Comparaison (Rhétorique)

Comparaison (Rhétorique)

Comparaison (rhétorique)

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La comparaison (substantif féminin), du latin comparatio ("action de comparer"), est une figure de style consistant en une mise en relation à l'aide d'un mot de comparaison dit comparatif de deux réalités appartenant à deux champs sémantiques différents, et dont on affirme qu'elles se ressemblent d'un certain point de vue. Les deux réalités (comparant et comparé) partagent en effet au moins un sème en commun. C'est donc la mise en regard de deux termes ou de deux idées comparées dans une volonté de clarté ou de poésie[1].

Contrairement à la métaphore, la comparaison exprime directement ou explicitement l'assimilation entre les deux idées en utilisant souvent un terme de comparaison (comme, tel...). La comparaison est la plus célèbre des figures de style, la plus difficile à définir également puisqu'elle cumule deux acceptations : l'une grammaticale (comparaison simple) et l'autre stylistique ou rhétorique (comparaison figurative).

Sommaire

Exemples

  • « La musique souvent me prend comme une mer! » (Charles Baudelaire, la musique)
  • « (...) le monocle du général, resté entre ses paupières, comme un éclat d'obus dans sa figure vulgaire... » (Marcel Proust, Du côté de chez Swann)
  • « Ses cheveux sont comme des milliers de fil d'or. »
  • « Rusé comme un renard » (comparaison populaire)

Définition

Définition linguistique

La comparaison opère un rapprochement imprévu et non nécessaire entre deux réalités (appelées respectivement comparant et comparé), a priori étrangères l'une de l'autre mais possédant un rapport de ressemblance et de contiguïté sémantique. À ce titre il existe deux acceptations, évoquées par Dupriez dans son Gradus et que nous reprenons ici :

  1. la comparaison simple : rapport de similarité entre deux éléments comme dans « Cet arbre est plus beau que les autres ».
  2. la comparaison figurative : figure de style fondée sur le rapprochement de deux éléments qui n’appartiennent pas au même système mais entre lesquels est établi un rapport d’analogie ou d'image, à des fins poétiques ou herméneutiques comme dans « Il est fier comme un lion » ; l'effet provenant de l'écart par rapport à la norme linguistique.

Nous ne traiterons dans cet article que la comparaison dite figurative ; trope proche de la métaphore, néanmoins il faut rappeler en quoi consiste d'un point de vue grammatical la comparaison simple :

Comparaison simple

La comparaison repose souvent sur le mot comme, néanmoins certains emplois de cette conjonction ne sont pas des comparaisons pour autant, c'est le cas des circonstancielles de cause ou de temps, ou, en tant qu'adverbe lorsque comme marque une exclamation (exemple « Comme il est grand! »). Comme employé comme complément circonstanciel de comparaison n'est pas, également, un comparatif donnant lieu à une comparaison, par exemple dans « Naturellement, c'est comme avec moi, dit Odette d'un ton boudeur... » (Marcel Proust).

Des mots divers peuvent être employés comme substituts de comme [2] et notamment :

  • semblable à
  • pareil à

Mon esprit est pareil à la tour qui succombe
Sous les coups du bélier infatigable et lourd

(Charles Baudelaire, 'Chants d'automne'.)
  • de même que
  • des verbes comme sembler peuvent également introduire la figure
  • des adverbes et conjonctions proches: ainsi que, de même que etc.

Sur ce point (la nature du mot de comparaison), la comparaison simple et la comparaison figurative sont identiques : les mots de liaison sont souvent les mêmes ; certains mots sont néanmoins réservés à la construction grammaticale, en fonction de la nature de la relation de comparaison (voir ci-après) qui sont : de même que, ainsi que, tel, le même, ainsi, si, tant, autant, autre, meilleur, pire, plutôt, moins, d'autant plus, d'autant moins, à mesure, selon, etc.

D'un point de vue grammatical, la comparaison peut s'exprimer selon des moyens divers comme :

  • la subordination : la proposition subordonnée de comparaison appelée aussi comparative joue alors un rôle identique à celui du complément de comparaison qui peut être un substantif ou un équivalent du nom. Néanmoins la nature de la relation (relation de ressemblance) ne permet pas de la considérer à proprement parler comme une subordonnée circonstancielle. La relation peut donc être la ressemblance :

Tu moissonneras comme tu as semé

  • l'égalité :

Leur bonheur fut bref autant qu'il était rare

  • la différence :

Il est moins riche que je ne le croyais

  • la proportion enfin :

Il est plus intéressé qu'on ne le pense

Certaines comparaisons simples reposent sur une ellipse verbale comme dans « Tel père, tel fils »

L'éventail de moyens grammaticaux est grand, la comparaison simple peut aussi être marquée par :

  • des mots corrélatifs comme : autant...autant, plus...plus, tel...tel, etc.
  • des locutions prépositives comme : à l'exemple de..., à l'instar de..., comparativement à, etc.
  • des adjectifs comme : semblable, analogue, différent, égal, etc.
  • des verbes comme : avoir l'air de, ressembler à, imiter, paraître, etc.

