Habib bourghiba

Habib bourghiba

Habib Bourguiba

Habib Bourguiba
الحبيب بو رقيبة
1er président de la République tunisienne
Bourguiba photo officielle.jpg
Photo officielle du président Bourguiba

Actuellement en fonction
Mandat
25 juillet 1957 - 7 novembre 1987
Depuis le 25 juillet 1957
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Élu(e) le 8 novembre 1959
Réélu(e) le 8 novembre 1964
2 novembre 1969
3 novembre 1974
18 mars 1975 (président à vie)
Parti politique Néo-Destour puis PSD
Premier(s) ministre(s) Bahi Ladgham
Hédi Nouira
Mohamed Mzali
Rachid Sfar
Zine el-Abidine Ben Ali
Prédécesseur Lamine Bey (bey)
Successeur Zine el-Abidine Ben Ali
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Autres fonctions
2e Premier ministre tunisien
Mandat
11 avril 1956 - 25 juillet 1957
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Monarque Lamine Bey
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Gouvernement {{{gouvernement1}}}
Prédécesseur Tahar Ben Ammar
Successeur Bahi Ladgham (1969-1970)

Ministre des Affaires étrangères tunisien
Mandat
15 avril 1956 - 29 juillet 1957
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Monarque Lamine Bey
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Prédécesseur Poste créé
Successeur Sadok Mokaddem

Ministre de la Défense tunisien
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15 avril 1956 - 29 juillet 1957
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Successeur Bahi Ladgham

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Biographie
Nom de naissance {{{nom naissance}}}
Naissance 3 août 1903
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Décès 6 avril 2000 (à 96 ans)
Flag of Tunisia.svg Monastir (Tunisie)
Nature du décès {{{nature}}}
Nationalité tunisienne
Conjoint(s) Mathilde Lorain, dite Moufida
Wassila Ben Ammar
Enfant(s) Habib Bourguiba Jr.
Hajer Bourguiba (fille adoptive)
Diplômé Sorbonne
Profession Avocat
Occupations {{{occupation}}}
Résidence(s)
Religion {{{religion}}}
Signature {{{signature}}}

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Premiers ministres tunisiens
Présidents de la République tunisienne

Habib Bourguiba (الحبيب بو رقيبة), de son nom complet Habib Ben Ali Bourguiba, né probablement le 3 août 1903[1] à Monastir et mort le 6 avril 2000 à Monastir, était un homme d’État tunisien.

Il devient à l’âge de 31 ans le leader du mouvement pour l’indépendance de la Tunisie. En 1956, son but étant atteint, il s’emploie à mettre sur pied un État moderne en tant que président, fonction qu’il exerce du 25 juillet 1957 à sa destitution le 7 novembre 1987.

Durant sa présidence, un culte de la personnalité se développe autour de sa personne et il porte alors le titre de « combattant suprême ». Toutefois, l’éducation et la défense de l’égalité entre hommes et femmes sont une priorité pour lui, ce qui en fait une exception parmi les dirigeants arabes. Néanmoins, la fin de sa présidence est marquée par la montée du clientélisme et de l’islamisme.

Sommaire

Jeunesse

Bourguiba photographié en robe d’avocat en 1927

Né officiellement en 1903 à Monastir[1], Habib Bourguiba est le fils d’un officier de la garde que la France avait accordée au bey de Tunis. Il est le dernier de huit enfants issus d’une famille de condition modeste. Pourtant, son père Ali et sa mère Fatouma souhaitent qu’il reçoive une instruction moderne comme ses aînés : il effectue donc ses études primaires et obtient son certificat d’études primaires à l’école sadikienne en 1913, année de la mort de sa mère[2]. Il entame ensuite ses études secondaires au prestigieux Collège Sadiki de Tunis où il décroche un brevet d’arabe avant de s’inscrire au Lycée Carnot. Ses meilleurs amis sont alors Tahar Sfar et Bahri Guiga.

Il obtient son baccalauréat en 1924 puis s’inscrit à la Sorbonne. C’est à Paris qu’il rencontre Mathilde Lefras. Alors que son père meurt en 1926, Mathilde lui donne un fils, Habib Bourguiba Jr., qui naît le 9 avril 1927 (à un mois de ses examens)[3]. Il obtient respectivement une licence en droit et le diplôme supérieur d’études politiques de l’École libre des sciences politiques en 1927. Il rentre ensuite à Tunis pour exercer le métier d’avocat, parallèlement à d’autres activités, notamment politiques : il adhère ainsi au Destour, parti qui milite en faveur de l’indépendance du pays.

Militant nationaliste

Dans ce cadre, il participe à la rédaction de nombreux articles dans les journaux nationalistes de l’époque comme La Voix du Tunisien et L’Étendard tunisien. Dans un article du 23 février 1931, il explique que pour « un peuple sain, vigoureux, que les compétitions internationales ou une crise momentanée ont forcé à accepter la tutelle d’un État fort, le contact d’une civilisation plus avancée détermine en lui une réaction salutaire. Une véritable régénération se produit en lui et, grâce à une judicieuse assimilation des principes et des méthodes de cette civilisation, il arrivera fatalement à réaliser par étapes son émancipation définitive »[4]. Lorsque le comité de rédaction de La Voix du Tunisien démissionne, Bourguiba rejoint le nouveau journal, L’Action Tunisienne, dont le premier numéro paraît le 1er novembre 1932[4]. Prônant la laïcité, il est suspendu comme d’autres journaux nationalistes le 31 mai 1933.

À la suite du congrès du Destour, tenu le 12 mai 1933, Bourguiba devient membre de la commission exécutive du parti. Cependant, le 9 septembre, il en démissionne après avoir fait l’objet de vives réprimandes pour avoir fait partie d’une délégation de dignitaires de Monastir qui s’était rendue au palais du bey, le 4 septembre, pour protester contre la décision du gouverneur de la ville qui avait autorisé l’inhumation du fils d’un naturalisé dans le cimetière musulman de Monastir[5].

Il s’emploie, par la suite, à expliquer les raisons de sa démission de la commission exécutive jusqu’à ce qu’il décide de réunir un congrès extraordinaire du parti, le 2 mars 1934, à Ksar Hellal. Ce congrès se termine par la scission en deux branches du parti : l’une conservatrice, qui conserve le nom de Destour, et l’autre moderniste baptisée Néo-Destour. Ce nouveau parti est dirigé par Mahmoud El Materi (président), Bourguiba (secrétaire général), Tahar Sfar (secrétaire général adjoint), M’hamed Bourguiba (trésorier) et Guiga (trésorier adjoint).

Espoirs et répression

Installation de la section du Néo-Destour à Béja le 25 avril 1934

Au milieu des années 1930, après la nomination de Marcel Peyrouton comme résident général de France en Tunisie, la répression se fait plus violente dans le pays : Peyrouton interdit tous les journaux de gauche encore publiés, notamment le tunisien Tunis socialiste et les français L’Humanité et Le Populaire, le 1er septembre 1934[6]. Le 3 septembre, les militants nationalistes font l’objet de mesures d’éloignement dans le Sud tunisien : Bourguiba et certains de ses compagnons sont assignés à résidence à Kébili puis à Bordj le Bœuf. Cependant, la résistance se poursuit sous diverses formes jusqu’à la remise en liberté des leaders exilés. En mars 1936, Peyrouton est remplacé par Armand Guillon alors que, le 3 mai, le Front populaire remporte les élections législatives françaises sous la conduite de Léon Blum[7].

Cette victoire suscite un espoir dans le camp nationaliste car de nombreux militants ayant étudié dans les universités françaises entretiennent de bonnes relations avec la gauche française. Bourguiba rencontre ainsi Pierre Viénot, sous-secrétaire d’État aux Affaires étrangères, le 6 juillet 1936 à Paris[8]. Cette entrevue est très mal vue en Tunisie : c’est pourquoi leurs entrevues ultérieures se font en secret. Mais la prudence des autorités françaises s’oppose aux espoirs des militants tunisiens et certains pensent même qu’il s’agit d’une illusion[9]. Le résident général en Tunisie parle à la fin de l’année 1936 de réformes et d’assimilation de la Tunisie. Ces propos sont à l’origine de mouvement sociaux éclatant au début de l’année 1937.

Viénot en voyage en Tunisie réagit en déclarant que « certains des intérêts privés des Français de la Tunisie ne se confondent pas avec l’intérêt de la France »[9]. Pendant ce temps Bourguiba se rend à nouveau à Paris puis à la conférence sur l’abolition des capitulations tenue en avril 1937 à Montreux (Suisse). Il y rencontre de nombreux leaders nationalistes arabes dont l’émir druze Chekib Arslan, l’algérien Messali Hadj et l’égyptien Nahas Pacha[9]. En juin 1937, le gouvernement Blum, démissionnaire, est remplacé par le gouvernement de Camille Chautemps. Face aux atermoiements du gouvernement français, les nationalistes reprennent leur combat et s’emploient activement à concrétiser leurs revendications. Dans ce contexte, Bourguiba souhaite qu’Abdelaziz Thâalbi, fondateur du Destour, rejoigne le Néo-Destour. Cela n’advenant pas, il fait escamoter la réunion de conciliation prévue entre les délégations du Destour et du Néo-Destour puis s’emploie à perturber les rassemblements publics de son adversaire[10]. À Mateur, les affrontements font des morts et des blessés mais Bourguiba réussit à s’imposer comme le seul leader du mouvement nationaliste et rejette définitivement le nationalisme panarabe et anti-occidental. Ainsi, malgré le fait que l’atmosphère devienne des plus tendues vers la fin de l’année 1937, Bourguiba maintient le cap. En novembre, il explicite sa stratégie lors du deuxième congrès du Néo-Destour :

