- Moncef Bey
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Moncef Bey
محمد المنصف باي الحسينيTitre 25e bey de Tunis 19 juin 1942 – 15 mai 1943
10 mois et 26 joursPremier ministre Hédi Lakhoua
M'hamed ChenikPrédécesseur Ahmed II Bey Successeur Lamine Bey Biographie Titre complet Possesseur de la Régence de Tunis Hymne royal Salut beylical Dynastie Husseinites Nom de naissance Mohamed el-Moncef ben el-Naceur el-Husseini Date de naissance 4 mars 1881 Lieu de naissance Tunis (Tunisie) Date de décès 1er septembre 1948 (à 67 ans) Lieu de décès Pau (France) Père Naceur Bey Mère Lalla Fatima Conjoint 1) Lalla Traki
2) Lalla Zoubaida
3) Lalla Habiba
4) Lalla ArbiyaEnfants Premier mariage :
Sidi Slaheddine Bey
Sidi Mohamed Raouf Bey
Sidi Amor Bey
Lalla FridaHéritier Sidi Mohamed el-Amine Bey
Monarques de Tunisie modifier Moncef Bey, nom francisé de Mohamed el-Moncef Bey (محمد المنصف باي الحسيني), né le 4 mars 1881 à Tunis et décédé le 1er septembre 1948 à Pau (France), est bey de Tunis du 19 juin 1942 à sa destitution le 15 mai 1943. Il est l’avant-dernier représentant de la dynastie husseinite.
Durant son règne, marqué par la Seconde Guerre mondiale, il tente d’affirmer son indépendance vis-à-vis des autorités vichystes dont dépend la Tunisie, tout en protégeant sa population des conséquences du conflit. Il est dans le même temps l’un des principaux soutiens au mouvement nationaliste. Roger Casemajor résume cette position en ces termes : « Par cette attitude de bascule entre les diplomates étrangers et les autorités du protectorat, le bey de Tunis fit preuve d'une grande souplesse politique qui lui permit de servir les intérêts de ses sujets et la cause de son pays[1]. »
Sommaire
Biographie
Jeunesse
Né le 4 mars 1881[2], Moncef Bey s’illustre dans sa jeunesse en jouant un rôle politique important, notamment lors des événements d’avril 1922, où il soutient les revendications des membres du Destour qu’il fait recevoir par son père Naceur Bey. Pour lui, son attitude est tout à fait légitime car il se fonde sur le Pacte fondamental de 1857 où la Tunisie est considérée comme un pays souverain protégé par la France mais non colonisé.
Il est investi prince héritier le 30 avril 1942 et succède à son défunt cousin Ahmed II Bey le 19 juin de la même année[3].
Règne
Soutien aux nationalistes
Une fois sur le trône, son attitude n’est pas de nature à plaire à la France qui a l’habitude de beys plus malléables. Ainsi, dans un mémorandum du 2 août 1942 présenté par son grand vizir Hédi Lakhoua et adressé au maréchal Pétain, il met en avant plusieurs revendications visant à raffermir la souveraineté tunisienne aux côtés de la souveraineté française.
Il demande ainsi l’institution d’un conseil consultatif de la législation où toutes les couches sociales tunisiennes seraient largement représentées ; l’égalité de traitement entre les fonctionnaires français et tunisiens à tous points de vue (par l’abrogation du « tiers colonial » en vertu duquel les fonctionnaires français sont mieux payés que leurs collègues tunisiens) ; la résorption du chômage en œuvrant à la création d’emplois pour les Tunisiens ; la scolarisation obligatoire pour tous les Tunisiens avec l’enseignement de l’arabe comme langue nationale aux côtés du français ; l’accord d’une large compétence aux institutions judiciaires tunisiennes ; l’implication des Tunisiens dans le contrôle du budget de l'État ; la nationalisation des entreprises d’intérêt général telles que les compagnies d’électricité ou de transport.
Incident avec Esteva
Le 12 octobre 1942, au cours de la cérémonie de l’Aïd el-Fitr au palais de La Marsa, Moncef Bey exprime son étonnement de voir qu’aucun Tunisien ne figure parmi les chefs de l’administration venus avec le résident général, l’amiral Jean-Pierre Esteva. Ce dernier lui répond que « seuls les Français sont aptes aux postes de commande ». Le bey s’empresse d’envoyer un télégramme au maréchal Pétain dans lequel il exige le rappel d’Esteva[1]. Cependant, la tension ne cesse d’augmenter entre Moncef Bey et le résident général[4]. Le souverain reçoit alors le consul général des États-Unis, Hooker Doolittle[5].