Comparaison figurative

Les réalités doivent avoir en commun au moins un sème proche ; dans l'exemple de Baudelaire, la mer et la musique sont sémantiquement proches car l'une et l'autre peuvent se représenter par des vagues ou des ondes. En ce sens elle ressemble beaucoup à la métaphore qui elle, en rhétorique, fait l'ellipse du terme comparatif. La comparaison peut comparer des idées mais aussi des faits, des actions et des situations.

La figure se décompose en un schéma très régulier qui en facilite l'identification. En effet toute comparaison met en œuvre trois éléments[3] :

  • un comparant ou le phore (ce à quoi est comparé la réalité première)
  • un comparé ou le thème (ce qui est comparé à la réalité seconde)
  • un comparatif (ou mot de comparaison, appelé aussi parfois mot-outil)

Leur ordre n'a aucune importance pour consommer la figure, même si le schéma canonique est comparé-comme-comparant, ce qui la distingue de la métaphore qui ne met en scène que le comparant, sans le comparé ni le mot de liaison.

Par ailleurs la comparaison opère toujours dans un domaine positif : elle repose sur une ressemblance et non sur une absence de ressemblance, contrairement à la métaphore dite in abstentia. D'autre part la ressemblance ne peut être que partielle ou du domaine du point de vue particulier du locuteur, sans quoi on parlerait d'une identité (une tautologie par exemple).

Les sèmes qui partagent les deux réalités mises en relation sont également appelés des traits sémantiques et ont à voir avec l'extension des mots qu'ils caractérisent ; le contexte également permet de les identifier et d'accéder à la figure. L'ensemble des sèmes définissent en linguistique le signifié, et c'est ce qui fait que les deux réalités fondant la comparaison se ressemblent : leurs deux signifiés partagent un ou plusieurs sèmes proches. Dans l'exemple de Baudelaire encore une fois le sème du transport de l'âme (le "vague-à-l'âme") réunit les champs sémantiques de la musique et de la mer.

La comparaison s'appuie souvent sur un point de comparaison, sur un sème explicite et identifié, reposant sur un adjectif ou sur une qualité comme dans :

Le jour entre par la fenêtre
Clair comme la lune

(Denise D.Jallais, Les couleurs de la mer.)

La comparaison peut aussi parfois porter sur une qualité, elle permet alors de mettre en relief une caractéristique des deux réalités comparées sans chercher à les rapprocher sémantiquement. Dans « La Terre est bleue comme une orange », célèbre comparaison de Paul Eluard, aucun sème en commun ne permet de comparer la Terre et la couleur orange du fruit du même nom, mais la figure permet de mettre en relief la couleur bleue de la planète.

Notons enfin que très souvent la comparaison repose sur une image concrète et visualisable. Le comparé peut être abstrait même si c'est rare, mais le comparant est toujours matériel et concret. Dans « Blanche comme lis » par exemple la blancheur (qualité comparée) est rendue sensible par l'évocation d'un objet concret (la fleur de lis, le comparant). On peut donc dire que la comparaison est une image ou trope puisqu'elle rapproche une réalité matérielle et une réalité abstraite, au même titre que la métaphore.

Définition stylistique

La comparaison vise de multiples effets : éclairer une idée, illustrer un propos, de frapper l'imagination par l'évocation d'une nouvelle idée ou d'une image spectaculaire (c'est le cas des comparaisons célèbres de San Antonio). En réalité, plus les deux réalités comparées sont éloignées et plus l'image va choquer comme dans la comparaison de Paul Eluard ci-dessus, par le moyen de la tension de la comparaison selon les termes de Daniel Bergez, Violaine Géraud et Jean-Jacques Robrieux, dans leur Vocabulaire de l’analyse littéraire.

Beaucoup de comparaisons sont tellement utilisées qu'elles en deviennent éculées, comme dans « une jeune fille belle comme le jour » ou « Fort comme un lion », la figure est alors très proche du cliché.

La comparaison peut parfois constituer à elle seule tout un poème, comme chez Pierre Ronsard, dans Les amours de Cassandre et dans Les amours de Marie.

Développée sur un texte entier, la comparaison peut confiner au parallèle, surtout dans les textes argumentatifs comme les syllogismes.

En enseignement du français et des Lettres, la comparaison est une figure clé dans la compréhension, dès le collège, des phénomènes d'analogie et de fonctionnement énonciatif (voir liens externes).

Genres concernés

La comparaison est majoritairement utilisée en poésie ; Charles Baudelaire notamment a su révolutionner son usage par des images frappantes.

La comparaison est une figure redécouverte et très employée par les poètes de la Renaissance et en particulier de La Pléiade. Joachim Du Bellay dans ses Antiquités de Rome compose ses poèmes sur une multitude de comparaisons :

 Comme on passe en été le torrent sans danger
Qui soulait en hiver être roi de la plaine
Et ravir par les champs, d'une fuite hautaine,
L'espoir du laboureur et l'espoir du berger

Les comparants s'enchaînent les uns les autres et forment un tableau qui se déploie et image la ville de Rome.

