- Théodebert, fils de chilpéric ier
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Chilpéric Ier (roi des Francs)
Pour les articles homonymes, voir Chilpéric Ier (homonymie).Chilpéric Ier Roi de Soissons « Chilpéric roy de France » par Jean Dassier (1676-1763). Buste du roi à gauche ceint d'une couronne. Bibliothèque nationale de France.Règne 561 - 584 Dynastie Mérovingiens Titre complet Roi de Soissons (561-584)
Roi de Paris (567-584)Prédécesseur Clotaire Ier Successeur Clotaire II Autres fonctions Roi franc de Paris Période
567 - 584Président {{{président1}}} Président(s) de la République {{{président de la république1}}} Monarque Gouverneur général {{{gouverneur1}}} Prédécesseur Caribert Ier Successeur Gontran Période
-Président {{{président2}}} Président(s) de la République {{{président de la république2}}} Monarque Gouverneur général {{{gouverneur2}}} Prédécesseur Successeur {{{fonction3}}} Période
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{{{début fonction10}}} - {{{fin fonction10}}}Président {{{président10}}} Président(s) de la République {{{président de la république10}}} Monarque {{{monarque10}}} Gouverneur général {{{gouverneur10}}} Prédécesseur {{{prédécesseur10}}} Successeur {{{successeur10}}} Biographie Naissance 525-527[1] Décès septembre 584 Chelles, France Père Clotaire Ier Mère Arnegonde Conjoint(s) Audovère
Galswinthe
FrédégondeDescendance Théodebert (v. 552-575)
Mérovée (553/556-577)
Basine (555/564-?)
Clovis (v. 557-580)
Clodebert (565/570-580)
Rigonde (v. 569-589)
Samson (575-577)
Dagobert (580)
Thierry (582-584)
Clotaire II (584-629)Résidence(s) Soissons, Rouen, Paris, Cambrai Chilpéric Ier, né entre 525 et 527, mort entre les 20 et 28 septembre 584 à Chelles, est le deuxième roi dans la suite des rois de Soissons de la dynastie des Mérovingiens.
Il est le petit-fils de Clovis, roi des Francs, et le fils de Clotaire Ier, auquel il succède de 561 à 584, et de la reine Arnegonde. Son règne est connu grâce aux Dix livres d'Histoire, hagiographie écrite par l'évêque Grégoire de Tours, où ce dernier raconte les règnes de « bons » et de « mauvais » rois. Dans ces récits, il prône la supériorité du pouvoir spirituel (auctoritas) exercé par les évêques sur le pouvoir temporel (potestas) exercé par les rois[2]. Pour cette raison, l'évêque de Tours s'oppose à l'autorité de Chilpéric lorsque celui-ci juge les évêques, dont la dignité serait supérieure[3].
À la mort de Clotaire Ier, Chilpéric hérite de la plus petite partie du royaume des Francs, dont une grande partie de l'Église est placée sous l'autorité de Sigebert Ier, son demi-frère, lequel use de son pouvoir sur les évêques des diocèses suffragants.
La division du royaume des Francs génère une compétition féroce entre les prétendants au royaume. Chilpéric reprend la guerre civile qui avait été interrompue lors de la réunification du regnum Francorum par son père, du fait qu'il n'avait pas pu obtenir Tours et Poitiers lors du partage du royaume, que son père a tenues dès 511. Le rapprochement de l'Austrasie avec les Aquitains et les Wisigoths sert également de motif à la guerre. Durant la quasi-totalité de son règne, il tente d'accroître son domaine et combat ses demi-frères. La mort de deux d'entre eux lui permet une expansion territoriale.
Chilpéric a été l'un des derniers rois mérovingiens à régner en monarque absolu sur ses sujets[4], avant que le pouvoir ne s'effrite, capté par une noblesse ambitieuse.
Les épidémies et les assassinats viennent quasiment à bout de sa descendance, mais un fils, Clotaire, lui naît in extremis avant qu'il ne soit assassiné à Chelles, à l'issue d'une partie de chasse. Son royaume est sauvegardé par la volonté de son épouse, la reine Frédégonde, et de son dernier demi-frère Gontran, lesquels protègent le royaume pendant la minorité de son fils.
Sommaire
- 1 La Gaule franque au VIe siècle
- 2 Biographie
- 3 La gouvernance du royaume
- 4 Compléments
- 5 Annexes
La Gaule franque au VIe siècle
La société
La société se compose d'hommes et de femmes libres (ingenui) formant la plus grande partie du peuple franc. Ils ont l'obligation de servir dans l'armée du roi, avec le droit de prendre part à la justice publique, et sont commandés par l'intermédiaire des ducs et des comtes. Il existe également des populations dépendantes comme les esclaves locataires d'une ferme (servi casati), les esclaves domestiques, et les esclaves travailleurs agricoles sur les grandes propriétés[5]. Les esclaves ne peuvent pas servir dans l'armée, ce privilège étant réservé aux hommes libres. Ils appartiennent à la famille du propriétaire, qui peut être un ingenui ou un aristocrate. Les Francs libres devenus trop pauvres pour servir dans l'armée devenaient non-libres, en perdant leur identité juridique, pour devenir dépendants du propriétaire d'une terre sur laquelle ils travaillaient. Les paysans romains ont été intégrés comme dépendants non-libres des Francs. Les esclaves peuvent être affranchis par leurs maîtres de deux façons : l'affranchissement relatif, conférant à l'affranchi le statut de libertus ou lide lui permettant de jouir des droits juridiques et de sa liberté mais restant redevable de prestation en service ou en argent ; l'affranchissement absolu, qui confère à l'affranchi liberté, droits juridiques et la garantie de ne plus être redevable envers son ancien maître[6]. Il existe également une catégorie de semi-libres, nommés coloni. Un colon exploite une terre par contrainte et doit payer des redevances au maître. Il peut ensuite exploiter la terre pour son profit personnel[7]. De même, en 517, le concile d'Epao interdit aux abbés d'affranchir les esclaves sur les propriétés qu'ils ont reçues des laïcs, « parce qu'il est injuste que les esclaves jouissent de la liberté alors que les moines travaillaient la terre nuit et jour[8] ». Cependant, les terres ecclésiastiques et des petites propriétés et fermes romaines continuent d'exister. Des comtes francs s'installent dans les cités aquitaines, mais celles-ci conservent leurs langues et coutumes du fait de la faible influence que les Francs exercent sur la population[9]. De manière générale, le sud de la Gaule reste romanisé tandis qu'au nord, la culture franque remplace la culture romaine. Les noms germains prédominent[10], les hommes originaires de la région sont rarement considérés comme romains. Le dialecte roman reste cependant parlé par la population[11].
Le mariage chez les francs
Articles détaillés : Mariage morganatique et Morganatique.Les francs, comme les autres peuples germains, pratiquent l'endogamie[12] au sein de la Sippe ou clan (groupe de parenté étendu). Le mariage y prend plusieurs formes. Le père est le chef de la famille et exerce son autorité (mundium ou munduburdium) sur ses femmes, ses enfants, ses esclaves[13]. Il a le pouvoir d’accepter ou de refuser les mariages de chaque membre de sa familia[14]. Les jeunes nobles francs pratiquent une éducation sentimentale auprès des esclaves de leur familia ou des filles de leurs proches. Il en résulte souvent plusieurs mariages avec ses épouses de jeunesse (friedelfrau), qualifiées d’épouses de second rang ou d’épouses morganatiques. Ce type de mariage, la friedelehe, est généralement hypergamique et est conclu de façon privée entre le mari et la femme[15]. Le chef de famille peut décider d’établir pour les jeunes francs arrivés à maturité, des mariages avec des épouses prestigieuses dites de premier rang. Ce type de mariage, célébré en public, permet le rapprochement des familles, assurant une alliance diplomatique[16]. Cette polygynie entraîne la confusion chez les chrétiens traditionnellement monogames, qui appliquent naturellement le droit matrimonial romain et qualifient à tord ces épouses de concubines ou de maîtresses, croyant leurs enfants illégitimes[note 1]. Or, les enfants issus des différents mariages sont tous égaux en matière de succession[note 2]. Le père garde cependant le droit d’écarter de sa succession les enfants de son choix[17].
Biographie
Naissance et formation
Chilpéric Ier naît au sein d'une des familles princières franques, issue de Mérovée et surtout de Clovis, fondateurs de la dynastie Mérovingienne. Les Mérovingiens constituèrent la première dynastie qui régna sur la majorité des territoires actuellement français et belge, ainsi que sur une partie du Sud de l’Allemagne et de la Suisse du Ve siècle jusqu’au VIIIe siècle, après la fin des invasions barbares dans les provinces romaines occidentales dont la Gaule. Ils sont issus des Francs saliens qui étaient établis au Ve siècle dans les régions de Cambrai et de Tournai, en Belgique.
Généalogie ascendante et descendante
Mariages et descendance
Chilpéric a d’abord épousé vers 549 Audovère († assassinée en 580) qui donne naissance à :
- Théodebert (ou Thibert) (v.552 † 573), fils aîné[18], vaincu et tué par les ducs Godegisel et Gontran Boson alors qu’il dévaste la Touraine, possession de son oncle Sigebert Ier ;
- Mérovée, né entre 553 et 556[note 3] († 577), marié à Brunehilde (veuve de Sigebert Ier), sa tante par alliance, et tonsuré, aurait été assassiné ou se serait suicidé par crainte de son père ;
- Basine, née entre 555 environ et 564[19], violée par les hommes de Frédégonde après la mort de Clovis, puis religieuse à l’abbaye Sainte-Croix de Poitiers ;
- Clovis (553/557 † 580)[note 4], assassiné sur l’ordre de Frédégonde ;
- Childesinde[20], dont l’existence est sujette à caution, car elle n’est pas citée par Grégoire de Tours, mais seulement par le Liber Historiae Francorum, un siècle et demi plus tard.
En 564, Chilpéric se remarie avec Galswinthe († 567), fille d’Athanagild, roi des Wisigoths, et sœur de Brunehilde (également nommé Brunehaut à partir du XIIIe siècle[21]). Elle entre rapidement en conflit avec son mari à propos de la liaison qu’il entretient avec Frédégonde, réclame son retour en Hispanie et est retrouvée étranglée dans son lit.
En troisièmes noces, Chilpéric épouse Frédégonde († 597), probablement issue d’un milieu peu élevé, comme le suggère Grégoire de Tours. De ce mariage sont nés :
- Clodebert né vers 565/570, mort de dysenterie en même temps que son frère Dagobert en 580 ;
- Rigonde (v. 569 † 589), fiancée au prince wisigoth Reccared. Lorsque le convoi qui l’emmène en Hispanie apprend la mort de son père, son escorte pille les richesses du convoi et l’abandonne. Elle se réfugie dans le palais de sa mère et mène une vie de débauche ;
- Samson, né en 575, mort de dysenterie en 577 ;
- Dagobert, né en 580, il meurt de dysenterie en même temps que son frère Clodebert en 580 ;
- Théoderic, né en 582, mort de dysenterie en 584 ;
- Clotaire II (584 † 629), roi de Neustrie, puis de tous les Francs.
La personnalité de Chilpéric
Le roi Chilpéric est dépeint par son contemporain Grégoire de Tours comme « le Néron et l’Hérode de notre temps ». Il le présente comme un homme intempérant et présomptueux, avide de richesses, faisant périr ceux qui en possèdent. Selon lui, il prendrait plaisir à ravager les campagnes, à martyriser les pauvres et accabler les clercs. Il faut cependant préciser que l'évêque Grégoire se sentit publiquement humilié au concile de Berny où il dut comparaître pour être jugé, accusé d’avoir calomnié Frédégonde[22]. Chilpéric aurait même inscrit dans ses ordonnances adressées aux juges que l'on arrache les yeux des personnes ne tenant pas compte de ses prérogatives. À cela, Grégoire ajoute après sa mort qu’il n’a jamais aimé personne et que personne ne l’a jamais aimé[23].
Une toute autre vision de la personnalité de Chilpéric se dégage des vers du poète Venance Fortunat, un autre de ses contemporains, qui le présente comme un homme instruit et le célèbre comme un brillant guerrier et législateur. Le poète écrit ainsi : « vous réglez vos armes sur les lois et redressez les lois par vos armes », ajoutant que, parmi les Mérovingiens, « vous l’emportez par le savoir et par la doctrine ; par la science du dogme vous êtes tel que ne fut jamais votre père. ».
Selon Grégoire de Tours, il aurait rédigé un décret sur la Trinité[24] alors qu’à l’exception de Childebert Ier et de Chilpéric, lesquels semblent avoir eu quelques lumières sur le débat trinitaire, les rois mérovingiens se désintéressent du problème, dont ils n’exploitent que les incidences diplomatiques[25]. Son traité, stipulant que l’on nomme Dieu la Sainte Trinité, ressemble à l’hérésie du prêtre Sabellius, excommunié en l’an 217 par le pape Calixte Ier[26]. Ainsi, Grégoire rejette son traité et le roi se tourne vers saint Salve, évêque d’Albi, qui le rejette également. Chilpéric doit alors se plier à la volonté des évêques.