« L’indépendance ne se réalisera que selon trois formules :
  1. une révolution populaire, violente et généralisée, qui liquidera le protectorat
  2. une défaite militaire française au cours d’une guerre contre un autre État
  3. une solution pacifique, à travers des étapes, avec l’aide de la France et sous son égide.
Le déséquilibre du rapport des forces entre le peuple tunisien et la France élimine toutes les chances d’une victoire populaire. Une défaite militaire française n’aidera pas l’indépendance parce que nous tomberons dans les griffes d’un nouveau colonialisme. Donc, il ne nous reste que la voie de la délivrance pacifique sous l’égide de la France[11]. »

Alors que la base du parti s’agite et que la répression fait sept morts à Bizerte[4], Bourguiba choisit l’épreuve de force. En avril 1938, une manifestation préparée se déroule pacifiquement mais Bourguiba rudoie El Materi venu lui rendre compte : « Puisqu’il n’y a pas eu de sang, il faut recommencer. Il faut que le sang coule pour qu’on parle de nous ![4] » Le 9 avril, une fusillade fait 40 morts[12]. Le lendemain, Bourguiba et ses compagnons sont arrêtés et détenus à la prison civile de Tunis où Bourguiba fait l’objet d’un long interrogatoire. Le Néo-Destour est dissous le 12 avril mais les militants continuent de se réunir dans la clandestinité. Quelques mois plus tard, El Materi démissionne de la présidence du Néo-Destour et Bourguiba le remplace[4]. Le 10 juin 1939, Bourguiba et ses compagnons sont inculpés pour conspiration contre la sûreté de l’État et incitation à la guerre civile. Ils sont ensuite transférés vers le pénitencier de Téboursouk.

Seconde Guerre mondiale

Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, Bourguiba est transféré, à bord d’un contre-torpilleur, au Fort Saint-Nicolas de Marseille (26 mai 1940[4]) où il partage sa cellule avec Hédi Nouira. Déjà convaincu de l’issue de la guerre, il écrit, le 10 août 1942, à Habib Thameur, alors président par intérim du parti, pour définir sa position :

«  L’Allemagne ne gagnera pas la guerre et ne peut la gagner. Entre les colosses russe et anglo-saxon, qui tiennent les mers et dont les possibilités industrielles sont infinies, l’Allemagne sera broyée comme dans les mâchoires d’un étau irrésistible [...] L’ordre vous est donné, à vous et aux militants, d’entrer en relation avec les Français gaullistes en vue de conjuguer notre action clandestine [...] Notre soutien doit être inconditionnel. C’est une question de vie ou de mort pour la Tunisie[11]. »

Il est ensuite transféré à Lyon et enfermé au Fort Montluc (18 novembre 1942) puis au Fort de Vancia jusqu’à ce que Klaus Barbie[13] le fasse relâcher et le conduise à Chalon-sur-Saône. Il est ensuite reçu avec tous les honneurs à Rome en compagnie de Salah Ben Youssef et Slimane Ben Slimane, en janvier 1943, à la demande de Benito Mussolini qui espère l’utiliser pour affaiblir la résistance française en Afrique du Nord. Le ministère italien des Affaires étrangères essaie donc d’obtenir de lui une déclaration en leur faveur. À la veille de son retour, il accepte de délivrer un message au peuple tunisien, par le biais de Radio Bari, le « mettant en garde contre tous les appétits ». À son retour à Tunis, le 8 avril 1943, il s’assure que son message de 1942 soit transmis à toute la population et à ses militants. Par sa position, il se démarque de la collaboration de certains militants avec l’occupant allemand (arrivé en Tunisie à la fin 1942) et échappe au sort du souverain tunisien, Moncef Bey, qui est déposé à la libération, en mai 1943, par le général Alphonse Juin sous l’accusation de collaboration[11]. Bourguiba est donc remis en liberté par les Forces françaises libres le 23 juin.

C’est à cette période qu’il fait la connaissance de Wassila Ben Ammar. Bourguiba est alors étroitement surveillé et ne se sent pas en mesure de reprendre l’initiative. Il sollicite l’autorisation d’accomplir le pèlerinage à La Mecque. Cette requête, surprenante de sa part, est refusée par les autorités françaises. Il décide alors de s’enfuir en Égypte. Il traverse la frontière libyenne déguisé en caravanier, le 23 mars 1945[4], et arrive au Caire en avril.

Lutte pour l’indépendance

Bourguiba se rend alors au siège de la Ligue arabe en vue de rallier des soutiens à la cause nationaliste tunisienne. Il part ensuite en Syrie et au Liban qui viennent d’obtenir leur indépendance. Conscient que la France n’a plus les mains libres, il va à New York, en décembre 1946, afin de faire connaître la cause de la Tunisie aux Nations unies. Dans les années qui suivent, Bourguiba visite de nombreux pays où sa forte personnalité lui vaut un certain nombre de victoires diplomatiques.

Discours de Bourguiba à Bizerte le 15 janvier 1952

Conscient de l’importance du combat à l’intérieur du pays, il rentre à Tunis le 8 septembre 1949[4] avant de s’embarquer de nouveau pour la France en vue de gagner des sympathisants au sein de la gauche française et de faire connaître davantage le mouvement nationaliste tunisien. Il y annonce un programme en sept points et, intéressé par la première expérience de pourparlers, apporte son soutien à la participation de Ben Youssef au sein du cabinet de M’hamed Chenik formé en vue des négociations. Toutefois, les résultats ne sont pas à la mesure des attentes des nationalistes puisqu’ils débouchent sur le mémorandum du 15 décembre 1951, signé par Robert Schuman, où est affirmé « le caractère définitif du lien qui unit la France à la Tunisie »[4]. Bourguiba réplique que va s’ouvrir « une ère de répression et de résistance, avec son cortège inévitable de deuils, de larmes et de rancune »[4]. Ceci constitue l’une des premières étincelles de la révolte armée qui éclate le 18 janvier 1952, date à laquelle se tient dans la clandestinité le congrès extraordinaire du Néo-Destour dont le résident général Jean de Hautecloque avait interdit l’organisation et qui allait réclamer l’indépendance. Face à ce nouveau défi, Bourguiba est à nouveau arrêté et éloigné dans le Sud tunisien, puis à Tabarka et La Galite où il passe deux années en exil intérieur. Mais il conserve le contact, à travers son épouse, avec les patriotes qu’il appelle à la résistance et à la persévérance dans le combat. Après le rejet des réformes de Pierre Voizard, le 4 mars 1954, il est transféré sur l’île de Groix. Arrivé au pouvoir en France, le 18 juin, Pierre Mendès France effectue une visite surprise à Tunis et prononce son fameux discours du 31 juillet dans lequel il annonce que son gouvernement reconnaît unilatéralement l’autonomie interne de la Tunisie.

Pendant ce temps, sous l’œil d’un commissaire des Renseignements généraux, Bourguiba reçoit toutes sortes de visites qu’organisent les représentants du Néo-Destour à Paris. Le 4 juillet, il partage sa journée entre une entrevue avec deux hommes politiques mandatés par Mendès France et des réponses aux questions d’un envoyé spécial du Monde[4]. Alors que le président du Conseil rentre de Carthage, Bourguiba est transféré au Château de La Ferté à Amilly (110 km de Paris).

Bain de foule durant une visite à Mahdia

Un gouvernement intérimaire est alors constitué en vue des pourparlers avec la participation de trois membres du Néo-Destour. Le 18 août s’ouvrent les négociations. Bourguiba est autorisé à séjourner à l’hôtel où est hébergée la délégation tunisienne. Cette dernière lui rend compte quotidiennement des pourparlers et reçoit ses consignes[4]. Le gouvernement Mendès France tombe le 5 février 1955 et c’est Edgar Faure qui conclut, le 29 mai, les accords sur l’autonomie interne. Le 1er juin, Bourguiba rentre triomphalement en Tunisie à bord du paquebot Ville d’Alger. Arrivant de Marseille, il accoste à La Goulette. Seul, il s’avance vers la passerelle en agitant de son bras levé un grand mouchoir blanc pour saluer la foule. « Nous fûmes des centaines de milliers à l’acclamer, interminablement, dans un immense délire » témoigne son ancien ministre Tahar Belkhodja[14]. Le 13 septembre, Ben Youssef, secrétaire général du Néo-Destour, rentre du Caire[4]. Un différend majeur éclate alors entre Bourguiba et Ben Youssef pour qui les accords sur l’autonomie interne constituent un pas en arrière. En effet, contrairement à Bourguiba qui prône une indépendance obtenue pacifiquement, à travers des étapes, « avec l’aide de la France et sous son égide », Ben Youssef soutient le panarabisme et souhaite l’indépendance totale et immédiate. Le différend s’aggrave au point de provoquer une scission dans les rangs des militants et de fissurer l’unité nationale. Le différend est tranché au profit de Bourguiba lors du congrès que le Néo-Destour tient à Sfax le 15 octobre 1955. Les partisans de Ben Youssef sont écartés des instances du parti et des hautes fonctions de l’État[15]. Quelques mois plus tard, le gouvernement tunisien engage des pourparlers qui s’achèvent par la signature, le 20 mars 1956, du protocole consacrant l’indépendance. Le 22 mars, Bourguiba définit son objectif suivant :

«  Après une période transitoire, toutes les forces françaises devront évacuer la Tunisie, y compris Bizerte[16]. »

Président de la République

Fondateur de la Tunisie moderne

Le 8 avril, il est procédé à l’élection de l’assemblée constituante dont Bourguiba devient pour quelques jours le président. Le jour même, il résume son projet pour le pays :

«  Nous ne saurions oublier que nous sommes des Arabes, que nous sommes enracinés dans la civilisation islamique, pas plus que nous ne pouvons négliger le fait de vivre la seconde moitié du vingtième siècle. Nous tenons à participer à la marche de la civilisation et à prendre place au cœur de notre époque[17]. »
Bourguiba dans les rues de Tunis en 1956

Le 14 avril, il est chargé de former le premier gouvernement de la Tunisie indépendante dans lequel il prend également en charge les portefeuilles des affaires étrangères et de la défense. Après avoir été Premier ministre de Lamine Bey, il décide d’évincer le souverain et de proclamer le régime républicain le 25 juillet 1957. Il en est désigné président avant d’être largement élu le 8 novembre 1959 (étant le seul candidat à se présenter).

