lipogramme, entre autres). En soi, elles se suffisent en elles-mêmes, par le fait qu'elles permettent d'éprouver la souplesse du langage ;
  • langage et dessin : c'est le cas des calligrammes notamment ;
  • manipulation de la syntaxe : par déconstruction (écriture de Louis Ferdinand Céline par exemple), par Écriture automatique (le poème Bouée de Louis Aragon), hermétisme même (le poème de Mallarmé intitulé Hommage) ;
  • opération sur le signe graphique : modification de la typographie ("blanc typographique" spécifique au roman poétique), suppression de la ponctuation (esthétique de la poésie expérimentale moderne notamment ou du Nouveau Roman).

Classification de la linguistique moderne

Les typologies fournies par les travaux classiques se caractérisent par leur grande hétérogénéité. Des auteurs modernes explorent d'autres approches[17] et classent les figures selon le niveau discursif (intraphrastique/référentiel) où elles évoluent en distinguant :

  • les figures microstructurales isolables sur un élément précis du discours, souvent positionnées au niveau de la phrase.
  • les figures macrostructurales non-isolables sur un élément précis du discours, qui dépassent les limites de la phrase et dont l'interprétation dépend de la prise en compte du contexte[18].

La linguistique moderne utilisant l’analyse combinatoire du langage aboutit ainsi à un système cohérent qui permet une classification plus exhaustive des figures de style. Cette classification comporte deux axes :

  • un axe de transformation lui-même sous-divisé en « identique » et « non-identique », composé des différentes opérations possibles sur la phrase et les mots concernés par la figure ;
  • un axe dit de niveau qui correspond au sujet grammatical (« graphique », « phonique » ou « morpho-syntaxique ») ou sémantique, sur lequel porte l’opération de transformation. Les opérations aboutissant à des figures de style jouant sur les trois premiers niveaux redéfinissent la « forme » des mots et des objets grammaticaux : graphèmes (la graphie des mots, les lettres), phonèmes (les sons) et morpho-syntaxe (constitution des mots et leurs combinaisons) ; les opérations portant sur la sémantique (le sens) jouent elles sur le contenu et regroupent plus largement les tropes qui rassemblent les figures qui transforment le sens propre d’un mot en un sens figuré.

Le tableau présenté dans Liste des figures de style, inspiré du Dictionnaire des termes littéraires[19] permet de classer les figures au moyen d’un croisement des natures des transformations avec l’objet grammatical sur lequel porte l’opération. On aboutit donc à quinze cas correspondants aux anciennes et traditionnelles rubriques de figures (de pensée, d’opposition, de construction, d’insistance…) qui ne permettaient pas toutefois de saisir toute la diversité de la gamme. En effet des figures de style particulières peuvent apparaître dans plusieurs cases, d'autres peuvent légitimement ne pas être intégrées au tableau comme gnomisme ou maxime (néanmoins l'article les fait apparaître afin d'être le plus exhaustif possible) ; les articles sur chaque figure concernée préciseront cet aspect.

Des auteurs faisant référence dans le domaine proposent un classement qui leur est particulier. Quelques-uns seront ainsi décrits, parmi les plus notables, pour la distinction des figures d'une part, pour leur exhaustivité d'autre part.

Modes de classement originaux

Richard Arcand, dans Les figures de style. Allégorie, ellipse, hyperbole, métaphore... se distingue par sa prise de position originale dans le milieu littéraire. Il classe en effet les figures selon une double entrée : « des procédés aux figures » (classement qui part du mécanisme linguistique en œuvre et aboutit aux figures correspondantes) et des « effets aux figures »[20]. Il identifie ainsi systématiquement les effets de réception visés par les figures ; sa table d'orientation en guise d'annexe apporte une visibilité pédagogique remarquable à un discours qui devenait trop technique.

Pour Marc Bonhomme, il existe un degré d'ambiguïté inhérent à toute figure de style[21]. Auteur des Figures clés du discours, il considère que la portée stylistique de la figure ne peut se comprendre sans référence à l'acte d'énonciation discursif.

Historique

Antiquité

Platon par Raphaël

Platon est le premier à évoquer les figures de style à travers ses dialogues, notamment le Gorgias et le Phèdre. Platon s’intéresse alors à ce qui permet dans le discours de clarifier sa pensée (le logos) afin d’exprimer au mieux l’idée à communiquer dans une approche herméneutique ou maïeutique. Platon distingue deux arts rhétoriques, l’un sérieux l’autre sophistique ; la différence résidant dans le bon emploi des figures logiques et de l’effet recherché chez le récepteur (convaincre dans la véritable rhétorique, séduire dans le sophisme). Platon définit par là le cadre des figures de style de construction (argumentatives) ; de plus son recours constant à des images et analogies comme l’ allégorie de la caverne, les exemplifications, en font esthétiquement parlant un modèle d’utilisation stylistique, au-delà d’une simple utilisation argumentative de la rhétorikè teknikè (la technique rhétorique grecque).

Aristote par Raphaël

Aristote est le premier, dans sa Rhétorique, à étudier l’effet des figures de style sur les récepteurs, à travers les trois genres de persuasion sociale au moyen du langage, construit vers un effet soit logique, soit affectif. Son autre œuvre de renom, la Poétique qui a trait au genre théâtral et à la notion d’imitation (mimèsis en grec) continue la réflexion sur les effets illocutoires (effets de style que l’auteur cherche à créer chez son auditeur ou lecteur). Il définit par là les conditions d’un « langage relevé d’assaisonnements » agissant soit sur le rythme, soit sur la mélodie ou le chant. Aristote perçoit par là les figures de style majeures, celles que l’évidence relève car jouant sur la modulation des mots (rythme, mélodie et chant). Aristote va donc permettre à ses épigones — médiévaux notamment — de classer les figures de style au moyen de leurs effets recherchés.