Venance Fortunat célèbre en lui un faiseur de vers parfaits, surpassant ainsi les autres rois de sa dynastie dans les lettres[27], même si l'évêque de Tours juge ses vers « sans mesure ni rythme ». Il est vrai que Venance Fortunat, se décrivant comme un « poète souriceau[28] » à l’affût des tables attendant que les puissants laissent tomber de bons morceaux, compose des œuvres louant les mécènes qui acceptent de financer son train de vie[29].
Par l’intermédiaire de ses décisions politiques, il montre surtout le visage d’un joueur prêt à tout miser sur la chance[30].
L’éducation d’un prince franc
Chilpéric signifie « roi sauveur[31] ». C’est un nom francique haut allemand, constitué d’une ch gutturale[32], de hilp[note 5] (aide, secours) et ric (roi, chef)[33] que Venance Fortunat traduit en latin par Adjutor fortis (auxiliaire courageux)[27]. Il est nommé aussi Hilpericus par Marius d'Avenches[34] et Paul Diacre[note 6].
Son nom ne lui est certainement donné qu’à l’âge de trois ans, âge minimal requis pour recevoir le baptême. La mortalité infantile est à l’époque si importante que les nouveau-nés ne reçoivent pas de nom immédiatement. L’attribution de ce nom, déjà donné aux rois burgondes qui sont le père et le grand-oncle de Clotilde, a probablement été influencée par cette dernière[31]. La reine Clotilde étant encore en vie à l’époque de la naissance de Chilpéric, il se peut que le baptême ait eu lieu à Tours, appartenant alors à Clotaire, où la reine réside ainsi que les évêques burgondes Procule, Théodore et Diffinus, chassés par les Ariens[35].
Il reçoit probablement une bonne éducation, que l’évêque de Poitiers, Venance Fortunat, décrit en ses mots « Sur vous, douce tête, se penchèrent tous les soins de votre père[36] », axée sur le maniement des armes, l’équitation, ainsi qu’une instruction littéraire. Il parle latin, francique, et peut-être a-t-il des notions de grec[37] et d’hébreu, grâce au contact des juifs de sa cour.
Il apprend l’art de la guerre au cours de parties de chasse qui lui permettent de pratiquer les bases du combat, le préparant ainsi à ses futures batailles[38]. À sa majorité (à l’âge de quinze ans), il multiplie les faits d’armes auprès de son père : « Devant vous tremblent le gète, le vascon, le danois, l’euthion, le saxon, le breton, il est notoire qu’avec votre père vous les avez domptés en bataille rangée[39]. ». Au printemps 542, il accompagne son père avec deux de ses demi-frères, dans une campagne contre les Wisigoths, auquel s’est joint son oncle Childebert Ier. Ils s’emparent de Pampelune et assiègent Saragosse.
Entre 542 et 552, il épouse Audovère « sa première reine[40] », peut-être de condition modeste[41]. Avec Sigebert, il accompagne également son père dans la guerre contre les Saxons, probablement excités par Childebert Ier, pendant que ses autres demi-frères, Caribert et Gontran, se dirigent vers l’Auvergne pour ramener Chramn. Après le massacre des deux armées, une paix est négociée et Clotaire se dirige vers la Thuringe, afin de mener une expédition punitive contre ses habitants qui avaient soutenu les Saxons. Lors de son retour dans ses États, les Saxons coalisés avec les Thuringiens, probablement les Frisons[note 7], les Danois et les Jutes[note 8] rentrent en territoire franc le long de la rive droite du Rhin jusqu’à Deutz. Clotaire et Chilpéric rejoignent Sigebert, qui a été posté comme garde-frontière, et repoussent les envahisseurs[27]. En novembre ou décembre 560, il participe également à l’attaque contre Chramn et le comte Conomor de Domnonée[27],[42].
La succession de Clotaire Ier
Le coup d'État de Chilpéric
Clotaire Ier avait réunifié le royaume franc de Clovis Ier avec peine mais n'avait pas partagé le royaume avant sa mort, qui survint en 561. Ses fils allèrent l'enterrer à Soissons, dans la basilique Sainte-Marie[43] qu'il avait commencé à faire construire sur le tombeau de saint Médard[44].
Dans la tradition germanique, le mode de succession des rois sur le trône, la tanistry (nom celtique désignant la succession par le cadet et non par le fils), se fait entre frères, de l'aîné au benjamin, puis aux oncles et aux neveux[45]. N'étant pas issu de la même union que les autres princes[46], ce système aurait défavorisé Chilpéric au moment du partage voulu par la loi salique. Contrairement au mode de succession par primogéniture qui régit la succession au trône du père au fils aîné, comme sous la dynastie capétienne, le royaume est divisé entre autant de fils que le roi possède, afin que chacun puisse régner. La division du Regnum Francorum engendre des sous-royaumes (teilreiche) distincts de celui-ci, permettant à chaque prince d'exercer une royauté complète dans le sous-royaume attribué, plutôt que de diviser l'exercice du pouvoir avec les autres princes sur l'ensemble du territoire[47].
À l'aide d'antrusions (guerriers d'élites formant la garde privilégié du roi, liés par un serment particulier[note 9]), Chilpéric s'empare du trésor de la villa Brennacum - palais de Berny. Le lieu où se situe cette villa n'est pas certain : il peut s'agir de la villa Bernacum de Berny-Rivière à 16 km de Soissons, ou de la villa de Breny (au lieu-dit Le Martois) à 24 km. Par la force, il peut accéder aux richesses que son père a accumulées et entasse le trésor sur des chariots[43]. Il en profite pour acheter la fidélité de certains grands seigneurs et occupe Paris, en prenant possession du château de son oncle Childebert Ier avec la portion du royaume associée[48]. Néanmoins ses demi-frères Caribert, Gontran et Sigebert l'obligent à respecter le partage.
Le deuxième partage du Regnum Francorum (561)
Le royaume est donc à nouveau divisé en quatre suivant « un partage régulier » et le sort (destin ou partage[note 10]) attribue à Chilpéric le territoire ancestral des Mérovingiens, le « royaume de Clotaire » avec Soissons pour capitale[49]. Son territoire se situe entre Tournai et la Picardie. La cité de Laon a peut-être été acquise par Sigebert mais celle d'Amiens lui est peut-être revenue, car elle a été attribuée en 511 à Childebert Ier[note 11]. Le royaume se compose probablement des cités de Thérouanne, Tournai, Arras, Cambrai, Amiens et Noyon. Ce teilreich, le plus pauvre en fisc (terre, forêt ou mine appartenant à la couronne[50]), n'a ni ressources importantes ni frontières actives offrant des perspectives de conquête[51].
Augustin Thierry affirme que le partage était égal, non en superficie, mais en nombre de cités[52]. Il affirme également que chacun des frères possède des enclaves dans les autres teilreich. Chilpéric aurait ainsi reçu Nantes et Rouen. Cependant, il ne reçoit ni Tours ni Poitiers qui constituaient l'enclave aquitaine de son père dès 511[53]. De plus, le royaume de Paris, revenu à Caribert, cinq fois plus grand que celui de Chilpéric, possédant de nombreuses cités en Aquitaine, dans la vallée de la Loire, doit posséder plus de villes que Chilpéric, qui reçoit un territoire peu romanisé et ayant subi beaucoup de destructions, du fait des invasions barbares[54]. Le critère déterminant la valeur d'une part peut ne pas prendre seulement en compte la superficie mais aussi la nature du patrimoine. Comme Chilpéric reçoit le royaume de son père, la capitale des Gaules et la terre patrimoniale des Mérovingiens, sa part est vue comme égale aux autres, plus grandes géographiquement mais dont aucun statut politique n'est rattaché du fait de leur annexion par conquête[55]. Une autre hypothèse veut que le hasard soit à l'origine de l'attribution des royaumes qui se serait fait par tirage au sort. Cependant, Grégoire de Tours précise que la répartition des territoires est équitable, un tirage au sort avec des lots inégaux est donc à exclure[56].
L'affectation des teilreich peut aussi être définie selon le nom donné aux princes, pour qu'ils soient destinés à régner sur un territoire donné : le royaume de Metz ayant appartenu à Thierry Ier, que reçoit Sigebert, englobe l'ancien royaume de Cologne des Francs ripuaires dont un des rois se nommait Sigebert le boiteux. Gontran, quant à lui, possède un nom typiquement burgonde[note 12] et reçoit le royaume des Burgondes. Or, il est à noter que Chilpéric est aussi un nom typiquement burgonde[57]. Depuis le premier partage du Regnum Francorum en 511, le royaume des Burgondes et la Provence ont été annexés et Chilpéric n'obtient rien de ces territoires[58].
Les rapports de forces déterminent en réalité les attributions ; de plus, la mise à l'écart des plus faibles fait partie des usages de la succession royale franque et il se peut que les trois fils d'Ingonde éprouvent de la défiance envers leur demi-frère[48]. Ce partage peut constituer une sanction à son égard pour avoir tenté de s'emparer de tout ou partie du royaume sans le consentement de ses demi-frères[59].
En plus, le partage du regnum ne prend pas en compte la répartition des provinces ecclésiastiques. Le clergé a calqué le mode de division du territoire de l'administration civile romaine, en découpant le territoire en provinces, subdivisées en diocèses, dont les limites correspondent à celles des cités romaines. Chaque diocèse est dirigé par un évêque. En plus de son autorité religieuse, avec l'affaiblissement de l'administration romaine, celui-ci étend son pouvoir aux domaines politiques et sociaux, faisant ainsi concurrence au pouvoir du comte qui est le représentant de l'autorité royale. Chez les Romains, les provinces regroupent plusieurs cités et sont dirigées par un gouverneur exerçant ses fonctions dans la cité du chef-lieu[60]. Ainsi, l'évêque dont le diocèse correspond au chef-lieu, est nommé évêque métropolitain, renommé archevêque au IXe siècle, et exerce la fonction de primat sur sa province et ses comprovinciaux suivant les règles établies par le premier concile de Nicée en 325 et le concile de Turin en 398. Conservant l'héritage des droits que leur conférait l'Empire romain, en tant que magister militum, les rois francs peuvent désigner les évêques[61], ceci à l'encontre du clergé et du peuple qui doivent pouvoir choisir leur évêque[62]. Or, tous les diocèses du royaume de Soissons appartiennent à la cité provinciale de Reims, propriété de Sigebert. Les évêques du royaume de Soissons sont donc soumis à un évêque métropolitain subordonné à Sigebert[63].
En 562, les Avars, apparentés aux Huns, font des incursions en Austrasie. Sigebert Ier doit alors transférer sa capitale de Reims à Metz, et il parvient à repousser les envahisseurs au-delà du Rhin, peut-être en Pannonie ou en Bavière[64]. Chilpéric profite de son absence pour enlever Reims et d’autres villes d’Austrasie. Sigebert contre-attaque, récupère les villes qui lui ont été prises et s'empare de Soissons. Théodebert, fils de Chilpéric, est capturé et envoyé dans la villa de Ponthion (Pontico villa dans le département de la Marne, canton de Thiéblemont-Farémont)[65]. Sigebert profite de sa domination sur Soissons pour terminer la construction de la basilique Saint-Médard[66]. Théodebert est libéré au bout d'un an, avec comme condition qu'il prête serment de ne plus attaquer l'Austrasie. Il retourne alors auprès de son père avec des cadeaux[67].
Le partage du royaume de Paris (567-568)
À la mort de Caribert Ier, le 5 mars 567, celui-ci n'ayant pas d'héritier mâle, Gontran, Sigebert et Chilpéric se disputent âprement son héritage. Les modalités du partage sont inscrites dans un pacte que chacun conserve et jure d'en respecter les termes sur les reliques des saints Polyeucte, Hilaire et Martin. Le lieu où se déroulent les pourparlers n'a pas été rapporté : peut-être est-ce Paris, capitale du défunt ? Ou bien est-ce une ville appartenant à Sigebert Ier dont le royaume abrite les églises Saint-Polyeucte de Metz (devenue Saint-Livier de Metz au IXe siècle), Saint-Hilaire de Poitiers et Saint-Martin de Tours[68]? Le territoire que Chilpéric reçoit est probablement contigu avec son royaume en s'étendant au nord-ouest de Paris.
Le partage du royaume se fait en 568[69] et Paris est maintenu dans l'indivision. Les revenus fiscaux de la ville sont partagés en trois et chaque roi jure de ne pas entrer dans la ville sans le consentement des deux autres[70]. La Seine et la Marne divisent la civitas Parisiorum en trois parties à peu près équivalentes correspondant aux trois archidiaconés de l'ancien diocèse parisien. Le grand archidiaconé ou archidiaconé de Parisis, situé au nord sur la rive droite de la Marne et de la haute Seine[71], comprenant les domaines de Chelles et de Nogent-sur-Marne, a dû lui être attribué[72]. Senlis est également indivise[69].
Dans la province de Reims, qui reste propriété de Sigebert Ier, il récupère la ville de Beauvais mais ne récupère pas Soissons qui reste la conquête du roi de Metz. Il obtient la province ecclésiastique de Rouen avec les diocèses de Coutances, Bayeux, Lisieux, Evreux, mais sans les évêchés de Sées et d'Avranches. L'attribution de ces deux dernières cités reste discutée car si Sigebert Ier les avaient eues, elles étaient trop isolées pour ne pas passer sous l'influence de Chilpéric[73]. De plus, le traité d'Andelot, datant du 28 novembre 587, octroie Avranches à Childebert II sans préciser qu'elle appartenait à son père[69],[74],[75]. Il obtient également les diocèses de Vannes, Nantes, Le Mans, Angers et Rennes, villes correspondant à la province de Tours, cité provinciale attribuée à Sigebert Ier[76]. Il est possible que la Bretagne ait été intégrée à sa part, mais cela n'a guère d'intérêt du fait du contrôle limité qu'exercent les Francs dans cette région[77].
