Heresie

Heresie

Hérésie

Les Écritures triomphant sur l'Hérésie, dans l'église Gustaf Vasakyrkan de Stockholm.

Une hérésie (du grec αἵρεσις / haíresis, choix, préférence pour une doctrine) est d'abord une école de pensée. Le jardin d’Épicure était une telle haíresis. La traduction latine en est secta, secte. L’Antiquité n’attache pas de valeur péjorative à ces termes.

La valeur péjorative est née en milieu chrétien avec les premières controverses théologiques dont témoignent Justin de Naplouse et Irénée de Lyon qui ont écrit "contre les hérésies" au IIe siècle. Au IVe siècle les empereurs prendront des mesures contre les hérétiques, volonté de monopole religieux qui interdit la liberté de croyance et la libre opinion.

Dans le contexte antique, la religion étant plus rituelle que dogmatique, l’haíresis n’a pas l’aspect dramatique que revêtira l’hérésie chrétienne. En effet, l’Antiquité polythéiste sépare le mythe de la philosophie. Le monothéisme introduit la théologie, l’étude rationnelle du divin, qui englobe et transcende et ces deux domaines. La théologie permet d’édicter des vérités objectives sur Dieu, les dogmes. Toutefois, ces dogmes ne revêtent pas la même importance dans toutes les religions, ce qui explique différentes attitudes par rapport à l’hérésie.


  • Pour les Juifs, l’appartenance au Peuple élu prime sur toute conception théologique, ce qui permet l’existence de sectes aux dogmes et aux pratiques différentes, mais appartenant toujours à l’héritage judaïque.
  • Pour les Chrétiens, l’Église est le corps vivant du Christ. L’unité dogmatique est donc fondamentale. Toute hérésie étant une atteinte à cette unité, elle est une blessure infligée au corps du Christ, donc un sacrilège.
  • Pour les Musulmans, le Coran , paroles d'Allah, dicté à Gabriel qui le révela au prophète Mohammed lui-même, il n’y a pas de dogme qui n’y soit explicitement contenu. En tout état de cause, l’islam sunnite n’ayant pas de clergé, aucune autorité n’a compétence pour décider de la validité d’une interprétation particulière du Livre saint.

Dans un contexte chrétien, et par analogie dans d'autres contextes, l'hérésie qualifie une situation complexe de conflit et de rupture, qui superpose généralement l'hérésie proprement dite (doctrinale : déviance sur le contenu de la foi) et le schisme (disciplinaire : insoumission à l'autorité ecclésiastique légitime). L'hérésie naît d'une divergence entre écoles sur ce qu'est la vérité (formulée par le dogme). Elle se développe à la fois sur le plan intellectuel, par l'opposition irréductible des thèses, et sur le plan communautaire, par l'impossibilité pratique de "vivre en frères" avec les tenants de l'autre école. Enfin, elle s'achève par une situation de rupture sociale paradoxale: de part et d'autre, on reconnaît que la communion entre les parties antagonistes est impossible en pratique, mais resterait nécessaire.

La foi étant nécessaire au salut, l'orthodoxie est capitale et l'hétérodoxie fait risquer les peines infernales. L'hérésie est le drame des frères ennemis, à la fois frères et ennemis, chacun revendiquant l'héritage authentique du Père. En ceci elle se distingue radicalement des conflits inter-religieux.

Dans l'Antiquité chrétienne, l'association de certaines de ces doctrines au pouvoir politique (après Constantin Ier par exemple) va donner également une importance temporelle à ces questions.

Sommaire

Dans le judaïsme

Le concept d'hérésie s'attache aux nombreux faux Messies qui parsèment l'histoire du judaïsme. La plus importante d'entre elles est celle de Sabbataï Tsevi, fondateur de la communauté appelée les Sabbatéens. Il est contemporain des parents de Baruch Spinoza.

Au XVIIIe siècle, cette hérésie bouleversa les communautés juives d'Europe où prédominaient les Marranes, comme Amsterdam ou Venise. Elle atteignit donc plus les communautés sépharades que les communautés askhénazes.

Culturellement, le judaïsme valorise les discussions et divergences doctrinales, comme l'évoque le dicton "quand deux talmudistes se rencontrent, il y a immédiatement trois opinions qui s'affrontent". La divergence d'interprétation est admise voire encouragée comme en témoignent les discussions enregistrées dans le Talmud. Après une longue discussion, destinée à passer tous les cas en revue, la décision de jurisprudence est votée ; l'avis minoritaire est préservé pour le cas où il pourrait se révéler utile.

Article détaillé : responsa.

D'une façon générale, une hérésie, dans le judaïsme aboutit à une scission, sans véritable conséquence pour les minoritaires, qui sont toujours considérés comme appartenant au judaïsme, sauf dans les congrégations ultra-orthodoxes contemporaines. Ceci vient de ce que l'appartenance au "peuple élu" se manifeste, en pratique, beaucoup plus par le partage de valeurs sociales (culture et pratique religieuse) et la conscience que ce peuple vit sous le regard de Dieu, que par la référence à un dogme particulier.

