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Aphérèse (linguistique)
Pour les articles homonymes, voir Aphérèse.En linguistique, l'aphérèse (du grec ἀφαίρεσις aphaíresis, « ablation ») est une modification phonétique impliquant la perte d'un ou plusieurs phonèmes au début d'un mot. L'aphérèse est un métaplasme s'opposant à l'apocope.
L'aphérèse a deux principales origines : l'aphérèse accentuelle et l'aphérèse par élision inverse.
Sommaire
Aphérèse accentuelle
Tout d'abord, l'aphérèse peut être due au caractère débile des phonèmes concernés : dans les langues à accent tonique, une syllabe atone est en effet susceptible, surtout si elle est éloignée de l'accent, de s'amuïr.
Termes lexicalisés
Le cas est fréquent d'un point de vue diachronique, c'est-à-dire en phonétique historique. Les mots ayant subi une aphérèse sont ensuite lexicalisés.
Ainsi, en français, le déterminant cette — qui provient du latin écce ísta — a donné, par univerbation, eccéista puis eccésta (syncope), et enfin cesta (aphérèse), ceste, cette. Plus moderne, l'aphérèse des termes « autobus » [réf. nécessaire], « beefsteak » et « américain » est à l'origine des mots « bus », « steak »[1] et « ricain ».
Le terme anglais pour « évêque » est bishop ; il vient du grec ancien ἐπίσκοπος epískopos via le latin vulgaire ebiscopus (par voisement du [p] intervocalique). L'accent (même si, à l'origine, il n'était pas tonique mais de hauteur) frappant le [i], la voyelle précédente, qui se trouve là être à l'initiale, s'est amuïe à cause de son caractère atone et prétonique. L'anglais connaît de nombreuses aphérèses lexicalisées de ce type, en raison, surtout, de son fort accent tonique tombant principalement en début de mot (dans les termes germaniques).
Le grec moderne, enfin, fournit de nombreux exemples, du moins en dhimotikí. Tout d’abord, l’augment syllabique subit l’aphérèse dans les verbes quand il n'est pas tonique (en sorte, dans les formes de plus de trois syllabes puisque, dans les verbes, l’accent remonte le plus loin possible mais pas au-delà de la troisième syllabe, selon les lois de limitation ; les termes sont transcrits et non translittérés) : de γράφω ghráfo, « j'écris », on forme l'aoriste (temps correspondant plus ou moins à notre passé simple) έγραφα éghrafa, « j'écrivis », avec l'augment comme en grec ancien (consulter Conjugaisons du grec ancien) mais dans une forme plus longue, l'accent ne pouvant tomber sur l'augment, celui-ci est amuï : γράφαμε ghráfame et non εγράφαμε, « nous écrivîmes ». Dans un verbe plus long, comme διαβάζω dhiavázo, « je lis », l'augment subit l'aphérèse à toutes les formes : l'aoriste est διάβασα dhiávasa et non εδιάβασα. En katharévousa, l'augment est normalement conservé dans tous les cas.
D'autre part, nombre de mots de la dhimotiki ont subi une aphérèse accentuelle : par exemple, le verbe ειμπορώ imporó ou imboró, « je peux », en katharevousa, est prononcé μπορώ boró en dhimotiki. De même pour ημέρα iméra, « jour », devenu μέρα méra (d'où l'expression καλή μέρα kalí méra, « bonjour », prononcée par univerbation καλημέρα kaliméra, « bonjour »).
Dans les langues qui connaissent un accent tonique, l'aphérèse s'accompagne très fréquemment d'apocopes.
Termes non lexicalisés
Parfois, l'aphérèse ne se rencontre que dans une prononciation moins soutenue, plus rapide, de termes qui peuvent continuer à exister par ailleurs (alors qu'il n'y a pas de mot *ebishop en anglais) : elles sont nombreuses en argot (ricain pour américain) ou dans les jurons (tudieu pour vertu [de] Dieu). Dans tous les cas, le ou les phonèmes touchés ne sont pas toniques. Les termes ne sont pas forcément lexicalisés.Il s'agit d'une figure de style dès lors qu'il y a volonté de produire un effet particulier.Souvent il s'agit d'oraliser le discours comme dans Ulysse de James Joyce :
« T'y vois core moins clair que moi » (core pour encore)
Aphérèse par élision inverse
Au contraire, dans l'élision inverse, une voyelle tonique peut subir l'aphérèse. Rappelons que l'élision est un métaplasme par amuïssement dû à un hiatus.