Les orateurs romains définissent une nouvelle rhétorique afin de satisfaire aux conditions prescrites lors des prises de paroles publiques par le protocole latin. Reprenant Aristote, les romains vont rendre davantage pratique la rhétorique :

Buste de Cicéron

Cicéron — notamment dans son ouvrage fondateur De l’invention — divise un discours efficace en trois parties : narratio, confirmatio et peroratio. Chacune s’explique par la mise en œuvre de figures particulières liées à l’utilisation des arguments et des preuves. Deux niveaux d’effets sont envisagés : le pathos (jouer sur les sentiments de l’auditeur) et l’Èthos (l’orateur se présente sous une certaine apparence). De là découle une gamme de capacités détenues par l’orateur pour animer son discours, parmi lesquelles : l’elocutio qui correspond au choix des mots et à la mobilisation des figures de style. Pour Cicéron, donc, celles-ci deviennent un instrument conscient utilisé par l’émetteur, dans le but de provoquer un effet chez le récepteur. D’autres ouvrages de l’orateur romain poursuivent la réflexion autour des catégories du discours : Brutus ou Dialogue des orateurs illustres, Des orateurs parfaits et surtout les Topiques[22] qui s’attachent aux arguments et à leur mise en forme ; de là découleront les figures dites topiques, proches des images et des topoi (clichés, lieux communs…).

Dans la Rhétorique à Herennius, premier manuel de l'art de parler, Cicéron — à qui l'on attribue la paternité de l'œuvre, l'auteur étant anonyme — codifie la rhétorique et propose une méthode de constitution du discours, au moyen, notamment, de figures de rhétorique[23]. Il définit deux types de figures de style : les figures de mots et les figures de pensées que les romains nomment tropes (définition assez large évoquant le fait de « tourner » le mot d’une certaine façon, d’y imposer une image et une déformation donc). Il distingue une série de figures, qu’il nomme précisément, qui vont du portrait à la litote[24]. Certaines figures acquièrent le nom qu’elles garderont dans nos classifications modernes (hyperbole, personnification, comparaison…).

Quintilien dans son Institution oratoire nourrira les réflexions médiévales et de la Renaissance. Sa figure dite de l’Hexamètre mnémotechnique de Quintilien permet de cadrer l’utilisation d’effets et la pertinence d’arguments. Il définit deux types de figures :

  • une acceptation large, et alors la figure est une forme particulière du discours, ce qui correspond à l’étymologie même de la figura et de la trope ;
  • une acceptation étroite ou stricte qui permet à l’auteur de faire évoluer la poétique des figures de style.

En effet pour Quintilien, une figure induit un écart par rapport à une norme du discours, une transformation non conventionnelle. Il jette par là les bases du style et propose que la figure de style est un point de vue réfléchi et esthétique adopté par l’émetteur, une valeur ajoutée de sens en d’autres mots[10]. Ces écarts linguistiques qu’il nomme les « barbarismes » sont générateurs d’effets : « Quelques-uns ne considèrent pas comme solécismes ces trois vices de langage, et ils appellent l'addition, pléonasme ; le retranchement, ellipse ; l'inversion, anastrophe ; prétendant que, si ces figures sont des solécismes, on peut en dire autant de l'hyperbate » ; involontairement il définit des niveaux de transformations conduisant à un surcroît de sens.

Plus généralement, Quintilien passe en revue l’ensemble des figures connues à l’époque, héritées des grecs[25]. Quintilien distingue le langage pur — les mots propres, selon ses termes, — et les mots métaphoriques, qui en sont une transformation : « Les mots propres sont ceux qui conservent leur signification primitive ; les métaphoriques sont ceux qui reçoivent du lieu où ils sont placés un sens autre que celui qu'ils ont naturellement. Quant aux mots usités, ce sont ceux dont l'emploi est le plus sûr. Ce n'est pas sans quelque danger qu'on en crée de nouveaux ; car s'ils sont accueillis, ils ajoutent peu de mérite au discours ; et s'ils ne le sont pas, ils nous donnent même du ridicule ». Il pose par là la problématique qui se retrouvera tout au long de l’Histoire de la notion de figure de style : jusqu’à quel point peut-on déformer le langage ? Les figures populaires et orales, notamment, sont une catégorie à part, et difficile à intégrer aux figures historiques.

L’auteur historique Tacite, dans son Dialogue des orateurs, forme des figures de style liées à la description afin d’animer ses portraits d’empereurs romains (il crée l’hypotypose notamment). Il crée en quelque sorte le genre narratif usant d’images et annonciateur des romans.

Le Traité du Sublime, attribué au Pseudo-Longin est l’acte de naissance de la notion de style littéraire, perçu comme gratuit et esthétique mais nécessaire pour provoquer l’émotion. Longin aura une puissante influence sur le Classicisme, sur Boileau notamment, qui le traduit en français et commente son apport dans Réflexions critiques sur Longin (1694-1710). Ce dernier définit le sublime comme l’essence de l’art littéraire et poétique, qui doit être élevé afin de se démarquer du langage oral vulgaire et populaire : « le sublime ravit, transporte, produit une certaine admiration mêlée d'étonnement et de surprise... Quand le sublime vient à éclater, il renverse tout comme la foudre »[26]. Longtemps le style vrai et conventionnel sera assimilé au « sublime » (Racine, Malherbe…) et les images participent de manière importante dans la constitution d’un beau style afin d’évoquer les idées nobles (notamment religieuses).

Moyen Âge et Renaissance

La Renaissance est une période riche en traités rhétoriques. Peu à peu, les tropes et figures vont être l'objet d'une science naissante : la grammaire[27].

Les auteurs de La Pléiade usent de nouvelles figures de style comme la personnification ou l'anaphore comme dans ce poème tiré de Les Antiquités de Rome de Joachim Du Bellay


Nouveau venu, qui cherches Rome dans Rome
Et rien de Rome en Rome n’apperçois,
Ces vieux palais, ces vieux arcz que tu vois,
Et ces vieux murs, c’est ce que Rome on nomme.

Voy quel orgueil, quelle ruine : et comme
Celle qui mist le monde sous ses loix,
Pour donter tout, se donta quelquefois,
Et devint proye au temps, qui tout consomme.