À ceci s'ajoutent des cités aquitaines de la province de Bourges, métropole provinciale revenue à Gontran, avec Limoges et Cahors. La métropole provinciale de Bordeaux lui revient. La province d'Eauze, comprenant la métropole et les diocèses de Bazas, Dax, Oloron, Comminges, Auch et Lectoure, lui est rattachée avec les évêchés de Béarn (anciennement Lescar) et Bigorre (anciennement Tarbes)[78]. Dans la province de Sens, le diocèse de Chartres est divisé en trois[75] et Poissy et peut-être Dreux lui reviennent. La situation de la ville de Toulouse est incertaine ; il est possible qu'elle ait appartenu à Gontran depuis 561[69]. Bien que richement doté en Aquitaine, ce dernier hérite d'une part moins importante dans l'ancienne région capitale : il n'obtient que le diocèse de Chartres auquel la place forte de Châteaudun a été soustraite. Dans l'ouest, il n'obtient que la cité de Sées. Ce maigre lot peut s'expliquer par la compensation qu'il a reçue en accueillant Théodechilde, veuve de Caribert Ier, accompagnée des trésors de son défunt mari[77].
Les nouvelles frontières du royaume correspondent à ce que Jonas de Bobbio, au VIIe siècle, appelle la « Neustrie ou Neuster[79] »[80] (nouveau royaume de l'Ouest[81]), royaume qui se perpétuera au fil des partages du Regnum Francorum avec l'Austrasie et la Burgondie. La ville de Rouen ayant pu jouer un rôle politique[82], il est possible que Chilpéric y ait installé sa capitale, depuis la perte de Soissons. Par son extension, son royaume devient frontalier avec la Bretagne et le royaume wisigoth. Cependant, l'attribution des villes de Tours et Poitiers à Sigebert Ier, empêche le rattachement de ses possessions du nord avec celles du sud[83].
Le mariage avec Galswinthe (568)
L'encerclement des cités des provinces ecclésiastiques de Bourges et d'Eauze d'un côté par les Wisigoths, de l'autre par l'Austrasie, alliés par le mariage, menace Chilpéric. Pour s'assurer de la neutralité du roi de Tolède, il décide de se marier avec Galswinthe[83], sœur aînée de Brunehilde. Pour Grégoire de Tours, la raison de ce mariage est que le prestigieux mariage de Sigebert Ier et de Brunehilde suscite des jalousies chez les autres rois francs[40] car les frères du roi Sigebert « prenaient des femmes indignes d'eux et se dégradaient même en épousant des servantes[84] ».
La constitution du morgengabe
Chilpéric décide alors d'épouser « une femme digne de lui et de souche royale[40] ». En 568[85], une ambassade est envoyée en Hispanie wisigothique auprès d’Athanagild, mais celui-ci, sous l'influence de la reine Goïswinthe qui n'apprécie guère les mœurs du roi de Neustrie, et de sa fille elle-même influencée par sa mère, fait patienter les envoyés neustriens, leur faisant savoir qu'il se sent gêné[78]. Finalement, Athanagild accède à la demande de Chilpéric. Grâce à la possession de terres en Aquitaine[86], les Wisigoths sécurisent ainsi leur frontière septentrionale, et estime que la Neustrie fournirait son aide pour vaincre les révoltes basques dans les piémonts Pyrénéens. De plus, les Wisigoths sont en guerre contre les Byzantins, l’alliance des Wisigoths avec deux rois francs permet d’ouvrir un nouveau front contre Byzance si les Francs attaquent l’Italie.
Néanmoins, pour que le mariage ait lieu, Chilpéric se voit contraint de répudier son épouse de second rang Audovère à la demande des Wisigoths, car ceux-ci appliquaient le droit romain en matière de mariage[87]. Audovère est peut-être reléguée dans la villa royale de Vaudreuil[88] ou dans un monastère du Mans[89].
Selon le Liber Historiae Francorum (en 727), Audovère aurait tenu sa fille Childesinde sur les fonts baptismaux, devenant ainsi la marraine de sa propre fille et imposant la rupture immédiate de son mariage[20]. Mais comme aucun document contemporain ne mentionne cette histoire, on peut mettre en doute son authenticité. La parenté spirituelle ne devient contraignante vis-à-vis du mariage qu'à partir du concile byzantin In Trullo de 692. L'Église de Rome ne l'adopte qu'à partir du concile de Rome de 721. Cette anecdote ne serait qu'une invention de l'auteur, pour répandre l'interdiction du droit canon, datant de peu avant l'écriture de ce livre. Il ajoute que la fille porte le nom de Childesinde, nom wisigoth, au contraire de ses frères et sœur dont les noms sont d'origine franque[90].
Un morgengabe (« don du matin » biens mobiliers offert par le mari à la mariée après la nuit de noces en échange du don de la virginité[91], l'union charnelle constitue le mariage dans les tribus germaniques, l'épouse se doit donc d'avoir conservé sa pureté afin d'assurer à l'époux que les enfants à naître sont les siens[92]) comprenant les cités de Bordeaux, Limoges, Cahors, Béarn et Bigorre[86] doit en plus être versé à Galswinthe, venant s'ajouter aux biens mobiliers et immobiliers habituels. Cela correspond environ à un tiers de la Neustrie, en plus d’être la portion du royaume la plus riche. Si Chilpéric venait à mourir, Galswinthe pourrait retourner en Hispanie wisigothique avec son morgengabe et transmettre les villes à son père Athanagild ou à un éventuel nouvel époux. En cas de séparation, le roi de Neustrie perdrait tout[93].
Athanagild accorde alors à Galswinthe une dot (cadeau du père de la mariée accordé au mari[91]) en métal précieux[78], plus importante que celle concédée à Brunehilde. Dans les mariages francs, le fiancé fait un don au père de la fiancée (pretium nuptiale) afin d'obtenir l'autorité juridique et morale sur elle (mundium)[94]. L'épouse reçoit ensuite plusieurs dots : lors de la demande en mariage par le mari (ante nuptias) ; lors du mariage par son père (dot romaine). Le don important accordé à Galswinthe peut s'expliquer par l'union d'un morgengabe et d'une dot, Galswinthe ayant reçu des cités aquitaines « Tant à titre de dot que de morgengabe[69] ».
Apprenant qu'elle est obligée de se marier, elle va pleurer auprès de sa mère. N'ayant jamais quitté le palais de Tolède, elle appréhende le moment des épousailles avec un roi à la religion, au pays et aux coutumes différentes[95]. Les ambassadeurs francs sont contraints de réclamer la fille du roi de Tolède, qui ne veut pas quitter sa mère, après trois jours d'attente. Goïswinthe doit obliger Galswinthe à respecter le contrat de mariage et, résignée, elle est remise aux mains des envoyés[78]. Chilpéric profite de la venue de Galswinthe pour prendre possession symboliquement des territoires reçus par le partage du royaume de feu son demi-frère. Galswinthe voyage de Narbonne à travers les cités aquitaines où elle est promenée, passant par Poitiers et par Tours, puis gagne Rouen par bateau[96]. Le cortège nuptial remplace le « circuit royal », tour du royaume que les Mérovingiens font pour se montrer à leurs sujets après leur accession au trône. Chilpéric obtient de Galswinthe sa conversion au catholicisme. Étant arienne, elle se doit d'abjurer les thèses d'Arius, de recevoir une chrismation et de participer à un office catholique[25].
Les déboires conjugaux
Plusieurs mois après le mariage, Galswinthe n’est toujours pas enceinte. Si Galswinthe mourait sans enfants, Athanagild pourrait réclamer le morgengabe de Galswinthe[93]. Chilpéric trahit son engagement en fréquentant ses anciennes concubines, notamment Frédégonde[40]. Galswinthe veut alors retourner en Hispanie, disant qu'elle ne peut supporter l'injure faite à son honneur, résolue à laisser sa dot à Chilpéric. Il tente d’apaiser Galswinthe mais les tensions conjugales sont connues jusqu’en Hispanie. Athanagild meurt à la fin de 568[97] sans héritier ni frère, garantissant à Chilpéric que nulle vengeance ne s’exerce contre lui au sujet de ses problèmes conjugaux, ni que quelqu’un hérite du morgengabe[98]. De plus, la mort d'Athanagild ôte au mariage tout intérêt politique. Galswinthe est alors assassinée, étranglée dans son lit par un serviteur de Chilpéric[40]. Chilpéric tente de nier sa responsabilité des faits en pleurant le décès de Galswinthe, puis fait son deuil. Le deuil ne dure guère, car après quelques jours de veuvage, il épouse Frédégonde[40]. Ce meurtre aurait pu permettre à Léovigild, frère d'Athanagild et nouveau roi des Wisigoths, de réclamer le morgengabe, sinon il aurait pu exiger le paiement d'un wergeld « prix du sang » pour racheter le crime[99].
Le désastre diplomatique
L’épisode est souligné par le poète Venance Fortunat qui compose depuis sa résidence de Poitiers un éloge funèbre de la défunte reine, long de trois cent soixante-dix vers, destiné à la reine Goïswinthe, veuve d’Athanagild, qui se remarie avec Léovigild. Cette élégie a souvent été célébrée comme le plus grand texte littéraire de l’époque mérovingienne. L’œuvre a probablement été commandée par Sigebert Ier, qui pouvait réclamer un wergeld pour le meurtre de sa belle-sœur et déclencher une faide (vengeance obligatoire d'après la coutume des Germains[100]) si Chilpéric refusait de payer, et par des Grands d'Austrasie, tels que le comte Gogon ou le duc Loup avec qui Venance Fortunat entretient des contacts au début des années 570[note 13], comme le laissent supposer les premiers vers du poème : « Tolède t’a envoyé deux tours, ô Gaule : si la première est debout, la seconde gît à terre, brisée. Elle se dressait sur les collines, splendide sur une belle cime, et des vents hostiles l’ont mise à bas et détruite[101] ».
Le poème aborde la douleur de l’enfantement, celle de perdre une fille qui se marie à l’étranger[102] et la mort de l’enfant aimé « Le malheur fond sur elle, atteinte d’un coup foudroyant, elle défaille, son regard chavire, elle s’éteint. »[103]. Le cortège nuptial et la noce deviennent de tristes évènements où Cupidon vole au-dessus des époux, armé de flèches glacées[104]. Fortunat décrit la princesse comme généreuse avec les pauvres et aimée de tous, elle aurait reçu l’amitié de Radegonde[105] et les guerriers francs lui auraient juré serment de fidélité sur leurs armes[106]. Le poème insinue qu’il y a eu meurtre, en expliquant que la mort de Galswinthe met en pleurs la cour tout entière, sauf le mari et que la nourrice de Galswinthe se pose la question de savoir comment repartir en Hispanie pour en informer Goïswinthe, laissant penser que la nourrice est prisonnière.
L’enterrement de la reine se déroule au milieu des gémissements et un miracle intervient, témoignage de la présence divine. Une lampe suspendue au-dessus du tombeau serait tombée sans se briser[107]. Grégoire de Tours ajoute dans son quatrième livre d'histoires, des années plus tard, que le luminaire s’enfonce dans le dallage comme dans de la cire[40]. La douleur de Brunehilde est ensuite décrite :
« Partout où elle passe, elle frappe les astres de ses plaintes. Souvent, elle crie ton nom, Galswinthe, toi sa sœur. Les sources, les forêts, les fleuves, les champs le répètent. Tu te tais, Galswinthe ? Réponds à ta sœur comme lui répondent les objets muets : les pierres, les monts, les bois, les eaux, le ciel ! »Le poème décrit une Brunehilde culpabilisée d’avoir aidé à attirer sa sœur en Gaule alors qu’en réalité, le mariage était nuisible aux intérêts austrasiens[108]. En s’adressant à Goïswinthe par ces mots « Vous aussi, sa mère, par la grâce du Dieu tonnant, vous avez une consolation dans votre fille, votre gendre, votre petite-fille, votre petit-fils et votre mari. »[109], le poème sous-entend que, Galswinthe s’étant convertie au catholicisme, l’union de l’Austrasie et du royaume wisigoth permettrait de venger le meurtre[110].
La guerre civile (568-575)
Le conflit territorial autour du morgengabe
La mort de Galswinthe rend possible la récupération des terres d'Aquitaine appartenant à Chilpéric par Léovigild, mais aussi par Sigebert Ier, mari de la sœur de la victime, qui demande à Gontran de l'aider. Pour trouver un accord à l'amiable, ils mettent en place un tribunal où Gontran, l'aîné, tient le rôle de juge. Des aristocrates austrasiens et burgondes sont nommés assesseurs[69]. Sigebert Ier dépose plainte au nom de Brunehilde. Gontran condamne Chilpéric et ordonne qu'il soit détrôné[40], rendant possible une guerre contre la Neustrie. Il est décidé, selon le droit barbare, que le morgengabe de Galswinthe aille à Brunehilde, permettant à Sigebert de récupérer les territoires au nom de sa femme, et de les transmettre par héritage à son fils Childebert, qui vient de naître[111]. Les demi-frères de Chilpéric ne veulent donc pas le détrôner mais le chasser des territoires aquitains[112].
