Maieutique

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La maïeutique, du grec μαιευτικη, par analogie avec le personnage de la mythologie grecque Maïa, qui veillait aux accouchements, est une technique qui consiste à bien interroger une personne pour lui faire exprimer (accoucher) des connaissances qu'elle n'aurait pas conceptualisées. Son invention remonte au IVe siècle av. J.-C. et est attribuée faussement au Socrate historique, en faisant référence au livre Théétète de Platon. Le Socrate historique employait l'ironie (ironie Socratique) pour faire comprendre aux interlocuteurs que ce qu'ils croyaient savoir n'était en fait que croyance. La maïeutique, contrairement à l'ironie, s'appuie sur une théorie de la réminiscence pour faire ressurgir des vies antérieures les connaissances oubliées.

Sommaire

Origine possible

On attribue à la maïeutique un lien avec l'enfantement, faisant de Maïa une déesse de l'accouchement et des sage-femmes. Maïa, l'une des Pléiades, était mère d'Hermès, lui-même père de Pan, Dieu du Grand Tout, au cœur de la tradition orphique. On attribue à tort le terme maïeutique à Socrate, du fait que sa mère était sage-femme.

Techniques : ironie et maïeutique

Cette technique est une évolution des savoir-faire orphiques, lesquels se fondaient sur la croyance en la réminiscence et la pratique de la katharsis, notamment par Pythagore.

La maïeutique consiste, selon les croyances de cette époque et dans cette tradition, à faire accoucher les esprits de leurs connaissances accumulées dans des vies antérieures. Elle est destinée à faire exprimer un savoir caché en soi, alors que l'ironie, elenchos, réfutation, employée par le vrai Socrate vise à faire identifier par l'interlocuteur une ignorance non identifiée. Chez Platon, Socrate explique que la sage-femme n'enfante pas elle-même, elle se contente de faire accoucher la femme; le philosophe fait de même des opinions de ses interlocuteurs. Cependant, une fois ces opinions accouchées, encore faut-il s'inquiéter de savoir si l'enfant est viable, ou bien s'il renferme une contradiction, s'il est mort-né. Ainsi, dans le Ménon, le petit esclave de Ménon accouche de certaines vérités géométriques. En revanche, Ménon ne sait rien dire de valable du juste et de l'injuste. Pourtant, son âme a bien dû, autrefois, contempler, de près, ou peut-être de loin, ces Idées.

L'ironie s'adresse aux personnes qui prétendent savoir alors qu'elles sont dans l'ignorance ; la maïeutique est appliquée aux personnes qui ignorent qu'elles savent.

Présentations par Socrate

En philosophie, l'invention de la notion de maïeutique est parfois attribuée, à tort, au personnage historique de Socrate.

Le premier texte de Platon (dans l'ordre chronologique) dans lequel le concept de maïeutique est associé au personnage de Socrate est le Banquet. Socrate qui répète les propos de la prêtresse Diotima affirme que l'âme de chaque homme est enceinte et qu'elle désire accoucher. Or, cet accouchement ne peut se faire que dans la Beauté selon Diotima. C'est justement le rôle du philosophe de faire accoucher les âmes dans la Beauté afin qu'elle donne naissance à de beaux discours (logoi en grec) et à de belles œuvres.

Le second texte fondamental pour comprendre le statut de la maïeutique chez Socrate est le Théétète de Platon. Socrate s'y présente comme un accoucheur des esprits[1], ne pouvant s'accoucher lui-même, contrairement à Pythagore, qui s'était affirmé non comme un sage, mais comme un homme aimant la sagesse. "J'ai d'ailleurs cela de commun avec les sages-femmes que je suis stérile en matière de sagesse, et le reproche qu'on m'a fait souvent d'interroger les autres sans jamais me déclarer sur aucune chose, parce que je n'ai en moi aucune sagesse, est un reproche qui ne manque pas de vérité."[2].

Le Socrate des dialogues de Platon affirme une inspiration divine, ce qui lui fait dire que ses disciples n'ont jamais rien appris de (lui) et qu'ils ont eux-mêmes trouvé en eux et enfanté beaucoup de belles choses. Mais s'ils en ont accouché, c'est grâce au dieu et à (lui).