Rome de Rome est le seul monument,
Et Rome Rome a vaincu seulement.
Le Tybre seul, qui vers la mer s’enfuit,
Reste de Rome. O mondaine inconstance !
Ce qui est ferme, est par le temps destruit,

Et ce qui fuit, au temps fait resistance

Les figures de sonorités purement poétiques comme l'assonnance, ou l'allitération, sont également très employées, suivant le principe d’enrichissement de la langue française, exalté par Joachim Du Bellay dans son traité Défense et illustration de la langue française (1549). À la même époque, en 1539, l’édit de Villers-Cotterêts impose l’utilisation de la langue française, langue nationale, pour tous les actes administratifs. La Pléiade préconise la formation d'une langue nationale, le français, dotée d'une souplesse et d'une richesse comparables à celles de la langue latine[28]. Dès lors les poètes autour de Du Bellay et de Pierre Ronsard ne cesseront d'enrichir la langue, parfois à l'excès, de mots nouveaux, néologismes et de nouvelles images, en rupture avec les clichés de l'époque. Bien plus, La Pléiade se fonde sur la notion d’inspiration, suivant les mots d'Horace, et prône l'innutrition, expression de leur invention qui désigne le fait d'assimiler les mots et les images des Anciens et de les adapter à la langue du poète ; une imitation créatrice en définitive. Néanmoins c'est bien le renouveau que cherchent les poètes, suivant l'expression de Du Bellay dans L’olive (1553) :

Je choisirai cent mille nouveautés
Dont je peindrai vos plus grandes beautés
Sur la plus belle idée.

Par ailleurs, Du Bellay, après en avoir fait la défense, veut « illustrer » la langue française. Celle-ci ne peut se produire que par l’ornementation, que Pierre Ronsard définit ainsi :

« Les ornant et enrichissant de Figures, Schèmes, Tropes, Métaphores, Phrases et périphrases eslongnées presque du tout, ou pour le moins séparées, de la prose triviale et vulgaire (car le style prosaïque est ennemy capital de l’éloquence poëtique), et les illustrant de comparaisons bien adaptées de descriptions florides, c’est-à-dire enrichies de passements, broderies, tapisseries et entrelacements de fleurs poëtiques, tant pour représenter la chose que pour l’ornement et splendeur des vers. »

Il pointe là directement l'importance des figures de style dans le renouvellement de la langue et dans la force de l'expression, dans sa clarté aussi. Les figures de style sont pour les auteurs de La Pléiade une source d'abondance, de copia. Du Bellay et Pierre Ronsard aiment à les comparer à un fleurissement ou à des épiceries : pour eux, les tropes relèvent la langue comme si le texte était un plat à déguster.

Pierre de La Ramée (dit Ramus) et ses disciples, Omer Talon et Antoine Fouquelin, fondent dès 1545 le groupe des grammairiens du Collège de Presles qui, jusqu'en 1562, publie des ouvrages d'étude rhétorique intitulés les Ciceronianus où ils proposent, entre autres, une typologie taxonomique des tropes et des procédés d'éloquence[29].

Antoine Fouquelin notamment dans sa Rhétorique française[30] (1555) est l'un des premiers en France à se tourner non plus vers la valeur des figures mais vers la nature des mécanismes figuraux ; on peut dire qu'avec Fouquelin, la rhétorique se veut scientifique et classificatrice[31]. Il distingue les « figures de sentence », de la « réticence » et de la « correction ». On a déjà avec Fouquelin, une tentation scientifique de nommer et classer les figures et tropes par leur mécanisme linguistique.

Période classique

La stricte codification des règles dramatiques et poétiques surtout, sous l’impulsion de théoriciens tels Nicolas Boileau ou François de Malherbe font amener une première classification des figures de style, dont le critère principal est qu’elles ne doivent pas obscurcir les idées de l’auteur mais au contraire exprimer avec davantage de clarté le message. Le registre doit toujours rester du domaine du sublime, fidèle aux prescriptions de Longin.

Le père Bernard Lamy évoque, lui, lors du débat sur l'ordre naturel des mots et son rapport à la logique formelle — dans son ouvrage La Rhétorique ou l'art de parler[32], — que les figures de style sont le langage particulier des passions. Au final, la force de l'impression qu'elles exercent sur l'auditeur tient à leur capacité de subvertir l'ordre naturel des mots dans la phrase. C'est le cas pour Lamy de l'antithèse, de l'hyperbate, de la suspension, au détriment de l'exposition claire des idées. Plus tard Fénelon, suivant Lamy, annoncera que la sècheresse de la prose française est due au fait que l'on respecte par trop l'ordre naturel des idées dans la proposition, et que l'on ostracise la figure de l'inversion, pourtant source de variété et d'éloquence ; le style provenant donc pour lui du non-respect de la linéarité du discours[33].

Parallèlement se développent les figures de style de pensée, avec Molière notamment, et plus largement la « méta-figure » de l’ironie.

Le courant marginal de la Préciosité inonde la littérature de nouvelles figures tendant au jeu de mot gratuit et inutile, dont quelques-unes cependant demeureront dans la culture (hyperbole, euphémisme…). L'Astrée d'Honoré d'Urfé et Clélie, histoire romaine de Madeleine de Scudéry en sont les expressions du genre.

L’antonomase est couramment employée par les moralistes comme La Bruyère, de même que les figures de l’animation et du portrait (ethopée, prosopopée…).

Jean de La Fontaine excelle quant à lui à employer les figures de construction qui apportent de la souplesse à ses Fables (accumulation, gradation…) et celles de pensée apportant de l’analogie et de l’image (apologue, gnomisme).

Le développement du genre argumentatif — avec les genres du sermon et du pamphlet — conduit les auteurs à mettre au jour une gamme variée de figures opérant sur le niveau syntaxique (hypallage, prétérition).

Le développement social du roman apporte finalement nombre de figures de contraste (oxymore, antithèse) et d’analogie, avec notamment Marguerite de Navarre et son Heptaméron, Charles Sorel et son Francion, Madame de La Fayette, enfin, avec La Princesse de Clèves, premier roman du genre.