Spinoza est un cas extrême. Baruch Spinoza, fut déclaré Herem, i.e. hérétique par la communauté d'Amsterdam. Toutefois, cette condamnation tient plus à l'histoire de ladite communauté, essentiellement composée de marranes venus du Portugal qu'à l'hétérodoxie des positions de Spinoza, au moins jusqu'à son exclusion.

Dans le christianisme

Dès les premiers temps du christianisme, un certain foisonnement de conceptions théologiques et de pratiques liturgiques provoque des conflits qui conduisent à des mises au point. Le concile de Jérusalem en est un premier exemple, mais on peut aussi citer la question plus prosaïque de la fixation de la date de Pâques pour laquelle Irénée de Lyon doit intervenir.

Les dogmes chrétiens sont fondés sur les Écritures et la Tradition. Sont appelés Écritures les textes bibliques de l’Ancien et du Nouveau Testament et Tradition l’héritage oral reçu des apôtres. Dès son origine, le christianisme est confronté à de nombreuses conceptions théologiques hétérodoxes, que ce soit dans le domaine christologique (docétisme, arianisme, nestorianisme, monophysisme), cosmologique (gnose, macédonianisme, manichéisme, bogomilisme, catharisme), ou ecclésial (marcionisme, montanisme, donatisme, etc.).

La réponse de l’Église à ces contradictions est la réunion de conciles œcuméniques (c'est-à-dire regroupant l’ensemble des évêques) permettant de débattre et de trancher sur les questions controversées. Par exemple, le concile de Nicée, qui s’est réuni en 325, a produit une profession de foi (le Symbole de Nicée) qui clarifie la nature du Christ et désavoue la gnose et l'arianisme. Suite aux affirmations d’Arius, ce Symbole est complété en 381, lors du concile de Constantinople par une précision sur la nature du Saint-Esprit. Le symbole de Nicée-Constantinople est, aujourd’hui encore, la forme ordinaire du credo des chrétiens.


Dès lors qu’un concile a tranché, toute théologie contraire aux dogmes ainsi définis se trouve de fait hérétique. Quiconque professe et diffuse une telle théologie pèche alors contre l’unité de l’Église. Il est donc passible d’excommunication. Dans la pratique, la lutte contre les hérésies revêt plusieurs formes qui, contrairement à une idée répandue, sont rarement violentes. Les plus communes sont la catéchèse (enseignement d’initiation) et les prêches (discours réalisés notamment au cours des messes).

Face à une spectaculaire recrudescence des hérésies au XIe et XIIe siècles, un ordre religieux, celui des dominicains, est même créé en 1215 dans le seul but de prêcher auprès des hérétiques.

Dans le même temps, les tribunaux ecclésiastiques sont submergés devant le nombre de cas qui leurs sont soumis, la question de l’orthodoxie dogmatique étant souvent délicate. Pour éviter les jugements expéditifs, voire les lynchages populaires, une juridiction spéciale, l’Inquisition, est mise en place. Elle est confiée aux frères prêcheurs, dominicains et franciscains.

Si, après instruction de l’enquête (inquisitio) le cas d’hérésie est avéré, le juge rappelle le dogme et demande solennellement à l’accusé d’y adhérer (profession de foi).

Dans le cas où l’accusé accepte de se rétracter, il est condamné à une simple pénitence (généralement sous forme d’actes de dévotion, de charité, ou d’un pèlerinage), sauf s’il s’est rendu de surcroît coupable de conversions forcées ; dans ce cas, il encourt « l’emmurement », c'est-à-dire la prison, peine exécutée par les autorités séculières.

En cas de refus, il est excommunié. Il perd alors toute autorité (qu’elle soit religieuse ou séculière), ne peut plus recevoir (et encore moins prodiguer) de sacrements. Enfin et surtout, il est voué à la damnation éternelle.

Le bûcher ne vaut qu’en cas de relaps, c'est-à-dire qu’une personne qui s’est rétractée au cours d’un précédent jugement continue à enseigner sa doctrine hérétique. Là encore, lorsque l’accusé est convaincu de relaps, il est remis au bras séculier qui exécute la peine.

Article détaillé : Inquisition.


À partir de l'édit de Constantin Ier en 313, et plus particulièrement à partir du concile de Nicomédie 317 érigé en tribunal, destiné à imposer à Arius une première confession de foi sous peine d'excommunication. Le dogme a donc été défini comme norme de la "vraie foi" par réaction aux "déviances" des hérétiques.

Saint Augustin a combattu les hérésies chrétiennes

Plus tard, avec le Ier concile de Nicée, est hérétique une doctrine divergente à l'enseignement officiel d'une Église et à ses dogmes, tel que défini par son autorité (évêque, concile) sur la base de l'Écriture et de la Tradition.