Entrée des troupes de l’Axe
Les troupes de l’Axe débarquent en Tunisie le 19 novembre 1942 et l’offensive anglo-américaine transforme la Tunisie en champ de bataille.
Après des consultations, et face aux demandes contradictoires de Pétain l’appelant à s’aligner sur la France et de Franklin Delano Roosevelt lui demandant le libre passage des troupes alliées en Tunisie, Moncef Bey proclame la neutralité de son pays dans le conflit, même s'il informe Roosevelt dans un message secret du ralliement de la Tunisie aux alliés[1]. Moncef Bey refuse, dans cette conjoncture, l’offre de l’ambassadeur italien Bombieri d’annuler le traité du Bardo signé avec la France et d’en conclure un autre avec l’Italie, qui a alors des visées annexionnistes[1].
Ministère Chenik
Lors d’un conseil des ministres tenu à la fin décembre 1942, un incident éclate, écrit Roger Casemajor, entre le résident général Esteva et le ministre de la Justice Abdeljelil Zaouche, ce ministre ayant fait des réserves au sujet d’une attribution de crédits à la gendarmerie nationale.
Esteva s’élève sévèrement contre l’attitude du ministre et déclare qu’il n’admet aucun reproche contre la gendarmerie. Mis au courant de l’incident, Moncef Bey se considère offensé en la personne de son représentant. Charles Saumagne apporte un éclairage sur cet incident :
« Mais c’est surtout contre la gendarmerie française dont le réseau serré vient d’être institué dans le pays qu’on mène une campagne ardente depuis quelques mois, le développement de la gendarmerie en Tunisie n’est-il pas le plus récent exemple de substitution de l’autorité de souveraineté française à celle du gouvernement tunisien, l’atteinte la plus directe à la personnalité tunisienne. »
Le 1er janvier 1943, Moncef Bey nomme M'hamed Chenik, qualifié de « demi-américain » par le représentant allemand Rudolf Rahn[1], à la tête d’un gouvernement associant des destouriens dont Mahmoud El Materi et Salah Farhat[6].
Destitution
À l’approche des troupes alliées de Tunis, Esteva exige de Moncef Bey qu’il décore du Nichan Iftikhar des officiers français — dont le colonel Sarton du Jonchay envoyé en Tunisie pour organiser une « légion tricolore » appelée à se battre aux côtés de la Wehrmacht — allemands et italiens, en dégageant le souverain « de toute responsabilité »[1].
À la libération, le lobby colonial, autour du général Henri Giraud et comptant notamment l’ancien résident général et ministre vichyste Marcel Peyrouton, trouve un prétexte pour accuser le souverain de collaboration avec les forces de l’Axe[1]. Le 13 mai 1943, sur ordre de Giraud, le général Alphonse Juin, représentant des Forces françaises libres devenu résident général à titre temporaire après la fuite d’Esteva, lui demande d’abdiquer, ce que le bey refuse : « J’ai juré de défendre mon peuple jusqu’à mon dernier souffle. Je ne partirai que si mon peuple me le demande[1]. » Le lendemain, on l’embarque dans un avion de l’armée de l'air française alors que sa déposition par une ordonnance de Giraud est annoncée[1]. Dans ses mémoires, Juin confirmera qu’il a reçu des directives exigeant cette déposition « pour de prétendus faits de collaboration avec les puissances de l’Axe au cours de l’occupation et aussi pour les complaisances un peu trop marquées qu’on lui prêtait envers les agissements du Destour, parti nationaliste militant ouvertement hostile au protectorat [1]. »
Mort en exil
Installé d’abord à Laghouat dans le Sud algérien, il abdique officiellement le 8 juillet[1] et se voit exilé à Ténès, petite ville côtière dans le nord du pays, dans des conditions difficiles ; il est transféré le 17 octobre 1945 à Pau où il réside jusqu’à sa mort[7] le 1er septembre 1948[7].