XVIIIe et XIXe siècles

César Chesneau Dumarsais dans son Traité des Tropes (1730), son œuvre principale, expose d’abord ce qui constitue le style figuré, et montre combien ce style est ordinaire, et dans les écrits et dans la conversation ; il détaille l’usage des tropes dans le discours, en appuyant ses observations d’exemples. Il définit le trope (notion non encore différenciée de celle de figure de style) comme « des figures par lesquelles on fait prendre à un mot une signification qui n'est pas précisément la signification propre de ce mot »[34]. Néanmoins, Dumarsais demeure sur l'aspect sémantique et n'entrevoit jamais, ou rarement, le mécanisme linguistique à l'œuvre dans la figure de style, et de ce fait il omet nombre de celles-ci.

Pierre Fontanier (1768-1844), éditeur du célèbre Commentaire des tropes de Du Marsais est le premier théoricien des figures de style, au travers de deux ouvrages de référence. En 1821 il publie le Manuel classique pour l'étude des tropes, qui fut adopté comme manuel dans l'enseignement public (pour la classe dite à l'époque de rhétorique). Puis en 1827, dans Les figures du discours, il s’attache le premier à en proposer une classification scientifique et y distingue sept classes. Il réduit les tropes à trois figures exemplaires : la métonymie, la synecdoque et la métaphore ; mais son intérêt réside surtout dans le fait qu'il a su proposer des définitions précises pour les figures recensées (il regroupe ainsi 82 figures). Son système de classification est le premier à être systématique et fondé sur des opérations logiques comme la cause, la conséquence, le contenant, la possession etc. Le sommaire de son ouvrage est éloquent[35]. Fontanier a ainsi pu décrire une véritable théorie des tropes — sans être pour autant exhaustif dans leur énumération, — qui a beaucoup contribué aux classifications modernes, notamment des structuraliste comme Gérard Genette.

Thomas De Quincey, essayiste anglais, publie dans son Essai sur la rhétorique, le langage, le style (somme d'essais publiés de 1828 à 1851) une théorie moderne et référencée des figures du langage. Pour lui, le style est « l'incarnation de la pensée », et sa pensée tend alors nettement vers la philosophie phénoménologique naissante, à l'aulne de l'empirisme. Néanmoins De Quincey ne propose pas à proprement parler de système de classification, mais il ouvre le monde des figures de style, par celles alors considérées des tropes, à l'étude des actes de pensée dont dérive le style :

« Il arrive parfois que les images ne soient ni le simple vêtement étranger d'une pensée, ni de nature à être détachées de la pensée, mais qu'elles soient le coefficient qui construit absolument la pensée, parce qu'il s'ajoute à quelque chose d'autre en donnant à cette pensée une existence tierce et distincte »

La figure est pour lui « un intellect en mouvement ». Nettement organiciste de l'art d'écrire, de Quincey considère les figures de style comme évoquant et donnant accès à la junctura (terme provenant d'Horace désignant le rapport entre les phrases) des auteurs, à leurs esprits particuliers, leurs visions du cosmos en somme. Déjà proche des structuralistes et de Paul Ricoeur, il invente de nouveaux concepts pour des tropes qui préfigurent les recherches modernes, à partir du postulat que c'est leur arrangement et disposition dans la phrase qui conditionne leurs fonctions et motivent leurs effets rhétoriques. Ainsi il parle de « processus textile », donnant naissance à la métaphore du texte comme tissu architectonique.

XXe siècle

À côté des auteurs et poètes qui se saisissent naturellement de la potentialité du langage à découvrir de nouvelles tournures de pensée ou de transformation linguistique, le XXe siècle voit apparaître différents courants spécialisés qui, au confluence des nouvelles théories sociologiques, psychanalytiques et linguistiques vont réinterpréter le mécanisme de formation des figures, hors vision esthétique.

Le surréalisme est le mouvement poétique moderne fondateur d’une réinterprétation des figures de style. Basé sur l’axiome selon lequel la langue est à réinventer, les surréalistes vont employer systématiquement les analogies et tropes, coupés de toute référence sémantique conventionnelle.

Les jeux sur les sonorités ou les graphies vont leur permettre de constituer de nouveaux genres de textes qui seront repris par le second mouvement novateur en la matière : l’Oulipo. Laboratoire d’expérimentation linguistique, les auteurs de l’Oulipo vont créer de toutes pièces une nouvelle gamme de figures sur la base du concept de la contrainte comme la méthode S plus n (à partir de la « méthode S + 7 » mise au point par Jean Lescure dès 1961), la littérature combinatoire — qui permit à Raymond Queneau d'écrire Cent Mille Milliards de Poèmes, — mais aussi des poèmes booléens basés sur la théorie des ensembles. Les auteurs oulipiens forment ainsi une classe nouvelle de figures graphiques (lipogramme, anagramme) ou morpho-syntaxique (palindrome), revisitant des techniques anciennes souvent ignorées par la littérature conventionnelle, aboutissant à générer de nouveaux types de textes voire même de nouveaux genres[36].

Leur ouvrage La littérature potentielle propose une liste de nouvelles figures et de contraintes oulipiennes qui dévoilent la plasticité des figures de style.

Figures de style et linguistique

Roman Jakobson, créateur des fonctions du langage et du schéma communicationnel, voit dans les figures de style la fonction poétique et référentielle de la langue. Il distingue également deux pôles : le pôle métaphorique et le pôle métonymique, dominant toute la structure du langage et permettant respectivement d'opérer des sélection et des combinaisons. Cette double notion lui a permis d'aboutir aux axes du syntagme et du paradigme.

Michel Meyer dans Histoire de la Rhétorique des Grecs à nos jours (1999) porte une réflexion philosophique sur le mécanisme des figures de style. Il explore également l'argumentation, fondement de la rhétorique.

De la même manière, Paul Ricoeur dans La Métaphore vive (1975) analyse le processus de création cognitive aboutissant à la métaphore, qui représente le prototype de toutes les autres figures, la transformation originelle. Ricoeur est à l'origine d'une nouvelle conception, plus universelle, de la métaphore, davantage trans-disciplinaire, comme processus cognitif n'aboutissant pas qu'à un simple phénomène linguistique de transport de sens, mais lié notamment à l'imagination ou à la mémoire.

