Pline le Jeune

Pline le Jeune
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Statue de Pline Le Jeune sur la façade de la cathédrale de Santa Maria Maggiore à Côme

Pline le Jeune (en latin Caius Plinius Caecilius Secundus) est un écrivain et homme politique romain né autour de 61 à Côme dans le nord de l'Italie et mort autour de 114, sûrement dans la région de Bithynie. Il vécut ainsi sous les règnes de cinq empereurs successifs : Vespasien, Titus, Domitien, Nerva et Trajan.

Sommaire

Biographie

Fils de Lucius Caecilius Cilo et de Plinia Marcella, l’écrivain Pline l'Ancien était son oncle maternel[1]. À la mort du père de Pline le Jeune, il prit son neveu sous sa protection, surveilla son éducation et l’adopta même par testament juste avant sa mort, survenue en 79 lors de l’éruption du Vésuve. Pline le Jeune se trouvait également à Misène, un village de la baie de Naples lorsque ce désastre survint et le compte-rendu qu'il en a donné à Tacite, vingt-sept ans après les faits, nous est parvenu.

Après une éducation à Côme, puis à Rome, auprès de Quintilien notamment, il devint avocat et entra dans l’ordre sénatorial. Sa carrière est alors favorisée par de puissants protecteurs. Il devint l'ami intime de Tacite, de six ans son aîné, à qui il vouait une profonde admiration pour son éloquence. La correspondance des deux amis témoigne de la proximité d'opinion des deux écrivains romains majeurs du siècle de Trajan. Tacite enverra à Pline la première version de ses Histoires, pour relecture et correction[2].

Il remplit ensuite la fonction de tribun militaire en Syrie, puis effectua une belle carrière sénatoriale sous Domitien en devenant successivement questeur en 89 ou 90, tribun de la plèbe en 92, préteur en 93 puis préfet de la trésorerie militaire en 95.

En 93, l’activité de Pline lui vaut de se mettre en danger auprès de l’autoritaire empereur Domitien. Ainsi il fut chargé par le Sénat, principale force d’opposition à l’empereur, de soutenir les intérêts de la Bétique contre un des amis de Domitien, Baebius Massa. Cette même année, il aida le philosophe Artémidore de Daldis au moment où l’empereur expulsa les philosophes de Rome.

Il échappa de peu au sort réservé alors à nombre de ses amis proches : comme eux, il serait mort si Domitien n’avait été assassiné. De fait, son nom figurait dans une lettre de dénonciation que Mattius Casus, un délateur, avait fait parvenir à l’empereur.

Après la mort du tyran, Pline devint gérant de la trésorerie sénatoriale en 97/98 et continue son activité d’avocat. On peut penser qu’il devint proche de l’empereur Trajan au moment de l’arrivée au pouvoir de celui-ci.

Pline le Jeune atteint le sommet de son cursus honorum en l’année 100 quand, après le procès de Marius Priscus, il est nommé consul suffectus par l’empereur pour les mois de septembre et octobre. Si cette magistrature ne lui procure guère plus de pouvoirs, elle reste une marque d’immense prestige.

Le 5e septembre 100, jour de son entrée en fonction, Pline prononça la gratiarum actio, soit un discours pour remercier l’empereur de l’avoir choisi, comme il était de règle depuis l’époque augustéenne.

Ce texte est le seul discours de ce type, datant d’avant le Bas-Empire, qui nous soit conservé. Néanmoins, le discours réellement prononcé était plus court : celui-ci fut remanié, puis publié par Pline lui-même en 103, avec le titre de Panégyrique de Trajan.

De sa place de sénateur, Pline devient le principal porteur d’une idéologie politique propre à certains sénateurs. En effet, il souhaitait la conciliation permanente entre la Curie et l’Empereur, avec pour but premier de légitimer la politique de celui-ci, mais également avec celui de le rapprocher au plus près des intérêts de la majorité sénatoriale. Il devint ainsi, dès la mort de Domitien et pendant les règnes de Nerva et Trajan, l’un des idéologues et partisans les plus actifs du pouvoir impérial.

Après quelques années de dignités sénatoriales successives, Pline le Jeune devient en l’année 111 administrateur de la province du Pont-Bithynie comme légat extraordinaire de l’empereur et sous les titres officiels de proconsul et de legatus.

Cette période est marquée par une importante correspondance entre Pline et Trajan. Cette Correspondance avec l’empereur est une précieuse source de renseignements sur l’administration romaine de cette époque.