Il est alors rapatrié et inhumé, avec les honneurs dignes d’un martyr, sur les hauteurs du cimetière du Djellaz à Tunis, contrairement à la majorité des souverains qui sont enterrés au mausolée du Tourbet El Bey situé dans la médina de Tunis.
Protecteur des Juifs
Article connexe : Histoire des Juifs en Tunisie.Alors que son prédécesseur réputé être « le bey des Français », Ahmed II Bey, signe plusieurs textes proposés par les autorités vichystes et visant la communauté juive[5], Moncef Bey met tout en œuvre pour empêcher leur application et refuse tout nouveau texte allant dans le même sens, notamment sur le port de l’étoile jaune, l’instauration du travail obligatoire ou l’exclusion des Juifs de la vie économique[1].
Durant la présence en Tunisie des troupes de l’Axe, de novembre 1942 à mai 1943, il intervient régulièrement pour protéger la population, en particulier les Juifs, chaque fois qu’elle est exposée aux exactions des forces occupantes.
Vie privée
Moncef Bey est le fils de Naceur Bey. Il se marie d’abord avec la princesse Traki (décédée en 1919), une cousine et fille de Hédi Bey[2], qu’il épouse en octobre 1900 à Sidi Bou Saïd. Elle est la mère de ses quatre enfants :
- le prince Slaheddine Bey (1902-1938) ;
- le prince Mohamed Raouf Bey (1903-1977) ;
- le prince Amor Bey (1904-1938) ;
- la princesse Lalla Frida (1911-?).
Il se marie par la suite avec Lalla Zoubaida et une autre cousine, la princesse Habiba (1888-1969), avec qui il divorcera. Sa dernière épouse est Lalla Arbiya (décédée en 1974) qu’il épouse en août 1942 et qui le suivra en exil[2].
Honneurs
Moncef Bey se voit décerner la grand-croix de la Légion d'honneur par le régime de Vichy le 2 juillet 1942[8].
Notes et références
- (fr) Abdelaziz Barrouhi, « Moncef Bey, les juifs, l’Axe et les Alliés », Jeune Afrique, 13 août 2006
- El Mokhtar Bey, De la dynastie husseinite. Le fondateur Hussein Ben Ali. 1705 - 1735 - 1740, éd. Serviced, Tunis, 1993, p. 70
- (fr) Paul Sebag, Tunis : histoire d'une ville, éd. L'Harmattan, Paris, 1998, p. 493
- (fr) Henri Grimal, La décolonisation de 1919 à nos jours, éd. Complexe, Bruxelles, 1985, p. 100
- Adnan et Saadeddine Zmerli, « Moncef Bey, protecteur des Juifs », Jeune Afrique, 19 avril 2009, p. 87
- Jean-François Martin, Histoire de la Tunisie contemporaine. De Ferry à Bourguiba. 1881-1956, éd. L’Harmattan, Paris, 1993, p. 151
- Akram Ellyas et Benjamin Stora, Les 100 portes du Maghreb : l’Algérie, le Maroc, la Tunisie. Trois voies singulières pour allier islam et modernité, éd. Atelier, Paris, 1999, p. 237
- ISBN 9782350771359) Michel et Béatrice Wattel, Les Grand’Croix de la Légion d’honneur : de 1805 à nos jours, titulaires français et étrangers, éd. Archives et Culture, Paris, 2009, p. 532 (
Voir aussi
Bibliographie
- Roger Casemajor, L’action nationaliste en Tunisie. Du Pacte fondamental de M’hamed Bey à la mort de Moncef Bey. 1857-1948, éd. Sud Éditions, Tunis, 2009
- Omar Khlifi, Moncef Bey, le roi martyr, éd. MC-Editions, Carthage, 2006 (ISBN 9973807243)
- Saïd Mestiri, Moncef Bey, éd. Sud Éditions, Tunis, 2008 (ISBN 9789973844866)
- Charles Saumagne, Réflexion sur la réorganisation administrative du protectorat tunisien, éd. Centre d’histoire de Sciences Po, Paris, 1943
- Sadok Zmerli, Espoirs et déceptions en Tunisie. 1942-1943, éd. Maison tunisienne de l’édition, Tunis, 1971
Articles connexes
Catégories :- Husseinites
- Grand-croix de la Légion d'honneur
- Naissance en 1881
- Naissance à Tunis
- Décès en 1948
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