En 572, afin de récupérer les cités de Tours et Poitiers, qui lui permettent d'assurer la continuité de son royaume entre ses possessions aquitaines et celles du nord de la Loire, Chilpéric envoie le prince Clovis s'emparer de ces deux villes. À Tours, il bénéficie du soutien du comte Leudaste, d'une partie de la population et du clergé[note 14]. L'armée de Sigebert, combinée avec des troupes de Gontran commandées par le patrice Mummol[113], attaque l'Aquitaine et conquiert Limoges et le Quercy. Clovis reprend également Tours et Poitiers et domine la cité de Bordeaux mais en est chassé par une révolte fomentée par Sigebert Ier et le duc Sigulf[114]. Clovis prend la fuite au son des cors et trompettes comme lors d’une chasse au cerf[18]. Il se réfugie chez son père et le comte Leudaste, qui s'est également enfui, est remplacé par le comte Justinus[115]. Bordeaux, faisant partie du morgengabe, se retrouve donc en possession de la reine d'Austrasie.
Gontran, voyant l'équilibre du regnum francorum remis en cause, convoque un concile qui se réunit à Paris le 11 septembre 573[116], pour laisser l'Église trouver une solution au problème de la guerre entre les rois francs[18]. D'après les actes royaux, le concile ne réunit que les évêques de Burgondie et est présidé par Sapaudus d'Arles, qui a trahi Sigebert durant l'expédition austrasienne en Provence. Les prélats déclarent tout de même avoir reçu la permission de Sigebert pour se réunir à Paris qui reste une ville indivise[note 15]. Durant le concile, l’évêque Promotus qui a été nommé par Sigebert au siège de Châteaudun, qui fait partie du diocèse de Chartres dont l’évêque est sujet du roi Gontran, est déposé après avoir été accusé d’usurpation. Le concile reproche à Egidius de Reims, qui a été nommé par Sigebert, son ordination illégale. Grégoire de Tours, qui a lui aussi été nommé par Sigebert au mépris du droit canon, garde de la rancune contre Sapaudus d’Arles. Finalement, le concile débouche sur une proposition de paix mais elle n'est pas mise en application[117].
Chilpéric envoie Théodebert récupérer les cités d’Aquitaine perdues, notamment Tours et Poitiers : la mission est menée à bien. L’armée austrasienne dirigée par le duc Gondovald tente de reprendre les cités mais est battue. L’armée neustrienne progresse vers le sud pour occuper les villes de Limoges et le Quercy qui sont ravagés. Les clercs et les structures chrétiennes régionales ne sont pas épargnés[118], de façon à ne rien laisser aux Austrasiens qui risquent d’en reprendre le contrôle[119]. Sigebert fait alors venir, en 574, des troupes païennes venues d’outre-Rhin qu’il lance contre l’armée neustrienne qui est défaite. Cependant, le royaume burgonde affronte les Lombards sur sa frontière orientale. Ainsi, Gontran ne possède plus assez de moyens pour attaquer la Neustrie. Le roi de Burgondie, qui craint une Austrasie trop forte, passe un accord de défense mutuelle avec Chilpéric, garantissant que les Austrasiens n’aient pas de droit de passage sur ses terres[120] même s’il ne peut guère défendre la Neustrie en cas d’attaque. Le pacte est annulé sous la pression de Sigebert qui menace la Burgondie d’attaque. Gontran recule et adopte alors une neutralité politique. Le roi de Neustrie préfère négocier et un traité, datant de 574, stipule qu’il rend les cités d’Aquitaine. Ainsi s’installe une paix de compromis[121] où Chilpéric sauve sa vie, Gontran ne perd rien et Sigebert récupère les terres de sa défunte belle-sœur.
La débâcle
En 575, Chilpéric renoue une alliance avec Gontran, puis mène une attaque jusqu’à Reims. Sigebert contre-attaque et Gontran annule son serment envers Chilpéric. Des troupes austrasiennes attaquent le sud de la Neustrie tandis que Sigebert dirige ses troupes vers l’est de Paris. Les ducs Godegisèle et Gontran Boson attaquent Paris où les troupes neustriennes, commandées par Théodebert, sont peu nombreuses. Le prince tente de résister à l’assaut mais est battu par Gontran Boson et tué dans la bataille[122]. Sigebert accorde des funérailles au jeune prince[123].
Son fils mort, Gontran l’ayant abandonné, ses frontières méridionales enfoncées, le roi se replie pour s’enfermer dans Tournai. Sigebert en profite pour prendre Paris. Germain, évêque de Paris, le futur saint Germain, écrit à Brunehilde, pour lui signifier qu’il a entendu une rumeur selon laquelle elle serait l’instigatrice de la guerre et lui signifie que la mise à sac de la ville l'empêcherait de se redresser. Le butin amassé lors du pillage rapporterait moins que les rentrées fiscales d’une ville annexée. Il ajoute dans sa lettre que la région se réjouirait de l’accueillir si elle peut y trouver son salut plutôt que son anéantissement[124]. Ainsi, Sigebert voulut « abandonner la ville aux troupes ; mais son entourage lui interdit de le faire[125] ». Les autres cités neustriennes se rallient alors à l’Austrasie et les aristocrates de Neustrie trahissent Chilpéric pour se soumettre à Sigebert, espérant sauver leur vie et leur fortune. Ils reconnaissent Sigebert Ier comme roi de Neustrie, seule la ville de Rouen refuse la reddition. Sigebert décide de se débarrasser de Chilpéric en mettant le siège autour de Tournai. Le déséquilibre des forces donne la victoire à Sigebert.
Durant le siège, en automne 575, Frédégonde accouche d’un garçon, qui est immédiatement baptisé sur ordre du roi au lieu d’attendre Noël, première date canonique pour cette cérémonie. Il demande à l’évêque de Tournai de parrainer l’enfant : en cas de prise de la ville, l’évêque se devrait de protéger l’enfant qui est nommé Samson[126]. Ce nom est choisit en référence à Samson dans la Bible : le nom peut faire allusion à la longue chevelure des rois francs. Mais aussi, si la mort de Chilpéric survient, l'enfant pourrait être tonsuré et envoyé dans un monastère[note 16], et en sortir si sa chevelure repousse[127].
Une victoire inespérée
À Vitry-en-Artois, l’armée de Chilpéric ainsi que les Grands de Neustrie, qui n'ont pas hésité à l'abandonner, reconnaissent Sigebert comme roi des Francs de l’ancien royaume de Childebert Ier en l'élevant sur le pavois. Mais Sigebert est ensuite assassiné, poignardé par des esclaves de Frédégonde à coup de scramasaxe, après qu'ils lui eurent demandé audience sous sa tente. Cherchant à s’enfuir, les deux assassins meurent, bien qu'ils réussissent à tuer Charésille et à blesser Sigila, tous deux chambellans du roi d'Austrasie.
Les aristocrates neustriens refont aussitôt allégeance au roi et pour prouver leur fidélité, ils livrent des Grands austrasiens qui sont condamnés à mort. Chilpéric sort de Tournai, fait ensevelir Sigebert à Lambres, puis le transfère à l’abbaye Saint-Médard de Soissons, pour y être enterré auprès de Clotaire Ier.
Il se rend à Paris où la reine Brunehilde et ses filles se sont établies. Elles sont capturées : Brunehilde est envoyée à Rouen et remise à l'évêque Prétextat, ses filles sont envoyées à Meaux. Cependant, le prince Childebert, fils de Sigebert Ier, est absent, le duc Gondovald l'ayant ramené en Austrasie[128] où il est élevé sur le trône le jour de Noël 575, à l'âge de cinq ans[129]. Pour l'aristocratie austrasienne, il est capital que le prince ne tombe pas entre les mains d'un autre mérovingien qui l'aurait tué ou envoyé dans un monastère : le partage du royaume entre les autres rois mérovingiens voulu par la loi salique les aurait empêchés de diriger l'État pendant la minorité de Childebert, mais aussi, aurait rendu caduque l'autonomie de leur région. Le duc de Champagne Loup et le comte Gogon prennent le contrôle de l'État, celui-ci se faisant attribuer le titre de nourricier du roi pour légitimer son pouvoir. Mais, cette prise de pouvoir qui affiche une politique pro-burgonde engendre des mécontents qui vont se vendre en Neustrie comme Godin, général de Sigebert Ier, où Siggo, référendaire d'Austrasie qui devient référendaire de Neustrie. Ils reçoivent également des terres autour de Soissons que Chilpéric a réinvestie comme capitale[130].
La révolte de Mérovée
Le mariage avec Brunehilde
Au printemps 576, Chilpéric veut récupérer les territoires qu'il a perdus lors de la guerre civile et il envoie le comte Roccolène conquérir Tours, où réside le duc Gontran Boson, meurtrier de son fils Théodebert. Le duc se réfugie avec sa famille dans la basilique Saint-Martin de Tours. Chilpéric profite de sa domination de Tours pour replacer Leudaste qui avait été démis par Sigebert, à la tête du comté. Le comte Leudaste et l'évêque Grégoire, qui ont été placés là par Sigebert Ier et Brunehilde, ne s'entendent guère[131].
Mérovée, le fils de Chilpéric, est envoyé à Poitiers mais se dirige sur Tours où il passe les fêtes de Pâques. Il se déplace ensuite à Rouen pour rencontrer sa mère, la reine Audovère. Il y épouse sa tante Brunehilde avec la bénédiction de l'évêque Prétextat. La reine Frédégonde ayant donné un fils au roi de Soissons, Mérovée peut tenter de se donner une légitimité pour hériter du trône d'Austrasie et se protéger de sa belle-mère Frédégonde, qui peut favoriser son fils Samson sur le trône neustrien. Cependant, Brunehilde étant la tante par alliance de Mérovée, le droit canon stipule que ce mariage est de type incestueux. Par sa bénédiction, l'évêque Prétextat bafoue le droit matrimonial et des soupçons d'usurpation planent sur lui[132]. Quant à Brunehilde, elle consent à ce mariage plutôt que d'être évincée de son pouvoir de reine et envoyée dans un monastère[133].
Le roi se rend alors à Rouen où le couple s'est réfugié, pour demander droit d'asile, dans une église en bois dédiée à saint Martin, située en haut des murailles. Arrivé sur les lieux, Chilpéric jure de ne pas séparer Mérovée et Brunehilde et de leur offrir les gestes de la paix : un baiser échangé et un repas partagé. Le roi quitte ensuite Rouen avec Mérovée, trahissant sa promesse, laissant seule Brunehilde[134].
Retournant dans ses États, il s'aperçoit que des Champenois, peut-être dirigés par le duc Loup, ont attaqué Soissons. La famille royale neustrienne a dû évacuer Soissons en hâte, qui est reprise[130]. Le duc Loup, proche de Brunehilde, a pu recevoir des ordres depuis Rouen et le roi devient alors soupçonneux. Ainsi, Mérovée est dépossédé de ses armes, lui faisant perdre son rang d'homme libre et tout droit de succession. Le prince Clovis a pour tâche de reconquérir avec une armée les anciennes possessions neustriennes au sud de la Loire[135].
Chilpéric s'entoure de nouvelle personnalité dont Rauching, qui est peut-être un fils non reconnu de Clotaire Ier, et qu'il fait duc de Soissons[130]. Frédégonde devient conseillère.
L'évasion du prince et le concile de Paris (577)
À l'été ou l'automne 576, Mérovée est tonsuré, ordonné prêtre et enfermé dans le monastère Saint-Calais, près du Mans[136]. Brunehilde, ses filles et leur trésor sont renvoyés en Austrasie. Elles laissent toutefois une partie du trésor, composé de cinq paquets d'or, de bijoux et de tissus précieux que la reine revient chercher dans les mois suivants, grâce à des groupes de serviteurs[137]. Mérovée s'évade de son monastère, avec l'aide de compagnons, pour rejoindre Gontran Boson à Saint-Martin de Tours. Peut-être qu'il souhaite plutôt rejoindre Grégoire de Tours qui a la possibilité de lui porter secours, bien que l'évêque refuse d'admettre tout compromis avec un rebelle afin de garantir sa fidélité à Chilpéric[138]. Mérovée passe des jours dans la basilique en prières et en médisance envers son père en compagnie de l'évêque Grégoire, pendant que ses compagnons sortent pour détrousser les fidèles du roi dont la principale victime est le comte Leudaste, dont le domaine est méthodiquement pillé. La chevelure du prince repousse et Leudaste réussit à éradiquer les pillards. Une rumeur circule disant que Frédégonde est prête à pardonner à Gontran Boson s'il fait sortir Mérovée de la basilique Saint-Martin.