Certains pensent pouvoir généraliser en disant qu'une hérésie est toute doctrine contraire à des conceptions jugées établies sans qu'elles nécessitent la moindre "preuve" : le pouvoir de condamner en tient lieu. L'hérésie (quasi-synonyme d'hétérodoxie) est l'occasion de créer une nouvelle forme d'orthodoxie. Dans le contexte du développement des hétérodoxies des IIe siècle et IIIe siècle, une hétérodoxie devient une hérésie à partir du moment où un concile la condamne.[1]


Dans le catholicisme romain

La bulle Gratia Divina (1656) définit l'hérésie comme « la croyance, l'enseignement ou la défense d'opinions, dogmes, propos, idées contraires aux enseignements de la sainte Bible, des saints Évangiles, de la Tradition (christianisme) et du magistère. » L'Inquisition, tribunal d'exception chargé de la combattre, est l'œuvre du pape Grégoire IX (1231).

Voir aussi : exemplum.

Dans l'islam

Introduction

« Les interprétations du Coran sont multiples et souvent contradictoires. Jamais les commentateurs et les interprètes du Saint Livre ne sont parvenus à l'unanimité sur les lectures possibles. Car le Coran se prête à de nouvelles interprétations. De nombreuses interprétations qui ont été presque « sacralisées » par la Tradition sont, en réalité, des productions de l'époque médiévale. Et les interprétations qui s'appuient sur les hadiths demandent à ce que soit vérifiée l'authenticité de ceux-ci, certains entrant en contradiction avec le texte même du Coran.»

Ali Asghar Engineer, « À propos de la méthodologie d'interprétation du Coran », Études Musulmanes, 2003

Le penseur indien Asghar Ali Engineer plaide pour que chaque génération se voit reconnu le droit d'interpréter le Coran avec son propre éclairage, à la lumière de ses propres expériences.

Kâfir

La Charte de Yathrib connue sous le nom Constitution de Médine quoique les mots al Medîna n'y apparaissent pas, définit le kâfir ou récalcitrant.

Il est exclu des garanties de sécurité et d'assistance prévue par ce pacte. Entre autres, il ne peut exercer la vengeance selon la loi du Talion.

Un affidé ne tue pas un autre affidé pour venger un kâfir

La raison invoquée est que le kâfir ne se fie ni en Dieu, ni en Mahomet.

Article détaillé : Apostasie dans l'islam.

Exception

Plus loin dans la charte :

« Ceux des Juifs qui nous suivent ont droit à l'assistance en parité : on ne les lèse pas et on ne s'allie pas contre eux »

Toutefois, le document ne désigne jamais ces Juifs alliés de leur nom propre de tribu, mais seulement par leur relation aux tribus affidées et manifestes une vigilance méticuleuse à leur égard. Au VIIIe siècle, les Juifs de Yathrib faisaient l'objet de discussions et polémiques plutôt que d'un accord tranquille.

Zandaqua

Le terme zandaqua désigne aussi bien, en Perse,

Seront condamnés sous ce chef d'accusation :

et quelques oulémas dont :

Fitna

  1. la fitna signifie la beauté avec désordre et confusion
  2. la fitna est l'innovation
  3. la fitna est ce qui est condamnable.

Récemment, ces dispositions ont conduit un caricaturiste marocain à être condamné par un tribunal religieux excessif.

(*) fermée au IXe siècle dans le sunnisme, ré-ouverte au XVIIe siècle dans le chiisme

Lire aussi condamner le rire est une dérive totalitaire

On se trouve donc devant une aporie car chaque croyant doit s'approprier personnellement le texte du Coran

« Le questionnement des sciences humaines comme les diverses utilisations idéologiques qui sont faites du texte coranique, invitent à une réflexion sur la manière dont le croyant s'approprie la Parole de Dieu. Trop souvent, celle-ci est considérée comme un texte « figé », « passif », alors qu'une foi vivante doit susciter un véritable dialogue entre le lecteur (ou l'auditeur) et le texte. C'est ce que rappelle Rachid Benzine dans un article que vient de publier la revue Islam, et que nous vous proposons avec l'accord des responsables de cette publication. » Rachid Benzine, Lire le Coran Autrement)

La Foi bahá'íe, fondée sur une base hétérodoxe musulmane shiite, née en Iran en 1844, est persécutée par l'islam au titre d'apostasie.

Notes et références

  1. Voir Raoul Vaneigem La résistance au christianisme. Les hérésies des origines au XVIIIe siècle. 1993

Annexe

Articles connexes

Bibliographie

  • « Le Moyen Âge des hérétiques » dans Les collections de l’Histoire, janvier-mars 2005
  • Claude Gauvard, Alain de Libera, Michel Zink, Dictionnaire du Moyen Âge, Paris, PUF, 2002 : articles « hérésies » (p.667-671), « inquisition » (p.718-719)
  • Barbara Garofani, Le eresie medievali, Roma, Carocci editore, 2008, 145 p.
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