Le Groupe Mu en 1970

Le Groupe µ a fourni, dans les années 1970, une typologie raisonnée de toutes les figures rhétoriques, rassemblée dans l'ouvrage Rhétorique générale. Le groupe — appelé également « l'école de Liège » et composé des linguistes Jacques Dubois, Francis Édeline, Jean-Marie Klinkenberg, Philippe Minguet, F. Pire, Hadelin Trinon — vise une approche trans-disciplinaire ; ils sont ainsi les premiers à théoriser les figures de style comme des procédés traduisibles dans tous les Arts avec la notion de sémiotique visuelle.

Pour ces auteurs, les figures de style sont des métaboles, notions génériques permettant de regrouper sous une même nature toutes les figures existantes ; le terme de métabole désignant « toute espèce de changement soit dans les mots, soit dans les phrases ».

Leur typologie est fondée :

  • (a) sur les types d'opération logique à l’œuvre dans la transformation rhétorique (adjonction, suppression, substitution, permutation) ;
  • (b) sur les objets langagiers relevant des quatre domaines auxquels ces opérations s'appliquent et qui viennent d'être décrits.

Ces auteurs ont forgé de nouveaux concepts pour regrouper les figures, déterminant les quatre types d'opérations linguistiques possibles :

  • Métaplasme : modification phonétique ou morphologique d'un mot qui altère son intégrité par addition, suppression, substitution ou permutation ;
  • Métataxe : modification syntaxique d'un énoncé qui altère son intégrité par addition, suppression, substitution ou permutation ;
  • Métalogisme : modification sémantique d'un énoncé qui altère sa cohérence interne ou sa valeur référentielle par addition, suppression, ou substitution.

Structuralisme

Le structuralisme, avec Roland Barthes, conduit à formaliser une poétique (réflexion construite sur la création littéraire) centrée sur le contexte. Des figures de style créées par néologisme apparaissent, perçues comme des articulations du discours mettant en œuvre, dans un cadre énonciatif, la subjectivité de l’auteur. Gérard Genette travaille dans ses Figures (3 volumes) à étudier l’assemblage de figures en grands ensembles textuels aboutissant à isoler des grandes tendances de genres. L'apport de Barthes réside principalement dans une classification retenant comme critère unique une double transformation. Il distingue deux grandes familles de figures : les métaboles (substitution d'un signifiant à un autre comme les jeux de mots, métaphores et métonymies) et les parataxes (modifications des rapports existant entre les signes comme les anaphores, ellipses et anacoluthes). Ce classement aboutit à la constitution de deux axes : paradigmatique et syntagmatique qui sont dorénavant reconnus comme d'autorité en la matière.

Plus globalement, Barthes réalise une définition linguistique de la figure de style : « La figure de rhétorique étant définie comme une opération qui, partant d'une proposition simple, modifie certains éléments de cette proposition »[37]. Cette vision de la figure de style est donc largement mécaniste et structuraliste, la transformation se faisant selon deux dimensions : la nature de la relation (jouant sur le contenu, le signifié) et la nature de l'opération (jouant sur la forme, sur le signifiant). De là, Barthes décrit deux plans nécessaires à l'effet de style :

  • les opérations rhétoriques englobant les figures de diction et les figures de construction provenant de l'ancienne rhétorique, mais mettant en œuvre quatre transformations fondamentales qui sont : l’adjonction, la suppression, la substitution et l’échange.
  • les relations : d’identité, de différence, de similarité et d’opposition. Ce plan se fonde, au niveau le plus élémentaire, sur la notion de sème (voir les apports de Algirdas Julien Greimas).

La portée de l'apport de Barthes et des structuralistes en général réside dans leur volonté de réduire les faits de langue à des mécanismes primordiaux, en lien avec les théories sexuelles de Sigmund Freud. La nature des relations notamment (identité/différence) s'entend par exemple pour Barthes au niveau du complexe d'Oedipe et explique l'effet sur le récepteur. Néanmoins on peut reprocher en ce sens le relativisme de Barthes, le psychologisme de sa vision d'un phénomène qui appartient au final au domaine esthétique et à l'acte créatif.

Recherches modernes

Henri Morier, professeur d’Histoire de la Langue française à l'Université de Genève, fondateur du Centre de Poétique, réalise avec son Dictionnaire de poétique et de rhétorique, un ouvrage majeur depuis Pierre Fontanier. Son ambition est de réinventer la rhétorique, dans une dimension davantage technique, éclairée par les découvertes et les avancées linguistiques modernes. Il exhume notamment des figures disparues et tente de définir chaque procédé.

Georges Molinié, dans son Dictionnaire de rhétorique, élabore lui une méthodologie semblable selon une herméneutique spécifique. Il est à l'origine de la distinction des figures entre celles étant microstructurales (comme dans « Ce matin, dans le métro, un mammouth était assis à côté de moi ») et celles étant macrostructurales (« Cette fille est vraiment très belle »).

Olivier Reboul s'essaye lui à une Introduction à la rhétorique, ouvrage universitaire majeur. Il y cherche, après avoir exposé plusieurs siècle de rhétorique et de codification du discours, à réconcilier l'argumentation héritée d'Aristote — qui cherche à persuader, — et celle des figures de style, qui forme le style[38]. Reboul propose de revoir la définition des figures de rhétorique seules (ce qui n'inclut pas toutes les figures). Il définit celles-ci comme « Un procédé de style permettant de s'exprimer d'une façon à la fois libre et codifiée » ; il précise « libre » car le locuteur n'est pas tenu d'y recourir pour communiquer et « codifiée » car chaque figure constitue une « structure connue, repérable, transmissible », et toujours liée au pathos.

Chaïm Perelman et Lucie Olbrechts-Tyteca, dans Traité d'argumentation rappellent la valeur argumentative de la figure, conformément à la théorie d'Aristote (Rhétorique) ; la figure devient une composante fondamentale (et non plus un « ornement » facultatif) de l'acte d'énonciation, intégrant même une portée trans-phrastique (au-delà de la phrase). Ils posent par ailleurs que toute figure de rhétorique est un condensé d'argument : par exemple, la métaphore condense l'analogie.