Mérovée, accompagné de Gontran Boson et de cinq cents hommes, tente de rejoindre Brunehilde par le territoire burgonde. Le duc Herpo, à Auxerre, l'arrête mais il réussit à s'enfuir alors que Chilpéric demande son extradition. Arrivé en Austrasie, Mérovée est rejeté, soit par Brunehilde, qui le considère gênant, soit par les Grands qui ne souhaitent pas d'ennuis avec le royaume de Soissons ou qui ne veulent pas lui laisser la possibilité de revendiquer le trône[139]. Le prince se réfugie dans les environs de Reims grâce au soutien du duc Loup.
D'anciens officiers de Sigebert Ier se rallient à la cause de Mérovée, comme le comte du palais Cuicilo. Pour éviter de se faire renverser un jour par son fils, Chilpéric se débarrasse de ses partisans. Un concile judiciaire se réunit à Paris en 577 pour juger l'évêque Prétextat. Quarante-cinq évêques y assistent, ce qui laisse penser que le royaume de Soissons englobe les cités de Meaux, Poitiers, Tours, Senlis, Soissons, Laon, Clermont, Velay, Javols et Rodez[140]. Celui-ci est accusé d'avoir autorisé une union incestueuse, d'avoir soutenu un usurpateur et d'avoir utilisé une partie du trésor de Brunehilde pour corrompre les fidèles du roi. Afin d'obtenir son pardon, Prétextat plaide coupable mais est envoyé en prison, puis exilé dans l'île de Jersey. Il est remplacé par l'évêque Melaine[141]. Suspecté de complaisance avec Mérovée, Grégoire de Tours est accusé de félonie. Grégoire nie l'accusation puis partage un repas avec le roi en guise de réconciliation[142].
Un dénouement tragique
Une armée est envoyée en Champagne avec pour mission de capturer Mérovée mais l'expédition se solde par un échec. Mérovée ayant des sympathisants dans le royaume de Soissons, en fin de l'année 577, des messagers annoncent au prince que la ville de Thérouanne s'est ralliée à lui. Il réunit alors une troupe et part rejoindre la ville. Arrivé sur place, des hommes du roi l'attendent. Pris au piège, craignant d'être capturé et de subir le châtiment des usurpateurs, le prince demande à Gaïlen, un de ses compagnons, de lui faire grâce au nom de l'amitié, des tourments qu'il pourrait subir, et qu'il lui porte un coup fatal à l'aide de son couteau[137].
Ce suicide paraît peu probable, où au VIe siècle, cette pratique tend à se réduire du fait de son interdiction par l'Église catholique, bien que la littérature antique évoque nombre de scènes similaires, où des personnes de haut rang sont acculés à la mort à cause d'un tyran[note 17]. Grégoire de Tours note que le suicide de Mérovée est peut-être un mensonge d'État, que sa mort aurait été commanditée par Frédégonde[137].
Une fois arrivé sur les lieux, Chilpéric ne peut que constater la mort de son fils. Il fait alors châtier ses compagnons : Gaïlen a les mains, les pieds, les oreilles et le dessus des narines coupé avant d'être mis à mort. Un dénommé Grindion est roué, Cuicilo est décapité. Les autres compagnons sont également massacrés. Gontran Boson, qui n'a pas pris part à la marche sur Thérouanne, garde la vie sauve. Il est ensuite suspecté, ainsi que l'évêque Egidius, d'être à l'origine de la trahison de Mérovée[137].
Le duc Gontran Boson vient chercher ses filles à l’abri dans la basilique Saint-Martin. Mais alors qu’il est pourchassé par l’armée neustrienne, il se réfugie à Poitiers, ville restée fidèle à l’Austrasie. Chilpéric fait assiéger et capturer la ville. Le duc laisse ses filles dans la basilique Saint-Hilaire, qui bénéficient ainsi d’un droit d’asile, et rejoint la cour de Childebert II[143].
Le renforcement du royaume
Le maintien de l'autorité royale
Les années suivantes, Chilpéric lève une armée dans les cités au sud de la Loire pour attaquer les Bretons[144]. Il perçoit également de lourds impôts[145] dans les cités aquitaines qui n’en payent plus avec les changements constants de souveraineté. Il profite de ces richesses pour faire fabriquer un missorium (grand disque de métal) en or incrusté de pierres précieuses et pesant 50 livres[146], ce qui lui permet d’afficher sa puissance auprès d’ambassades étrangères. C'est à cette époque, en 577, deux ans après sa naissance, que son fils Samson meurt de maladie[147].
Chilpéric doit en outre mater une aristocratie qui a tendance à se révolter, face à la précarité d’existence de la dynastie neustrienne. Il ordonne que l’on coupe les mains et les pieds à plusieurs personnes coupables de crime de lèse-majesté à titre d’exemple. Les coupables sont ensuite exposés aux carrefours des grandes routes[note 18], la loi salique interdisant qu’on les achève[148].
En 580, Grégoire de Tours, avait été nommé à l'évêché de Tours par Sigebert Ier et Brunehilde, au mépris des clercs locaux qui se voyaient privés de promotion par un Auvergnat se prétendant être un véritable Tourangeau et l'héritier d'hommes qui avaient veillé le tombeau de saint Martin depuis deux siècles. Cette attitude lui a valu l'animosité des clercs locaux, ce qui l'a obligé à rester fidèle à l'Austrasie pour se maintenir dans son diocèse[149].
Il devient l’ami du grand officier palatin Ansoald, proche de Frédégonde, auprès de qui il obtient la destitution de son ennemi personnel, le comte de Tours Leudaste[150], dont les serviteurs du prince Mérovée ont pillé les domaines peut-être selon les conseils de l'évêque[138]. Le comte est remplacé par Eunomius. Leudaste se rend alors auprès du roi pour expliquer que l’évêque de Tours veut livrer la ville à l’Austrasie et qu’il propage une rumeur selon laquelle la reine Frédégonde aurait commis un adultère avec l’évêque Bertrand de Bordeaux[151], lointain parent de Chilpéric[152]. Par peur que le doute n’atteigne la légitimité de ses fils, Chilpéric ordonne une enquête sur l’origine de la rumeur. Des clercs du diocèse de Tours en profitent pour déstabiliser leur évêque et celui de Nantes, Félix, règle des comptes avec Grégoire[153]. Pour juger l’évêque, Chilpéric convoque un concile qui a lieu dans le palais royal de Berny (villa Brennacum), au mois de septembre[154]. L’évêque Bertrand de Bordeaux est attitré comme accusateur. L’évêque Grégoire cherche des soutiens auprès de la princesse Rigonde, ainsi que de grands officiers palatins, tel que le chambrier Eberulf[155] et peut-être auprès du référendaire Faramod[note 19].
Le concile de Berny (580)
Le jour du procès, Grégoire vient en compagnie du poète Venance Fortunat, qui se met au service de Chilpéric, en échange d'un pardon accordé à l'évêque. Un éloge panégyrique célébrant le roi[27] est récité devant le concile, rendant Chilpéric fils préféré de Clotaire Ier[156]. Ce panégyrique retranscrit l’assassinat de Sigebert Ier comme un châtiment divin frappant celui qui a attaqué un bon roi, et la mort de son fils Mérovée, « rebelle en arme[157] », est interprétée comme une prévention contre la guerre civile. Chilpéric possède quelques connaissances concernant la Trinité dont il aurait rédigé un traité. Même si Grégoire de Tours dit le traité absurde, le poème ajoute donc que le roi excelle dans toutes ses œuvres et est considéré comme un théologien des temps modernes. De plus, le souverain s’est tenté à l’écriture d'hymnes dédiés à saint Médard, que l’évêque juge médiocres[158]. Le poète rend alors hommage à la qualité de ses pièces. La suite fait l’éloge de la reine : fidèle, généreuse, prudente, bonne administratrice. La reine Radegonde est citée comme témoin de sa probité, les « mœurs de la reine étant les parures du royaume[159] ». Le poète recommande enfin au roi : « Domptez les méchants, protégez avec amour ceux qui vous sont fidèles, soyez aussi pour les catholiques la tête de la religion[160] ».
Grégoire de Tours est finalement innocenté en échange d’un serment purgatoire, le comte Leudaste est accusé de calomnie envers l’évêque. Il est alors destitué et est contraint de fuir le royaume.
Selon Grégoire de Tours, à la suite du jugement, la Gaule est ravagée par des cataclysmes : un tremblement de terre dévaste Bordeaux, des pluies diluviennes font déborder la Loire, un incendie se propage à Orléans et la grêle ruine Bourges[161] mais l’Austrasie est miraculeusement épargnée par les cataclysmes.
L'élimination des enfants d'Audovère
Une épidémie de dysenterie dévaste les Gaules. À Paris, elle atteint les jeunes princes Chlodobert et Dagobert. Afin d'obtenir leur guérison, la reine brûle des registres d'impôts qui font polémique. Mais Dagobert est emporté par la maladie et est enseveli dans la basilique Saint-Denis. Chlodobert est emmené à Soissons, dans la basilique Saint-Médard où des prières sont adressées au saint mais l’enfant royal n'est pas sauvé. Il est enseveli dans la basilique des saints Crépin et Crépinien de Soissons[162],[163].
Clovis, le dernier fils d’Audovère, se vantant d’être l’unique héritier du trône, insulte Frédégonde et lui fait comprendre qu’elle aurait à subir sa vengeance, une fois monté sur le trône. Frédégonde est alors persuadée que la mort de ses fils est due à un maléfice que Clovis a commandité à la mère d’une de ses servantes dont il est tombé amoureux. La servante est battue et ses cheveux coupés, suspendus à un pieu devant le logis du prince. La mère de la servante est torturée, et contrainte de confirmer les soupçons qui pèsent sur elle. La reine accuse alors Clovis de haute trahison auprès du roi. Clovis est alors arrêté et désarmé lors d’une partie de chasse. Il est conduit garrotté auprès de la reine et on tente de lui faire avouer le complot ainsi que ses supposés complices, ce qu’il réfute. Trois jours après, la reine le fait conduire dans une maison appelée Nogent de l’autre côté de la Marne où il est poignardé et enterré[154]. Des messagers annoncent au roi que le prince s’est suicidé.
Ce n'est que bien plus tard, après la mort de Chilpéric, que Clovis et son frère Mérovée reçoivent une sépulture. Gontran a fait rechercher le corps de Clovis qui a été jeté dans la Marne, après avoir retrouvé le corps de Mérovée. Il finit par découvrir une dépouille aux cheveux longs, présentée comme étant celle de Clovis. Leurs corps sont transportés dans l'église Saint-Vincent de Paris[164].
Frédégonde fait alors assassiner la mère de Clovis, Audovère. Basine, dernière fille d’Audovère, est quant à elle violée par les serviteurs de la reine, rendant la princesse inapte au mariage, puis elle est cloîtrée au monastère Sainte-Croix de Poitiers auprès de Radegonde et des filles de Caribert Ier[165].
Ces crimes l'empêchant désormais de nouer des relations diplomatiques faute de filles à marier, le roi regrette de les avoir tolérés. Venance Fortunat offre alors à la cour deux poèmes considérés comme épitaphes, en mémoire des deux princes[166]. Afin d’être définitivement pardonné, Grégoire de Tours accrédite la thèse du meurtre, même si cela n’apparaît pas dans ses histoires rédigées des années plus tard : une lettre de consolation rédigée par Venance Fortunat est envoyée au couple royal insinuant que Clovis est l'instigateur des meurtres « Abel, le premier, succomba frappé d’une blessure lamentable et la houe déchire les membres d’un frère[167]. ». Il décrit les deux enfants arrivés au paradis habillés d’une « chlamyde palmée tissée d’or éclatant et leur front porte un diadème aux pierres précieuses diverses[168] », tenue représentant les souverains mais aussi les martyrs glorifiés[169]. Grégoire de Tours rend ensuite visite au roi et à la reine à Nogent-sur-Marne en 581, où il leur remet un autre poème consolatoire de Venance Fortunat[170].
Le rapprochement avec l'Austrasie (581-583)
Le conflit burgonde
En 581, la mort du régent Gogon entraîne un changement de gouvernement. La chronique de Frédégaire affirme qu'il aurait été assassiné par Brunehilde[171], mais son épitaphe dément tout assassinat[note 20]. La diplomatie austrasienne se rapproche alors du royaume de Soissons[172]. La disparition des fils de Chilpéric offre l'opportunité à Childebert II de se retrouver héritier de deux teilreich. Le nouveau gouvernement est composé d'un parti pro-neustrien comprenant les aristocrates Ursio et Berthefred. Le poste de nourricier est attribué à un dénommé Wandalenus. L'évêque Aegidius de Reims, membre influent du gouvernement austrasien, négocie un pacte au palais de Nogent-sur-Marne, qui fait de Childebert II le légataire de tous les biens appartenant à Chilpéric[173]. Ce changement diplomatique engendre des différents entre Austrasiens et Burgondes. Chilpéric en profite pour agrandir ses domaines aquitains en s'emparant de Saintes, Angoulême, Périgueux et Agen, cités sous domination burgonde. L'année suivante, Gontran doit reconnaître les conquêtes de Chilpéric afin de négocier une paix avec lui[174],[147].
