- Ironique
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Ironie
L’ironie est une figure de style qui consiste à dire l’inverse de ce que l’on pense, tout en s'efforçant de laisser entendre la distance qui existe entre ce que l’on dit et ce que l’on pense réellement.
En littérature, l’ironie est l’art de persuader quelqu’un ou quelque chose en vue de faire réagir un lecteur, un auditeur ou un interlocuteur, de faire rire. Elle est en outre utilisée dans l’objectif de dénoncer, de critiquer quelque chose ou quelqu’un. Pour cela, le locuteur décrit souvent la réalité avec des termes apparemment valorisants, dans le but de la dévaloriser. L’ironie invite donc le lecteur ou l’auditeur à être passif pendant sa lecture ou son audition, à réfléchir et à choisir une position.
Sommaire
Étymologie
Ironie est à l'origine un concept de rhétorique qui provient du grec εἰρωνεία (eironeia), qui signifie ignorance feinte (une technique souvent employée par le philosophe Grec Socrate), de είρων (eiron), celui qui pose une question en se prétendant crédule (une question rhétorique), et du verbe είρειν signifiant « parler ». Ce verbe είρειν (eirein) est lui-même probablement issu de la racine indo-européenne *wer- 'dire .
Les figures d'ironie
L’ironie verbale est ainsi souvent employée dans des textes et discours argumentatifs et critiques. L’auteur utilise alors différents procédés de style :
- l’antiphrase : dire le contraire de ce que l’on pense, en le montrant d’une manière évidente. (ex : « Ah ! Tu es propre ! Regarde toutes ces taches ! »)
- l’hyperbole : exagérer ses propos. (ex : « Il est grand, gigantesque. »)
- la litote : dire peu pour suggérer beaucoup, fausse atténuation. (« Va, je ne te hais point » = je t’aime)
- la parodie : imitation pour se moquer.
- le pastiche : imitation d’une personne, d’un style, d’une profession, etc. pour se moquer.
L’ironie se caractérise aussi par la typographie, la ponctuation (points d’exclamation récurrents, questions rhétoriques, points de suspension, parenthèses, guillemets...), l’intonation... Un signe typographique, le point d'ironie, existe pour indiquer que la phrase qui précède est ironique, mais n’a jamais été vraiment utilisé.
La circonlocution
La circonlocution désigne étymologiquement le fait de « tourner autour » d'une idée ou d'un argument. Souvent entendue comme synonyme de périphrase dont elle partage l'effet, elle consiste à utiliser des mots polis ou à établir des digressions, pour atténuer une mauvaise nouvelle ou un désagrément. S'appuyant toujours sur des formules figées comme les "Nous avons le regret..." des lettres de rejet d'une demande d'emploi, elle est très proche de l'euphémisme.
Trop utilisée en littérature, elle peut conduire à obscurcir le propos et ainsi former un amphigouri.
L'astéisme
Étymologiquement, l'astéisme désigne l' urbanité (du grec astu : « la ville »). Signifiant la politesse raffinée, apanage des élites urbaines sous l'Antiquité, elle s'oppose au langage vulgaire et prosaïque des campagnes, l'astéisme, terme tombé depuis en désuétude, définit un "éloge déguisé", sorte d'ironie mondaine. En effet, pour Le Clerc, elle consiste à déguiser la louange sous le voile d'un blâme :
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« Quoi! encore un nouveau chef-d'œuvre! N'était-ce pas assez de ceux que vous avez déjà publiés? Vous voulez donc désespérer tout à fait vos rivaux? »
Figure d'ironie qui consiste à travestir la louange ou la flatterie sous l'apparence du blâme ou du reproche, l'astéisme est souvent considéré comme un faux dénigrement, a contrario du diasyrme qui lui consiste en un faux éloge. Comme toute figure d'ironie, la compréhension de la figure de l'astéisme ne peut se faire qu'en accédant au contexte; de même elle suppose une certaine connivence entre le locuteur et son interlocuteur (elle est par exemple très employée dans les plaisanteries) comme dans cet exemple :
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« Je te présente l'élève le plus indiscipliné et le plus dévergondé de la classe »
alors que cet élève en question est au contraire exemplaire.