Figures de style et structures mentales

Titien : allégorie du temps

Avec l'avènement des sciences du langage, la psychologie et la sociologie vont examiner les conditions de production des figures de style, ainsi que l'étiologie correspondant à leur usage — particularité de certains « états-limites » en psychiatrie (ou borderline), voire plus généralement des personnes présentant des troubles de la personnalité.

Si l'approche est multidimensionnelle on peut néanmoins repérer des constantes, et en premier lieu le postulat scientifique selon lequel la figure de style, dans une situation de communication, renseigne sur l'état psychique concerné. Dans la continuité de Lacan et de Piaget, entre autres, du cognitivisme également, ces recherches véhiculent l'idée que l'appareil psychique est avant tout langage, et n'est compréhensible en soi que par ce medium. La lecture de l'article métaphore apporte un prolongement à la compréhension de la dimension scientifique du trope. Cette partie présentera les différentes pistes et théories afférentes à ce postulat, et prenant en compte la dimension psychologie de la figure de style (réduite pour cette partie à la notion plus acceptée par ces disciplines à celle de trope) :

  • pour la neurophysiologie, après les recherches de Paul Broca sur les aphasies, l'usage des tropes révèle l'intensité du trouble langagier. Ainsi le célèbre linguiste Roman Jakobson, fondateur du schéma communicationnel, reprend les travaux de Broca (1861) et développe par là la théorie de deux axes (paradigmatique/syntagmatique) dans une perspective pragmatique[39]. On a là, épistémologiquement, les premiers fondements d'un pont jeté entre la sémiotique d'une part et la neurologie d'autre part. Broca identifie une série de symptômes purement langagiers confiant à des figures de style comme la logorrhée, le jargon ou le stéréotype (répétition) qui renseignent sur les mécanismes de compréhension sémantique.
  • la psychologie clinique également a toujours pris en considération l'importance des tropes et de leurs modalités (débit, rythme, sonorités, kinésie...) dans la compréhension des phénomènes psychopathologiques comme l'hystérie et surtout la schizophrénie. Eugen Bleuler notamment, spécialiste de la schizophrénie, distingue les étiologies par un ensemble de troubles et symptômes langagiers. Le schizophrène, en effet, use de tropes spécifiques tes l'analogie ou le néologisme, qui renseignent son rapport au sens (schizoïdie). Carl Gustav Jung également, continuateur de ces travaux, montre l'importance de les relier à l'inconscient pour cerner le sens imagé produit. Ses recherches sur la langue des oiseaux montrent que pour l'inconscient le sens existe, et que l'image est la forme privilégiée de compensation avec le conscient.

Des linguistes comme Olivier Reboul émettent l'hypothèse que l'emploi de figures de style relève du jeu et du plaisir, proche d'une régression de l'artiste vers un état antérieur, voire enfantin[40].

  • la neurologie moderne, grâce à l'imagerie par résonance magnétique et aux expériences de simulation, montrent que l'image est propre au mental. Les tests des professeurs Horace Magoun et Giuseppe Moruzzi prouvent que stimuler le tronc cérébral produit des images archétypiques et allégoriques, proches de l'état paradoxale du rêve. Des découvertes récentes s'intéressent au circuit neuronal de l'imagination et du langage. La métaphore est précisément au cœur de ces recherches[41], [note 2]. On comprend dès lors l'importance du contexte (Keysar: 1989) dans la construction du sens, ainsi que la relation multidimensionnelle entre langage, sémantique et mémoire. La neurologie montre enfin que le mot, le syntagme et le phonème sont psychologiquement fondés a priori.
  • la psycho-sociolinguistique prouve, par son intégrité épistémologique même, l'importance pour la science de fusionner linguistique (modalités d'utilisation des tropes) et psychosociologie (modalités communicationnelles). Le groupe renseigne dès lors sur l'usage des tropes et des distorsions qui en sont la fondation linguistique. Les figures populaires s'expliquent dès lors par des moyens économiques de communiquer, ainsi que par des solutions préservant les communautés ou réseaux sociaux.

Les figures de style en dehors du langage articulé

La publicité

La publicité notamment a recours aux figures et aux trope (hyperbole publicitaire, allégorie, …) pour imager le message. La rhétorique publicitaire appartient, selon Roland Barthes, à un domaine plus vaste : celui de la rhétorique de l'image, fixe (affiches) comme animée (clips publicitaires). Barthes fonde dans les années 1960, sous l'impulsion du structuralisme, la rhétorique de l'image[42] , et y transfère les outils d'analyse du texte. Il montre que, comme dans le texte, il y a en jeu dans l'image publicitaire deux niveaux de lecture, typiques du champ stylistique : la connotation et la dénotation. Il prouve donc que, avant d'avoir une fonction dite iconique, la publicité a une fonction avant tout symbolique, saisissable dans un univers linguistique.

Publicité pour Citroën : hyperbole

Barthes montre que certaines figures de style sont à la base du langage publicitaire, et parmi elles surtout l'asyndète et la métonymie : « Il est en effet probable que parmi les métaboles (ou figures de substitution d'un signifiant à un autre, c'est la métonymie qui fournit à l'image le plus grand nombre de ses connotateurs ; et parmi les parataxes (ou figures du syntagme), c'est l'asyndète qui domine ». Barthes applique en effet les axes paradigmatique et syntagmatique à l'étude de l'image.

Dans la lignée de Barthes, Jacques Durand montre que les effets recherchés font appel aux mêmes représentations et aux mêmes processus cognitifs qu'en littérature. Dans Les formes de la communication (1981), il montre que la publicité est une « nouvelle rhétorique », sa continuité historique et sociale. Durand, reprenant les études sémiotiques, élabore un tableau de classement identifiant les principales figures de style constitutives du pouvoir de persuasion de la publicité[43] . Il recense quatre mécanismes primordiaux : identité, similarité, opposition et différence (qu'il expose dans son article paru dans la revue Communications[37]).

Enfin, en pédagogie, pour plus de proximité culturelle avec l'élève, le matériel publicitaire permet une approche didactique pertinente à l'école qui conjugue lecture critique de l'image et apprentissage des grands processus de transformation de la langue, par le biais des figures de style, deux axes constitutifs des référentiels pédagogiques[44].