Des ambassadeurs sont envoyés en Hispanie, en 582, pour marier la fille de Chilpéric Rigonde à Reccared[175], second fils de Léovigild, qui a été désigné comme héritier de la couronne wisigothique[176]. Frédégonde met au monde un fils qu'ils prénomment Thierry. Cette naissance fait perdre l'héritage du royaume de Soissons à Childebert II. Chilpéric s'installe à Paris le 17 avril 583, au mépris de l'indivision décidée depuis 561. Il fait baptiser Thierry le lendemain, jour de Pâques, par l'évêque Ragnemod au milieu d'une foule en joie[177]. Egidius et son entourage se rendent aussitôt à Paris pour vérifier si leur alliance est toujours valide[note 21]. Chilpéric approuve et accuse Gontran d'avoir commandité l'assassinat de Sigebert Ier. Egidius, qui veut s'emparer du duc Loup et du recteur Dynamius, tous deux réfugiés en Burgondie après le changement de gouvernement austrasien, décident de concert avec Chilpéric, d'attaquer le royaume burgonde. À l'été 583, les troupes de Chilpéric, intéressées par le pillage, s'attaquent aussi bien aux cités du royaume de Soissons qu'aux cités burgondes. L'armée austrasienne, quant à elle, arrive en retard. Le motif est peut-être le manque d'intérêt pour une alliance avec Soissons vu que l'existence du prince Thierry empêche l'Austrasie d'hériter des territoires de Chilpéric. Devant Bourges, au moment où les Burgondes font face à l'armée de Chilpéric, celle-ci est toujours toute seule ; elle est vaincue et doit payer des réparations pour obtenir la paix[178].
L'ambition politique contrariée
Dans les premiers mois de l'année 584, le prince Thierry meurt de dysenterie[179]. Chilpéric hésite alors à donner sa fille Rigonde, promise aux Wisigoths. Demeurant le dernier enfant en vie qu'il ait eu de Frédégonde, elle conserve des droits sur son royaume. Il essaie alors d'échanger Rigonde avec Basine, qui a été violée et cloîtrée au monastère Sainte-Croix de Poitiers, mais celle-ci refuse, influencée par Radegonde[note 22] qui l'oblige à respecter les vœux monastiques[179].
Mis à mal politiquement, Chilpéric quitte Paris pour s'établir à Cambrai où il installe son trésor. Par crainte d'une attaque combinée des armées austrasiennes et burgondes, il ordonne la réparation des murailles de ses cités[180]. Frédégonde met au monde, en ce début d'année 584, un dernier enfant de sexe masculin. Prudent, Chilpéric ordonne d'élever l'enfant en secret dans la villa royale de Vitry pour le protéger d'assassins éventuels, dont on pense que ses frères ont été victimes. En cas de décès, sa disparition passerait inaperçue et éviterait de dévoiler une vacance de succession qui permettrait à des opportunistes de se saisir de l'occasion pour engendrer un conflit. Le nouveau-né n'a pas reçu de nom afin de garantir un anonymat qui n'inquiète personne. L'enfant ne reçoit pas de baptême immédiatement car le roi surveille l'évolution du Regnum Francorum avant de choisir un parrain[181].Au printemps, il réinstalle sa capitale à Paris, après que Brunehilde a envoyé des troupes en Italie. Il informe les ambassadeurs wisigoths qu'il accepte de marier Rigonde. Pour effacer son revirement, il dote sa fille, en septembre, d'une cinquantaine de chariots[182] remplis de bijoux, métaux précieux, vêtements, chevaux et esclaves. Brunehilde envoya une ambassade à Chilpéric pour l'empêcher de prélever des biens dans les cités aquitaines pour constituer la dot. Elle considère Tours et Poitiers comme un héritage de Sigebert Ier revenant à Childebert II. Un des ambassadeurs est tué, mais comme Chilpéric tient à maintenir la paix avec sa belle-sœur, il accepte de ne pas faire participer ces cités à la constitution de la dot[182]. Les richesses sont si importantes que des Grands s'inquiètent et cherchent à savoir si le trésor royal n'est pas vide. Frédégonde leur assure que les biens donnés à Rigonde proviennent de sa fortune personnelle. Durant le voyage jusqu'en Hispanie, des pillards et des membres de l'escorte volent le butin et se réfugient en Austrasie où ils sont accueillis par Brunehilde[182]. Le roi ne sait rien de ce qui arrive à sa fille et son escorte.
Le roi assassiné
Entre le 20 et le 28 septembre 584[183], peu après le départ de sa fille, Chilpéric est à son tour assassiné près de sa villa de Chelles après une partie de chasse. À la tombée de la nuit, alors qu'un de ses serviteurs l'aide à descendre de cheval, un homme, dénommé Falco[184],[185], le poignarde d'un coup sous l'aisselle puis dans le ventre[158]. L'assassin réussit à s'enfuir et n'est pas retrouvé. Plutôt que de s'interroger sur le commanditaire de l'assassinat, Grégoire de Tours préfère détourner le soupçon qui pèse sur la reine Brunehilde en salissant la mémoire du roi[186], bien que la chronique de Frédégaire, elle aussi, la considère comme coupable[184]. A-t-elle payé un assassin par l'intermédiaire de l'ambassade envoyée quelques mois avant ? Cent quarante ans après, une légende accuse Frédégonde d'avoir commandité le meurtre[187]. La raison serait qu'elle aurait trompé Chilpéric avec le maire du palais dénommé Landéric (Landericus) que Grégoire de Tours ne mentionne pas mais qui est mentionné au VIIe siècle[188]. Cette version n'est pas crédible car le meurtre du roi rendait la reine sans soutiens, à la merci de ses rivaux. De plus, Landéric exerce la fonction de maire du palais sous le règne de Clotaire II et n'est mentionné qu'à partir de 603[189]. Une autre version veut que Gontran en soit le commanditaire. Or, la mort de Chilpéric vient mettre à mal la politique que mène Gontran. Celui-ci s'est toujours arrangé pour mener une politique d'équilibre, avantageant l'un, puis l'autre, en fonction des enjeux, dans le but de contrer une Austrasie trop forte.
L'évêque Mallulf de Senlis, qui aurait du être auditionné par le roi, lave son corps et le revêt de ses plus beaux vêtements. Sa dépouille est ensuite embarquée sur un bateau qui descend la Marne, puis la Seine pour être conduite à Paris, afin d'être enterrée auprès de Childebert Ier dans l'église Saint-Vincent-Sainte-Croix, renommée plus tard Saint-Germain-des-Prés[190]. Son corps a dû être allongé sur le dos dans un sarcophage de pierre ou de plâtre, les avant-bras soit allongés le long du corps, soit croisés sur la poitrine. Sa tenue doit être la plus belle qu'il possède et il doit être revêtu de ses bijoux ainsi que de ses armes d'apparat. Le sarcophage est ensuite descendu dans une fosse, la tête tournée vers l'ouest. Un monument commémoratif est ensuite élevé, peut-être orné d'une épitaphe[183],[191]. Sa pierre tombale porte l'inscription « Rex Chilpericus hoc tegitur lapide » (« Sous cette pierre repose le roi Chilpéric »)[192]. Prise de peur, Frédégonde se réfugie dans la cathédrale de Paris et n'assiste pas à l'enterrement de son mari, elle n'ose même pas traverser la Seine pour suivre le convoi funèbre[193].
L'emplacement où Chilpéric est assassiné est connu sous le nom de « pierre de Chilpéric », ou « Croix de Sainte-Bautheur » ou « borne de Chilpéric ».
Lorsque la nouvelle de la mort se propage dans le royaume, Gontran pleure sa mort, ce qui est apprécié[194]. Grégoire de Tours ne dit rien, en revanche, sur la réaction de Brunehilde[193]. Le dernier fils de Chilpéric reçoit alors le nom de Clotaire après que son oncle Gontran et une assemblée de Grands de Neustrie le reconnaissent comme descendant de Chilpéric[195]. Il devient roi à 4 mois, sous la tutelle de sa mère Frédégonde et la protection de Gontran, roi de Burgondie, qui récupère au passage le royaume de Paris.
Vers 1163, pour orner son cénotaphe, l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés fait sculpter un gisant de Chilpéric surélevé par des colonnettes, le représentant couché sur le dos tenant un sceptre dans la main droite et portant la main gauche à sa barbe. L'emplacement exact de son sarcophage n'étant pas connu, le cénotaphe reste vide. En 1656, le gisant est déplacé du chœur aux piliers septentrionaux du carré de transept, pour cause de travaux. En 1791, un décret de l'Assemblée Constituante daté du 4 février, dissout la communauté religieuse de Saint-Germain-des-Prés pour faire du monastère une église paroissiale. Les gisants de Chilpéric, Childéric II et Frédégonde sont détruits dans la nuit du 27 au 28 mars, pour faire de la place et installer des chaises[196]. Il existe plusieurs reproductions de ce gisant[197] notamment sur le manuscrit du Recueil des rois de France daté de 1566, réalisé par Jean du Tillet.
La gouvernance du royaume
La justice
Les rois mérovingiens considérant que le royaume est leur propriété[198], règnent sans partage et ne reconnaissent pas l'existence de biens ou de services publics qui sont pris en charge par les comtes et les évêques. Un maire du palais (major domus, devenu majordome[199]), Badegisèle[200], est le supérieur de tous les fonctionnaires royaux ainsi que des Grands et des commis et a pour fonction leur coordination[201]. Les décisions prises n'émanent que du roi qui ne rend de comptes à personne. Cependant, Chilpéric prend conseil auprès d'« hommes de bien[174] », notamment lors du conflit qui l'oppose à Gontran, d'évêques[202],[203] ou de son épouse Frédégonde.
Divers témoignages émanant de Grégoire de Tours nous permettent de nous forger une opinion sur ses jugements que Venance Fortunat juge intègres, mesurés, désintéressés[204]. Il cite notamment une profanation perpétrée par des Grands, en 579, qui se sont entretués dans la basilique Saint-Denis. Le roi décide de laisser l'évêque de Paris les juger[205]. Il épargne de la peine de mort, en 580, l'archidiacre de Tours Platon et Galien, ami de Grégoire[202]. En 581, suivant la demande de Grégoire de Tours, il laisse la vie sauve à des voleurs qui ont pillé la basilique Saint-Martin de Tours et remet les biens volés aux clercs de la basilique[206]. En 582, un juif nommé Pathir converti au christianisme, que Chilpéric a parrainé, est renvoyé en Burgondie, sa province d'origine, tandis que ses esclaves sont condamnés à mort, pour avoir assassiné un autre juif nommé Priscus qui refusait de se convertir[207]. En 582, l'évêque Carterius de Périgeux et le diacre Fronton sont pardonnés pour avoir insulté le roi dans une lettre[147]. On constate aussi que le roi ne spolie pas automatiquement autrui : à la mort du comte Nonnichius en 582, le roi distribue ses biens à diverses personnes. Après la trahison de Godin, ses villae lui sont reprises pour être données à la basilique Saint-Médard[130]. En 577, après avoir remplacé le comte Ennodius mis en place par Childebert II, il lui confisque ses biens et les lui rend un an après[143]. Le seul cas où Chilpéric confisque des biens est celui où les frères Burgolène et Dodon sont exécutés pour crime de lèse-majesté, crime pour lequel la loi préconise la mort et la confiscation des biens des coupables[208].La fiscalité
Depuis la chute de l'Empire romain d'Occident, les impôts indirects tels que les taxes, comme le tonlieu (teloneum : bureau des percepteurs d'impôts, déformé en teloneus) prélevé sur les transports de marchandise par les douanes ; le « prix de la paix » (fredus), correspondant au tiers des contributions payées par des condamnés au trésor public (wergeld)[209] ; les droits de passage pour les marchandises franchissant les ponts, routes, cours d'eau, ports, ou celles exposées sur les marchés, et aussi les amendes publiques, restent d'actualité. Les impôts directs se sont réduits au nombre de deux : la capitatio humana (impôt payé par tête) et la capitatio terrana (impôt foncier). Ces impôts ne servant pas au fonctionnement de l'État, les agents du pouvoir ne reçoivent pas de traitement mais vivent de la production des terres qui leur sont octroyées et se rémunèrent sur les contraventions. L'État ne finance plus d'armée de métier ni d'atelier de fabrication d'armes, les routes et les remparts sont financés par les localités. Les services publics n'étant plus assurés, les impôts sont perçus comme de l'extorsion[210]. Cependant, le système de transport rapide du courrier et des voyageurs, le cursus publicus, fonctionne encore. Le pouvoir public a pour charge de fournir des esclaves publics pour conduire les chars ou transporter le courrier[211] et de prélever sur des propriétaires du fourrage, des chevaux (paraveredi) ou des mules, que l'on entrepose dans des relais (mutationes) ou des auberges (mansiones) où l'on change les montures. Les rois mérovingiens continuent de l'utiliser en promulguant des ordres de réquisitions par lettres evectiones ou tractoriae, mais l'ancien prélèvement tourne avec les Francs au pillage systématique des riverains[212]. Pour échapper à l'imposition, certains sujets du royaume se réfugient dans des niches fiscales comme l'armée ou le clergé. L'immunité est accordée au clergé par le roi et provient de l'héritage du statut des terres du fisc du Bas-Empire. Le privilège consiste en une exemption d'impôt mais aussi en une interdiction des agents du roi de pénétrer dans les domaines bénéficiant de l'immunité. L'immuniste n'est cependant pas exempté de service militaire. Sur ordre royal, il se doit de lever lui-même les troupes. Il doit également payer au roi le fredus dont le pourcentage exigé par le roi tombe en désuétude[213]. Afin d'éviter ces évasions fiscales, les Empereurs, mais aussi Clovis en son temps[214], ont établi et maintenu des dispositions pour restreindre l'accès à la cléricature. L'impôt étant impopulaire[215], il arrive que la population se révolte, avec l'appui des évêques. De même, il arrive que certaines cités parviennent à échapper à l'impôt grâce à leurs évêques qui brandissent la menace d'un saint patron comme c'est le cas à Tours, ville de saint Martin. À plusieurs reprises, les rois tentent d'imposer ces cités mais ils sont arrêtés par les évêques qui brandissent la menace des foudres divines[216].