Il doit avoir occupé son poste jusqu’à sa mort (en 113 ou 114), qui n'est connue que par l’arrêt à cette époque de sa correspondance, abondante jusque là.

Œuvres

Pline le Jeune à Tacite

Le Panégyrique de Trajan

Publié le 1er octobre 100, ce panégyrique est une œuvre de circonstance. Il était en effet de tradition de remercier le princeps l’année où l’on était nommé consul. Le texte qui nous est parvenu fait suite à la nomination, par Trajan, de Pline le Jeune en tant que consul.

Correspondance

La Correspondance de Pline marque l’avènement d’une prose épistolaire artistique, où l’utilitarisme civique de l’échange familier cède le pas à l’urbanité de la personne littéraire. À en croire l’épistolier, ce raffinement vise à compenser l’absence de matière. Il met en cause le déclin de la République, laquelle fournissait naguère à Cicéron de nombreuses occasions pour écrire. Certes, ses lettres sont adressées pour la plupart à des proches et l’épistolier admet volontiers que « écrire pour un ami n’est pas écrire pour le public » (Correspondance, VI, 17, 22). Mais son œuvre est le théâtre d’une mise en scène rhétorique dans laquelle les destinataires ne font que figurer nominalement. Ils constituent autant de prétextes à l’exercice de style et à l’expression égotiste. Si les lettres écrites à cœur ouvert sont celles dont on garde le meilleur souvenir, le style « rapide et correct » du mode épistolaire n’exclut pas pour autant l’ornement, et l’ancien élève de Quintilien se souvient des leçons de son maître lorsqu’il préconise, plutôt qu’un atticisme d’une simplicité outrée, une éloquence pleine, « serrée et drue, mais en même temps abondante […] divine et céleste » (I, 20, 22)

Livres I à IX

Le premier livre s’ouvre sur une lettre dédicace qui sert de préface à l’ensemble. On y apprend que Pline, à l’instigation du destinataire, un certain Septicus, aurait entrepris de publier celles de ses lettres qu’il avait composées avec « un peu plus de soin ». Il affirme ne pas avoir suivi l’ordre chronologique et prétend que leur classement s’est effectué au hasard de celles qui lui sont tombées sous la main.

En fait, il s’agissait plutôt pour l’auteur de choisir l’ordre le plus approprié à leur mise en valeur. Car pour « authentiques » qu’elles puissent être (c’est-à-dire qu’elles aient été envoyées ou non), ces lettres sont d’abord des exercices de prose où la forme, par ailleurs fort variée (récit, dissertation, histoire, éloge, etc.), garde toujours préséance sur le fond. La dédicace se termine sur un vœu assorti d’un engagement : « Il reste que nous n’ayons pas à nous repentir, vous de votre conseil et moi de ma docilité. En ce cas, je rechercherai [les lettres qui n’ont pas encore été publiées] et si j’en écris de nouvelles, je ne les laisserai pas se perdre. Adieu » (I, 1, 1-2.).

Si l’on se fie au nombre de livres édités par la suite (huit recueils publiés successivement de 97 à 109, auxquels s'ajoute l’édition posthume de sa correspondance officielle avec Trajan), il semble que l’auteur n’ait jamais eu à regretter son initiative. Dans ces 9 livres, on compte 247 lettres au total.

Les lettres qui sont peut-être les plus intéressantes sont celles écrites à son ami Tacite à propos de l’éruption du Vésuve (L.VI, 16 et 20).

Correspondance réelle ou fiction littéraire

Pour J. Bayet[3] et A.-M. Guillemin, les lettres de Pline ne sont que de petits poèmes en prose, de pure facticité, dont le correspondant n'est qu'un dédicataire fictif : elles se suffisent à elles-mêmes. Il manque en effet une certaine spontanéité, en sorte que l'on peut y voir des œuvres artistiques ou savantes destinées à la lecture publique. Ils les ont classées ainsi : compliments, éloges, portraits, descriptions (villes, sites divers), récit documentaire ou historique, dissertation morale ou littéraire. Ces lettres pourraient être fictives :

  • Elles ne sont pas datées.
  • Il y a presque autant de correspondants que de lettres.
  • Chacune traite un seul sujet.
  • Aucune n’appelle de réponse.
  • Il n'y a aucune trace de correspondance suivie.