La célèbre « tirade du nez » de Cyrano de Bergerac d'Edmond Rostand en fournit un exemple devenu cliché.Très proche du chleuasme, cet exemple signale un astéisme poussé à l'excès voire hyperbolique.
Pour Pierre Fontanier, l'astéisme est un: badinage délicat et ingénieux par lequel on loue ou l'on flatte avec l'apparence même du reproche.
Molière a su railler les Précieux dans sa pièce Les Précieuses ridicules en pointant leurs recours abondants à l'astéisme obséquieux.Le dramaturge fait dire à son personnage, Mescarille, toute l'ambiguïté et souvent toute l'hypocrisie qui existe derrière l'astéisme :
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« Ahi! ahi! ahi! doucement. Dieu me damne! mesdames, c'est fort mal en user ; j'ai à me plaindre de votre procédé; cela n'est pas honnête. »
De même, la locution populaire « à charge de revanche » est un exemple caractéristique d'astéisme.
Proche de l'antiphrase ironique qui emploie des expressions aimables et galantes et non agressives, l'astéisme diffère néanmoins dans ses intentions stylistiques.
Genres concernés
Quelques genres littéraires où l’ironie est omniprésente :
- le conte philosophique (ex : Voltaire)
- le roman épistolaire (ex : Montesquieu)
- la satire (ex : Bossuet)
- le pamphlet (ex : Voltaire)
- la critique littéraire
- l’article, l’article de presse (ex : Diderot)
- le billet d’humeur.
- l’essai (ex : Montaigne)
- la fable (ex : La Fontaine)
- le dialogue, le monologue (théâtre) (ex : Molière)
- l’autobiographie, les mémoires (ex : Rousseau, Saint-Simon, Sainte-Beuve)
Ironie socratique
L’ironie socratique consiste, pour le philosophe, à feindre l’ignorance afin d’exposer la faiblesse de la position d’une autre personne et lui en faire prendre conscience.
Le mot grec eironeia-ειρωνεία s’appliquait en particulier à la litote comme forme de dissimulation. Une telle ironie survenait particulièrement dans l’ignorance assumée adoptée par Socrate, comme méthode de dialectique : « l’ironie socratique ». Cette ironie particulière implique un aveu de l’ignorance, qui travestit une attitude sceptique et désengagée, vis à vis de certains dogmes ou opinions communes qui manquent d’un fondement dans la raison ou dans la logique. La suite de questions « innocentes » de Socrate révèle point par point la vanité ou l’illogisme de la proposition, en ébranlant les postulats de son interlocuteur, et en remettant en cause ses hypothèses initiales.
Mais l’ironie amuse également les spectateurs de la discussion, qui savent que Socrate est plus sage qu’il se permet d’apparaître, et qui peuvent prévoir, légèrement en avance, la direction que les « naïves » questions vont prendre.
Au XIXe siècle, le philosophe danois Søren Kierkegaard admirait l’ironie socratique et en employa une variation dans plusieurs de ses travaux. Il rédigea notamment sa thèse maîtresse, intitulée Du concept d’ironie constamment rapporté à Socrate, avec la référence continuelle à Socrate. Dans cette thèse, Kierkegaard fait l’éloge d’un usage de l’ironie socratique par Aristophane et Platon. Il soutient également que le portrait Socrate dans les nuages dans l’une des pièces d’Aristophane a capté avec le plus d’exactitude l’esprit de l’ironie socratique.
Articles connexes
Bibliographie
Sébastien Rongier, De l’ironie, Enjeux critiques pour la modernité, Paris, Klincksieck, 2007.
Liens externes
- Hégémonie de l'ironie ?, colloque d'Aix en Provence, 8 et 9 novembre 2007, dirigé par Claude Perez, Joëlle Gleize et Michel Bertrand.
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Catégorie : Rhétorique
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