Le Limousin comporte des petites vignes domaniales[217] et sa partie méridionale, d'Uzerche à Brive, est voué à la viticulture, notamment Chabignac, Sioussac, Loignac, Narzac et Astaillac[218]. En 579, Chilpéric fait remettre à jour les livres du cadastre et du recensement. Les descriptiones qu'il fait établir sont jugées tellement « nouvelles et lourdes » qu'elles y engendrent une révolte et que beaucoup « abandonnèrent leurs villes et leurs possessions personnelles pour gagner d'autres royaumes, estimant qu'il valait mieux séjourner à l'étranger que de s'exposer à un tel danger. Il avait été décrété que chaque possesseur verserait pour sa terre une amphore de vin par arpent[145] ». Cela correspond à environ deux cent dix litres par hectare, ou si l'on suppose un rendement de mauvaise année de dix hectolitres par hectare[219]. S'y ajoutent d'autres impôts perçus en froment et en or[220], tant sur les autres terres que sur les esclaves. En 580, le couple royal fait un don d'arrérages, en jetant au feu les libri descriptiones qui ont provoqué la révolte du Limousin[162]. Ainsi, tout le royaume sous l'autorité de Chilpéric et en particulier la Première Aquitaine n'a pas eu à payer les arriérés de l'année 579. Cette décision entraîne un retour au taux coutumier et la renonciation de la réévaluation de ce taux, puisque le roi interdit toute « descriptio à l'avenir »[221].
Le droit de propriété romain jus in re aliena distinguant le dominium, droit du propriétaire, et la possessio, droit que possède un cultivateur par la mise en culture de la terre du maître s'est perpétué. Sur les terres publiques incultes, il est possible de devenir possessor en les mettant en culture. Sur les terres privées abandonnées, l'abandon de l'epibolè (le percepteur calculait l’impôt global d’une région et le rapportait à la superficie des terres) permit un rapide accaparement des terres. Après un silence de deux ans du propriétaire, l'auteur de l'usurpatio ou de l'eruditio du sol devient possessor et dominus[222]. Le roi reste investi du dominus sur les terres publiques défrichées, tandis que le nouvel occupant d'une terre privée abandonnée se retrouve propriétaire aux dépens de l'ancien maître au bout de deux ans[223]. La loi romaine de prescription trentenaire favorise également le droit de possessio sur les terres publiques défrichées. Elle entraîne pour le possessor d'une terre publique ou d'église le paiement de redevances appelées condiciones ou canones ou encore agraria, pascuaria vel decimas porcorum[224]. Il s'agit d'une part de fruit versée en nature ou en espèces, ou d'une tête de bétail sur dix. En plus des laïcs, les évêques s'attribuèrent des terres publiques. Les églises épiscopales devenues possessores de terres publiques devaient alors payer les redevances, mais elles essayaient d'obtenir l'immunité pour ces terres[225], ce qui fit dire à Chilpéric « Voici que notre fisc est devenu pauvre, voici que nos richesses sont passées aux églises[226] ».
Chilpéric et l'Église
En tant que chef de l'Église franque et héritier des prérogatives de l'Empereur, le roi s'occupe des affaires religieuses. Il obtient la conversion au christianisme de Juifs de son royaume afin de garantir leur Salut[227], il convoque les évêques pour des conciles œcuméniques à Paris, à la demande de Gontran, en 573, en 577 et en 580, à la villa Brennacum. Il s'assure du bon déroulement et du maintien des élections épiscopales, même lorsqu'elles lui sont défavorables, contrairement à ses demi-frères, notamment Sigebert Ier qui n'hésite pas à placer ses favoris à la tête des évêchés. Le seul cas où Chilpéric intervient pour remettre en cause un évêque dans son diocèse est lors de la condamnation de Prétextat de Rouen en 577. De même, les évêques élus sont souvent des clercs, là où Gontran nomme des laïcs à foison, ce qui est un moyen de bien tenir en main les évêques[228]. Le seul cas rapporté d'élection de laïc concerne l'ordination au Mans, en 581, du maire du palais Badegisèle[229]. Il manifeste également un certain respect pour l'autorité religieuse à qui il accorde sa confiance. Ainsi, il épargne les voleurs de la basilique Saint-Martin sur demande de l'évêque Grégoire[206] et lui laisse désigner le comte de Tours[151] ; il laisse l'évêque de Paris juger les nobles qui ont profané et perpétré des crimes dans sa basilique[205] ; il autorise l'évêque Aetherius, pourtant accusé de nombreux crimes, à revenir sur son siège épiscopal[230] ; il protège Prétextat de Rouen de la foule qui veut le lapider[137]. Il laisse également les évêques juger l'affaire concernant Frédégonde et l'évêque de Bordeaux au concile de 580[202]. Lorsqu'en 580, un homme de la familia de l'évêque de Bigorre s'enfuit du palais épiscopal et se pose en rival de Grégoire de Tours, ce dernier menace alors d'en appeler à Chilpéric : « Lui, en effet, vengera le dédain dont je suis l'objet »[231]. Il use de charité envers les pauvres et les églises[162] en donnant les villae de Godin, sur le territoire de Soissons, à la basilique Saint-Médard[130] ; à l'occasion de la naissance de son fils Thierry, il décrète une amnistie générale et ordonne aux agents du fisc de laisser les mauvais débiteurs en paix[232]. Il rend les objets dérobés à la basilique Saint-Martin de Tours[206], accorde confirmation à Radegonde des sessions qui lui ont été faites par Clotaire Ier[233], ainsi que des privilèges d'immunités aux églises et aux clercs[note 23]. Un faux diplôme de l'abbaye Saint-Calais du Mans adressé au pape Nicolas Ier où sont utilisées plusieurs formulations de l'époque carolingienne et daté de la première année du règne de Chilpéric mais réalisé entre 850-855[234], affirme que cette abbaye est placée sous la protection du roi. Il en est de même pour le décret daté de 606, concernant la fondation de l'abbaye Saint-Lucien de Beauvais[235], où il a été démontré qu'il s'agit d'un faux réalisé début XIe siècle du fait de son caractère apocryphe et par ses paraphrases de la Vie de saint Evroul[236].
Culture
Diverses anecdotes de Grégoire de Tours témoignent de son intérêt pour la culture : il lit la Bible et les poètes, rédige deux livres de poésie, et compose un Hymne sur la solennité de l'évêque saint Médard (Ymnus in sollemnitate sancti Medardi episcopi), dont la forme s'éloigne du modèle de l'époque classique[237].
Afin d'adapter l'alphabet à la phonétique germanique et de rendre des prononciations écrites en latin au moyen d'une lettre unique au lieu de plusieurs lettres[238], il tente, comme l'empereur Claude en son temps[239], d'ajouter des lettres à l'alphabet latin : la lettre grecque ω et les lettres ae, thé, uui, dont une hypothèse affirme qu'elles seraient issues de l'alphabet hébreu[240]. Cependant, les clercs de la congrégation de Saint-Maur expliquent que ces lettres n'eurent cours que durant son règne[241].
Imitant son cousin Théodebert Ier ou l'empereur Justin Ier et afin de montrer sa romanité[242], il fait restaurer des cirques à Soissons et Paris[243] (probablement l'amphithéâtre du IIe ou IIIe siècle faisant office d'arène et théâtre découvert en 1870 lors du percement de la rue Monge), entre 575 et 584, pour remettre à l'honneur des jeux équestres, combat d'animaux, lutte, théâtre, poésie et musique[244] appréciés par la population et qui avaient disparu sous l'influence du christianisme[245].
Compléments
Articles connexes
- Faux Mérovingiens
- Généalogie des Mérovingiens
- Liste des monarques de France
- Royaumes francs
- Souverains français enterrés hors de Saint-Denis
Bibliographie
Romans historiques
- Paul Murray Kendall, Mon frère Chilpéric, Collection « J'ai Lu l'histoire », numéro 1786, éditions J'ai Lu, 1979, (ISBN 2277217867).
- Jean-Louis Fetjaine, Les Voiles de Frédégonde, Belfond, Paris, 2006 (ISBN 978-2-298-00115-0).
- Jean-Louis Fetjaine, Les Larmes de Brunehilde, Belfond, Paris, 2007, (ISBN 978-2-714-44266-6).
Sources primaires
- Karl Fr. Pertz, Monumenta Germaniae Historica, Diplomata regum francorum e stripe Merowingica, Hanovre, 1872
- Bruno Krusch, Monumenta Germaniae Historica..., t.III, Passionnones Vitaeque sanctorum aevi merovingici et antiquiorum aliquot, Hanovre, 1896
- Karolus Strecker, Monumenta Germaniae Historica, Poetae latini, t.IV, fasciculus 2 et 3, Berlin, 1923
- Grégoire de Tours (trad. Robert Latouche), Histoire des Francs, Les Belles Lettres, coll. « Les Classiques de l'histoire de France au Moyen âge, 27-28 », Paris, 1963 2 tomes, réédition 1995
- Venance Fortunat (trad. Marc Reydellet), Poèmes
- - Tome I : Livres I-IV, Les Belles Lettres, 1994 (ISBN 2-251-01374-1) ;
- - Tome II : Livres V-VIII, Les Belles Lettres, 2003 (ISBN 2-251-01406-3) ;
- - Tome III : Livres IX-XI, Les Belles Lettres, 2004 (ISBN 2-251-01434-9)
Sources secondaires
Ouvrages
- Dom Martin Bouquet, Recueil des Historiens des Gaules et de la France, t.4, nouvelle édition publiée sous la direction de Léopold Delisle, 1869 (Ier éd. 1741)
- Gabriel Monod, Études critiques sur les sources de l'histoire mérovingienne, Paris, Lib. A. Franck, Slatkinen Genève - Lib. Champion, Paris, 1978, (Ier éd. 1872) 2 tomes ; (1885) t.2
- Auguste Longnon, Géographie de la Gaule au VIe siècle, Hachette et Cie, Paris, 1878
- Godefroid Kurth, Histoire poétique des Mérovingiens, Paris, A. Picard et fils éditeurs, 1893 ; Études franques, Bruxelles A. Dewit et Paris H. Champion, impression anastaltique Bruxelles, édition Culture et civilisations, 1982 (Ier éd. 1919), 2 tomes
- Julien Havet, Œuvres de Julien Havet, t.1 - Questions mérovingiennes, Paris, Ernest Leroux Editeur, 1896
- Ferdinand Lot, Naissance de la France, Librairie Arthème Fayard, 1948, Paris, 5e édition
- Michel Rouche, L'Aquitaine des Wisigoths aux Arabes, 418-781 : naissance d'une région, Paris, École des Hautes Études en Sciences Sociales, Jean Touzot, 1979 (ISBN 978-2-7132-0685-6)
- Pierre Riché, École et enseignement dans le haut Moyen Âge, Fin du Ve siècle, milieu du XIe siècle, Aubier-Montaigne, 1979, réédition Picard Éditeur 1989
- Laure-Charlotte Feffer et Patrick Périn, Les Francs, Paris, collection Civilisations, éditions Armand Colin
- - Tome 1 : A la conquête de la Gaule, 1987a (ISBN 2-200-37080-6) ;
- - Tome 2 : A l'origine de la France, 1987b (ISBN 2-200-37072-5)
- Patrick J. Geary, Naissance de la France : le monde mérovingien, édition Flammarion, 1989 (traduit de Before France and Germany : The Creation and Transformation of Merovingian World, Oxford University Press, 1988) (ISBN 978-2080-812742)
- Jean Gaudemet et Brigitte Basdevant, Les canons des conciles mérovingiens (VIe-VIIe siècles), 2 tomes, Le Cerf, 1989
- Odette Pontal, Histoire des conciles mérovingiens, Le Cerf, 1989, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes (CNRS)
- Franz Brunhölzl, Histoire de la littérature latine du Moyen-Âge, t.I/1 - L'époque mérovingienne, Université Catholique de Louvain, Institut d'Études médiévales Louvain-La-Neuve, Brepols, 1990
- Stéphane Lebecq, Les origines franques, Ve-IXe siècle, Seuil (Nouvelle histoire de la France médiévale, 1), 1990
- Justin Favrod, Texte, traduction et commentaires de La chronique de Marius d'Avrenches (455-581), Lausanne, Cahiers lausannois d'histoire médiévale, 1993, 2e édition
- Christian Settipani, La Préhistoire des Capétiens (Nouvelle histoire généalogique de l'auguste maison de France, vol. 1), éd. Patrick van Kerrebrouck, 1993 (ISBN 2-9501509-3-4)
- Michel Rouche, Clovis, éditions Fayard, 1996 (ISBN 2-213-59632-8)
- Jean-Charles Volkmann, Bien connaître les généalogies des rois de France, Éditions Gisserot, 1999 (ISBN 2-877472086)
- Bruno Dumézil, La reine Brunehaut, éditions Fayard, Paris, 2008 (ISBN 978-2-213-63170-7)
- Frédéric Armand, Chilpéric Ier, le roi assassiné deux fois, La louve éditions, 2008 (ISBN 978-2-916488-20-2)
Articles
- Auguste Longnon, « La villa Brennacum », Bulletin de la société de l'Histoire de Paris et de l'Île-de-France, 1875, pp. 57-62 ; « De l'emplacement de Sauriciacus, villa où se tint un concile en 589 », id., 1876, pp. 77-79 ; « La Civitas Parisiorum d'après Grégoire de Tours », id., 1877, pp. 102-112
- Charles Nisard, « Fortunat, panégyriste des rois mérovingiens », Revue Historique, t. 41, 1889, septembre décembre, pp. 241-252
- Fernand Vercauteren, « Étude critique d'un diplôme attribué à Chilpéric Ier », Revue Belge de Philologie et d'Histoire, t. VII, no 1, 1928, pp. 83-112 ; réédité dans Études d'Histoire médiévale, 1978, pp. 629-659
- (de) Egen Ewing, « Studien zur merowingischen Dynastie », Frühmittelalterliche Studien, Jahrbuch des Institus für Frühmittelalterforschung der Universität Münster, Berlin-New-York, 1974, pp. 15-59 ; (1991) Die Namengebung bei den ältesten Frankenkönigen und im merowingischen Königshaus, Francia 18/1 pp. 21-69
- Michel Rouche, « Le mariage et le célibat consacré de sainte Radegonde », Settimane di studio del Centro italiano di studi sull'alto medievo, XXXIII, Segni e riti nella chiesa altomedievale occidentale, Spoleto, 11-17 avril 1985, Spoleto 1987, pp. 835-873, réédité dans La riche personnalité de sainte Radegonde..., Poitiers, 1988, pp. 79-98, réédité dans Le choc des Cultures, Romanité, Germanité, Chrétienté durant le Haut Moyen Âge, Presses Universitaires du Septentrion, 2003, pp. 251-282
- Charles Lelong, « Chilpéric, un grand roi méconnu », Mémoires de l'Académie des sciences, Art et Belles lettres de Touraine, t. 6, 1993, pp. 19-37
- Elisabeth Magnou-Nortier, « Existe-t-il une géographie des courants de pensée dans le clergé de Gaule au VIe siècle », Grégoire de Tours et l'espace gaulois, Actes du congrès international, Tours, 3-5 novembre 1994, textes réunis par Nancy Gauthier et Henri Galinié, 13e supplément à la Revue Archéologique du Centre de la France, Tours, 1997, pp. 139-157
- Marc Reydellet, « Tours et Poitiers : Les relations entre Grégoire et Fortunat », Grégoire de Tours et l'espace gaulois, Actes du congrès international, Tours, 3-5 novembre 1994…, Tours, 1997, pp. 159-167
- (en) Guy Halsall, « Nero and Herod ? The death of Chilperic and gregory's writings of history », The World of Gregory of Tours, K. Mitchell and I. Wood ed., Leiden, Boston, and Cologne, 2002, p. 337-350
Annexes
Notes
- ↑ L'évêque Sagittaire de Gap, au sujet du roi Gontran, se mit « à dire que les fils de ce dernier ne pouvaient occuper le royaume parce que leur mère appartenait à la domesticité de feu Magnacaire lorsqu'elle fut appelé à pénétrer dans la couche du roi ». Grégoire de Tours, Histoire des francs, livre V, 20 ; Saint Colomban voit les enfants du roi Thierry II comme étant issus de concubines et donc inaptes à régner : « Sachez qu’ils ne porteront jamais le sceptre royal car ils sont sortis de mauvais lieux ». Jonas de Bobbio, Vita Colombani, I, 19.