Le cinéma

Le cinéma également transpose sur le plan visuel des mécanismes discursifs hérités des figures de style — c'est même l'art où celles-ci sont le plus aisément transposables — et notamment la métonymie (par exemple : gros plan sur les sabots d'un cheval, élément désignant par relation de la partie au tout l'ensemble de l'animal sans le suggérer davantage), l’oxymore ou encore la digression, qui est utilisée pour les mêmes raisons que dans le roman.

Le Groupe µ a notamment permis la compréhension des opérations cognitives à l'origine des figures de style comme étant des objets mentaux traduisibles dans le registre de l'icône. Ils élaborent alors une sémiotique de l'image dont le Traité du signe visuel. Pour une rhétorique de l'image est l'ouvrage fondateur.

En peinture

Les autres arts visuels utilisent des figures davantage tropiques, comme par exemple la métaphore dans le mouvement surréaliste (les tableaux de René Magritte sont parmi les plus explicites). L’allégorie est sans conteste la figure la plus utilisée en peinture. Nombres d'œuvres représentent de véritables tableaux où le peintre cherche à animer la scène (hypotypose).

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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Recensement et classement des figures de style

Histoire des figures de style

Glossaires et lexiques des figures de style

Q.C.M sur les figures de style

Bibliographie

Traités et ouvrages historiques

Généralités sur les figures de style

  • (fr) Patrick Bacry, Les figures de style : et autres procédés stylistiques, Belin, coll. « Collection Sujets », Paris, 1992, 335 p. (ISBN 2-7011-1393-8 (br.)) 
  • (fr) Paul Ricoeur, La métaphore vive, Seuil, coll. « Points Essais », 1997, 411 p. (ISBN 2020314703) 
  • (fr) Roman Jakobson, Éléments de linguistique générale (tome 1 et 2), Éditions de Minuit, coll. « Collection Double », 1981 (ISBN 2707305790) 
  • (fr) Groupe µ, Rhétorique générale, Paris: Larousse (Rééd.: Paris : Le Seuil), coll. « Points Essais n°146 », 1970, 256 p. (ISBN 2020063212) 
  • (fr) Michel Meyer, Principia rhetorica. Une théorie générale de l'argumentation, Fayard, coll. « Ouverture », 2008 (ISBN 978-2-213-63696-2) 
  • (fr) Chaïm Perelman et Lucie Olbrechts-Tyteca, Traité de l'argumentation. La nouvelle rhétorique, Éditions de l'Université de Bruxelles, coll. « UBlire Fondamentaux », Paris, 2008 (ISBN 978-2-8004-1398-3) 
  • (fr) Georges Molinié et Michèle Aquien, Dictionnaire de rhétorique et de poétique, LGF - Livre de Poche, coll. « Encyclopédies d'aujourd'hui », Paris, 1996, 350 p. (ISBN 262531-3017-6) 
  • (fr) Marc Bonhomme, Les figures clés du discours, Seuil, coll. « Mémo Lettres », Paris, 1998, 96 p. (ISBN 2020316145) 
  • (fr) Marc Fumaroli, Histoire de la rhétorique dans l'Europe moderne: 1450-1950, Presses Universitaires de France, 1999 (ISBN 978-2130495260) 
  • (fr) Catherine Fromilhague, Les figures de style, Armand Colin, coll. « 128 Lettres », Paris, 2007 (ISBN 978-2-2003-5236-3) 
  • (fr) Henri Suhamy, Les figures de style, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? n° 0768 », Paris, 2004 (ISBN 2-13-054551-3) 
  • (fr) Jean-Jacques Robrieux, Les figures de style et de rhétorique, Dunod, coll. « Les topos », Paris, 2004 (ISBN 2-10-003560-6) 
  • (fr) Patrick Bacry, Les figures de style : et autres procédés stylistiques, Armand Colin, coll. « Collection Sujets », Paris, 1992 (ISBN 2-7011-1393-8) 
  • (fr) Richard Arcand, Les figures de style. Allégorie, ellipse, hyperbole, métaphore..., Les Éditions de l'Homme, Québec, 2004 (ISBN 2-7619-1935-1) 
  • (fr) Van Gorp, Dirk Delabastita, Georges Legros, Rainier Grutman , et alii, Dictionnaire des termes littéraires, Honoré Champion, Hendrik, 2005, 533 p. (ISBN 978-2745313256) 
  • (fr) Bernard Dupriez, Gradus,les procédés littéraires, 10, coll. « Domaine français », Paris, 2003, 540 p. (ISBN 2264037091) 
  • (fr) Henri Morier, Dictionnaire de poétique et de rhétorique, Presses Universitaires de France, coll. « Grands Dictionnaires », Paris, 1998 (ISBN 2130493106) 

Autres

  • Georges Perec, Quel petit vélo à guidon chromé au fond de la cour ?.
    illustre ces figures en les utilisant toutes dans ce roman
     
  • Denis Diderot, article Trope, 1765 
  • Gérard Genette, Figures I, Seuil, Paris, 1966 (ISBN 2-02-004417-X) 
  • Gérard Genette, Figures II, Seuil, Paris, 1969 (ISBN 2-02-005323-3) 
  • Gérard Genette, Figures III, Seuil, Paris, 1972 (ISBN 2-02-002039-4) 
  • Groupe µ, Traité du signe visuel. Pour une rhétorique de l'image, Seuil, coll. « La couleur des idées », Paris, 1992 (ISBN 202012985X) 
  • George Lakoff et Mark Johnson, Les Métaphores dans la vie quotidienne, Minuit, Paris, 1985 
  • Marc Bonhomme, Linguistique de la métonymie, Peter Lang] année=1987 
  • Jacques Durand, Les formes de la communication, Dunod, Paris, 1981 
  • Jacques Gerstenkorn, La métaphore au cinéma : les figures d'analogie dans les films de fiction, Méridiens Klincksieck, Paris, 1995 (ISBN 2-86563-323-3 (br.)) 

