- Antiphrase
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L’antiphrase (substantif féminin), du grec antiphrasis, de anti ("contre") et phrasis ("action d'exprimer par la parole"), est une figure de style qui consiste à employer, par ironie ou par euphémisme, un mot, une locution ou une phrase, dans un sens contraire à sa véritable signification[1].
Sommaire
Exemples
- « Cet honnête homme » pour exprimer que c'est un fripon
- « C'est la vie de château, pourvu que cela dure ! » alors que les conditions de vie sont difficiles
- « Bravo ! Continue comme ça ! Tu es sur la bonne voie !... » si celui qui la prononce n'en pense en réalité pas un mot.
- « L'antiphrase est l'expression ultime de la sincérité. »
- « A-t-on jamais rien vu de plus impertinent ? Un père venir faire des remontrances à son fils, et lui dire de corriger ses actions, de se ressouvenir de sa naissance, de mener une vie d'honnête homme, et cent autres sottises de pareille nature ! » (Sganarelle – Molière, Dom Juan)
- « C'est du propre », pour signifier que c'est sale.
- « Je suis innocent...comme l'était Raoul Vilain » , antiphrase mettant en relief les insuffisances de l'institution judiciaire.
- « L'ignorance est la gardienne des États bien policés. » Voltaire
Définition
Définition linguistique
L'antiphrase consiste à exprimer une phrase positive, mais à sous-entendre son contraire. « Figure par laquelle, par crainte, scrupule ou ironie, on emploie un mot, un nom propre, une phrase, une locution, avec l'intention d'exprimer le contraire de ce que l'on a dit » donne le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales[2]. La tournure de la proposition est souvent déterminante dans son interprétation. Le contexte également joue un grand rôle, de même que, à l'oral, l'intonation : L'expression « Quel temps magnifique ! » pour dire « Cette pluie m'agace » ne peut se comprendre que si l'interlocuteur sait que le temps est maussade.
Globalement, l'antiphrase fonctionne par substitution d'une forme syntaxique par une autre, conservée in petto.
Définition stylistique
L'antiphrase a une parenté marquée avec une autre figure de l'ironie : l'euphémisme, qui consiste à atténuer une vérité et que l'on retrouve dans maintes expressions. La plus célèbre reste le nom donné aux divinités infernales, les Euménides :
« On y comparait, entre autres choses, les furies avec les sorcières, et on disait que les furies s'appelaient Euménides, c'est-à-dire douces et bienfaisantes, ce qui prouvait, ajoutait-on, qu'elles n'étaient que médiocrement difformes, par conséquent à peine grotesques. Il nous étonnait que l'auteur pût ignorer que l'antiphrase est au nombre des tropes, bien que Sanctius ne veuille pas l'admettre »
— Alfred de Musset, Lettres de Dupuis et Cotonet
L'antiphrase peut également confiner à la litote et ainsi flatter de manière hypocrite :
Sans mentir (…)
Vous êtes le phoenix des hôtes de ces bois(Jean de La Fontaine, Fables, I, 2.)Dans tous les cas ironiques, l'antiphrase suppose toujours une complicité du locuteur avec le lecteur, avec un tiers qui constate l'écart entre l'expression et la pensée. Dans le cas où l'expression exprime une pensée ou opinion contraire à celles que la phrase aurait naturellement on parle de contrevérité, néanmoins il s'agit d'une acceptation davantage rhétorique et dialogique.
Dans le langage oral, son emploi est très souvent péjoratif et dépréciatif : « Quel grand homme ! » pour décrire par exemple quelqu'un de petit en taille.
La condition de formation d'une antiphrase reste très liée à l'état d'esprit du locuteur : celui-ci doit vouloir exprimer de manière détournée et inverse ce qu'il pense et qui reste dissimulé à son interlocuteur.
Genres concernés
Comme l'ironie, l'antiphrase se retrouve dans tous les genres littéraires.
Parfois elle peut donner lieu à des arrêts du narrateur pour élucider les pensées et discours d'un personnage, l'antiphrase permettant d'accéder à l'opinion du personnage, comme dans les psycho-récits :
« L'homme continua: Tu peux espérer que je vais bien la recevoir. Il insista sur le mot "bien", de manière à montrer qu'il fallait comprendre tout le contraire. En outre, comme beaucoup de gens de l'île, il employait "espérer" à la place de "présumer"- qui, dans le cas présent, signifiait plutôt "craindre" »
— Alain Robbe-Grillet, Le Voyeur
Historique de la notion
Pour Henri Morier, suivant ainsi Quintilien, le terme d'antiphrase est synonyme de celui d'ironie, les deux figures n'en formant qu'une seule.
Figures proches
- Figure « mère » : alliance de mots
- Figures « filles » : contrevérité
- Paronymes : aucun
- Synonymes : euphémisme, litote, ironie, antithèse
- Antonymes : aucun
Notes et références
Voir aussi
Lien externe
Bibliographie
Bibliographie des figures de style
- Quintilien (trad. Jean Cousin), De L’institution oratoire, t. I, Paris, Les Belles Lettres, coll. « Bude Serie Latine », 1989, 392 p. (ISBN 2-2510-1202-8).
- Antoine Fouquelin, La Rhétorique Françoise, Paris, A. Wechel, 1557.
- César Chesneau Dumarsais, Des tropes ou Des différents sens dans lesquels on peut prendre un même mot dans une même langue, Impr. de Delalain, 1816, 362 p.
Nouvelle édition augmentée de la Construction oratoire, par l’abbé Batteux. Disponible en ligne
- Pierre Fontanier, Les figures du discours, Paris, Flammarion, 1977 (ISBN 2-0808-1015-4) [lire en ligne].
- Patrick Bacry, Les figures de style : et autres procédés stylistiques, Paris, Belin, coll. « Collection Sujets », 1992, 335 p. (ISBN 2-7011-1393-8).
- Bernard Dupriez, Gradus,les procédés littéraires, Paris, 10/18, coll. « Domaine français », 2003, 540 p. (ISBN 2-2640-3709-1).
- Catherine Fromilhague, Les figures de style, Paris, Armand Colin, coll. « 128 Lettres », 2007 (ISBN 978-2-2003-5236-3).
- Georges Molinié et Michèle Aquien, Dictionnaire de rhétorique et de poétique, Paris, LGF - Livre de Poche, coll. « Encyclopédies d’aujourd’hui », 1996, 350 p. (ISBN 2-2531-3017-6).
- Henri Morier, Dictionnaire de poétique et de rhétorique, Paris, Presses Universitaires de France, coll. « Grands Dictionnaires », 1998 (ISBN 2-1304-9310-6).
- Michel Pougeoise, Dictionnaire de rhétorique, Paris, Armand Colin, 2001, 16 × 24 cm, 228 p. (ISBN 978-2-2002-5239-7).
- Olivier Reboul, Introduction à la rhétorique, Paris, Presses Universitaires de France, coll. « Premier cycle », 1991, 15 cm × 22 cm, 256 p. (ISBN 2-1304-3917-9).
- Van Gorp, Dirk Delabastita, Georges Legros, Rainier Grutman et al., Dictionnaire des termes littéraires, Hendrik, Honoré Champion, 2005, 533 p. (ISBN 978-2-7453-1325-6).
- Nicole Ricalens-Pourchot, Dictionnaire des figures de style, Paris, Armand Colin, 2003, 218 p. (ISBN 2-200-26457-7).
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