Le 8 février 1958, l’armée française bombarde le village frontalier de Sakiet Sidi Youssef et fait 72 morts et plusieurs blessés. Le soir même, Bourguiba annonce la « bataille de l’évacuation » de Bizerte : il proclame, le 12, l’interdiction de l’entrée du port à tout navire de guerre français et, le 14, fait adopter par l’Assemblée nationale une loi abrogeant la convention de 1942 qui stipulait que « Bizerte ne faisait pas partie du territoire tunisien et était un port français ». Grâce à la pression diplomatique, il obtient de la France l’évacuation du territoire tunisien et la concentration de son armée sur la base de Bizerte. Trois ans plus tard, suite à la meurtrière crise de Bizerte, les négociations aboutissent, le 15 octobre 1963, à l’évacuation de la base.

Lors de la promulgation de la nouvelle constitution, le 1er juin 1959, Bourguiba évoque de façon prémonitoire l’époque des califes :

«  Tout dépendait des attitudes personnelles et des qualités morales des responsables. Les seules limites de leur pouvoir découlaient des prescriptions de la religion. Cela pour la compétence. Pour la durée, ils étaient investis à vie. Seule la mort mettait fin à leur mandat. Ils pouvaient vieillir, devenir incapables d’assumer le pouvoir et tomber sous la coupe d’un entourage de courtisans et de créatures. C’était l’impasse, sans aucun moyen d’en sortir. La curée s’organisait[18]. »

Une fois les institutions en place, il entreprend de débarrasser le pays de toutes les séquelles de la période coloniale. Les réformes se succèdent pour mettre en place un État moderne, parachever la souveraineté nationale et moderniser la société à travers la propagation de l’enseignement et la promulgation du Code du statut personnel. Bien que l’islam reste la religion d’État (le président doit être de religion musulmane), le pouvoir des chefs religieux est grandement réduit. Les femmes accèdent à un statut inédit dans le monde arabe, dépassant même celui des Françaises dans certains domaines. La polygamie est interdite, le divorce autorisé et l’avortement légalisé. Le pays est divisé en quatorze gouvernorats dotés d’une administration moderne.

Couples Bourguiba et Kennedy à la Maison Blanche en 1961

À contre-courant de ses voisins et homologues arabes, la priorité est donnée à l’éducation et à la santé au détriment de l’armement. Il met en place un enseignement moderne et nomme l’écrivain Mahmoud Messaadi au poste de ministre de l’Éducation nationale. Celui-ci met fin au double cursus d’enseignement coranique et occidentalisé. L’école devient publique et gratuite. Bourguiba abolit également le double circuit de la justice, met fin à l’influence des religieux sur la magistrature et instaure des cours civiles. En février 1961, il appelle ses concitoyens à ne pas observer le jeûne du ramadan afin de mieux affronter et combattre le sous-développement. En mars 1964, en plein ramadan, il enfonce le clou en buvant ostensiblement, à la télévision, un verre de jus d’orange en pleine journée.

Le 20 décembre 1962, le gouvernement annonce la découverte d’un complot visant à assassiner Bourguiba et organisé par des militaires et quelques civils proches de Ben Youssef[19]. Tout est découvert lorsque l’un des officiers, pris de remords, va trouver Bahi Ladgham, le lieutenant de Bourguiba, pour dénoncer la conspiration et livrer ses complices. Il explique que des chars devaient sortir de la caserne d’El Aouina et investir le palais présidentiel de Carthage. Au nombre des conjurés figurent le neveu de Mahmoud El Materi et le propre aide de camp du président. Lors du procès, l’un des sous-officiers accusés déclare ne pas pardonner à Bourguiba « de les avoir sacrifiés dans la bataille de Bizerte »[20]. Condamnés à mort par le Tribunal militaire, 11 des coupables sont pendus. À cela s’ajoute l’interdiction du Parti communiste tunisien et de la revue La Tribune du progrès proche de ce parti.

Expérience collectiviste

Ahmed Ben Salah, étoile montante du gouvernement et partisan d’une ligne socialiste, est progressivement protégé des attaques des ministres tunisois par Bourguiba qui lui apporte son soutien : « Je suis personnellement responsable du plan que je couvre de mon autorité. Désormais, le plan sera l’œuvre du parti »[21]. Ben Salah est ainsi coopté, le 17 novembre 1961, au bureau politique malgré son échec aux élections du comité central lors du congrès de Sousse (1959). Le remariage de Bourguiba, le 12 avril 1962, avec Wassila Ben Ammar est une occasion manquée pour les Tunisois de limiter l’envahissement de Ben Salah. Car, le 6 février 1963, Bourguiba proclame que la bataille contre le sous-développement est « une lutte pour la dignité de l’homme et la gloire de la patrie [...] Dans ces conditions, la restriction des libertés et des privilèges de la propriété s’impose lorsqu’il convient d’en faire un usage plus productif et plus rentable pour la collectivité »[20]. En juin, lors d’une visite à Sfax, il précise :

«  Quant à ceux qui s’érigent en défenseurs de la liberté individuelle, du secteur privé et de la libre entreprise, nous disons que le plan sert l’intérêt de tous. Dans notre situation, seule l’action collective est efficace[22]. »

Il s’attaque alors au secteur commercial : tous les circuits traditionnels sont brisés et remplacés par un réseau centralisé d’offices d’État et de coopératives. Il vise particulièrement le négoce assuré par les Djerbiens en qui Ben Salah voit une caste conservatrice. Le 28 avril 1964, Bourguiba demande l’ouverture de négociations sur les terres agricoles détenues par les étrangers. En réponse, le 2 mai, la France notifie la suspension de son aide financière. En conséquence, le 12 mai, le président promulgue la nationalisation des terres. Ces dernières, devenues domaines de l’État, comptent parmi les meilleures du pays. Le problème est que les paysans renâclent à s’intégrer à un tel système[22]. En effet, la bureaucratie affaiblit l’idéologie gouvernementale : tandis que certaines unités restent en friche, d’autres se voient dotées de bien plus de travailleurs qu’il n’est nécessaire.

Le 30 septembre, la dévaluation du dinar de 25 % s’impose à la suite du premier plan quinquennal. Au congrès de Bizerte, la stratégie collectiviste est pourtant confirmée par l’instauration de la coexistence de trois secteurs économiques (public, privé et coopératif). Le Néo-Destour est rebaptisé à cette occasion Parti socialiste destourien (PSD) et un comité central incluant tous les ministres, les gouverneurs, les responsables régionaux du parti et certains hauts fonctionnaires est créé sur le modèle des partis communistes. Quant au bureau politique, ses membres ne sont plus élus mais choisis par le président au sein du comité central. Dès la fin du congrès, pour contrôler davantage l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), unique syndicat du pays, le PSD décide de créer dans toutes les entreprises ses propres cellules professionnelles pour faire concurrence aux cellules syndicales. Le parti présidentiel achève ainsi sa prépondérance dans le pays. En juillet 1965, suite à un accident sur un navire reliant Sfax aux Kerkennah, le leader de l’UGTT Habib Achour est arrêté et remplacé à la tête du syndicat. Dès lors, la conjonction État-Parti et Bourguiba-Ben Salah « plonge la Tunisie dans une fuite en avant et un tourbillon de surenchères qui occulteront les réalités élémentaires »[23]. Ainsi, les premiers incidents se produisent le 15 décembre à M’saken : la population manifeste contre l’obligation pour 147 petits agriculteurs d’adhérer aux nouvelles coopératives d’arbres fruitiers qui remplaceraient leurs 80 000 pieds d’oliviers. On procède alors à des dizaines d’arrestations et à la dissolution des cellules du parti qui soutenaient les agriculteurs[24].

Durant cette période, Bourguiba se distingue de ses homologues arabes en matière de politique étrangère. Vingt ans avant le président égyptien Anouar el-Sadate, il préconise la normalisation des rapports avec Israël. Lors d’une tournée au Proche-Orient, bravant Gamal Abdel Nasser, il rappelle dans un discours prononcé à Jéricho le 3 mars 1965[25] que « la politique du tout ou rien n’avait mené en Palestine qu’à la défaite »[26]. Il propose par la même à l’ONU la création d’une fédération entre les États arabes de la région et Israël. En mai de la même année, réconforté par le soutien de son opinion publique, il n’hésite pas à rompre avec la Ligue arabe.