En grec ancien, langue qui répugne à l'hiatus, celui-ci est résolu principalement par contraction (et par crase), élision simple ou métathèse de quantité. Dans une langue moins soutenue ou en poésie, cependant, l'hiatus entre deux mots peut être évité par l'aphérèse si la voyelle en fin du premier mot est longue et celle débutant le mot suivant est brève. Par exemple, dans l'énoncé ὦ ἄναξ ỗ ánaks (« ô roi ! »), l'hiatus [ɔːa], qui, normalement entre deux mots, est conservé, pourra être résolu par aphérèse du [a] initial d'ἄναξ ánaks, voyelle pourtant tonique. L'on obtiendra donc ỗ ’naks, écrit ὦ ῎ναξ.
Ce type d'aphérèse est aussi fréquent en anglais : I am (« je suis ») peut devenir I'm, et, de même, you are devient you're, (s)he is devient (s)he's, it is devient it's, I would devient I'd, who is who devient Who's Who (le nom de ce célèbre annuaire signifie « qui est qui »), etc. Le verbe to have est aussi sujet à l'aphérèse : I've pour I have, (s)he's pour (s)he has, we've pour we have, etc.
Enfin, en arabe il existe quelques mots débutant par une syllabe qui subit l'aphérèse dès que le mot n'est pas en début d'énoncé (on dit que cette syllabe porte une hamza instable). Ainsi, le nom de Dieu, أَللّٰه ʾAllāh, est réduit à ٱللّٰه llā dans un énoncé : بِسْمِ ٱللّٰه, bi-smi-llāh « au nom de Dieu ». Ce processus est décrit dans l'article sur l'écriture de la hamza.
L'aphérèse en français
Article détaillé : Aphérèse en français.Quelques exemples :
- diminutifs de prénoms (parfois devenus des patronymes) : Bastien (pour Sébastien), Colas (pour Nicolas), Sandre (pour Alexandre), Toine (pour Antoine) ;
- termes devenu courants : bus (pour omnibus ; aujourd'hui synonyme d'autobus), car (pour autocar), chandail (pour marchand d'ail) ;
- couples de mots (avec et sans aphérèse) anglo-américains passés en français : bot (issu de robot), toon (issu de cartoon) ;
- termes resté familiers ou argotiques : droïde (pour androïde), pitaine (pour capitaine ; argot militaire), Ricain (pour Américain), etc.
Des aphérèses se produisent aussi lorsque le français est prononcé un peu vite : « 'soir» (pour « bonsoir »), vous réduit à la liaison (« Z'avez pas soif ? »), etc.
Notes et références
- ↑ « Steak n. masc. (mot angl.). Abr. fam. de bifteck. » (Hachette) ; « 1806 ; beef steks 1735 ; angl. beefsteak » (Robert)
Voir aussi
Articles connexes
Bibliographie
Bibliographie des figures de style
- Quintilien (trad. Jean Cousin), De L’institution oratoire, t. I, Les Belles Lettres, coll. « Bude Serie Latine », Paris, 1989, 392 p. (ISBN 2251012028)
- Antoine Fouquelin, La Rhétorique Françoise, A. Wechel, Paris, 1557
- César Chesneau Dumarsais, Des tropes ou Des diferens sens dans lesquels on peut prendre un mème mot dans une mème langue, Impr. de Delalain, 1816, 362 p..
Nouvelle édition augmentée de la Construction oratoire, par l’abbé Batteux. Disponible en ligne
- Pierre Fontanier, Les figures du discours, Flammarion, Paris, 1977 (ISBN 2080810154)
- Patrick Bacry, Les figures de style : et autres procédés stylistiques, Belin, coll. « Collection Sujets », Paris, 1992, 335 p. (ISBN 2-7011-1393-8 (br.))
- Bernard Dupriez, Gradus,les procédés littéraires, 10/18, coll. « Domaine français », Paris, 2003, 540 p. (ISBN 2264037091)
- Catherine Fromilhague, Les figures de style, Armand Colin, coll. « 128 Lettres », Paris, 2007 (ISBN 978-2-2003-5236-3)
- Georges Molinié et Michèle Aquien, Dictionnaire de rhétorique et de poétique, LGF - Livre de Poche, coll. « Encyclopédies d’aujourd’hui », Paris, 1996, 350 p. (ISBN 262531-3017-6)
- Henri Morier, Dictionnaire de poétique et de rhétorique, Presses Universitaires de France, coll. « Grands Dictionnaires », Paris, 1998 (ISBN 2130493106)
- Michel Pougeoise, Dictionnaire de rhétorique, Armand Colin, Paris, 2001, 16×24 cm, 228 p. (ISBN 9782200252397)
- Olivier Reboul, Introduction à la rhétorique, Presses Universitaires de France, coll. « Premier cycle », Paris, 1991, 15 cm × 22 cm, 256 p. (ISBN 2-13-043917-9)
- Van Gorp, Dirk Delabastita, Georges Legros, Rainier Grutman et al., Dictionnaire des termes littéraires, Honoré Champion, Hendrik, 2005, 533 p. (ISBN 978-2745313256)
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