Le Socrate que Platon fait parler pratique la maïeutique avec toute une série de personnages dans les dialogues de la jeunesse de Platon. Dans le Ménon de Platon par exemple, Socrate fait une démonstration de la pertinence de son questionnement. Il fait appeler un jeune esclave et par questionnement maïeutique l'amène à se ressouvenir du théorème de Pythagore. Le processus est le suivant : accompagnement de la découverte par analogie, révolte du disciple et réfutation des conclusions fausses qui sont "aporétiques" c'est-à-dire des impasses dans le raisonnement (du grec "aporia", impasse, difficultés)".

Dans le Phédon, Socrate qui est dans les instants précédents sa mort, traite du lien de la maïeutique avec la réminiscence qui permet au philosophe de se souvenir de ses existences antérieures. Cette conviction permet à Socrate d'aborder la mort du corps avec sérénité. Le processus de la pensée est par analogie et association des Idées, non par référence aux expériences vécues. Ce faisant, il rejoint la démarche pythagoricienne. Sa sérénité est acquise parce qu'il est convaincu qu'il ira habiter les ïles des bienheureux (...) et seront honorés par la cité si la Pythie le permet (cf. Allégorie de la caverne)

Une modélisation

Dans l'Apologie de Socrate, ce dernier expose sa relation à la sagesse, après avoir indiqué qu'il ne croit pas avoir en lui de sagesse, ni grande ni petite : (...) je raisonnai ainsi en moi-même : Je suis plus sage que cet homme. Il peut bien se faire que ni lui ni moi ne sachions rien de fort merveilleux ; mais il y a cette différence que lui, il croit savoir, quoiqu'il ne sache rien ; et que moi, si je ne sais rien, je ne crois pas non plus savoir. Il me semble donc qu'en cela du moins je suis un peu plus sage, que je ne crois pas savoir ce que je ne sais point. (21d-21e).

Ce dialogue de Socrate historique est néanmoins une œuvre empreinte de la sagesse du rhétoricien face au sophiste, marqué par l'échange avec Melitus qui l'accuse de corrompre la jeunesse en lui enseignant l'athéïsme. Socrate le confronte, à force de questions, à ses contradictions. Il parvient à démonter l'argumentation de son accusateur, mais la majorité des onze juges condamnent le plus sage des hommes.

Quatre types de relations à la connaissance sont ainsi à prendre en compte -

  1. ce que l'on sait que l'on sait — ou affirmé comme tel. Socrate ici procédait avec son ironie lorsqu'il souhaitait faire passer le message à ses interlocuteurs que ce qu'ils prétendaient savoir ne reposait que sur des préjugés et autres idées sans fondements ; Il peut s'agir ici des faux savoirs...
  2. ce que l'on sait que l'on ne sait pas — application de l'ironie
  3. ce que l'on ne sait pas que l'on sait : et là s'appliquait l'art maïeuticien du philosophe ;
  4. ce que l'on ne sait pas que l'on ne sait pas — tout le champ de l'inimaginable par chacun et justifiant l'intervention du philosophe, illustré par l'accompagement exposé dans l'allégorie de la caverne, du Livre VII de la République de Platon : maïeutique.


Les deux premiers types sont soumis au doute, dans l'idée que :

  • ce qu'on croit penser que l'on sait vraiment n'est que croyance
  • et ce que l'on sait que l'on ne sait pas laisse également la porte ouverte aux tromperies

Le scepticisme qui en découle ouvrira également la brèche au doute de René Descartes et aux zététiciens.

De nos jours

Le terme de maïeutique, laïcisé, englobe généralement les techniques de questionnement visant à permettre à une personne une mise en mots de ce qu'elle a du mal à exprimer, ressentir, ou ce dont elle a du mal à prendre conscience (émotions, désirs, envies, motivation...). Il est ainsi utilisé en lien avec les techniques empathiques développées par Carl Rogers, centrées sur l'affect (écoute active ou écoute bienveillante) ou les techniques de médiation, avec l'alterocentrage, terme créé par Jean-Louis Lascoux, médiateur.

Au sens de faire accoucher, le terme maïeutique est utilisé par les sages-femmes, notamment à l'université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), où une formation de sage-femme est offerte.

Références

  1. Théétète 149a
  2. Théétète, VII - 150 c, Œuvres complètes, Tome 3, classiques Garnier, p. 334.

Liens

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Voir « maïeutique » sur le Wiktionnaire.

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