Visite à Mahdia le 11 août 1967

Le 14 mars 1967, Bourguiba est victime d’une crise cardiaque. Tout le monde prend alors conscience qu’il peut disparaître et, à partir de ce jour, pensera à la succession. Le 5 juin, le déclenchement de la guerre des Six Jours provoque des émeutes à Tunis : le centre culturel américain, la Grande synagogue et des magasins de l’avenue de Londres sont pillés et incendiés. Le 25 janvier 1969, sommée de céder à la coopérative toutes ses terres et ses vergers, la population de Ouardanine se révolte et tente de s’opposer aux tracteurs. Les forces de l’ordre ouvrent le feu et font deux morts et des dizaines de blessés[27]. Un peu partout, d’autres incidents éclatent pour les mêmes raisons : le refus de la collectivisation autoritaire. Le 3 août, Ben Salah présente à Bourguiba un projet de décret-loi portant généralisation du système coopératif dans l’agriculture mais Bourguiba, sur le conseil de certains ministres, refuse de le parapher. Le lendemain, il annonce :

«  On en arrive à poser le problème des limites du système coopératif. Il est valable jusqu’à un certain degré au-delà duquel l’équilibre est rompu[28]. »

Le 8 septembre, un communiqué signifie à Ben Salah son limogeage. Le 8 juin 1970, Bourguiba déclare au peuple tunisien :

«  Constitutionnellement le premier et unique responsable, c’est moi, Habib Bourguiba. Parce que je suis homme, donc sujet à l’erreur, je me suis trompé, je le dis en toute modestie. Je demande pardon au peuple et surtout aux militants qui ont souffert [...] Je sais qu’ils sont convaincus de ma bonne foi [...] mais j’ai été abusé par un homme qui maniait le mensonge avec une adresse diabolique[29]. »

Le 16 août, prononçant un discours à Monastir, il dénonce « un vaste complot qui visait à l’instauration de la fascisation par la voie révolutionnaire »[29].

Réformes bloquées

Bourguiba préconise aussitôt des réformes dans les structures de l’État et du PSD et remplace le bureau politique par une « commission supérieure du parti ». Néanmoins, début août, il annonce mettre l’accent sur les problèmes sociaux et économiques, insiste pour que justice soit rendue aux victimes du collectivisme et demande de taire les problèmes politiques[30]. La page socialiste étant tournée, le gouvernement est repris en main par le libéral Hédi Nouira. En janvier 1971, avant de partir se faire soigner aux États-Unis, Bourguiba signe un décret déléguant ses prérogatives à Nouira, ce qui consolide l’alliance entre Achour et Nouira qui s’oppose alors au ministre de l’Intérieur Ahmed Mestiri. Au congrès de Monastir qui s’ouvre le 19 juin, Bourguiba, rentré après six mois de soins à l’étranger, désigne trois dauphins successifs : « C’est avec confiance que j’entrevois le jour où, mon passage dans ce monde arrivant à son terme, Nouira me succédera tout comme plus tard Mestiri et Masmoudi »[31]. Mais les assises adoptent une orientation qui ne semble pas plaire au président. Après une tentative de prise de contrôle du parti par Mestiri, Bourguiba le suspend, ainsi que plusieurs de ses alliés, et déclare clos les travaux du comité central : « Il est non moins évident que, tant que je serai de ce monde, je serai maintenu à la tête de l’État »[31].

En mai 1973, Bourguiba rencontre le président algérien Houari Boumédiène au Kef. Ce dernier lui déclare : « Le commencement, c’est l’union entre l’Algérie et la Tunisie. Nous la ferons méthodiquement mais fermement [...] nous avancerons par étapes ». Bourguiba, surpris par la proposition, suggère : « L’Algérie peut nous céder le Constantinois afin de rétablir un meilleur équilibre géographique entre les deux pays ». Boumédiène rétorque : « Je vois que la Tunisie n’est pas encore mûre pour l’union »[32]. Bourguiba, dans une déclaration à l’hebdomadaire égyptien El Moussaouar du 20 septembre, précise sa pensée :

«  La création des États-Unis d’Afrique du Nord, entre la Tunisie, la Libye, l’Algérie, le Maroc et la Mauritanie, se ferait par étapes, lentement et prudemment, et prendrait tout le temps qu’il faudrait : 10 ans ou 100 ans [...] La capitale de cette fédération devrait être Kairouan, capitale spirituelle des musulmans depuis des siècles et qui symboliserait ainsi le retour à la gloire passée du monde islamique [...][33]. »

En janvier 1974, Bourguiba rencontre le leader libyen Mouammar Kadhafi à Djerba. Ce dernier presse le président de créer une union tuniso-libyenne. À l’issue de leur entretien, le ministre tunisien des Affaires étrangères Mohamed Masmoudi lit une déclaration commune : « Les deux pays formeront une seule république, la République arabe islamique, dotée d’une seule constitution, d’un seul drapeau, d’un seul président, d’une seule armée et des mêmes organes exécutif, législatif et judiciaire. Un référendum sera organisé le 18 janvier 1974 »[34]. À l’aéroport, Bourguiba déclare aux journalistes :

«  Cette journée aura été historique, consacrant un demi-siècle de lutte marquée par la constitution de la République arabe islamique, laquelle est appelée à avoir un poids considérable, eu égard aux expériences, aux cadres et aux richesses dont elle dispose. Nous exprimons l’espoir de voir l’Algérie, la Mauritanie et le Maroc se joindre à la Libye et à la Tunisie [...] Nous avons décidé d’organiser un référendum le plus tôt possible, en principe le 18 janvier 1974. Toutefois, si la procédure, quant au référendum, exige un délai, celui-ci pourrait avoir lieu le 20 mars, fête de l’indépendance [...] C’est ce que j’ai voulu proclamer à tous les peuples d’Afrique du Nord. Nous formons le vœu de voir les peuples du Machrek suivre notre exemple pour former une communauté puissante et solide[35]. »

Toutefois, face aux oppositions qui se font jour aussi bien au sein du régime qu’à l'étranger, Bourguiba est contraint de faire marche arrière et d’abandonner le projet en prétextant l’inconstitutionnalité du référendum. C’est dans ce contexte que le nouveau congrès du PSD, convoqué à Monastir le 12 septembre, décide d’amender la constitution de façon à instituer la présidence à vie au bénéfice de Bourguiba qui reçoit ce titre de la part de l’Assemblée nationale le 18 mars 1975[36]. En avril 1976, une réforme constitutionnelle confirme le Premier ministre comme son successeur constitutionnel. Durant l’automne, Bourguiba est frappé par une nouvelle dépression, mal qui l’affecte périodiquement depuis cinq ans. Enfermé au palais présidentiel de Carthage, il ne reçoit presque plus personne[37].

En matière économique, l’État dirige encore près de 80 % de l’activité économique du pays, ce qui l’implique dans la plupart des conflits sociaux. En effet, les entreprises sont le lieu d’un conflit permanent entre la cellule syndicale de l’UGTT et la cellule professionnelle du PSD.

En 1978, Bourguiba est contraint de condamner les accords de Camp David sous la pression de ses partenaires, ce qui, en contrepartie, vaudra à la Tunisie d’accueillir le siège de la Ligue arabe puis celui de l’OLP[38].

Succession des crises

Quoiqu’elle connaisse, durant les années 1970, une période de relance économique grâce à l’adoption d’une politique de libéralisation de l’économie, la Tunisie n’est pas à l’abri des convulsions politiques, sociales ou économiques qui s’amplifient tout particulièrement au milieu des années 1980. Le clientélisme prend de plus en plus d’ampleur jusqu’à étouffer le développement économique et social du pays. La situation devient d’autant plus complexe que l’âge avancé de Bourguiba, l’aggravation de son état de santé et son incapacité à gérer les affaires de l’État, attisent les convoitises de tous ceux qui, autour de lui, s’entre-déchirent pour la succession. Le pays s’engage ainsi dans une crise politique et sociale étouffante et rendue encore plus grave par la dégradation de la situation économique qui est perceptible à travers la paralysie des rouages de l’État, aiguisant le sentiment d’inquiétude, de désespoir et de perte de confiance.

Le 26 janvier 1978 intervient ce qu’on appellera le « Jeudi noir ». À la suite d’un appel à la grève générale de l’UGTT, des milliers de manifestants, des jeunes venus de la périphérie de Tunis, convergent vers la médina, les rues commerçantes du centre-ville et les quartiers bourgeois du Belvédère et de Mutuelleville. Ils dressent des barricades, brisent des vitrines et mettent le feu à des bâtiments administratifs. À midi, Bourguiba signe l’ordre à l’armée d’intervenir. On dénombre finalement des dizaines voire des centaines de morts selon les sources[39]. L’écrivain Mohsen Toumi avance : « Nos propres estimations, à l’époque, recoupées par celles d’autres enquêteurs, aboutiront à 200 morts au moins et 1 000 blessés »[40]. Dans l’après-midi, Bourguiba décrète l’état d’urgence et un couvre-feu qui dure près de trois mois. Abdelwahab Meddeb, autre écrivain tunisien, conclut : « On s’étonne à découvrir que le carnage du 26 janvier 1978 présente une scénographie répressive ressemblant à s’y méprendre à celle qui se déploya un certain 9 avril 1938. L’événement, qui confirmait l’entrée du Néo-Destour dans l’histoire, le 9 avril 1938, se projette sur l’événement qui prélude à sa sortie de l’histoire, le 26 janvier 1978 [...] Dans les deux cas, un processus politique échappait à l’autorité du moment. Allant crescendo, il fallait en briser l’élan »[39]. Il faut attendre près de vingt mois après le « Jeudi noir » pour que se tienne, le 5 septembre 1979, le nouveau congrès du PSD. Fidèle à sa stratégie permanente visant à ne pas rouvrir les blessures, Bourguiba donne pour consigne de tourner la page. Dans son discours d’ouverture, invoquant l’intérêt national, il appelle « tous les Tunisiens, quelles que soient les divergences d’opinion et d’orientation, à soutenir l’édifice étatique, instrument de la renaissance nationale, de la sécurité et de la stabilité »[41]. Dans ce climat d’unité apparente, le congrès se déroule dans l’ambiguïté car le fossé s’est encore élargi entre le président et les faucons rejetant l’ouverture et le multipartisme au nom de l’unité nationale. Dans ce climat, le congrès vote une résolution d’exclusion du PSD à l’encontre d’Achour, secrétaire général de l’UGTT, et de plusieurs ministres démissionnaires. Les faucons tentent ensuite d’imposer Nouira en le faisant élire secrétaire général du parti. Après intervention de Bourguiba, ces décisions ne sont pas publiées et ne seront annoncées qu’une seule fois à la radio nationale[41].