D'autres critiques considèrent qu'il n'y a pas lieu de remettre en question la réalité de la correspondance :

  • La présence ou l'absence d'une date ne préjuge en rien de l'authenticité des lettres : seules les lettres adressées à Trajan n'auraient pas été datées.
  • Pline préfère ne traiter qu'un seul sujet à chaque fois.
  • Le fait que les réponses ne soient pas publiées ne veut pas dire qu'il n'y en ait pas eu : ce peut être un choix de l'éditeur de Pline.
  • Peu importe qu'il n'y ait pas de correspondance suivie : Pline a choisi de ne publier qu'une anthologie, une partie de sa correspondance.
  • Il peut en effet s'agir de morceaux choisis : Pline a pu sélectionner un extrait de lettres, digne de publication, au sein d'une même lettre de plusieurs feuillets.

Livre X

Le livre X est consacré à sa correspondance en tant que gouverneur de Bithynie avec l’empereur Trajan, auquel il demande des conseils sur les petits et les grands problèmes qu’il rencontre dans le gouvernement de sa province. C’est un monument administratif d’un intérêt particulier. 122 lettres sont rassemblées avec, parfois, la réponse impériale. Toutes les réponses ne paraissent pas de la main même de l’empereur, c’est le plus souvent la chancellerie impériale qui paraît répondre. L'empereur est très sec : Pline le consulte pour un oui ou pour un non. Trajan, agacé, demeure, malgré tout, patient et reste attaché à Pline.

La lettre 97, par exemple, concerne les chrétiens, contre lesquels Pline a reçu des dénonciations et à l'égard desquels il ne sait trop quelle attitude adopter. L'empereur, dans sa réponse (lettre 98), "considère qu'ils ne doivent pas être poursuivis mais qu'il faut les punir s'ils ont été dénoncés de manière non anonyme et si, convaincus de christianisme, ils se refusaient à sacrifier au génie de l’empereur[4]". Ces dispositions, confirmées par Antonin et Hadrien, manquent de clarté ; Tertullien (155-235) souligne, dans son Apologie, l’ambiguïté de la réponse de Trajan[5],[6].

Notes et références

  1. Cf. [6, 16] Pline à Tacite, Pline le Jeune : il l'appelle avunculus, à savoir « oncle maternel »
  2. Pierre Grimal, Tacite.
  3. Jean Bayet, La Littérature latine, Paris, Armand Colin, 1965, 1996
  4. Claudio Moreschini, Enrico Norelli, Histoire de la littérature chrétienne antique grecque et latine: De Paul à l'ère de Constantin, Labor et Fides, 2000, 510 pages, p. 236.
  5. dans Apologie, 2, 6-8 : « Oh ! l'étrange arrêt, illogique par nécessité ! Il dit qu'il ne faut pas les rechercher, comme s'ils étaient innocents, et il prescrit de les punir, comme s'ils étaient criminels ! Il épargne et il sévit, il ferme les yeux et il punit. Pourquoi, ô censeur, te contredire ainsi toi-même? Si tu les condamnes, pourquoi ne les recherches-tu pas aussi? Si tu ne les recherches pas, pourquoi ne les absous-tu pas aussi? »
  6. Certains auteurs ont considéré que cette correspondance entre Pline et Trajan, concernant les Chrétiens, pouvait être apocryphe ; c'est le cas, au XIXe siècle, de Benjamin Aubé, d'Ernest Desjardins ou de Paul Dupuy, auxquels s'est opposé Carl Wilhelm Ignatius Wilde dans sa thèse De C. Plinii Caecilii Secundi Et Imperatoris Trajani Epistulis Mutuis Disputatio en 1888 (voir Eugène Allain, Pline le Jeune et ses héritiers, A. Fontemoing, 1901, p. 439, ou Revue des questions historiques, V. Palmé, 1890, tome 48, p. 317-318).

Bibliographie

  • Elmer T. Merril, The Tradition of Pliny’s Letters, Classical Philology, X, 1915, p. 8-25,
  • Alan Cameron, The Fate of Pliny’s Letters in the Late Empire, The Classical Quaterly, XV, 2, 1965, p. 289-298.
  • Ladislav Vidman, Étude sur la correspondance de Pline le Jeune avec Trajan, Rome, 1972.
  • Jacques J. Aumont, Métrique et stylistique des clausules dans la prose latine : de Cicéron à Pline le Jeune et de César à Florus, Paris, Champion, 1996.
  • Étienne Wolff, Pline le Jeune ou le refus du pessimisme, Presses universitaires de Rennes, collection "interférences", Rennes, 2003.
  • Elisabeth Lepidi-Noguerol, Pline le Jeune, la Persona et ses masques ou l'envers du décor, ART Lille, 2003

Voir aussi

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