Historique de la notion

Le terme de comparaison apparaît dès 1174, sous la forme de comparisun par Saint-Thomas, au sens de « action de comparer pour faire ressortir les ressemblances et les différences »[4]. Pour Aristote dans la Poétique, la métaphore et la comparaison sont proches :

« La comparaison est aussi une métaphore : elle en diffère peu ; en effet, quand Homère dit d’Achille : ‘Il s’élança comme un lion’, c’est une comparaison ; mais quand on dit : ‘le lion s’élança’, c’est une métaphore ; comme les deux sont courageux, le poète a pu, par métaphore, appeler Achille un lion  »

.

Pour Albert Henry, dans Métonymie et métaphore comparaison et métaphore divergent au contraire : « La comparaison et la métaphore diffèrent dans leur essence même ». Selon lui, la métaphore n’est pas une « comparaison condensée (...) parce que la métaphore exprime autre chose que la comparaison ».

Pour Jean Mazaleyrat et Georges Molinié, dans leur Vocabulaire de la stylistique la structure profonde de la comparaison, comme "micro-structure", est exactement la même que celle de la métaphore mais c'est l'emploi en contexte et dans le discours qui les différencie.

Bernard Dupriez dans son Gradus évoque deux acceptations différentes : la comparaison simple et la comparaison figurative, distinction que nous reprenons dans cet article.

Domaines transverses

En littérature comparée, la comparaison est une méthode fondée sur l’établissement d’analogies (ou passerelles) entre des phénomènes linguistiques (par exemple des formes grammaticales) ou des phénomènes littéraires (topoï notamment), afin de mettre en lumière des ressemblances et des différences significatives s'expliquant par l'histoire littéraire[5]. On parle aussi de comparaison génétique lorsque l'on veut observer les phénomènes de différences entre des versions différentes d'un même texte au moyen de l'emprunt, en génétique des textes[6].

Il existe également des logiciels de comparaison de versions de textes employés en génétique textuelle comme Edite Medite[7].

Figures proches

Figure mère Figure Fille
image, analogie
Antonyme Paronyme Synonyme
comparaison simple (acceptation grammaticale) métaphore, ressemblance, similitude

Notes et références

Voir aussi

Liens externes

Bibliographie sur la comparaison

  • Bergez D., Géraud V. ; Robrieux J.J., Vocabulaire de l’analyse littéraire, Paris, Dunod, 1994.
  • Gérard GenetteFigures III, Paris, Seuil, 1972
  • Henry A., Métonymie et Métaphore, Bruxelles, Palais des Académies, 1983.

la comparaison en littérature comparée et génétique des textes

  • Jakobczyk, Stanislaw, La comparaison. Des procédures scientifiques en philologie, Poznan, 1990

Bibliographie générale

Bibliographie des figures de style

  • Quintilien (trad. Jean Cousin), De L’institution oratoire, t. I, Les Belles Lettres, coll. « Bude Serie Latine », Paris, 1989, 392 p. (ISBN 2251012028) 
  • Antoine Fouquelin, La Rhétorique Françoise, A. Wechel, Paris, 1557 
  • César Chesneau Dumarsais, Des tropes ou Des diferens sens dans lesquels on peut prendre un mème mot dans une mème langue, Impr. de Delalain, 1816, 362 p..
    Nouvelle édition augmentée de la Construction oratoire, par l’abbé Batteux. Disponible en ligne
     
  • Pierre Fontanier, Les figures du discours, Flammarion, Paris, 1977 (ISBN 2080810154) 
  • Patrick Bacry, Les figures de style : et autres procédés stylistiques, Belin, coll. « Collection Sujets », Paris, 1992, 335 p. (ISBN 2-7011-1393-8 (br.)) 
  • Bernard Dupriez, Gradus,les procédés littéraires, 10/18, coll. « Domaine français », Paris, 2003, 540 p. (ISBN 2264037091) 
  • Catherine Fromilhague, Les figures de style, Armand Colin, coll. « 128 Lettres », Paris, 2007 (ISBN 978-2-2003-5236-3) 
  • Georges Molinié et Michèle Aquien, Dictionnaire de rhétorique et de poétique, LGF - Livre de Poche, coll. « Encyclopédies d’aujourd’hui », Paris, 1996, 350 p. (ISBN 262531-3017-6) 
  • Henri Morier, Dictionnaire de poétique et de rhétorique, Presses Universitaires de France, coll. « Grands Dictionnaires », Paris, 1998 (ISBN 2130493106) 
  • Michel Pougeoise, Dictionnaire de rhétorique, Armand Colin, Paris, 2001, 16×24 cm, 228 p. (ISBN 9782200252397) 
  • Olivier Reboul, Introduction à la rhétorique, Presses Universitaires de France, coll. « Premier cycle », Paris, 1991, 15 cm × 22 cm, 256 p. (ISBN 2-13-043917-9) 
  • Van Gorp, Dirk Delabastita, Georges Legros, Rainier Grutman et al., Dictionnaire des termes littéraires, Honoré Champion, Hendrik, 2005, 533 p. (ISBN 978-2745313256) 


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