Au congrès du PSD tenu en avril 1981, on assiste à une proclamation historique de Bourguiba en faveur du pluralisme politique : « Le degré de maturité atteint par le peuple tunisien, les aspirations des jeunes et l’intérêt qu’il y a à faire participer tous les Tunisiens, quelles que soient leurs opinions à l’intérieur ou à l’extérieur du parti dans la prise de décision, nous invitent à dire que nous ne voyons pas d’objection à ce que des organisations nationales politiques ou sociales voient le jour »[42]. Cette ouverture échoue toutefois en raison de l’affrontement électoral interne dans la capitale, à l’occasion des élections législatives[43], et malgré les efforts du nouveau Premier ministre Mohamed Mzali. Du coup, la lutte pour la succession s’accentue. Dans ce contexte, Wassila Bourguiba déclare dans Jeune Afrique (28 février 1982) : « Avec la constitution telle qu’elle est, la continuité est artificielle et le risque d’un rejet populaire n’est pas exclu. Le peuple tunisien respecte Bourguiba mais la véritable continuité sera assurée lorsque l’œuvre de Bourguiba sera poursuivie démocratiquement par un président élu »[44]. Habib Achour confie au même journal (11 août) : « Je suis pour la révision de la constitution de manière à ce que tous les candidats qui le souhaitent puissent se présenter librement »[44]. Bourguiba s’exécute en légalisant deux nouveaux partis politiques le 19 novembre 1983 : le Mouvement des démocrates socialistes et le Mouvement de l’unité populaire de son ancien allié Ben Salah.

Habib Bourguiba aux côtés du Premier ministre Mohamed Mzali

Fin décembre 1983, le gouvernement annonce l’augmentation des prix du pain et des céréales. Les premières réactions fusent du sud : Douz, Kébili, El Hamma, Gabès puis Kasserine se révoltent. Tunis et sa banlieue s’embrasent le 3 janvier et les émeutes se poursuivent pendant trois jours malgré la proclamation de l’état d’urgence et le couvre-feu décrétés dès le 1er janvier. Officiellement, ces nouveaux incidents font 70 morts[45]. Jeune Afrique du 18 janvier avance, d’après son décompte effectué dans les hôpitaux, le chiffre de 143 morts et d’un millier d’arrestations[45]. Le 6 janvier, Bourguiba convoque la télévision et indique : « Toutes les augmentations sont annulées. Que Dieu bénisse le peuple tunisien »[46]. Ce coup de théâtre soulève l’enthousiasme du pays. Paul Balta écrit dans Le Monde du 10 janvier : « Les habitants des ceintures rouges de Tunis et des grandes villes, souvent au-dessous du seuil de la pauvreté, qui rejoignent dans leur révolte les populations déshéritées du bled, ont manifesté leur colère plus violemment et en plus grand nombre que le 26 janvier 1978 »[45]. Mohamed Charfi estime le 27 janvier : « C’est une crise de société [...] Les transformations sociales n’ont pas été accompagnées de transformations politiques [...] d’où la rupture entre les transformations sociales permanentes et le gel politique qui est à l’origine des problèmes de la crise du régime »[45]. Mohsen Toumi déclare pour sa part : « Ceux que les communiqués officiels appellent des chômeurs, des oisifs, des éléments hostiles, c’est-à-dire les victimes du mal développement [...] se trouvent en rupture organique avec tout ce qui compose l’establishment, pouvoir et opposition légale confondus »[47].

Pourtant, le Premier ministre Mzali fait le vide autour de Bourguiba. En juillet 1985, Allala Laouiti, fidèle compagnon du président, est remplacé par Mansour Skhiri et éloigné du palais présidentiel tout comme Bourguiba Jr., conseiller à la présidence, qui est limogé par son père le 7 janvier 1986. Pour tenter de résoudre la crise économique qui s’aggrave, Bourguiba remplace Mzali et désigne, le 8 juillet, Rachid Sfar au poste de Premier ministre avec pour mission de mettre en œuvre un plan d’ajustement structurel. Ces crises successives favorisent la montée de l’islamisme et alimentent la paranoïa du président qui s’assure finalement le soutien du général Zine el-Abidine Ben Ali qui est nommé ministre de l’Intérieur puis promu Premier ministre en octobre 1987. Commencé dans une atmosphère de libéralisme et de laïcisation de la société tunisienne, le règne de Bourguiba s’achève dans une atmosphère crépusculaire alimentée par la crise économique et financière.

Destitution

Dans la nuit du 6 novembre 1987, un groupe de sept médecins tunisiens signent un rapport médical qui certifie l’incapacité mentale du président. Ben Ali le dépose en s’appuyant sur l’article 57 de la constitution et prend en main le pays[48]. Dans leur livre Notre ami Ben Ali[49], les journalistes Nicolas Beau et Jean-Pierre Tuquoi racontent en ces termes la prise de pouvoir par Ben Ali :

«  Sept médecins dont deux militaires sont convoqués en pleine nuit, non pas au chevet du malade Bourguiba, mais au ministère de l’Intérieur. Parmi eux se trouve l’actuel médecin du président, le cardiologue et général Mohamed Gueddiche. Ben Ali somme les représentants de la faculté d’établir un avis médical d’incapacité du président. « Je n’ai pas vu Bourguiba depuis deux ans » proteste un des médecins. « Cela ne fait rien ! Signe ! » tranche le général Ben Ali. »

Dans sa déclaration du lendemain matin, ce dernier rend hommage aux « énormes sacrifices » consentis par Bourguiba, en compagnie d’hommes valeureux, au service de la libération de la Tunisie et de son développement. Élu président en 1989, il poursuivra la politique de Bourguiba dont il se positionne comme le fils spirituel, comblant ainsi les vœux de Bourguiba qui désire « gouverner après sa mort ».

Selon plusieurs sources[50], les services secrets italiens auraient joué un rôle important dans la chute de Bourguiba. Dans un entretien à La Repubblica du 11 octobre 1999[51], l’amiral Fulvio Martini (ancien directeur du SISMI) confirme cette hypothèse : « Tout a commencé avec la visite en 1984 en Algérie du président du Conseil italien Bettino Craxi » explique-t-il. « Les Algériens, inquiets de la déstabilisation croissante en Tunisie, étaient alors prêts à intervenir » dans ce pays en raison des menaces portées sur leurs intérêts stratégiques. Ainsi, l’armée algérienne aurait été prête à envahir la partie du territoire tunisien où transite le pipeline qui conduit le gaz naturel algérien jusqu’en Sicile. « En 1985, M. Craxi m’a demandé de me rendre en Algérie pour y rencontrer les services secrets [...] l’objectif était d’éviter un coup de tête » algérien selon Martini. « À partir de ce moment a commencé une longue opération de politique étrangère dans laquelle les services secrets ont eu un rôle extrêmement important. À la fin, nous avons estimé que le général Ben Ali était l’homme capable de garantir, mieux que Bourguiba, la stabilité en Tunisie » ajoute-t-il. « Nous avons proposé cette solution aux Algériens qui en ont parlé aux Libyens. Je suis allé en parler aux Français [...] Le chef des services secrets de l’époque, le général René Imbot, m’a traité avec arrogance et m’a dit que nous autres Italiens, nous ne devions pas nous mêler de la Tunisie, qu’il s’agissait de l’empire français » affirme Martini[52]. Il s’agissait donc d’organiser un coup d’État, le plus invisible possible, et c’est ainsi que l’idée d’un « putsch médical » aurait pris forme. L’Italie aurait garanti le ralliement du Premier ministre Ben Ali et ce choix aurait rencontré l’approbation des Algériens ainsi que des Libyens. « C’est vrai, l’Italie a remplacé Bourguiba par Ben Ali », conclut Martini alors que La Repubblica avait cité, le 10 octobre 1999, un rapport exposé le 6 octobre précédent par Martini devant une commission parlementaire italienne. Pour sa part, Craxi dément, ce même 10 octobre, une participation des services secrets italiens à l’accession au pouvoir de Ben Ali. « Il n’y a aucune manœuvre ni interférence italienne dans les événements qui ont porté le président Ben Ali au pouvoir en 1987 » affirme-t-il au bureau de l’AFP à Tunis. Selon Le Monde, ces révélations de Martini n’auraient toutefois pas convaincu les spécialistes car Craxi était un ami de Bourguiba[53].

Fin de vie

Tombeau de Bourguiba dans son mausolée

Afin d’éviter sa récupération par des opposants, Bourguiba est évacué du palais présidentiel de Carthage quelques jours plus tard pour Mornag, près de Tunis, où il est assigné à résidence avant d’être transféré le 22 octobre 1988 à Monastir où il vit avec le soutien d’une équipe médicale[54]. Il se dit officiellement bien traité par le nouveau pouvoir. Souffrant de divers problèmes de santé, dont des troubles de l’élocution et de l’attention, Bourguiba connaît de graves problèmes de santé à la fin des années 1990. Il reçoit parfois quelques visiteurs étrangers et le président Ben Ali. Le 5 mars 2000, Bourguiba est hospitalisé en urgence à l’hôpital militaire de Tunis à la suite d’une pneumopathie. Son état étant jugé critique, il subit une ponction pleurale aux soins intensifs. Sa santé s’étant améliorée, il quitte l’hôpital le 13 mars pour regagner sa résidence. Il y meurt le 6 avril à 9h50 à l’âge officiel de 96 ans[4],[55]. Le président Ben Ali décide un deuil national de sept jours alors que l’Algérie décrète un deuil de trois jours. Le président algérien Abdelaziz Bouteflika reconnaît « l’une des personnalités du Maghreb les plus marquantes du 20e siècle dont l’Afrique et le monde peuvent s’enorgueillir » et le secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, rend hommage à « l’homme de paix » et à « l’architecte de l’Organisation de l’unité africaine »[56].