- ↑ « ... on appelle fils de roi ceux qui ont été procréés par des rois sans tenir compte désormais de la famille des femmes ». Grégoire de Tours, Histoire des francs, livre V, 20.
- ↑ « Si au moment de son mariage, il avait vingt ans, il serait né en 556. [...] S’il avait quinze ans en 568, il serait né en 553 ». Ewig (1974), p. 33. « Mérovée devait être assez jeune en 573 ». Settipani (1990), p. 90.
- ↑ Le commandement des troupes que le prince Clovis exerce contre les villes de Poitiers et Tours en 572, implique qu’il ait au moins quinze ans au moment des faits. Il serait donc né entre 553 et 557. Armand (2008), pp. 53, 65.
- ↑ Hilf en allemand, help en anglais. Ivan Gobry, Clotaire II, collection « Histoire des rois de France », éditions Pygmalion, p. 232.
- ↑ Histoire des Lombards. Variantes en Helpericus, G1 (IXe siècle) et G2 (IXe siècle) ; Ilpericus, B1 (IXe ‑ Xe siècle) et A2 (XIe siècle) ; Chilpericus, A2 (XIe siècle).
- ↑ Frédéric Armand précise que les Frisons occupent la côte, de l’estuaire de la Weser à l’estuaire du Rhin. Chilpéric Ier, La louve éditions, p. 67.
- ↑ Venance Fortunat affirme que Chilpéric accompagne son père à la guerre contre « l'Euthion » (Euthio) (Carmina, IX ,1 v.73 ; Reydellet 2004, p. 11). Le nom des Eucii reste inconnu, mais chronologiquement, il s’agit des Jutes, voisins des Danois qui donnent leur nom au Jutland. Vers 535, Childebert Ier répond à l’empereur Justinien, qui l’interroge sur les peuples sur lesquels il règne : « …notre domination s’étend depuis les rivages de l’océan jusqu’au Danube et aux limites de la Pannonie, embrassant l’Italie septentrionale, les Saxons et les Eucii, qui de leur propre mouvement, se sont livrés à nous ». Armand (2008), p. 67.
- ↑ « L'antrusion prête au roi un serment de foi et de fidélité en mettant ses mains dans celles de son souverain. Il vient servir le roi avec sa vie et ses armes en tant que garde personnel d'élite ». Feffer et Périn (1987b), pp. 18, 39, 41.
- ↑ Selon Frédéric Armand, en latin, sors, sortis au féminin, est un mot polysémique. Il peut désigner le sort : l'action de tirer au sort, le hasard ; mais aussi le partage : la part, la portion... Au masculin, avec une majuscule, Sors, Sortis désigne le sort, le destin. Chilpéric Ier, le roi assassiné deux fois, La louve éditions, p. 74.
- ↑ Selon la Vita sancti Ebrulphi, 5, la reine Frédégonde impose saint Evroul à l' abbaye de Saint-Fuscien, dans la banlieue d'Amiens (AA. SS. Boll. Juillet, tome VI, p. 195 ; Guérin (1876), tome 9, pp. 41-44 ; Longnon (1878), p. 419). Écrite au plus tôt au Xe siècle (Longnon 1878, p. 419 note 2) ou peu avant (Vercauteren (1928), p. 103 note 1), elle ne permet pas de préciser si l'imposition a eu lieu avant ou après le partage du royaume de Paris appartenant à Caribert Ier.
- ↑ Le radical Gunth, présent dans le nom du peuple burgonde, apparaît aussi chez leurs rois : Gundichar, Gundobald, Gundovech (Kurth (1893), p. 126). Gontran (Gunth-Chramn, « corbeau guerrier ») reçoit l'héritage de Gondomar, Gondioc, Gondebaud (Gunth-Bald, « guerrier audacieux »), anciens rois des Burgondes (Lebecq (1990), p. 108-109).
- ↑ Venance Fortunat, Carmina. VII, 4, lettre adressée à Gogon depuis Poitiers ; VII, 9, à l'adresse de Loup en 573-574.
- ↑ Grégoire de Tours cite les aristocrates Basile et Sicaire. Histoire des Francs, livre IV, 45.
- ↑ Paris (573), Epistola synodi ad Sigisbertum regem (CC 148 A, p. 216) : « non absque coniuentia gloriae uestrae, sicut credimus, euocati Parisius ».
- ↑ Chez les Francs, la longue chevelure revêt une sacralité d'origine païenne. Ainsi, seuls les individus de sang royal pouvaient se laisser pousser des cheveux longs. Celui qui perdait sa chevelure, perdait tous droits à régner. Rouche (1996), pp. 184, 197.
- ↑ Bruno Dumézil cite Brutus à Philippes, Caton à Utique, ainsi que le philosophe Sénèque obligé de se donner la mort à cause de Néron, dont Grégoire de Tours dans son sixième livre d'histoire chapitre 46, nous affirme que Chilpéric est le « Néron de notre temps ». La reine Brunehaut, Paris, Éditions Fayard, 2008, p. 193.
- ↑ Peine infligée à Gaïlen, compagnon de Mérovée (livre V, 18) et à Dodo (livre V, 25). Grégoire de Tours, Histoire des Francs.
- ↑ Venance Fortunat lui avait envoyé un message, où il est qualifié d’homme à toujours rendre de bons offices. Carmina, IX, 12.
- ↑ Epitaphe de Gogon éditée par Bernhard Bischoff, « Sylloge Elnonensis. Grabenschriften aus merowingischer Zeit (um 600) », in id., Anecdota novissima. Texte des vierten bis sechzehnten Jahrhunderts, Stuttgart (1984), pp. 154-146. Texte connu par un manuscrit de l'abbaye de Saint-Amand, composé autour de l'an 800. L'épitaphe ne précise pas le nom du défunt mais, selon Bischoff, l'attribution à Gogon est quasi-certaine.
- ↑ Pour les Austrasiens, le prénom que Chilpéric donne à son fils revêt un symbole inquiétant : le premier roi de Metz se nommant Thierry Ier, ils se demandent s'il n'y a pas là une volonté de s'emparer de l'Austrasie. Dumézil (2008), p. 207.
- ↑ Pour Bruno Dumézil, le roi de Soissons ayant usé de son influence pour empêcher la réception de la Vraie Croix, Radegonde veut nuire aux intérêts de Chilpéric. De plus, il s'est emparé de Poitiers par la force et a contraint Venance Fortunat, grand ami de la reine, à réciter un panégyrique à sa gloire. Bruno Dumézil note également que dans la Vie de Radegonde, celle-ci affiche plus d'affection pour Brunehilde et Gontran que pour Chilpéric, même si ses biographes la déclarent neutre. La reine Brunehaut, Paris, Éditions Fayard, 2008, p. 211.
- ↑ Chlotarii praeceptio, a. 584-629, c.11 (Boretius 1883, p. 19). L'origine de cet édit n'est pas sûre, du fait des divergences de termes entre les deux manuscrits (VIIe et Xe siècle). Certains historiens l'attribuent à Clotaire Ier tandis que d'autres l'attribuent à Clotaire II. Levillain (1957), p. 64 ; Bloch (1927), pp. 167-168.
Références
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- ↑ Magnou-Nortier (1997), pp. 153-156.
- ↑ Dousse (1939), pp. 223-224.
- ↑ Armand (2008), p. 12.
- ↑ Geary (1988), p. 137.
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- ↑ Feffer et Périn (1987b), p. 52.
- ↑ Concilium Epaonense anno 517, canon 8, MGH Concilia I, 21.
- ↑ Geary (1988), p. 138.
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- ↑ a , b , c , d et e Venance Fortunat, Carmina. IX, 1.
- ↑ Venance Fortunat, Carmina, préface.
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- ↑ Dumézil (2008), pp. 161, 178.
- ↑ a et b Armand (2008), p. 38.
- ↑ Ivan Gobry, Les premiers rois de France : la dynastie des mérovingiens, collection « Documents d’Histoire », éditions Tallandier , 1998, p. 34.
- ↑ Ivan Gobry, Clotaire II, collection « Histoire des rois de France », éditions Pygmalion, p. 232.
- ↑ Chronique. Manuscrit unique L (IXe ‑ Xe siècle), Mommsen (1894), p. 231 ; Favrod (1993), p. 49.
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- ↑ Venance Fortunat, Carmina, IX, 1, v73-74.
- ↑ a , b , c , d , e , f , g et h Grégoire de Tours, Histoire des Francs, livre IV, 28.
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- ↑ Grégoire de Tours, Histoire des francs, livre IV, 20.
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- ↑ Rouche (1996), p. 233.
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- ↑ Augustin Thierry, Récit des temps mérovingiens, t.I, p. 258.
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- ↑ Longnon (1876), p. 139 ; Lebecq (1990), p. 108.
- ↑ Armand (2008), p. 76.
- ↑ Grégoire de Tours, Histoire des francs, livre III, 17 ; livre X, 31 ; Vita patrum, 17.
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- ↑ Maurice Bouvier-Ajam, Dagobert Roi des Francs. « Figures de proue », éditions Tallandier, 2000, p. 37.
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- ↑ Venance Fortunat, Carmina. VI, 5, v111-114.
- ↑ Venance Fortunat, Carmina. VI, 5, v.215-236.
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- ↑ Venance Fortunat, Carmina, IX, 1, v33-40.
- ↑ Venance Fortunat, Carmina. IX, 1, v.71.
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