Références

  1. Gaffiot de 1934. Définition consultable en ligne sur le site DicFro
  2. in Discours sur le style, prononcé par M. de Buffon à l'Académie française le 25 août 1753
  3. Suhamy, Henri, Les figures de style, page 2
  4. Éléments de rhétorique, page 122
  5. Michel Pougesoise, Dictionnaire de rhétorique, Armand Colin, Paris, 2001, 16x24 cm, 228 p. (ISBN 9782200252397), p. 132.
  6. voir dans la bibliographie les ouvrages d'Olivier Reboul, Georges Molinié et Patrick Bacry
  7. sommaire de Les figures de style
  8. Figure de style sur Lettres.org. Mis en ligne le 19 février 2007, consulté le 23 septembre 2008
  9. Adapté de L’analyse littéraire, document produit par Denise BESSETTE et Luc LECOMPTE, Cégep de Lévis-Lauzon., « Histoire de la littérature française - Les figures de style ». Consulté le 23 septembre 2008
  10. a  et b Laurent Jenny, « Méthodes et problèmes - Les figures de rhétorique », 2003. Consulté le 23 septembre 2008
  11. Figures micro et macro structurales in Glossaire des figures de rhétorique sur Espace Français. Consulté le 30 janvier 2009
  12. Eléments de linguistique générale Editions de Minuit, Collection Double, 1981, [ISBN 2707305790]
  13. Les axes linguistiques: explication sur CNRS-LIMSI. Consulté le 30 janvier 2009
  14. Les figures de style, pages 47-48
  15. [pdf]Les figures de style : les figures de base étudiées dans les collèges et lycées (PDF) sur Ebook en herbe. Consulté le 30 janvier 2009
  16. Pour les fiches détaillées et thématiques concernant l'enseignement de la stylistique : Lexique littéraire, genres, chronologies, rhétorique, figures de style sur Le Point du FLE. Consulté le 30 janvier 2009
  17. Michèle Tillard, « Tableau récapitulatif des figures de style ». Consulté le 23 septembre 2008
  18. Figures micro- et macro- structurales : définitions dans Les figures de style et de rhétorique sur REJ-Poésie. Consulté le 30 janvier 2009
  19. Tropes et figures par fonction. Consulté le 23 septembre 2008
  20. Index de Les figures de style. Allégorie, ellipse, hyperbole, métaphore...
  21. [pdf]Marc Bonhomme, « De l'ambiguïté figurale (PDF) » sur Annales littéraires de l'université de Franche-Comté, 2002, Presses Universitaires de Franche-Comté. Consulté le 30 janvier 2009
  22. Les topiques de M.T. Cicéron, adressés à C. Trébatius. Consulté le 24 septembre 2008
  23. Henri Bornecque (traducteur), « Les techniques de la rhétorique - Rhétorique à Herennius », 1932. Consulté le 24 septembre 2008
  24. Carine DUTEIL-MOUGEL, « Introduction à la rhétorique - Figures de pensée (Rhétorique à Hérennius) » sur Texto, septembre 2005. Consulté le 24 septembre 2008
  25. Quintilien, « Quintilien et Pline le Jeune. Œuvres complètes avec la traduction en français - L'Institution Oratoire » sur Texte intégral, 1842, Collection Nisard, p. 1 à 48. Mis en ligne le 27 juillet 2003, consulté le 24 septembre 2008
  26. Vianella GUYOT, « Tacite, sous le masque de l'histoire, la rhétorique ». Mis en ligne le 8 février 2005, consulté le 24 septembre 2008
  27. Rhétorique et poétique au XVIe siècle en France, sur books.google.fr
  28. La Pléiade et le renouvellement de la poésie
  29. Thèse : La théorie et la taxonomie des tropes dans les ouvrages rhétoriques du Collège de Presle
  30. Antoine Fouquelin, « La Rhetorique Françoise - Métonimie » sur UQAR, 1555. Consulté le 30 janvier 2009
  31. La rhétorique en procès : entre historicité et transcendance
  32. Paris, 1675
  33. Fénelon, Réflexions sur la grammaire, la rhétorique, la poétique et l'histoire, in Lettre à l'Académie, Paris, 1716
  34. Des Tropes ou Des diferens sens dans lesquels on peut prendre un même mot dans une même langue
  35. Les figures du discours de Pierre Fontanier
  36. Définition du palindrome sur le site Oulipo
  37. a  et b Jacques Durand, « Rhétorique et image publicitaire », Communications, n°15, p. 70-95. Consulté le 23 septembre 2008
  38. page 9 Limites du langage par Aline Mura-Brunel, Karl Cogard, Université de Pau et des pays de l'Adour, Centre de poétiques et d'histoire littéraire
  39. (en) Jakobson, Roman (1956a). The Metaphoric and Metonymic Poles. Fundamentals of Language, éd. par Roman Jakobson & Morris Halle, 76-82. Gravenhage: Mouton & Co.
  40. Introduction à la rhétorique, page 125
  41. [pdf] Véronique Rey, « Cerveau et métaphore ». Consulté le 23 septembre 2008
  42. [pdf] Roland Barthes, « Rhétorique de l'image », 1964. Consulté le 23 septembre 2008
  43. Stéphanie Dansereau, « La rhétorique visuelle: l'art de la parole feinte ». Mis en ligne le 28 novembre 2001, consulté le 23 septembre
  44. [pdf] Rûta Elþbieta Katalynaitë, « La publicité en tant que matériel pédagogique dans l'enseignement du français ». Consulté le 23 septembre 2008

Notes

  1. « La métaphore, la métonymie ou la synecdoque, pour ne considérer ici que les trois autres tropes majeurs, n’ont jamais constitué le noyau d’un débat comparable à celui qui depuis l’époque antique entoure l’ironie et dont les polémiques actuelles ne sont que les manifestations les plus récentes. » in Pierre Schoentjes, « Ironie et nostalgie, Hégémonie de l'ironie ? » sur Fabula, 2008, Université de Gand. Consulté le 30 janvier 2009
  2. voir aussi l'article Métaphore pour plus de détails sur les expériences menées dans ce domaine.
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