À 17h00, enveloppée comme le veut la tradition dans un linceul blanc, sa dépouille est portée à bout de bras par des membres de la Chabiba, organisation de jeunesse du Rassemblement constitutionnel démocratique, reconnaissables à leurs tuniques rouges. Elle est déposée au milieu de la cour de la maison familiale, recouverte du drapeau national et entourée de membres de la Chabiba. Son fils Habib Jr., sa fille adoptive Hajer, sa belle-fille et son petit-fils reçoivent les condoléances des notables de la ville et du gouvernorat. Bourguiba est enterré le lendemain après-midi dans son mausolée. Après une brève cérémonie à la mosquée Bourguiba, sa dépouille est transportée sur un affût de canon recouvert du drapeau national et tirée par un véhicule militaire encadré de détachements de l’armée tunisienne. Parmi les personnalités étrangères invitées figurent les présidents français Jacques Chirac, algérien Abdelaziz Bouteflika, palestinien Yasser Arafat et égyptien Mohammed Hosni Moubarak. Après la mise en terre, le président Ben Ali prononce une oraison funèbre dans laquelle il salue le « combat loyal et dévoué » de Bourguiba pour la Tunisie[57]. Les conditions des obsèques sont pourtant soumises à la critique de la presse internationale qui pointent la brièveté de la cérémonie, le peu d’invités étrangers et l’absence de retransmission à la télévision.

Vie privée

Article détaillé : Famille Bourguiba.
Bourguiba en compagnie de Mathilde et Habib Jr. en 1956

En 1925, alors qu’il étudie à Paris, Habib Bourguiba fait la connaissance de Mathilde Lefras qui devient sa logeuse. Elle lui donne son unique fils, Habib Bourguiba Jr. qui naît en avril 1927, et l’épouse en août de la même année. Après l’indépendance de la Tunisie, elle adopte la nationalité tunisienne, se convertit à l’islam et adopte le prénom de Moufida. Le couple divorce le 21 juillet 1961.

Le 12 avril 1962, il épouse Wassila Ben Ammar, une femme appartenant à une famille de la bourgeoisie tunisoise qu’il fréquente depuis 18 ans. Elle prend petit à petit un rôle politique de plus en plus important au fil de la dégradation de la santé de son mari, ce qui lui vaut le titre de Majda (Vénérable). Leur divorce, le 11 août 1986, par un simple communiqué et sans que la procédure légale soit respectée, contribue à accélérer la chute du régime.

Culte de la personnalité

Le 7 octobre 1961, dans un article d’Afrique Action, Béchir Ben Yahmed, ancien secrétaire d'État à l’information, écrit déjà :

«  Le pouvoir personnel [est] détenu par des hommes qui sont des présidents de la République mais sont en fait des monarques sans le titre. Bourguiba détient aujourd’hui, en droit et en fait, plus de pouvoirs que n’en avaient le bey et le résident général réunis[4]. »

Après sa chute, l’ancien ministre Tahar Belkhodja analyse ainsi le culte de la personnalité cultivé par Bourguiba :

«  À ses yeux, la république se confondait avec l’État, émanation et manifestation d’un pouvoir dont le parti unique était l’instrument, le tout reposant sur sa propre personne. Le « combattant suprême » semble avoir adopté la devise d’Ibn Khaldoun : « La politique exige le pouvoir d’un seul » [...] Bourguiba a su ainsi forger son propre mythe, qui fut largement amplifié par l’imagination collective et aura modelé pendant des décennies le cours de l’histoire tunisienne[58]. »
Mausolée Bourguiba à Monastir

Ayant l’obsession de sa place dans l’histoire, Bourguiba s’emploie rapidement à la traduire de toutes les façons possibles. À Monastir, dont il veut faire une « ville-souvenir », il se fait édifier dès les années 1960, un mausolée de marbre blanc où ses parents puis sa première épouse Moufida sont inhumés. Sur la grande porte de bronze sont gravées trois titres résumant sa vie : « Le combattant suprême », « Le bâtisseur de la Tunisie nouvelle » et « Le libérateur de la femme ». Bourguiba fait également confectionner son cercueil dès 1976 et prépare le déroulement de ses funérailles : « Dès sa mort, Bourguiba Jr. devait informer une série de chefs d’État, dont il dresserait la liste, afin que le maximum d’entre eux puisse venir. Pour cela, il convenait de différer de deux jours, après l’annonce de son décès, le déroulement des obsèques. Et surtout, parce qu’il fallait associer au deuil la Tunisie entière, son corps devait être amené lentement, solennellement, de Carthage à Monastir. Ne laissant rien au hasard, il avait divisé le parcours de 140 kilomètres entre les deux villes, de façon à ce que chacun des 20 gouvernorats soit chargé de faire transporter son cercueil sur une distance égale »[59]. Ce scénario ne sera finalement pas suivi.

Dans un discours délivré en juin 1973 à Genève, à la conférence de l’OIT, il esquisse une définition de son rôle historique en tant que fondateur de la Tunisie moderne :

«  D’une poussière d’individus, d’un magma de tribus, de sous-tribus, tous courbés sous le joug de la résignation et du fatalisme, j’ai fait un peuple de citoyens. Mais j’ai peur de ce que j’ai appelé un jour le « démon des Numides », ce démon qui pousse à la désunion, aux luttes intestines, qui nous a fait rater notre histoire après la révolte de Jugurtha[60]. »
Statue de Bourguiba à Tabarka

Allant dans le même sens, il déclare le 12 avril 1975 (après sa désignation comme président à vie) :

«  Le fait de me désigner à vie à la tête de l’État ne peut être qu’un hommage de reconnaissance rendu aux yeux du monde entier à un homme dont le nom s’identifie à la Tunisie [...] Oui, j’ai nettoyé le pays de toutes les tares qui l’enlaidissaient, j’en ai extirpé les mauvaises coutumes, je l’ai libéré du joug qui l’asservissait [...] Mon passage à la tête de ce pays le marquera d’une empreinte indélébile pendant des siècles[59]. »
Statue de Bourguiba à Ksar Hellal

Après l’avènement de la république, les symboles du « combattant suprême » se multiplient à travers le pays. Ferryville, située non loin de Bizerte, est rebaptisée Menzel Bourguiba. Des statues de lui sont par ailleurs érigées dans presque toutes les villes. Monastir étant le lieu de sa naissance, il s’y fait représenter en collégien devant la mairie alors qu’à Tunis (place d’Afrique), c’est à cheval qu’il se fait représenter. Dans la salle du Conseil des ministres, au palais de Carthage, il installe les effigies de figures de l’histoire de la Tunisie parmi lesquelles Hannibal Barca et Ibn Khaldoun. Son propre buste devait figurer dans cette série[61]. Après sa destitution, les statues sont progressivement déboulonnées. Dans la nuit du 11 au 12 juin 1988, deux statues sont déboulonnées à Kairouan et l’avenue Bourguiba rebaptisée avenue du 7 novembre[62]. La statue équestre de Tunis sera déboulonnée le 11 octobre puis déplacée devant le port de La Goulette.

La quasi-totalité des villes de Tunisie possèdent une rue ou avenue portant le nom de Bourguiba dès l’indépendance du pays. La plus célèbre d’entre elles est l’avenue Habib Bourguiba située à Tunis. En 1965, il obtient même, lors d’un voyage dans dix pays d’Afrique, qu’une avenue porte son nom dans chacune des capitales traversées.

À l’initiative de la mairie de Paris, une esplanade sur le quai d’Orsay, située plus précisément entre l’avenue Bosquet et l’avenue de la Tour Maubourg, est inaugurée le 6 avril 2004 en présence du maire Bertrand Delanoë, d’Habib Bourguiba Jr. et de Moncer Rouissi (ambassadeur de Tunisie en France). Il est à noter que si des rues portent le nom de Tunis à Paris et dans d’autres villes françaises, c’est la première fois que le nom d’une personnalité tunisienne est porté par une rue ou une place en France.

Héritage

Habib Bourguiba a conduit son pays à l’indépendance puis fondé la deuxième république civile du monde arabe (après celle du Liban[63]). Il a ensuite participé à la construction de l’État-nation en « tunisifiant » son pays. D’ailleurs, avant l’indépendance, le pays s’appelait Régence de Tunis et non pas Tunisie.

Pour l’ancien ministre Mohamed Charfi, les transformations postérieures de la société tunisienne induites par l’action de Bourguiba sont nombreuses : urbanisation, scolarisation, passage à un autre modèle familial et libération des femmes. Il insiste ainsi sur le rôle joué, après les grandes figures de la réforme tunisienne que sont Kheireddine Pacha et Tahar Haddad, par Bourguiba. « Si le sous-développement est une maladie, Bourguiba aura su faire le juste diagnostic et mettre en œuvre les remèdes efficaces »[64]. Toutefois, d’autres remettent en question l’ampleur des succès obtenus dans cette bataille du développement et le rôle du seul Bourguiba dans ces évolutions.

Bourguibisme

Bourguiba développe également sa propre doctrine qu’il appelle « bourguibisme » mais qui s’apparente au pragmatisme. Elle est basée sur le réalisme politique et économique qui se fonde sur la croyance qu’« aucun domaine de la vie terrestre ne doit échapper au pouvoir humain de la raison »[65].

Variante locale du kémalisme, elle est composée de l’affirmation de l’identité nationale tunisienne, construite dans la lutte contre les Ottomans et les Français, du libéralisme, d’un islam étatisé et contrôlé et d’une totale indépendance vis-à-vis des politiques arabes. La politique des étapes en constitue la dimension principale. Bourguiba croyait en cette politique (contrairement au « tout ou rien » prôné et encouragé par certains) de l’action en fonction des possibilités réelles et non des aspirations[25].

En réalité, elle permit à Bourguiba une pleine liberté d’action qui le conduisit à un opportunisme politique lui permettant d’imposer aussi bien des percées audacieuses que des volte-face spectaculaires.

Code du statut personnel

Article détaillé : Code du statut personnel.

Parmi ses acquis sociétaux figure le Code du statut personnel (CSP) qui est adopté quelques mois après sa prise du pouvoir. Son adoption coïncide avec une représentation nationale disposée à accepter le texte dans la lignée de l’œuvre de Tahar Haddad. Ce code qui émancipe la femme, doublant ainsi le nombre des citoyens du pays, ne pouvait être accompli que contre la majorité de l’opinion publique de l’époque. Bourguiba l’a compris et est passé à l’acte alors même qu’il n’avait pas encore institué la république. Car si de nombreux dignitaires religieux, comme Mohamed Fadhel Ben Achour, n’ont pas hésité à soutenir que les dispositions du CSP constituent des interprétations possibles de l’islam (ijtihad), d’autres s’y opposèrent en estimant qu’elles violaient la norme islamique. Le Code du statut personnel constituerait donc l’essentiel de l’héritage au point d’être devenu une sorte de bloc de consensus que les islamistes eux-mêmes ne remettraient plus en cause publiquement[64].

Établissant un parallèle avec Mustafa Kemal Atatürk, Mohamed Charfi soutient que Bourguiba aurait eu la volonté de réformer la société « à l’intérieur de l’islam » et non pas contre lui. Cette transformation de la société et sa modernisation était accompagnée d’une action d’explication modulée selon les publics auxquels Bourguiba s’adressait. Cette dimension de réformateur est néanmoins remise en question par l’écrivaine Hélé Béji, qui souligne au contraire le caractère transgressif de bien des gestes bourguibiens (notamment dans le domaine du statut de la femme)[64]. Dans ce cadre, Jean Daniel cite une conversation entre Bourguiba et Jacques Berque à propos de l’islam. Pour Bourguiba, la religion, associée au parti du Destour, aurait historiquement favorisé la colonisation de la Tunisie[64]. Charfi nuance cette idée en indiquant que la rupture indéniable opérée par Bourguiba s’est faite davantage avec la société traditionnelle qu’avec l’islam en tant que tel.

Enseignement

Dès l’indépendance, l’accent est mis délibérément sur le développement du système éducatif. Le budget de l’État alloué à l’éducation nationale n’a cessé de croître pour atteindre 32 % en 1976[66].

Les écoles privées ont été maintenues mais soumises au règlement de l’État. En 1958, l’enseignement arabe de l’Université Zitouna est unifié au système éducatif bilingue. Dès 1956 commence à se construire l’édifice de l’enseignement supérieur (fondations d’universités, d’instituts spécialisés, etc.)

Parti-État

Bourguiba, qui avançait la maturité du peuple tunisien pour conquérir l’indépendance, ne jugea pas la relève assez préparée à la démocratie et au pluralisme et finit par s’octroyer la présidence à vie. Pour lui, « le peuple n’était pas encore mûr pour la démocratie » qui fut éludée au nom de l’unité qu’impliquait son projet. En conséquence, une fois jetés les fondements d’un État tunisien moderne, Bourguiba se laissa peu à peu « choir dans un autoritarisme paternaliste »[63]. Dans ce contexte, le PSD était devenu un « alibi dans un désert idéologique »[63]. Charles-André Julien y voit, quant à lui, « une démocratie conduite » que Bourguiba « pense par le haut ». Cette formulation dissocie les deux composantes de la démocratie : le jeu électoral et l’enjeu social. La conception bourguibienne évacue du concept de démocratie sa première composante mais elle lui garde la seconde : son contenu réformiste.

Toutefois, les circonstances historiques ont pesé lourdement dans la configuration du régime politique bourguibien. La démocratie, née au siècle du positivisme et du capitalisme montant, ne pouvait pas, malgré l’existence d’une élite politique formée en France, fleurir sur des structures mentales et économiques fragilisées par le protectorat. Le parti unique et les réformes en profondeur qu’il a menées dans le cadre d’institutions sur mesure ont constitué un détour obligé au dépens du consensus démocratique. C’est le projet du développement planifié puis libéral du pays, entrepris sous l’égide et avec les ressources de l’État bourguibien, qui a changé la donne. C’est à partir d’une petite bourgeoisie instruite et entreprenante, assise du parti et pourvoyeuse de l’État en cadres, qu’une riche classe d’entrepreneurs et d’hommes d’affaires a vu le jour à l’ombre du Parti-État. Ce dernier lui a assuré la stabilité politique en arbitrant ses conflits avec un monde salarié doté d’une puissante centrale syndicale. On peut alors comprendre qu’elle n’ait pas été véritablement gênée par le régime du parti unique, ni qu’elle ait été préoccupée outre mesure par les rivalités politiques, la répression des forces conservatrices, l’interdiction des partis et la mise au pas de l’UGTT et de l’opposition estudiantine[64]. Les institutions démocratiques n’étaient donc pas une nécessité politique pour la nouvelle bourgeoisie et ses élites dirigeantes qui ont grandi en symbiose avec un État-tuteur dont elles n’ont pas rejeté l’autoritarisme car il tenait lieu de régulateur politique.

Pouvoir d’un seul

Accueil de Salah Ben Youssef à son retour d’exil en 1955

Il est important de préciser que, dans la conquête et l’exercice du pouvoir, il a systématiquement écarté tous ses alliés devenus rivaux : Abdelaziz Thâalbi et Mohieddine Klibi (qui représentaient l’aile bourgeoise du Destour), Salah Ben Youssef (rival nassérien qu’il fait assassiner en 1961[67]), Tahar Ben Ammar (signataire du protocole de l’indépendance) ou encore Ahmed Mestiri (représentant d’une ligne libérale). Mahmoud El Materi, qui occupa le premier la présidence du Néo-Destour, fut diffamé à plusieurs reprises et, ayant perdu confiance en Bourguiba, se retira de lui-même.

Pourtant, Bourguiba posa lui-même le diagnostic des dangers de l’archaïsme politique qui guettait le pays. Le 8 juin 1970, après avoir constaté que « l’expérience [révèle] que la concentration du pouvoir entre les mains d’un seul, aussi dévoué soit-il, comporte des risques », il décrivit les grandes lignes de la réforme institutionnelle qu’il envisageait alors. Celle-ci portera, avait-il annoncé, sur « des amendements [qui] rendront le gouvernement responsable devant le président de la République, mais aussi devant l’Assemblée nationale qui est issue du suffrage populaire. Ainsi, il sera loisible à cette assemblée de démettre un ministre ou le gouvernement par un vote défavorable [...]. D’autres modifications de la constitution allégeront les responsabilités qui sont assumées jusqu’ici par le président de la République et par lui seul. [...] Après quinze années d’exercice du pouvoir, il est temps de réviser la constitution pour établir une certaine collaboration entre le chef de l’État, l’Assemblée nationale et le peuple »[68]. Mais l’esprit de cette réforme n’ayant pas respecté ces engagements, seul l’esprit de l’article 39 (instituant la présidence à vie) allait prévaloir.

La fin de son règne fut donc marquée par une guerre de succession, l’affaiblissement de la gauche et l’irruption du mouvement islamiste et le patrimonialisme.

Politique extérieure

Accueil de Bourguiba à New York en 1961

Enfin, dans le domaine des relations extérieures, Jean Lacouture indique que la relation de Bourguiba avec la France ne doit pas faire oublier qu’il entretenait aussi des rapports, même problématiques, avec l’Orient. Lacouture témoigne ainsi de la colère de Bourguiba se voyant proposer en 1955 une formule de « co-souveraineté »[64]. C’est cette défense de l’indépendance de son pays qui suscita des malentendus avec les pays de la Ligue arabe, mais qui sera, en revanche, mieux comprise par les États-Unis avec lesquels Bourguiba établit des liens de confiance. Pour lui, à la différence d’autres leaders du monde arabe, le non-alignement n’est pas synonyme d’antiaméricanisme[64].

Par ailleurs, partisan résolu de la Francophonie aux côtés de Léopold Sédar Senghor et Hamani Diori, il s’en fait l’actif ambassadeur notamment lors de sa tournée en Afrique en 1965. Pour lui, le français et la francophonie concouraient à édifier une Tunisie moderne et ouverte.

Notes et références

  1. a  et b Une forte incertitude demeure sur cette date qui, selon certains de ses biographes, pourrait avoir été falsifiée de quelques années pour le rajeunir. Il serait en fait né en 1901 ou encore en 1898. Bourguiba aurait ainsi raconté en 1955 : « Je suis né en 1901. Mais quand je me suis inscrit à la faculté de droit à Paris, en 1924, le secrétaire a fait une erreur et a marqué 1903. Comme je n’étais pas très jeune étudiant, je me suis satisfait de cette date et je l’ai gardée ». L’un de ses ministres, Mahmoud El Materi, confirme cette hypothèse dans ses mémoires.
  2. Pierre-Albin Martel, Habib Bourguiba. Un homme, un siècle, éd. du Jaguar, Paris, 1999, p. 16
  3. Pierre-Albin Martel, Habib Bourguiba. Un homme, un siècle, p. 21
  4. a , b , c , d , e , f , g , h , i , j , k , l , m , n  et o (fr) Pierre-Albin Martel, « Un homme dans le siècle », Jeune Afrique, 11 avril 2000
  5. Pierre-Albin Martel, Habib Bourguiba. Un homme, un siècle, p. 29
  6. Pierre-Albin Martel, Habib Bourguiba. Un homme, un siècle, p. 32
  7. Pierre-Albin Martel, Habib Bourguiba. Un homme, un siècle, p. 34
  8. Pierre-Albin Martel, Habib Bourguiba. Un homme, un siècle, p. 35
  9. a , b  et c Pierre-Albin Martel, Habib Bourguiba. Un homme, un siècle, p. 36
  10. Tahar Belkhodja, Les trois décennies Bourguiba. Témoignage, éd. Publisud, Paris, 1998, pp. 8-9
  11. a , b  et c Tahar Belkhodja, op. cit., p. 9
  12. Les forces armées et la police interviennent et tirent sur les manifestants rassemblés devant le palais de justice pour réclamer la libération d’Ali Belhouane qui fut arrêté la veille.
  13. (fr) Fort de Vancia (Commune de Rillieux-la-Pape)
  14. Tahar Belkhodja, op. cit., p. 8
  15. Ben Youssef sera assassiné quatre ans plus tard en Allemagne.
  16. Tahar Belkhodja, op. cit., p. 25
  17. Tahar Belkhodja, op. cit., p. 15
  18. (fr) « Quand M. Bourguiba voyait juste », Le Monde, 8 novembre 1987
  19. (fr) « Tunisie : la fin d’un complot », Cinq colonnes à la une, ORTF, 1er février 1963
  20. a  et b Tahar Belkhodja, op. cit., p. 56
  21. Tahar Belkhodja, op. cit., p. 55
  22. a  et b Tahar Belkhodja, op. cit., p. 57
  23. Tahar Belkhodja, op. cit., p. 60
  24. Tahar Belkhodja, op. cit., p. 61
  25. a  et b (fr) Discours de Jéricho (Le Monde diplomatique)
  26. Tahar Belkhodja, op. cit., p. 18
  27. Tahar Belkhodja, op. cit., p. 73
  28. Tahar Belkhodja, op. cit., p. 74
  29. a  et b Tahar Belkhodja, op. cit., p. 77
  30. Tahar Belkhodja, op. cit., p. 82
  31. a  et b Tahar Belkhodja, op. cit., p. 85
  32. Tahar Belkhodja, op. cit., p. 122
  33. Tahar Belkhodja, op. cit., p. 123
  34. Tahar Belkhodja, op. cit., p. 142
  35. Tahar Belkhodja, op. cit., p. 144
  36. La révision introduit un nouvel alinéa à l’article 39 disposant qu’« à titre exceptionnel et en considération des services éminents rendus par le « combattant suprême » Habib Bourguiba au peuple tunisien qu’il a libéré du joug du colonialisme et dont il a fait une nation unie et un État indépendant, moderne et jouissant de la plénitude de sa souveraineté, l’Assemblée nationale proclame le président Habib Bourguiba président de la République à vie ».
  37. Tahar Belkhodja, op. cit., pp. 90-91
  38. En 1982, après le massacre de Sabra et Chatila, la direction palestinienne et le gros de ses troupes sont accueillies par Bourguiba à leur arrivée, le 28 août, au port de Bizerte. Pour en savoir plus, visionnez ce reportage d’Antenne 2 : « Arrivée Tunis », JT 20h, Antenne 2, 28 août 1982
  39. a  et b Tahar Belkhodja, op. cit., p. 115
  40. Mohsen Toumi, La Tunisie de Bourguiba à Ben Ali, éd. PUF, Paris, 1989
  41. a  et b Tahar Belkhodja, op. cit., p. 171
  42. Tahar Belkhodja, op. cit., p. 175
  43. Dans son pamphlet, le Premier ministre Mzali révèlera la nature des ordres intimés au ministre de l’Intérieur : « Driss Guiga était venu la veille du scrutin (1er novembre 1981) me rendre visite [...]. Il feignit, devant moi, d’être désolé de ne pouvoir, comme je le lui avais demandé, respecter la légalité scrupuleuse du scrutin même s’il devait résulter un succès des opposants qui remporteraient les suffrages nécessaires. Il m’a affirmé que le président l’avait convoqué en compagnie de l’ancien gouverneur de Tunis, Mhaddheb Rouissi, et lui avait ordonné « d’organiser » la victoire totale de toutes les listes du PSD et de donner des instructions dans ce sens aux gouverneurs. Quand j’arrivais le lendemain à Tunis, je fus mis devant le fait accompli. J’appris que le matin même, entre 5 heures et 6 heures, un « commando » composé notamment de Messieurs Guiga et Rouissi s’était rendu au siège du gouvernorat de Tunis et y avait trafiqué les résultats... » (Mohamed Mzali, Lettre ouverte à Habib Bourguiba, éd. Alain Moreau, Paris, 1987, pp. 27-28)
  44. a  et b Tahar Belkhodja, op. cit., p. 197
  45. a , b , c  et d Tahar Belkhodja, op. cit., p. 186
  46. (ar) Discours prononcé à l’issue des « émeutes du pain », RTT 1, 6 janvier 1984
  47. Tahar Belkhodja, op. cit., p. 187
  48. (fr) « Habib Bourguiba. Le combattant déchu », Midi 2, Antenne 2, 7 novembre 1987
  49. Nicolas Beau, Jean-Pierre Tuquoi et Gilles Perrault, Notre ami Ben Ali. L’envers du miracle tunisien, éd. La Découverte, Paris, 2002
  50. (fr) « Le putsch médical qui destitua Bourguiba », Amnistia.net, 7 avril 2000
  51. (fr) « Fulvio Martini confirme que Rome a choisi Ben Ali pour remplacer Bourguiba », Agence France-Presse, 11 octobre 1999
  52. (fr) « L’Italie et le coup d’État en Tunisie », Le Monde, 13 octobre 1999
  53. (fr) « Le soutien de M. Ben Ali », Le Monde, 21 janvier 2000
  54. (fr) « Tunisie. L’ancien président Bourguiba a été installé à Monastir », Le Monde, 25 octobre 1988
  55. (fr) « Tunisie. Le décès du père de l’indépendance. Bourguiba. La mort après l’oubli », L’Humanité, 7 avril 2000
  56. (fr) « Un deuil national de sept jours », Le Monde, 8 avril 2000
  57. (fr) Oraison funèbre prononcée par le président Zine el-Abidine Ben Ali (Présidence de la République tunisienne)
  58. Tahar Belkhodja, op. cit., p. 191
  59. a  et b Tahar Belkhodja, op. cit., p. 23
  60. Tahar Belkhodja, op. cit., p. 24
  61. Tahar Belkhodja, op. cit., p. 20
  62. (fr) « Tunisie. Deux statues de M. Bourguiba déboulonnées à Kairouan », Le Monde, 22 juin 1988
  63. a , b  et c (fr) Sabine Girbeau, « Habib Bourguiba ou la modernité inachevée », Afrik.com, 18 août 2003
  64. a , b , c , d , e , f  et g (fr) « Bourguiba et la modernité », Jeudis de l’IMA, 30 mars 2006
  65. (en) « The Art of Plain Talk », Time, 29 septembre 1967
  66. (fr) Foued Laroussi, « Une expérience réussie : le bilinguisme franco-arabe en Tunisie », Colloque sur le bilinguisme et l’interculturalité, 21 mars 2006
  67. Ordre d’assassinat de Ben Youssef, Réalités, 18 août 2005
  68. Habib Bourguiba, Citations choisies par l’agence Tunis Afrique Presse, éd. Dar El Amal, Tunis, 1978, pp. 85-86

Bibliographie

  • Driss Abbassi et Robert Ilbert, Entre Bourguiba et Hannibal. Identité tunisienne et histoire depuis l’indépendance, éd. Karthala, Paris, 2005 (ISBN 2845866402)
  • Tahar Belkhodja, Les trois décennies Bourguiba. Témoignage, éd. Publisud, Paris, 1998 (ISBN 2866007875)
  • Sophie Bessis (avec la collaboration de Souhayr Belhassen), Habib Bourguiba. Biographie en deux volumes, éd. Jeune Afrique, Paris, 1988
  • Habib Bourguiba, Ma vie, mon œuvre, éd. Omnibus, Paris, 2003 (ISBN 2259014062)
  • Michel Camau et Vincent Geisser, Habib Bourguiba. La trace et l’héritage, éd. Karthala, Paris, 2004 (ISBN 2845865066)
  • Mounir Charfi, Les ministres de Bourguiba (1956-1987), éd. L’Harmattan, Paris, 2000 (ISBN 2738403980)
  • Bernard Cohen, Bourguiba. Le pouvoir d’un seul, éd. Flammarion, Paris, 1992 (ISBN 2080648810)
  • Béji Caïd Essebsi, Bourguiba. Le bon grain et l'ivraie, éd. Sud Éditions, Tunis, 2009
  • Ali El Ganari, Bourguiba. Le combattant suprême, éd. Plon, Paris, 1985 (ISBN 225901321X)
  • Félix Garas, Bourguiba et la naissance d’une nation, éd. Julliard, Paris, 1956
  • Aziz Krichen, Syndrome Bourguiba, éd. Cérès, Tunis, 2003 (ISBN 9973700732)
  • Chaker Lajili, Bourguiba-Senghor, Deux géants de l’Afrique, éd. L’Harmattan, Paris, 2008 (ISBN 2296067813)
  • Pierre-Albin Martel, Habib Bourguiba. Un homme, un siècle, éd. du Jaguar, Paris, 1999 (ISBN 2869503202)
  • Samya El Méchat, Tunisie. Les chemins vers l’indépendance (1945-1956), éd. L’Harmattan, Paris, 2000 (ISBN 2738412386)
  • Mohamed Mzali, Un Premier ministre de Bourguiba témoigne, éd. Picollec, Paris, 2004 (ISBN 2864772108)
  • Mohsen Toumi, La Tunisie de Bourguiba à Ben Ali, éd. Presses universitaires de France, Paris, 1989

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